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Comme nous en convenions avec Edouard au dernier Yomenië, nous pouvons (devons) en français faire mieux que traduire estel par espoir. Il apparaît clairement à la lecture de textes forts comme l'Athrabeth Finrod ah Andreth ou le Namna Finwë Míriello (et j'osereais même dire à la lecture de l'ensemble du Conte d'Arda ...) que ce mot était utilisé par les Eldar pour désigner ce que nous appelons l'espérance.
Il existe en effet une nuance significative entre espoir et espérance. L'espoir est plus "passif", plus "raisonable", et limité au monde ; il est de l'ordre du sentiment. L'espérance est liée à la foi, il est plus "actif", plus "fou", et dépasse les limites du monde, il est de l'ordre de la vertu (cf. Saint Paul) [exemple : "tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir" dit-on communément, mais pour un chrétien, même dans la mort il y a de l'espérance ! Certains diraient même que l'espérance naît lorsque meurt l'espoir ... ]
L'anglais n'a pas de mot pour distinguer l'espoir de l'espérance : tous deux sont rendus par 'hope'. D'où la nécessité de passer par des périphrases. Ainsi, dans l'Athrabeth Finrod est-il obligé d'expliquer l'usage qu'il veut faire du mot 'hope' ; il explique qu'il ne s'agit pas du sens commun [c.à.d. traduit en français par 'espoir'] :
'That is one thing that Men call "hope",' said Finrod. 'Amdir we call it, "looking up". But there is another which is founded deeper. Estel we call it, that is "trust". It is not defeated by the ways of the world, for it does not come from experience, but from our nature and first being. If we are indeed the Eruhin, the Children of the One, then He will not suffer Himself to be deprived of His own, not by any Enemy, not even by ourselves. This is the last foundation of Estel, which we keep even when we contemplate the End: of all His designs the issue must be for His Children's joy. Amdir you have not, you say. Does no Estel at all abide?'
Et c'est cette même notion à laquelle se réfèrent les Valar lors de leur débat du Namna ; l'auteur emploie une astuce à défaut d'une périphrase, distinguant les deux notions à l'aide d'une majuscule : noter ainsi l'espoir dont parle Finwë 'hope' de l'espérance 'Hope' dont parlent Manwë et Ulmo :
'Lord, behold! I am bereaved and solitary. Alone among the Eldar I have no wife, and must hope for no sons save one, and no daughter.
'Nay! Though I do not condemn, yet still I will judge. [...] Not guilt, yet a failing from the highest which is the Hope of which the King hath spoken. [...]'
Pour une fois le français s'avère plus adéquat que l'anglais pour traduire l'elfique ;) Nous avons ainsi Amdir l'espoir et Estel l'espérance :)
Jérôme
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Comment ne pas t'approuver à 100%, cher Yyr ?
Une immense espérance a traversé la terre;
malgré nous vers le ciel il faut lever les yeux
Sosryko,
"espérant contre toute espérance" revenir bientôt, qui vient de récupérer sa machine, mais qui voulait te remercier pour tes récentes riches interventions, qu'il découvre avec délectation et lit avec joie
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C'est très intéressant... J'ai un vieux dico ( vers 1900), et il est indiqué à "espérance" que c'est une des trois vertus "théologales" (désolée, j'ignore ce que c'est précisément) avec la foi et la charité. Cela me paraît correspondre avec l'aspect religieux des mots de Finrod que tu cites.
Mais je me pose deux questions.
Est ce que "espérance" inclut l'idée de confiance ? (trust dans les paroles de Finrod)
Est ce que le nom d'Estel donné à Aragorn cadre avec cet aspect religieux ou mystique? Il me semble qu'alors, Estel devrait être réservé à la relation de confiance avec Eru (ou de foi) et que c'est beaucoup pour nommer un homme, même si on admet qu'il est une sorte d'Elu.
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C'est très intéressant... J'ai un vieux dico ( vers 1900), et il est indiqué à "espérance" que c'est une des trois vertus "théologales" (désolée, j'ignore ce que c'est précisément) avec la foi et la charité. Cela me paraît correspondre avec l'aspect religieux des mots de Finrod que tu cites.
Absolument, c'est ce que je sous-entendais par "(cf. Saint Paul)" ;)
Est ce que "espérance" inclut l'idée de confiance ? (trust dans les paroles de Finrod)
Oui. Des trois vertus théologales que tu cites, c'est de l'espérance dont on peut le plus rapprocher la confiance, mais ce n'est pas équivalent car la confiance reste de l'ordre du sentiment. L'espérance est une sorte de "confiance/espoir 'déraisonnable' qui demeure (naît ?) lorsque la confiance/l'espoir meurt". Mais l'espoir est bien le sentiment le plus proche de cette vertu.
Est ce que le nom d'Estel donné à Aragorn cadre avec cet aspect religieux ou mystique? Il me semble qu'alors, Estel devrait être réservé à la relation de confiance avec Eru (ou de foi) et que c'est beaucoup pour nommer un homme, même si on admet qu'il est une sorte d'Elu.
Je connais pour ma part une belle dame qui s'appelle Espérance ;) Le mot 'estel', qui n'a pas de genre en particulier en elfique, est certes très fort ; mais Aragorn s'en montre digne ...
"espérant contre toute espérance" revenir bientôt, qui vient de récupérer sa machine, mais qui voulait te remercier pour tes récentes riches interventions, qu'il découvre avec délectation et lit avec joie
Merci nildonya lire ces lignes me procure autant un sentiment de reconnaissance que de joie à l'idée de te (re)lire bientôt ;)
Jérôme
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Tout comme Sosryko, j'aurais bien du mal à ne pas te suivre entièrement. En fait ce que j' écris dans mon mémoire à ce propos (dans la troisième partie) n'est pas un autre point de vue. Mais tu l'exprimes ici plus clairement. C'est, entre autres, un post qui clarifira sans doute certaines opinions des débats du fuseau "affaire de volonté 2".
Cirdan
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Chère Romaine,
Il me semble qu'au moment ou Aragorn paraît dans la vie de son peuple, il représente plus une Espérance, avec toute la connotation mystique que celà implique, qu'un simple Espoir.
Je dirais même que quand il paraît, il n'y a tout simplement plus d'espoir. Que l'Espérance même paraît déraisonnable ( voir l'attitude de Denethor )et ne peut exister que dans une relation "verticale" ( à Dieu-Eru ? )et dans une victoire "différente" .
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Chère Lambertine, je ne voulais certes pas dénigrer Aragorn ( je n'ai pas envie que tu m'assassines...je plaisante ;o))
Je posais juste une question, il me paraissait étrange qu'on donne à une personne humaine le nom d'une relation aussi intime avec Eru que l'Espérance, mais à la réflexion vos explications, à toi et à Yyr me satisfont tout à fait.
Effectivement Aragorn est fort digne de son nom...
Du reste, sur un plan tout à fait différent, et sans trop de connotation mystique, du moins de nos jours, il existe en Espagne de nombreux prénoms en rapport avec une vertu ou un évènement religieux (Esperanza, Incarnacion, Concepcion, et il me semble bien aussi Caritad)
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Avec la parution du troisième volume du Dragon de Brume, trois articles de ma main (« Estel Eruhínion », « Espoir ou Espérance » & « Correspondances mythopoétiques ») développent, affinent et nuancent l'intuition initiée ici-même.
Confirmation donc de l'intuition de départ, mais aussi nuance.
Ce serait une erreur de tomber dans une bijection stricte entre les termes.
Voir à ce sujet les deux articles sus-mentionnés « Espoir ou Espérance » et « Correspondances mythopoétiques ». Si l'Estel est en effet de l'ordre de la vertu (théologale), en français le mot 'espérance' ne lui est pas pour autant réservé (tout comme il n'est pas interdit à 'espoir' d'évoquer la vertu). Et je me rends compte, en relisant aujourd'hui certaines de mes interventions dans des discussions voisines (voir liens plus bas), que je me suis laissé aller parfois à cette erreur qui consiste à poser la signification nécessairement chrétienne du mot 'espérance'. Soit l'erreur que j'attribue (1ère partie des « Correspondances mythopoétiques ») à l'exposé de Michaël dans « L'esprit de l'espoir » (colloque de Rambures, cf. publication dans Tolkien aujourd'hui). C'est avec gêne que je m'en rends compte une fois ma propre publication faite (je n'avais PAS reconsulté que le présent fuseau). J'aurais été heureux, dans mon article, de préciser que j'avais moi-même fait le même abus que Michaël ...
Pour rappel, les fuseaux où le sujet a entre-temps été repris :
Jérôme
PS : À tout seigneur (et toute dame) tout honneur. Je dois indiquer que Dame Lamberte avait la première, en fait, posé le rapport entre l'Estel et l'espérance un mois avant la naissance de ce fuseau. Ou bien était-ce Franck ? Il avait en tout cas suivi le même cheminement que moi dans son article sur les hérauts de l'espérance (dont je ne sais plus l'époque de première publication).
[Édit (2021) : Éric avait lui aussi assez tôt évoqué « la dialectique espoir (amdir)-espérance (estel) que pose l’Elfe Finrod lors de sa discussion avec l’Humaine Andreth, et qui parcourt le reste du Légendaire » dans son essai : Heurs et malheurs de Thorin Écu-de-Chêne.]
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Merci à toi Jérôme pour tout ce travail et pour l'aboutissement de ce projet et de cette réflexion de plusieurs années.
Comme disait Sosryko en 2002 (Fichtre ! 14 ans ont passé !) tout ceci est à lire avec joie
I.
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