Vous n'êtes pas identifié(e).
En fouinant chez un bouquiniste, j'ai déniché l'autre jour ce joli petit bouquin en russe (du moins j'ai supposé que c'était du russe, étant bien incapable de traduire autre chose que "MOCKBA 1954"). Ce sont bien sûr les délicieuses illustrations qui ont capté mon attention, malgré la mauvaise qualité de l'impression et le jaunissement du papier. On retrouve de nombreux éléments familiers et communs à de nombreux contes (slaves ou non) : le preux chevalier et la jolie princesse, les joyeux compagnons, le vieux mage/sage à barbe blanche avec son gros bouquin, les combats épiques à l'ombre de mystérieux châteaux, ...
Et puis il y a cette tête de géant endormi, à moins qu'il ne s'agisse d'une statue ? Et cet espèce de nain du chaos volant, copain (?) avec un dragon, et qui semble avoir pris au pied de la lettre l'expression "Que ta barbe pousse toujours plus longue" !
Une amie polonaise m'a depuis traduit et révélé le titre et l'auteur de ce livre (le russe a longtemps été la seconde langue "imposée" chez eux). Mais peut-être que certains d'entre vous avaient déjà trouvé (ou s'amuseraient à chercher par eux-mêmes) ? Un indice : l'auteur a eu la mauvaise idée de trépasser à l'âge de 38 ans des suites d'un duel aux pistolets....
Je reviens bientôt avec la réponse et quelques informations (et des liens) sur l'artiste russe qui a réalisé ces chouettes dessins...
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Un autre indice : il parait que la mort prématurée de l'auteur l'empêcha d'écrire lui-même le livret d'un opéra, inspiré de l'œuvre littéraire dont il est ici question...
Amicalement,
Hyarion.
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Trop fort, Hyarion !
Grmbl, j'ai compté trop large pour les écrans et j'aurai du disposer les images autrement...
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Autre indice : adaptation cinématographique en 1972 par Aleksandr Ptushko.
S
merci Pellucidar pour le jeu de piste ;-)
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Wikipédia est mon ami : Alexandre Pouchkine !
J'ai fait le plus facile, je vous laisse donner l'oeuvre
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Frodo Bingo, les amis ! C'est bien en effet Alexandre Pouchkine qui est l'auteur de ce Rouslan et Ludmila, poème narratif inspiré (entre autres) du folklore russe et qui valu à l'auteur la notoriété, notamment à cause de la polémique qu'il déclencha dans les milieux littéraires vu les libertés qu'il prenait avec la langue russe. Comme l'a dit Hyarion, Pouchkine ne pourra écrire lui-même le livret de l'opéra qu'il a inspiré, deux coups de pistolet tirés le 27 janvier 1837 par son beau-frère, officier français, mettant fin prématurément à une carrière prometteuse.
L'auteur des illustrations est un artiste russe du nom de Nikolai Kochergine (Moscou 1897 - Leningrad 1974), un contemporain de Tolkien (notez la proximité des dates) qui traversa sans encombre apparent la répression tsariste, la révolution bolchevique, la guerre civile, les purges staliniennes et 2 guerres mondiales. Si durant la seconde il contribua à l'effort de guerre de son pays en réalisant des affiches de propagande, c'est surtout dans l'illustration enfantine qu'il se fit un nom...
Tchernomor est le nom du méchant sorcier kidnappeur de princesse !
En 1967, Kochergine au sommet de son art illustra aussi le Kalevala, dont il est inutile ici de rappeler l'influence sur Tolkien.
C'est plutôt bien inspiré et très impressionnant techniquement, jugez plutôt :
Les autres images de son Kaevala sont ici et encore d'autres contes illustrés là-bas.
Bonne fin de week-end à tous,
P.
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Merci beaucoup, cher Pellucidar
Kochergine est un bel illustrateur. On regretterait presque qu'il n'ait pas illustré une version russe du Hobbit...
Ceci-dit, il y a tellement d'éditions... il l'a peut-être quand même fait
I.
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Merci pour ces informations et ces liens, Pellucidar. :-)
Nikolai Kochergine était un artiste talentueux et ses illustrations, notamment celles pour le Kalevala, sont particulièrement convaincantes.
À noter que l'ouverture pour orchestre de l'opéra Rouslan et Ludmila est sans doute un des morceaux de musique les plus connus du compositeur de cette œuvre d'art lyrique, Mikhaïl Glinka, au sein du répertoire classique.
Amicalement,
Hyarion.
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Je suis content que cela vous ait plu.
Je reviens bientôt avec un autre conte archi-connu celui-là mais honteusement édulcoré par un certain W. Disney.
N'hésitez pas non plus à utiliser ce fuseau pour nous faire partager vos (re)découvertes...
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[OMG, j'avais complètement oublié ce strip de Calvin et Hobbes......... ]
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C'est un de mes préférés ! Il provient de cette édition (le tome 2, mai 1989, cartonné et tout en couleurs). Ça peut paraître incroyable aujourd'hui mais à l'époque la série n'avait pas du tout marché et s'était arrêtée après le tome 3...
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Je reviens bientôt avec un autre conte (...)
Hum...
Il y a 200 ans (1812/1815) paraissaient les "Kinder- und Hausmärchen" (Contes de l'enfance et du foyer) des frères Jacob et Wilhelm GRIMM, une compilation commentée de contes d'origine variée. Si le succès fut immédiat, la controverse et certaines réactions hostiles de parents lecteurs ne tardèrent pas : fallait-il mélanger dans le même livre des contes pour adultes et des contes destinés aux enfants ? Wilhelm, contre l'avis de son ainé, décida de les édulcorer dans les éditions suivantes en gommant les passages trop violents ou sexuellement explicites. Certains contes (une grosse vingtaine) sont même purement et simplement retirés, comme celui-ci au titre particulièrement évocateur : Comment des enfants jouèrent ensemble à s’égorger (Wie Kinder Schlachtens miteinander gespielt haben) (!?!)
Pendant des décennies le succès perdura et de nombreuses adaptations sous diverses formes se succédèrent. En 1934, Walt Disney convoque ses collaborateurs : il a décidé de lancer ses studios dans la création du premier long métrage animé en couleurs, Blanche Neige et les 7 Nains. Le père Walt va appliquer à ce conte un traitement qui restera la marque de fabrique du style Disney : sur la forme une très grande qualité de l'animation et des dessins, et sur le fond un manichéisme absolu (aucune ambiguïté, l'enfant doit pouvoir s'identifier immédiatement aux gentils), de l'humour premier degré généré par les personnages secondaires toujours identiques, le tout saupoudré d'une bonne dose de morale judéo-chrétienne. Blanche Neige est le conte idéal : les aspérités de l'histoire originale sont gommées et Disney insuffle dans le caractère du personnage principal sa conception très conservatrice de l'ordre social et de la place et du rôle de la femme dans celui-ci. En gros : sois belle et nettoie. Et trouve-toi un mari.
Le film de Disney (visuellement un chef d'oeuvre, je n'en disconviens pas) est devenu tellement populaire qu'il a supplanté aujourd'hui le conte original dans l'imaginaire collectif, surtout chez nos chères petites têtes blondes, assez logiquement. Les miens n'y ayant pas échappés, je décidai il y a quelques années de ressortir de la bibliothèque grand-paternelle (une vraie mine d'or, j'aimerai un jour vous la faire visiter) une version livresque richement illustrée datant de 1948 afin qu'ils puissent au moins connaître l'histoire dans sa version non-édulcorée, ou non-"disneyifiée". Leurs réactions amusées et enthousiastes me convainquirent de prendre le temps un jour de vous faire partager ces jolis petits dessins désuets... So do I.
Pour rappel, les principales différences entre la version de Disney et le matériau original :
- Blanche Neige a 7 ans lorsqu'elle est emmenée dans la forêt par un chasseur pour y subir contre son gré diverses ablations d'organes…
- La pomme empoisonnée est la troisième tentative d'assassinat (après le corset serré à l'en étouffer et un peigne lui aussi empoisonné) par la méchante reine, qui se déguise mais ne se transforme pas en affreuse sorcière (ce qui est stupide en soit : si vous voulez séduire ou abuser de la confiance de quelqu'un, pourquoi s'enlaidir à ce point ?).
!!! Moi, à la place de Blanchette, je me serai méfié…
- Blanche Neige est réveillée non pas par un baiser princier mais par une maladresse des nains qui, en chahutant le cercueil de verre, dégagent le morceau de pomme coincé dans la gorge de la jeune fille qui a bien grandi.
Et surtout...
- L'affreuse marâtre ne tombe pas dans un précipice, foudroyée par un éclair providentiel mais, invitée au mariage de Blanche Neige, elle est forcée d'enfiler des chaussures de métal chauffé au rouge et de danser jusqu'à ce que mort s'ensuive ! C'est à ce moment que votre fiston âgé alors d'une douzaine d'années s'exclame : "Trop cool !" et que vous vous dites que peut-être vous avez loupé quelque chose dans son éducation...
Même s'il lui reconnaissait un certain talent, Tolkien détestait cordialement le style Disney, il l'a dit, écrit et répété plusieurs fois (notamment dans les Letters). Néanmoins en 1939, il accompagne son ami Jack Lewis à la projection du film, et d'après le Companion and Guide (p. 210) il trouva Blanche Neige plutôt jolie mais les nains... affreux !
Pour terminer, intéressons-nous encore un bref instant aux détails techniques et historiques (dans la série "Au moyen-âge, on savait rigoler !"). Dans l'art de faire du mal à son prochain, cette époque est plutôt propice aux innovations, question méthodes d'exécution, tortures et châtiments… Cependant, si j'ai bien trouvé quelques exemples de "chaussures" de métal pour entraver, perforer ou broyer les pieds, je n'ai rien déniché sur la technique du "chauffé au rouge"... Connaîtriez-vous des précédents ? Sinon, je cherche également des infos sur l'illustrateur H. Thiriet ...
En-vous-remerciant-bonsoir-!
P.
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Merci beaucoup pour le partage, Pellucidar. :-)
Même s'il lui reconnaissait un certain talent, Tolkien détestait cordialement le style Disney, il l'a dit, écrit et répété plusieurs fois (notamment dans les Letters). Néanmoins en 1939, il accompagne son ami Jack Lewis à la projection du film, et d'après le Companion and Guide (p. 210) il trouva Blanche Neige plutôt jolie mais les nains... affreux !
On aurait surtout aimé savoir si Tolkien désapprouvait personnellement le principe d'édulcorer un conte de Grimm de ses passages très violents ou sexuellement explicites dans le cadre d'une adaptation, par Disney ou un autre... ;-)
Sinon, je cherche également des infos sur l'illustrateur H. Thiriet ...
Il s'agit vraisemblablement de l'illustrateur et affichiste français Henri Thiriet (1873-1946), qui travailla notamment beaucoup dans le domaine de l'illustration de romans populaires dont quelques couvertures sont consultables sur le site de nooSFere : http://www.noosfere.org/icarus/livres/a … veau=illus
La BNF conserve des publications illustrées par lui, dont certaines sont consultables sur Gallica : Journal d'un écolier par Mathieu Fournier (1921), L'Enfant d'Austerlitz de Paul Adam (1912), Le Mariage d'Éliane de Gabriel Liquier (1911) et le catalogue Cent ans de modes : 1799-1899 publié par le High-Life Taylor (1899) et dont Thiriet a illustré la couverture.
S'agissant des contes de Grimm, en sus de l'édition illustrée de Blanche Neige que tu évoques, Thiriet a également illustré Les Six compagnons qui viennent à bout de tout et La Belle au bois dormant.
Amicalement,
Hyarion.
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Merci pour les liens sur Henri Thiriet, Hyarion. En particulier celui sur nooSFere, j'ignorais qu'il avait aussi illustré des "romans de gare" (comme Frazetta, tiens !). Ceci dit, en revoyant le nain glabre au premier plan sur la couverture, j'ai l'impression que Thiriet (ou son éditeur) a été lui aussi influencé par l'imagerie Disney.
A priori, on pourrait se dire que Tolkien aurait été contre toute altération des textes originaux; que le choix doit être laissé aux parents d'estimer que tel conte peut être lu ou pas à tel enfant en fonction de son âge et de sa sensibilité. Je pense aussi qu'il était bien conscient des nécéssités de changements dans le cadre d'une adaptation, comme l'indiquent ses remarques dans les lettres concernant les projets d'adaptation de ses propres oeuvres. Je crois pouvoir dire qu'il aurait surtout regretté que ce soit la seule version de Disney qui se soit imposée au point de complétement occulter la version des frères Grimm, et pas seulement de Blanche Neige…
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Merci pour le partage Pellucidar
Concernant le rapport entre conte/adaptation/enfant et la représentation des nains, C.S. Lewis écrivait d'ailleurs dans une lettre adressée le 11 janvier 1939 à son ami l'historien A.K. Hamilton Jenkin (nous noterons au passage le qualificatif qu'il emploie pour parler de W. Disney...) :
What did you think of Snowwhite and the vii Dwarfs? I saw it at Malvern last week on that holiday... Leaving out the tiresome question of whether it is suitable for children (which I don't know and don't care) I thought it almost inconceivably good and bad--I mean, I didn't know one human being could be so good and bad. The worst thing of all was the vulgarity of the winking dove at the beginning, and the next worst the faces of the dwarfs. Dwarfs ought to be ugly of course, but not in that way. And the dwarfs' jazz party was pretty bad. I suppose it never occurred to the poor boob that you could give them any other kind of music. But all the terrifying bits were good, and the animals really most moving: and the use of shadows (of dwarfs and vultures) was real genius.
Qu'as-tu pensé de Blanche-Neige et les 7 Nains ? Je l'ai vu à Malvern la dernière semaine durant ces vacances... En laissant de côté la question ennuyeuse de savoir si ça convient ou non aux enfants (ce que je ne sais pas et m'en fiche), je l'ai trouvé de façon presque incroyable à la fois bon et mauvais - je veux dire, je ne connaissais pas un être humain pouvant être si bon et si mauvais. La pire de toutes les choses est la vulgarité de la colombe clignotante au début, et la pire chose suivante concerne les visages des nains. Les nains doivent êtres laids, bien sûr, mais pas de cette façon. Et la soirée jazz des nains est plutôt mauvaise. Je suppose qu'il n'est jamais venu à l'esprit du pauvre imbécile que l'on pouvait leur attribuer n'importe quel autre style de musique. Mais tous les morceaux terrifiants sont plutôt réussis, et les animaux sont vraiment les plus touchants : les jeux d'ombres (des nains et des vautours) sont vraiment géniaux.
Ainsi, après avoir vu l'adaptation de W. Disney une première fois en 1938 dans la station balnéaire anglaise de Malvern, où il se rendait régulièrement (C.S. Lewis y séjourna pour la première fois en 1911, à l’âge de 13 ans, en raison de problèmes de santé pulmonaires, et y suivit sa scolarité jusqu’en 1914 - Malvern se trouve à l’ouest de l’Angleterre, dans la région des collines Malvern, reliefs réputés pour leur beauté que J.R.R. Tolkien comparera aux Montagnes Blanches du Gondor), C.S. Lewis la vit donc une seconde fois l'année suivante avec son ami Tolkien. La proximité de pensée entre ces deux auteurs concernant la représentation des nains est remarquable. A se demander d'ailleurs si Tolkien n'aurait pas quelque peu influencé le jugement de Jack à leur sortie de la projection en 1939...
Quoi qu'il en soit, il est certaines coïncidences temporelles que l'on ne peut que noter ici.
Ainsi, c'est deux mois exactement après la publication du Hobbit en Angleterre que sortait le 21 décembre 1937, au prestigieux Carthay Circle Theater à Hollywood, le premier long métrage d’animation en Technicolor de Walt Disney ! Et 5 jours avant cette sortie, Tolkien écrivait dans une lettre adressée à Stanley Unwin, à propos des nains de son roman :
M. Sacquet a commencé comme un récit comique au milieu de Nains conventionnels et inconsistants sortis d’un conte de fées de Grimm, et a été attiré jusqu’au bord de cette mythologie – si bien que même Sauron le terrible est apparu à cet endroit.
La distanciation de Tolkien semble donc être double : par rapport à l'édulcoration des nains des traditions nord-germaniques dans les Kinder-und Hausmärchen des frères Grimm, et par rapport à la vulgarisation des nains des contes des frères Grimm dans les productions de W. Disney.
De fait, si Tolkien « [haïssait] sincèrement tous les travaux » (L, p. 33) des studios Disney c'est parce qu'il jugeait leurs réalisations « vulgaires », à l’image d’une illustration de Gandalf réalisée quelques années plus tard, en 1946, pour la traduction allemande du Hobbit, trop « disneyesque » à son goût :
Il [= Horus Engels] m’a envoyé quelques illustrations (des Trolls et de Gollum) qui, malgré certains mérites, tels que l’on peut attendre d’un Allemand, sont trop « Disneyesques » à mon goût, je le crains : Bilbo avec le nez qui coule, Gandalf d’un comique vulgaire [« vulgar fun »] au lieu de l’errant à la Odin que j’ai en tête.
En novembre 1961, l'opinion de Tokien n’a pas changé, au qualificatif près, puisqu'il estime toujours que la production de Disney est « vulgaire » (« vulgar ») dans une lettre adressée à sa tante Jane Neave (L, p. 437)
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Merci pour les citations, Tilkalin. Existe-t-il un fuseau ou une page sur Tolkiendil (ou ailleurs) qui parle un peu des lettres de Lewis ?
Concernant les studios Disney, "vulgar" est encore assez gentil, je trouve… Toujours dans le Companion and Guide page 210, il est fait référence à une lettre de Tolkien de juillet 1964, publiée en 2001 dans un catalogue de Sotheby's, dans laquelle s'adressant à Jane Louise Curry (auteur de livres pour enfants) il écrit :
Though in most of the "pictures" proceeding from his studios there are admirable or charming passages, the effect of all of them is to me disgusting. Some have given me nausea… Et même s'il n'était pas indifférent au motif financier, I should not have given any proposal from Disney any consideration at all. I am not all that poor…
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