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#1 09-09-2005 02:59

Feuille de Niggle
Inscription : 2005
Messages : 246

La composition du Légendaire

Bonjour à tous,
  je m'interrogeais par rapport à une remarque de Laegalad du 6 sept. dans "Les personnages humoristiques..." dans les Adaptations.
 
  --- "rien de laissé au hasard dans ces bouquins-là"

Mais pourtant, quand on lit la bio de Tolkien, on voit comme il a peiné dans le lancement de l'histoire.

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#2 09-09-2005 15:32

Christine
Inscription : 2005
Messages : 37

Re : La composition du Légendaire

moui... Dans la même biographie, il est dit combien il travailla à la révision du légendaire. Carpenter cite les expressions de Tolkien : "j'aime bien ramasser les bouts qui traînent" etc. Il a peiné, certes, mais il a peiné en conscience, et chaque action, chaque terme posés, avait pour lui ses résonnances philologiques, poétiques, littéraires et théologiques. Il a dit aussi "j'ai du pinailler sur chaque mot". Mais je ne vois pas bien la contradiction entre peiner à mettre en place le légendaire (d'ailleurs il n'a pas fini, puisqu'il travailla jusqu'à sa mort au Silmarillion) et ne rien laisser au hasard dans l'histoire.
Je ne comprends pas bien ton interrogation, peux-tu développer?

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#3 09-09-2005 15:40

Feuille de Niggle
Inscription : 2005
Messages : 246

Re : La composition du Légendaire

(contre-temps) ... non, je ne cherche pas particulièrement à me répondre à moi-même ;)

En fait, je pensais au fait que Tolkien n'ait pas souhaité modifier son texte (par respect pour ses personnages, j'imagine, puisqu'ils ont tous -- bien sûr ;) -- existé).
  Du coup, du simple point de vue littéraire, le début du cycle du SdA est long à démarrer et il y a quand même des maladresses.

PROBLEME: plus j'écris plus je me demande si mon idée n'aurait pas mieux fait de se développer ailleurs :\

  Dans le fond, ma question était: "Peut-on dire que rien n'est laissé au hasard dans le premier volume du SdA?"
  Les premiers chapitres sont décalés par rapport au reste, même JRR en était conscient, mais au bout du compte il s'est efforcé d'intégrer son ovni au reste de son Légendaire -- ce qui l'enrichit davantage :)

Mais, le "rien n'est laissé au hasard" de Laegalad n'est-il pas excessif?

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#4 09-09-2005 16:36

sosryko
Inscription : 2002
Messages : 1 980

Re : La composition du Légendaire

Définitivement, rien n'est laissé au hasard
...mais tout est déposé dans les mains de la chance,
« à la disposition de tous trouveurs, oiseaux, bêtes, Elfes ou Hommes,
et de toutes créatures bienveillantes » (SdA, I.8) ;-)

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#5 09-09-2005 17:09

Laegalad
Lieu : Strasbourg
Inscription : 2002
Messages : 2 998
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Re : La composition du Légendaire

Et Sosryko, comme à son habitude, dit juste :)
Mon propos n'était pas excessif, non :) Je le pense bel et bien, on a encore de beaux fils de fée à tisser, tous brillants de Faërie.
Et puis, je parlais au sens très large du Conte, je ne limitais pas aux premiers chapitres de la Communauté. Et puis d'ailleurs, dans ceux-ci non plus, il n'y a pas de hasard : quand Sam raconte qu'il a été vu un arbre qui marche, alors que nous n'avons encore croisé ni Ent, ni Huorn... on croit bien à une affabulation d'ivrogne, et on oublie l'anecdote. Pourtant, bien plus tard dans l'histoire, Merry et Pippin auront vent des Ents-Femmes... et que la Comté leur aurait plu. :)

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#6 10-09-2005 13:24

vincent
Inscription : 2000
Messages : 1 435

Re : La composition du Légendaire

n'oublions pas que Tolkien a multiplié les versions et révisé plusieurs fois son texte - cela vaut dès la première partie du SdA.

Vincent

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#7 11-09-2005 14:33

ISENGAR
Lieu : Tuckborough près de Chartres
Inscription : 2001
Messages : 4 970

Re : La composition du Légendaire

"Les premiers chapitres sont décalés par rapport au reste"

Là aussi, Feuille de Niggle, une telle affirmation mériterait un éclaircissement. En quoi les premiers chapitres seraient décallés ?

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#8 11-09-2005 18:40

Cynewulf
Inscription : 2002
Messages : 147

Re : La composition du Légendaire

Peut être que Feuille de Niggle parlait surtout du "style" du début de l'oeuvre, qui correspond plus au style du hobbit, et qui va peut à peu se "durcir" pour s'approcher au mieux du style 'Heroic Fantasy"...quoi qu'il en soit, si c'est bien ça, ça n'est pas vraiment un décalage, juste une entrée en matière toute 'tolkienienne'; disons que la saveur du premier chapitre est différente du dernier, et finalement tant mieux, parce que ça rend l'ensemble bien plus intéressant !

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#9 13-09-2005 16:36

Feuille de Niggle
Inscription : 2005
Messages : 246

Re : La composition du Légendaire

Merci de vos réponses :)
  ... en fait, oui, je trouve que c'est un peu décalé par rapport au reste de l'oeuvre de Tolkien. Je suis en train de relire "la Communauté..." et les préoccupations des personnages (dans les premiers chapitres) sont très éloignées des discours que j'ai trouvés cet été en découvrant le Silmarillion... Mais, dans le fond, c'est normal puisque ce sont des histoires de simples Hobbits :)
  donc, je nuance mon "décalé"  ;)

  Par contre, j'ai vu un article en anglais sur l'oeuvre de Tolkien -- me souviens pas de l'auteur -- dans un livre intitulé "Tolkien, the Medievalist".
  L'auteur en question a toute une théorie sur le fait que le SdA ait été publié après la guerre. Je ne me rappelle pas ses arguments, mais son idée c'est que Tolkien a été profondément marqué par l'instrumentalisation de la culture nordique par le nazisme: une instrumentalisation faite au service d'une idéologie.
  C'est la raison pour laquelle on peut estimer que le SdA est un mûrissement de sa pensée: le refus de toute idéologisation le pousse à concrétiser sa culture à travers ces trois tomes. Donc, Tolkien quitte le domaine du Légendaire pour passer à la réalité historique (avec notamment l'accomplissement de la destinée d'Aragorn)... et ceci marque donc la fin du Légendaire.
 
  J'ai ma petite idée là-dessus, mais je suis curieuse de voir vos réactions ;)

FdN

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#10 13-09-2005 16:58

Laegalad
Lieu : Strasbourg
Inscription : 2002
Messages : 2 998
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Re : La composition du Légendaire

Une petite maxime de mon pôpa qui me faisait toujours enrager quand j'étais gamine et que je parlais parfois... un peu... enfin, "des fois", à tort et à travers (je ne dis pas que ça ne m'arrive plus :)) : "Quand on ne sait pas, on se tait". A l'évidence, l'auteur de cet article aurait dû s'abstenir d'ouvrir son plumier. Je parierais qu'il n'a lu que le SdA. Mais vous m'excuserez, cette question n'a aucun sens (j'entend, savoir si oui ou non Tolkien a concrétisé blablabla), je retourne à mes études... Ebfubn bibn he v -- ah, c'est joli ça : je me retourne pour regarder le rayon de soleil et continue de tapper, du coup ça a décalé la position de mes mains... on dirait du zorglang :) Traduire par : "enfin, non, je v..." -- ... [v]ais profiter du rayon de soleil pour ramasser les framboises, avant que les nuages envoyés par Elisa ne se crêvent au-dessus de ma tête.

S.

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#11 26-09-2005 15:46

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : La composition du Légendaire

son idée c'est que Tolkien a été profondément marqué par l'instrumentalisation de la culture nordique par le nazisme: une instrumentalisation faite au service d'une idéologie.
Cela, on le trouve dans les Letters, c'est vrai. Mais le journaliste n'a rien découvert du tout (sinon les Letters, c'est l'aveu même de Tolkien.


C'est la raison pour laquelle on peut estimer que le SdA est un mûrissement de sa pensée: le refus de toute idéologisation le pousse à concrétiser sa culture à travers ces trois tomes.
"conrétiser sa culture à travers ces trois tomes" ? Je ne comprends pas ce que cela veut dire. Que Tolkien écrit trois livres pour sauvegarder la culture nordique ? (réponse : non), que Tolkien veut mettre par écrit sa propre culture anglo-saxonne ? (non de même).
Les raisons d'écrire de Tolkien ont été discutées ailleurs, mais le nazisme n'a pas été le déclencheur de quoi que ce soit chez Tolkien.

Donc, Tolkien quitte le domaine du Légendaire pour passer à la réalité historique (avec notamment l'accomplissement de la destinée d'Aragorn)... et ceci marque donc la fin du Légendaire.
Là c'est le "DONC" qui m'effraie. Il y a un raccourci qui m'échappe. Ou est-ce que l'on retourne à la surinterprétation historico-géographique du SdA ?

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#12 28-09-2005 20:58

Feuille de Niggle
Inscription : 2005
Messages : 246

Re : La composition du Légendaire

   L'article, c'est "Middle-earth, the Middle Ages, and the Aryan nation" par Christine Chism -- Assistante Professeur d'Anglais à Rutgers University, New Brunswick, New Jersey, elle s'intéresse au roman, au drame, et aux récits de voyages médiévaux. Et ça a été publié en 2003.

  ..." Tolkien questioned the work of created mythologies with a particularly self-consuming intensity during and after the war. I argue that he came to scrutinize his own world-creating enterprise because he had before him a parallel spectacle of world-creation gone wrong -- in National Socialist Germany. Tolkien's wartime investigation of the uses of fantasy is driven by the realization that mythmaking is not innocent, that it can become a killing tool: most dramatically in the National Socialist politicization of art, fetishization of symbols, and cannibalization of medieval narratives and histories into pseudo-historical racialist mythologies."

  La suite, je vais essayer de vous la faire en français:

  "The Lord of the Rings est un conte de la renonciation de la mythologie et du retour voulu à l'Histoire. L'Anneau -- autour de quoi la narration se rassemble -- interroge la capacité d'imagination elle-même. La Terre du Milieu ... se précise (grows more intricate), se peuple (more peopled), se fait plus diverse en cultures, plus profonde qu'on se l'imaginait à première vue, mais elle s'épanouit seulement dans l'ombre de sa destruction imminente [ou immanente?](its own immanent destruction). La perte de l'Anneau inscrit (consigns) la Terre du Milieu dans les joies et les déprédations de l'Histoire -- et cette inscription dans l'Histoire est coûteuse. Ce n'est pas un accident si la perte de l'Anneau atteint Frodon à jamais et désenchante la Terre du Milieu --  ce n'est, peut-être, aussi pas un accident si le SdA est le dernier long récit (the last long narrative) que l'auteur ait achevé..."

  Elle fait des développements, des comparaisons avec d'autres auteurs, etc. et puis parle de la fin du bouquin, le départ de Frodon...

  ..." Je ne sais pas comment je peux [convenir?] (convey) du pouvoir de cette fin; les universitaires semble être génétiquement programmés pour être réceptifs ou réactifs à Tolkien. Mais je crois que ça vient en partie de l'intensité de l'engagement du SdA avec son époque -- qui ne réduit pas l'histoire ni la fait dériver mais plutôt montre de quoi il retourne (why it matters). Its a fantasy that wills its own disenchantment into history, a mythology that (contrairement aux visions nationales socialistes du Reich millénaire ou d'autres mythologies nationalistes) est en assentiment avec sa propre mortalité et accepte de s'effacer (fade)..."

et là, la bibliothèque ferme et je dois m'arrêter au milieu du truc.

Mais dites-moi si vous voulez que je continue ou si ça intéresse personne... dans ces conditions je ne reprend pas ;)

Merci  :)

Marie.

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#13 28-09-2005 21:34

Silmo
Inscription : 2002
Messages : 4 040

Re : La composition du Légendaire

Si, si continue Marie, et merci.
C'est très intéressant de savoir ce qu'il y a dans cet article...

Silmo :-)

grows more intricate = la TdM grandit (ou se développe) de manière plus compliquée (complexe, tortueuse)
immanent = immanent (le mot est le même en français et indique une "cause qui réside dans le sujet agissant. Se dit de ce qui est contenu dans la nautre d'un être" d'après le Robert)
to consign = envoyer, expédier
convey = exprimer
Why it matters = pourquoi il importe (enfin, je suppose que c'est comme ça qu'il faut le lire)

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#14 28-09-2005 21:36

Silmo
Inscription : 2002
Messages : 4 040

Re : La composition du Légendaire

la nautre .... la nature   (Grrrr)

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#15 28-09-2005 23:56

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : La composition du Légendaire

Oui oui, c'est intéressant.

"its own immanent destruction" => si l'auteur se situe à ce point à un niveu philosophique, alors elle estime que la Terre du Milieu est par essence destinée à être détruite, que dès qu'elle s'est mise à exister il était nécessaire qu'elle soit détruite.
Etrange conception que l'on peut rendre vraie dans le domaine de l'imagination à condition de pas mal d'argumentation, et qui mérite un bouquin sans doute à lui seul (comme tout concept d'immanence de toute façon).
Peut-être s'agit-il plus probablement d'une faute de frappe. Ce serait curieux qu'elle passe aussi vite sur un point aussi lourd et grave... et difficile.

"The Lord of the Rings est un conte de la renonciation de la mythologie et du retour voulu à l'Histoire"
Je sens que c'est là le résumé de la théorie dont tu te fais l'écho.

A force de lire et de relire ces passages, je crois avoir fini par en comprendre le sens.
Sur le premier point, je pense que l'auteur se trompe, ou du mions va trop loin.
Evidemment, Tolkien a été marqué par le nazisme et par l'utilisation qui pouvait être faite du mythe à des fins de destructions. Néanmoins ce n'est pas ce qui a provoquer son écriture. Mais il a pu, au long de son écriture, nourrir son inspiration de ses nouvelles considérations.
Je crois pourtant que la Terre du Milieu est restée étrangère à cet événement qu'est le nazisme, et parle fondamentalement d'un sujet beaucoup plus intemporel. Comme le dit Tolkien, son oeuvre parle essentiellement de la mort. (alors les nazis sont dans le sujet, mais ni sa source, ni l'exemple le plus "profond").


Pour le reste, cela me paraît beaucoup plus intéressant.
Tolkien a toujours voulu, en effet, inscrire son univers dans la réalité de notre monde, dans son "historicité", mais comme le fait un magicien, c'est dire non pas de nosu convaincre que ce monde a existé, mais de nous le faire croire dans une illusion bienheureuse.
La TdM est le passé de notre monde, c'est ce que Tolkien a tenté de nous faire partager.
De là, il découle qu'en effet l'histoire de la TdM se fond peu à peu avec notre propre histoire... ou pré-histoire.
Mais l'auteur ici prend le problème à l'envers, je crois bien. Elle part de l'existence de la TdM pour observer son inscription lente dans notre histoire et l'interprète comme la volonté de Tolkien de réduire la mythologie à l'historicité.
Alors que c'est le contraire.
Tolkien prend come point de départ notre monde, notre histoire, et nous montre combien elle était mythique en son commencement.
Au lieu de désenchanter SON monde, je crois plutôt qu'il a enchanter NOTRE monde.
Mais le point de fusion, puisqu'il existe, permet de se tromper de sens de lecture. Un zèbre est-il blanc rayé de noir, ou noir rayé de blanc.
Il y a une bonne réponse, et une mauvaise réponse.

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#16 29-09-2005 00:32

Myrdalion
Inscription : 2005
Messages : 21

Re : La composition du Légendaire

Si j'ai bien compris, le Seigneur des Anneaux permettrait d'inscrire les événements de la Terre du Milieu dans un temps historique concret (réel ?), abandonnant progressivement la mythologie développée dans le Silmarillion ?

Je reste sceptique. Pour moi l'ensemble de l'oeuvre de Tolkien est réaliste, bien que s'inscrivant dans un univers qui n'existe pas : les événements sont reliés entre eux, les légendes qui perdurent à travers les siècles sont inspirées de faits ayant eu lieu, les royaumes évoluent au rythme des alliances et des défaites, la terre subit des transformations...tout se tient.
C'est dans ce sens que j'ai compris l'assertion rien n'est laissé au hasard : la chaîne de causalité reste logique, même si elle fait intervenir des phénomènes ou des créatures qui ne sont pas réels (de notre point de vue).

Cela ne veut pas dire que tout est maîtrisé, connu, expliqué ; l'univers, même logique, garde ses mystères. Et cela sans même recourir à ce qui échappe à la perception commune (les desseins d'Iluvatar, par exemple). Toute chose a une finalité, même si cette finalité reste inconnue.

Si la Terre du Milieu passe de la mythologie à l'histoire, elle ne fait que suivre un phénomène logique. Dans notre monde également, nous sommes passés progressivement de la mythologie à l'histoire. Il s'ensuit une meilleure connaissance des choses, mais aussi une désillusion certaine : la mythologie paraît toujours plus grandiose, plus spectaculaire. Le temps jadis a cette aura inégalée des choses perdues, aura qui brille d'autant plus dans notre souvenir qu'elle a disparu dans notre présent.
D'une certaine façon, la Terre du Milieu quitte la mythologie au fur et à mesure qu'elle se rapproche de nous. Cela ne veut pas dire qu'elle l'abandonne.

Vinyamar : "Tolkien prend come point de départ notre monde, notre histoire, et nous montre combien elle était mythique en son commencement.
Au lieu de désenchanter SON monde, je crois plutôt qu'il a enchanté NOTRE monde.
"
Pas mieux :o)

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#17 29-09-2005 11:03

Laegalad
Lieu : Strasbourg
Inscription : 2002
Messages : 2 998
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Re : La composition du Légendaire

Myrdalion : Pour moi l'ensemble de l'oeuvre de Tolkien est réaliste, bien que s'inscrivant dans un univers qui n'existe pas : les événements sont reliés entre eux, les légendes qui perdurent à travers les siècles sont inspirées de faits ayant eu lieu, les royaumes évoluent au rythme des alliances et des défaites, la terre subit des transformations...tout se tient.
C'est dans ce sens que j'ai compris l'assertion rien n'est laissé au hasard : la chaîne de causalité reste logique, même si elle fait intervenir des phénomènes ou des créatures qui ne sont pas réels (de notre point de vue).

Cela ne veut pas dire que tout est maîtrisé, connu, expliqué ; l'univers, même logique, garde ses mystères. Et cela sans même recourir à ce qui échappe à la perception commune (les desseins d'Iluvatar, par exemple). Toute chose a une finalité, même si cette finalité reste inconnue.

Je n'aurais pas dit mieux :)

S. -- mode rapide... trop rapide... hélas :

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#18 29-09-2005 13:03

Melilot
Inscription : 2003
Messages : 1 094

Re : La composition du Légendaire

De l'aveu même de Tolkien, (Pas lu les HoME ni les Lettres, références picorées partout partout sur ce forum. A vous de les rechercher :-D), il n'a jamais parlé de renoncer à la mythologie au profit de l'histoire. Sa démarche personnelle consciente était l'inverse : il souhaitait créer une mythologie crédible.

Toutefois, les rapports entre mythologie et histoire sont étroits. Vraiment étroits. Non seulement le mythe a été la première façon pour les société humaines de s'inscrire dans une perspective temporelle (création, fondation, perpétuation et réactualisation), mais l'Histoire telle qu'elle est enseignée aux enfants ou perçue du grand public a toujours une très forte composante mythique. Si on prend l'histoire de France, il suffit de constater la façon dont sont perçues des figures comme Jeanne d'Arc, Louis XIV ou Napoléon. Dans cette même perspective, n'importe quelle guerre historique ou contemporaine, et pas seulement la 2e GM, peut (trop) facilement être interprétée comme un combat entre le bien (nous) et le mal (les autres).

Pas étonnant donc, qu'une lecture rapide du SdA suscite chez le lecteur toute une série de références historiques.

Maintenant, parlant de la disparition - d'un monde ou d'un ordre des choses - c'est également un thème qui s'inscrit dans le mythe. On retrouve l'équivalent d'un âge d'or, ou d'un temps du rêve, ou d'un paradis perdu, ou quoique ce soit d'équivalent, dans toutes les cultures. Et dans toutes les cultures, on retrouve aussi ce mythe de l'héritage, lointain et affaibli peut-être, mais transmis tout de même à l'humanité, que ce soit par l'intermédiaire d'un Héros, ou d'un rituel, ou d'un objet sacré, ou d'une lignée humaine, etc.

Le problème de la mort, qu'il soit perçu comme un combat sans issue contre un ennemi tout puissant, comme un jeu de cache-cache indivuduel, comme le processus d'acceptation d'un phénomène naturel, ou plus généralement comme le simple passage d'un monde à un autre, est le thème central de toute l'histoire et la pensée humaine. Non seulement au niveau individuel, mais également au niveau des sociétés, des cultures, des Etats.

Si on se place au point de vue mythique (Pas au point de vue moral. Venez pas me faire de faux procès : j'explique, ici, je ne juge pas. Vous voila prévenus. :-D), toute guerre est également un combat contre la mort. L'agresseur cherche a obtenir un avantage du combat - sinon à quoi bon agresser? - que ce soit un territoire, une matière première, la maîtrise d'un lieu de passage, etc... - il estime cet avantage indispensable à sa survie, qu'il agisse en tant qu'individu ou en tant que nation, un avantage sans lequel sa propre existence, sa propre culture, sa propre puissance est menacée de disparition ou de destruction.

Avec cette angle de vue, il lui semble (à l'agresseur) parfaitement évident qu'il représente "le bien", qu'il est en état de légitime défense, que c'est l'agressé qui menace son existence et que cet agressé incarne donc "le mal". (C'est outrageusement simplifié mais bon, ce post est déjà assez long comme ça).

Finalement, le propre du mythe, c'est son applicabilité à l'histoire, ainsi que son rôle éducatif et son pouvoir d'identification. Chaque évènement historique ou chaque évènement individuel peut être rattaché à un mythe. Et c'est peut-être sous cet angle qu'il faut voir toutes ces tentatives des lecteurs de Tolkien de rattacher son oeuvre à telle ou telle période historique. Mais c'est probablement aussi sous cet angle qu'on peut comprendre une partie de son pouvoir de fascination.

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#19 29-09-2005 13:12

Melilot
Inscription : 2003
Messages : 1 094

Re : La composition du Légendaire

Ah! Oui. A propos de la perversion de la mythologie germanique par les nazis, j'aurais pu parler aussi de la manipulation des mythes qui est inhérente au pouvoir et surtout à la prise de pouvoir (but de légitimation), mais ce sera pour une prochaine fois. ;-)

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#20 29-09-2005 16:06

Feuille de Niggle
Inscription : 2005
Messages : 246

Re : La composition du Légendaire

  ... pas eu le temps de lire tous vos commentaires :\
  ... et encore moins le temps de continuer l'article, mais je vais prendre un peu de temps demain matin pour tout ça ;)

  FdN

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#21 30-09-2005 13:49

Feuille de Niggle
Inscription : 2005
Messages : 246

Re : La composition du Légendaire

... ben, toujours pas le temps de lire les commentaires -- soupir... --  mais, merci Silmo pour tes précisions de traduction :) J'ai un peu de temps pour continuer l'article -- mais il y a des fois où je ne suis pas sûre de comprendre les nuances du texte alors je vous le "sers" en v.o. (sorry...)

  ..."Unlike Wagner, it refuses apocalypse, laboriously carves out history's costs, pressures, and fragile delights, drags its remaining fingers through the blood and brings itselfin the end to write: "This shall be".
  Comment retourne-t-on à la mythologie après ça? Depuis plusieurs années Tolkien a attaqué les manuscrits du Silmarillion avec une énergie énorme, attempting to réviser son plan de travail (framework) entier comme le conte de la corruption de Morgoth du travail de la création (creation-wide artwork) du monde lui-même -- "the whole of Middle-earth was Morgoth's Ring" (Morgoth's Ring, 400) -- une tâche effrayante (tremendous) qui semblait grossir à chaque tournant (grow larger at every turn).

... et maintenant, c'est la salle informatique qui ferme!
Désolée :(
La suite, ce sera pour lundi ou mardi prochain :\
 
Passez un bon week-end :)

FdN

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#22 30-09-2005 13:51

Feuille de Niggle
Inscription : 2005
Messages : 246

Re : La composition du Légendaire

lire:   "bring itself in"... :]

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#23 01-10-2005 02:33

Lambertine
Inscription : 2002
Messages : 2 828

Re : La composition du Légendaire

Chère Melilot,

manipulation des mythes ...  arthuriens par les Plantagenêt ?

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#24 01-10-2005 15:57

Melilot
Inscription : 2003
Messages : 1 094

Re : La composition du Légendaire

Lambertine : ben oui. Par exemple. Mais ils abondent les exemples. Tu as l'insistance des pharaons égyptiens et des empereurs japonais à se donner une origine divine. (A chaque changement de dynastie un peu brutal, il a fallu ressortir le mythe, le dépoussiérer, et le déformer un peu pour qu'il "colle" à la nouvelle famille régnante). Tu as Jules (oui, Cîîzerr :-D) qui prétendait que sa famille remontait à Enée. Tu as les rois de France qui revendiquaient un pouvoir de droit divin. Tu as les tsars de Russie qui se persuadaient qu'ils étaient les héritiers del'Empire romain. ("Tsar" est une déformation de "Keizer", qui lui est un repiquage même pas déguisé de "César" - les empereurs germaniques avaient la même prétention - Byzance était considérée comme la deuxième Rome, et Moscou se voyait comme  son héritière, la troisième Rome). Pratiquement tous les rois et princes des chefferies africaines se donnent aussi pour origine un couple divin ou un héros mythologique.

Tu as le mouvement pan-Touranien, dans la Turquie du début du XXe siècle, qui revendiquait la maîtrise sur tous les territoires asiatiques parlant une langue apparentée au Turc. Durant la 2e GM, Staline, pour enflammer le patriotime russe, a fait appel à deux grandes figures mythiques de l'histoire russe et soviétique : Alexandre Newsky et Tchapaîev. Il se posait modestement comme leur successeur. Tu as bien sûr les nazis et les mythes germaniques. Bon l'histoire actuellement en marche est un peu chaude-bouillante, alors je ne vais pas m'y risquer. Mais cherchez vous-mêmes les mythes qui sont à l'oeuvre dans tous les camps en présence. Non seulement c'est amusant ... (enfin ... comme on dit, "mieux vaut en rire" :-S), mais c'est foutrement instructif. Et les déhiffrer évite aussi de se laisser emballer par une propagande hâtive.

Et donc, pour recentrer un peu le sujet, le fait que Tolkien ait donné à son roi idéal, une lignée prestigieuse et une ancêtre divine (Melian), pour renforcer encore sa légimité, s'inscrit parfaitement dans cette démarche universelle qui consiste à justifier le pouvoir effectif par un pouvoir d'essence supérieure. (Mais ici, juste, je sens que tu vas m'en vouloir!) ;-P

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#25 01-10-2005 20:43

Lambertine
Inscription : 2002
Messages : 2 828

Re : La composition du Légendaire

T'en vouloir, moi ? meuh non ! Je prépare juste mon lacet pour la prochaine fois...

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#26 01-10-2005 21:34

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : La composition du Légendaire

Sauf que Tolkien n'a jamais justifié quoi que ce soit au sujet d'Aragorn grâce à cette descendance divine.
D'abord, cette descendance est absoument inconnue du lecteur du SdA. Il faut aller la chercher dans le Silmarillon, et encore, à condition de faire les recoupements qui s'imposent poru retrouver cette généalogie.
Tolkien ne construit donc aucun mythe en vue de donner à son héros un pouvoir suréminent.

Et puis même si, en tirant bien par les cheveux, on arrivait à montrer que la "mythification" de l'ascendance d'Aragorn a à voir avec son statut de roi (ce qui n'est même pas évident d'ailleurs), je ne vois pas en quoi cela participerait de l'historicisation du SdA. Pourquoi le fait d'établir un parallèle entre ce que font les conteurs et ce que font les autorités historiques rendrait le conte plsu proche de l'histoire. (ne serait pas plutôt, comme tu le signale bien, l'histoire qui se raproche du conte ?)

(ps : et puis c'est quoi la mythologie des rois de France ? Il y a un mythe à l'origine de la monarchie de droit divin ? (et de quand date cette dénomination ?)
Il me semblait que cette dénomination provenait tout simplement des études théologiques qui enseignent au roi qu'il n'est que le lieutenant du Christ, et donc soumis à sa loi... ce que les souverain ont lu dans le sens qui les intéressait, à savoir que le pouvoir vient de Dieu (ce qui est certes le cas, comme le rappelle Jésus à Ponce Pilate).

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#27 01-10-2005 21:37

Melilot
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Re : La composition du Légendaire

Mort aux tyrans! Vive la liberté! Hasta la victoria siempre! Freeeeeedooooommm! ... Glllllrrblllllll ... glllbb... couic! (Lambertine, la redoutable assassine royale thug, a ENCORE gagné! ... mais pour combien de temps ... ?) :-D :-D :-D

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#28 01-10-2005 21:39

Melilot
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Re : La composition du Légendaire

Oups!? Sorry Vinyamar. Croisement. T'avais pas vu. Vais mourir ailleurs./font> ;-P

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#29 01-10-2005 22:24

Melilot
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Re : La composition du Légendaire

Et pour te répondre plus sérieusement :

Au sujet de la "mythification" du pouvoir d'Aragorn. Non non non. Il y a eu un fuseau il y a un an ou deux où Lambertine démontrait la triple légitimité d'Aragorn, telle qu'elle ressort du Seigneur des Anneaux (pour rappel : hérédité - vertus personnelles - reconnaissance par le peuple). MAIS, dans l'élaboration du légendaire, Tolkien fait bien descendre Aragorn d'une Maia (Melian), d'un puissant roi Elfe Premier-Né (Elwê), d'un héros mythique (sur)humain (Beren), d'un couple mi-elfe mi-humain ayant accédé à l'immortalité et placés au firmament (Eârendil+Elwing) et d'une longue lignée de rois puissants entrés dans la légende (Elros et ses descendants). Bien sûr qu'il n'en fait pas mention claire dans le seul SdA, mais nous copnnaissons tous son intention première de publier ensemble le SdA et le Silmarillion. Dans son esprit l'un était indissociable de l'autre.

Sa volonté était bien d'ancrer le premier roi humain du quatrième âge (notre âge, le début de l'histoire humaine dans l'esprit de Tolkien)- et donc ses descendant, sa dynastie - dans un cycle mythique. Et effectivement, comme tu le dis, il rattache ainsi l'histoire au mythe et non l'inverse, je suis d'accord et n'ai jamais dit autre chose.

Quant aux rois de France, évidemment qu'aucun d'eux n'aurait pu se prétendre descendant de Dieu, ou Dieu lui-même, comme d'autres puissantes familles ont pu le faire sous caution d'autres religions, puisque c'était incompatible avec le Christianisme. Mais je dis et répète que ni l'histoire ni le pouvoir n'échappent au mythe et à l'utilisation du mythe. Et ils ont bel et bien ancré la légitimité de leur propre pouvoir d'homme sur d'autres hommes, dans la mythologie chrétienne ("Tout pouvoir vient de Dieu, donc mon pouvoir est légitime puisque Dieu m'a fait naître héritier d'une lignée royale". Pas besoin de prouver ni son courage, ni son intelligence, ni ses qualités de meneur d'homme, ni de se faire accepter et aimer du peuple : la naissance suffit puisqu'elle est voulue par Dieu).

Les fondateurs des premières dynasties (Clovis, Hugues Capet) ont été parés des vertus du mythe, derrière lequel on oubliait l'être humain pour ne retenir que la grande figure historique. Ceci est bien sûr universel. Ce processus, psychologiquement normal, répandu partout et très généralement accepté, s'apparente pourtant davantage au mythe qu'à l'histoire en tant que science. Et je répète que l'histoire enseignée aux enfants, avec ses grands personnages plus archétypîques que véritablement humains, se rapproche davantage du mythe que de la science. (Mais bon, d'accord. On ne va pas faire étudier à des mômes de dix ans des chartes capitulaires en bas-latin, ou des actes de donations d'immeubles en français médiéval. Je reconnais que ça vaut mieux pour eux et qu'une belle histoire avec des bons rois et des méchants grands viz ... conseillers félons a plus de chance d'entrer dans leurs petites têtes bouclées). :-D (l'ennui, c'est que devenus adultes, ils en restent là. :-/ )

Bon, ben, j'espère que je n'ai rien dit d'agressif ni de choquant. Mon but n'était de vexer personne, mais d'expliquer un peu comment fonctionne le rapport du mythe à l'histoire. Woualà. Mes excuses anticipées si j'ai heurté l'une ou l'autre sensibilité, mais je ne retire rien sur le fond.

Et en plus, avec cette histoire de rois de France, on est légèrement hors sujet, non?

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#30 01-10-2005 22:28

Laegalad
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Re : La composition du Légendaire

J'va mourir avec toi, Mélilot-Fleur-d'Or : si le pouvoir vient des dieux, j'aime autant m'escamper de là tout de suite, quand je vois ceux qui manoeuvre notre pauv' planête qu'avait rin d'mandé, que des dingues ! Même le règne de notre Elwë paraîtrait plus doux :) Pis au pouvoir, je préfère la Liberté, et elle ne viendra que de nous-même ! Viva la libertaaaaad !!! Forth Eorlingas ! Taur-Linrant ! Laegalad pour Taur-Linrant!

:)

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#31 01-10-2005 23:15

Melilot
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Re : La composition du Légendaire

Ouiiiiiiiii!!!! Elwë-Imperator for President! (D'abord, il est légitime puisqu'il est l'ancêtre de Gogorn (pardon Lambertine), ensuite il sera très bien parce qu'il a de l'humour, et puis, quand on en aura assez de lui, ce sera facile de le déposer : il suffira de mettre son titre en jeu dans une partie de cartes!) :-D :-D :-D

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#32 02-10-2005 00:35

Lambertine
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Re : La composition du Légendaire

Mais l'a de l'humour aussi, Gogorn ! Suffit de voir comment il se fiche gentiment de la g*** de Merry, et cyniquement des apothicaires, aux MGMT.

Sinon... l'ascendance mythique d'Aragorn est bien présente dans le SdA, peut-être pas par Melian, mais bien par Beren et Luthien, non ?

(... et, hors christianisme... les rois capétiens ne prétendaient-ils pas descendre des rois de Troie... mais je ne sais plus par "qui"...)

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#33 02-10-2005 15:20

Myrdalion
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Re : La composition du Légendaire

La mythologie est une métaphore de l'histoire, métaphore compréhensible par tous.

Pour reprendre l'exemple de Melilot, tout le monde ne va pas s'amuser à lire des chartes capitulaires, des inventaires après décès ou des illustrations de vases antiques. C'est le travail des historiens et consorts, travail qui leur permet de comprendre (ou tout du moins d'imaginer) comment les événements se sont succédés et pourquoi.

Maintenant le passé revêt un intérêt particulier pour toutes les civilisations, que ce soit par l'intermédiaire du folklore, des traditions ou des rites. Toujours pour paraphraser Melilot, les gens ont besoin d'un référentiel commun avec ses grandes figures, ses événements célèbres et ses liens de cause à effet simplifiés qui permettent de comprendre aisément l'ensemble. Une simplification qui entraîne fatalement des approximations, des oublis volontaires, voire des erreurs.

Pour reprendre l'exemple de Napoléon, en France nous retenons que c'était un génie militaire, qu'il aimait les femmes, qu'il a accompli de grandes avancées dans le domaine administratif et juridique, qu'il a tenu en respect toutes les forces coalisées de l'Europe, etc.
En Angleterre on se souvient surtout qu'il était petit, arrogant, tyrannique, qu'il est responsable de la mort de milliers de gens, qu'il n'a jamais pris le dessus dans le domaine maritime, qu'il a rétabli l'esclavage et que, au final, il a perdu.
Evidemment, aucun des deux portraits n'est fidèle à la réalité (ou les deux en même temps le sont peut-être).

On retrouve les deux mouvements, mythologique et historique, dans la Terre du Milieu :
- Aragorn est le descendant d'une lignée illustre, donc il accomplit de hauts faits (raisonnement mythologique). Dans ce cas, Aragorn ne fait qu'accomplir la destinée qui lui était attribuée. En poussant un peu plus loin, on peut dire que finalement il n'a pas de mérite et que sauver le monde était la moindre des choses qu'il pouvait accomplir.
- En une période troublée, alors que Sauron jette son ombre sur la Terre du Milieu et que l'Anneau réapparaît, Aragorn se retrouve face à des choix qui peuvent influer sur l'avenir du monde. Simple rôdeur, mais courageux et noble d'âme, il décide d'aider à la destruction de l'Anneau. Or il se trouve être également le descendant d'une lignée royale, ce qui lui permet de prendre la tête d'une nation et de participer à l'effort de guerre à un niveau plus étendu, etc, etc. (raisonnement historique, toujours beaucoup plus long parce que étudiant un nombre toujours grandissant de paramètres).

On retrouve dans le raisonnement historique le hérédité - valeurs personnelles - reconnaissance par le peuple de Lambertine et, plus largement, tous les facteurs qui aboutissent à la confrontation Sauron/Aragorn. Mais c'est beaucoup plus compliqué à assimiler et, pour tous ceux qui n'ont pas le temps d'observer le tout dans les détails, il y a le raccourci mythologique.

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#34 02-10-2005 17:15

Laegalad
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Re : La composition du Légendaire

Mwarg ! Suis-je matinée de saxonnerie ! Le portrait que je ferais de Napoléon, c'est celui des Anglais... Mais j'ajouterai qu'il était Corse, groin ! :o)

S. -- sa Joséphine, l'était point grande non plus... j'ai vu quelques unes de ses robes au Musée où je faisais mon stage, c'était du 36 ! Dommage, j'aimions bien la verte avec ses broderies... faisaient du bon boulot, nos canuts :)

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#35 02-10-2005 17:24

Vinyamar
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Re : La composition du Légendaire

Je ne suis pas sûr d'utiliser "mythologie" dans le même sens que toi.
A mon sens, l'embellissement de la vie d'une personnage n'est pas encore de la mythologisation. De la caricature, de l'icônification, à la limite, mais pas de la mythologisation.
Napoléon est devenu une icône, non un mythe.
De plus, cette pratique est vraie pour tout homme, pas seulement pour les gens célèbres. Quand quelqu'un meurt, de notre famille par exemple, on ne s'en souviendra plus que dans ce qu'elle avait d'extraordinaire ou d'admirable, et non plus dans ses mesquineries ou villenies. C'est ainsi, et tant mieux.
Mais on ne fait pas pour autant un mythe autour de cette personne. Le mythe vient quand la personne devient surhumaine, ou demi-divine.
C'est pourquoi je ne comprends pas ton argumentaire dans le même sens que toi.

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#36 02-10-2005 22:24

Melilot
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Re : La composition du Légendaire

Ah oui. Je comprends ce que tu veux dire. :-) Appellons à la rescousse Mr LAROUSSE, Petit (ed. 1994) :

Mythe :
1. Récit populaire ou littéraire mettant en scène des êtres surhumains et des actions imaginaires, dans lesquels sont transposés des évènements historiques, réels ou souhaités, ou dans lesquels se projettent certains complexes individuels ou certaines structures sous-jacentes des rapports familiaux et sociaux.
2. Construction de l'esprit qui ne repose pas sur un fond de réalité.
3. Représentation symbolique qui influence la vie sociale.
Mythologie :
1. Ensemble des mythes et des légendes propres à un peuple, à une civilisation.
2. Etude systématique des mythes.
3. Ensemble de croyances se rapportant à la même idée et s'imposant au sein d'une collectivité.

(Bon! L'elfillon commence à chougner pour de bon ... Faut que j'arrête là. I'll be back)

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#37 03-10-2005 15:17

Melilot
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Re : La composition du Légendaire

Me v'la d'retour.

Vinyamar, c'est donc ici que nos interprétations divergent. Tu te bases sur la définition mythe 1., et moi, sur mythe 3. :-)

Donc, si on prend la 1. Clovis, Charlemagne et les autres... n'ont pas été transformés en demi-dieux dotés de super-pouvoirs, mais simplement "iconifiés".

Si on prends la 3., ils ont été transformés en symboles, en représentations idéalisées influençant la perception que les français se font de leur peuple, de leur identité et de leur destinée historique.

Parlons donc d'idéalisation ou de symbolisation dans leur cas pour mettre tout le monde d'accord. :-) Mais le terme "mythe" dans son usage courant, dépasse le sens qu'on lui donne dans "mythe gréco-romain" par exemple (càd. juste des histoires croquignolles entre dieux, demi-dieux, et mortels surdoués).

Et on pourrait aussi parler de "mythe familial", au sens de représentation symbolique qu'un individu - et/ou sa famille - se fait de lui-même et de sa généalogie à travers un aïeul qui fut fameux, ou perçu comme fameux, par la transmission anecdotique et enjolivée de certains de ses faits et gestes marquants, de génération en génération. De fait, le processus est le même au niveau familial qu'au niveau national, la clé étant le sentiment d'appartenance. Et la nation, le peuple - la tribu quoi - étant perçue au niveau collectif comme une grande famille étendue, les rois de jadis, idéalisés, jouent le rôle d'ancêtre commun.

Myrdalion, entièrement d'accord avec ton analyse. :-) (Mais à titre privé, je préfère percevoir Aragorn comme un humain pas trop gâté au départ, qui se rend digne tout seul par ses actes, de ses glorieux ancêtres, plutôt que comme un Héros avec un grand H, prédestiné par son hérédité à sauver le monde, ce qui voudrait dire qu'il n'a pas eu le choix. Enfin, c'est ma lecture, mon "mythe" perso. :-D

Lambertine : les rois capétiens ne prétendaient-ils pas descendre des rois de Troie... mais je ne sais plus par "qui"... ... Par Pâris? :-D :-D :-D ... (Non, sérieusement, ça m'intéresse. J'aimerais bien savoir comment et par qui. As-tu retrouvé la réponse?)

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#38 03-10-2005 16:19

Lambertine
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Re : La composition du Légendaire

Pas encore (pas encore recherché, en fait). Vais faire ça tantôt, si possible...

Et je te rejoins quant aux mythes nationaux, tribaux ou familiaux.
... quoique... des personnages comme Clovis ou Charlemagne, par exemple, ne sont pas loin d'apparaître comme des demi-dieux dans la "mythologie française". Je pourrais presque dire la même chose de "héros" plus récents, tels Napoléon ou même Charles de Gaulle, dont le statut dépasse à mes yeux celui d'icône. Cela n'a plus rien à voir avec l'"embellisement" de leur vie ou l'oubli de leurs erreurs (qui, selon moi, est une aussi mauvaise chose pour les personnages historiques que pour les défunts familiaux. Ne retenir de quelqu'un que ses bons côtés, c'est quelque part priver son souvenir d'une part de son humanité. J'ai toujours été frappée par le fait que la vie "réelle" des gens valait souvent mille fois les images d'Epinal que l'on retenait d'eux). Cela consiste à les faire passer dans une autre dimension, où la légende ne déforme plus seulement la réalité mais la transcende, où l'être de chair et de sang, d'amour et de haine, fait place à une entité "supérieure", quelque part "sacrée", et symbolique.

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#39 03-10-2005 16:47

Hyarion
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Re : La composition du Légendaire

Il ne faut pas sous-estimer la renommée qu'a eu Napoléon Ier au XIXe siècle. C'est une véritable légende napoléonienne, très présente dans l'esprit des Français de l'époque, qui a permis à Louis-Napoléon Bonaparte (futur Napoléon III), neveu de Napoléon Ier, d'être élu Président de la République Française en 1848, avec une écrasante majorité...

Cordialement, :-)

Hyarion.

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#40 03-10-2005 19:11

Mehapito
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Re : La composition du Légendaire

Lambertine : les rois capétiens ne prétendaient-ils pas descendre des rois de Troie... mais je ne sais plus par "qui"
Melilot : Non, sérieusement, ça m'intéresse. J'aimerais bien savoir comment et par qui.

Ils descendent des Troyens par "Francus", petit-fils de Priam, ancêtre éponyme des Francs et de Chlodion (Clodion) le Chevelu, puis Mérovée (tous deux également mythiques).
Mythe entrenu par toutes les familles royales qui se sont succédées, lesquelles se rattachaient toujours à la dynastie Mérovingienne.
Désolé, pas de référence précise sous la main pour l'instant.

Mehapito

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#41 03-10-2005 19:23

Melilot
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Re : La composition du Légendaire

Merci, Mehapito. :-)

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#42 03-10-2005 21:33

Hyarion
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Re : La composition du Légendaire

Si mes souvenirs sont bons, Pierre de Ronsard (1524-1585) a essayé de créer une épopée à la gloire de la France sur le modèle de l'Énéide, intitulée la Franciade (1572) et dédiée à Charles IX, dans laquelle il reprends, je crois, cette idée des rois de France descendraient des Troyens...

A confirmer...

Cordialement, :-)

Hyarion.

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#43 03-10-2005 22:51

Vinyamar
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Re : La composition du Légendaire

Mélilot, comme pour l'utilisation du mot "transcender" que tu as un peu trop vite banalisé sous prétexte que le dictionnaire courant le faisait, je ne suis pas sûr que l'on puisse s'appuyer sur un dictionnaire de la langue usuelle pour débattre de concept somme toute philosophiques.
L'usage consacre tout un tas d'expressions, ou de sens aux mots, qui n'ont pas grand chose à voir avec leur véritable sens, et que certains dictionnaires glissent un peu trop vite en définition, au point qu'il sont obligé de donner des alinéas aux définitions, des alinéas qui parfois disent le contraire l'un de l'autre.

Il n'y a pas de mythe romain. Mais il y a une mythologie romaine. Le mythe et la mythologie n'ont pas grand chose en commun, sinon que le mythe s'appuie parfois sur la mythologie.

J'ai préféré parler d'icône en ce qui concerne les grands hommes de l'histoire, et s'il peut arriver que je t'accorde la mythologisation de certains d'entre eux, je ne t'accorderait pas celle de mythification.


Selon Mircea Eliade, historien des religions et romancier roumain, le mythe  « raconte une histoire sacrée ; il relate un événement qui a eu lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des commencements ».
Une autre définition donnée par Salluste (historien latin) dit que c’est « la relation d’un événement qui n’a jamais eu lieu à propos d’une chose qui existe depuis toujours ».
La notion de sacré est toujours à la base du mythe. Le mythe, contrairement à l'usage populaire qui en est fait, ne raconte pas un mensonge, ou un conte de bonne fame, mais qu'il est fondamentalement vrai, et raconte une Vérité, sous une forme imagée et des personnages parfois mythologiques, eux. Mais le sens du mythe est fondamentalement une Vérité.
Le mythe peut raconter (et c'est souvent sa fonction) l'origine ontologique de tel ou telle réalité : l'Homme, la Mort, la connaissance, les animaux, le sentiment, etc...

"le mythe donne une signification au monde et à l’existence humaine. Il saisit le monde en tant qu’univers bien ordonné parfaitement compréhensible. Voilà toute son importance."
j'approuve la conclusion de cette page, même si celle-ci admet que l'on puisse parler de Napoléon comme d'un mythe.
On n'est pas en tout cas dans le même registre de concept.


Tout ça pour quoi ?
Ah oui, parce que je commentais cette phrase de ton auteur qui résumait, me semblait-il, sa pensée:
"The Lord of the Rings est un conte de la renonciation de la mythologie et du retour voulu à l'Histoire"

Tout ça pour dire donc : attention, nous parlons de mythologie et non de mythe, ça n'a rien à voir.
On me répond qu'Aragorn participe à cette mythologisation puis démythologisation du SdA.
Je répond que seuls les érudits ont connaissance de cette mythologie de la lignée d'Aragorn, qui n'est pas vraiment vue par Tolkien comme une mythologie, mais une coïncidence (il ne savait pas très bien qui était Aragorn quand il l'a créé, ni les Numénoréens). Pour sûr, il fallait quand même que le futur roi du Gondor ne soit pas un bouvier choisi par la providence (ce qu'aurait pu être Frodon par contre,le sauveur du monde), mais un sang noble et pourquoi pas mythologique.
Mais où est donc cette démythologisation dont parle l'auteur ?
Elle prend la lecture à l'envers en voyant le point où se mêle ce qui fait l'originalité même du livre de Tolkien : l'historicité (ou sa prétendue historicité).
Et comme je l'ai dit, on peut voir ce mélange comme la mythologie qui devient historique, ou plutôt comme l'histoire qui s'enracine dans une mythologie.

Où est la dynamique du roman ? Qui est sorti de la lecture en se disant "mince, voilà un bien beau monde imaginaire qui devient le triste nôtre" (sens immédiat du fil de la lecture)
Qui est sorti de sa lecture en se disant " Ca alors ! Notre monde aurait-il pu être aussi beau que cela auparavant ?" (sens récupéré de notre retour sur la lecture)

Je ne suis pas convaincu par l'auteur, à ce point.

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#44 05-10-2005 17:35

Feuille de Niggle
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Re : La composition du Légendaire

... on dirait que le sujet dévie un peu :)

C'est rigolo, mais quand on compare les mythes, je ne sais pas si c'est fait exprès -- j'imagine que oui -- mais Tolkien a donné une qualité particulière à Aragorn, celle de guérir, c'est pourquoi il est aussi appelé le Régénérateur...

  Et ça, ça ressemble bigrement au charisme des rois capétiens après leur sacre -- la guérison des écrouelles...

  :)

FdN

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#45 05-10-2005 17:38

Feuille de Niggle
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Re : La composition du Légendaire

... au fait, je n'ai plus beaucoup de temps pour internet maintenant -- finies les vacances :\

  Alors dites-moi si ça vous branche toujours que je termine de vous transmettre le texte. Si oui, je me débrouillerai ;)

FdN

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#46 05-10-2005 18:14

Melilot
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Re : La composition du Légendaire

;-P

Ca "nous", je ne sais pas, mais ça "me" branche toujours. Ca reste intéressant. Mais ne te casses pas la tête, hein! Si tu n'as pas le temps, ça peut attendre. (Et merci, au fait.). :-)

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#47 06-10-2005 18:05

Feuille de Niggle
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Re : La composition du Légendaire

Avec plaisir, Melilot :)

... (Tolkien) s'est efforcé de négocier pour que le Silmarillion et Le SdA soient publiés ensemble - "like one long narrative journey" - mais les manuscrits du Silmarillion n'étaient pas en bon ordre ni assez consistants "with their sequel".
_____________________________________________________________________________________
  En fait, je ne suis pas sûre pour les nuances de vocabulaire, alors plutôt que de transcrire un texte en "franglais" (horrible à lire!) je préfère tout donner en Anglais :\
_____________________________________________________________________________________

  Tolkien was unsuccessful in playing Collins against Allen & Unwin, and so The LotR was issued alone. Afterwards, revision of the many competing, inconsistent, experimental narratives of The Silmarillion to a single authoritative version may have seemed like a step backwards in more ways than one - though he spent a lot of time expanding the annals, genealogies, cartographies, and etymologies of his fourteen invented languages; in other words, his revisions often accentuate historical divergence and accidence rather than mythological unity.

  Eighteen years went by between the publication of The LotR and Tolkien's death, and while he manages to produce some long-expected scholarly projects, his capacity to bring his longer literary projects to completion seemed short-circuited. He started a sequel, "The New Shadow", but soon abandoned it; after the destruction of the greater demons of the Ring, Aragorn's regime "would contain no tales worth recounting" (J.R.R. Tolkien, Letters, 419). The valedictory Smith of Wootton Major is the only work of literature Tolkien completed susequently, and it nostagically glances through Tolkien's central themes from a graceful distance (Helms, Tolkien's World, 118-25).
  However, no mastery is possible in Smith's Faery; the landscape is too surreal, projectional, and expansive even for its attempt, and Smith gives up his imaginative star with a melancholy sense both of benison and defeat. In a 1967 letter to Roger Lancelyn Green (who reviewed it), Tolkien himself dscribes Smith as "an old man's book, already weighted with the presage of "bereavement" " (Letters, 388).
  Humphrey Carpenter, Tolkien's excellent biographer, writes of Tolkien's awareness during his last years of "a perpetual discontinuity , a breaking of threads in his work which delayed achievement and frustated him more and more" (Carpenter, Biography, 240).
  In a letter dated a month before his death, Tolkien thanks a generous reader, Lord Halsbury, for the warmth of his appreciation and the offer of his future help with manuscripts, writing of his own seeming inability to finish, "Over and above all the afflictions and obsacles I have endured since The LotR came out, I have lost confidence" (Letters, 431).
  This may have paradoxically  resulted from his dazzling success and his depression at his cult status. But I think also that Tolkien's war-driven, slf-questioning investigation of the uses of mythology had brought him to a point with no energy to move forward and yet had worn away at the enabling presuppositions for going back... " _________________________________________________________________________

  ... et c'est pas fini! Il reste encore deux gros paragraphes... pour la prochaine fois :)

  Je suis vraiment désolée que cette grosse tartine soit en anglais :\ j'espère que ça ne va pas trop vous dégoûter :]

Feuille

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#48 06-10-2005 18:08

Feuille de Niggle
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Messages : 246

Re : La composition du Légendaire

oups! j'avais mis la grande ligne à côté de la dernière phrase, mais on dirait que tout le monde s'est bousculé :]

FdN

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