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La semaine dernière, j'ai été contraint de beaucoup voyager pour raisons professionnelles. Ce qu'il y a de bien dans les avions, c'est que tous les appareils électroniques doivent être éteints. C'est donc un endroit où l'on peut lire tranquille en étant sûr de ne pas être dérangé par le téléphone. J'en ai donc de profité pour lire «the problem of pain » de CS Lewis. D'habitude j'aime énormément cet auteur dont j'apprécie la rigueur intellectuelle. Je dois dire que j'ai été plutôt déçu par ce livre ci. Toutefois, un passage a attiré mon attention. Dans le chapitre consacré à « la chute de l'homme » Lewis décrit la manière dont il imagine l'homme d'avant la chute. Je vous traduis ci-dessous ce passage :
« Les yogis modernes prétendent, à tort ou à raison, qu'ils contrôlent les fonctions vitales qui à nous paraissent extérieures à notre conscience, comme la digestion où la circulation. Le premier homme avait ce pouvoir en abondance. Ces fonctions organiques obéissaient à sa volonté, et non à la nature. Ses organes réglaient leurs appétits non pas sur leurs besoins mais selon ses choix. Le sommeil signifiait pour lui non le coma que nous connaissons, mais un repos conscient et volontaire. Comme le processus de corruption et de réparation de ses tissus musculaires était également conscient et volontaire, il semble raisonnable de penser que la longueur de sa vie était largement à son entière discrétion. Totalement maître de lui-même, il commandait aussi les vies inférieures avec lesquels il était en contact. Encore maintenant nous rencontrons quelques rares individus qui ont le pouvoir mystérieux d'apprivoiser les bêtes. Ce pouvoir, l'homme dans le paradis terrestre en bénéficiait en abondance.
Ce qui m'a intéressé, c'est que ce texte a été écrit en 1940, c'est-à-dire exactement au moment où Tolkien « inventait » Aragorn. Or je trouve qu''il y a beaucoup de similitudes entre cette description de l'homme avant la chute et les dons preternaturels d'Aragorn. En effet, celui-ci a le don de maîtriser la durée de sa vie, et à une forme de pouvoir sur les autres êtres vivants en leur imposant des mains.
Qu'en pensez-vous ? Croyez-vous que Tolkien aurait pu être influencés par Lewis sur ce point ?
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Il me semble qu'à la base, Lewis reporte la croyance des yogis : cette version de l'homme originel n'est donc pas de lui, ce qui ferait que, si la comparaison était juste, Tolkien n'aurait pas été inspiré par Lewis, mais par les croyances yogi-quelque chose... je ne sais pas comment on dit :)
Ensuite... Le lien ne me frappe pas : Aragorn a certe le pouvoir de rendre le don, mais sa durée de vie reste quand même limitée à celle de son espèce - mâtinée de sang elfique, soit, mais limitée quand même. Il n'aurait pas pu outrepasser ces limites, et sentant qu'il était temps de partir -- avant que ses fonctions ne déclinent, sans doute --, il l'a fait. Dans l'extrait que tu donnes, il semble plutôt que l'homme originel, ayant pouvoir sur son organisme, peut lui donner une durée de vie indéfinie, ne connaissant pas la décrépitude -- le marrissement, d'une certaine façon. Cela n'est plus possible en Arda - quand bien même ce l'eût été un jour.
Quant à l'aspect guérisseur, il n'en est pas question dans cet extrait-là ; ou plutôt, c'est une guérison centrée sur soi-même, pas apportée aux autres. Et puis, la "tradition" du roi-thaumaturge est bien trop courante pour déterminer qu'elle viendrait des propos reportés par Lewis ou non.
Quitte à tisser un lien, je le ferais plutôt avec les Elfes -- en admettant qu'ils soient placés hors d'Arda, et donc insoumis au marrissement et à leur effacement. Ils ne sont pas sensibles aux maladies, seulement aux blessures dont ils guérissent relativement vite et bien, et ont effectivement un pouvoir sur les animaux. Et leur sommeil se rapproche de celui évoqué.
S. - wow, de retour dans le Légendaire ! JRRVF n'est pas mort ! ;)
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Eh bien, moi non plus, je ne retrouve en rien Aragorn dans cette description (Adam non plus, d'ailleurs...)
Quoique... Aragorn, comme n'importe quel humain, a une vie limitée. Plus longue -naturellement, par Don divin - que celle de la majorité de ses "frères de race" (si j'ose dire) mais limitée quand même. Ce "don" de "régénérescence" n'a rien à voir avec la longueur de sa vie. Par contre, on peut supposer qu'au moment de mourir, de "rendre le Don", il pourrait effectivement choisir de "se régénérer", de prolonger "artificiellement" sa vie comme l'ont fait certains Rois de Numenor. Le choix d'Aragorn est le choix inverse, celui de ne pas utiliser des capacités potentielles. Ce n'est pas le suicide d'un vieil homme qui refuse de décrépir, mais l'acceptation de sa condition mortelle par un homme qui espère en Dieu (si je devais parler "moderne", je dirais que ce n'est pas une "auto-euthanasie", mais un refus d'acharnement thérapeutique).
Pour le reste, rien n'indique que le sommeil d'Aragorn soit différent de celui d'un autre mortel, ni qu'il puisse s'"autoguérir" (ce sont des capacités qui me semblent typiquement Elfiques - voir certaines scènes du sommeil de Legolas ou Beleg blessé après le massacre des compagnons de Turin). Quant à son don de thaumaturge par l' "imposition des mains", il me semble plus lié à son statut de Roi qu'à sa personne même (je dirais même qu'il "s'épanouit" lorsqu'Aragorn, de prince, devient Roi. Durant le périple de la Communauté, il lui arrive de servir d' "infirmier de campagne" mais il le fait de façon conventionnelle, pas "surnaturelle", et il est incapable de soigner Frodon après l'agression du Roi Sorcier)
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Cher Jean, merci de relancer le légendaire avec de telles questions :-)
J'avais déjà tenté d'établir, lors de mes tous premiers pas sur JRRVF, un parrallèle entre les dons préternaturels des premiers hommes et les elfes (sur ce fuseau)
On m'avait répondu avec le péché de Feänor et les fautes des elfes.
Je ne connaissais pas cette mention dans les dons préternaturels d'un contrôle de son corps plus parfait, car rien n'est dit à ce sujet dans les écritures, même si c'est parfaitement logique (et que le cas des yogis peut être l'illustration d'une réappropriation de ces dons)
En 1940, Tolkien avait-il déjà inventé chez ses elfes le contrôle parfait que leur esprit a sur leur corps ?
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Plutôt qu'Aragorn-Adam, je dirais Feanor-Adam. La comparaison me tient à coeur mais je ne suis pas encore prête. Disons troperie par le Malin, perte du Paradis Terrestre et "incrustation" de leurs descendances dans l'Histoire, la violence, la mort, mais aussi la vie et la liberté.
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