JRRVF - Tolkien en Version Française - Forum

Le forum de JRRVF, site dédié à l'oeuvre de J.R.R. Tolkien, l'auteur du Seigneur des Anneaux.

Vous n'êtes pas identifié(e).

Annonce

Bienvenue sur le nouveau forum JRRVF ! En cas de problème avec votre login / mot de passe, n'hésitez pas à me contacter (webmaster@jrrvf.com)

#1 24-12-2003 12:37

Melilot
Inscription : 2003
Messages : 1 094

Réhabilitons Sam!

C’est la première fois que j’ouvre un fuseau, c’est amusant !

C’est en réaction à certains propos échangés sur deux autres fuseaux : « Décus ?? » dans la rubrique Films et le fuseau « Sam est-il un « esclave ?», renseigné par Moraldandil dans « La fin de l’anneau selon PJ », toujours dans la rubrique Films.

Il y est question de la fin de l’anneau, de l’attitude de Gollum et – ce qui m’a interpellée – de celle de Sam envers Gollum. Résumons un peu : pour Stalker, sur le premier fuseau, Sam est un personnage « tout blanc », totalement positif. Lui seul a pu percevoir la perfidie profonde de Gollum, perception qui détermine d’un bout à l’autre son attitude hostile envers lui. Pour Szpako sur le second, au contraire, c’est l’agressivité et la brutalité de Sam envers Gollum qui empèchent celui-ci, encore hésitant entre « Slinker » et « Stinker », d’échapper à ses démons et de se réhabiliter en restant fidèle à son serment et à Frodo.

Deux points de vue bien contradictoires. Essayons d’y voir plus clair. Tout d’abord, je ne vais pas parler ici des films, mais uniquement du livre, la seule base valable pour une véritable analyse du Seigneur des Anneaux. Les films, prenons-les comme de purs divertissements et basta !  pas la peine d’aller plus loin.

Avant tout, nous sommes face à une construction romanesque qui, bien que surprenante et inattendue par ses rebondissements et entrelacements de motifs, doit rester cohérente non seulement avec elle-même, mais aussi avec l’impression de réalité qui est une des bases de sa réussite.

Sur le fuseau « Frodon à Orodruin », (Misère ! Que de références ! Je vais vous faire courir, sautiller de fuseau à fuseau ! Hé hé hé !! comme Bombadil entre bois et collines :-P) il a été argumenté que pour plusieurs raisons, il  était logique que Frodo échoue à la fin, qu’il succombe in extremis au pouvoir de l’Anneau. Un intervention extérieure devient donc indispensable, si l’on veut une fin – pas nécessairement heureuse – mais rétablissant l’ordre du monde. Et qu’aurait-elle pu être ? Sans l’agression de Gollum, qui ou quoi aurait pu se substituer à la volonté annihilée de Frodo ? Sam ? Bien trop fidèle et dévoué, comme on le sait et comme on l’a assez répété ! La vie de Frodo a trop d’importance à ses yeux pour qu’il la mette en péril en intervenant de force. Qui plus est, une fois Frodo investi du pouvoir de l’Anneau – fut-ce pour un moment -, qu’aurait-il pu faire ? Rien. Périr lui-même.

Reste donc Gollum. Il fallait donc qu’il survive, et il survit par une accumulation d’actes de pitié, comme on l’a souvent répété. Mais qu’il survive pour agir ! Et qu’aurait pu faire un Gollum redevenu Sméagol, repenti, reconnaissant et fidèle à Frodo ? Admettons que le désir de posséder l’Anneau le tourmente toujours, ce qui serait vraisemblable. Tiraillé entre ce désir impérieux et sa loyauté retrouvée, qu’aurait-il fait ? La plus petite seconde d’hésitation aurait été fatale, et plus rien n’aurait été possible.

Il était donc tout aussi indispensable que « Stinker » prenne le dessus, et qu’il ait pour cela une bonne raison. Ainsi, les rebuffades de Sam, et ce qu’il a pris pour une trahison de Frodo au lac interdit, incitent Gollum à l’amertume et au désir de vengeance, et le fassent basculer finalement, au propre et au figuré, vers sa défaite finale.

Donc, conclusion personnelle : oui, l’attitude de Sam envers Gollum est sans doute, à certains moments,  injustement et inutilement agressive, mais elle se révèle au final aussi nécessaire à l’accomplissement du destin de l’Anneau, de tous les personnages, de la Terre du Milieu et au déroulement logique de l’intrigue, - que le furent la miséricorde de Bilbo, de Gandalf et de Frodo. Alors, pourquoi lui en faire reproche ?

(Bien, bien. Maintenant, j’avoue que je n’ai pas encore lu tous les fuseaux (Hé ho ! Z’avez vu le boulot ???!!). Donc si j’ai fais des redites et ressassé des choses dont vous avez ailleurs causé jusqu’à plus soif, je vous présente mes confuses et que Cédric, notre bon Maître de Toile, m’efface et renvoie ce fuseau malvenu dans le Grand néant Blanc.)

Hors ligne

#2 25-12-2003 18:09

Szpako
Inscription : 2001
Messages : 635

Re : Réhabilitons Sam!

>>>>>  Et qu’aurait pu faire un Gollum redevenu Sméagol, repenti, reconnaissant et fidèle à Frodo ? Admettons que le désir de posséder l’Anneau le tourmente toujours, ce qui serait vraisemblable. Tiraillé entre ce désir impérieux et sa loyauté retrouvée, qu’aurait-il fait ? La plus petite seconde d’hésitation aurait été fatale, et plus rien n’aurait été possible.

Pas d'hésitation possible, car a priori la puissance de l'anneau est telle qu'on y succombe; Smeagol se serait emparé de l'anneau et par amour pour Frodo, se serait ensuite jeté dans les abîmes flamboyantes ...C'est la version de Tolkien (si mes souvenirs sont bons); le problème, selon cette version des faits, est le changement de statut de Gollum/Smeagol, d'opposant/d'aide il devient héros. Pour Tolkien, Sam est le véritable héros (ailleurs c'est Frodo ;-)), malgré son manque de psychologie, car il incarne le serviteur dévoué et fidèle et par delà, cet "esprit héroïque nordique", non celui "sous la forme d'un désir d'honneur et de gloire" (Túrin, Eowyn, Boromir) mais le désir de loyauté des serviteurs envers leurs maîtres, prêts à mourir pour et non de contester les "excès" de leurs supérieurs: "C'est l'héroïsme de l'obéissance et de l'amour, et non celui de l'orgueil et de la volonté, qui est le plus héroïque ..." (Le retour de Beorhtnoth fils de Beorthelm in Faërie).C'est cet aspect du mythe nordique du courage que Tolkien a cherché "à sanctifier" dans le SdA,car révélateur de certaines vérités chrétiennes (tout mythe, dans l'optique de Tolkien, exprime un fragment de vérité dont la totalité s'incarne dans le vrai mythe, celui du Christ (Faërie).

>> Alors, pourquoi lui en faire reproche ?

T'inquiète, on l'aime quand même, ce sacré Sam :-)) et de toute façon, Gollum était destiné à périr, méchant ou gentil.Simplement dans le premier cas, pas d'amour rédempteur, mais la damnation éternelle ?? Because Sam ??  Ou une autre façon d'envisager le problème, de la nécessité du mal dans le plan divin ??

Cathy

Hors ligne

#3 25-12-2003 23:25

Leilaney
Inscription : 2003
Messages : 42

Re : Réhabilitons Sam!

Je ne trouve pas que Sam soit injuste envers Golmon (...hem, Gollum).
Faut pas oublier que c'est un Hobbit, et un jardinier. C'est un homme de la terre et pour lui, si quelqu'un a des intentions mauvaises envers celui pour qui il travaille, alors il défend son employeur (je n'aime pas les mots maître et serviteur). Il ne voit pas pourquoi il prendrait en pitié ou ferait confiance à cet être interressé uniquement dans l'anneau de Frodon.
Et puis, dernier point, Sam est un peu jaloux de Gollum. Il voudrait être le seul à "servir" Frodon, et cette bestiole arrive et Frodon se rapproche de lui et peu à peu, Sam se sent évincé au profit de la créature...

Pour ma part, j'aime énormément Sam Gamegie, et il est un grand héros au sens où il est celui qui n'a vraiment rien à faire dans cette histoire. Il n'est pas à sa place là-dedans, mais il se montre aussi courageux que les autres, et pas pour lui-même, mais pour Frodon (et aussi pour Rose).

Hors ligne

#4 26-12-2003 13:57

Mj du Gondor
Inscription : 2003
Messages : 574

Re : Réhabilitons Sam!

Parce que Tolkien était catholique (hé oui un autre fuseau qui court en ce moment me tente mais je résiste!)il fallait Gollum et il fallait Sam. Un Sam lucide mais suffisamment miséricordieux et un Gollum aussi faible que coupable!
Sinon quelle issue à Orodruin ?
Combien d'occasions ne se sont-elles pas présentées à Sam pour éliminer Gollum ? Sans brutalité, sans violence; en le perdant, en le livrant à Faramir.Mais la confiance inébranlable en Frodon, sa foi en son ami, ont jusqu'au moment ultime retenu son bras ou guider ses actes.
Peut-être même a-t-il admis jusque là, contre son propre jugement, que Gollum pouvait changer puisque Frodon y croyait. Admirable cette foi et cette confiance que je ne voudrais surtout pas assimiler à la moindre preuve de servilité! (Pas plus que je ne peux la limiter à une vérité chrétienne ;-))
Quant à Gollum criminel par cupidité, obnubilé par cet anneau, trainé par son pouvoir agissant sur son esprit comme la pire des drogues, n'émergeant de son emprise que pour de courts instants où la pitié se limite à sa propre personne, aurait-il pu même acquis en apparence  à Frodon, échapper à un accès de folie à la vue de la destruction éminente de l'Anneau?
Gollum ne pouvait qu'être Gollum et Sam celui que nous connaissons.

Et en cet instant ultime où Frodon ne peut plus résister à l'Anneau, seul un acte de folie de l'un des protagonistes est envisageable pour une fin "heureuse": folie de Gollum qui conduit à sa chute; ou folie de Sam !
Sam aurait-il pu accepter la défaite de Frodon le conduisant à l’anéantissement de son idéal? Après l'avoir porté pendant toute la "quête et littéralement sur le mont du destin, la perspective de l'échec de Frodon n'aurait pu que le pousser à un acte fatal  où préférant Frodon mort a Frodon vaincu, l'un et l'autre  auraient entrainé l'Anneau dans le feu d'Orodruin ! Bel exemple à mon sens de loyalisme dans l’esprit héroïque nordique !
Mais évidemment ce dénouement n’aurait jamais pu être celui de Tolkien !
Mj

Hors ligne

#5 27-12-2003 06:10

Szpako
Inscription : 2001
Messages : 635

Re : Réhabilitons Sam!

Leilaney   >>>    (je n'aime pas les mots maître et serviteur).

Mj du Gondor  >>>> Admirable cette foi et cette confiance que je ne voudrais surtout pas assimiler à la moindre preuve de servilité! (Pas plus que je ne peux la limiter à une vérité chrétienne ;-))


Plusieurs remarques :

1.    La mythologie du Légendaire est une fusion de mythes païens (nordiques, grecques, celtes) et chrétiens (voir l’article de Cédric, « Le Silmarillion, Mythologie ou Chrétienté »). Le problème, dès que l’on aborde l’aspect chrétien, c’est qu’un grand nombre de forumistes en font une affaire personnelle. Pourtant Tolkien s’est bien expliqué sur sa conception du conte eucatastrophique, cad le SdA, en tant que « reflet ou écho lointain de l’evangelium dans le monde réel »,  et plus loin il ajoute : « Les Evangiles contiennent un conte de fées, ou une histoire d’un genre plus vaste qui embrasse toute l’essence des contes de fées … » (Faërie, épilogue). C’est cette vision chrétienne qui assure la cohérence de l’ensemble de l’œuvre tout en restant indécelable pour beaucoup de lecteurs (signalons tout de même qu’il est question d’Eru dans les appendices, à propos de l’histoire d’Aragorn et d’Arwen, de manière explicite lors de la mort d’Estel). Tolkien croit en la Vérité du mythe chrétien ; cette lecture chrétienne du SdA, qui n’est pas la seule possible, est pourtant basique, essentielle même et que cette vérité ne corresponde pas à la tienne, MJ, c’est ton problème, pas le notre en ce qui concerne la compréhension de l’œuvre de Tolkien : par pitié, un peu de tolérance pour la croyance du « Père de la Fantasy » ;-)) Rangez « vos » rancoeurs, ou bien défoulez- « vous » dans la section espace libre et revenez apaisés;-))

Un certain nombre de ‘notions chrétiennes’ sont évoquées :la miséricorde, l’espoir, le don de soi, le don de la mort, l’amitié/la loyauté, le courage, le respect de la création, la sanctification des humbles, une providence cachée, le libre-arbitre … Je dis bien notions chrétiennes, car elles tournent autour de  3 notions fortes présentes dans le SdA, 3 références religieuses explicites :

a)    Le Feu Secret (Gandalf se dit le serviteur du Feu Secret dans la Moria), qui selon Tolkien est l’Esprit Saint.

b)    Estel, le nom elfique d’Aragorn (le futur roi-prêtre qui doit restaurer le culte d’Eru) qui évoque l’Espoir,l’Espérance/la Foi, les 2 premières vertus théologales


c)    L’Amour (amitié, loyauté, don de soi, miséricorde, courage, respect de la création …) dans le sens de Charité (comme l’a si bien signalé ailleurs Yyr), la troisième vertu théologale. L’amour des Valar pour les Enfants d’Ilúvatar, celui de Frodo pour la TdM et des peuples libres qui détermine sa quête, celui de Sam pour Frodo relèvent de cette vertu définie comme « l’amour de Dieu et l’amour du prochain reconnu comme créature de Dieu » (Vocabulaire du Christianisme, que sais-je ?). Cet amour, c’est la philia grecque, cad la puissance et la joie redoublées par celles de l’autre, c’est l’amour qui se réjouit et partage, libérée d’éros , cad le manque et la passion amoureuse, l’amour qui prend et veut prendre. La charité c’est ainsi l’amour libéré du moi, la joie libérée du manque, c’est ce que les premiers chrétiens ont appelé agapè. Donner sans prendre, se réjouir sans vouloir posséder ni garder,  c’est donc un amour sans limite d’où les notions de miséricorde, don de soi, courage …
Remarquons encore que Sam, à la fin du SdA, contribue à la beauté de la Création, en embellissant la Comté grâce au cadeau de Galadriel et en ayant de nombreux enfants car il aime. Ce petit jardinier n’est pas sans évoquer l’autre jardinier de la Genèse, placé dans le jardin d’Eden « pour le servir et pour le garder » (Gen,2-15), auquel fut ordonné de se multiplier (Gen, 1-28). Le livre se termine avec Sam, ou mieux avec un hymne à la vie.

2.    Le concept de serviteur n’a absolument rien de péjoratif dans le Légendaire (comme le soutient d’ailleurs Isabelle S.). Les Maiar sont les serviteurs des Valar (Silmarillion), Gandalf celui du Feu Secret, Sam celui de Frodo … C’est quand cette notion se double de celle d’esclave qu’elle est vue de manière négative, ainsi Wormtongue est moins le serviteur de Theoden que l’esclave de Saruman, les Haradrim et les Easterlings les esclaves de Sauron tout comme les orcs, même les Númenóréens auront des esclaves lors de leur déchéance morale.

Tolkien utilise ici un concept typiquement médiéval (n’oublions pas qu’il était médiéviste) du Haut moyen âge, qui veut que la société chrétienne soit organisée d’abord sur un mode binaire : « … il y a un ordre de ceux qui commandent et un ordre des sujets … » (saint Boniface) ; on justifie ainsi l’existence d’inégalités sociales, et non d’inégalités de nature : « Les chefs ne doivent pas croire que les subordonnés leur soient inférieurs par la nature de leur être ; ils le sont par l’ordre » (Jonas d’Orléans).
« Si le service que l’on reçoit marque certainement une forme de domination, celui que l’on prête, losrqu’il est une dépendance librement consentie, n’est pas tenu pour avilissant. Au contraire, pourrait-on dire, car il constitue alors l’expression même du choix, sans lequel il n’est pas de liberté…ce type de dépendance est donc fondamentalement honorable…la littérature héroïque anglo-saxonne laisse même entendre que c’est l’absence de dépendance (et son corollaire, l’absence de protection) qui est insupportable … » (Les Sociétés en Europe du milieu du VI à la fin du IX s., edition Cned-Sedes, p.115)
On voit bien ce qui distingue le serviteur de l’esclave : Olorin a choisi librement de devenir Gandalf, comme Sam de suivre Frodo jusqu’au bout et de le servir et le dorloter.

La grosse erreur d’Isabelle S. fut de ne pas tenir compte du fait que Tolkien, comme le dit Vincent Ferré, évoque un moyen âge « mythique » ; ces « dark ages » de la TdM (L131) font évidemment référence aux âges sombres des V-VIII s, d’où ses interprétations erronées, comme c’est le cas ici, car elle se réfère aux valeurs des XIX-XX s. pour analyser le SdA.

3) Si pour Tolkien certains aspects des mythes nordiques  expriment un fragment de vérité dont la totalité s'incarne dans le vrai mythe, celui du Christ, il ne fait que continuer une attitude fondamentale arrêtée par les pères de l’Eglise et parfaitement définie par saint Augustin : « Si les philosophes (païens) ont émis par hasard des vérités utiles à notre foi, surtout les platoniciens, non seulement il ne faut pas craindre ces vérités mais il faut les arracher pour notre usage à ces illégitimes détenteurs. »
Comme quoi, rien ne se perd, la récupération a toujours du bon, mais heureusement d’ailleurs, car ce compromis a sauvegardé une certaine continuité de la tradition antique malgré certaines transformations … curieuses des originaux ;-))

>>>>> Un Sam lucide mais suffisamment miséricordieux

Une lettre de Tolkien que j’ai déjà citée, n’est pas vraiment de cet avis,mais là je vais me coucher ;-))

Cathy


Hors ligne

#6 27-12-2003 01:50

Mj du Gondor
Inscription : 2003
Messages : 574

Re : Réhabilitons Sam!

« Si les philosophes (païens) ont émis par hasard des vérités utiles à notre foi, surtout les platoniciens, non seulement il ne faut pas craindre ces vérités mais il faut les arracher pour notre usage à ces illégitimes détenteurs »
Aïe !!!
Chère Cathy, en cette période emplie de douceur où l'on échange des voeux de paix entre les hommes de bonnes volontés je m'abstiendrai de tous commentaires!
Qu'une étoile veille sur toi ! (j'adore !!) et sur ton sommeil!;-))
Mj

Hors ligne

#7 27-12-2003 20:43

Melilot
Inscription : 2003
Messages : 1 094

Re : Réhabilitons Sam!

Merci à Cathy pour m’éclairer sur les intentions de Tolkien. Merci à toutes pour vos réponses (Il n’y a que des filles, ici?), mais… heu… je n’avais pas l’intention de rallumer les guerres de religions en posant une question innocente sur mon  Samwise préféré.

D’accord avec toi, MJ, cette phrase de Saint Augustin me fait bondir. Elle tendrait à prouver que tolérance et respect d’autrui ne sont pas des vertus chrétiennes, ou à tout le moins augustiniennes (soyons tolérante :-D ).  Mais bon, c’est l’opinion d’Augustin (Fouchtra! Je ne peux pas écrire « saint » quand je lis ça. On sanctifie vraiment n’importe qui!), pas celle de Cathy.

Mais d’accord aussi avec toi, Cathy, sur le fait qu’il faut tenir compte des intentions de l’auteur. Si Tolkien de son propre aveu, a voulu écrire une œuvre qui soit en accord et en résonance avec ses convictions, il est inutile de nier la dimension catholique du Seigneur des Anneaux, ce serait se priver d’une des clés majeures d’interprétation de l’œuvre.

PAR CONTRE, rien, absolument rien, ne nous oblige à partager les convictions de l’auteur. Un Français athée peut parfaitement apprécier et être profondément touché par l’œuvre d’un Anglais catholique, ou d’un Japonais taoïste, ou d’un Soudanais musulman, ou d’un Navajo animiste, mais où, de par ma chandelle verte! est-il écrit qu’il doive obligatoirement d’abord se plonger dans l’étude de la mythologie et de la théologie auxquelles adhère l’auteur, voire carrément se convertir avant ou après lecture? Une telle lecture peut bien sûr être une ouverture, une occasion de s’intéresser à un monde et une façon de penser différents du sien, ce qui ne peut que l’enrichir à tout points de vue (en découvrant la valeur de la sagesse et de la philosophie des païens et des hérétiques, tiens, par exemple :-D)

Un lecteur athée, ou agnostique, ou musulman, ou bouddhiste peur parfaitement apprécier le Seigneur des Anneaux, être ému, émerveillé et bouleversé par l’histoire. Bien sûr, un anglais catholique, lui, comprendra immédiatement de quoi il retourne, se retrouvera dans la lecture et y retrouvera son propre monde intérieur. Il comprendra intuitivement des allusions et des références qui échapperont peut-être aux autres. N’empêche que l’ignorance de ceux-ci en matière de catholicisme ne diminuera en rien leur plaisir à la lecture, ni leur adhésion à l’œuvre.

Bien. Fermons cette parenthèse et revenons à Sam. D’accord aussi avec Cathy sur le fait qu’il faille éviter d’interpréter la notion de « service », de « serviteur » dans le Seigneur des Anneaux (dedans! j’insiste, parce que c’est de ça qu’on parle!) avec la mentalité d’un libre penseur du 21e siècle. D’abord parce que Tolkien écrit dans l’optique d’un catholique du début du 20e siècle. Ensuite parce que comme le dit justement Cathy, il investit cette notion de « service » de grandeur et de noblesse, ainsi que de liberté.

Après tout, si à l’intérieur de la Comté, Sam est - au début du roman - lié à Frodo par un contrat d’emploi, celui-ci se restreint au jardinage et à Bag-End. Rien ne l’oblige à suivre son patron jusqu’à Orodruin, ni à se coltiner ses bagages et à lui faire sa popote. (Sauf peut-être la menace d ‘être transformé en crapaud? J ). Il fait tout ça librement et par affection pour Frodo et il décide par lui-même de le faire, à Rivendell,  après le conseil d’Elrond où personne ne l’obligeait à rien. Il décide une seconde fois par lui-même aux chutes du Rauros, lorsque Frodo décide de s’en aller tout seul. (Il doit d’ailleurs insister lourdement pour être admis : menacer de se noyer, c‘est quasiment du chantage affectif). Et la meilleure preuve que par « serviteur » Tolkien n’entendait nullement « inférieur », est la fin qu’il réserve à Sam.

Par contre, je me demande dans quelle mesure Sam est « lucide », dans quelle mesure il comprend réellement que c’est le sort du monde qui est en jeu, pas seulement celui de Frodo et le sien? D’après mes souvenirs de lecture il me semble que non.

Tout ceci mis au point, hors contexte romanesque, moi non plus, MJ et Leilaney, je n’aime pas du tout, mais alors pas du tout, les rapports maître/esclave (non, même pas dans l’intimité :-D), dominant/dominé et toute cette sorte de chose. Et si le dévouement de Sam est touchant dans le roman, si quelqu’un, même catholique, même un brin masochiste, dans la réalité actuelle, souhaitait l’imiter en faveur de son boss, il serait simplement pathétique.

Bonne fin d’année à tous et joyeux réveillons!

Hors ligne

#8 29-12-2003 11:27

Yyr
Lieu : Reims
Inscription : 2001
Messages : 2 901
Site Web

Re : Réhabilitons Sam!

Grrr ... à peine une petite demi-heure à nous consacrer ...

Tâchons d'être constructif :) ...


MJ : [...] je m'abstiendrai de tous commentaires! [...]
Melilot : [...] je n’avais pas l’intention de rallumer les guerres de religions [...] D’accord avec toi, MJ, cette phrase de Saint Augustin me fait bondir. Elle tendrait à prouver que tolérance et respect d’autrui ne sont pas des vertus chrétiennes, ou à tout le moins augustiniennes [...] On sanctifie vraiment n’importe qui! [...]

NON !

S'abstenir de tout commentaire eût été sage ... y compris celui de redonner la citation avec mise en exergue :). La citation donnée par Cathy avait pour utilité de mieux *comprendre*, et aucune autre. Cela implique de faire des efforts et de ne pas confondre toutes les problématiques en même temps. Je suis vraiment de plus en plus chagriné de ce genre de confusion ... et j'ai du mal à comprendre, hormis le fait que ce n'est vraiment pas le lieu, comment, si l'on se sent le curieux besoin de revendiquer ici son athéisme, on puit en même temps porter un jugement sur qui il y a lieu de "sanctifier" (canoniser ?), puisque cela n'a de sens que pour celui qui croit en la sainteté (donc a minima chrétien). Pour information, et pour te rassurer, Melilot, ceux qui témoignent aux procès de canonisation par exemple, travaillent longuement, sans juger des phrases sorties de leur contexte - surtout celles du IVème siècle - ;) et ne cherchent pas la perfection des vertus humaines ou mêmes morales de leurs sujets, mais celle de leur foi, c'est-à-dire de leur relation à Dieu. J'ai vraiment beaucoup de mal à comprendre comment "guerre de religion" a pu ici arriver dans ta phrase ? ? ? et en suis derechef chagriné. D'une, ces choses-là ont été suffisamment honteuses et horribles pour que son évocation ne soit pas faite à la légère. De deux, où as-tu vu dans les propos de Cathy qui s'inscrivent pleinement et parfaitement dans la problématique du *mythe* de quoi "rallumer des guerres de religion" ? mmmm... :)


MJ : Parce que Tolkien était catholique [...]
Melilot : Mais d’accord aussi avec toi, Cathy, sur le fait qu’il faut tenir compte des intentions de l’auteur. [...]

NON !

En notant que Cathy n'a pas dit qu'il "fallait tenir compte des intentions de l'auteur" mais rappelé, merveilleusement bien d'ailleurs, la théorie du Conte selon Tolkien, ce qui est bien différent, je mets en garde contre toute approche intentionaliste. Et rappelle avec force que la première intention directe de Tolkien dans son oeuvre a été de proposer un *enchantement*, le désir de proposer une réalité (secondaire) crédible, et donc libre ! Les choses en Terre-du-milieu n'arrivent pas "parce que Tolkien était catholique" ; les chose arrivent parce que Tollien lui-même les y découvrent, explorateur et Maître-étoilé de Faërie - et lorsqu'il ne sait pas encore quelles elles sont, les cherche ... comme nous - ; elles surviennent parce qu'elles lui semblent "fidèles à la nature des choses" et ensuite et seulement ensuite jette son propre regard chrétien sur cette histoire (ce qui n'empêche pas que cela puisse se faire néanmoins au moment de l'écriture).


Melilot : Donc, conclusion personnelle : oui, l’attitude de Sam envers Gollum est sans doute, à certains moments, injustement et inutilement agressive, mais elle se révèle au final aussi nécessaire à l’accomplissement du destin de l’Anneau, de tous les personnages, de la Terre du Milieu et au déroulement logique de l’intrigue, - que le furent la miséricorde de Bilbo, de Gandalf et de Frodo. Alors, pourquoi lui en faire reproche ?
MJ : Gollum ne pouvait qu'être Gollum et Sam celui que nous connaissons.
Szpako: Ou une autre façon d'envisager le problème, de la nécessité du mal dans le plan divin ??

NON !

Bon là en fait je ne râle plus :) Il s'agit de la propre interprétation de chacun, et même, d'une question de foi. Je ne partage pas ces hypothèses, et répond non à cette question (si importante ...) de Cathy. Et Ulmo aussi :) Cf. la question posée par la naissance de Fëanor passant par la mort de Míriel : " For Eru is lord of All, and moveth all the devices of his creatures, even the malice of the Marrer, in his final purposes, but he doth not of his prime motion impose grief on them " [MR/241]. Le Bien produit au bout d'un chemin douloureux ne saurait aucunement justifier le Mal subi ou infligé sur ce chemin. Contrairement à ce qu'il est courant d'entendre, pour ma part, la fin ne justifie jamais les moyens ...


Yyr


PS : Szpako: b) Estel, le nom elfique d’Aragorn (le futur roi-prêtre qui doit restaurer le culte d’Eru) qui évoque l’Espoir,l’Espérance/la Foi, les 2 premières vertus théologales

Hi ! Hi ! :) Dame cathy, c'était pour voir si j'étais toujours vivant ? ;)
Je ne suis pas d'accord et réaffirme toujours plus fermement 'Estel = Espérance' ; je sais je sais je suis dans mon tort, l'étude promise pour janvier ... 2003 n'est toujours pas là :) c'est pas ma faute ... enfin si :) mais c'est vraiment bien avancé ... :)

Hors ligne

#9 29-12-2003 11:29

Yyr
Lieu : Reims
Inscription : 2001
Messages : 2 901
Site Web

Re : Réhabilitons Sam!


Misère j'ai une heure de retard :( hou la la. Bise à toutes les trois, et heureuse année par avance :)

Hors ligne

#10 29-12-2003 01:04

Melilot
Inscription : 2003
Messages : 1 094

Re : Réhabilitons Sam!

Mais non, Yyr, faut pas râler. J'ai utilisé "guerres de religion" au second degré, pour faire allusion aux nombreuses polémiques qu'on a déjà pu lire sur ce forum. Ne te chagine donc pas, ça n'en vaut pas la peine.

Je ne condamne et ne juge ni Cathy pour sa citation - qui n'est d'ailleurs qu'une citation, pas une adhésion inconditionnelle -, ni les lecteurs chrétiens de Tolkien pour leurs convictions personnelles : à chacun sa religion, à chacun son point de vue. Mais je me réserve le droit de ne pas être d'accord avec quelqu'un, chrétien ou non d'ailleurs, père de l'église ou non, qui prononce ce genre de phrase. Et de considérer ce genre de phrase comme une énormité, sauf le respect que je dois aux anciens. Et de défendre donc aussi les miennes, de convictions, quansd je reçois ça dans la figure, à froid.

Quant à "l'intention" de l'auteur, c'est vrai que j'ai des lacunes en tolkienologie. Cependant, il me semble que ma position ne diffère pas beaucoup de la tienne, lorsque je dis que l'enchantement de l'oeuvre peut-être perçu par n'importe qui, catholique ou non, anglais ou non, mais qu'effectivement, un lecteur instruit dans la religion catholique aura une perception plus intime de l'histoire. Ou me gonré-je totalement? Démontre-le-me-le, je ne demande pas mieux.

Enfin, où as-tu vu que je revendiquais un quelconque athéisme? J'ai simplement parlé du point de vue que pourrait avoir un lecteur athée, j'ai parlé aussi d'un lecteur agnostique, taoïste, musulman ou bouddhiste (et j'aurais pu parler aussi des chamanistes, des animistes, des vaudounô, des hindouistes, des shintoïstes, des adeptes du Peyotl, des fils d'Inti et de la Pachamama et de ceux qui vivent le Temps du Rêve, mais c'était pour pas alourdir, comme tu constates ;-) ), en soulignant le fait qu'il était parfaitement possible pour eux de lire, apprécier et être ému par l'oeuvre d'un auteur catholique sans rien connaître du catholicisme, ni pour autant y adhérer ipso facto (l'inverse est vrai aussi d'ailleurs). Alors d'après toi je suis quoi, moi, dans tout ça? Mmmmhh? (Jamais conclure trop vite :-D )

Voilà, si j'ai pu te paraître agressive, mon intention ne l'était pas. Simple petit malentendu - dû peut-être à mon tempérament un peu trop réactif, j'avoue. Sorry donc.

Allez, cours vite aux devoirs qui t'appellent, grosses bises à toi aussi et bonne année itou.

Hors ligne

#11 29-12-2003 01:31

Pierre de Lune
Inscription : 2003
Messages : 23

Re : Réhabilitons Sam!

Je dirai, pour aller dans le sens de Melilot que, bien que catholique, et lecteur à six ou sept reprises du SdA, rompu aux exercices d'analyse littéraire par deux années de prépa, j'avais réussi à ne pas percevoir à quel point le SdA était pénétré de culture chrétienne. Je savais que Tolkien était catholique, mais je retrouvais bien quelques éléments, j'étais surtout frappé par l'incidence chrétienne dans le Silmarillon, au point de ne quasiment rien en voir dans le SdA (bon, depuis que je fréquente ce forum, j'ai fait une séance de rattrapage, qui me permet d'appréhender plus pleinement l'oeuvre et surtout de résoudre quelques petits problèmes qui se posaient à moi dans la compréhension de certaines choses).
Juste pour dire qu'un catholique pouvait fort bien avoir une vision athée du SdA (du Simarillon plus dur ;-))

PS : dans la phrase de saint Augustin, hors la violence des termes, que trouvez-vous de choquant ? Cela me semble juste un procédé oratoire pour harranguer. Après tout, il s'agit en quelque sorte d'une note de service pour donner l'attitude à suivre. Ce genre de discours peut facilement se trouver en politique, en philosophie (j'ai en tête un texte de Montaigne sur la réappropiration des idées d'autrui qui ferait frémir plus d'un garant des droits d'auteur) ou dans bien d'autres domaines. Il s'agit de concepts philosophiques, pas des philosophes eux-mêmes ;-) et saint Augustin respecte leurs idées, puisqu'il ne veut pas les éradiquer, mais les inclure dans la pensée chrétienne.

Hors ligne

#12 29-12-2003 16:45

Stalker
Inscription : 2003
Messages : 116

Re : Réhabilitons Sam!

Houlà!
Je tiens juste à lever un malentendu mon propos:

Melilot disait:
"Résumons un peu : pour Stalker, sur le premier fuseau, Sam est un personnage « tout blanc », totalement positif. "

Je parlais du Sam du film et c'est ce que je reprochais au film justement:
Sam (celui du livre) n'est pas "tout blanc" comme je l'ai souligné dans les autres fuseaux sur le film, il avait commis la faute d'avoir manqué de pitié vis à vis de Gollum. cf les lettres de Tolkien que j'avais cité sur ce point.

Hors ligne

#13 29-12-2003 19:56

Lambertine
Inscription : 2002
Messages : 2 828

Re : Réhabilitons Sam!

Cher Stalker,

Je ne vois pas grande différence entre le Sam "du livre" et le Sam "du film". Ils agissent grosso modo de la même façon. La grande différence vient du regard de l'auteur/réalisateur sur le personnage.

Hors ligne

#14 29-12-2003 20:11

Stalker
Inscription : 2003
Messages : 116

Re : Réhabilitons Sam!

Lambertine

Je ne suis pas d'accord. Le Sam du film est beaucoup plus mûr, plus sûr aussi.
Voir Sam faire la morale à Faramir à la fin du deuxième film ne "colle" pas avec le Sam un peu maladroit et timide que j'ai en tête. (Etait il sencé de savoir que c'était à cause de l'Anneau que Boromir est mort? Savait il seulement comment Boromir était tué?)
Voir Sam pressé de plier bagage pour quitter Fondcombe après le rétablissement de Frodo ne colle pas avec le Sam du livre qui était émerveillé par elfes.
Voir Sam qui désespère à la toute fin, n'ayant plus d'espoir de retour ne colle pas avec le Sam du livre qui est un optimiste borné, qui imaginait encore que menestrel racontera l'histoire de "Frodo au neuf doigts" alors qu'il était dans une mer de lave.

Ceci dit, c'est sans doute un des personnages du film qui s'éloigne, de mon point de vue, le moins de son alter ego du livre, par rapport aux autres. (De toutes façons, je les trouve tous "décalés")

Amicalement

Hors ligne

#15 29-12-2003 20:15

Leilaney
Inscription : 2003
Messages : 42

Re : Réhabilitons Sam!

Il n'y a pas beaucoup de différences, à part peut-être le phrasé! C'est plus reposant de l'entendre parler dans le film!
Quand à Gollum, jpense qu'à un moment tout le monde à eu envie de le caisser! Et Sam fait preuve d'un peu de pitié à mon sens, puisqu'il ne le jette pas du haut de Cirith Ungol! (comme je le voyais le faire dans mes rêves! ;-) )
Il se plie à la volonté de Frodon, donc il accepte cette pitié. On pourrai le voir comme ça!

Hors ligne

#16 30-12-2003 04:25

Szpako
Inscription : 2001
Messages : 635

Re : Réhabilitons Sam!

Melilot   >>>>  mais où, de par ma chandelle verte! est-il écrit qu’il doive obligatoirement d’abord se plonger dans l’étude de la mythologie et de la théologie auxquelles adhère l’auteur, voire carrément se convertir avant ou après lecture?

Faut pas tout mélanger, mais il me semble que cette section est dédiée à l’étude de Tolkien, donc s’intéresser à la mythologie et à la théologie ne constitue pas a priori une hérésie ;-)) au contraire ça peut éviter des interprétations érronées  (voir toujours Isabelle S.). Beaucoup de fuseaux évoquent ces thèmes, sans tomber dans le prosélytisme ;-))

>>>> Melilot, à  propos du manque de lucidité de Sam, Tolkien l’évoque dans la Lettre 246, p.329-330.
Sam est le type de hobbit commun et rustique, trop sûr de lui, vaniteux, « a mental myopia which is proud of itself » ;-)) Mais son caractère est transformé par sa loyauté envers Frodo (le serviteur a autant besoin de son maître que le maître de son serviteur ;-), d’où son courage que Tolkien rapproche du courage nordique de ces hommes prêts à mourir pour leur maître. Mais cette loyauté est « corrompue » par un brin d’orgueil et de possessivité,  Leilaney l’évoque avec justesse, ce qui l’empêche de comprendre la pitié de Frodo envers Gollum, et le début du répentir de Gollum, lorsque ce dernier caresse le genou de Frodo endormi dans les escaliers de Cirith Ungol; l’antre de Shelob est alors inévitable ; ce n’est qu’au mont du Destin que Sam enfin éprouve de la miséricorde, mais le mal est fait, Gollum ne sera pas sauvé : « p.749 »
Mais en même temps, Sam est un hobbit adorable et amusant. Tolkien a donc créé un personnage romanesque tout à fait vraisemblable, ni bon ni méchant, un hobbit quoi.

>>>> Mj et Melilot, je vois que vous appréciez la prose musclée de saint Augustin ;-)) Mais il s’opposait ainsi à une tendance encore plus radicale qui voulait détruire toute trace de culture païenne, lui qui voulait la conserver comme le remarque bien Pierre. Cet ancien partisan du manichéisme et ancien « débauché » avait une solide culture latine. Une forte personnalité pour conclure ;-) Mais ce fut un grand penseur chrétien, peut-être à cause d’une jeunesse turbulente et très ‘humaine’  …  Mais encore une fois il ne faut pas en faire une affaire personnelle, et avant de condamner, comprendre. Comme le souligne Yyr, revenons au contexte d’où est sortie cette citation ;-))

Certes  on peut parler de système totalitaire de la Chrétienté médiévale, qui longtemps, dans son désir que la société chrétienne forme un corps (l’idée d’empire était toujours liée à l’idée d’unité), a identifié le bien avec l’unité et le mal avec la diversité, mais il existait des esprits plus ‘tolérants’ qui légitimaient la diversification linguistique et nationale : « L’africain, le syrien, le grec l’hébreu et toutes les autres langues diverses font la variété du vêtement de cette reine, la doctrine chrétienne. Mais de même que la variété du vêtement concourt en un seul vêtement, de même toutes les langues concourent en une seule foi. Qu’il y ait de la variété dans le vêtement, mais pas de déchirure ». C’est encore du saint Augustin ;-)) Ce pluralisme et cette tolérance seront réaffirmés avec saint Thomas d’Aquin au XIII s. qui dit que toutes les langues sont capables de mener à la sagesse divine. Et ce pluralisme et cette tolérance dans l’unité est aussi une idée forte du SdA, car Aragorn tout en restaurant le culte d’Eru, et en pardonnant à ses ennemis du sud et de l’est,  restaure aussi, d’après Tolkien, une royauté qui tient plus du Saint Empire Romain avec son siège à Rome (Lp.376), dans la mesure où le NO de la TdM serait l’équivalent de l’Europe Occidentale en terme de latitude.

Saint Augustin (354-430)  vécut durant cette période que l’on nomme l’Antiquité Tardive ( I-IV s.), qui tolèra la religion chrétienne dans l’Empire à partir de  l’Edit de Milan vers 313 ; puis sous Théodose, le christianisme catholique devint religion officielle (peu à peu les cultes païens furent mis hors –la- loi à partir de 391). Mais l’Etat romain vit ses dernières heures et s’effondra au V s en Occident sous les coups des Germains (en Orient il poursuit sa carrière jusqu’aux conquêtes arabes du VII s., puis c’est le déclin jusqu’à la prise de Constantinople par les Turcs en 1453). Ainsi saint Augustin mourra dans Hippone (Afrique du Nord) assiégée par les Vandales. De tous les Germains, les Vandales (issus de Scandinavie) furent particulièrement brutes : la classe romaine dirigeante fut expropriée ou exilée, l’épiscopat catholique subit des persécutions violentes en sa qualité de complice naturel des Romains … et le pillage habituel … mais à la différence des autres Germains qui apportèrent des compensations à leurs destructions, leur apport intellectuel , juridique, artistique ou économique  fut à peu près nul dans cette partie de l’Afrique qui avait tant contribuée à la civilisation méditerranéenne du III au V s. Alors ne condamnons pas si rapidement saint Augustin et son « intolérance », rien n’est simple dans la vie ;-)) Le public auquel avait affaire saint Augustin n’était pas constitué d’enfants de chœur ;-)  Tolkien, élevé par un prêtre catholique à la mort de sa mère vers 12 ans, fut nourri d’augustinisme à l’Oratoire de Birmingham, c’est bon à savoir.


Yyr >>>> " For Eru is lord of All, and moveth all the devices of his creatures, even the malice of the Marrer, in his final purposes, but he doth not of his prime motion impose grief on them " [MR/241]. Le Bien produit au bout d'un chemin douloureux ne saurait aucunement justifier le Mal subi ou infligé sur ce chemin. Contrairement à ce qu'il est courant d'entendre, pour ma part, la fin ne justifie jamais les moyens ...

Cela me pose un problème, un gros d’ailleurs dans la problématique de la Chute ;-)) est-ce que les choses sont aussi simples que cela ? Tolkien utilise le concept de musique dans l’Ainulindalë, mais les dissonances sont nécessaires à toute oeuvre musicale (je ne parle pas de la musique atonale, c’est différent) ; Bach était le grand maître des dissonances, qui toutes se résolvent (règle d’écriture musicale). Puis Eru crée le monde corrompu, (à partir de la musique et de ses dissonances) et c’est volontaire. On retrouve le même cas de figure dans la Genèse : le serpent a été créé par Dieu, et il est avant tout envisagé dans sa position d’animal (Gen 3) (il est devenu l’incarnation de Satan, avec les Evangiles beaucoup plus tard). C’est ce qui fait dire à Ricoeur, que le serpent est à la fois notre nature animale, mais aussi « il est extérieur d’une façon plus radicale et de manières variées …Chaque individu trouve la mal ‘ déjà présent ‘ » (La Symbolique du Mal).

Puis dans un autre texte in ‘Histoire et Vérité’, p.130, en analysant les pensées d’Irénée et de Tertullien (Melilot, ce sont 2 autres Pères de l’Eglise), il écrit « la création se continue précisément à travers le mal et par le moyen de la grâce … la création n’est pas inerte, achevée, close …le mal n’est pas à retrancher ou la grâce à ajouter à la création ; c’est plutôt notre idée de la création qu’il faut enrichir jusqu’à lui faire englober et la méchanceté du mal et la gratuité de la grâce … comme dit Irénée : « Comment l’homme aurait-il eu la connaissance du bien s’il avait ignoré ce qui est le contraire du bien ? » et plus loin, cette vision de la création qui inclut le mal et la grâce, nous incline « à un sens épique de notre existence personnelle replacée dans la perspective d’une épopée plus vaste de l’humanité et de la création ».

Et dans la première version de l’Ainulindalë, plus explicite que celle du Silmarillion, la même idée se dégage quand Eru dit « … car voici ! par Melko sont venus dans le dessein que je vous ai exposé de la terreur comme le feu, et du chagrin comme des eaux sombres, du courroux comme le tonnerre, et de la malice aussi éloignée de ma lumière que les profondeurs des plus lointains parmi les lieux sombres. Par lui ont été faits de la douleur et du malheur dans le fracas de musiques submergeantes ; et par la confusion de son naquirent la cruauté, et la rapacité, et l’obscurité, la fange révoltante et toute putrescence de pensée ou de chose, des brumes malsaines et la flamme violente, le froid sans merci et la mort sans espoir. Pourtant ceci est à travers lui et non de lui ; et il verra, et vous tous de même, et même ces êtres, qui devront maintenant demeurer parmi sa Malice et endurer par Melko la douleur et le chagrin, la terreur et le mal, déclareront à la fin que cela ne fait que contribuer à ma grande gloire, et que le thème n’en vaut que plusla peine d’être écouté, la Vie davantage la peine d’être vécue, et que le Monde n’en est que d’autant plus magnifique et merveilleux ; de sorte que de tous les gestes d’Ilúvatar, l’on dira de celui-ci qu’il fut le plus puissant et le plus beau » (LCPI, p.80).

Bon c’est un peu hors-sujet, un autre fuseau pour l’année prochaine ??

Cathy

Et que les étoiles vous accompagnent tous pour l’année à venir ;-)

Hors ligne

#17 30-12-2003 04:28

Szpako
Inscription : 2001
Messages : 635

Re : Réhabilitons Sam!

Désolée pour la p749, c'était une citation fantôme ;-(

Cathy

Hors ligne

#18 30-12-2003 11:44

Melilot
Inscription : 2003
Messages : 1 094

Re : Réhabilitons Sam!

Wow! Beaucoup de réponses et beaucoup à répondre, et si peu de temps pour ce (Help!).

Juste quelques mots.

Cher Stalker, désolée, j'avais confondu. Quant à moi, je ne parle que des personnages du livres. Ceux du films n'ont pas d'importance à mes yeux - comme on me disait lorsque j'étais petite et que je pleurais devant l'écran : "ce n'est que du cinéma"!  Mais le Sam du livre, je l'aime vraiment beaucoup, avec tous ses défauts de Hobbit un peu bas de plafond. Non seulement pour son indéfectible amitié et son courage dont il n'a même pas conscience, mais surtout peut-être pour son robuste bon sens terre à terre qui remet bien les choses à leur place, lorsqu'autour de lui des gens plus éthérés se perdent un peu dans les hauteurs. Son optimisme que tu trouves un peu borné à la fin du roman, est-il vraiment de l'optimisme borné? Ou bien ne dit-il ça en dernier recours que pour soutenir encore et toujours le moral de Frodo qui est descendu au-dessous du zéro absolu? J'opte pour la seconde solution (mais quelqu'un d'autre peut y voir le contraire).

Chère Szpako, merci pour ces précisions sur ce pauvre Augustin que j'ai malmené sans savoir. Et je m'incline bien bas devant l'étendue de ta culture et de ton érudition. Mazette! (Moi, à part les vieux nonosses, les cailloux taillés et les tessons de céramique...Ah oui! Et la beauté des stratifications dans une grande coupe de terrain, et la merveille du passé qu'on peut y lire, mais ceci est une autre histoire :-D ).

Voilà. A tous joyeux réveillons, bonnes ripailles et franches mufflées! (Et bonne récup', le lendemain. Aïe!). Et que pour 2004, tous vos souhaits se réalisent!

Hors ligne

#19 30-12-2003 14:17

Edouard
Inscription : 1999
Messages : 635

Re : Réhabilitons Sam!

>Et ce pluralisme et cette tolérance dans l’unité est aussi une idée forte du SdA, car Aragorn tout en restaurant le culte d’Eru

Culte d'Eru? Je ne crois pas. Depuis le destruction du "Temple Numenor", il n'y a pas de culte officiel à Eru parmi les "bons" Nuumenoréens.
Pas une seule fête est mise en place dans le nouveau Calendrier pour honnorer Eru/Dieu. Le culte d'Eru est (?semble-t-il) d'ordre privée, alors que les Valar sont "publiques".

Edouard Kloczko

Hors ligne

#20 30-12-2003 19:52

Feartanel
Inscription : 2003
Messages : 197

Re : Réhabilitons Sam!

Szpako > Tolkien utilise le concept de musique dans l’Ainulindalë, mais les dissonances sont nécessaires à toute oeuvre musicale (...) ; Bach était le grand maître des dissonances, qui toutes se résolvent (règle d’écriture musicale). Puis Eru crée le monde corrompu, (à partir de la musique et de ses dissonances) et c’est volontaire.

Cela me froisse quelque peu, car les dissonances telles que Tolkien les exprime ne sont pas, d'après ma perception de l'Ainulindalë (peut-être erronée ?), du même ordre que celles "nécessaires à toute oeuvre musicale" dont tu parles.
Les dissonances dans une oeuvre musicale sont en effet des ornementations qui ajoutent des nuances, des touches plus ou moins tristes, graves, lancinantes parfois, bref un caractère plus fort à la musique.
Dans l'Ainulindalë, en revanche, les dissonances me semblent plutôt une intervention extérieure, qui perturbe la musique telle qu'elle se déroulait jusqu'à ce point.
Comme tu l'as exprimé, elles sont issues d'Eru. Mais elles sont l'initiative de Melko. De plus, voyant le tumulte qu'elles provoquent, Eru réarrange la musique en introduisant un nouveau thème. Ce ne sont donc pas des dissonances qu'il estime nécessaires à l'Oeuvre, même si finalement, il explique aux Valar qu'elles ne font "que contribuer à [sa] grande gloire" ; il ne les avait pas pensées à l'origine, comme le fait un compositeur qui écrit sa partition.

J'espère que tu auras saisi ce que je souhaitais préciser, car c'est assez mal formulé, mais on se trouve tellement dans le détail... ;-)

Et c'est à mon tour de vous souhaiter un Joyeux Réveillon ! (sans trop d'excès bien sûr :-p)

Feartanel

Hors ligne

#21 31-12-2003 13:48

Mj du Gondor
Inscription : 2003
Messages : 574

Re : Réhabilitons Sam!

Plutôt que d'interférer désagréablement dans ce fuseau je préfère poster ma réponse à Szpako dans la section "espace libre" et laisser à Feartanel la sérénité de son débat.;-)

Hors ligne

#22 31-12-2003 06:00

Szpako
Inscription : 2001
Messages : 635

Re : Réhabilitons Sam!

Melilot >>>> Lol


Feartanel  >>>> Je comprends très bien ton point de vue, mais il reste subjectif. Tolkien utilise certaines notions musicales en toute connaissance de cause, il y a aucun floue artistique ;-))

Dissonance et ornement (le terme technique que l’on utilise en musique) sont 2 procédés musicaux différents.
Une ornement est un enrichissement de la mélodie au moyens de divers procédés (trille, appoggiature, tremolo …) ; les ornements peuvent être notés ou improvisés. Et la musique des Ainur (sauf celle tapageuse de Melkor) orne et embellise un thème donné, celui d’Eru.
Une dissonance est une association de sons qui donne une impression d’hétérogénéité et provoque une tension chez l’auditeur (dans l’harmonie classique la dissonance est préparée puis résolue, un  exemple très simple, une septième de dominante, la septième est dissonante (mais plus pour nos oreilles modernes), et l’accord doit se résoudre sur un accord du premier degré) ;ainsi les sons  de Melkor engendre une discordance qui trouble certains Ainur et provoque la colère d’Eru (son visage faisait peur à voir).

Naturellement le terme de dissonance est relatif à une norme, à un temps ; par exemple, au XVII et au XVIII s la dissonance était le « diabolus in musica », et toute dissonance devait se sauver, il s’agissait de salvation, elle devait être rachetée par une consonance ; la dissonance était nécessaire mais passagère ; comme le disait  un théoricien de l’époque, le péché est nécessaire à la vertu et justifie la grâce, et la dissonance fonde l’harmonie !   Finalement toute mélodie crée des tensions et finit par les résoudre, à la fois pour l’oreille du musicien et pour celle du spectateur . La cadence parfaite d’Eru est terrifiante.

Allons plus loin ;-) La musique des Ainur est une improvisation « partielle » (puisque des thèmes sont donnés, ce qui implique une certaine liberté aux Ainur- interprètes).Voici une  définition de l’improvisation musicale selon L’Encyclopaedia Universalis, fort intéressante, qui ne fait que confirmer ma conception de la dissonance nécessaire : « … improviser, c’est prévoir, refuser le hasard, organiser à l’avance, faire face à l’imprévu ….cela, parce que improviser , c’est reprendre, répéter. Quand l’imprévu se glisse dans une improvisation musicale, la cacophonie (le non-sens sonore) l’emporte sur la musicalité. L’auditeur, pour qui certes il y a l’imprévu de l’inédit, l’accepte uniquement s’il sait et s’il sent qu’il n’en est pas un pour l’artiste. Autrement dit, cet imprévu non imprévisible de l’improvisation obéit aux lois générales du langage et de la communication ». A méditer par rapport à l’Ainulindalë ;-)

Je reste persuadée que Tolkien n’utilise pas tous ces concepts musicaux en toute innocence.

Edouard >>> Culte d'Eru? Je ne crois pas. Depuis le destruction du "Temple Numenor", il n'y a pas de culte officiel à Eru parmi les "bons" Nuumenoréens.
Pas une seule fête est mise en place dans le nouveau Calendrier pour honnorer Eru/Dieu. Le culte d'Eru est (?semble-t-il) d'ordre privée, alors que les Valar sont "publiques".

C’est une façon de voir les choses ;-)) mais exprimée ainsi, ça fait résolument culte ‘réservé à une élite aristocrate, au détriment du peuple qu’on maintient dans l’ignorance’ ; et il n’y a pas de culte rendu aux Valar, les hymnes dédiées à Elbereth relèvent plus du sentiment religieux ou de la foi, que d’une pratique rituelle institutionnalisée si l’on considère la religion sous un double aspect, à la fois piété qui relie les hommes à la divinité et institution avec ses cérémonies et ses rites (d’un point de vue historique, les hymnes furent en effet composées enfin que le peuple puisse exprimer sa foi en dehors de la liturgie, c’étaient des chants plus vivants et mélodieux que la récitation chantée des textes sacrés, source du chant des psaumes).

J’envisage le culte d’Eru différemment, je le rattache à certains cultes archaïques liés au symbolisme de la montagne, connaissant  le penchant de Tolkien pour les mythes. Un grand nombre de mythes ont leurs montagnes sacrées. Par exemple les Sémites ont tous partagé le culte des hauteurs. Les Arabes et, après eux, les musulmans, comme les juifs et les chrétiens, laissèrent au Sinaï sa suprématie, mais ils valorisèrent les collines entourant la ville sainte de la Mecque, à commencer par le Djabal Nur, la « montagne de lumière », où Mahomet eut sa première révélation. De plus Tolkien rapproche les Númenoréens des Hébreux (Lp.281) : « in theology : in which respect they were Hebraic and even more puritan … ».

Le culte des hauts lieux s’adresse soit à la montagne, soit à Dieu, ce qui est naturellement le cas des Númenoréens. Le culte sur les montagnes remonte à la préhistoire (ça nous arrange ;-)), car spontanément l’homme cherche pour prier un lieu élévé. Un des plus beaux sites en un temps où il ne savait pas écrire est celui du Mont Bégo de la Gaule antique, un sanctuaire naturel comme celui de Númenor.

La montagne sacrée de Númenor est Meneltarma, consacré au culte d’Eru. Son sommet demeure inviolé, point d’édifices, point d’autel, même pas un amoncellement de pierres brutes. La notion de Temple, dans le Légendire, est liée à celle d’idôlatrie, donc au culte de Morgoth. Au flanc de la montagne interdiction de porter des armes ou de proférer une parole, sauf le Roi. Trois fois l’an (au printemps pour des prières, à la mi-été pour des louanges et à la fin de l’automne pour des actions de grâces), le roi gravit la montagne à pied, suivi d’un grand concours de peuple, mais silencieux. Pas de chants à la manière elfique.  Sinon, on peut visiter les lieux mais toujours dans le plus grand respect. L’interdit qui frappe la montagne est le silence. L’interdit se complique en TdM ;-) .

Tolkien écrit, à propos du SdA, Lp.206 (on en trouve des échos à la fin du SdA, juste avant la mariage d’Aragorn,  je crois):  « It later appears that there had been a hallow on Mindolluin, only approachable by the King, where he had anciently offered thanks and praise on behalf of his people ; but it had been forgotten. It was re-entered by Aragorn …it is to be presumed that with the reemergence of the lineal priest kings …the worship of God would be renewed, and His Name … be again more often heard. But there would be no temple of the True God while Númenorean influence lasted. » Culte pas si privé que ça ;-))

L’interdit qui frappe la montagne ici fait écho à l’interdiction faite par Iahvé aux Hébreux de monter sur le Sinaï : « Gardez-vous de monter sur la motagne et d’en toucher le bord. Quiconque touchera à la montagne sera mis à mort ». Moïse répond : « Le peuple ne pourra pas monter au Mont Sinaï, puisque toi-même tu nous a averti en disant : Limite la montagne et consacre là » … Iahvé dit : « Va. Descends. Puis tu monteras, toi, et Aaron avec toi. Mais que les prêtres et le peuple ne se ruent pas pour monter vers Iahvé de peur qu’il ne les abatte » (Exode 19). L’ordre est précis et clair, répété et fixera une liturgie.

On retrouve le même genre d’interdit avec un Aragorn qui montera seul, les fidèles resteront en bas (je suppose ? ? Ce n’est pas top secret ;-) Pas de fête, cela ferait trop païen ;-)) Quels puritains ces Númenoréens ;-))

Cathy

Hors ligne

#23 31-12-2003 06:02

Lindoro
Inscription : 2003
Messages : 23

Re : Réhabilitons Sam!

Bonsoir ou plutôt bon matin...

Une simple précision à propos des dissonances, Feartanel, tu me pardonneras j'espère, et qu'Eru éloigne de moi toute cuistrerie... 

Je ne suis pas spécialiste de l'harmonie, loin s'en faut.

Toutefois il me semble qu'on ne peut, si l'on se place du point de vue de la technique musicale, qualifier les dissonances de simples "ornementations".

On ne peut en effet réduire le rôle de la dissonance à celui de la note étrangère à l'harmonie du type de l'appogiature, par exemple,  qui en musique classique surtout doit toujours être résolue, rentrer dans le rang de l'accord: en cela, il s'agit bien d'un ornement, d'un raifort musical qui se doit d'être passager, sans jouer de rôle dynamique dans la construction musicale.
(classique en l'occurence doit être pris au sens de période de l'histoire de la musique: viendra un temps où l'appogiature contribuera elle aussi à jeter le trouble dans l'équilibre harmonique, mais c'est une autre histoire...)

La dissonance en général est beaucoup plus que cela, et ce dès que la musique que je qualifierai commodément d'occidentale s'est pensée comme harmonie d'accord (sons entendus simultanément) et non plus comme harmonie de mode (sons entendus successivement).
La dissonance a toujours été le principe dynamique de cette musique d'accords, lié indissolublement à son évolution organique.
Pour cela elle n'a jamais revêtu exclusivement la simple forme d'un ornement ou d'un agrément: toute appogiature est dissonance, toute dissonance n'est pas appogiature.

Osons une outrageux raccourci: ormis l'accord reconnu dès l'origine comme parfait, tous les accords ont commencé par sonner dissonants, avant d'être entendus consonants...

La dissonance, indissociable de ce type de musique fondée sur l'accord, est donc par essence perturbatrice et se doit en conséquence d'être préparée, entendue, puis résolue selon les canons classiques (au même sens que supra): le non respect de ces règles entraînerons, par le truchement du chromatisme exacerbé de Liszt et de Wagner, à la dissolution de la tonalité...(autre histoire)

Pour le reste, ce que vous rapportez de Tolkien est en soi très intéressant: ce que je qualifierai peut-être improprement de "jeu d'Eru et de Melchor" me fait irrésistiblement songer à la tentation de tout musicien à moduler, s'éloigner de la règle, pour y revenir... ou pas.

Eru m'apparait alors comme le garant de la tonalité cosmique, chef d'orchestre d'une harmonie universelle où la dissonance perturbatrice ne doit pas être une fin en soi, ce qui entrainerait à terme l'atonalisme destructeur de l'harmonie, mais enrichir, pour la grande gloire d'Eru, la création, par modulation perpétuelle (récupération de la dissonance)... Tolkien a t'il voulu apporter en sus de tout autre intention, une réponse aux débats qui secouaient la musique de son temps? cela en soi mérite un fuseau... pour toi Szpako?

Trop tard (ou trop tôt) pour moi.

Bonne fête de nouvel an a tous.

     

Hors ligne

#24 31-12-2003 06:04

Szpako
Inscription : 2001
Messages : 635

Re : Réhabilitons Sam!

Gloups, je pars voir la réponse de Mj, l'année s'annoncerait-elle mal ;-((

Cathy

Hors ligne

#25 31-12-2003 06:08

Szpako
Inscription : 2001
Messages : 635

Re : Réhabilitons Sam!

Tiens encore un de pas couché ;-))

PS J'ai pris un peu de retard avec Wagner, because ce fuseau ;-))

Hors ligne

#26 31-12-2003 06:11

Lindoro
Inscription : 2003
Messages : 23

Re : Réhabilitons Sam!

Szpako

Tu es magicienne! a 2 minutes près, tu as déjà répondu, et de quelle manière!

Je n'ai plus qu'à fermer mon bec...( que je croyais pourtant fin )
Je suis preneur de toute réflèxions sur Tolkien Wagner et la musique, car sur ce sujet je me sens rigoureusement seul sur ce forum, et le soliloque n'étant pas céans sur un forum, je ne tarderai pas à quitter la terre du milieu...

Amicalement

Lindoro 

Hors ligne

#27 31-12-2003 06:12

Lindoro
Inscription : 2003
Messages : 23

Re : Réhabilitons Sam!

Encore grillé au timing, tu as le shining ma parole!

Hors ligne

#28 31-12-2003 12:07

Lindoro
Inscription : 2003
Messages : 23

Re : Réhabilitons Sam!

Loin de moi l'idée d'ouvrir un fuseau sur "les rescapés de la méthode globale parlent aux survivants du Gondor", mais vous aurez compris que s'il fallait entendre "céans" il eut fallu lire "séant"...
L'insomnie me joue des tours et voici mes beaux raisonnements qui se cassent le nez pour motif de dissonance orthographique homonymique... la nuit de demain risque d'être pire que celle d'aujourd'hui!
Il me faudra bien "cents ans" (oui, il m'est arrivé d'écrire comme cela!) d'accord parfait sans l'ombre d'un sulfureux "triton" (diabolus in musica)pour me remettre de la chose.
Qu'Eru me vienne en aide et que le noble Cédric intendant de ces lieux me pardonne mes laborieux hors sujet (au fait, bonnes fêtes et joyeux non-anniversaire, seigneur intendant!)

Hors ligne

#29 02-01-2004 13:26

Melilot
Inscription : 2003
Messages : 1 094

Re : Réhabilitons Sam!

Ouf : un peu de temps libre et me revoilà.

Lindoro, ne quitte pas la Terre du Milieu si vite. Peut-être te sens-tu un peu seul sur le thème Tolkien, Wagner et la Musique, mais j’ai l’impression que si tu manques de répondants, c’est que ton érudition dans ce domaine précis dépasse de loin celle des autres intervenants. On préfère donc te lire que te contredire, mais sache au moins que tu est lu et que chacune de tes interventions enrichit un peu plus notre perception de l’œuvre tolkienienne.

Cathy : « Sam est le type de hobbit commun et rustique, trop sûr de lui, vaniteux « a mental myopia wich is proud of itself ».
Mmmh… commun et rustique, d’accord, mais trop sûr de lui et vaniteux, je ne l’ai jamais perçu comme ça. En traduisant la phrase de Tolkien, je mettrais l’accent sur la « myopie mentale » qui est fière d’elle même, pas le myope lui-même. J’interpréterais ça plutôt comme une volonté délibérée d’ignorance, d’aveuglement et de fermeture d’esprit, commune et rustique, certes, attitude qui peut correspondre à la plupart des Hobbits et qu’ils traduisent par « bon sens » (Hobbit-sense). Et qui me paraît davantage être le reflet d’une méfiance, voire d’une peur de l’extérieur, de l’étranger, de l’inhabituel, que la marque  d’une grande confiance en soi-même.

D’après  ma lecture personnelle du SdA, Sam ne fait jamais preuve de vanité ou d’assurance, au contraire. Il n’arrête pas de se référer aux sentences de son « Gaffer » au sujet de ses capacités mentales limitées. Il répète indéfiniment qu’il ne comprend rien aux affaires des « hauts » personnages qui l’entourent, insistant sur le fait que ces histoires le dépassent, que ces matières sont trop grandes pour lui, etc…Il se culpabilise sans cesse pour des détails d’intendance auxquels Frodo ne pense même pas. Il ne se rend même pas compte que sans ces détails d’intendance auxquels lui, a pensé, Frodo serait mort de faim avant même d’être sorti de l’Emyn Muil. A un moment clé du récit, il ne se décide finalement à prendre l’anneau qu’après de longues délibérations et hésitations, et encore est-il persuadé qu’il fait erreur. Et ce manque de confiance en ses propres capacités n’a rien de feint, rien d’une attitude. C’est aussi l’un des traits qui le rendent si attachant.

Je n’ai pas lu les Letters, ni HoME, est-tu sûre que Tolkien ait voulu peindre un Sam vaniteux et sûr de lui? Si oui, en ce qui me concerne, l’effet est raté. Possessif, d’accord. Son attachement a Frodo est assez exclusif et détermine en partie son hostilité envers Gollum. Mais peut-être est-ce également le fait d’avoir vécu cette rivalité affective envers Gollum, qui lui permettra plus tard de s’éloigner suffisamment de Frodo pour fonder sa propre famille. (Oui, je sais, je m’avance, je m’avance, avec ces développements psychanalytiques. M’enfin, elle me séduit, moi, cette vision là).

La Vallée des Merveilles sur le Mont Bego (Alpes Maritimes) compte effectivement parmi les plus beaux sites du patrimoine de l’humanité. Mais il n’a rien à voir avec la Gaule antique (Attention, ici, tu entres dans « mon » domaine :-D !!!). Conventionnellement, on appelle « Gaule antique » , par rapport à la Gaule celtique , la Gaule après la conquête romaine, soit à partir de la fin du 1er siècle avant notre ère jusque +/- le 4e siècles de notre ère. C’est un site naturel assez magnifique par lui-même, mais parsemé de plusieurs dizaines de milliers de gravures sur roche (36.000 recensées, davantage probablement), certaines bien apparentes, d’autres à peine visibles.  Les thèmes représentés sont nombreux : figures géométriques,  anthropomorphes, zoomorphes (animaux domestiques : bœufs, moutons - ou sauvages : chamois, bouquetins), outils, armes, instruments aratoires, peut-être certains motifs végétaux (des signes en forme de sapin?), têtes d’animaux schématisées (les « cornus »). C’est la typologie des armes qui a permis de dater certaines gravures de l’âge du cuivre (chalcolithique) et du début de l’âge du Bronze, soit une période qui correspond pour cette région d’Europe à 2500/2000 avant notre ère. Certaines gravures sont peut-être antérieures, d’autres postérieures, il est impossible de les dater. En tout cas, on est loin de la Gaule antique (ce qui n’ôte rien à la beauté du site, ni probablement à son caractère sacré). Ce site a vraisemblablement été choisi, fréquenté et décoré pas une population de cultivateurs et éleveurs transhumants. Ce n’est pas le seul site de ce genre en Europe, on en trouve en France, en Italie, en Espagne, en Anatolie (Oups! Annexion :-D ) et en Scandinavie.

Les premières traces attestées de culte des Montagne remontent effectivement à la préhistoire, mais celle-ci est TRES longue. Précisons donc : au néolithique (époque où l’homme commence à cultiver les plantes et à domestiquer les animaux). Avant cela, au paléolithique supérieur (40.000/12.000 avant notre ère, les hommes étaient chasseurs-cueilleurs, mais pas si nomades qu’on l’a cru, et CERTAINEMENT PAS primitifs!!!) et pour l’Europe de l’Ouest, les sanctuaires étaient plutôt au fond des grottes.

Les peuples sémites et européens ne sont pas les seuls à avoir vu dans les montagnes un lieu sacré. Cela semble être universel. On trouve des montagnes sacrées - avec lieu de culte au sommet ou sur les pentes, certaines étant interdites  - notamment au Japon, en Chine, dans l’Himalaya, au Pérou, en Bolivie, au Chili.

Ainsi donc, Tolkien fut inspiré par la majesté des montagnes et leur importance dans les cultes anciens. Mais si le Meneltarma est un lieu hautement symbolique et sacré, dont le Mindolluin serait l’héritier en TdM, que dire de la malveillance du Caradhras? Est-ce la montagne elle-même, ou « l’esprit » de la montagne, qui est mauvais? Ou bien le pouvoir corrupteur de Sauron s’étend-il jusqu’au règne minéral? Et d’ailleurs quelle place accorder à cet éventuel esprit de la montagne dans la mythologie tolkienienne?

Enfin, la notion de temple liée à celle d’idolâtrie - qui me séduit beaucoup, elle fait écho à ma fascination pour les forces naturelles - ne me semble pas du tout héritée des traditions religieuses hébraïques ou chrétiennes, au contraire. Leur divinité a toujours été vénérée dans un temple? Non? Ou y eut-il des exceptions?


Hors ligne

#30 03-01-2004 18:11

Yyr
Lieu : Reims
Inscription : 2001
Messages : 2 901
Site Web

Re : Réhabilitons Sam!


Mais non, Yyr, faut pas râler. J'ai utilisé "guerres de religion" au second degré, pour faire allusion aux nombreuses polémiques qu'on a déjà pu lire sur ce forum. Ne te chagine donc pas, ça n'en vaut pas la peine.

Hello Melilot :)
Ok, je ne râle plus :) je ne râle plus :)
En fait il y a eu trois choses qui, mises bout à bout, m'ont contrarié :
1 - le fait d'employer ce terme pour des choses qui ne lui correspondent pas, à mon avis, même au second degré : bien des "Guerres de religions" ont souvent eu de religion le nom seul, servant de pretextes au(x) pouvoir(s) politique(s) en mal de convaincre ; et surtout, surtout, elles ont été suffisamment horribles pour se garder d'en faire un usage léger - emploie-t-on à la légère l'image des camps de la mort ? - ceci pour t'expliquer le pourquoi de mon 'NON' catégorique, pas pour faire la morale, hein ;)
2 - Cathy l'a maintenant située dans son contexte, pourtant je trouve dommage qu'elle ait eu besoin de le faire, car la citation d'Augustin avait été utiisée pour illustrer la théorie de Tolkien et non pour débattre du bien-fondé du titre de saint du sieur Augustin [ce qui eût alors nécessité sa mise en contexte, et bien plus encore ...] ; le sujet c'est Tolkien et non pas donner son avis systématiquement sur ce qui peut (et pourquoi pas à juste titre) nous déranger ; si quelque chose nous gêne vraiment, n'est-il pas préférable d'ouvrir un fuseau dédié ou au moins de mettre en petit, à part ? ;)
3 - ce n'est pas la première fois qu'un tel usage du terme de "guerre de religion" était employée sur ce forum, de manière inappropriée selon moi, et ce n'était pas la première fois non plus bien loin sans faut que notre échange s'égarait anormalement en dehors du cadre de départ ... :)


Je ne condamne et ne juge ni Cathy pour sa citation - qui n'est d'ailleurs qu'une citation, pas une adhésion inconditionnelle -, ni les lecteurs chrétiens de Tolkien pour leurs convictions personnelles : à chacun sa religion, à chacun son point de vue. Mais je me réserve le droit de ne pas être d'accord avec quelqu'un, chrétien ou non d'ailleurs, père de l'église ou non, qui prononce ce genre de phrase. Et de considérer ce genre de phrase comme une énormité, sauf le respect que je dois aux anciens. Et de défendre donc aussi les miennes, de convictions, quansd je reçois ça dans la figure, à froid.

J'avais bien compris ;) cf. ci-dessus :)


Quant à "l'intention" de l'auteur, c'est vrai que j'ai des lacunes en tolkienologie. Cependant, il me semble que ma position ne diffère pas beaucoup de la tienne, lorsque je dis que l'enchantement de l'oeuvre peut-être perçu par n'importe qui, catholique ou non, anglais ou non, mais qu'effectivement, un lecteur instruit dans la religion catholique aura une perception plus intime de l'histoire. Ou me gonré-je totalement? Démontre-le-me-le, je ne demande pas mieux.

Oui oui :) mais j'ai eu peur sur le moment que tu varies :) :) :) tu as toi-même reformulé les propos de Cathy, en disant qu'il *fallait* tenir compte des intentions de l'auteur ... Cathy qui précise ailleurs " Je ne prête aucune intention voulue de la part de Tolkien [...] Irène Fernandez conclue son livre « Et si on parlait du SdA » par ces mots : « Dans le cas du SdA, la perspective chrétienne est essentielle, qu’on y adhère ou non, et on ne peut l’ignorer qu’au prix d’un grave appauvrissement de la lecture ». Elle insiste en considérant le catholicisme de Tolkien comme le principe d’une inspiration , et en fait pas si bien caché que cela, quoiqu’en dise Tolkien dans ses lettres. ". Comme Irène Fernandez (quel bonheur son article dans le 2nde Feuille de la Compagnie ...), je trouve qu'il est beaucoup plus juste et prudent de parler d'inspiration que d'intention (directe). Comme déjà dit et martelé ailleurs par votre serviteur, l'intention meurt à elle-même lorsque naît le conte. Et Tolkien, dans Faërie : " Ce sont précisément la coloration, l'atmosphère, les détails individuels inclassables d'une histoire et surtout l'ossature non disséquée de l'argument qui comptent réellement. "


Enfin, où as-tu vu que je revendiquais un quelconque athéisme? J'ai simplement parlé du point de vue que pourrait avoir un lecteur athée, j'ai parlé aussi d'un lecteur agnostique, taoïste, musulman ou bouddhiste (et j'aurais pu parler aussi des chamanistes, des animistes, des vaudounô, des hindouistes, des shintoïstes, des adeptes du Peyotl, des fils d'Inti et de la Pachamama et de ceux qui vivent le Temps du Rêve, mais c'était pour pas alourdir, comme tu constates ;-) ), en soulignant le fait qu'il était parfaitement possible pour eux de lire, apprécier et être ému par l'oeuvre d'un auteur catholique sans rien connaître du catholicisme, ni pour autant y adhérer ipso facto (l'inverse est vrai aussi d'ailleurs). Alors d'après toi je suis quoi, moi, dans tout ça? Mmmmhh? (Jamais conclure trop vite :-D )

C'est bien fait pour moi :)
... simplification rapide et jugement hâtif de ma part devant l'empressement - ai-je trouvé - de MJ et toi-même, à vilipender ce malheureux saint Augstin ;) Au temps pour moi.


Voilà, si j'ai pu te paraître agressive, mon intention ne l'était pas. Simple petit malentendu - dû peut-être à mon tempérament un peu trop réactif, j'avoue. Sorry donc.

Certes non. Mon coeur était réellement souriant - d'où les smileys, toujours sincères -, et demoiselle Melilot non moins sympathique qu'à son habitude. Ma raison était en revanche plus contrariée - cf. les explications précédentes :)


Allez, cours vite aux devoirs qui t'appellent, grosses bises à toi aussi et bonne année itou.

Merci :)

J'ai passé de bonnes vacances. Les étoiles étaient invisibles tandis que tombait la neige. Mais elles ont brillé néanmoins à l'intérieur autour du feu, lequel ne tarda pas à se transformer en "feu aux contes", quand j'eu la surprise d'être présenté à une toute nouvelle connaissance ... qui me demanda si je pouvais lui apporter quelque éclaircissement sur le "mystère Tom Bombadil" :) :) :) ... (j'ai rendu  le mérite à qui de droit mon cher Sosryko, bien entendu ;))

Hors ligne

#31 03-01-2004 19:00

sosryko
Inscription : 2002
Messages : 1 980

Re : Réhabilitons Sam!

:-))

Hors ligne

#32 03-01-2004 21:01

Melilot
Inscription : 2003
Messages : 1 094

Re : Réhabilitons Sam!

Cher Yyr,

Quelle mise au point sympathique. Merci pour cette réponse. Pour l'usage immodéré des "guerres de religion", je me rends à tes justes raisons. Je te promets à l'avenir de ne plus galvauder certains termes historiquement trop chargés de chagrin, "But it is the way of my people to use light words at such times and say less than they mean. We fear to say too much. It robs us the right words when a jest is out of place." :-))).

Et je te promets aussi d'intégrer l'idée d'inspiration, alors que jusqu'ici, j'avais tendance à voir le Seigneur des Anneaux avant tout comme une construction romanesque, diantrement habile et rudement efficace, mais totalement intentionnelle. Mais tu as raison évidemment : c'est aussi et surtout une oeuvre "inspirée". D'où son pouvoir si puissant de fascination. J'avais zappé, même après l'explication de Cathy. Merci donc de me le rappeler.

Heureuse que les étoiles aient brillé sur tes vacances, et salue pour moi ce cher vieux Tom et Madame Goldberry.

P.S. : Je ne peux pas écrire en tout petit, ni en grisé : ma maîtrise de l'html est telle que je risque de faire exploser le forum! :-)

Hors ligne

#33 03-01-2004 21:37

Yyr
Lieu : Reims
Inscription : 2001
Messages : 2 901
Site Web

Re : Réhabilitons Sam!


Hi ! Hi ! Pas grave. Mais à l'occasion, il doit y avoir quelques pages de HTML & tests dans la section Webmaster, bien utiles pour des choses simples (donner un lien, mettre en gras, en petit)

Hors ligne

#34 03-01-2004 21:37

Yyr
Lieu : Reims
Inscription : 2001
Messages : 2 901
Site Web

Re : Réhabilitons Sam!

Yyr : " For Eru is lord of All, and moveth all the devices of his creatures, even the malice of the Marrer, in his final purposes, but he doth not of his prime motion impose grief on them " [MR/241]. Le Bien produit au bout d'un chemin douloureux ne saurait aucunement justifier le Mal subi ou infligé sur ce chemin. Contrairement à ce qu'il est courant d'entendre, pour ma part, la fin ne justifie jamais les moyens ...

Cathy : Cela me pose un problème, un gros d’ailleurs dans la problématique de la Chute ;-)) est-ce que les choses sont aussi simples que cela ?

Je ne crois pas :) Mais je n'ai donné que ma réponse ;) ... et aussi, il est vrai, celle que je crois être celle de Manwë et Ulmo. Ils sont très clairs là-dessus dans le Namana lorsque certains Valar, dont Aulë, commencent à vouloir justifier l'injustifiable (la naissance de Fëanor serait un plus grand bien justifiant la souffrance et la mort de sa mère ...) ou, comme Niënna, à déresponsabiliser entièrement Finwë et Míriel dans leur malheur. Manwë et Ulmo rappellent avec force que le Bien qui vient d'Eru n'a pas besoin du Mal pour s'accomplir ; le Mal qui entrave et endeuille même les heureuses choses d'Arda provient du Marrissement d'Arda, dont Melkor est le seul auteur. Et cette perspective, cette théologie, elle est eldarine aussi je crois - cf. les propos de Pengolodh : « In "Arda Unmarred" (that is, in ideal conditions free from evil) [...] » Ósanwe-kenta [VT39/23]. La différence entre l'Immarri, le projet d'Eru, et le Marri, est bien à la charge du Marrisseur puisque c'est le titre de Melkor dans cette théologie : il définit, à proprement parler, cette "perte" et cette "dégradation" originelles. *

* des explications prochainement sur les traductions choisies : 'Marrissement' = 'Marring', 'Immarri' = 'Unmarred', 'Marri' = 'Marred', 'Marrisseur' = 'Marrer'.

A partir de là, attention à bien distinguer, dans l'Ainulindalë et ailleurs, ce qui est considéré comme "tributaire" et non pas "nécessaire" à la gloire d'Eru - je rejoins Feartanel ;) -, et c'est là le Mystère du Bien et la Guérison d'Arda : les œuvres mauvaises, les peines et les souffrances (qui surviennent à cause de l'usage qui est fait de la Liberté donnée par Eru, et non de son dessein), contribueront à la gloire d'Ilúvatar et à l'embellissement du Conte d'Arda ; elles n'auront pas pour autant été nécessaires ni rendues bonnes en elles-mêmes.

Pour ma part, et je suis peut-être en désaccord avec Irénée (mais là j'ai trop peu pour me positionner), si je crois Dieu (Eru) tout-puissant, j'ai du mal à voir en quoi Il serait conditionné, subordonné Lui-même à un principe posant comme préalable le mal pour aboutir au Bien ? (dans la vision chrétienne de notre monde, le Christ a-t-il été obligé de se soumettre à un tel principe pour accomplir la plus belle et glorieuse œuvre de l'Histoire, bien que soumis lui-même aux mêmes limites du Monde que nous ?) Sans compter qu'attribuer à Eru l'auctoritas des actes de Melkor (une lecture possible, c'est juste, des CLPI, p80) reviendrait à nier le libre-arbitre de ses créatures ...

Je ne sais exactement quelle était la position de Tolkien d'ailleurs à ce sujet, mais je me plais à croire que nous nous rejoignons lui et moi :). Ne déclare-t-il pas dans quelques lettres que le Bien poursuivi à l'aide de moyens mauvais s'en trouve *automatiquement* corrompu et n'est donc plus le Bien ?

Je serai curieux et même carrément très intéressé de suivre ce que donne une étude de l'Ainulindalë et ses dissonnances ; pourtant, à le lire et relire ;), je n'arrive pas à avoir l'impression dans ce texte d'un « mal nécessaire » ou d'une harmonie qui n'aurait pu se faire sans la rebellion de Melkor ... cette harmonie qui eût alors été Arda Immarie « [which] did not actually exist, but remained in thought […]; the source from which all ideas of order and perfection are derived. » [MR/405]

Cette approche, quoi qu'il en soit, si elle me paraît bien être celle de quelques Eldar et Valar, je comprends tout-à-fait qu'on puisse la rejeter et proposer une autre lecture ... ni plus ni moins que dans notre Monde ... On ne peut parler de ces choses-là comme de certitudes (scientifiques) ;)

Yyr

Hors ligne

#35 03-01-2004 23:01

Yyr
Lieu : Reims
Inscription : 2001
Messages : 2 901
Site Web

Re : Réhabilitons Sam!


NamanaNamna

Hors ligne

#36 04-01-2004 01:20

Cynewulf
Inscription : 2002
Messages : 147

Re : Réhabilitons Sam!

>je n'arrive pas à avoir l'impression dans ce texte d'un « mal nécessaire » ou d'une harmonie qui n'aurait pu se faire sans la rebellion de Melkor ...

effectivement, et c'est là toute la difficulté: la dissonance qu'apporte Melkor était-elle nécessaire pour obtenir l'harmonie finale, "Arda healed" ?

D'un coté, si l'on pense que le Mal est nécessaire à l'harmonie du monde, il existe une tentation de Manichéisme, qui, à mon sens, n'est pas présente chez Tolkien.
Par contre, l'idée du Mal est nécessaire je pense pour l'exercice de la liberté. La tentation reste le meilleur moyen de "tester" la volonté, or c'est dans l'exercice de la volonté que se dévoile la liberté.
Melkor qui apporte une dissonance, a fait son choix...il a eu une tentation qu'il a réalisée...a partir de ce moment, il séduit les autres esprits, puis toutes les autres créatures, qui à leur tour exerce leur liberté en se choisissant elles mêmes plutot qu'Eru.
Or, Melkor a apporté une dissonance au fondement du Monde lors de la Musique, donc cette dissonance rompt l'harmonie première déjà existante...pourtant Eru ne se laisse pas démonter...il intéressant de voir que les Elfes et les Hommes viennent avec le Troisième thèlme c'est à dire après la dissonance de Melkor, or, les Hommes et d'une façon moindre les Elfes sont libres (je pense en effet que bien que ce ne soit pas dit dans le Silmarillion, les Elfes possèdent une part de liberté, puisqu'ils peuvent choisir de faire un mal plutot qu'un bien, comme Fëanor par exemple). Mais par contre la dissonance qu'apporte Melkor va permettre une harmonie encore plus parfaite que l'harmonie originelle, en ce qu'elle prend en compte et ceci avec leur volonté libre, les Enfants d'Eru..ceux-ci participeront à lh'armonie finale, et c'est en cela que la dissonance de Melkor a quelque chose de nécessaire, non qu'elle le soit en elle meme, mais que Eru utilise cette dissonance à son compte, de non nécessaire elle le devient par la volonté d'Eru...

jb

Hors ligne

#37 11-01-2004 17:57

Lambertine
Inscription : 2002
Messages : 2 828

Re : Réhabilitons Sam!

Et si l'on en revenait à Sam, à la Croisée des Chemins ?
Parce que, j'ai beau relire ce passage, je ne vois pas ce que Sam fait de si terrible à Gollum pour l'empêcher de se repentir. Il l'appelle une fois "sournois" en lui demendant d'où il vient. On a vu pire, comme brutalité. Même de la part de ce brave Sam ( entre autre, en Ithilien, lorsqu'il n'arrête pas de donner des ordres brutaux à Smeagol ). Ce peut être la "goutte d'eau qui a fait déborder le vase" ( après la parenthèse avec Faramir, qui, lui aussi , traîte Gollum comme un nuisible ).

Je ne prétend pas que le repentir de Gollum était impossible, pas plus que le repentir de qui que ce soit à la lumière de la compassion d'un être. je dis que je n'ai pas vu de "repentir" réel chez Gollum. Seulement un début d'attachement pour Frodo. Je dis d'attachement, pas d'amour. Car l'attachement devait être bien faible pour livrer Frodo à Shelob ( ce qui était quand même prévu depuis un bon moment ) pour un mot de trop de Sam ! Ou alors, le désir de l'Anneau était trop fort... Et il n'y a aucune raison qu'il ait été mois fort à la Crevasse du destin, Gollum repenti ou non.

Et pardon si le Professeur prétend le contraire dans une de ses lettres. Je ne peux là-dessus me baser que sur le livre seulement, pas sur une lettre qui dit le contraire de ce que je lis dans le livre.

Hors ligne

#38 12-01-2004 00:37

Melilot
Inscription : 2003
Messages : 1 094

Re : Réhabilitons Sam!

Faudrait que je relise ces passages, Lambertine. D'après mes souvenirs, l'hostilité de Sam pour Gollum était palpable dès l'épisode de sa capture. Par la suite, l'attitude de Sam, variait entre méfiance, agressivité et mépris, ce qui dans l'ensemble donnait une impression de "harcèlement moral". (Mais franchement,  Gollum le méritait bien un peu!).  L'ironie du sort veut que ce soit exactement au moment où Sam, pour la première fois, présente ses excuses à Gollum, que celui-ci se referme définitivement (à mon avis, il préférait les rebuffades :-D ).

Gollum repenti? J'ai du mal à l'imaginer, en effet, il est trop loin, trop dégradé. Mais Gollum émouvant, oui, lorsqu'il se penche sur les Hobbits endormis presque avec tendresse. Et le fait de trouver ainsi Sam et Frodo endormis l'un contre l'autre a du lui faire ressentir de façon plus poignante sa propre solitude. Je crois que cette absolue et terrifiante solitude de Gollum a du le détruire et le pervertir presque aussi sûrement que le pouvoir de l'anneau, l'aurait détruit même sans l'anneau. Elle est peut-être aussi l'un des moteurs de sa trahison finale. Puisque le réveil est brutal : Sam le remet à sa place et lui rappelle ainsi que jamais plus il ne partagera un moment de tendresse avec personne. Ne lui reste alors qu'une chose : l'anneau, son seul espoir.

Attachement pour Frodo? Faible, comme tu le dis. Ca ressemble à une espèce de reconnaissance de chien battu envers quelqu'un qui pour la première fois depuis des siècles, ne lui veut aucun mal, le libère de la corde par laquelle il l'a attrappé, ne lui crache pas dessus, ne le chasse pas à coups de pieds. (Après tout, même Gandalf, Aragorn et les Elfes de Mikwood ne cherchaient qu'à le capturer, le faire parler, le garder prisonnier, si généreux qu'ils aient pu être).

Ce qui frappe chez Gollum et le rend si troublant, c'est aussi ce manque absolu d'amour autour de lui : personne ne l'aime, il hait le monde entier. Il a beaucoup de pitié (donc de mépris) pour lui-même, mais aucune compassion, ni sympathie pour quiconque. Il a transféré l'entièreté des sentiments qu'il a pu avoir - ammour et haine - sur l'anneau, un objet de substitution, comme un enfant négligé qui se referme aux adultes et s'attache exagérément à une peluche (Tiens? Quelle drôle de comparaison pour un Gollum!? :-o Faut-y qu'il m'ait touché, donc!). Il n'aime pas Frodo, il voudrait être aimé, tout en restant incapable de rendre cet amour. Je crois que c'est le seul personnage à ce point démuni dans tout le SdA.

Je pense finalement que l'attitude de Sam est simplement le déclencheur, le prétexte, ou l'excuse facile que Gollum se donne pour justifier sa trahison à ses propres yeux. La véritable étant la haine dont il est tout hanté et qui l'empèchera à jamais d'échapper à l'attraction de l'anneau, comme Bilbo a pu le faire, et comme Frodo a longtemps réussi à le faire.

Hors ligne

#39 18-01-2004 12:57

Lindoro
Inscription : 2003
Messages : 23

Re : Réhabilitons Sam!

Simplement pour dire merci à Melilot pour ces réconfortantes paroles.
Non je ne suis pas parti mais des obligations de tout un chacun (familiales et autres) m'ont retenu un peu en deçà des rivages de la Terre du Milieu.
Je ne veux simplement pas que mes interventions soient perçues comme  de l'acharnement thérapeutique ce que tout soliloque poussé à l'extrême pourrait laisser supposer.
A bientôt s'il le faut,
Lindoro.

Hors ligne

Pied de page des forums

Propulsé par FluxBB 1.5.10