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#1 11-01-2020 16:34

ISENGAR
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Bandes dessinées biographiques

Je n'avais pas eu le temps de faire un retour sur deux sorties exceptionnelles car rarissimes (même si celles-ci avaient été évoquées dans les actus de JRRVF en septembre dernier) : deux bandes dessinées consacrées à la jeunesse de Tolkien et à son expérience de la guerre, publiées quasi simultanément par deux éditeurs différents - et en langue française.

La première est disponible depuis le 28 septembre. Elle s'intitule JRR Tolkien et la Bataille de la Somme, Dans un trou sous la terre (éditions A Contresens).
Elle est le fruit du travail du dessinateur Corentin Lecorsier et du scénariste Emmanuel Beaudry.

La deuxième a été publiée fin octobre. Il s'agit de Tolkien, Éclairer les Ténèbres (éditions Soleil), de Willy Duraffourg et Flavia Caracuzzo (pour le scénario) et Giancarlo Caracuzzo (pour le dessin).

I.

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#2 11-01-2020 17:57

ISENGAR
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Re : Bandes dessinées biographiques

Je commence par JRR Tolkien et la Bataille de la Somme, Dans un trou sous la terre (éditions A Contresens), puisque je viens de la lire et que je l'ai sous les yeux smile


1578756981_bd.jpg


Cette bande dessinée nous a été livrée par le duo français Emmanuel Beaudry et Corentin Lecorsier, respectivement au scénario et au dessin. On apprend à la toute fin du livre que les auteurs ont bénéficié d'un soutien du Conseil Régional des Hauts-de-France.

Le récit de cet ouvrage s’intéresse donc, comme son titre relativement explicite l'indique, à l’expérience du jeune JRR Tolkien durant la bataille de la Somme.

La première impression de lecture pourrait être négative. Le dessin est chargé, sombre, souvent confus (il est difficile de reconnaître les personnages d'une case à l'autre, sauf Edith Tolkien, dont la plastique audacieusement idéalisée permet une identification aussi facile qu'immédiate wink...).

Mais la seconde lecture (il faut toujours faire une seconde lecture) permet une approche plus positive.

Le scénario tient plutôt bien la route, et le choix de donner la parole au jeune Tolkien (qui devient narrateur d'une sorte de journal quotidien de son séjour dans la Somme) contribue à l'identification du lecteur au personnage principal (à défaut de le reconnaître d'une case à l'autre - ok, j'arrête).

La variété des dessins, où le sombre domine, s'accorde au final assez bien avec l'ambiance pesante et angoissante de l'attente et de la proximité permanente de la mort dans les tranchées.
Certaines cases, lourdement travaillées au feutre noir, pointe épaisse, auraient pu être l’œuvre de ma fille de 6 ans, mais en réalité, c'est une intelligente métaphore graphique de la boue, des lourdes mottes de la terre picarde soulevées par les explosions, de l'obscurité et de l'absence de vie, que le feutre sait rendre avec, au final, une certaine réussite.

Ailleurs, le ton est plus léger, le dessin s’éclaircit, s'affine, couleurs pastelles et aquarelles dominent.


1578758594_bd2.jpg


Cette alternance me semble assez heureuse et contrebalance l'irrégularité du trait, qui peut contribuer à égarer le lecteur. Mais elle ne ravira certainement pas les amateurs de ligne claire  big_smile

Des propos introductifs (une "note des auteurs"), plutôt justes et bien écrits, donnent quelques repaires biographiques utiles, avant de plonger dans l'obscurité contrôlée de l'ouvrage. On voit au travers de ce texte, comme dans le fil du récit, que les deux auteurs se sont sérieusement et correctement documentés (citer des extraits de poèmes de G.B. Smith n'est pas à la portée de tout le monde, cf la deuxième illustration ; et j'ai également noté des passages descritifs inspirés - sauf erreur de ma part - de passages de Gabriel Chevallier et de Henri Barbusse).
Il manquerait presque une petite moustache d'officier à Tolkien pour que l'ensemble embrasse de peu la perfection tongue .

Mais une faute, un détail, me direz-vous, a attiré mon œil madré de briscard de la jacksonophobie old school.
Jusque là, l'univers de cette bande dessinée montrait une réelle indépendance artistique du dessinateur par rapport à de possibles influences extérieures. Hélas, le dernier dessin de l'avant-dernière page représente la pseudo Barad-Dûr jacksonienne, avec son œil-projecteur. Arrivé en toute fin de lecture, ce petit détail agaçant (de mon point de vue que personne n'est obligé de partager) a gâché l'ébauche de plaisir naissant tongue

Et vous noterez que par pure bonté d'âme, je ne dit rien des oreilles en forme de feuilles, qui pointent étonnamment ici et là (en couverture, notamment, voir la première illustration ci-dessus).

Bon, au final, cette bande-dessinée, difficile d'accès, reste tout de même un ouvrage aux qualités artistiques indéniables.
C'est une curiosité qui pourrait mériter de figurer au panthéon - certes particulièrement réduit - des bandes dessinées consacrées à Tolkien et à son œuvre.


Si vous souhaitez en savoir plus, une fiche est consacrée à cette BD sur Tolkiendil, avec quelques illustrations supplémentaires.

I.

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#3 12-01-2020 09:20

Cédric
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Re : Bandes dessinées biographiques

Merci Isengar pour ce retour.
Le Père Noël m'a donné Tolkien, Éclairer les Ténèbres. Pas encore lu mais ta critique me guidera dans ma lecture, merci ! smile

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#4 12-01-2020 14:52

Elendil
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Re : Bandes dessinées biographiques

Je partage très exactement l'avis d'Isengar sur cette BD, que j'ai eu l'occasion de découvrir l'an dernier au festival Tolkien de Plouha (un bien agréable événement breton, il faut le souligner).

E.

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#5 15-01-2020 20:11

Yyr
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Re : Bandes dessinées biographiques

Merci beaucoup JR pour ce compte-rendu !

Jérôme

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#6 26-01-2020 19:33

ISENGAR
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Re : Bandes dessinées biographiques

Comme promis, voici la suite de cette modeste revue des deux bandes dessinées.

C’est à présent Tolkien – éclairer les ténèbres (Soleil), qui va nous intéresser.

1580062061_bd3.jpg

Cette bande dessinée est plus longue que la précédente.
On y retrouve un narrateur à la première personne, qui n’est autre que J.R.R. Tolkien s’adressant visiblement à un interlocuteur qui n’est dévoilé qu’à la fin de l’ouvrage.

Le narrateur sillonne, à la manière d’un roman graphique, les étapes de sa propre jeunesse et son expérience de la guerre, dans un ordre strictement chronologique, même si l’argument de départ traite d’un épisode d’excès de fièvre qui entraîne le narrateur dans des souvenirs oniriques mais délirants de l’horreur des tranchées où, pêle-mêle, s’enchaînent sur un champ de bataille dévasté des figures maléfiques bien connues de la Terre du Milieu. Une façon d’insister d’entrée sur l’influence de l’expérience des combats de La Somme sur l'imaginaire de l’auteur.

D’une certaine façon, les auteurs sont proches du parti pris de Dome Karukoski dans son film inspiré de la jeunesse de Tolkien, mais sans prendre la grande liberté des chemins de traverse adoptée par le cinéaste.
Au contraire, les auteurs se sont attachés à se rapprocher scrupuleusement, y compris par d’inévitables voies spéculatives – mais cohérentes et réalistes – de la biographie de Tolkien et de ses détails parfois méconnus.

Il y a tout de même une petite collection d’erreurs factuelles, sur lesquelles je vais revenir, et qu’on ne retrouve pas dans la bande dessinée de Beaudry et Lecorsier.

Si on cède à la tentation de la comparaison, on remarque que dans l’esprit des scénaristes des deux bandes dessinées, certains stéréotypes réapparaissent. Je ne pense pas  que les deux équipes se sont concertées, alors je trouve ce détail suffisamment amusant pour le partager ici. A vous de juger en comparant par exemple les deux vignettes relatives aux retrouvailles entre G.B. Smith et J.R.R. Tolkien (voir message ci-dessus), avec l'usage, ici aussi, d'un extrait de A Spring Harvest de G.B. Smith smile

1580062442_coquelicots_2.png


Globalement, la lecture de cette bande dessinée est assez rythmée et plutôt agréable, les scénaristes Flavia Caracuzzo et Willy Duraffourg ont en effet choisi de faire se succéder les épisodes biographiques à raison d’un par page, ou d’un pour deux pages, selon leur importance ou quand la forme de narration adoptée l’exige. Il y a même un épisode couvrant trois pages successives, celui des échanges de correspondances entre les membres survivants du TCBS, intelligemment et savoureusement mené.

Le dessin de Giancarlo Caracuzzo est également beaucoup plus accessible que celui de Lecorsier, et contribue à une lecture agréable de l’ensemble.
Notons au passage que le style de Caracuzzo permet de reconnaître les personnages d’une case à l’autre smile

Lecture agréable, renforcée par le souci de l’exactitude du détail qui peut flatter l’esprit du connaisseur. Par exemple l’évocation de Vincent Trought, membre fondateur du TCBS, mort prématurément en janvier 1912 et grand oublié des nombreuses évocations de la jeunesse de Tolkien (sauf par votre serviteur, pour ne citer que lui). 
Autre exemples plaisants, la restitution fidèle de la maison de la Tante Jane à Gedling (à partir d’un dessin de Tolkien lui-même) ; la présence de la moustache d’officier, oubliée par les autres tentatives biographiques de 2019 ; la mention de la pression sociale (évoquée par Tolkien dans la lettre 43 à son fils Mickael en 1941)…

Cependant, il y a aussi pas mal d’erreurs qui, lorsqu’on les repère, contrarient la fluidité de la lecture. Ces erreurs sont dues, à mon avis, à une volonté d'être exhaustifs de la part des auteurs. Mais cette objectif, ambitieux, a conduit à un inévitable emmêlement de pinceaux.

Je pense, par exemple, à l’évocation d’un déménagement de Tolkien à Cheltenham. C'est un déménagement qui n’a jamais existé, mais qui a pu être confondu par les auteurs avec le départ d’Edith à Cheltenham, à l’heure de la première séparation, tandis que Tolkien et son frère étaient contraints, sur l’injonction du père Morgan, de s’installer dans une pension à Highfield Road à Edgbaston.

Je pense également à l’épisode curieux du mariage et de l’absence du père Morgan à cet événement.
Celui-ci a été célébré par un prêtre catholique de Warwick, le père Murphy, mais si le père Morgan a effectivement été prévenu tardivement par Tolkien de cette union, rien n’indique, ni dans les Lettres, ni dans la biographie de Carpenter, qu’il n’ait pas été présent sur place. L’inverse n’est certes pas précisé non plus, mais dans le doute, je trouve que l’aspect spéculatif de cet épisode est de trop, et j’ai eu du mal à en saisir l’objectif.
D’une manière générale, le père Morgan est traité d’un point de vue très contemporain, sans tenir compte du contexte et des liens sociaux et moraux de l’époque. Dome Karukoski a fait la même erreur, décuplée par l’impact des images qui bougent, dans son « biopic ».

Quelques autres détails également, indiquent que le souci de l’exactitude n’a pas été étendu par les auteurs à tous les aspects de la jeunesse de Tolkien. Par exemple :

- l’idéalisation de la maison de Rednal, avec un beau jardin d'agrément. En réalité, il s’agissait de la location d’une modeste chambre dans un cottage sans jardin (juste une allée, une cour et un hangar, avec une pente boisée à l'arrière) occupé par les propriétaires, le postier de Rednal et sa femme. Il ne s'agissait pas de vacances dans le cottage lui-même, mais le cottage a servi un bel été durant, à la petite famille Tolkien de se retrouver et de goûter, une dernière fois, à la vie à la campagne qui entourait Rednal ;

- les sorties du soir des lycéens à Barrows Store, très exagérées  (les membres du TCBS étaient alors mineurs, les rendez-vous avaient lieu en fin d’après-midi ou durant les entre-cours du début de l’été, et le salon de thé n’était pas un bar pour les fêtards noctambules !) ;

- Tolkien représenté seul avec sa fiancée dans un logement plutôt bourgeois, et hors de la présence de la fameuse cousine Jennie Grove (dessinée rarement et sous les curieux traits d’une jeune fille - elle était beaucoup plus âgée en réalité qu'Edith et Ronald), alors que ses visites dans le logement de Warwick étaient en fait épisodiques et, tant que duraient les fiançailles, toujours chaperonnées par la cousine. C'est un détail, certes…

- la présence d’un tank visiblement détruit sur le champ de bataille du 1er juillet 1916. Or, les premiers tanks mis en service par les anglais sur le front de la Somme sont apparus le 15 septembre 1916, pas avant.

- lors d’une évocation de la famille, à la fin de l’ouvrage, il semble bien qu’il manque un des enfants du couple Tolkien…

J’arrête là.
Ce pinaillage digne d'un Isengar chronométrant frénétiquement un chef d’œuvre de Peter Jackson ne doit pas brider le plaisir de lire cette bande dessinée globalement réussie, et agrémentée, dans les dernières pages de l’ouvrage, d’un cahier dédié aux inspirations de Tolkien et réalisée par Virginie Duchêne-Alliot (une éditrice parisienne). Ce cahier, bien fait et correct, cite abondamment des expressions tirées des ouvrages de références qui sont répertoriés dans la bibliographie à la fin du livre. C’est plutôt bien vu, et permet de terminer sur une note très positive.

Au final, de ces deux bandes dessinées pleines de qualités et de défauts, ma préférence va sans doute vers celle de Beaudry et Lecorsier, qui offre l’approche artistique la plus originale et qui ne recherche pas l'exhaustivité des faits de jeunesse ou des faits de guerre de Tolkien.

Quoiqu’il en soit, c’est un plaisir d’avoir deux bandes dessinées – en français – pour agrémenter la vaste collection des œuvres sur notre auteur préféré smile
Profitons-en et célébrons cette spécificité hexagonale à l’occasion de l’année de la bande-dessinée !

Bonne soirée !

I.

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#7 27-01-2020 01:14

Yyr
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Re : Bandes dessinées biographiques

Hé bé !

Profitons-en aussi pour célébrer notre Isengar national, que les anglais peuvent nous envier ;).

Merci J-R !

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#8 30-01-2020 08:43

Pellucidar
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Re : Bandes dessinées biographiques

Merci Isengar pour ces revues, en particulier celle de la première bd, dont j’ignorais la parution.

J’ai acheté « Eclairer les ténèbres » il y a quelques semaines, pour la collection je dois avouer, car le dessin ne m’a guère emballé dès le premier coup d’œil (signalons au passage que l’illustration de couverture, à la manière des comics américains, n’est pas du même dessinateur).

En page 5, on voit Tolkien en novembre 1916 alité dans un hôpital avec Edith à son chevet, et portant un bandage ensanglanté sur la tête… Or, je n’ai pas souvenance qu’il ait jamais été blessé à la tête au Front  wink, si ?

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#9 30-01-2020 13:36

ISENGAR
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Re : Bandes dessinées biographiques

Tu as tout à fait raison.
Ce détail m'avait échappé, mais cette blessure est totalement imaginaire. On la retrouve plus loin, en page 66. A rajouter à la liste des détails ratés de cette BD.

A moins que, dans une intention de pousser le réalisme jusqu'au bout, les scénaristes aient imaginé que Tolkien convalescent essayait de se mettre debout malgré un excès de fièvre, et qu'un vertige lui ait fait perdre l'équilibre, sa tête heurtant la grande armoire solitaire dessinée dans les plans larges de la 4è case de la page 5 et de la dernière case de la page 66... quel habile pouvoir de suggestion big_smile

I.

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#10 07-03-2024 09:43

ISENGAR
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Re : Bandes dessinées biographiques

Hello,

On n'en a pas parlé lors de sa sortie (fin 2023), mais la bande dessinée de Caracuzzo et Duraffourg existe désormais en anglais, sous le titre Tolkien: Lighting Up The Darkness.
https://www.tolkienguide.com/store/9781684971879

Amusant, si vous voulez la trouver sur Google books pour la feuilleter, il vous faudra inscrire le titre Tolkein: Lighting Up The Darkness (sic).  lol

I.

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