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Bonjour à tous et à toutes,
Après avoir lu l'analyse littéraire de Beren et Luthien par Greyelm, je crois à juste titre que l'on peut compter parmi les sources médiévales et celtiques de Tolkien, les Lais de Marie de France.
Par contre je m'interroge sur le bien fondé dans l'oeuvre de Tolkien du concept de la doctrine courtoise de la fin'amor ou "amour parfaite" pronée par les troubadours, et ensuite récupérée et quelque peu modifiée par les trouvères (dont Chrétien de Troyes).
La fin'amor assimile, me semble-t-il, l'amour au désir. Or le désir s'éteint s'il est assouvi. La fin'amor est donc par principe un amour adultère. Mais une sensualité profonde anime l'histoire de Beren et Luthien (ils s'aimèrent tout un printemps et un été après leur rencontre dans le plus grand bonheur; Celegorm désire Luthien ainsi que Morgoth) comme le veut la fin'amor. Je pense naturellement à Lancelot/Guenièvre et à Tristan/Iseult, amours maudits dont les histoires finissent mal; alors que celle de Beren/Luthien finit comme un vrai conte de fées.
Peut-on qualifier alors leur aventure amoureuse de courtoise? L'expression d'amour courtois a été inventée au 19ième siècle, mais quelle en est exactement sa conception de l'amour?
Dans le SdA, lorsque Gimli dit son désir de posséder une mèche blonde de Galadriel, celle-ci répond:
« On prétend que l'art des Nains réside plutôt dans leurs mains que dans leur langue (...) mais ce n'est pas vrai pour Gimli. Car nul ne m'a jamais présenté requête aussi hardie et pourtant aussi courtoise... »
Livre II, ch.8
Ailleurs, je crois que les hobbits disent aussi qu'Aragorn est homme bien courtois.
Quel sens doit-on donner aussi à ces termes?
Courtoisement
Cathy
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va sur www.chez.com/elostirion sur le forum et demande Marineva, c'est une spécialiste du fin'amor
l'intendant à ton service.
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Décidément Cathy, tu n'hésites guère devant les sujets les plus ardus mais je vais néanmoins essayer d'apporter de l'eau à ton moulin.
On peut définir la fin'amor comme une relation amoureuse qui implique la transgression d'un interdit considéré au moyen-âge comme une faute terrible à savoir l'acte d'adultère. En outre la fin'amor n'existe que dans le cas d'une relation où l'amant (souvent un chevalier) se trouve dans une position sociale inférieure à celui de la dame de son coeur (cf Guenièvre). Il existe donc une double impossibilité à satisfaire cet amour (la faute et la fossé social) d'où la frustration et le sentiment permanent de désir.
Dans le cas de Lancelot et Guenièvre c'est juste jusqu'au moment où ils finissent par coucher ensemble (cf Le Chevalier à la Charrette). D'où problème : à partir de cet instant, l'amour devrait s’atténuer avec l'assouvissement du désir or ce n'est pas le cas. Pareil dans le cas de Tristan et Iseut si mes souvenirs sont bons. Donc je ne pense pas qu'on puisse définir la fin'amor comme un simple désir de possession mais bien comme une histoire d'amour entravé, complexe parce qu'en butte aux conventions religieuses et sociales.
Mais pour en revenir à Tolkien et le cas Beren et Luthien, il est vrai que leur amour est consommé rapidement. Pourtant, là encore, l’opposition est forte car Elwë se refuse à donner sa fille à Beren et le roi va même jusqu'à mettre l'amant inconscient au défi en lui demandant de récupérer l'un des Silamrils de la couronne de Morgoth. Donc à nouveau une problématique sociale : Elwë juge Beren indigne de Luthien. Cependant point d'adultère puisque Luthien est vierge et sans époux. Comme tu le vois on y retrouve certains éléments de la fin'amor mais d'autres sont absents.
On a ici :
- une inégalité de position des amants
- une mise au défi (bien qu'en général ce soit la dame qui éprouve l'amour de son soupirant et non son papa)
On n'a pas :
- d'acte d'adultère à proprement parler mais la transgression d'un interdit paternel (Elwë couve honteusement sa fille).
Donc je ne pense pas que dans ce cas au moins on puisse parler d'amour courtois ou de fin'amor. Mais ce sujet mériterai un long traitement tant il est intéressant et l'on pourrait longuement en discourir.
Pour ce qui est de Gimli, j'essaie d'y réfléchir un peu plus et je t'en reparle.
Au plaisir.
Finduril
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j’aime bien cette question ;-)
il peut être intéressant distinguer l’« amour courtois » au sens strict, tel que vous le définissez, et la conception un peu vague qu’en ont les lecteurs depuis le XIXe siècle, et qui met l’accent sur le côté absolu de l’amour, la soumission de l’amant à sa dame, etc., plus que sur les caractéristiques sociales et politiques.
Dans le SdA, il faut faire la différence entre plusieurs couples : Aragorn, indigne d’épouser Arwen (comme Beren) se trouve partiellement dans la position de l’amant courtois, de même que Gimli, qui chérit les cheveux (pour l’allitération ;-) de Galadriel comme Lancelot ceux de Guenièvre dans _le Chevalier de la charrette_ ; en revanche, la relation Faramir/ Eowyn ne relevait pas, selon l’auteur, de l’amour courtois (cf. _Letters_, p. 324: « this tale does not deal with ‘Courtly Love’ »). Le cas de Gimli est d’autant plus intéressant que la personne du nain est, dans la littérature médiévale, un des personnages les plus anti-courtois (cf. le nain dans le récit de Chrétien déjà nommé, dans Tristan, etc.)… or, dans le SdA, il se plaint de son sentiment pour Galadriel (« le principal danger » est celui de l’amour), il veut se battre avec Eomer qui dénigre sa dame, etc.
Mais l’amour courtois, et sa version littéraire, impliquait beaucoup de contraintes de part et d’autre, ainsi qu’une dimension politique importante … ce que l’on ne retrouve pas ici.
ok ?
Vincent
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Bonjour,
Est-ce que le couple courtois est forcément adultère ? Je pense au cas d'Erec et Enide (de Chrétien De Troyes), où encore Yvain et Laudine (dans Yvain et le chevalier au lion). Ils sont mariés et sont pourtant dans le cadre de la fin'amor, dans ce sens où il y a renouvellement constant de la conquête.
Dans le cas de Beren et Luthien il y a aussi la présence du jaloux incarné par Daeron qui joue en faveur de l'hypothèse d'un récit courtois. Mais peut-être que Greyhelm a déjà développé ses aspects dans son analyse. J'ouvre une parenthèse : on peut y accéder ?
A mon avis, l'histoire de Beren et Luthien et peut-être aussi celle d'Aragorn et d'Arwen à moindre échelle peuvent être qualifiées de courtoises. Mais ce n'est que mon avis, et il faut aussi prendre en compte le fait que ,c'est mon impression, Tolkien s'est amusé à casser tous les schémas d'écriture conventionnels.
La question reste donc ouverte.
Eriel
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Bonjour Eriel,
Si tu veux acceder a mon etude de Beren & Luthien, je pense que ce lien devrait marcher :
Sinon tu peux aller sur la page d'accueil, et sous nouveautes, il y a un lien !
A+!
Greyelm, deborde par un travail sur les zombis cette fois. Je vous ai deja parle des zombis d'Aman ? Ah oui...
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Merci Greyelm, je vais aller voir.
Eriel
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De rien ! C'est moi qui suis content de voir des gens le lire !!!
J'espere que ca te plaira !
A+
Greyelm
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Salut Greyelm,
Effectivement ça m'a plu. Intéressant, bien documenté, plein d'exemples... Je ne dis pas ça parce que c'est toi, d'ailleurs je n'ai rien trouvé pour pinailler, et ça m'énerve ;-) Je constate qu'en plus je n'avais pas tout à fait faux dans mon interprétation.
En tout cas, on est rassuré pour Beren et Luthien, mais il reste toujours Gimli. Alors qu'en pensez-vous messieurs les spécialistes ?
Eriel
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Mes connaissances sur le sujet « médiéval » ne me permettent de vous répondre (de manière intéressante) mais à la lecture de ce message et de certains autres articles (je pense notamment à la notion d’entrelacement dont parle Vincent dans son ouvrage), on retrouve toute l’influence des lectures de Tolkien, autant d’anciennes histoires et récits.
Certains critiques ont fortement reproché le style archaïque de Tolkien et du « Seigneur des Anneaux » en particulier. Tolkien s’en est expliqué, pour lui c’est bien évidemment tout à fait justifié (pour nous aussi je crois ;-).
Je me demandais si d’autres auteurs contemporains avaient usé de ce style médiéval avant lui ?
L’entrelacement (ou tout du moins ce qui y ressemble), on le trouve beaucoup dans le cinéma pour entretenir le suspens mais les romans sont plus souvent « linéaires ». Ou est-ce que je me trompe et Tolkien a-t-il marqué remis cette « technique » au goût du jour ?
Pour tenter d’identifier un peu mieux les différentes « histoires d’amour » (amour réciproque ou non), outre celles de Beren & Luuthien, Aragorn & Arwen, Faramir & Eowyn, Gimli & Galadriel, quelles sont les autres ? Peut-on les assimiler à certains textes médiévaux ?
Egalement, peut-on situer l’amour vain d’Eowyn pour Aragorn dans une certaine tradition littéraire ?
Lors de ma première lecture du SdA, j’ai pensé qu’Eowyn se mariait avec Faramir par dépit. Parce que son amour pour Aragorn était sans espoir. Avez-vous également cette impression ?
Cédric.
PS : Finduril, je crois encore manqué à mes devoirs, avec un peu de retard donc : je te souhaite donc la bienvenue parmi nous.
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***** petite aparté pour finduril *****
tu étudies où à Clermont, dis?
pour une fois que je vois qqn qui n'est ni bretonneux, ni belgeux ni nordestiste ça me fait plaisir (c'est pas que je vous aime pas, vous autres, hein on est d'accords)
***** /petite aparté pour finduril *****
Sinon, Cédric, pour l'histoire d'Eowyn j'ai eu exactement le même sentiment. C'était clair pour moi qu'elle se mariait faute de mieux, parce qu'elle n'avait plus d'espoir en Aragorn et parce qu'il faut bien se marier un jour...
Sam, qui attend Rosie aussi...
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Tout d'abord, je tiens à préciser à Cédric que je ne lui tiens pas rigueur de n'avoir pas déroulé le tapis rouge à mon arrivée (ahah!!). Je préfère me fondre discrètement dans la foule des passionnés présent sur ce site.
***petit message à Maître Samsagace***
J'étudie effectivement à Clermont-Ferrand car j'y suis né. Mais j'ai abandonné l'honorable Université Blaise-Pascal pendant plus de deux ans pour mieux la retrouver à la rentrée prochaine. Dans l'intervalle j'ai suivi une formation à l'écriture du scénario auprès d'une école privée parisienne pendant un an avant d'enchaîner, dans le même domaine, avec une formation par internet que je viens à peine d'achever. Voilà pour mon cahotique cursus.
***fin de message***
Pour Eriel : Dans le cas d'Erec et Enide, il est important de préciser qu'il s'agit là du premier roman avéré de Chrétien de Troyes et qu'il ne serait pas improbable de penser que la notion d'amour courtois n'était pas encore bien claire à son esprit. D'où des divergences par rapport à la norme acceptée.
Michel Rousse dit :
[...] pour eux [les troubadours] la fine amour ne pouvait naître et se développer qu'en dehors du mariage; dans le mariage, le mari est seigneur de sa femme, dans l'amour, la dame est maîtresse de celui qui soupire pour elle et se délecte à cultiver un désir dont la satisfaction est sans cesse repoussée. La merveilleuse histoire d'amour de Tristan et Iseut qui fascine l'époque est fondée sur une situation analogue : le véritable amour ne peut-être qu'adultère - et vécu dans la douleur.
Mais comme tu l'as fort justement dit, Tolkien s'amusait à briser les schémas d'écriture alors...
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Je suis contente de pouvoir enfin participer au débat, ça fait trois jours que j'essaye. :)
Nous avons eu la même discussion, passionnante, sur Elostirion, et Fangorn avait fait une intervention remarquée... à peu près la même que Finduril et Vincent, d'ailleurs, avec qui je suis complètement d'accord. :)
Les histoires d'amour en TdM, à part la relation qui unit Gimli à Galadriel, ne sont pas courtoises dans le sens littéraire du terme.
Déjà, Tolkien ne parle jamais de désir, avez-vous remarqué?
Seules les créatures corrompues désirent: Morgoth, Sauron, Ungoliant, ou les personnages qui se laissent envahir par la haine, comme Maeglin...
Si les hommes (je dis "hommes", mais je pense aussi "elfes") désirent les femmes, il n'en est jamais fait mention.
Donc, pas vraiment de désir.
Fangorn avait fait remarquer que, contrairement à ce qui se passait dans les romans courtois, le personnage amoureux (Aragorn, par exemple) n'était jamais dévié de son chemin par l'amour: l'amour n'occulte jamais le devoir.
De plus, les personnages ne sont pas consumés par cet amour, c'est un amour qui renforce, qui ne détruit pas comme celui de Lancelot pour Guenièvre...
On pourrait argumenter, mais je me souviens de ma prof de lettres qui disait au sujet de l'amour courtois: "c'est un amour d'adolescents"... on pourrait peut-être dire que l'amour chez Tolkien est un amour mature, plus solide, plus fort.
Je crois que ce qu'il disait au sujet de l'histoire de Faramir et Eowyn va dans ce sens là: ce n'est pas un amour courtois, et de ses propres mots, c'est un amour plus "archaïque", plus ancré, plus profond.
L'amour entre les Valar, l'amour entre Celeborn et Galadriel, Melian et Thingol, Earendil et Elwing... autant d'amours qui durent de façon incroyable dans le temps.
Je crois que Tolkien était un grand amoureux, et que l'amour qu'il portait à sa femme est celui que l'on retrouve dans toutes les histoires de la TdM.
Je trouve ça vraiment beau, au fond, et contrairement à Cédric et à Sam, je n'ai jamais cru qu'Eowyn avait épousé Faramir par dépit: en fait je trouve que leur histoire est beaucoup plus touchante que celle d'Arwen et Aragorn.
Voilà.
C'était confus mais j'ai dit ce que je voulais dire :))
Marineva
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A Marineva
Comme toi je ne pense pas qu' Eowyn ait choisit Faramir par dépit amoureux. Ce choix est la conséquence d'une maturité toute neuve, qui n'existait pas encore de façon complète lorsqu'elle rencontrât Aragorn à Edoras.
Avant de se retrouver par la force des choses embarqué dans la guerre de l'anneau, Eowyn n'était qu'une jeune fille ébloui par la prestance et la majesté d'Aragorn, descendant des anciens rois de l'Ouest. Son amour s'attachait à un idéal, une icône comme une petite fille rêve au prince charmant.
Le fait d'avoir frôlé la mort sur les Champs du Pelennor, d'avoir reçu cette terrible blessure, l'a vieillit prématurément et ses illusions de jeunesse ont laissées place à des considérations plus adultes. En choisissant Faramir, c'est le coeur de la femme mûre, sensée qui parle et non pas celui de la vierge de Rohan.
en attendant la suite...
A+
Finduril
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A Marineva,
Je pense que si, on peut parler d'amour courtois dans Tolkien. Meme si l'on peut definir enormement de textes du Moyen Age comme parlant de l'amour courtois, ils ne sont pas non plus tous sembables en tous points. Il y a des nuances, certaines regles plus presentes dans certains que dans d'autres.
Dans les textes de Tolkien, toutes les histoires d'amour ne sont pas les memes, heureusement, neanmoins, les regles de la fin' amor se retrouvent dans certaines d'entre elles.
Et qui a dit que dans la fin' amor, l'amour devait detourner le chevalier de son droit chemin ? C'est au contraire souvent ce qui le motive, et ce qui motive ses exploits, et c'est precisement le fait de ne pas suivre cette voie (la voie de l'amour) qui etait toujours vue comme un grand defaut.
Ainsi, je crois que c'est Guigemar (sans en etre sur, il faut que je revois mes sources) qui etait dit etre le parfait chevalier sur tous les points, mais accable de l'une des plus lourdes tares : il n'aimait pas.
Et l'amour ne conduit pas a faire des actes stupides, mais a ses surpasser (comme Beren pour Luthien).
Donc, en reponse a cet argument, meme dans les romans courtois, l'amour ne devie pas le chevalier (ou autre) de son chemin, l'amour EST le devoir.
A+
Greyelm
PS a Eriel: Merci !!
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Voyant qu'il y a des spécialistes, j'en profite pour ouvrir une parenthèse. Quels ouvrages me conseillez-vous pour enrichir ma culture, pour l'instant très limitée, sur la fin'amor ? Finduril évoque Michel Rousse...
Merci d'avance,
Eriel
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A Eriel,
Si tu veux un bon ouvrage traitant de l'amour courtois, je te conseille celui de l'inoxydable Jean Markale "L'Amour Courtois ou le Couple infernal". A mon sens, c'est le plus abordable en langue française.
A+
Finduril
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Merci Finduril, mais je viens de le finir :(
Il est très abordable, je confirme, car j'ai (presque) tout compris, néophyte que je suis ;-)
Vous me conseillez quoi après ?
Eriel
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A Eriel,
Je peux me tromper mais j'ai tout soudain l'impression que ton dernier message recèle un reproche sous-entendu. T'aurais-je offensé en quelques façon auquel cas je m'excuse car il n'y a pas de problème pour moi.
Détrompe-moi vite
A+
Finduril
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J'apprécie les différents points de vue échangés sur ce thème qui ne m'est pas trop familier. Je serais néanmoins tenté d'adopter le point de vue de Cathy et Marine ; il me semble que l'amour courtois est fortement marqué par un désir dont l'inassouvissement est le fait d'un obstacle. Je ne crois pas en revanche que cet obstacle se limite spécifiquement à la transgression d'un interdit. Il peut s'agir d'adultère comme de la vindicte familiale voir ethnique.
Cela dit, personne n'a encore évoqué le cas d'Aldarion et Erendis, qui reste à mon humble avis la tentative la plus sérieuse (quoique très amère) de Tolkien en la matière. Ce texte poignant, très loin des considérations "légères" de la fin'amor, décrit une sorte d'amour "vache" finalement assez moderne, et démontre avec force que Tolkien était capable de parler de l'amour sous toutes ses formes, pas seulement celle de l'amour courtois et idéalisé.
Just my two eurocents...
Pat.
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Je crois que l'histoire l'Aldarion et d'Erendis est plus marquée par l'aspect tragique que par l'amour courtois. Je me demande dans quelle mesure ce n'est pas lié à la société que Tolkien décrit : dans la Terre du milieu la figure prédominante serait celle du médiéval/amour courtois et à Numenor antiquité/tragédie.
E.
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Pour Finduril,
Je te détrompe bien vite, aucun sous-entendu ni reproche, mais je me rends compte que ma formulation était assez maladroite. Au contraire, je suis contente de voir que ce livre fait autorité en la matière, car je ne savais pas trop si je pouvais prendre ce qui était dit pour parole d'évangile. Mais c'est vrai que j'aimerai bien voir d'autres avis.
Sans rancune ?
Eriel
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A Eriel,
Absolument sans rancune et excuse-moi de m'être fourvoyé. Pour en revenir au sujet qui nous intéresse, je te conseille également ( si tu parviens à mettre la main dessus ) le livre de Jean-Charles Payen : Les Origines de la Courtoisie dans la littérature française médiévale ( il est un peu vieux mais plutôt pas mal ).
A+
Finduril
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Merci Finduril, je vais tenter à la bibliothèque ;-)
Eriel
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L’entrelacement (ou tout du moins ce qui y ressemble), on le trouve beaucoup dans le cinéma pour entretenir le suspens mais les romans sont plus souvent « linéaires ». Ou est-ce que je me trompe et Tolkien a-t-il marqué remis cette « technique » au goût du jour ?
excellente question, Cédric ! mais la réponse peut difficilement être simple. Mon directeur de thèse travaille depuis plusieurs années sur le « montage », qui est un petit fils de l’entrelacement médiéval, dont il se distingue sur plusieurs points : son utilisation au XXe siècle est un peu marginale, et se limite souvent à des textes « modern(ist)es » (encore un mot piégé).
contrairement à ce qui se passait dans les romans courtois, le personnage amoureux (Aragorn, par exemple) n'était jamais dévié de son chemin par l'amour: l'amour n'occulte jamais le devoir.
Oops… dans nombre de récits médiévaux, l’amour courtois ne fait pas « dévier » du devoir, au contraire ; il est souvent le moteur de toute action. Est-ce que ce n’est pas le modèle de Tristan et Yseut qui nous fait croire le contraire ?
(bon, je viens de lire le dernier message de Greyelm… on est d’accord, quoi ;-)
De plus, les personnages ne sont pas consumés par cet amour, c'est un amour qui renforce, qui ne détruit pas comme celui de Lancelot pour Guenièvre...
… dans la réécriture du XIIIe ; mais dans le texte de Chrétien de Troyes, même si Lancelot se retrouve dans des états bizarres à cause de son amour, on ne peut pas dire que cela le « consume », le détruise.
ok ? ;-)
Vincent
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Pour Finduril,
Totalement hors sujet, quoique...
Michel Rousse ne serait pas professeur à la fac de Rennes ?
Eriel
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A Eriel,
Désolé pour le livre de Payen mais on m'avait conseillé d'y jeter un oeil il y quelques années et de plus on le retrouve dans la plupart des bibliographies. Apparement, mauvais conseil...
Pour ce qui est de Michel Rousse, j'ignore s'il enseigne à Rennes. Je le connais comme traducteur chez GF mais pour ce qui est de son cursus, chou blanc.
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A Finduril,
J'ai comme l'impression que je me suis mal exprimée. Pourquoi dis-tu mauvais conseil ? le "totalement hors sujet" c'était pour la remarque qui suivait.
Pour Michel Rousse, j'ai vu qu'il allait donner une conférence à Rennes sur Héloïse, celle de Abélard et Héloïse. Alors je pense que ce doit être le même.
Eriel
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A Eriel,
Décidemment, j'ai du mal en ce moment à tout bien saisir. Peut-être le boulot...
Enfin bref passons.
Si jamais tu te rends à cette conférence de Michel Rousse, aurais-tu la gentillesse d'en toucher deux mots quelque part sur le forum (rubrique divers par exemple) histoire d'avoir un aperçu du propos.
En te remerciant.
Finduril (très très fatigué)
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Je me demandais si d’autres auteurs contemporains avaient usé de ce style médiéval avant lui ?
Je pense à 'La Pierre Angulaire' de Zoé Oldenbourg publié en 1953.Ce n'est pas de la Fantasy,plutôt roman historique. Il y a un moment que je l'ai lu, mais il me semble qu'elle utilise aussi un style un peu archaïque et la technique de l'entrelacement et il y a une bonne analyse des mentalités du 12ième siècle. Quelqu'un l'a lu?
Pour tenter d’identifier un peu mieux les différentes « histoires d’amour » (amour réciproque ou non), outre celles de Beren & Luuthien, Aragorn & Arwen, Faramir & Eowyn, Gimli & Galadriel, quelles sont les autres ?
Relations Amoureuses en Terre du Milieu :
A.Celles qui se terminent plutôt bien
1.Beren/Luthien
2.Tuor/Idril
3.Earendil/Elwing
4.Aragorn/Arwen
5.Celeborn/Galadriel/Gimli (parodie du trio courtois?)
6.Faramir/Eowyn
Je trouve aussi leur histoire très touchante car ce sont 2 êtres éprouvés psychologiquement par la vie et physiquement par la mort qui vont se retrouver et apprendre à se connaître. Et Eowyn assumera sa féminité sans complexe.
7.Sam/Rosie (avec une sacrée marmaille;-))
B. Celles qui se terminent plutôt mal
1.Thingol/Melian (Thingol assassiné)
2.Dior/Nimloth (assassinés)
3.Hurin/Morwen (malédiction)
4.Turin/Nellas/Finduilas/Nienor (malédiction)
5.Aldarion/Erendis (incompatibilité d'humeur)
6.Ancalimë/Hallocar (idem mais ça dégénère en guerre entre sexes)
7.Imrazor/Mithrellas (idem sans guerre, lassitude?)
8.Eöl/Aredhel (idem, rapport de forces?)
9.Amroth/Nimrodel (triste, Amroth manque à son devoir de roi?)
J'en oublie?
A part le cas très particulier de Turin (il cumule;-)) il n'y a pas de passion aveugle et coupable. Il y a des cas quand même assez intéressants.
Je suis plutôt d'accord avec Vincent et Finduril à propos de l'amour courtois. Et d'après les relations amoureuses que j'ai pu relever Tolkien semble valoriser l'amour conjugal essentiellement.
La fin'amor du Grand Chant Courtois qui est constituée presque entièrement de topoi (c'est un jeu littéraire) et dont on retrouve un certain nombre dans l'histoire de Beren et Luthien (cf. l'analyse de Greyelm qui en cite plusieurs) donne une image quelque peu capricieuse de la femme (pas Greyelm;-)), la relation amoureuse relève d'une douce hypocrisie et le poète/amant/esclave se condamne à la démence...seule solution..aller pourfendre les sarrasins...
Je ne suis pas une spécialiste, mais si j'ai bien compris mes lectures de Payen, cher Finduril, la fin'amor va se laisser contaminer par l'idéologie chevaleresque du cycle breton: la réciprocité de l'amour pourra se gagner par la prouesse qui vise à renforcer une ethique de caste: celle de la féodalité.
Je cite Payen in 'Littérature Française' :
« Au commencement était le 'Tristan'...Toute l'oeuvre de Chrétien...se situe par rapport à cette légende: Chrétien ne croit pas à l'amour fatal, et cherche à réconcilier fin'amor et chevalerie. Fénice, dans 'Cligès', refuse le partage d'Yseut, qui donne son corps à son mari et son coeur à son amant. Déjà 'Erec' démontrait que mariage et passion n'étaient pas contradictoires, et que la plénitude du couple s'atteignait à travers la prouesse. 'Le Chevalier de la Charette' surenchérit: idolâtre de Guenièvre, Lancelot n'est pas détourné par sa dévotion amoureuse de sa tâche de libérateur; au contraire, il puise dans sa ferveur la force qui lui permet de délivrer les sujets d'Arthur captifs du royaume de Gorre...Chrétien ne finit pas son 'Chevalier de la Charette', peut être parce qu'il répugne à l'apologie inconditionnelle des valeurs courtoises qu'attend de lui Marie de Champagne... » En effet c'est Marie qui lui a imposé le sujet de Lancelot, elle tenait une cour brillante, principal relais de l'idéologie courtoise.
le moyen âge, coll.poche, p.132
Apparemment Tolkien et Chrétien pensait un peu la même chose à propos de l'amour courtois. Et comme le disent Greyelm et Vincent l'amour est le devoir...devoir chez Tolkien de maintenir la vie et la liberté en Terre du Milieu...
Greyelm: le Silm et le SdA sont des œuvres romanesques, en tant que telles libres de toutes contraintes à la différence du Grand Chant Courtois. A ce titre ce sont bien des œuvres "hybrides", ouvertes à tous les possibles; Tolkien a adapté, entre autres traditions littéraires, qq topoi de la fin'amor mais n'adhère en aucune façon à la conception amoureuse de nos troubadours.
C'est l'esthétique de ce genre, délicat et raffiné, qui l'a séduit , je crois, et non l'éthique.
Cathy
PS Sans rancune, mais fallait bien faire de la pub pour ton article ;-)
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A Cathy,
De toute évidence, tu as potassé le sujet et ta démonstration est précise.
Du coup je n'ai rien à rajouter si ce n'est que je vais approfondir mes connaissances sur le sujet au plus vite.
Merci
A+
Finduril
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OK Finduril, je vous ferai un petit compte-rendu, bien si ce ne soit pas de l'amour courtois, si mes souvenirs sont bons (ils sont d'ailleurs assez flous sur ce sujet). La bibliothèque ne possède pas le livre dont tu m'a parlé. Dommage, je vais peut-être tenter en librairie.
@+,
Eriel
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Merci pour la pub, Cathy! :o)
Greyelm, exile mais en plein amour courtois
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C'est vrai, en me relisant je suis un peu trop didactique; désolée ;-)
A+
Cathy
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Le message de Marin' où elle dit que Tolkien n'évoque jamais le mot désir que pour les créatures envahies par la haine m'a titillé. Par curiosité, j'ai tapé désir dans le moteur de recherche Silmarillion, et j'ai trouvé deux cas de désir non lié à la haine.
Ainsi Gorlim fut pris au piège et amené au camp de Sauron pour y être torturé, car ils voulaient connaître les plans de Barahir et l'endroit où il se cachait. Mais rien ne faisait parler Gorlim. Ils lui promirent de le libérer et de lui rendre Eilinel et alors, épuisé de souffrance et de désir pour sa femme, il hésita. Ils le conduisirent aussitôt devant le terrible Sauron et celui-ci lui dit : « Maintenant, on me dit que tu veux marchander avec moi. Quel est ton prix ? »
Chapitre XIX, Beren et Lúthien, p. 211, §3
Alors que leur voyage approchait de son terme, comme on l'a dit, la tribu des Teleri resta longtemps à l'est de Beleriand, au bord du fleuve Gelion. Au même moment, une grande partie des Noldor était encore à l'ouest, dans ces forêts qu'on appela plus tard Neldoreth et Region. Elwë, Seigneur des Teleri, traversait souvent les bois pour aller voir son ami Finwë chez les Noldor, et il arriva qu'un jour il se trouva seul sous les étoiles dans la forêt de Nan Elmoth et qu'il entendit monter le chant des rossignols. Alors un charme le saisit, il ne bougea plus, et loin par-delà les trilles des lómelindi s'éleva la voix de Melian qui emplit son cœur d'un désir émerveillé. II oublia d'un coup son peuple et tout ce qui occupait son esprit et s'avança sous les arbres à la suite des oiseaux. II fut bientôt perdu au plus profond de la forêt de Nan Elmoth mais arriva enfin dans une clairière ouverte sur le ciel étoilé où se tenait Melian. Lui, dans la nuit, la contemplait, et la lumière d'Aman était sur son visage.
Chapitre IV, Thingol et Melian, p. 68, §2
Ce sont les deux seuls cas de désir, et si le désir de Gorlim a des conséquences tragiques, celui de Thingol est pur.
H, qui désire votre opinion
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Il est vrai aussi que Melian n'est ni elfe, ni humaine.
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Merci à Halbarad d'avoir fait cette recherche.
Effectivement, il y a du désir, rien à dire. :))
Juste par curiosité, si quelqu'un pouvait nous trouver les passages en anglais?
C'est pas que je titille, mais bon ;)
Merci aux autres d'avoir répondu à mon message aussi.
Pour Vincent, je trouve tout de même que dans (exemple) "Le chevalier de la Charrette" Lancelot est très diminué par son amour pour Guenièvre.
C'est cet amour qui le pousse à grimper dans ladite charrette, ce qui est, selon les codes de la chevalerie, un déshonneur absolu.
C'est cet amour aussi qui le rend si absent et le fait tomber dans la rivière (quelle cruche). Evidemment en présence de la dame il retrouve ses moyens, mais dès qu'elle est hors de vue c'est la catastrophe.
Il y a un passage où il trouve une mèche de cheveux de la reine, et cette vision le plonge dans une béatitude totale (d'où la chute dans la rivière) et ce passage me rappelle celui où Gimli demande une mèche de ses cheveux à Galadriel.
Biensûr, je ne m'y connais sans doute pas autant que toi en littérature, et c'est possible que dans d'autres romans l'amour courtois soit présenté complètement différent.
Mais enfin, en ce qui concerne le cycle du Graal, l'amour de Lancelot pour Guenièvre est tout de même la cause de grandes catastrophes.
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Oui, mais l'histoire de Lancelot et Guenievre est loin de respecter toutes les regles de l'amour courtois ! :o)
Arthur, par exemple, n'est pas le mari jaloux, sans coeur et cruel comme c'est souvent le cas...
Si vous le desirez, j'ai un document presentant, comme dans les tables de la loi, toutes les regles de l'amour courtois, je pourrais les recopier ici.
Ce qu'il faut garder a l'esprit cependant, c'est que lorsque l'on voit une entorse a la regle :
- Il faut d'abord verifier si c'est vraiment une entorse (les regles sont plutot nombreuses)...
- Cela ne signifie pas que l'histoire en perd son "statut" de nouvelle courtoise.
Car la plupart des recits courtois du Moyen Age sont des recits hybrides (celui de Lancelot et Guenievre parmi les premiers), empruntant a differents genres ou categories. Dans cette optique, celui de Beren et Luthien se placerai peut-etre meme parmi les plus fideles ! ;p
A+
Greyelm
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Greyelm, je suis très intéressé par ton document sur « les règles de l'amour courtois ».
Le sujet qui nous occupe ici illustre parfaitement un point qui me fascine à la lecture de Tolkien : le fait que le lire ouvre de nouveaux horizons divers et variés. Ici l’amour courtois, ailleurs la linguistique, la géographie, etc. Vous ne trouvez pas ?
Cédric.
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Marineva demande. Je réponds.
Passage 1 (Gorlim)
désir pour sa femme : yearning for his wife = envie de revoir sa femme (traduction idiote)
Passage 2 (Thingol)
rempli d'un désir émerveillé : filled with wonder and desire (traduction bizarre, mais l'idée de désir était dans la VO)
Donc l'objection d'Halbarad tient la route grâce au deuxième extrait. Quant à savoir ce que cela prouve dans tout le débat, c'est autre chose. Je ne dis rien car je vais tout casser. ;-)
greenleaf
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Merci greenleaf.
Tu sais, tu devrais dire ce que tu penses, quitte à tout casser...
Je ne pense pas qu'il y ait de l'amour courtois dans l'oeuvre de Tolkien, mais je n'arrive à convaincre personne... tant pis!
Pourtant c'est bien l'impression que j'en ai quand je lis:
[...] I do not think that persons of high estate and breeding need all the petty fencing and approaches in matter of "love". This tale does not deal with a period of "Courtly Love" and its pretences; but with a culture more primitive (sc. less corrupt) and nobler.
Lettre de Tolkien au sujet d'Eowyn et Faramir, "Letters" p 324
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Dans Eowyn et Faramir je ne dis pas... Je ne pense pas que leur histoire s'applique vraiment a l'amour courtois.
Mais en ce qui concerne Beren et Luthien, je me demande sincerement comment on peut le nier...
Puisque l'on repete que Tolkien n'ecrivait rien au hasard, s'il n'avait pas voulu s'inspirer de l'amour courtois dans l'histoire de Beren et Luthien, il n'aurait pas ecrit un texte aussi respectueux de ses regles. Il s'en serait demarque !
Peut-etre pourrions-nous maintenir que Tolkien n'a pas voulu faire cela, mais alors, il l'a fait inconsciemment (car les ressemblances sont la, parfois a la tournure de phrase pres), voire contre son gre, ce qui ne serait pas forcement tres flatteur en rapport avec son erudition et son art de l'ecriture...
A+
Greyelm
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Greyelm, je t'assure, je ne vois pas en quoi l'histoire de Beren et Luthien colle aux règles de l'amour courtois.
Leur amour est consommé très vite, Luthien n'est pas mariée à quelqu'un d'autre, Beren n'a aucunement besoin de gagner le coeur de sa dame, ou de lui prouver sa valeur.
C'est le père qu'il doit convaincre...
Je pense qu'il ne faut pas confondre amour impossible et amour courtois.
Marin'
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Ave Marineva,
Bon, je ne veux pas repeter ici les exemples que j'ai deja donnes dans ma petite etude comparative. Je ne sais pas si tu l'as lue ou pas. Si tu l'as lue, je ne pense pas pouvoir te convaincre plus !
Sinon en donnant une ou deux petites precisions :
Dans l'amour courtois, ou les nouvelles courtoises, le "chevalier" doit prouver son amour pour gagner le coeur (ou la main) de la Dame.
Effectivement, a la base, dans les chansons des troubadours, trouveres et trobairitz, c'est souvent la Dame que le chevalier doit convaincre, mais dans bien d'autres nouvelles, c'est le pere de la Dame ! Et pourtant ces nouvelles appartiennent elles-memes au genre courtois.
Ici, Beren doit lui aussi prouver son amour... au pere de Luthien. Il a peut-etre deja gagne le coeur de Luthien, mais encore doit-il gagner sa main.
Ensuite, tu dis qu'elle n'est pas mariee... eh bien si ! :o)
En fait, la mari jaloux est ici represente par le pere hyper possessif comme c'est le cas dans la moitie des nouvelles courtoises, ou souvent on peut d'ailleurs deviner une thematique incestueuse.
En amour courtois, le "role" de l'homme qui fait barrage n'est pas primordialement "l'epoux" mais d'une facon plus generale, "celui qui a un STATUT plus eleve que le chevalier et qui POSSEDE la Dame".
Il peut donc s'agir du mari (la figure la plus simple) mais aussi du pere ou de l'oncle, etc. Quant au statut, il peut-etre le roi, le seigneur, le patriarche, etc. Ici il est le Roi et le Patriarche.
Ensuite, les autres thematiques sont bien presentes egalement :
Le "chevalier" doit prouver sa valeur, le secret doit etre garde et lorsqu'il est decouvert cela signifie la fin de l'amour, le losangier est la en la personne de Daeron, l'idee de la Dame comme etant la seule personne pouvant guerir la (les) blessure(s) du chevalier est aussi soulignee, le rapport a la nature, le coup de foudre du chevalier associe a un fait presque magique, etc., etc.
L'amour courtois et les nouvelles courtoises sont un genre. Un genre ne se definit pas par un seul type d'histoire, un seul exemple de trame. Il doit pouvoir se decliner selon differents motifs afin d'etre suffisamment large pour etre considere comme genre, justement.
Courtly,
Greyelm ;)
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Bon, il est un peu tard et je suis un peu fatiguée, mais ce qui me turlupine un peu dans tout ça, c'est que la fin'amor, à l'origine, va à l'encontre des enseignements de l'église,alors connaissant Tolkien...Peut- être faudrait-il distinguer avec plus de rigueur 2 genres différents:
1.poésie lyrique (Grand Chant Courtois) et fin'amors
2.roman courtois (oeuvre hybride) et amour courtois
Bonne Nuit
Cathy
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Je vois que nous sommes en train d’avoir un vrai débat, Greyelm.
Allons-y, cette fois je sors l’artillerie : les ré-fé-rences.
L’amour courtois, ou fin’amor, « amour parfait », repose sur l’idée que l’amour se confond avec le désir. Le désir, par définition, est désir d’être assouvi, mais il sait aussi que l’assouvissement consacrera sa disparition comme désir. C’est pourquoi l’amour tend vers son assouvissement et en même temps le redoute, car il consacrera sa disparition en tant que désir. Et c’est ainsi qu’il y a perpétuellement dans l’amour un conflit insoluble entre le désir et le désir du désir, entre l’amour et l’amour de l’amour. Ainsi s’explique le sentiment complexe qui est propre à l’amour, mélange de souffrance et de plaisir, d’angoisse et d’exaltation.
Michel Zink, « Introduction à la littérature du Moyen-Âge », coll. Livre de poche « références », p. 47
Michel Zink précise bien qu’il n’y a pas de règles générales (c’est la variété à laquelle tu fais allusion, Greyelm), mais le passage ci-dessus constitue pour lui l’essence de l’amour courtois. Il continue ainsi :
[…] l’amour ne doit pas être assouvi ni rapidement ni facilement, il doit auparavant mériter de l’être, et il faut multiplier les obstacles qui exacerberont le désir avant de le satisfaire. D’où un certain nombre d’exigences qui découlent toutes du principe que la femme doit être, non pas inaccessible, car l’amour courtois n’est pas platonique, mais difficilement accessible. C’est ainsi qu’il ne peut théoriquement y avoir d’amour dans le mariage, où le désir, pouvant à tout moment s’assouvir, s’affadit et où le droit de l’homme au corps de la femme lui interdit au sens propre une maîtresse dont il faut mériter les faveurs librement consenties. […]
Ibid.
Je crois que tout cela est clair… Beren et Luthien consomment leur amour rapidement, et leur relation continue de s’épanouir dans le mariage… De plus, et surtout, amour et désir ne sont nullement confondus.
Les personnages de Tolkien sont tous ou presque heureux en ménage, des Dieux aux Hobbits, je ne vois pas pourquoi vous persistez tous à y trouver de l’amour courtois. Ou alors mes références sont sérieusement mauvaises, ou lacunaires, et dans ce cas je vous tirerais bien bas mon chapeau.
Quant à ton argument, Greyelm, de dire que Luthien est d’une certaine façon « mariée » à son père, excuse-moi de te dire cela, mais dans ce cas là, c’est vraiment… comment dire… absurde. C’est de l’analyse sauvage, voire de la psychanalyse de basse-cour. Tu parles qu’en plusieurs milliers d’années la belle dame aura eu le temps de surmonter son complexe d’Œdipe ! De plus si on commence à raisonner comme ça, l’amour courtois est partout, même chez moi !
Non non non… tu ne m’as absolument pas convaincue, mais sur ce coup-là je suis têtue :) …
Et puis vous aussi, Tolkien se défendait plutôt clairement de donner dans l’amour courtois, non? Et comme tu le dis, Grey': il s'y connaissait en littérature!
Marineva
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Effectivement nous sommes dans un vrai debat, mais que cela ne nous empeche pas de rester courtois, n'est-ce pas ? ;)
Donc effectivement tu t'appuies sur des references... ou plutot UNE reference.
N'oublions pas non plus qu'en ce qui me concerne, je parle plus du genre, autrement dit de la nouvelle courtoise, que de l'amour courtois pur et dur. Bien que les deux puissent s'identifier. Je reprecise aussi que j'ai bien souligne que Beren et Luthien etait un recit hybride, donc pas forcement LE recit purement de fin'amor.
Pour ce qui est de mes references, je les ai deja donnees et je pense qu'elles sont suffisamment claires et difficiles a ignorer pour les repeter encore ici. Je pourrai te donner la reference des recueils de nouvelles courtoises pour que tu puisses te faire ta propre idee sur les textes si tu le desires.
Tu ne vois pas pourquoi nous persistons a voir de l'amour courtois dans Tolkien, eh bien moi je te renvoie la balle en te disant que je ne vois pas pourquoi tu persistes a ne pas en voir. Je te le concede, ce n'est pas l'essence de l'amour courtois, mais cela je l'avais deja dit... Maintenant si tu tiens tellement a rester sur tes positions en refusant toute negociation a l'amiable, je crois que nous ne ferons pas plus avancer le debat ! ;o)
Pour en revenir a Luthien et son pere, si le complexe d'Oedipe est valable pour les garcons, chez les filles on parle du complexe d'Electre. Mais on s'etait compris je pense ! Neanmoins, la n'est pas le probleme, et pour resituer le debat a ce sujet, je n'ai jamais fait allusion a quelque complexe de la part de Luthien, tu detourne le sens de mes propos ici... ;] Le probleme est ici independant de la volonte de Luthien, tout comme c'est le cas dans les nouvelles courtoises, parmi lesquelles je n'ai jamais vu de Dames atteintes de quelque complexe de ce genre. Si complexe il y a, c'est du cote du pere qu'il faut le chercher, non pas du cote de la Dame.
Maintenant en ce qui concerne le mariage, c'etait une comparaison. Effectivement, c'etait volontairement exageree lorsque j'ai parle de mariage avec son pere. Mais la comparaison reste tout a fait bien fondee, car l'element important n'est pas que la femme soit MARIEE mais qu'elle soit POSSEDEE par (ou qu'elle soit attachee a ou la propriete de) un autre homme. Dans les nouvelles courtoises, cet homme sera soit un mari jaloux (et alors on parlera d'histoires de malmariees), soit un pere possessif (ce qui est le cas ici). Les nouvelles de malmariees ne sont qu'un sous-genre de nouvelles courtoises, en aucun cas une generalite.
Donc je ne fait ici aucune psychologie de basse-cour, juste un constat.
Enfin, je ne connais pas ta vie sentimentale, donc la par contre, je ne m'avancerai pas a dire que l'amour courtois est chez toi ! :)
A+
Greyelm
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Je tiens à te présenter mes excuses pour m'être un peu emportée, tu vois, c'est que j'ai eu une semaine difficile, tu sais, ce genre de semaine ou personne ne vous écoute et où tout le monde vous contredit avec délectation. Necsipaal en a déjà fait les frais un peu, je suis toujours désolée pour cela, Nec.
Pour en revenir à notre débat, nous sommes d'accord sur un point: l'essence de l'amour courtois n'y est pas. Maintenant je veux bien admettre qu'en cherchant avec la loupe on puisse trouver certaines analogies. Mais je maintiendrais qu'il n'y a pas d'amour courtois au sens strictement littéraire.
Maintenant, parenthèse.
Tu n'as pas eu de chance non plus d'effleurer le sujet des complexes. Je sais que tu n'en as pas parlé textuellement dans ton premier message, mais tu m'y as fait nettement penser en parlant de père jaloux et de thématique incestueuse. Même en supposant que ce soit une des nombreuses règles que l'on peut retrouver dans l'amour courtois, la calquer sur l'histoire de Beren et Luthien me met hors de moi. Pas que je sois colérique, c'est comment dire... une déformation professionnelle. Je suis étudiante en psychologie, avec un solide bagage de clinicienne, et j'entends beaucoup ce genre de rapprochements souvent abusifs. Tu as juste titillé le point sensible, mais tu ne pouvais pas savoir.
Maintenant, je te confirme qu'on parle bien de complexe d'Oedipe pour les filles.
Sans rancune,
Marineva :)
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Ok! Content que le week-end approche, ca permet a tout le monde de se reposer, meme s'il commence par un vendredi 13 ! ;)
Je comprends donc ta reaction au sujet des complexe, et j'en suis d'autant plus desole que je n'avais vraiment aucune intention de faire quelque allusion a quelque complexe que ce soit. D'autant plus qu'une analyse psychologique des lais et autres histoires courtes du Moyen Age n'est pas toujours tres pertinente pour des raisons anachroniques (meme si Tolkien est plus jeune et que le nom du complexe fait reference a l'antiquite !). Donc je te confirme que je ne vois aucun complexe dans l'histoire de Beren et Luthien, et surtout pas du cote de Luthien.
Pour ce qui est de complexe d'Electre et de complexe d'Oedipe, j'ai bien entendu parler de complexe d'Electre, mais c'est toi l'experte alors je ne vais pas venir mettre ta parole en doute sur ce point ! ;)
Sinon je suis content que nous parvenions a un petit compromis, mais meme si ce n'est pas l'essence de l'amour courtois, je maintiens aussi que l'on n'a pas beosin de loupe pour remarquer les nombreuses allusions, references et hommages au genre litteraire des lais et nouvelles courtoises. N'oublions pas que l'histoire de Beren et Luthien fut d'abord ecrite sous la forme d'un lai ! (cf. Lays of Beleriand)
Bon week-end a toi !
Greyelm
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Je viens de retrouver un livre sur l'amour courtois "The Art of Courtly Love", d'apres Andreas Capellanus.
Il peut permettre de revenir sur un ou deux petits points evoques plus haut.
1. On reprecise ainsi qu'en amour courtois, contrairement a ce qui avait ete suggere, l'amour n'est pas vu comme une faiblesse qui prive l'homme de toute sa force et ses capacites :
passionate love is an ennobling force. As a matter of fact, it is the source of all manly virtues.
Par contre, il dit aussi que c'est l'Exces de passion qui est un barrage pour l'amour, et qui va a l'encontre du veritable amour courtois. Car l'exces de passion se trouve chez les hommes esclaves de leurs desirs, et qui sont ainsi plus compares a des animaux qu'a des hommes :
Men of this kind lust after every woman they see.
Et c'est la que l'on retrouvera plutot une image de personnages comme Curufin (bref, les mechants)...
2. On ne va pas revenir sur le secret qui doit etre garde, puisque ce point est plutot clair et present dans les regles ainsi que dans le recit de Beren... par contre, au sujet d'un autre point, voici un passage qui montre une exception a cette idee de l'amour qui disparaitrait apres avoir ete consomme :
Love increases, too, if it happens to last after it has been made public (ce qui est le cas de Beren et Luthien)
Il donne egalement plusieurs autres exemples montrant comment et sous quelles circonstances l'amour peut croitre entre les deux amants.
Autrement dit, si en general la revelation de l'amour l'empeche de perdurer (souvent a cause de pressions externes d'ailleurs), lorsque celui-ci demeure, il ne fait qu'augmenter, et conduit les deux amants vers une union durable.
Maintenant, un autre point est interessant. Cedric nous a deja ecrit un beau recit sur le destin inconnu de deux personnages de Tolkien. Nous ne savons pas non plus ce qu'il arrive a Beren et Luthien apres qu'ils ont disparus ! Alors pourquoi ne pas imaginer cette suite ? Hein ? Car effectivement, comme certaines regles le montrent (I. Marriage is no real excuse for not loving ; XVII. A new love puts to flight an old one ; XXI. Real jealousy increases the feeling of love ; XXXI. Nothing forbids one woman being loved by two men or one man by two women) rien ne dit que le mariage sera de tout repos !! ;)
A+
Greyelm
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Un petit 'up' pour, en ce qui concerne le rapport de Tolkien à l'amour courtois (ré-emploi des motifs d'une part, recouvrement du sens d'autre part) :
faire le lien avec la petite discussion abordée à partir d'ici au sein du fuseau Les monstres et les critiques ;
renvoyer, en guise d'illustration, au magistral « Un secours comme un vis à vis » de Sosryko dans Pour la gloire de ce Monde ;
Mais encore pour, tout simplement :
nous émerveiller à nouveau des richesses de ces discussions :).
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