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Après les géants du Hobbit, les Dryades du Seigneur des Anneaux... Volume 2, Chapitre IV: "Ithilien, le jardin du Gondor, maintenant désolé, conservait encore une beauté de dryade échevelée."
Que penser de cela?
Didier.
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Voici ce qu'on peut lire dans le Robert :
Dryade :
Nymphe protectrice des forêts.
Nymphe :
Déesse représentée sous la forme d'une jeune femme nue ou demi-nue, qui hantait les bois, les montagnes, les fleuves, la mer, les rivières.
Elle est en effet intriguante la phrase qui tu as remarqué, Didier. Cette "dryade échevelée" a une connotation, à mon avis, quelque peu "érotique". Ce qui m'apparait fort étonnant de la part de Tolkien. J'imagine Didier que tu as vérifié dans la VO, la traduction est bonne ?
Alors, qu'est-ce que cette dryade ?
On pourrait penser que c'est une elfe dépravée, retournée à l'état de Nature. Une fille de taverne qui hanterait la scène de l'auberge de Bree ? ;-))
Hum, cette réponse n'est guère sérieuse mais je ne vois pas d'hypothèse qui le soit : sérieuse.
Tout cela ne doit être qu'une figure de style, mais une figure dangereuse et évocatrice...
J'espère que quelqu'un pourra apporter une réponse qui dénonce mon délire.
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Dans le texte: dishevelled dryad. Donc pour une fois le traducteur n'y est pour rien.
Didier.
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baaah, je pense que ce n'est qu'une figure de style sur la nature belle et sauvage (avec peut-être allusion à l'air "elfique" de ces bois, qui le redeviendront en tout cas quand Legolas et certains des siens iront le repeupler)
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Juste un mot pour indiquer que Tolkien parle des "dryades, wuduelfen" dans la lettre n° 236 à Rayner Unwin du 30 décembre 1961 (The Letters, p. 314), à l'occasion de certaines conceptions du terme d'elfe.
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L'étonnant est que Tolkien ait utilisé un terme de la mythologie grecque. Mais la connotation érotique est peut-être là pour rendre l'aspect "luxuriant" du jardin d'Ithilien, paradis perdu rendu à la nature sauvage...
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Non, Philippe : ce n'est pas étonnant. Leo a raison, c'est une image. Tolkien était un créateur d'images et de couleurs. Et puis étant fan de mythologie, il n'est pas curieux de voir une référence à la mythologie qrecque. Et puis la dryade est implicitement associée aux elfes, vivant dans les arbres. Les Ents ressemblent plus à des hamadryades, comme si leur corps d'écorce renfermait une conscience.
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Comment ça, Curufinwë, "comme si leur corps d'écorce renfermait une conscience" ??! ;-)) Les Ents ont une conscience, ce sont des créatures rationnelles : il ne faut pas y voir simplement une supposition ;-)
Au sujet des dryades, je partage l'étonnement de Didier et de Philippe. Si le Livre des Contes Perdus fourmille d'emprunts à diverses mythologies, le Seigneur des Anneaux est censé reposer sur le Légendaire. Tolkien ne voulait pas de figures allégoriques dans son œuvre. Cette comparaison me semble donc déplacée.
Je signale enfin que la dryade est également une plante. Je reprends la définition du Petit Robert : "Plante dicotylédone (rosacées) vivace, à grandes fleurs blanches, qui croît dans les montagnes". Bien sûr l'Ithilien n'est pas très montagneux... Il faut donc sans doute s'en tenir à une figure de style déplacée.
Sébastien
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Non Fangorn : je ne dis pas que les Ents sont des hamadryades. Je constate juste qu'il y a des points communs entre ces créatures intelligentes que sont les Ents et les hamadryades. C'est tout.
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Merci d'avoir précisé ta pensée. Ta formulation était pour le moins ambiguë.
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Je sais. Ca m'arrive parfois.
Par contre, je ne sais pas si une dryade peut être percue comme une "figure allégorique". Je pense que c'est bcp plus compliqué que ça.
Cordialement, Curufinwe.
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Je fais remonter ce sujet des profondeurs du Forum à cause de la dryade "allégorique". Fangorn mentionne dans son article que Tolkien regrettait deux dérives allégoriques dans son œuvre (mais pê ne parlait-il que du Hobbit. Il propose de voir dans la bataille des géants de pierre décrite par Bilbo l'une de ces dérives. Cette "dryade" pourrait-elle être la seconde ?
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Vous dîtes que Tolkien ne voulait pas d'allégories, mais je trouve que Golberry est une bonne représentation d'une nymphe des rivières. On peut comparer Ulmo à Poseïdon, Ossë à Triton et Uinen à une Néréide. Il est vrai que j'avais noté l'emploi de ce mot mais en fait ça ne me choque pas outre mesure.
Lomion
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Pour ce qui est de Ulmo/Poseidon, il est clair que Tolkien s'est inspire des mythologies nordique et grecque et romaine... Manwe pouvant quant a lui etre compare a Zeus/Jupiter (et Thor par association) : Il a meme l'aigle avec lui.
A+
Greyelm
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Autant anticiper sur les objections légitimes dont je sens déjà le souffle chaud : je n'ai pas l'intention de soutenir jusqu'au bout l'idée que l'on a retrouvé la trace des Ents-femmes (je suis au courant de l'incertitude laissée volontairement par Tolkien ;-))
Mais ce forum est le meilleur des crash-tests pour éprouver une supposition ;-)
Je me demande si l'on ne pourrait pas voir dans cette fameuse "dryade échevelée" un lointain écho des Ents-Femmes (comment ça, ça tourne à l'obsession ?! ;-))
Après tout, Curufinwë établissait bien un lien entre les Ents et les hamadryades ;-)
A la différence des Ents qui aiment la liberté des forêts, les Ents-Femmes se soucient des jardins. Or l'Ithilien est précisément appelé le "jardin du Gondor" (SdA, IV, 4 ; éd. du Centenaire, p. 698), juste avant que l'on parle de sa "beauté de dryade échevelée". Ce jardin, à l'état sauvage, n'aurait-il pas été inspiré par une Ent-Femme ?
Certes, l'Ithilien a souffert des incursions de l'Ennemi, mais il conserve un charme particulier.
D'ailleurs, le texte anglais emploie le terme de « loveliness », c'est-à-dire la beauté ou le charme (The Lord of the Rings, p. 676). Or, c'est le terme exact qu'emploie Treebeard lorsqu'il évoque la douce Fimbrethil : "ah! the loveliness of Fimbrethil, of Wandlimb the lightfooted, in the days of our youth!" (The Lord of the Rings, III, 4, p. 497 ; éd. du Centenaire, p. 514).
Il y a d'autres correspondances entre ce que Treebeard dit des Ents-Femmes et la description de l'Ithilien :
- Dans la Chanson de l'Ent et de l'Ent-Femme, celle-ci parle de la "fragrance" de l'air pour le couplet du Printemps (SdA, III, 4, éd. du Centenaire, p. 514 ; The Lord of the Rings, p. 498 : c'est le même terme en anglais).
Or la fragrance de l'air de l'Ithilien est l'une de ses principales caractéristiques, notamment lorsque Frodo et Sam y pénètrent : le paragraphe qui précède celui sur la dryade en fait état (SdA IV, 4, éd. du Centenaire, p. 698). C'est également le Printemps.
- Le paysage de l'Ithilien, avec ses "petits bois (...) séparés par de larges clairières" (SdA, IV, 4) semble parfaitement convenir aux Ents-Femmes qui "s'intéressaient aux arbres moindres et aux prairies ensoleillées" (SdA, III, 4).
- Treebeard sait que les Ents-Femmes ont passé l'Anduin et se sont établies plus loin, là où s'étendront plus tard les Terres Brunes (entre Mirkwood et l'Emyn Muil). Cette région n'est pas très éloignée de l'Ithilien (plus au sud), et il se pourrait que certaines Ents-Femmes y soient descendues (voire qu'elles s'y soient réfugiées). Treebeard fait état de témoignagnes lors de ses recherches (même si le Sud n'est pas la seule direction donnée). C'est, en tout cas, plus probable à mon avis, que de leur faire traverser les Monts Brumeux pour atteindre la région au nord de la Comté...
J'aimerais voir aussi un indice dans ce qu'Aragorn dit à Treebeard lorsqu'ils se retrouvent au Clos d'Orthanc : "Mais peut-être y a-t-il maintenant plus d'espoir dans votre recherche (...). Des terres vous seront ouvertes à l'est, qui vous ont été longtemps fermées" (SdA, VI, 6, éd. du Centenaire, p. 1045).
Bien sûr, l'Ithilien n'est pas la seule région possible à l'est de la Forêt de Fangorn (elle se situe d'ailleurs davantage au sud-est). Mais Aragorn est le représentant de l'Espoir (= Estel) dans l'œuvre de Tolkien, et cette direction n'est peut-être pas un simple hasard. Je ne sais pas...
Bref, l'Ithilien, à mes yeux, a un côté « jardin anglais », à l'aspect sauvage, qui répondrait à la nature "échevelée" de cette mystérieuse dryade...:-) Treebeard a, par définition, la barbe embroussaillée ; il se pourrait qu'une Ent-Femme soit particulièrement ébouriffée ;-)
En tout cas, plus j'y pense, et plus j'ai des doutes sur l'hypothétique présence d'une Ent-Femme au nord de la Comté.
Beaucoup sont tentés de voir une Ent-Femme dans l'Homme-Arbre, aussi grand qu'un orme, que le cousin de Sam aurait vu marcher au-delà des Landes du Nord. Ils s'appuient sur l'insistance de Treebeard auprès des Hobbits pour savoir s'ils n'auraient pas vu des Ents-Femmes dans la Comté. Or, il me semble peu probable qu'une Ent-Femme demeure au nord de la Comté, au-delà de ces Landes du Nord (North Moors). Puisque les Ents-Femmes se caractérisent par l'amour des jardins, ce n'est pas à mon avis dans une contrée désertique et rocailleuse qu'elles se seraient installées... L'Ithilien me paraît plus en adéquation avec leurs goûts. Cela dit, c'est vrai que ce n'est pas incompatible.
Enfin, voilà l'hypothèse... Hum...Allez-y, lâchez les chiens...;-))
Sébastien, qui croit finalement comprendre pourquoi il aime tant l'Ithilien (et sa dryade) ;-)
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J'oubliais : voici un peu de tissage...;-)
- Des Ents-Femmes
- Une compagne pour Sylvebarbe
- Vie et mort des Ents
- Où sont les Ents Femelles ?
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Salutations, mon bon Fangorn.
Ton argumentation excite ma curiosité au plus haut point. Non contente d'offrir de nouvelles pistes de réflexion, elle propose qui plus est une explication rationnelle et ingénieuse du devenir des dryades/Ent-femmes, ainsi qu'un éclaircissement fort intéressant sur leur apparence physique potentielle (nettement plus séduisante que celle communément admise chez les petites gens de la Comté).
Il reste bien sûr à deviner pourquoi Tolkien a fait (consciemment ou non ?) usage d'un terme qui, étymologiquement parlant, entre en conflit avec la nomenclature rigoureuse de son propre bestiaire.
Rhaaa, voilà un sujet traditionnel comme on les aime ;-)
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décidément, beaucoup d'"anciens" "reviennent"... même celui au nom imprononçable.
Ton hypothèse, Fangorn, est en effet séduisante, et surtout très bien etayée (mais peut-être ne s'agit-il que d'une étape de la quête désespérée des Ents? ;-) )...
On remarquera simplement que si elle s'avérait vraie, eh bien ces Ents-Femmes seraient pour le moins malchanceuses, sinon carrément imprudentes, car après s'être rendues dans les Terres Brunes (où les troupes de Sauron ont commis bon nombre de déprédations, et pas les moindres à leur égard), elles se seraient rendues dans la "zone-tampon" entre le Mordor et le Gondor... d'un point de vue darwinien, leur disparition s'expliquerait donc aisément :-)
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Eh bien, vos réactions me font franchement plaisir :-) Je suis content que cela ne vous paraisse pas trop absurde :-)
Je poursuis sur la lancée...
Dans l'Appendice sur les Noms dans les Contes Perdus, on trouve une autre occurrence de "dryad" (Home I, 261), qu'Adam Tolkien a traduite par « nymphe des bois » (FrHome I, 346).
C'est à l'entrée « Nandini », pour un dérivé de la racine NARA : "nandin" désigne une dryade (LQ).
Je n'ai aucune connaissance dans les langues tolkieniennes, c'est pourquoi je fais appel à vos compétences : si nan(d) signifie "région boisée", peut-on lire le nom du Géant Nan de la même façon ?
Cela me permettrait tout d'abord de trouver un nouvel argument pour mon article en faveur du remplacement des Géants par les Ents ("La disparition des géants", in La Feuille de la Compagnie, n°1 ;-)). Nan ressemble à un orme (FrHome II, 90), et son nom signifierait "région boisée" : on ne serait pas très loin de Fangorn qui porte le même nom que sa forêt.
D'autre part, la dryade — même si les Ents et les Ents-Femmes sont encore loin d'apparaître, à l'époque du Livre des Contes Perdus (quoique...;-) — aurait ainsi un précédent dans cette nandin.
Cela dit, on trouve un peu de tout, à l'époque du Livre des Contes Perdus : entre les ogres-cannibales, les pygmées et autres sirènes, il n'y a que l'embarras du choix ;-)
C'est un peu tiré par les cheveux, mais la dryade échevelée n'est plus à ça près...;-)
Sébastien
PS : c'est vrai que ce fuseau a un p'tit côté réunion d'anciens...;-)
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Curufinwe : "Je constate juste qu'il y a des points communs entre ces créatures intelligentes que sont les Ents et les hamadryades"
C'est amusant, je m'imaginais plutôt les Ents comme des anti-hamadryades...
Elles sont dryades partageant le destin des arbres, eux sont des arbres partageant les destin des ... hmm disons des dryades ? :)
E.
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Je suis nouvelle et j'espere ne pas trop me planter ou avoir l'air trop niaiseuse mais j'aimerais juste vous réinformer en quelque sorte sur la mythologie grecque.
Dans l'encyclopédie de la mythologie grecque et romaine de P. Commelin:
Dryade vient du mots grec drus " chêne" on represente ces nymphes sous la forme de femmes dont la partie inférieur du corps
se termine en exprimant une sorte de troncs et de racines d'arbres et deplus elles possèdent une abondante chevelure qui flotte sur leurs épaule au gré du vent.
Les Hamdryades étaient des nymphes dont le destin dépendait de certains arbres avec lesquelles elle naissait et mouraient.
Selon moi c'est un peu loin de la description des Ents du seigneur des anneaux donc je serait plus d'accord sur le fait que Tolkien ait voulu faire une figure de style et rendre le texte plus poétique que de
laisser un doute sur la possibilitée que les femmes-Ents y aurait séjournée ou y séjournerait encore.
Mais bon c'est mon opinion et peut-etre je me trompe.
merci
Elvëa
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Je trouve au contraire que cette description des dryades renforce l'association Ents/Ent-femmes/Ithilien;-)
Un autre nymphe des bois tolkienienne, au Premier Age:
Nienor, courant nue et cheveux aux vent, du côté de Brethil, après avoir été ensorcelée par Glaurung (UT p. 121 mais aussi Home XI 95). L'image est récurrente...
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Stop on arrête là les jeunes !
Le Sda est une oeuvre littéraire, ce n'est pas la réalité. Et cette "dryade échevelée" est une image !
Cordialement.
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Puisque JRRVF a 10 ans, je m'en vais remonter un de nos fuseaux préférés, à propos d'une petite dryade toute échevelée qui avait fait couler beaucoup d'encre - et sans doute quelques uns d'entre nous avaient fantasmé à l'ombre d'un bel arbre du "Jardin d'Ithilien".
Si quelqu'un voulait reprendre ce dossier de manière plus structurée, d'ailleurs, qu'il m'en fasse part en privé pour un petit projet semi-secret ;)
Didier (avec Romaine, que c'est ma dryade).
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Sans remettre en question l’hypothèse formulée par Fangorn le 05/01/2003 (et complétée le 07/01/2003)*, je souhaiterai en avancer une autre que mes interrogations sur le personnage d’Éowyn m’amènent à vous soumettre aujourd’hui. Ces questionnements m’ont en effet conduit à m’interroger sur les différentes descriptions de sa chevelure pour tenter de mieux cerner la construction progressive de l’identité complexe de ce personnage.
Dénouée ou nattée, peignée ou dépeignée, ce n’est pas moins de quatre images de sa coupe de cheveux (sur cinq occurrences pour « cheveux » associées à Éowyn) qui nous sont données à lire dans le SdA. À deux reprises, elle est ainsi décrite les cheveux épars et flottants, autrement dit « échevelés » selon la définition du Littré en ligne.
Dans le Livre V, chapitre vi, lors de la bataille des Champs du Pelennor, elle révèle son identité aux yeux de tous en retirant son heaume, « ses brillants cheveux, relâchés de leur lien, luisaient comme de l'or pâle sur ses épaules. Ses yeux d’un gris de mer étaient durs et féroces, et pourtant les larmes coulaient sur ses joues. Elle avait une épée à la main, et elle levait un bouclier […] ». Tout à la fois « si belle [et] si désespérée », elle fait à cet instant face à « l’Ombre du désespoir », le Roi-Sorcier d’Angmar. Cette image d’une Éowyn en armes et nue tête n’est pas sans évoquer un vers de l’ubi sunt récité par Aragorn à Meduseld, poème « chargé de la tristesse des Hommes Mortels », dans le Livre II, chapitre v : « Où sont le heaume et le haubert, et les brillants cheveux flottants ? »
Dans le Livre VI, chapitre v, lors de sa convalescence dans les Maisons de guérison, Éowyn se tient à côté de Faramir sur les murs de Minas Tirith quand « un grand vent s'éleva et souffla, et leurs cheveux, noir de jais et blond d'or, flottèrent mêlés dans l'air ». Sa beauté n’est pas sans émouvoir le frère de Boromir qui lui avouait peu de temps avant : « Il est dans les vallées de nos montagnes des fleurs jolies et colorées, et des jeunes filles plus jolies encore ; mais je n’ai vu ici jusqu’ici nulle fleur en Gondor ni dame aussi ravissante, et aussi triste ». Peu de temps après, Faramir lui déclare ouvertement son amour et, alors, « le cœur d’Éowyn changea, ou bien enfin comprit-elle ». Elle lui répond ainsi : « Je ne serai plus une vierge guerrière, je ne le disputerai plus aux grands Cavaliers, et je ne trouverai plus la joie dans les seuls chants de massacres. Je serai guérisseuse, et j’aimerai tout ce qui pousse et n’est pas stérile ». Ce à quoi Faramir lui rétorque : « J’épouserai […] la Dame Blanche de Rohan, si telle est sa volonté. Et si elle le veut, alors traversons le Fleuve pour demeurer, en des jours plus heureux, dans la belle Ithilien, où nous ferons un jardin. Toutes choses pousseront là avec joie, si la Dame Blanche y vient ».
Faramir n’est pas le premier à comparer Éowyn à une fleur. Ainsi, dans le Livre V, chapitre viii, Aragorn, qui perçoit sa tristesse, la compare à un lys, fleur blanche « droite et fière », la trouvant même dans le Livre III, chapitre vi, aussi froide qu’un « pâle matin de printemps qui n’a pas encore atteint la maturité de femme ». À l’image d’une fleur, Éowyn est belle et pure, mais aussi fragile et éphémère. Beauté et tristesse apparaissent ainsi comme deux motifs récurrents dans la description de ce personnage. Dans le Livre VI, chapitre v, les mots « loveliness » et « grief » sont d'ailleurs utilisés à deux reprises (sur un total de huit occurrences pour « loveliness » dans le SdA) par Faramir pour décrire Éowyn :
- He [Faramir] looked at her [Éowyn], and being a man whom pity deeply stirred, it seemed to him that her loveliness amid her grief would pierce his heart (« Il la regarda, et, profondément sensible à la pitié, il lui sembla que sa beauté au milieu de son chagrin allait lui percer le cœur »).
- The mantle was wrought for his mother, Finduilas of Amroth, who died untimely, and was to him but a memory of loveliness in far days and of his first grief; and her robe seemed to him raiment fitting for the beauty and sadness of Éowyn (« La mante avait été faite pour sa mère, Finduilas d'Amroth, qui, morte prématurément, ne représentait pour lui qu'un souvenir de beauté dans un temps lointain et son premier chagrin ; et ce vêtement lui paraissait convenir a la beauté et a la tristesse d'Éowyn »).
États physique et mental apparaissent donc étroitement imbriqués dans la description du personnage d’Éowyn. De fait, la deuxième et dernière entrée pour « dishevelled » dans le SdA est également associée à la tristesse, dans le Livre 1, chapitre III : Bag End seemed sad and gloomy and dishevelled (« Cul-de-Sac paraissait triste, morne et désordonné »). Le désordre y apparaît aussi bien matériel que moral.
Peut-on alors associer Éowyn à cette image de jardin abandonné qu’est devenu l’Ithilien, perçu comme « une belle dryade échevelée » (a dishevelled dryad loveliness) ? Outre son association avec le terme « loveliness » et ses liens indirects (mais néanmoins prégnants) avec le mot « dishevelled », en quoi ce personnage qui doit tant à la figure nord-germanique de la valkyrie peut-il être associé à une dryade, figure issue de la mythologie classique gréco-latine ? Rappelons déjà ce qui a été évoquée précédemment. Citant le dictionnaire de Pierre Commelin, Mythologie grecque et romaine (1983), Eurydice rappelait (le 08/01/2003) que « [les dryades] possèdent une abondante chevelure qui flotte sur leurs épaules au gré du vent », tandis que Cédric évoquait (le 03/04/2000) leur rôle de protectrice des forêts.
Au-delà de ces rapprochements, l’article de Miryam Librán-Moreno intitulé « Greek and Latin Amatory Motifs in Éowyn’s Portrayal », publié dans Tolkien Studies, vol. IV (2007) s’avère utile pour mon propos. Elle y dégage en effet quatre topoi érotiques de la mythologie classique, popularisés au Moyen Âge et à la Renaissance, et que Tolkien aurait associé à la description du personnage d’Éowyn : i/ l’être aimé perçu comme une fleur, ii/ l’amour doux-amer, iii/ la fille intransigeante et iv/ l’hiver de l’amour, associé au printemps, la saison de l’amour. Tolkien aurait ainsi souligné les différentes étapes de la « carrière » d’Éowyn, qui de vierge froide devient une épouse aimante. Grâce à la « chaleur » de l’amour de Faramir, la « fleur blanche et glacée » aurait en effet fondue comme neige au soleil pour laisser éclore un amour pleinement adulte. Ce motif pastoral que l’on retrouve notamment dans les Bucoliques de Virgile est à l’origine lié au pouvoir végétal des divinités Aphrodite et Vénus, les déesses de l’amour et de la germination dans les panthéons grec et romain.
Lorsque je lis la phrase du Livre IV, chapitre iv : « Ithilien, le jardin du Gondor, maintenant désolé, conservait encore une beauté de dryade échevelée », je ne peux donc m’empêcher d’y entendre un lointain écho du devenir d’Éowyn après la Guerre de l’Anneau - et que pourrait souligner son nom de « Dame Blanche d’Ithilien ». Elle devient en effet un agent de la fertilité, de la croissance et du bien-être, autrement dit du renouveau de l’Ithilien. En prenant soin des plantes et de la pousse des fleurs en compagnie de l'être aimé, à la fois mari et amant, elle atteint ainsi à la plénitude de la femme en tant que mère et épouse - soit l’une des trois figures de la Femme Primordiale…
Eric.
* Que ce soient l’hypothèse d’une association entre « dryade échevelée » et Ent-femme ou celle que je m’apprête à vous proposer, il me semble qu’il s’agit fondamentalement dans les deux cas de discuter de la figure (centrale) de la Femme dans Le Seigneur des Anneaux, parfois décrié (à tort) pour son manque de personnages féminins « consistants ». Cette perspective se situe toutefois au-delà du sujet de ce fuseau mais demeure néanmoins le fil conducteur de mon développement ci-dessus.
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* ronronron * Quand les Nains se réveillent, ce n'est jamais pour rien :)
Une petite pierre à ajouter, peut-être ? C'est aller loin dans le symbolisme, mais Fangorn avait noté que la dryade était aussi une fleur... blanche. Poussant dans les montagnes, donc au frais. Je la connaissais sous le nom de chênette : elle ressemble à ça. C'est amusant donc, de retrouver sous le terme "dryade" une fleur blanche et froide ;)
Le nom latin de la plante 'Dryas octopetala' contient bien le terme "dryade", et si les Anglais parlent de "Mountain Avens" (du vieux français avence), ils utilisent aussi le terme "White Dryad" pour la désigner vernaculairement... Je sais que c'est aller couper les cheveux en quatre, mais je trouve tout de même ça intéressant.
Après tout, Tolkien est allé dans les Alpes, il en a certainement vu ;) Et chose encore plus intéressante : voilà à quoi ressemble une dryade fanée... Si ça ne ressemble pas à une chevelure toute emmêlée...
S. -- qui parle encore de plantes... Didier, finalement, on va p't'êt' arriver à faire un truc sur la dryade échevelée ;)
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C'est toujours aussi intéressant de lire les jrrvfiens. Ils vous prennent une phrase au détour d'une page, et vous en sortent un dossier. Chapeau bas, Tilk' (et les autres qui avaient débuté le fuseau).
(Laegalad, intéressant comme la fleur fanée est plus belle que la fleur vivante...)
(Laegalad et Hiswe, bon courage pour le projet ;))
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* The Silvan Elf bows * Merci bien, gentilhomme :) Mais les tolkiendiliens ne sont pas mauvais non plus, si je puis me permettre... Mantha' a bien amorcé le mouvement avec ses "Pourquoi du comment" ;)
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Je propose une rapide synthèse de ce fuseau :
img src="http://www.fee-et-elfe.com/templates/js/tiny_mce/plugins/imagemanager">
I :o)
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Je propose une rapide synthèse de ce fuseau (avec l'image, cette fois...)
img src="http://www.fee-et-elfe.com/templates/js/tiny_mce/plugins/imagemanager">
I :o)
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Je propose une rapide synthèse de ce fuseau (avec l'image, cette fois...)
I :o)
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Si c'est pas de la triplication magique qu'Isengar vient de nous faire.... Trois incantations et crac, la Dryade apparaît :-)
Côté image, je m'y retrouve mieux qu'avec la version fanée de Stéphanie à laquelle j'écrivais hier soir (à Laegalad, pas à la fleurette) que ce végétal flétri paraissait aussi échevelé qu'avec un de ces pots de gel dont raffolent les tektoneurs (ou alors comme une Galadriel de cinoche qu'aurait mis les doigts dans le 220 :-)).
Grand merci Tilk.
Voila quelque chose de bien intéressant. J'aime beaucoup l'idée d'un écho du côté des Ents-femmes disparues, par contraste avec l'Ithilien refleuri et reverdi avec l'installation de sa Dame Blanche.
Silmo
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J'ai trouvé d'autres choses intéressantes sur la dryade à huit pétales... Soit Tolkien n'a vraiment rien laissé au hasard, soit le hasard fait vraiment bien les choses !
D'après Wikipedia, la dryade a donné son nom à deux périodes géologiques suivant, si j'ai bien compris, une période de glaciation, car c'est l'une des premières plantes à fleur à recoloniser les éboulis et substrats libérés par les glaciers après la dernière glaciation. (Wikipedia).
Médicinalement, c'est aussi une plante digestive, appétitive et... tonique.
En prime donc des qualités soulignées plus haut, on peut aisément associer la dryade au renouveau et à la guérison :)
S. -- c'est tout de même fascinant, comment on peut dévider une pelote en tirant sur un seul fil...
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Histoire de tempérer ton enthousiasme, chère Laegalad-Clotho :-), la plupart des fleurs - dont les Dryades - sont symbole de renouveau et beaucoup ont des vertus thérapeutiques.
Le hasard n'a donc pas eu grand mal à se donner en la circonstance :-)
Silmos-Atropos
(the mad punter strikes again)
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The Implacable Mad Punter : certes, mais toutes les fleurs ne sont pas les premières à recoloniser le terrain après une glaciation (c'est comme pour les arbres : viennent d'abord les noisetiers et les bouleaux, et bieeeeeeeeeeeen longtemps après, les chênes). Et pour ce qui est des propriétés médicinales, toutes ne sont pas des "toniques" non plus. La camomille, par exemple, ou la mauve, ou la fleur d'oranger, ou... bref.
Je ne dis pas que la dryade soit la seule à être "pionnière" (n'empêche qu'elle a quand même donné son nom à deux périodes post-glaciaires) ni la seule à être tonique (n'empêche que toutes les fleurs ne sont pas surnommées "thé", ni ne servent de succédané du thé), et puis j'ai bien conscience que c'est aller chercher loin, sans doute bien plus loin que ce que pensait Tolkien en écrivant Ithilien, le jardin du Gondor, maintenant désolé, conservait encore une beauté de dryade échevelée. Mais n'empêche (moi aussi je fais de la triplication si je veux, je ne sais pas ce qu'il sort au bout de trois "n'empêche"), je trouve ça rigolo que la dryade à huit pétales ait, toutes proportions gardées, autant de points communs avec Eowyn telle que présentée par Tilk' : fleur, blanc, froid, 'échevelé', renouveau, guérison...
Non ? Oui, bon, d'accord, je suis peut-être un petit peu trop enthousiaste dès qu'il s'agit de plantes. Tu me l'as déjà fait remarquer, en plus :D
S. -- Sylvaine un jour, Sylvaine toujours.
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;-))
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Silmo > J'aime beaucoup l'idée d'un écho du côté des Ents-femmes disparues, par contraste avec l'Ithilien refleuri et reverdi avec l'installation de sa Dame Blanche.
Dans Ents, Elves, and Eriador, The Environmental Vision of J.R.R. Tolkien (Lexington, The University Press of Kentucky, 2006, ix-xxvi, 316 p.), Matthew Dickerson et Jonathan Evans avancent également l’idée d’un écho du devenir d’Éowyn dans l’histoire des Ents femmes - en prenant soin de le situer sur un plan « mythique » (p. 218) :
Éowyn of Rohan and Faramir of Gondor devote their lives to the health of Ithilien, a land bordering Mordor that has also scarred by war. As if declaring herself a handmaiden of Yavanna – or perhaps even a mystic manifestation of Yavanna herself - Éowyn announces, “I will be a healer, and love things that grow and are not barren” (VI/v). Her pledge gets at the heart of stewardship in an age of environmental devastation, and also at the importance of life in Tolkien’s ecology – not only human life, though certainly this is included, but “all things that grow”. (…) For such a tenacious, zealous, and skilful character to turn from the practice of warfare to the art of nurture, growth, and healing of the environment is a momentous development – a shift from thanatos (“death”) to bios (“life”). Attentive readers may be encouraged. Nor is Éowyn alone in her commitment. Faramir; to whom she is wed at the end of the tale, responds with a pledge of his own : “Let us dwell in fair Ithilien and there make a garden. All things will grow with joy here, if the White Lady comes” (VI/v). The reader is left with little doubt that theses things can come to pass. Among other things, at a mythic level, this represents a reconciliation of gender differences that divide the Ents from the Entwives, fulfilling the tenuous prophecy in Treebeard’s song that begins, “When Spring unfolds the beechen leaf” (III/iv)
La partie en gras : « À un niveau mythique, cela représente, entre autres choses, une réconciliation des différences de genre qui séparent les Ents des Ents femmes, accomplissant la prophétie ténue chantée par Sylvebarbe et qui commence par "Lorsque le Printemps fera éclore la feuille du hêtre" ».
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Juste une petite note qui ne relance pas forcément ce passionnant sujet (je suis prudent - sur ce forum désolé et conservant pourtant, lui aussi, "a dishevelled dryad loveliness").
Dishevelled ne renvoie pas seulement à "échevelée" mais aussi à :
"b. In good sense: Unconstrained, free, easy" selon l'OED.
Ce ne serait pas la première fois que Tolkien utilise un terme dans son sens le moins attendu. Du coup, l'érotisme de l'image me semble un peu atténué (disons, plus suggestif). Par ailleurs, ce sens me parait bien résonner avec l'Ithilien "désolé", au sens de "déserté". Je suis sensible à cet aspect tolkienien d'un charme subsistant et libre là où l'on aurait pu croire qu'il n'y avait plus rien (au contraire de l'une de mes phrases préférées de toute l'oeuvre magistrale : "Above all the leagues of waste before the gates of Mordor there was a black silence".)
Ce sens ne diminue en rien l'hypothèse des Ents-femmes que j'imagine également bien "unconstrained", "free" and "easy"... Ceci dit, je n'ai vraiment pas creusé la question contrairement à d'autres :-)
s.
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Tu fais bien de remonter ce fuseau, car je l'avais jadis lu très (trop) superficiellement.
Je n'ai malheureusement rien à rajouter sur les dryades, les Ents-femmes ou Éowyn, les interventions précédentes ayant superbement défriché le terrain, si ce n'est que l'adéquation des deux figures des Ents-femmes et d'Éowyn avec le lieu de l'Ithilien fait aussi ressortir un certain parallélisme entre ces deux types de figure féminine, qui refusent l'une comme l'autre le destin que souhaiteraient leur imposer leurs alter ego masculins. Et si le destin des Ents-femmes reste volontairement incertain, qu'Éowyn finisse par trouver le bonheur en Ithilien contribue peut-être à laisser une lueur d'espoir pour celles-ci.
Sur d'autres sujets mentionnés dans ce fuseau, il me semble manifeste que Dikerson et Evans n'ont jamais rien lu sur les anciens Norvégiens et Islandais, sinon ils ne se seraient jamais aventuré à pondre des affabulations pareilles :
Il est amusant de constater à quel point les sagas montrent des disputes banales de paysans, pour de bêtes questions de récupération des épaves échouées sur la côte, de pacage des bestiaux ou d'héritage d'un lopin de terre. Bon, évidemment, ce sont des paysans qui n'hésitaient pas à prendre les armes pour ça et à aller défendre leur droit l'épée à la main (même et surtout au thing). ;-)
Sinon, je m'inscris en faux contre l'affirmation de Laegalad concernant les noisetiers : les sorbiers précèdent, en particulier en altitude. Mais pour les bouleaux, c'est bien vrai : rien à dire contre la Bagme bloma. ;-)
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J'arrive 14 ans trop tard, mais j'ai quant à moi une hypothèse différente pour expliquer la présence de cette dryade... cette dishevelled dryad. L'allitération. Tolkien met très souvent deux adjectifs (dim and dark), deux verbes (wound and wandered), deux noms (the Wild Wood in wonder) ensemble pour l'allitération. N'est-ce pas la même chose pour cette dryade, cette dryade débraillée, pourrait-on dire ?
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14 ans trop tard ? Pas forcément... Peut-être la nouvelle traduction du roman actuellement en cours va stimuler à nouveau les petites cellules grises et inspirer d'autres écrits... ;-)
[...] cette dryade débraillée, pourrait-on dire ?
Une manière d'annoncer un choix qui aurait récemment été fait, peut-être ? ;-)
À noter qu'il serait aussi possible, à mon humble avis, de parler de dryade déchevelée, pour rester dans un thème "de tête" si j'ose dire, sans laisser trop imaginer que la jolie dryade pourrait être vêtue, fusse de manière négligée... ;-)
Dans le même registre, j'aime bien l'idée d'imaginer Goldberry comme je le veux quand elle nage pour venir tirer la barbe de Tom Bombadil dans un certain poème (la robe verte, c'est pour plus tard, voulez-vous ?)... ;-p
Pour mémoire, revoici le passage où se trouve cette fameuse dryade :
Et la version de Francis Ledoux :
Et comme ce fuseau historique manque d'images depuis trop longtemps, voici enfin un peinture intitulée la Dernière dryade, conservée dans un musée que je connais bien :
Gabriel Guay (1848–1923), La Dernière dryade.
Huile sur toile, 272 x 136 cm.
Toulouse, Musée des Augustins (Salon rouge ; dépôt de l’État en 1902).
On remarquera notamment le contexte forestier du tableau, tout-à-fait de saison...
Amicalement,
Hyarion.
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.
Cher Hyarion.
Depuis février 2004, ce tableau est propriété de la Ville de Toulouse comme de très nombreux envois d'avant 1910 (dépôts du Louvre ou du FNAC)
cf ce lien : http://www.culture.gouv.fr/culture/info … /bo141.pdf
La liste des transferts de propriété pour Toulouse commence p. 73 et se termine p. 97.
La Dryade se trouve page 94
Curieusement, le musée des Augustins n'est pas pressé de rectifier ses cartels
Pourtant, cette mesure en faveur des collectivités n'est pas anodine, voila l'occasion de la mettre en valeur
Silmo
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La "dryade" est évidemment importante : Tolkien décrit un Ithilien qui fut jadis le Jardin du Gondor, or les dryades mythologiques évoquent le Jardin des Hespérides -- l'Ithilien, précisément, a certains aspects d'un paradis (perdu)*
La proposition de Hyarion est intéressante -- Si "déchevelée" est un brin archaïque, il a le mérite d'exister tout en conservant l'alitération en d- probablement voulue par Tolkien, comme Daniel le remarque très justement... De plus, il est souvent utilisé métaphoriquement, en particulier à propos d'arbres, ce qui tombe plutôt à propos !
"le vent soufflait dans les arbres déchevelés" (Anatole France, le Lys rouge, 1894)
"les arbres déchevelés gémissaient en sourdine de funèbres litanies, tandis que sur les hautes collines d'ocre, où flamboyaient les torches crépusculaires, passaient, passaient interminablement de grands sarcophages d'or emmi les bannières de deuil effiloquées et tordues par le vent du soir" (Jean Court, "La Chanson de Camille", Mercure de France, t. IV, n° 25, 1892).
"Les grand'routes tracent des croix / Dans l'espace livide et froid, / Où voyagent les vents déchevelés / A l'infini, par les allées" (Émile Verhaeren)
D.
*Quelques-uns de ces aspects sont mentionnés dans A. Lefèvre, "Asphodèles et amarantes - Champs élyséens de mallos et d'alfirin" in Tolkien, le façonnement d'un monde, vol. 1.
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Au fait, quant aux dryades déchevelées...
Je vous laisse cherche ce que sont les quelques vers ci-dessous, traduits certes différemment d'une version anglaise à l'autre, mais avec quelque constance... ;-)
They say sad rivers swelled with their own tears—
naiads and dryads with dishevelled hair
wore garments of dark color
They say the rivers, also, were swollen with their own tears,
and the naiads and dryads, with dishevelled hair,
put on sombre clothes.
They say, too, that rivers swelled with their own tears;
and the Naiads and Dryads had mourning garments of dark colour,
and dishevelled hair.
De quoi dérouler encore le fil, non ?
D.
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Au fait, quant aux dryades déchevelées...
Je vous laisse chercher ce que sont les quelques vers ci-dessous, traduits certes différemment d'une version anglaise à l'autre, mais avec quelque constance... ;-)
La version originale me semble être celle-ci :
[...] lacrimis quoque flumina dicunt
Increuisse suis obstrusaque carbasa pullo
Naides et dryades passosque habuere capillos.
Merci pour la référence, Didier. ;-)
Cher Hyarion.
Depuis février 2004, ce tableau est propriété de la Ville de Toulouse comme de très nombreux envois d'avant 1910 (dépôts du Louvre ou du FNAC)
cf ce lien : http://www.culture.gouv.fr/culture/info … /bo141.pdf
La liste des transferts de propriété pour Toulouse commence p. 73 et se termine p. 97.
La Dryade se trouve page 94
Curieusement, le musée des Augustins n'est pas pressé de rectifier ses cartels
Pourtant, cette mesure en faveur des collectivités n'est pas anodine, voila l'occasion de la mettre en valeur
Merci, cher Silmo, d'avoir apporté toutes ces précisions, comme il est juste de le faire : sans doute, de mon côté, en avais-je dit trop ou pas assez... ;-)
Mon intention initiale était en fait d'indiquer seulement, pour la mention du lieu de conservation, sous l'image du tableau, « Toulouse, Musée des Augustins (Salon rouge) », mais comme la peinture n'est pas datée, j'ai voulu finalement apporter une indication supplémentaire pouvant donner une idée de la période de composition : à l'époque, l'État pouvait déposer dans ses musées à travers la France des œuvres d'art acquises alors plus ou moins récemment par lui au Salon annuel organisé par la Société des artistes français à Paris. Et comme je ne voulais pas surcharger ma propre notice sous l'image, j'ai omis d'écrire la mention plus complète « Toulouse, Musée des Augustins (Salon rouge ; dépôt de l’État en 1902 au Musée des Augustins, transfert de propriété de l’État en 2004) » que j'avais aussi envisagée (suivant le modèle vu sur Wikimedia Commons).
Une recherche plus approfondie m'aurait, du reste, peut-être permis de formuler différemment la datation de l'œuvre de Gabriel Guay, puisque je viens de retrouver, dans la base de données en ligne des Archives nationales (Archim), la fiche d'une ancienne photographie du tableau, document permettant de déduire que la Dernière Dryade, toile inspirée d'un poème d’Émile Blémont, a été présentée hors concours au Salon de 1898 : http://www.culture.gouv.fr/public/mistr … 1=ARC00199 :-)
Amicalement à tous,
Hyarion.
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[...] lacrimis quoque flumina dicunt
Increuisse suis obstrusaque carbasa pullo
Naides et dryades passosque habuere capillos.
La présence de dryades aux cheveux déchevelés dans les trois traductions anglaises permet aussi de se demander s'il n'y a pas une allusion volontaire de Tolkien au Livre XI des Métamorphoses d'Ovide. Faut-il imaginer une comparaison indirecte entre l'assassinat d'Orphée par les Ménades et les déprédations des Orques en Ithilien ?
Elendil
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Faut-il imaginer une comparaison indirecte entre l'assassinat d'Orphée par les Ménades et les déprédations des Orques en Ithilien ?
Je n'irais probablement pas jusque là encore, mais on pourrait relever d'autres convergences intéressantes...
D'une part, on peut noter que le livre XI des Métamorphoses d'Ovide, où figure la mort d'Orphée, est aussi celui qui relate l'histoire de Céyx et Alcyone, que K. Larsen a rapproché à plusieurs égards de celle d'Earendil et Elwing (l'article en question est celui traduit dans le vol. 2 du Façonnement) -- en indiquant à l'occasion plusieurs éléments qui feraient que Tolkien connaissait probablement ce texte... On pourrait ajouter qu'il serait assez étonnant, de toute façon, qu'il n'ait pas connu la matière des différentes sources du mythe rattaché au Sir Orfeo en moyen anglais...
D'autre part, au livre X qui précède, peu après la mort d'Eurydice, Orphée joue de la lyre sur une colline entourée d'arbres et de plantes qui s'assemblent et viennent le couvrir de leur ombre -- C'est un bref passage assez magique, empreint d'une certaine féerie, où toute une flore méditerranéenne est évoquée ; ce qui n'est pas sans rappeler quelque peu celle d'Ithilien -- on y trouve d'ailleurs quelques mentions communes : myrte, tamaris et laurier...
D.
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Si je reviens un instant sur l'allitération, on notera quand même que le français permet mal de la rendre dans ce cas, avec l'épithète succédant au substantif, contrairement à l'anglais : dryade échevelée, oui, mais dry-ya-deu dé-che-ve-lée, c'est tout de suite moins fluide.
Cela dit, quand on a lu The Fall of Arthur et les autres lais allitératifs (quelle merveille à chaque fois !), l'hypothèse de Daniel est très séduisante et semble plus que plausible.
Amicalement,
A.
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Si je reviens un instant sur l'allitération, on notera quand même que le français permet mal de la rendre dans ce cas, avec l'épithète succédant au substantif, contrairement à l'anglais : dryade échevelée, oui, mais dry-ya-deu dé-che-ve-lée, c'est tout de suite moins fluide.
Certes, mais est-ce vraiment mieux avec une "dryade débraillée", même si l'on retrouve dès lors le phonème "a" dans les deux mots ? Sur le fond, surtout, j'avoue que "débraillée" me parait un brin trop prosaïque vis-à-vis d'un sujet me paraissant fort imprégnée de poésie (antique)... mais ce n'est que mon point de vue ! ;-)
On l'aura compris, la dryade déchevelée conservera ma préférence, pour les raisons précédemment évoquées, et parce que l'allitération est tout de même là... :-)
Amicalement,
Hyarion.
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Si je reviens un instant sur l'allitération, on notera quand même que le français permet mal de la rendre dans ce cas, avec l'épithète succédant au substantif, contrairement à l'anglais : dryade échevelée, oui, mais dry-ya-deu dé-che-ve-lée, c'est tout de suite moins fluide.
Au contraire, je trouve que le parallélisme est parfait : di/she/vel/led/ dry/ad et dry/ade/ dé/che/ve/lée. On retrouve les mêmes sons et la triple répétition du [d].
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Nom de nom de palsambleu de corneguidouille ! Ça ne chôme pas ici ! Et tout ça parce que j'ai hasardé quelques mots bien innocents, ressuscitant un fuseau séculaire... Je devrais le faire plus souvent, on dirait !
Empressons-nous de préciser que la dryade débraillée était une blague ; bien que je me sois promis, une fois que j'aurais ce passage dans le collimateur (non, nous n'y sommes pas encore), de vérifier d'où venait ce dishevelled anglais... assurément d'un déchevelé un peu passé... mais pourrait-il servir ? Déjà, la question s'est posée, et s'est répondue !
Pour rendre di-SHEV-l'd DRY-ad (plutôt que di/shev/vel/led), je partage l'avis d'Aglarond : reproduire l'allitération ailleurs serait sans doute plus judicieux ; et dryade échevelée me paraît plus raisonnable. La DRyade déBRaillée a quand même son charme... ;-)
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Je me posais tout au début de ce fuseau, il y a presque 15 ans déjà... Qu'est-ce qu'une "beauté de dryade échevelée" ?
Tout d'abord, elle est dishevelled, (d)échevelée. Dans la poésie antique, la figure des cheveux épars, en désordre, exprime presque immanquablement la peine, le deuil.
Et de fait, les nymphes, naïades et dryades d'Ovide, Met. 11.48, se parent d'habits sombres, se vêtent de voiles funèbres.
Précisément, donc, elles ne sont ni dévêtues ni même débraillées -- Cela aurait pu être leur état normal, en des temps de joie, parées d'un simple habit de lin ou de quelque beau peplos tombant à perfection sur leur corps délicat, qui laisserait entrevoir, autant que deviner, leur charme et leur beauté. On songerait alors à ces habits légers qui attirent les regards sur les formes et les courbes qu'ils cachent à peine -- et qui font rêver et fantasmer les bardes et les chantres depuis le temps d'Homère, lorsque le poète relate, par exemple, la rencontre d'Ulysse et de la belle Nausicaa aux bras blancs.
Ce que nous avons là, c'est bien une dryade endeuillée, voilant ses charmes derrière les habits du deuil....
Ensuite, la dryade est évidemment une métaphore de la nature, faite à son image, reflétant son état. Ainsi pour Ovide, en forme de parallèle :
"Les arbres en deuil se dépouillent de leur feuillage.
De leurs pleurs les fleuves se grossissent.
Les naïades, les dryades, couvertes de voiles funèbres, gémissent les cheveux épars."
Ou encore sur le même motif, en Met. 8 :
"Épouvantées du désastre de la forêt et de leur soeur, les dryades en deuil portent leurs plaintes à Cérès."
Mais Ovide n'a évidemment pas l'exclusivité de cette figure de style. Dans les Hymnes de Callimaque,
"... quand la rosée à baigné le feuillage,
Des dryades soudain s'éclaircit le visage,
Mais le deuil reparaît sur leurs fronts attendris,
Quand l'arbre fraternel voit ses rameaux fleuris."
Que cherche donc à nous dire J. R. R. Tolkien, lorsqu'il reprend à son compte cette figure de style classique ? Que signifie la beauté, loveliness, de la dryade, cette beauté conservée en dépit de tout ?
L'Ithilien, "maintenant désolé", n'est plus que l'ombre de ce qu'il avait jadis été. C'était une terre d'Eden, à la végétation luxuriante. Ou, comparé à une dryade : fraiche et farouche, d'une beauté sans voile, flamboyante, emplie de vie et de force.
Mais les ans ont passé, l'ombre est tombée sur l'Ithilien. C'est à présent une dryade endeuillée, défraîchie, défaite, éplorée... et néanmoins belle encore, et c'est là que J. R. R. Tolkien, peut-être, se ré-accapare la métaphore antique : on l'imagine, cette même dryade, tout à la fois fière et forte, encore enracinée et résistante.
Que l'on se reporte à la carte de la Terre du Milieu : au nord, la plaine du Dagolad, les marais des Morts et les traitresses Emyn Muil. Vers le sud, les terres arides du lointain Harad. A l'est, enfin, dans l'ombre terrible de Sauron, le Mordor -- un enfer de pierres et de cendres, déserté par toute vie et abandonné de tout espoir.
Partout des contrées dénudées.
C'est dire combien la dryade d'Ithilien est encerclée, menacée, attaquée et affaiblie... et néanmoins belle encore, disions-nous. C'est une nature sauvage, qui s'accroche au monde, se refuse à disparaître, s'inscrit dans la terre et dans les rocs.
Il me vient, encore, que nous avons vu le pays d'Ithilien dans l'adaptation cinématographique de Peter Jackson, mais sans le voir vraiment... Quels que soient par ailleurs leurs défauts ou leurs qualités, les films ont été souvent reconnus pour leur mise en scène des paysages, leur représentation des lieux et de la nature. Là pourtant, rien ne s'en démarque, l'Ithilien sur pellicule est assez quelconque... Mais comment représenter ce qui ne peut s'exprimer que par une métaphore alambiquée ? Ce qui ne saurait tenir tout entier et pleinement que dans les quelques mots d'une seule figure de style ?
Dryade déchevelée, certes, mais non pas désespérée. Elle arbore cette beauté préservée comme un défit, une revendication du droit à l'existence -- drapée du deuil, empreinte de tristesse, certes, mais aussi endurcie, parée d'une sorte de dignité dans sa lutte pour survivre, pour vivre encore. Et il me vient alors le sentiment que l'Ithilien est sous l'ombre de Sauron, non pas dans l'Ombre de Sauron.
L'Ithilien m'apparaît alors comme une profession de foi en la nature.
Sa dryade est Vie.
D.
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Effectivement, si l'on estime le parallèle pertinent - et c'est mon cas - la dryade de Tolkien comme celle d'Ovide peut être imaginée, parce que déchevelée, parée de voiles funèbres (de la façon néanmoins libre qui plaira au lecteur, car le champ d'interprétation visuelle est vaste, quoique souvent caractérisé par la nudité partielle ou totale, s'agissant des nymphes, y compris en contexte de deuil), et c'est ce que j'ai moi-même pensé en découvrant la référence antique dénichée par le Dragon (référence qui n'est toutefois pas une nouveauté, car ce n'est pas la première fois que l'on retrouve le souvenir de Métamorphoses sur les chemins d'Arda... et je ne parle pas seulement de l'histoire de Céyx et Alcyone)...
Or donc voila, Didier... quand je disais que de nouveaux écrits pouvaient être inspirés par ces temps de nouvelle traduction : à te lire aujourd'hui, je constate qu'après toutes ces années, tu l'as enfin, ton article... ;-)
Amicalement,
Hyarion.
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Dryade déchevelée, certes, mais non pas désespérée. Elle arbore cette beauté préservée comme un défit, une revendication du droit à l'existence -- drapée du deuil, empreinte de tristesse, certes, mais aussi endurcie, parée d'une sorte de dignité dans sa lutte pour survivre, pour vivre encore. Et il me vient alors le sentiment que l'Ithilien est sous l'ombre de Sauron, non pas dans l'Ombre de Sauron.
Comment ne pas penser à Éowyn qui, parée de beauté et de tristesse, s'ouvre finalement à l'amour, et à la vie, que lui offre Faramir, déclarant :
Je me tiens dans Minas Anor, la Tour du Soleil, dit-elle ; et voilà que l'Ombre est partie !
Et qui, rejetant la mort, décide de préserver et de développer la vie dans la belle Ithilien qui, sous l'intendance de la Blanche Dame, recouvrera, n'en doutons-pas, la beauté d'une dryade re-peignée ;)
Une Madelon bien coiffée,
Blanche et limpide, et riant frais,
Sera pour Perrault une fée,
Une dryade pour Segrais.
(V. Hugo, Paupertas, 1859)
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