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#76 05-12-2023 22:08

Beruthiel
Lieu : Ile de France
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Re : Robert E. Howard - Conan

J'ai vu que mercredi dernier était sorti un film censé être, selon Allociné,  une "relecture du mythe de Conan le barbare au féminin".

Bande annonce : https://www.allocine.fr/film/fichefilm_ … 95634.html

Il me semble que l'on est vraiment très très loin de Howard...

Personnellement, j'avais vu le film de Milius qui m'avait laissé très indifférente. Suite à vos échanges, j'ai lu il y a quelques année le premier tome de l'édition recommandée par Hyarion.  J'ai bien aimé certaines nouvelles mais j'ai laissé tombé sur la fin, en particulier bien agacée par les personnages féminins... J'ai acheté les tomes suivants. Je m'y mettrai prochainement.

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#77 05-12-2023 23:43

Hyarion
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Re : Robert E. Howard - Conan

Beruthiel a écrit :

Il me semble que l'on est vraiment très très loin de Howard...

J'avoue que, de mon point de vue, ça ne donne pas envie...

Bertrand Mandico, le réalisateur (français) de ce long métrage (luxembourgeois pour la majorité de son financement) a visiblement voulu faire un film très personnel, expérimental, dans lequel il entend proposer une réinterprétation "au féminin" du "mythe Conan" dans un contexte narratif de voyage à travers le temps et de réincarnations...

Howard est certes cité parmi les références du cinéaste mais, en fait, simplement et seulement comme un élément parmi beaucoup d'autres à partir desquels Mandico a imaginé son histoire, censée évoquer avant tout sa propre vision "post-moderne" (?) de la figure archétypale du "barbare" déclinée au féminin, et prétendant prendre le contre-pied du film de Milius... De fait, il me semble également que l'on est là très très loin de Howard, même si accessoirement celui-ci croyait aux vies antérieures.

J'avoue que la bande annonce du film me donne l'impression que Conann de Mandico a autant de rapport avec l'univers littéraire de Howard que le film Beowulf de Graham Baker (avec Christophe Lambert, pour ceux qui s'en souviennent) en a avec Beowulf, le poème original en vieil anglais...

Beruthiel a écrit :

Personnellement, j'avais vu le film de Milius qui m'avait laissé très indifférente. Suite à vos échanges, j'ai lu il y a quelques année le premier tome de l'édition recommandée par Hyarion.  J'ai bien aimé certaines nouvelles mais j'ai laissé tombé sur la fin, en particulier bien agacée par les personnages féminins... J'ai acheté les tomes suivants. Je m'y mettrai prochainement.

Tu feras bien. :-)

Le premier tome (Conan 1. Le Cimmérien) contient d'excellentes nouvelles, dont La Fille du Géant du Gel et La Reine de la Côte Noire, mais aussi des récits écrits seulement pour des raisons commerciales et donc d'un intérêt nettement plus faible, notamment en matière de personnages féminins.

Les tomes suivants (Conan 2. L'Heure du dragon et Conan 3. Les Clous rouges) dont tu parles, Beruthiel, contiennent précisément certaines des meilleures histoires de Conan de Howard, avec notamment justement des personnages féminins intéressants et forts dans certains de ces récits (Le Peuple du Cercle noir, L'Heure du dragon, Une sorcière viendra au monde, Le Maraudeur noir, et bien sûr Les Clous rouges).

Amicalement,

B.

[EDIT: correction de fautes.]

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#78 06-12-2023 00:24

Hisweloke
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Re : Robert E. Howard - Conan

Certes, bien loin de Howard, bigre ! ... Mais wow... Moi elle me donnerait presque envie cette bande annonce... furieuse... Du subtil génie ou du grand nanard, pas d'entre-deux mou là... et la BA tend quand même bien fort vers le second, absolu et ultime... Ça intrigue, tant même le jeu des acteurs semble être un pastiche de mauvais cinéma... Au risque d'un nanard grand cru, mon cœur pourrait balancer... Paske bon, le précédent Conan avec Momoa, il lorgnait quand même plus vers le navet, à part quelques rare fulgurances nanardesques...
D.

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#79 06-12-2023 12:07

Hyarion
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Messages : 2 371

Re : Robert E. Howard - Conan

Le site du cinéma associatif toulousain American Cosmograph (ex-Utopia), où le film est actuellement projeté jusqu'au 19 décembre, résume ainsi l'intrigue du film de Mandico : « Conann, la reine-barbare, se voit condamnée à retrouver la mémoire et à revivre les atrocités qu’elle a commises. Guidée par le chien Rainer, larbin des enfers et paparazza [sic], elle replonge aux sources de sa rage, recroise les cadavres de ses idéaux, de son enfance et de son statut d’esclave jusqu’aux sommets de sa cruauté et de son accession au trône. »

Le premier paragraphe d'une critique dudit film, par Thomas Grignon pour le site Critikat.com, précise un peu les choses : « Contrairement à ce que laisse croire son titre en trompe‑l’œil, Conann ne constitue pas vraiment une relecture du roman de Robert E. Howard ou encore un remake du long-métrage de John Milius. Si Bertrand Mandico se réapproprie bien le décorum de l’heroic fantasy, c’est pour y remplacer le minotaure Schwarzenegger par un cerbère nécrophile, Rainer (Elina Löwensohn), guidant le spectateur comme Virgile à travers les cercles de l’Enfer. Reprenant de loin le canevas de La Divine Comédie de Dante, le cinéaste y donne à « voir le spectacle de la barbarie » (selon les mots du narrateur) à travers l’histoire de Conann : élevée par sa mère, avant d’être enlevée par Sanja et ses guerrières sanguinaires, l’héroïne suit un apprentissage au gré d’une série de métamorphoses (le personnage est joué par six actrices différentes), tandis que le récit s’étale de la préhistoire à l’année 1998 en passant par les grandes guerres du XXe siècle. »

Conan le Cimmérien, tel que conçu par Howard, n'a pas de biographie : on ne sait ainsi presque rien sur son passé familial et sur sa jeunesse, ce qui est volontaire de la part de son créateur. Le Conan de Howard n'a jamais été esclave et n'aurait sans doute jamais pu l'être. Et Howard n'a jamais conçu non plus son personnage de manière téléologique : insister sur son ascension sociale vers la royauté était une lubie de Sprague de Camp, pas du tout de Howard. Voila pourquoi le propos du film de Milius, rien que du simple fait d'être une histoire de vengeance remontant à l'enfance, était déjà, en son temps, clairement en décalage par rapport au personnage littéraire original, le film de Nispel (avec Momoa) étant resté dans la même veine, celle de l'origin story sans rapport avec la création howardienne.

Une déclinaison originale de Conan au féminin (d'inspiration howardienne, loin donc des excès passés des concepteurs de Red Sonja) située dans un monde secondaire de fantasy pourrait être intéressante, de même qu'une histoire de fantasy d'inspiration howardienne qui serait centrée sur un personnage féminin fort créé par Howard (Atali, Bêlit, Yasmina, Zenobia, Salomé, Belesa, Valeria... il y a plein de possibilités). Ce pourrait être une manière pertinente et originale d'aborder la dichotomie barbarie/civilisation telle que mise en scène par Howard dans ses écrits.

Avec Mandico, qui ne situe même pas son propos dans un monde secondaire de fantasy, on est vraiment très, très loin de tout cela... jusque dans sa vision, semble-t-il très basiquement "inhumaine", de la notion de barbarie. Peut-être cependant avons-nous effectivement affaire à un nanard de compétition...

Peace and Love,

B.

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#80 07-12-2023 21:24

Beruthiel
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Re : Robert E. Howard - Conan

Merci pour le repérage des meilleures nouvelles, Hyarion, je m’y mettrai quand j’aurai fini ma relecture de l’Éducation Sentimentale, le changement va être un peu brutal...
Quant au film, je vais trop rarement au cinéma pour prendre le risque d’aller le voir...

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#81 10-12-2023 18:31

Hyarion
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Re : Robert E. Howard - Conan

Beruthiel a écrit :

Merci pour le repérage des meilleures nouvelles, Hyarion, je m’y mettrai quand j’aurai fini ma relecture de l’Éducation Sentimentale, le changement va être un peu brutal...

Oui, évidemment, cela sera très différent... mais ceci dit, je pense que le changement serait nettement moins accentué si tu finissais de relire Salammbô. Il y a sans doute matière à comparaison entre cet autre roman de Flaubert et au moins certains récits de Howard. Ce dernier a-t-il lu Flaubert ? Au moins en avait-il entendu parler... Je repense à cette lettre de Lovecraft adressée à Howard, écrite à Providence le 7 novembre 1932, dans laquelle le créateur de Cthulhu écrit, entre autres, que “Flaubert is a genuine master” et que “Maupassant is probably the greatest short story writer of all time”...

Par ailleurs, mais toujours s'agissant de références littéraires françaises et plus largement européennes du XIXe siècle (et du tout début du XXe), comme je l'avais écrit dans mon article sur La Fille du Géant de Gel, paru en 2019 dans la revue Fantasy Art and Studies n°6 (p. 9-24), on sait que Howard connaissait notamment des œuvres d'auteurs tels que Algernon Charles Swinburne, Oscar Wilde, Joris-Karl Huysmans et Pierre Louÿs.

Dans un registre "classique" américain, on pourra aussi noter que l'écriture de la nouvelle de Howard Le Maraudeur noir (dans le volume Conan 3. Les Clous rouges, déjà cité) a été pour partie très clairement influencée par la lecture du célèbre roman La Lettre écarlate (1850) de Nathaniel Hawthorne.

Tout cela simplement pour rappeler que les écrivains nés dans les années 1890 et 1900 ont naturellement été tributaires, d'une manière ou d'une autre, de l'immense flot littéraire qu'a apporté le XIXe siècle en Occident... mais que cela n'empêche certes pas de constater bien des différences plus ou moins importantes en matière de styles et de sujets, d'un livre à l'autre et/ou d'un auteur à l'autre ! ^^

Beruthiel a écrit :

Quant au film, je vais trop rarement au cinéma pour prendre le risque d’aller le voir...

Je te comprends, Beruthiel : quitte à aller rarement au cinéma, autant bien choisir ce que l'on va aller voir... et ne pas prendre le risque de tomber sur un film dont on sent qu'il a de bonnes chances de ne pas nous plaire et/ou de ne pas être mémorable...

Personnellement, depuis l'automne de l'année dernière, je me suis décidé à retourner de temps en temps dans les salles obscures, et jusqu'en octobre dernier, après quoi la motivation a de nouveau fondue, face à une offre d'aujourd'hui qui continue à ne pas beaucoup me parler, l'accumulation des soucis s'arrangeant rien (même si je n'ai pas renoncé, pour autant et par ailleurs, mais lorsque j'ai encore le temps, aux visites de musées, aux concerts classiques [tant que je peux], et au visionnage de films en DVD)...
Je viens justement de retrouver les tickets de séances de cinéma pour les quelques films récents que j'ai vus sur grand écran depuis novembre 2022... mais il vaut mieux que j'en parle dans un autre fuseau.

Pour en revenir à Robert E. Howard, le dernier projet d'adaptation au cinéma d'une partie de son œuvre littéraire était celui de Christophe Gans, « Dark Agnès », d'après les récits d'aventure historique mettant en scène Agnès de Chastillon, personnage féminin (et même féministe) créé par Howard en 1934, et qui avait à l’époque enthousiasmé Catherine L. Moore (créatrice de Jirel de Joiry). Comme pour de nombreux autres projets abandonnés ou suspendus de Gans, on n'en a plus entendu parler, depuis 2011... À la place, on a donc droit à la Conann de Mandico, mais franchement, comme je l'ai déjà écrit précédemment, ça ne donne pas envie.

Peace and Love,

B.

[EDIT: ajout d'un lien hypertexte, vers un fuseau dédié à l'audiovisuel]

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#82 08-02-2024 11:02

Beruthiel
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Re : Robert E. Howard - Conan

J’ai achevé ma lecture des deux derniers recueils consacrés à Conan. C’est effectivement beaucoup mieux que la deuxième moitié du premier volume que j’avais fini par abandonner. Les scènes d’action sont efficaces, les décors bien plantés, les intrigues (en général) bien construites.

Dans le deuxième volume, j’ai préféré L’Heure du dragon, sans doute pas le récit le plus personnel de Howard cependant. J’ai été un peu déçue par Une sorcière viendra au monde. La tirade de Salomé au début de l’histoire est forte :

« Je suis, moi aussi, Salomé. Cela a toujours été Salomé, la sorcière. Ce sera toujours Salomé, la sorcière, même lorsque les glaciers seront descendus du pôle en grondant pour écraser les civilisations et les réduire à l'état de ruines et qu'un monde nouveau sera né sur les cendres et la poussière du précédent. À cette époque encore, il y aura des Salomé à la surface de la terre, pour asservir le cœur des hommes avec leurs sortilèges, pour danser devant les monarques de ce monde et pour voir tomber les têtes des sages selon leur bon plaisir... »

Après cela, on s’attend à ce que Salomé en fasse voir de toutes les couleurs à Conan ! Mais non… Le personnage de Salomé est un peu raté, me semble-t-il. Elle ne dégage pas d’impression de puissance comme Tascela dans Les Clous rouges. Il n’y a pas d’affrontement avec Conan, le monstre qu’elle conjure se fait rapidement expédié...  Le plus intéressant de la nouvelle est plutôt ce qui se passe en dehors de la cité.

Le dernier volume est mon préféré (sauf Les mangeurs d’hommes de Zamboula).  Dans Le maraudeur noir, j’ai apprécié le duo formé par Belesa et Tina. Belesa est un personnage réussi de femme « normale ».  J’ai aimé la noirceur d’Au-delà de la rivière noire et surtout des Clous rouges (ma préférée, la plus marquante), quand Howard est au cœur de son sujet sur la confrontation civilisation-barbarie et la décadence de la civilisation.

Je continue cependant à trouver pénible cette insistance permanente sur le corps des femmes et la force des hommes, même si j'ai compris que cela faisait partie du cahier des charges imposé à Howard pour vendre ses nouvelles. Par ailleurs je préfère les héros ou héroïnes qui sont moins sûrs de leur force...

Mais cela aurait été dommage de passer à côté du meilleur de Howard. Je te remercie donc, Hyarion, pour m’avoir incitée à cette découverte.

Céline

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#83 08-02-2024 18:58

Hyarion
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Re : Robert E. Howard - Conan

Beruthiel a écrit :

J’ai achevé ma lecture des deux derniers recueils consacrés à Conan. C’est effectivement beaucoup mieux que la deuxième moitié du premier volume que j’avais fini par abandonner. Les scènes d’action sont efficaces, les décors bien plantés, les intrigues (en général) bien construites. [...]

Beruthiel a écrit :

...cela aurait été dommage de passer à côté du meilleur de Howard. Je te remercie donc, Hyarion, pour m’avoir incitée à cette découverte.

You're welcome, Céline. Je suis ravi que cette découverte ait été intéressante et agréable pour toi.

Beruthiel a écrit :

Dans le deuxième volume, j’ai préféré L’Heure du dragon, sans doute pas le récit le plus personnel de Howard cependant. J’ai été un peu déçue par Une sorcière viendra au monde. La tirade de Salomé au début de l’histoire est forte :
« Je suis, moi aussi, Salomé. Cela a toujours été Salomé, la sorcière. Ce sera toujours Salomé, la sorcière, même lorsque les glaciers seront descendus du pôle en grondant pour écraser les civilisations et les réduire à l'état de ruines et qu'un monde nouveau sera né sur les cendres et la poussière du précédent. À cette époque encore, il y aura des Salomé à la surface de la terre, pour asservir le cœur des hommes avec leurs sortilèges, pour danser devant les monarques de ce monde et pour voir tomber les têtes des sages selon leur bon plaisir... »
Après cela, on s’attend à ce que Salomé en fasse voir de toutes les couleurs à Conan ! Mais non… Le personnage de Salomé est un peu raté, me semble-t-il. Elle ne dégage pas d’impression de puissance comme Tascela dans Les Clous rouges. Il n’y a pas d’affrontement avec Conan, le monstre qu’elle conjure se fait rapidement expédié...  Le plus intéressant de la nouvelle est plutôt ce qui se passe en dehors de la cité.

En effet, s'agissant de la narration, les meilleurs moments de ce récit se passent surtout à l'extérieur de Khauran.

Le personnage de Salomé est intéressant en ce qu'il convoque tout l'imaginaire attaché à ce nom, du personnage antique auquel il ait fait allusion dans les Évangiles jusqu'à la figure de femme fatale qui en a découlé et qui a inspiré, notamment dans la deuxième moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle, de nombreux artistes comme Gustave Moreau, Oscar Wilde, Franz von Stuck, Gaston Bussière, etc. (tout un chapitre dans mon projet de livre était consacré à cela...). Le crucifiement de Conan, dans le même récit, même s'il rappelle factuellement le martyre de saint André (de par la forme de la croix), est une autre allusion volontairement transparente à la Bible, et dans ce cas-là évidemment à la Crucifixion de Jésus de Nazareth. Ces références peuvent apparaître comme une manière d'associer l'héritage mythique de la Bible, notamment des Évangiles (soit, au passage, ce que Tolkien considérait, lui, comme un « mythe vrai »), à l'ensemble des mythes de l'humanité trouvant, d'une manière ou d'une autre, une origine dans les récits de ce passé alternatif qu'est censé être l'Âge hyborien (la tirade de Salomé, que tu cites, va d'ailleurs dans ce sens).

Il est vrai que Salomé est, chez Howard, un personnage qui aurait pu être davantage développé comme antagoniste direct de Conan, un peu comme c'est le cas avec Atali dans La Fille du Géant du Gel. Tu auras pu cependant remarquer un autre personnage de sorcière, dans le même volume, celui de Zelata dans le roman L'Heure du dragon, également intéressant en ce qu'il ne ressemble pas du tout à Salomé ni d'ailleurs à aucun autre personnage féminin que l'on peut trouver dans les histoires de Conan de Howard.

Beruthiel a écrit :

Le dernier volume est mon préféré (sauf Les mangeurs d’hommes de Zamboula).  Dans Le maraudeur noir, j’ai apprécié le duo formé par Belesa et Tina. Belesa est un personnage réussi de femme « normale ».  J’ai aimé la noirceur d’Au-delà de la rivière noire et surtout des Clous rouges (ma préférée, la plus marquante), quand Howard est au cœur de son sujet sur la confrontation civilisation-barbarie et la décadence de la civilisation.

On est effectivement, dans ces récits (Le Peuple du Cercle noir, Le Maraudeur noir, Au-delà de la rivière noire, Les Clous rouges), au coeur de la maturité créative de Robert Howard s'agissant de Conan et de son univers, même si de très bon récits avaient déjà été écrits auparavant et figurent dans les deux premiers volumes.

Concernant le duo féminin formé par Belesa et Tina, on pourra noter que Tina est un des très rares jeunes personnages, encore enfant, mis en scène par Howard dans son oeuvre, avec dans ce cas-ci, une scène de "punition" très dure, en intérieur, dans le cours du récit. De façon générale, à de très rares exceptions près, on ne trouvera pas chez Howard ni d'évocations, « à la Tolkien », d'intérieurs de logis plus ou moins familiaux qui seraient à la fois confortables et rassurants, ni non plus d'évocation méliorative de figures paternelles. Il n'est pas impossible que cela ait pu avoir un rapport avec un trauma personnel, comme Patrice (Louinet) en a formulé l'hypothèse dans sa thèse de doctorat sur l'écrivain, soutenue à La Sorbonne en 2019 (j'y avais fait allusion ailleurs, à l'époque).

Beruthiel a écrit :

Je continue cependant à trouver pénible cette insistance permanente sur le corps des femmes et la force des hommes, même si j'ai compris que cela faisait partie du cahier des charges imposé à Howard pour vendre ses nouvelles. Par ailleurs je préfère les héros ou héroïnes qui sont moins sûrs de leur force...

Il y a effectivement, dans ces récits, des éléments récurrents en matière d'altérité sexuelle. Howard, à mon sens, au-delà même du cahier des charges du marché éditorial dans lequel il devait effectivement exerçer son métier, insistait trop régulièrement sur la force physique de ces personnages masculins, et pour le coup, cela fait clairement partie des choses qui m'intéressent le moins dans son œuvre.

Mais Howard est un auteur qui était aussi capable de dépasser les clichés, les poncifs et ses propres habitudes en la matière. À cet égard, je recommande les nouvelles Agnès la Noire (Sword Woman), mettant en scène Agnès de Chastillon dont j'ai déjà parlé, et La Pierre Noire (The Black Stone), un récit lovecraftien par Robert Howard mais qui est digne des meilleures histoires de Lovecraft lui-même et qui met en scène un personnage intellectuel très éloigné des hommes « forts » physiquement habituellement associés à la fiction howardienne (ce personnage intellectuel se révélant même proche de l'écrivain et peut-être plus qu'il n'aurait osé l'avouer lui-même, notamment dans sa correspondance).
Ces deux récits figurent dans un autre recueil paru dans la collection du Livre de poche, Le Royaume des chimères, qui contient également une (très bonne) histoire de Kull de Valusie ayant ce titre : https://www.noosfere.org/livres/niourf. … 2146618016

Peace and Love,

Benjamin.

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#84 09-02-2024 22:07

Beruthiel
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Re : Robert E. Howard - Conan

Hyarion a écrit :

Tu auras pu cependant remarquer un autre personnage de sorcière, dans le même volume, celui de Zelata dans le roman L'Heure du dragon

Oui, effectivement, le personnage de Zelata est atypique et intéressant.

Merci pour toutes ces précisions et conseils supplémentaires, en particulier pour la Pierre Noire . J’avais bien aimé la touche « lovecraftienne » dans les premiers récits de Conan, qui se fait moins sentir après. Je suis donc curieuse de découvrir cette histoire.

Céline

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#85 04-11-2024 23:33

Hyarion
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Re : Robert E. Howard - Conan

Quelques mois plus tard...

Beruthiel a écrit :

Merci pour toutes ces précisions et conseils supplémentaires, en particulier pour la Pierre Noire . J’avais bien aimé la touche « lovecraftienne » dans les premiers récits de Conan, qui se fait moins sentir après. Je suis donc curieuse de découvrir cette histoire.

Maintenant que j'y repense tout-à-coup, je me permets de demander : as-tu finalement pu lire cette nouvelle, Céline ?

Amicalement,

B.

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#86 Hier 22:30

Beruthiel
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Re : Robert E. Howard - Conan

Oui, j’ai lu les nouvelles du recueil Le Royaume des chimères. J’ai apprécié La Pierre noire mais sans trouver, comme tu le disais, qu’elle arrive au niveau des meilleures histoires de Lovecraft. Ce que j’aime, chez Lovecraft, c’est l’atmosphère qu’il arrive à créer, la manière dont il instille progressivement les éléments horrifiques avant des « pics » dans l’horreur pure. Je ne trouve pas que cela soit aussi réussi dans La Pierre noire. J’ai en particulier trouvé que la description de la cérémonie autour de la pierre est trop longue et détaillée, cela fait plutôt descendre la tension dramatique (pour moi en tout cas).

Dans Agnès la Noire,  l’évolution du personnage est intéressante. Howard décrit bien la manière dont Agnès prend progressivement conscience de sa force. Au niveau de l’histoire elle-même, j’ai aimé le début (jusqu’à la fuite du village) mais la suite m’a paru un peu faible.

Mes nouvelles préférées sont plutôt Les Pigeons de l’horreur (très efficace et lovecraftienne aussi il me semble), Les Vers de la Terre (dont j’ai bien aimé l’atmosphère : la lande, les marécages, la brume…) et L’Homme Noir.

Merci encore pour les conseils !

Céline

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