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Après un petit passage sur le moteur de recherche, je n'ai trouvé sur le Conte d'Adanel que des réponses concernant les relations des Premiers Hommes à Eru, relations qui semble-t-il étaient directes.
Mais je me posais une question après un court échange à ce sujet sur un fuseau: Dans ce Conte, Andreth relatant un Conte qui lui avait été transmis par Adanel, affirme à Finrod que les Hommes à la base étaient immortels, mais dans le Silmarillion on lit bien que les Hommes sont de nature mortelle, ce qui les différencie des Elfes qui sont eux de nature immortelle (en ce sens qu'ils ne peuvent mourir de vieillesse, mais dans certaines conditions que nous connaissons).
La nature mortelle et l'immortalité sont elles incompatibles.
Une question un peu spéciale à Vinyamar qui je n'en doute pas en sait plus que moi sur le problème que je vais lui poser: penses tu que l'on puisse appliquer aux Hommes la réponse donnée par St Thomas dans la S.Th Prima pars, Question 97, article 1 ?
M'est avis que ce pourrait être une réponse
Jb
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ARTICLE 1 : L'homme, dans l'état d'innocence, était-il immortel ?
Objections :
1. Il semble que non. Car "mortel" fait partie de la définition de l'homme. Mais si l'on enlève la définition, on enlève le défini. Donc si homme il y avait, il ne pouvait pas être immortel.
2. "Corruptible et incorruptible appartiennent à des genres différents". dit Aristote. Mais les êtres qui appartiennent à des genres différents ne peuvent pas se changer l'un en l'autre. Donc, si le premier homme avait été incorruptible, il n'aurait pas pu être corruptible dans l'état actuel.
3. Si l'homme dans l'état d'innocence a été immortel, il le devait soit à la nature, soit à la grâce. Or il ne le devait pas à la nature car, puisque la nature reste spécifiquement la même, il serait immortel maintenant encore. Il ne le devrait pas non plus à la grâce, car le premier homme recouvra la grâce par la pénitence, selon la parole du livre de la Sagesse (10, 1) : (la Sagesse) " le délivra de sa faute " ; par conséquent il aurait recouvré l'immortalité, ce qui est évidemment faux. Donc l'homme n'était pas immortel dans l'état d'innocence.
4. L'immortalité est promise à l'homme comme une récompense, selon la parole de l'Apocalypse (21, 4) : "Il n'y aura plus de mort." Or, l'homme ne fut pas créé dans l'état de récompense, mais de manière à mériter la récompense. Par conséquent l'homme dans l'état d'innocence n'était pas immortel.
En sens contraire, l'épître aux Romains (5, 2) nous dit : "Par le péché la mort est entrée dans le monde." Donc avant le péché l'homme était immortel.
Réponse : Quelque chose peut être qualifié d'incorruptible à trois titres. Premièrement, du côté de la matière, s'il n'a pas de matière, comme l'ange, ou s'il a une matière en puissance à une seule forme, comme les corps célestes ; on dit alors qu'il est incorruptible par nature. Deuxièmement, du côté de la forme, du fait qu'à une chose corruptible par nature est attachée une certaine disposition qui l'empêche absolument de se corrompre. On dit alors que c'est incorruptible en vertu de la gloire, car, dit S. Augustin "Dieu a fait l'âme d'une nature si puissante que sa béatitude fait rejaillir sur le corps plénitude de santé et vigueur d'incorruption". Troisièmement, du côté de la cause efficiente. C'est de cette façon que l'homme dans l'état d'innocence aurait été incorruptible et immortel, car, dit S. Augustin : "Dieu en créant l'homme lui a donné la vigueur de l'immortalité pour aussi longtemps qu'il ne pécherait pas, si bien qu'il serait lui-même l'auteur ou de sa vie ou de sa mort." En effet, son corps n'était pas à l'abri de la dissolution par une vertu d'immortalité existant en lui ; c'est l'âme qui possédait une force surnaturelle donnée par Dieu, grâce à laquelle elle pouvait préserver le corps de toute corruption, aussi longtemps qu’elle serait demeurée soumise à Dieu. Cette disposition est logique. Puisque l'âme raisonnable n'est pas entièrement absorbée par sa relation à la matière corporelle, comme on l'a dit précédemment, il convenait qu'au commencement lui fût donnée une vertu par laquelle elle pourrait conserver le corps d'une façon qui dépassât la nature de la matière corporelle.
Solutions :
1 et 2. Les deux premières objections parlaient de l'incorruptibilité et de l'immortalité par nature.
3. La force que possédait l'âme pour préserver le corps de la corruption ne lui était pas naturelle, c'était un don de grâce. Et sans doute recouvra-telle la grâce pour la rémission de la faute et le mérite de la gloire, mais elle ne la recouvra pas dans son effet d'immortalité perdue. Car cela était réservé au Christ par qui le défaut de la nature devait être réparé en mieux, comme on le dira plus loin.
4. L'immortalité de gloire promise en récompense diffère de celle qui fut octroyée à l'homme dans l'état d'innocence.
Somme Théologique, Prima pars, Question 97, article 1
Juste pour suivre...
Didier ;)
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Merci pour la citation Didier, comme je ne sais pas le servir de l'HTML je ne savais pas comment mettre tout cela en forme.
Au moins maintenant la question est claire.
Jb
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L'objection 1 tient, à savoir qu'être "mortel" devrait être dans la nature des Hommes, sinon ce seraient simplement des Elfes et leur introduction plus tard dans le drame d'Arda n'aurait aucun sens. C'est du moins l'opinion de Finrod, cf. le commentaire de l'Athrabeth, p. 333.
L'objection 2 tient nettement moins bien, ne serait-ce que parce que dans le légendaire Tolkien, l'immortalité (elfique) n'est pas un état "incorruptible" au sens où Thomas d'Aquin l'entend ici. Ce n'est qu'une immortalité de forme (aussi longtemps qu'Arda durera), pas de fond (i.e. pas une éternité - les Elfes craignent qu'ils n'existent plus rien pour eux après la fin d'Arda, i.e. pas d'immortalité de l'âme poue eux au delà du Monde).
Lúthien d'ailleurs devient mortelle, et Tuor, en miroir, probablement immortel, et les descendants demi-elfes ont le choix de leur destin, donc la frontière entre les genres est trouble sur quelques aspects, il est vrai rares et extra-ordinaires (au sens premier).
Il reste néanmoins, plus fondamentalement, que la question de savoir si la nature de l'homme aurait pu être corrompue d'immortel en mortel est au-delà des pouvoir de Morgoth, sinon toute Arda est vaine (Finrod, p. 313). Seul Eru a ce pouvoir, mais Firrod réfute qu'il ait été dans ses desseins de punir l'Homme par la mortalité -- Il doit y avoir un but plus grand, plus noble (p. 319) pour le jour où Arda sera refaite.
L'objection 3 est un point de pure réthorique... Encore qu'avant de répondre on pourrait se poser la question de savoir si un "état d'innocence" a existé pour les Hommes en Arda, et la réponse serait probablement (même dans le conte d'Adanel!) négative.
Objection 4: Hmm, l'immortalité n'est pas promise à l'Homme comme récompense au sein du légendaire tolkienien. Elle n'est même pas avancée, me semble-t-il, comme condition de son existence dans Arda refaite.
Bref, je ne vois pas en quoi la réponse de St Thomas s'appliquerait. Elle n'éclaire en rien le légendaire tolkienien: la question sous-jacente au conte d'Adanel est de savoir s'il y a eu une "chute" de l'Homme aux origines du monde, ce que contestent les Elfes - et semble-t-il avec eux Tolkien. En conclusion, les Hommes n'ont probablement jamais été immortels, mais pour d'autres raisons (et une autre rhétorique du péché et de la chute) que celles que Thomas d'Aquin esquisse ici.
D'autres avis sont bienvenus ;)
Didier.
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Je me reprends sur l'objection 4. L'idée de l'immortalité "au delà de la Vision d'Eru" (i.e. de la limite montrée au Valar) est esquissée p. 318 ("everlasting beyond Ea and beyond Time"). Mais ce n'est pas une récompense promise... Juste un espoir.
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Il reste néanmoins, plus fondamentalement, que la question de savoir si la nature de l'homme aurait pu être corrompue d'immortel en mortel est au-delà des pouvoir de Morgoth, sinon toute Arda est vaine (Finrod, p. 313). Seul Eru a ce pouvoir, mais Firrod réfute qu'il ait été dans ses desseins de punir l'Homme par la mortalité -- Il doit y avoir un but plus grand, plus noble (p. 319) pour le jour où Arda sera refaite.
Tu as l'air de penser que Finrod traduit la pensée de Tolkien (à moins que je ne me trompe) sur cette question. Je ne pense pas que ce soit le cas. Le dialogue de Finrod et Andreth est une espèce d'ironie socratique. Aucun des deux ne connait la vérité, mais chacun la recherche avec honnêteté.
pour moi la mortalité effective de l'Homme (non pas celle de sa nature) n'est pas une punition de Eru (pas plus ce me semble que dans la Genèse, on a trop tendance à penser le Dieu judéo-chrétien comme un Dieu punisseur, juge des mauvais actes des Hommes), Eru ressemble bien évidemment à Dieu, par ses moyens d'expressions par exemple (cette Voix qu'ils entendent). En fait je pense que la mortalité de l'Homme dans le Christianisme comme dans la Mythologie chrétienne vient de l'Homme lui-même: c'est un peu comme s'il donnait lui même l'ordre de son exécution: comme il se sépare de la volonté divine et se recherche lui-même avant de rechercher Dieu, hé bien son état premier est détruit. Il faut voir que comme le dit St Augustin: c'est l'âme qui maintient le corps dans un état de vie, mais cela ne vient pas de l'âme seule, cette force que "redistribue" l'âme au corps vient de la grâce divine. Or l'Homme se sépare volontairement de la gâce divine quand il commet un péché grave et le premier de ces péchés est le péché originel. Dans la mythologie tolkienienne, quand les Hommes décident de suivre Morgoth, mais surtout DE RENIER CETTE VOIX INTERIEURE QU'ILS ENTENDENT!!!, ils se donnent eux-même la mort. En fait Eru comme Dieu ont en quelque sorte programmé l'Homme pour qu'il reste dans les bienfaits de sa grâce, mais dès qu'il s'en éloigne, l’Homme dépérit, et il perd les bénéfices que lui donnait la grâce divine: ce n'est donc ni Melkor, ni Eru qui crée cette déchéance, mais l'Homme lui-même. Je pense vraiment qu'on a trop tendance de voir la mortalité comme une punition, alors qu'elle est effectivement un Don, non pas quelque chose qui nous est du, parce que la mort est douloureuse, mais comme un signe de la Liberté. Si l'Homme n'était pas mortel dès le début, il n'aurait pas pu choisir de se séparer de Dieu, et donc de perdre les bénéfices de la grâce qui le maintenait en vie.
Si donc l'Homme peut choisir de mourir, c'est qu'il est vraiment libre. D'ailleurs on peut voir dans le Silmarillion que Liberté et vie Mortelle ne sont pas séparées, ce sont deux notions entrelacées.
D'autre part la crainte des elfes sur l'immortalité après Arda ne fait que refléter une crainte humaine: qu'y aura t'il après la mort??? Mais Tolkien donne la réponse dès le début du Silmarillion, il dit qu'à la fin les enfants d'Eru et les Valar formeront un seul choeur pour chanter devant lui...il ne parle pas des Hommes seulement, mais des Elfes aussi. On ne peut donc voir cette crainte elfique que le reflet du questionnement de tout Homme ici bas: qui n'a jamais craint qu'il n'y ait rien, c'est à dire non pas seulement pensé, mais aussi imaginer cet état de néant, rien qu'à y penser on peut en avoir froid dans le dos!!!
Les elfes ne sont pas si différents des Hommes, leur vie est plus longue voilà tout. En fait je pense que ce qui différencie les Elfes des Hommes ce n'est pas leur nature (certains pensent même - d'après les écrits de Tolkien - que les Elfes et les Hommes sont de même nature, mais ayant quant à leur devenir, un destin différent).
Pour ce qui est de l'état d'innocence des Hommes, rien ne peut nous faire penser qu'il ait existé effectivement, mais rien ne nous prouve le contraire!!! Le probable n'est pas ici de mise, il faut laisser un peut la bride à l'imagination...chacun peut penser comme il veut: je me l'envisage facilement, et cela donne sans doute plus de cohérence à la réflexion sur la nature de l'Homme: Tolkien le dit, dans Faërie, que tous les Contes de fées se rapportent (entre autres) à la Chute, par n'importe laquelle, celle que nous connaissons.
Dans la lettre 131, p147, Tolkien dit : « There cannot be any story without a fall - all stories are ultimately about the fall - at least not for human minds as we know them and have them ». Juste un peu plus haut dans sa lettre, Tolkien rappelait cet avis (très thomiste d'ailleurs) que la plupart des mythologies sont composées pour une large part, de vérité. Ainsi donc, quand il compose sa mythologie, il y insère des vérités (relativement nombreuses d'ailleurs) mais intentionnellement cachées (pour faire plus vrai) le but n'est pas de faire un traité de théologie sur la Chute, pour Tolkien, mais de se mettre à la place de ces peuples qui recherchaient honnêtement la Vérité, mais en même temps Tolkien connaît la Vérité, sa mythologie va donc devenir l'archétype de la mythologie: une Histoire, qui sans connaître exactement la Vérité, la découvre par la raison...de manière pleine pour ce qui est du contenu, de manière moins parfaite pour ce qui est de la forme. La Chute va donc devenir un mythe redécouvert par Tolkien, comme la plupart des nations l'ont découvert avant, seule la forme change, le fond, lui, y est. Si donc quand Tolkien fait référence à une Chute, il fait référence à une Chute dans un sens judéo-chrétien, c'est qu'il a du y avoir un état bienheureux avant, que nous ne connaissons pas. Adanel dit qu'elle ne se souvient plus des Contes qui se racontaient de ce qui se passait avec leur soumission à Melkor, mais dans la Bible non plus on n'a rien qui fasse référence à la vie d'Adam et Eve avant la Chute, et rien ne nous dit qu'ils aient commis le péché originel dès leur Création, il s'est peut-être écoulé 100, 1000, 10 000 ans avant cela!!! Pourtant nous ne connaissons rien des Hommes avant la Chute (nul n'est besoin de discourir sur la Genèse, ni de se demander si le Premier Homme s'appelait vraiment Adam, ou la Première Femme Eve, ou alors si c'est Eve qui a été tiré de la côte d'Adam ou si c'est le contraire, encore moins de savoir si c'est Eve qui a croqué la première etc..., la question c'est de comprendre comment la Chute dans le sens judéo-chrétien peut avoir une influence sur tout conte de fées ou même sur toute histoire humaine, toute mythologie: chaque mythologie a un sens, elle a un but didactique, c'est-à-dire qu'elle cherche à éduquer l'Homme, or s'il n'y avait pas de Chute, l'Homme n'aurait pas besoin d'éducation, il découvrirait tout par lui-même. Les mythologies et les contes de fées montrent des Hommes imparfaits, même les dieux sont soumis aux passions dans toutes les mythologies!!! C'est tout simplement parce que ces "Wise" connaissent bien la nature de l'Homme: il est incliné au mal, mais en même temps il est capable de faire le bien, et bien souvent c'est la grande majorité qui fait le bien et le mal est reprouvé...cela veut donc dire que le Bien est quelque part plus puissant que le Mal et que le Mal n'est qu'une corruption du Bien...en vient donc à penser que le Mal n'a pas toujours existé et que l'Homme n'a pas toujours été incliné à faire le Mal, ce qui indique qu'il a vécu dans un état de perfection naturelle, que seule un acte personnel pouvait anéantir, et cela par une suggestion extérieure, un messager déjà "malin", un tentateur. Tu peux voir Didier, qu'à partir de l'Homme et de considérations tout à fait accessible à la raison humaine, l'Homme peut découvrir qu'il y a bien eu une Chute, et comme le dit Tolkien comme pour entériner les mots de St Thomas: il y a un écho de la Chute dans chaque mythologie, dans chaque Conte de fée sans exception. C'est pourquoi cette Chute (qui indique par elle même un état antérieur plus parfait) est présente aussi dans la mythologie tolkienienne parce que sinon il y aurait une incohérence entre sa pensée théorique et le légendaire.
Pour ce qui de l'immortalité promise, il me semble que si, d'une certaine façon, quand Tolkien avance l'idée au début du Silmarillion que les Enfants et d'Ilúvatar formeront un chœur devant son trône, je ne me représente pas ce chœur autrement qu'éternel!!! D'ailleurs le Silmarillion dit que ces thèmes seront joués "après la fin des temps" c'est donc qu'il y a une promesse d'immortalité, et même d'éternité (car qu'est ce que l'éternité, sinon une forme d'immortalité??). Mais tu me parle d'immortalité comme "récompense"...il est vrai que la question se corse. Mais je ne pense pas que ce soit vraiment un problème: il me semble que Tolkien parle de Jugement dans la Chute de Númenor, s'il y a Jugement, c'est qu'il y a destin différent: il y a procès, donc à l'issue, il y aura des justes et des damnés...c'est en tout cas mon point de vue. Si l'on ne peut s'assurer que dans le monde les méchants seront puni (par leurs actes) et les bons récompensés, alors le monde est vain...et c'est là qu'intervient Melkor: celui ci a été jugé et condamné par ses actes par les Valar, de même que Saruman et Sauron sont mort du fait de leurs actes et de leur refus de retourner à un état "vertueux", car aux deux a été laissée l'occasion du repentir, mais les deux ont refusé, c'est ce que l'on appelle le péché contre l'esprit, que St Paul dit ne pas pouvoir être pardonné. Il y a donc possibilité d'immortalité dans Arda et d’immortalité comme récompense (je viens de lire ton deuxième message, nous nous croisons!)
je m'arrête là, ayant vraiment la flemme de relire ce que j'ai écrit, donc il ne faudra pas s'étonner de mots peut être mal formulés ou mal choisi qu'il conviendra de reprendre après.
Jb
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Cynewulf,
il me semble que tu freines des quatre fers à l'idée d'un Eru qui sanctionne de lui-même.
faire le parallèle avec le dieu judéo-chrétien ne risque pas de t'aider!
un "Eru" est bien plus "discret et acceptable" qu'un "Yahvé" qui se permet d'endurcir le coeur de pharaon pour le punir après.
...
Tolkien a considérablement allégé son démiurge de paradoxes moraux qui continuent à soulever l'incompréhension au sein du christianisme.
...
mais pour ce qui est de la sanction directe et violente, c'est aussi un fait avéré d'Eru! et plusieurs fois!
il juge, condamne et chatie!
c'est Iluvatar seul qui déchira le monde et englouti Numenor.
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Tu as l'air de penser que Finrod traduit la pensée de Tolkien (à moins que je ne me trompe) sur cette question.
Je ne vois pas ce qui permet dans ce que j'ai dit de penser ça. De fait Tolkien-l'homme ne m'interesse pas fondamentalement -- c'est pour moi le texte qui prime avant tout.
Cela étant dit, nous sommes devant un texte dont la structure narrative donne raison à Finrod, et dont le commentaire appuie le même sens. Quand bien même les deux protagonistes n'auraient pas la vérité, structurellement le texte penche en faveur de Finrod (ne serait-ce que parce qu'il oppose à la vision enténébrée d'Andreth l'amour d'Eru et l'Espérance, tandis qu'elle se laisse aller au doute pour des raisons in fine intrinsèquement personnelles). L'auteur donne plus de poids à la position de Finrod, et compte tenu du statut particulier de ce texte dans le légéndaire, on peut penser qu'il y transcrit quelques idées personnelles. Mais ça reste secondaire (pour moi), le texte peut autant parler par lui-même sans avoir besoin de savoir ce que Tolkien pensait.
Les elfes ne sont pas si différents des Hommes, leur vie est plus longue voilà tout. En fait je pense que ce qui différencie les Elfes des Hommes ce n'est pas leur nature (certains pensent même - d'après les écrits de Tolkien - que les Elfes et les Hommes sont de même nature, mais ayant quant à leur devenir, un destin différent).
On risque de tomber dans un débat tout jésuistique (*rire*) si l'on commence à distinguer par "nature", par "grâce", etc. Mais de dire que "leur vie est plus longue voilà tout" me paraît une thèse inacceptable. La durée de vie des Hommes peut être allongée (ainsi les Numenoreens), ils n'en restent pas moins des Hommes. Il y a bien une question de 'nature' (à défaut de meilleurs terme), à savoir que les Hommes ne peuvent devenir immortels au sens où les sont les Elfes (seul le cas de Tuor est suspect et non confirmé), de même que les Elfes ne peuvent devenir mortels au sens où le sont les Hommes (seul le cas de Lúthien, par grâce spéciale, et des demi-elfes, par prolongement, relève de cette possibilité, mais celui de Miriel par exemple s'inscrit en contrepoids -- Même sa "mort voulue" garde des aspects intrinsèquement elfiques). De 'nature' encore, parce que les âmes des Elfes et des Hommes ne vont pas au même endroit, que corps et âmes sont indissociablement liés en harmonie (cf. p. 318) et qu'il y a donc une destinée différente pour les Elfes et les Hommes - mais cette destinée est, pourrait-on dire, innée... *sourire*.
Pour ce qui est de l'état d'innocence des Hommes, rien ne peut nous faire penser qu'il ait existé effectivement, mais rien ne nous prouve le contraire!!! Le probable n'est pas ici de mise, il faut laisser un peut la bride à l'imagination...
Dans le texte considéré, encore une fois, tout nous prouve le contraire, puisque si les Hommes avaient été immortels à l'origine, alors leur introduction dans le drame d'Arda serait visiblement vaine (p. 333). Ou alors il faudra un autre argument que "ce n'est pas écrit, on ne peut pas savoir" (en gros) pour me convaincre. Ce serait trop facile ;)... Et pourtant ce ne sont pas les arguments qui manquent, mon ami, ne serait-ce que p. 355-356 que je te laisse relire.
Si donc quand Tolkien fait référence à une Chute, il fait référence à une Chute dans un sens judéo-chrétien, c'est qu'il a du y avoir un état bienheureux avant, que nous ne connaissons pas.
L'argument est curieux, comment prouver que si Tolkien fait référence à une chute (et laquelle?), il y fait nécessairement référence dans un sens judéo-chrétien? Pourquoi en irait-il indéniablement ainsi, et quels éléments du légendaire permettent de penser qu'il y a eu un état bienheureux?
Ou l'on s'écarte du texte, et l'on peut dire n'importe quoi. Ou l'on colle au texte, et la seule mention de chute originelle est celle décrite dans le conte d'Adanel, qui, non sans compter qu'il ne fait remporte pas l'adhésion de tous les sages humains, est largement réfuté par Finrod (et tient d'ailleurs à cet égard, d'un point de vue externe, de l'artifice littéraire pour faire passer les idées de Finrod). Enfin pas tout à fait la seule mention, quelques références obscures figurent ailleurs (notamment dans la première version de la chute de Numenor)... Mais la question est complexe si l'on s'en réfère aux pp. 355-356 de Morgoth's Ring, et in fine Tolkien semble trancher : « Since 'mortality' is thus represented as a special Gift of God in the Second Race of the Children [...] and not a punishment for a Fall, you may call that 'bad theology' » (etc.) = la mortalité n'est pas présentée comme une punition pour une chute (que cette chute ait eu lieu ou non, admettons).
Tu peux voir Didier, qu'à partir de l'Homme et de considérations tout à fait accessible à la raison humaine, l'Homme peut découvrir qu'il y a bien eu une Chute, .... C'est pourquoi cette Chute (qui indique par elle même un état antérieur plus parfait) est présente aussi dans la mythologie tolkienienne parce que sinon il y aurait une incohérence entre sa pensée théorique et le légendaire.
Je dois être aveugle, je ne vois aucune preuve de ce que tu avances comme théorie. Une incohérence? Laquelle?
Quoiqu'il en soit, j'ai bigrement du mal à percevoir dans ta longue argumentation le rapport avec la question initialement posée, quant à la question (et la réponse) de Thomas d'Aquin et sa possible application au légendaire tolkienien. Question sur laquelle je reste pour l'instant sur mon avis initial.
Didier.
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dire que "leur vie est plus longue voilà tout" me paraît une thèse inacceptable
Je ne vois pas en quoi ce serait une thèse inacceptable, elle est même me semble-t-il avancée dans Morgoth's Ring, dans le sens où les deux races sont composées des deux mêmes éléments, ce qui indique que leur vie est de même nature. Je m'explique: la vie vient en premier lieu du Fëa donne forme au Hröa et aussi le maintien en vie...mais si le Hröa est blessé à mort, le Fëa ne supporte plus d'habiter le Hröa et le quitte, ce qui fait que le Hröa meurt. En cela les Elfes et les Hommes sont identiques, ce qui les différencie, c'est leur résistance au temps et aux blessures. Or dans Morgoth's ring p 218-219, on peut lire que ce qui permet aux Elfes de rester en vie, c'est le fait que le Fëa domine sur le Hröa et lui distribue en quelque sorte les bienfaits de son immortalité :
Their Fëar were tenacious therefore of life 'in the raiment of Arda', and far excelled the spirits of Men in power over the 'raiment', even from the first days protecting their bodies from many ills and assaults (such as disease), and healing them swiftly of injuries, so that they recovered from wounds that would have proved fatal to Men
As ages passed the dominance of their Fëar ever increased, 'consuming' their bodies (as has been noted. The end of this process is their fading as Men have called it
Morgoth's ring p 218-219
Ce que dit ici Tolkien c'est que le Fëa des Elfes est bien plus fort que celui des Hommes et domine bien plus facilement, mais cette domination augmente au fur et à mesure des âges et consume en quelque sorte le Hröa et ils disparaissent peu à peu aux yeux des Hommes. C'est exactement le contraire chez les Hommes. C'est le Hröa qui domine sur le Fëa, bien que le Fëa résiste un temps (le temps d'une vie) le Hröa fini par entraîner le Fëa dans la destruction matérielle. Ce qui retient les Elfes sur Terre ce n'est pas leur nature immortelle, mais leur Fëa, qui - pour le coup - est par nature plus résistant que celui des Hommes. C'est en cela que je dit que les Elfes ont tout simplement une vie plus longue que celle des Hommes, parce que viendra un jour où ils se poseront les mêmes questions que les Hommes à l'heure de leur mort, et ce sera lors du renouvellement d'Arda: et ces questions traduiront les mêmes angoisses existentielles que celles des Hommes. Ce qui différencie vraiment les Elfes ce n'est pas la mortalité-immortalité, c'est la résistance naturelle de leur Fëa.
Dans le texte considéré, encore une fois, tout nous prouve le contraire, puisque si les Hommes avaient été immortels à l'origine, alors leur introduction dans le drame d'Arda serait visiblement vaine (p. 333). Ou alors il faudra un autre argument que "ce n'est pas écrit, on ne peut pas savoir" (en gros) pour me convaincre. Ce serait trop facile ;)... Et pourtant ce ne sont pas les arguments qui manquent, mon ami, ne serait-ce que p. 355-356 que je te laisse relire.
Je ne sais pas si nous avons la même édition de Morgoth's ring, mais je n'ai pas trouvé aux pages 355-356 d'argument capable de me convaincre, de plus je parlais d'un ETAT D'INNOCENCE ORIGINEL !!! et non pas de leur immortalité, ce qui est complètement différent, bien que très lié...en effet l'état d'innocence fait référence à un état non pécheur, l'absence de péché originel ayant en effet pour répercussion l'immortalité (non naturelle, mais venant des bienfaits de l'âme encore unie à Dieu). Finrod se demande comment cela est possible, mais n'arrive pas à le réfuter, il dit juste me semble-t-il qu'il aurait du mal à comprendre comment cela pourrait bien se faire. De plus la vanité du Monde ne serait pas une conséquence de l'immortalité originelle de l'Homme, mais plutôt de la capacité qu'aurait Melkor de retirer cette immortalité aux Hommes, ce qui est bien différent. Finrod pense que Melkor ne peux changer la nature du monde, mais seulement le corrompre...ce qu'il fait d'ailleurs très bien. Mais il ne corrompt pas seulement la matière mais aussi l'esprit. Il n'a pas changé la nature des Hommes, mais a corrompu leurs esprits, entraînant en cela un désordre, un déséquilibre du Fëa et du Hröa, déséquilibre dans lequel le Hröa a pris le dessus, entraînant la mortalité de l'Homme. A noter que la Nature de l'Hommme à la base est mortelle, mais il reste en vie tant que l'équilibre entre le Fëa et le Hröa existe. Excuse cette comparaison mais je n'ai pas trouvé d'autre exemple que celui-ci: imagine un morceau de steack, celui-ci est destiné à se faisander au bout d'un moment et même à pourrir etc...mais, quand on le met à congeler celui-ci se maintient bien plus longtemps dans son état originel, il suffit de le décongeler et l'on a de nouveau un steack bien saignant alors que si on l'avait laissé à l'air libre on aurait bientot eu un amas de mousse verte. Cette comparaison est peut-être imparfait, mais elle illustre quand même ce que je veux dire: l'immortalité de l'Homme au début est une sorte d'état artificiel, et comme toute chose artificielle il peut disparaître à tout moment pour laisser place à la nature. Ce qui va faire disparaître ici cet état artificiel, c'est ici l'exercice de la liberté: l'Homme choisit Melkor plutôt que l'Un, créant ainsi un désordre et faisant s'évanouir la soumission originelle du Fëa au Hröa.
Tu peux voir Didier, qu'à partir de l'Homme et de considérations tout à fait accessible à la raison humaine, l'Homme peut découvrir qu'il y a bien eu une Chute, .... C'est pourquoi cette Chute (qui indique par elle même un état antérieur plus parfait) est présente aussi dans la mythologie tolkienienne parce que sinon il y aurait une incohérence entre sa pensée théorique et le légendaire.
Je dois être aveugle, je ne vois aucune preuve de ce que tu avances comme théorie. Une incohérence? Laquelle?
Quand je parle de "théorie" chez Tolkien je parle de ce qu'il dit quand il parle des Contes de fées et des Mythologies en général. N'oublions pas que Tolkien était un philologue, et je pense que la Création du Silmarillion est en quelque sorte l'application de théories qu'il avait élaborées toute sa vie. Quand il écrit que toutes les Mythologies ont un rapport avec la Chute c'est de la théorie philologique, peut-être de la philologie chrétienne mais de la philologie quand même. C'est pourquoi, il ne peut penser ce rapport entre la Chute (et quand il parle de Chute, il parle bien du sens judéo-chrétien, comme le montre la majuscule à "Fall"...) sans l'inscrire dans sa mythologie, parce que sinon il y aurait disharmonie entre ce qu'il pense en tant que philologue et ce qu'il écrit en tant que subcréateur (parce que le philologue et le subcréateur sont une seule et même personne: JRR Tolkien.)
L'argument est curieux, comment prouver que si Tolkien fait référence à une chute (et laquelle?) il y fait nécessairement référence dans un sens judéo-chrétien?
Il me semble bien que le Conte d'Adanel porte bien sur cette Chute, ou alors c'est que je ne sais pas lire :
It is said that Melkor looked fair in ancient days, and that when he had gained Men's love he blasphemed Eru, denying his existence and claiming that he was the Lord, and Men assented and took him as Lord and God. Thereupon (say some) our spirits having denied their own true nature at once became darkened and weakened; and their weakness they lost their mastery on their bodies, which into unhealth.
Morgoth's ring p 354
Quand je parle de la Chute au sens judéo-chrétien, je ne parle pas forcément d'Adam et Eve, mais de la signification qu'a leur histoire. En effet, quand on parle de Chute, on parle du refus de Dieu par l'Homme, le péché originel est le péché d'orgueil inspiré par le diable premier pécheur, ange déchu. On est exactement dans la même configuration dans le Conte d'Adanel, on un tentateur, et des Hommes qui tout en connaissant Dieu se détournent de lui et accepte d'obéir au tentateur. C'est là qu'on fait référence à une Chute originelle. Or, s'il y a chute, il faut "chuter" de quelque part, il faut bien que nous ayons été dans un état supérieur, parce que sinon il n'y aurait pas de chute, pas de dégradation.
Évidemment il n'y a pas d'état bienheureux décrit dans le Conte d'Adanel, sinon le fait qu'ils avaient parfaite maîtrise de leur corps (ce qui est déjà un élément) mais on ne peut imaginer de Chute (et celle-ci est belle et bien présente dans ce Conte) sans un état supérieur naturel. Quand Tolkien parle de The Fall (ainsi écrit), il ne parle pas de la chute d'un pot de fleurs!!!!!!!!!, il parle de la Chute de l'Homme en tant que refus de Dieu, d'ailleurs dans le langage traditionnel occidental, la Chute fait toujours référence à la Genèse. Evidemment il ne fait pas référence à ce dernier texte de manière explicite, tout simplement parce qu'il n'en a pas besoin :
1) parce que pour la plupart ces référence à la Chute sont inscrite dans des carnets personnels, il qu'il sait très bien de quoi il voulait parler ;
2) parce que quand il en parle à quelqu'un d'autre, c'est la plupart du temps quelqu'un qui comprendra très bien de quoi il veut parler quand il parle de Chute.
De 'nature' encore, parce que les âmes des Elfes et des Hommes ne vont pas au même endroit
Tu parles comme si la vie sur Arda était la seule vraiment existente. Peut être tout simplement que les Elfes vont rejoindre les Hommes là où ils vont, mais que pour l'instant ils doivent attendre la fin d'Arda, ni plus ni moins. Que le rendez vous chez Mandos n'est qu'un état de passage (d'ailleurs ils peuvent être renvoyés sur les Terre du Milieu, ce qui montre bien que la mort des Hommes et la mort des Elfes n'a pas pour eux le même sens, en tout cas pour ce qui est des Elfes). En quelque sorte les Elfes "passent un tour" mais il ne sont pas vraiment morts. Quand viendra la fin d'Arda, ils faudra bien qu'ils aillent quelque part, et là nul ne sait où ils iront. On ne peut pas dire qu'ils auront une destinée différente de celle des Hommes. Les Fëar des Hommes s'en vont plus rapidement or des cercles du monde, mais peut-être que c'est là leur don, pas seulement la mortalité en tant que mortalité, mais aussi le fait de pouvoir contempler Eru avant les autres, et en attendant que les Premiers Nés les rejoignent...
J'en reste là pour l'instant.
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Voilà qui est heureux, un simple "copier-coller" depuis frontpage permet de faire de l'Html, à retenir!!!
Jb
[Édit (Yyr 2020) : Hum ... :)]
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Ce qui retient les Elfes sur Terre ce n'est pas leur nature immortelle, mais leur Fëa, qui - pour le coup - est par nature plus résistant que celui des Hommes.
D'un côté tu dis que les Hommes et les Elfes sont de même nature, de l'autre que la fëa des Elfes est par nature plus résistante que celle des Hommes. C'est bien ce que je craignais, on est sur un débat terminologique ;)
Je ne vois pas ce que ça change. Les fëar elfiques sont différentes des fëar humaines (dans leur relation au hroa principalement, mais pas uniquement, dans leur relation à Arda aussi - Eru a clairement un autre projet pour les Hommes que pour les Elfes à la fin des Temps). Donc les Elfes sont différents des Hommes, et cela par 'nature'. D'où mon objection.
C'est en cela que je dit que les Elfes ont tout simplement une vie plus longue que celle des Hommes, parce que viendra un jour où ils se poseront les mêmes questions que les Hommes à l'heure de leur mort, et ce sera lors du renouvellement d'Arda: et ces questions traduiront les mêmes angoisses existentielles que celles des Hommes.
Pas exactement les mêmes questions existentielles, justement. C'est toute la dialectique de la "shadow before us / shadow behind us" développée par Finrod. Avec derrière ça la question du sens de leur renouvellement en Arda Refaite. Leur mise en perspective de la mort est différente, et leurs questions aussi.
Ce qui différencie vraiment les Elfes ce n'est pas mortalité-immortalité, c'est la résistance naturelle de leur Fëa.
On peut dire ça comme ça, mais c'est simplement transposer le problème en d'autres termes équivalents. Encore que ce ne soit peut-être pas la seule différence, cf. la croyance selon laquelle les fëar humaines "quittent le Temps" à leur mort, tandis que les fëar elfiques retournent au Temps avec la possibilité d'être réincarnées.
Dire qu'un Elfe n'est qu'un Homme vivant plus longtemps, c'est simplifier le problème à l’extrême.
Je ne sais pas si nous avons la même édition de Morgoth's ring, mais je n'ai pas trouvé aux pages 355-356 d'argument capable de me convaincre, de plus je parlais d'un ETAT D'INNOCENCE ORIGINEL!!! et non pas de leur immortalité, ce qui est complètement différent, bien que très lié...
Tu parlais aussi de la Chute et du péché originel, dont diverses mentions obscures sont données dans ces pages. Pour supposer un état d'innocence originel, il faut supposer ensuite une chute, d'où mon renvoi (indépendamment aussi de la question de l'immortalité de prime abord, mais visiblement nous n'avons effectivement pas les mêmes éditions... bizarre, la pagination des HoME est unique en principe ;-)
Finrod pense que Melkor ne peux changer la nature du monde, mais seulement le corrompre...ce qu'il fait d'ailleurs très bien. Mais il ne corrompt pas seulement la matière mais aussi l'esprit. Il n'a pas changé la nature des Hommes, mais a corrompu leurs esprits, entraînant en cela un désordre, un déséquilibre du Fëa et du Hröa, déséquilibre dans lequel le Hröa a pris le dessus, entraînant la mortalité de l'Homme
Ce n'est pas ce que pense Finrod (p. 313). Melkor n'a pas le pouvoir de corrompre au point de provoquer un tel déséquilibre dans les desseins d'Eru. Seul Eru a ce pouvoir (et d'ailleurs dans le conte d'Adanel, la sentence vient d'Eru, p. 347 « I gave you life. Now it shall be shortened, and each of you in a little while shall comme to Me, to learn who is your Lord »). Il y a punition divine, Eru retire sa grâce, pour leur "apprendre" à l'avoir abjuré...).
Le parallèle avec la Genèse est transparent dans le conte d'Adanel, Melkor joue le rôle du serpent (p. 346, promettant la connaissance; « Ye could even be clad even as I »), provoquant la chute. Mais son pouvoir s'arrête là. L'Homme chute par sa faute, et Eru punit en conséquence. La seule différence notable est que la mort _est_ cette punition (cf. citation ci-dessus), tandis que dans la Bible les commentateurs s'échinent à savoir si c'est le cas (d'où la question de Thomas d'Aquin, la seule mention dans la Genèse à cet égard est "tu retourneras à la poussière", mais il n'est pas clair pour tous que ce soit une partie de la punition, il y a de très bonnes thèses là dessus). On pourrait dire presque que Tolkien fait ici un choix d'interprétation par rapport à l’ambiguïté de la Genèse.
Il me semble bien que le Conte d'Adanel porte bien sur cette Chute, ou alors c'est que je ne sais pas lire
Oui, évidemment. Mais quel crédit accorder au conte d'Adanel? C'est là un des points du débat.
Évidemment il ne fait pas référence à ce dernier texte de manière explicite, tout simplement parce qu'il n'en a pas besoin: [...]
Essayons de ne pas prêter des intentions à Tolkien. Le texte, rien que le texte!
Quand viendra la fin d'Arda, ils faudra bien qu'ils aillent quelque part, et là nul ne sait où ils iront. On ne peut pas dire qu'ils auront une destinée différente de celle des Hommes. Les Fëar des Hommes s'en vont plus rapidement or des cercles du monde, mais peut-être que c'est là leur don, pas seulement la mortalité en tant que mortalité, mais aussi le fait de pouvoir contempler Eru avant les autres, et en attendant que les Premiers Nés les rejoignent...
Il peuvent aller nulle part et être simplement renvoyés au néant (crainte elfique, p. 332), mais leur espoir est effectivement de rejoindre les Hommes, encore que dans un rôle particulier (p. 342-343).
Didier.
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D'un côté tu dis que les Hommes et les Elfes sont de même nature, de l'autre que la fëa des Elfes est par nature plus résistante que celle des Hommes. C'est bien ce que je craignais, on est sur un débat terminologique ;)
Hé oui tout en ce monde est affaire de mots (ce n'est pas Tolkien qui aurait dit le contraire). Et je pense qu'il faut distinguer entre nature de la personne, et nature de ses composantes. Ils sont sans doute différents, mais pas de nature différente. Leur fëa est en quelque sorte configuré pour la vie sur Arda, tandis que l'état immortel des Hommes avant la chute n'est qu'artificiel. Tu pourra dire alors que cela révèle une nature différente, pas forcément. leur destinée est différente, pas leur nature, et pour pouvoir accomplir leur destinée il leur faut les instruments appropriés, dont font partie un fëa qui tienne la route, et un hröa qui lui obéisse. Ils sont donc de nature identique, de substance identique, mais ont mais les "accidents" de leurs nature et substance sont différents: par exemple, Elfes et Hommes sont Eruhini, mais leurs accidents sont la mortalité et l'immortalité...Un des accidents des Elfes c'est d'être immortels, tandis qu'un des accidents des Hommes c'est d'être mortels, cela ne change pas leur nature d'Enfants d'Eru. Pour clarifier mon propos je vais citer un des mes amis Professeurs de philosophie à l'Université de Nantes (spécialiste de la philosophie médiévale, notamment St Thomas, ils s'agit d'un vade mecum de philosophie aristotélicienne (que l'on pourra trouver dans la traduction de la Somme contre les Gentils des éditions, GF: "Aristote et Thomas après lui appelle substance (ousia, substantia) le sujet d'un changement qui demeure, après comme avant identique par un même concept"; Mais les accidents sont ce qui permet de différencier deux éléments appartenant à la même substance. Si on admettait qu'il n'existe que des être rationnels qui sont mortels, alors la rationnalité comme la mortalité feraient partie de la substance de ces être, le problème c'est que Tolkien introduit une différence, il existe chez lui des être rationnels non mortels, ce qui fait que la caractéristique B (la mortalité) va passer d'état de composant de la nature de l'être à accident de la nature, tout simplement parce qu'un choix s'offre à nous: je résume, Un Eruhin est un enfant d'Eru, or cet Eruhin est mortel, j'en déduit que c'est un Homme, dans le cas contraire ç'aurait été un Elfe mais cela n'aurait rien changé à sa substance et nature. Pour donner un exemple plus grec: Socrate a des cheveux blanc, j'en déduis qu'il est vieux, c'est accident de sa nature, qui est d'être un animal rationnel, c'est-à-dire un homme. Mais si tous les Animaux rationnels étaient vieux, s'ils avaient tous des cheveux blancs, cet aspect ne serait plus un accident mais ferait partie de leur nature.
J'aimerais faire un schéma, mais je ne sais pas s'il passera en html, il faudra donc s'imaginer un arbre: à la Racine Eru, donnant lieu à des êtres de même nature, les Eruhini, puis à partir de là, une ramification, les Elfes et les Hommes, distinction due à un accident leur mortalité-immortalité, puis à partir de là d'autres ramifications, pour les Elfes les maisons primaires des Elfes etc...que nous connaissons tous, et pour les Hommes la même chose, exactement comme un arbre généalogique.
Ce qui montre que Hommes et Elfes sont de même nature c'est le fait qu'ils soient tous deux enfants d'Eru, qu'ils se "reproduisent de la même façon", que leurs arts soient les mêmes bien que la perfection de ceux ci soit différente, qu'ils aient tout deux une connaissance du divin, chacun à leur façon, qu'ils puissent mourir (mais de façon seulement temporaire pour la durée d'Arda en ce qui concerne les Elfes), qu'ils puissent engager une conversation sur un sujet identique en s'entendant (c'est à dire en se comprenant), qu'ils puissent former et apprendre des languages etc etc etc.....
Les Elfes ne sont pas si différents des Hommes et les Hommes des Elfes...d'ailleurs Tolkien disaient volontiers que pour lui les Elfes représentaient l'art humain de la subcréation!!!! Tout chez les Elfes fait penser aux Hommes, sauf qu'ils pourront vivre tant qu'Arda persistera...
La nature d'une chose, c'est son essence, or l'essence des Elfes et des Hommes c'est d'être des Enfants d'Eru, pas d'être mortels ou immortels. C'est pour ça que je dis aussi que le fëa d'un Elfe et d'une autre nature que le fëa d'un Humain, parce qu'on s'imagine difficilement un Humain vivant avec un fëa d'Elfe!!!
Les Elfes sont destinés à vivre sur la Terre du Milieu tant qu'elle durera, tels des gardiens de celle-ci, mais les Humains, eux ne sont destinés qu'à être de passage. Est-ce que cela enlève au fait qu'ils puissent être de même nature, deux Enfant d'un même père peuvent choisir des emploi différent, des études différents, ce n'est pas pour cela qu'on dira qu'ils sont de nature différente!!!
Pas exactement les mêmes questions existentielles, justement. C'est toute la dialectique de la "shadow before us / shadow behind us" développée par Finrod. Avec derrière ça la question du sens de leur renouvellement en Arda Refaite. Leur mise en perspective de la mort est différente, et leurs questions aussi.
Je ne vois pas en quoi les questions sur la mort pourraient être différentes, ce sont toujours les mêmes, même si la mort intervient plus tard et elle se résume aux trois questions de Kant: Qui suis je, D'où viens je, où vais je? les trois questions sont posées par les Elfes et les Hommes parce qu'ils ne savent pas exactement QUI ils sont, d'OU ils viennent, ni OU ils vont...même si les Elfes ont quelques éléments de réponse, ce ne sont que des éléments, des fragments. Leur mise en perspective de la mort (même si cette expression est quelque peu obscure pour moi) ne me semble pas si différente, la seule chose qui diffère c'est quand celle ci intervient....parce que quand je parle de mort, je parle de la fin fin, pas la mort des Elfes sur Arda (car ça n'est qu'un ajournement) mais la fin d'Arda, ils sont, tout aussi peu au courant là dessus que les Hommes, et leurs questions sont je pense exactement les mêmes.
Dire qu'un Elfe n'est qu'un Homme vivant plus longtemps, c'est simplifier le problème à l’extrême.
Je n'ai pas vraiment dit cela, j'ai dit que les Elfes et les Hommes étaient de même nature et que ce qui les différenciaient vraiment ce n'est pas le fait qu'ils soient immortels (parce que ça aussi ce serait réducteur) mais le fait qu'ils aient sur eux même une bien plus grande maitrise. Ce qui leur permet par exemple de réaliser des travaux bien plus accomplis que ceux des Hommes, de connaître une bien plus grande communion avec Arda, d'ordonner à leur corps des choses que les Hommes ne pourraient pas se permettre. Savoir aussi qu'ils sont faits pour ça, et que les Hommes étant immortels avant n'étaient dans cette état que par une grâce spéciale qu'ils ont eux-mêmes détruite, tandis que les Elfes tout en étant de même nature que les Hommes, ont des corps et des âmes adaptés à leur destinée.
Oui, évidemment. Mais quel crédit accorder au conte d'Adanel? C'est là un des points du débat.
Évidemment si on remet en question le principal élément du débat....
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Je laisse tomber la question terminologique, tu peux appeler ça autrement que 'nature' si tu veux (encore que Tolkien parle d'Elvish nature et de Human nature à quelques reprises). Substance, nature, essence, accident, etc. peu importe in fine.
Tout ce qui importe au moment clef du récit, c'est qu'on naît Elfe ou Homme, avec des caractéristiques différentes (immortalité/mortalité; dessein dans Arda, dessein hors d'Arda) -- et non, cela n'approche pas ta comparaison avec les deux enfants choisissant des métiers différents, parce qu'il n'y pas de choix à ce niveau.
Je laisse tomber la question identitaire kantienne (c'est une question de surface -- je ne suis absolument pas sûr contrairement à toi qu'Elfes et Humains, même se la posant en mêmes termes, y donnerait ou se satisferait de la même réponse -- cf. dans le commentaire de l'Athrabeth ce qui concerne la satisfaction des fëar). Je ne vois pas de toute façon où ça peut nous mener.
La question de départ de cette discussion était de savoir si les Hommes ont pu connaître une Chute dans le légendaire tolkienien, et s'ils étaient immortels avant cette chute.
D'abord une note sur la possibilité d'une chute au sein du légendaire, et les conséquences de la mortalité (quelle qu'ait été son origine) :
In this mythical 'prehistory' immortality, strictly longevity co-extensive with the life of Arda, was pan of the given nature of the Elves; beyond the End nothing was revealed. Mortality, that is a short life-span having no relation to the life of Arda, is spoken of as the given nature of Men: the Elves called it the Gift of Ilúvatar (God). But it must be remembered that mythically these tales are Elf-centred, not anthropocentric, and Men only appear in them, at what must be a point long after their Coming. This is therefore an 'Elvish' view, and does not necessarily have anything to say for or against such beliefs as the Christian that 'death' is not part of human nature, but a punishment for sin (rebellion), a result of the 'Fall'. It should be regarded as an Elvish perception of what death — not being tied to the 'circles of the world' – should now become for Men, however it arose. A divine 'punishment' is also a divine 'gift', if accepted, since its object is ultimate blessing, and the supreme inventiveness of the Creator will make 'punishments' (that is changes of design) produce a good not otherwise to be attained: a 'mortal' Man has probably (an Elf would say) a higher if unrevealed destiny than a longeval one. To attempt by device or 'magic' to recover longevity is thus a supreme folly and wickedness of 'mortals'. Longevity or counterfeit 'immortality' (true immortality is beyond Ea) is the chief bait of Sauron – it leads the small to a Gollum, and the great to a Ringwraith.
Lettre 212
La porte est ouverte (sans être tranchée).
Les pièces du puzzle à présent :
Mention allusive dans Letters 131 « The first fall of, for reasons explained, nowhere appears » (etc.). Commentaire de Christopher Tolkien sur l'obscur « reasons explained » p. 355 de MR.
Mention marginale, dans l'une des esquisses de The Drowning of Anadûnê, sur le premier dessein d'Eru pour les hommes, « But Evil (incarnate in Melekô) seduced them and they fell. » (SD, p. 401).
Et enfin, de manière explicite à présent, le Conte d'Adanel.
Je ne pense pas avoir oublié quoi que ce soit.
Quand je dis "Mais quel crédit accorder au conte d'Adanel?" et que tu t'en offusques, c'est pourtant que le statut de ce texte se pose
De manière externe, Tolkien exprimant par ailleurs son embarras à parodier la Bible, de sorte qu'il retire ce texte et un certains nombre de considération s'en rapportant dans les échanges entre Finrod et Athrabeth. Façon de dire: texte potentiellement rejeté (tentative maladroite pour concilier le légendaire à la doctrine chrétienne, mais ne résultant qu'en une parodie bancale?)
De manière interne ensuite: le texte ne présente qu'une légende obscurcie par les âges et controversée (on est loin d'un canon comme la Genèse). Drôle d'élément essentiel au débat que celui là, qu'il nous faut pondérer avant de pouvoir l'utiliser!
Ce qui m'amène à dire: (a) on ne peut affirmer comme certitude qu'il y ait eu une chute et une perte d'immortalité. L'existence du conte d'Adanel (b) en permet simplement la possibilité (pas une obligation, on peut aussi rejeter le Conte d'Adanel comme légende humaine sans fondement, par jalousie par rapport aux elfes - c'est un des points de vue de l'Athrabeth quelque part).
Ce qui devrait répondre à ta question première de manière indirecte ("Nature mortelle et immortalité sont-elles incompatibles"). Est ce que la réponse de Thomas d'Aquin nous éclaire pour autant? A mon sens non, le "Saint" Homme est aussi un "con" pour reprendre la pique de l'ami Shnogul, mais en l'étayant -- D'Aquin construit son système de pensée dans un cadre particulier (et je ne voudrais quand même pas dire, c'est beau de s'en référer à ce saint homme, mais il y a aujourd'hui des choses qui font quand même sourire (*)). L'appliquer tel quel au légéndaire tolkienien, c'est (a) potientiellement inapproprié, et (b) propice à tomber dans la même parodie que celle crainte par Tolkien lorsqu'il aborde explicitement la chute. Ca ne marche pas!
Une conclusion possible, certes en guise de non-réponse, c'est de rebondir sur la lettre 212: dans les temps 'historiques' du Conte d'Arda tel qu'il nous est conté, les Elfes sont immortels, les Hommes mortels. Que ces derniers le soient par origine ou par chute, c'est ici secondaire: la question de la destinée et du Bien qui découle de cet état de fait actuel est posée aux Hommes et aux Elfes.
Didier.
(*) « Certains disent que l'homme dans l'état d'innocence n'aurait pris que l'exacte quantité de nourriture qui lui était nécessaire et qu'ainsi il n'y aurait pas eu de déjections. Mais c'est supposer sans raison qu'il n'y aurait pas eu dans les aliments absorbés certains déchets inaptes à être convertis en nourriture pour l'homme. Aussi devait-il y avoir un phénomène d'élimination. Dieu toutefois aurait pourvu à ce qu'aucune indécence n'en résultât. » -- Sûr que faire ses besoins derrière un arbre au Paradis c'est si inconvenant et sale que Dieu y aurait pourvu *LOL*
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Le steak congelé et faisandé, les cheveux blancs du vieux Socrate, les enfants choisissant différentes études, l'arbre aux branches qui divergent... Ne le prends pas mal, mais tu parles vachement par paraboles toi!
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sans avoir l'érudition nécessaire pour trancher dans ce débat je vous ferais part de ma simple intuition en lisant l'Athrabeth (qu'on m'a conseillé de lire en tant que supposé argumentaire ultime).
bin...
je note avant tout l'intention de Toto de laisser une question ouverte!
Finrod SEMBLE plus avisé, mais Adanel évoque des réalités (une légende d'avant l'ombre) sur lesquelles il ne peut trancher.
Tolkien ne voulait-il pas tout simplement laisser en suspens la problématique de la mortalité des hommes? Ne se décidant pas à la voir comme une valeur intrinsèquement positive, mais gardant la possibilité qu'elle fut elle aussi "un plus grand bien issu d'un mal"?
je crois qu'il faut impérativement admettre et respecter les zones de flou que Toto a intentionnellement mis dans son oeuvre: ça fait partie de son discours plus sûrement qu'un commentaire de bas de page.
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shnogul, j'ai lu avec joie ton rattrapage dans le fuseau traitant du rêve et de la télépathie ; ton premier message m'avait fort attristé (posté avant de réfléchir à bien des choses, dont celles que tu donnais dans ton ratrapage ; dont aussi celle que le fuseau était corrompu et, qu'à ce seul titre, il eût été sage de s'abstenir et d'attendre sa réparation). Par ailleurs, tu es ici le bienvenu, mais tu n'es pas ici avec des gens que tu côtois régulièrement, qui te connaissent et qui, s'il se trouve, se satisfont tout à fait de tes codes de langages. Moi pas, les qualificatifs de "con" m'écorchent, et plus encore le sobriquet de "Toto" ; celui-là m'avait fait rire il est vrai lorsque TB, au détour d'une prose un minimum soutenue tout de même, l'avait utilisé, marquant ainsi son indépendance par rapport au lien auteur-oeuvre. Une fois fut assez. Je dois avouer aujourd'hui ne plus le digérer.
Amicalement,
Jérôme
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De la mort ...
Il faut faire une distinction entre la mort que connaissent tous les Enfants d'Eru : la séparation entre le fëa et le hröa, et le départ d'Arda. Ce dernier est souvent appelé mort, faute de mieux, lorsqu'on nous parle de ce que les Elfes nomment le "don d'Eru" pour les Hommes. Mais je gage que les Eldar n'ont jamais fait référence à la mort, ce dommage douloureux subi par le hröa tel que le fëa ne puisse plus l'habiter ; cette mort-là ils ne l'envient guère et eux-mêmes peuvent l'expérimenter, hélas ! Non, les Eldar, emprisonnés en Arda jusqu'à l'Ambar-metta (q. 'Fin du Monde') envient le fait qu'à leur mort, les fëar des Atani, eux, s'échappent d'Arda ; c'est le départ qu'ils envient. Cf. le passage cité de la Letter 212 : la "mort" que les Eldar envient est explicitement redéfinie : « death - not being tied to the 'circles of the world' » = le départ. Il est bien entendu que la distinction est subtile, mais c'est le départ qui est envié et qualifié de Don, et non ce qui, en Arda Hastaina, le provoque systématiquement : la mort, une expérience par ailleurs commune et aux Quendi et aux Atani.
De l'immortalité ...
De quelle immortalité parlons-nous ?
Il est acquis que le destin des Hommes n'a jamais été envisagé par les Sages comme ayant pu se confondre avec celui des Elfes ; ce qui les différencie demeure une conviction profonde et fondamentale en ce que les Eldar sont liés à Arda tandis que les Atani sont destinés à quitter Arda. La seule "immortalité" dont il est question dans le Conte d'Arda est bien celle des Elfes qui vivent tant que dure Arda (longtemps :))
Nous en sommes là lorsque les deux peuples se rencontrent et l'Athrabeth relate peut-être la plus extraordinaire de ces rencontres, entre ceux qui furent parmi les plus versés des deux peuples, Finrod le Bien-Aimé, et Andreth la Sage. Quelle n'est pas la surprise du roi elfe d'entendre à travers Andreth les Sages parmi les Hommes prétendre n'avoir « jamais été destinés à mourir » [MR/309]. Finrod, à la lumière de la tradition elfique, ne puit néanmoins imaginer les Hommes avoir été semblables à des Elfes ; sinon ils eussent été des Elfes, et pourquoi alors les Valar auraient-ils parlé, même brièvement, de *deux* parentés des Enfants d'Ilúvatar ? Mais l'idée d'une immortalité est-elle pour autant incompatible ? Non. Et c'est justement la confrontation du savoir et des traditions des deux peuples qui permet à Finrod et Andreth, convenant que la mort est un mal et vient du Morgoth, d'aboutir à la conception de ce qu'aurait pu (dû) être le destin des Hommes auparavant ou à l'origine : un départ unifié du Monde, fëa et hröa à jamais unis, c'est-à-dire sans passer par la mort [MR/318]. Une immortalité différente de celle des Elfes (et non limitée à Arda).
Etat d'innocence, Chute et Rédemption
L'Athrabeth lui-même parle de cet état originel de l'Homme, et, chose apparemment remarquable, il s'agit d'une tradition transmise de Sages en Sages parmi les Atani qui fait autorité, tout au moins plus que pour d'autres affaires (ainsi par opposition Andreth insiste plus loin pour préciser que tous ne partagent pas les croyances de ceux dits de l'"Ancienne Espérance").
Que se serait-il passé depuis ?
Lorsque Finrod tente d'en savoir plus, il se heurtera encore et toujours au mutisme des Edain : il y a une ombre derrière eux, dont ils ne veulent pas parler. Or, ce silence étourdissant, cette absence de mot, sont le meilleur signe de Chute, m'est avis. L'Athrabeth aiguille aussi en ce sens quand Finrod demande à Andreth ce qu'il sont bien pu faire jadis dans les ténèbres ... et Andreth refuse de parler. L'opinion du Commentateur de l'Athrabeth semble claire, puisqu'il relit l'Athrabeth dans cette dialectique de Chute, en évoquant les Elfes comme demeurant « unfallen as a people », tandis qu'il désigne par « unfallen Man » la conception qu'établissent Finrod et Andreth de l'Homme à son origine.
Les éléments de réponse à la question de la rédemption sont nettement plus ténus. Le texte de l'Athrabeth, mais aussi d'autres dans le Conte d'Arda, parlent de désastres et de l'attente de la Guérison d'Arda de ces désastres. L'Athrabeth et son Commentateur plus en particulier, sans parler de rédemption pour l'Homme, parlent tout de même de rédemption pour le Monde, évoquant la « fonction rédemptrice » attribuée à l'Homme, dans le drame d'Arda, l'Homme agent de la Guérison d'Arda. Alors qu'à ce moment-là l'histoire des Hommes n'étaient pas même dans son aurore, il n'est pas surprenant, à la lumière de notre propre histoire religieuse, de réaliser que les révélations sont tout simplement encore à venir ...
Le Conte d'Adanel
Je m'accorde à Didier pour trouver en ce texte "une légende obscurcie par les âges et controversée", un apocryphe du Conte d'Arda ? Les apocryphes ne sont pas sans valeur. Le tout est de les lire à la lumière du "canon", et non l'inverse. S'ils s'intègrent à la cohérence de l'ensemble, ils peuvent alors illustrer ou mettre en lumière quelques points. A la lumière de la lecture proposée plus haut du Conte d'Arda et du dialogue de l'Athrabeth plus en particulier, je ne trouve rien dans le Conte d'Adanel qui contredise l'ensemble, au contraire (même si cela ne lui donne pas forcément plus d'autorité).
Le Conte d'Adanel ne révèle pas la Chute. A mon sens, celle-ci peut être lue bien plus dans le reste du Conte, moins explicite, mais s'inscrivant dans du vécu. Mais le Conte d'Adanel *propose* une explication de la Chute. Toute son importance est dans la portée et le sens théologique des éléments qui le composent, indépendamment de sa "véracité historique".
Par exemple, il est ainsi quelque chose de rendu, qui a été très bien vu par notre ami Jean-Baptiste : dans le Conte d'Adanel comme dans certains textes de notre histoire religieuse, la lecture suivante peut être faite : abjurer Eru, se couper de sa parole, c'est se couper de sa source. La souffrance, le manque, et le malheur qui en découlent n'appellent pour autant une intervention du Créateur.
NB : Ainsi, ami dragon, tu lis en « 'Ye have abjured Me, but ye remain Mine. I gave you life. Now it shall be shortened, and each of you in a little while shall comme to Me, to learn who is your Lord' » la punition d'Eru pour "apprendre" à ses mauvais garçons ;) mais on peut lire aussi : « Je suis la Source de la vie ; maintenant coupés de moi, de fait, la vie va vous échapper ; vous (ne) comprendrez (que) quand vous viendrez à moi » (bien que ces lectures ne soient pas exclusives). Tu disais aussi : "L'Homme chute par sa faute, et Eru punit en conséquence. La seule différence notable [avec la Génèse] est que la mort _est_ cette punition (cf. citation ci-dessus), tandis que dans la Bible les commentateurs s'échinent à savoir si c'est le cas (d'où la question de Thomas d'Aquin, la seule mention dans la Genèse à cet égard est "tu retourneras à la poussière", mais il n'est pas clair pour tous que ce soit une partie de la punition, il y a de très bonnes thèses là dessus)". Sauf erreur de ma part, il y a confusion : Autant la lecture punition/pas punition est libre, autant il n'est nulle part question de "mort" dans les paroles d'Eru : « shortened » uniquement, qui fait plus penser à une diminution, à un raccourcissement ... et intègre ainsi la vision de Finrod et Andreth d'un temps de vie à l'origine limité mais non soumis à la mort et aux souffrances - ce temps sera dorénavant plus limité encore et par ailleurs soumis à la mort et à la souffrance.
Jérôme
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Roooh, par ma barbichette, Shno, tu peux pas v'nir jaser icitte, en c'te terre d'Eru(-)dition comme ça, non mais, en appelant le Prof Tolkien par son ptit nom affectueux d'Toto comme nous autres on a l'habitude de l'faire d'l'autre côté de la Belleguerre, sur l'île. Si fait qu'icitte, faut même pas dire "Prof" non plus, ni causer sur ses histoires d'elfes, l'ami. Non pas, c'est Saint Père Tolkien et son Légendaire du Conte d'Arda, et note bien les majuscules, toi qui sait lire. Parlant d'lire, et conséquemment d'écrire, faut que j'te dise les usages: tu peux pas non plus colorer ta jactance avec des mots grossiers, comme un campagnard à peine débarqué d'son îlot. Mais tu peux colorer tes mots, si ça t'chante -- c'est comme ça qu'on fait icitte aussi (avec des vraies couleurs, j'm'entends) -- et faire des appartés en ptits caractères, ainsi que j'm'y emploie à c't'instant même... T'aurais pu dire qu'Untel est un coquin, plutôt qu'user d'mots moins gracieux sous la langue, sans offusquer personne tu t'serais même offert une rime avec son nom... Palsambleu, r'garde où tu m'enmènes avec ça, alors qu'j'avais des trucs intelligents à dire avant d'aller distribuer ailleurs ma cargaison d'bonnets à grelots, et qu'maintenant ils se sont tous enfuis de ma maudite caboche de lézard. Si c'est pas malheureux c't'histoire.
Or donc, gentils sires, gentes dames, bons Cynewulf et Yyr, revenons à nos débats érudits.
D'emblée, nonobstant l'expression linéraire du texte et de sa lettre, il apparaît que vous exprimez des réticences à l'encontre d'une Punition explicite par le Divin -- lui préférant, par circonvolutions verbales complexes, l'expression d'une conséquence implicite, consécutive au péché, de l'éloignement de sa Grâce.
Pourtant, d'une première part sur le plan qu'il convient de désigner comme l'analyse interne, le très-direct "pour vous apprendre qui est votre Seigneur" sonne avant tout comme une sentence. Sentence mise à exécution immédiatement, puis qu'aussitôt après surviennent les premières morts, sans qu'aucune ne soit apparue dans l'intervalle, entre l'allocution de Melkor dont découle le péché et la sanction d'Eru. Sur ce point textuel, on pourrait dire sans forcer le texte outre mesure que la punition ne fait que peut de doute.
D'autre part, sur le plan interne toujours, dans le passage de l'Athrabeth en relation avec le Conte d'Adanel, la punition est aussi la position que semble retenir Finrod après avoir nié que Melkor seul ait pu modifier la nature humaine: « How did ye anger Eru? » (p. 313). C'est dire que pour Finrod, Eru est courroucé, et par là faire un pas de plus en direction de la Punition explicite, au détriment de la neutre explication qui lui ferait dire aux Hommes qu'en l'abjurant ils se sont d'eux mêmes condamnés à la mort -- autrement dit, sans intervention divine.
Enfin, au-delà de ces très-simples lectures du texte, lorgnons vers l'analyse exter. Que Dieu puisse avoir puni, pour son péché, l'Homme en le rendant mortel, cela semble aussi être l'avis de Tolkien: « death is [...] a punishment for sin (rebellion) » dans la lettre déjà citée supra.
Cernons d'emblée les dérives possibles: ce n'est pas parce qu'il y aurait punition que l'Homme serait dégagé de sa responsabilité. Non, il porte pleinement sa faute quelle que soit l'optique sur laquelle nous nous plaçons. Pour nous livrer nous aussi à une parabole, si des enfants mangent un dessert qui ne leur était pas destiné, et que leur père les punit en les privant de dessert pour un temps, personne n'y verra rien d'inconvenant.
De fait, pourquoi alors vouloir, là où je lisais prosaïquement une punition d'Eru pour "apprendre" à ces enfants, y lire aussi -- ou plutôt -- "Je suis la Source de la vie ; maintenant coupés de moi, de fait, la vie va vous échapper ; vous (ne) comprendrez (que) quand vous viendrez à moi" -- soit libérer la mort de l'intercession divine? Est-ce à dire qu'il y aurait, à voir en Eru/Dieu aussi un punisseur, quelque fondement peu orthodoxe? Qu'il y aurait là quelque chose de suffisamment choquant pour suggérer une autre lecture, nettement moins évidente?
C’est, me semblait-il, un des principes de Dieu que la mort soit la punition du péché (Romains 6:23) -- et il m'aurait semblé en particulier que cela concernait aussi la "première mort" (et non uniquement la "seconde mort", définitive, lors du Jugement Dernier, Apocalypse 2:11, 20:6). Il me paraissant, aussi, que si la mort est le prix à payer par tous les homes pour le péché originel d'un seul, alors la mort d'un seul Christ pour racheter les péchés de tous les hommes prenait un sens particulièrement fort: « Ainsi donc, comme par une seule offense la condamnation a atteint tous les hommes, de même par un seul acte de justice, la justification qui donne la vie s’étend à tous les hommes. Car, comme par la désobéissance d’un seul homme [= Adam] beaucoup ont été rendus pécheurs, de même par l’obéissance d’un seul [= Jésus] beaucoup seront rendus justes » (Romains 5:18-19). Pour reprendre notre parabole, le père envoie son fils avec une promesse de dessert plus grand à terme. Que les enfants prennent le dessert de ce fils, qu'importe, par amour il était justement venu le leur apporter.
Certes, on pourra objecter, n'en déplaise à Tolkien dans sa lettre, que c'est là de la mauvaise théologie -- je ne suis pas spécialiste de ces questions et je ne doute pas qu'il existe une longue et abondante argumentation jésuistique sur le sujet. Dans la Genèse il n'est fait aucune allusion à une immortalité inhérente à l'Homme et à une punition de Dieu la lui retirant: Dieu se contente de chasser l'Homme du Paradis... Cela dit, se faisant, on pourra objecter en retour qu'il le voue aussi à la mortalité: « Empêchons-le maintenant d'avancer sa main, de prendre de l'arbre de vie, d'en manger, et de vivre éternellement » (Genèse 3:20-24). On l'a dit, les choses sont loin d'être si claires, et toute tentative pour les clarifier, s'il est dans l'assemblée quelque sage au fait de ces éléments épineux, sera -- fort bien entendu -- reçue avec tous les compliments d'usage.
Mais au final, quelle importance? Ce long détour ne nous éclaire pas vraiment, et une position en faveur ou en défaveur de la punition ne me paraît pas, au demeurant, modifier substantiellement la valeur des choses.
Quant à l'objection finale, sur une confusion possible entre mort et vie raccourcie ("shortened"), allons bon! La question primordiale du récit d'Adanel est bien la perte d'une immortalité au sens elfique (limitée en Arda): nous sommes d'accord sur le fond, et c'est dans ce sens évidemment que je parlais de mort.
Sur ces entrefaits, belle audience, je vous remercie de ma plus belle révérence pour votre attention.
Didier.
V'là, j'peux m'occuper de mes bonnets à grelots à présent. Greling-greling.
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Yir,
n'ayant pas un désir profond de choquer pour choquer, je veillerai d'avantage à ne pas systématiquement offusquer par mon mode d'expression.
Autrement dit, je vais (encore) faire des efforts...
un "toto" m'échappera peut-être de temps en temps, mais ce sera par pure inadvertance (habitude tenace! aucun irrespect de ma part, au contraire c'est affectueux).
Pour ce qui est de traiter de "con" tout noble penseur y compris moi-même, je vais essayer d'éviter aussi.
CECI DIT:
j'ai souvenance d'un philosophe qui avait redonné un sens au mot "salaud"... sans parler d'un certain Diogène (pas le dernier des... j'évite le mot) qui agressait verbalement les passants, pissait contre les murs et se masturbait en public... Mais Diogène avait-il sa place dans une Agora?
Le fer se polit par le fer et l'homme par le contact de son prochain
Proverbes 27.17
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Merci shnogul, c'est sympa :)
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D'emblée, nonobstant l'expression linéaire du texte et de sa lettre,
Mais une lecture théologique doit-elle être linéaire ? (*)
il apparaît que vous exprimez des réticences à l'encontre d'une Punition explicite par le Divin -- lui préférant, par circonvolutions verbales complexes, l'expression d'une conséquence implicite, consécutive au péché, de l'éloignement de sa Grâce.
Aucune réticence :) Une lecture est possible autre que celle de la punition, c'est tout. La lecture de la punition ne me "dérange" pas ; elle ne m'apparaît tout simplement pas à moi la plus ... pertinente, ici.
Pourtant, d'une première part sur le plan qu'il convient de désigner comme l'analyse interne, le très-direct "pour vous apprendre qui est votre Seigneur" sonne avant tout comme une sentence.
Avant tout ? C'est *ta* lecture du texte ; et tu peux constater toi-même le parti pris dans ta traduction : « to learn who is your Lord » = « pour apprendre qui est votre Seigneur » et non « pour vous apprendre qui est votre Seigneur ».
D'autre part, sur le plan interne toujours, dans le passage de l'Athrabeth en relation avec le Conte d'Adanel, la punition est aussi la position que semble retenir Finrod après avoir nié que Melkor seul ait pu modifier la nature humaine: « How did ye anger Eru? » (p. 313). C'est dire que pour Finrod, Eru est courroucé, et par là faire un pas de plus en direction de la Punition explicite, au détriment de la neutre explication qui lui ferait dire aux Hommes qu'en l'abjurant ils se sont d'eux mêmes condamnés à la mort -- autrement dit, sans intervention divine.
Non, le roi elfe pose ici une *question* par rapport à un a priori posé par Andreth : "notre destin a changé". D'où pour Finrod : "mais cela impliquerait une sanction divine car Melkor ne le peut pas (cf. néanmoins « But Finrod probably went too far in his assertion that Melkor could not wholly corrupt any work of Eru », MR/Mt-VIII) ; si votre destin a changé, qu'avez vous fait pour mettre en colère Eru ?". C'est une question, qui ne recevra pas de réponse. Et Finrod se garde de conclure en ce sens, au contraire : car plus loin, il n'est toujours pas convaincu par ce changement de destin, puisqu'il reste sur son idée elfique du destin des Hommes - et ne peut d'ailleurs se résoudre, si la mort vient d'Eru, à ce qu'elle soit un mal :
'At least one would not hope for this House a life longer than Arda of which it is part. Yet you claim that the House too was immortal, do you not? I would rather believe that such a fëa of its own nature would at some time of its own will have abandoned the house of its sojourn here, even though the sojourn might have been longer than is now permitted. Then "death" would (as I said) have sounded otherwise to you: as a release, or return, nay! as going home! But this you do not believe, it seems?'
Athrabeth
Comme Andreth insiste : "Non, la mort c'est mal !", et cela Finrod finit par en convenir, car en lien avec les croyances valinoréennes ...
'Aule and Nienna err, I deem; for what each saith in different words meaneth this much: that Death which cometh from the Marrer may be one thing, and Death as an instrument of Eru be another thing and discernible: the one being of malice, and therefore only evil and inevitably grievous; the other, being of benevolence, intending particular and immediate good, and therefore not evil, and either not grievous or easily and swiftly to be healed. For the evil and the grief of death are in the mere severance and breach of nature, which is alike in both (or death is not their name); and both occur only in Arda Marred, and accord with its processes.'
Later Quenta Silmarillion II
... à partir de là seulement dans le texte, Finrod distingue la mort du départ, et parvient à donner une cohérence et aux traditions des Eldar et aux traditions des Edain, en considérant d'une part la mort comme conséquence du Monde - Arda Hastaina, et d'autre part le départ comme don d'Eru depuis toujours :
'Ever more you amaze my thought, Andreth,' said Finrod. 'For if your claim is true, then lo! a fëa which is here but a traveller is wedded indissolubly to a hröa of Arda; to divide them is a grievous hurt, and yet each must fulfil its right nature without tyranny of the other. Then this must surely follow: the fëa when it departs must take with it the hröa.'
Athrabeth
Ce départ s'accordant au point de vue elfique selon lequel, même à compter que le vie des Hommes eût été plus longue à une époque, elle était néanmoins déjà limitée ; s'accordant aussi aux souvenirs de jadis des Edain, selon lesquels il n'y avait pas de mort, puisque cette limite n'était pas la mort.
La condition "mortelle", faite de souffrances, de maladies, et de mort vient bien après cet état originel. Il y a bien un désastre. Y a-t-il eu punition divine ? Les textes ne le disent jamais explicitement. Mais pourquoi pas ? Il n'y a aucun passage qui l'infirme non plus. La phrase relevée du Conte d'Adanel est à ce titre révélatrice, comme elle accepte nos deux interprétations. Celles-ci ne sont pas exclusives ni très éloignées l'une de l'autre ... selon la définition que l'on puit donner de la punition ... d'ailleurs ... quand tu cites Tolkien :
Enfin, au-delà de ces très-simples lectures du texte, lorgnons vers l'analyse exter. Que Dieu puisse avoir puni, pour son péché, l'Homme en le rendant mortel, cela semble aussi être l'avis de Tolkien: « death is [...] a punishment for sin (rebellion) » dans la lettre déjà citée supra.
il est bon effectivement de relire tout le passage, où ce « punishment for sin » est aussitôt apposé à « result of the Fall », et ensuite copieusement (re)défini ... convenons qu'on est loin de "punir pour vous apprendre, mauvais garçons". Il convient aussi de prendre la distance nécessaire par rapport à ce que dit Tolkien dans ses lettres qui n'est pas ce que dit le Conte. Dans ses lettres souvent, et c'est peut-être le cas ici, Tolkien donne son avis a posteriori - cf. *son* avis sur la chute de Frodo : En Arda comme en notre monde, chacun en fait reste libre de faire sa lecture de certaines choses.
On peut d'ailleurs distinguer au sein du Conte ces deux approches : Celle privilégiant la dimension de punition divine ; elle est celle des Atani, mais souvent le coeur ou l'esprit assombri dans les brumes d'Arda Marred. Celle privilégiant la dimension de résultat de la dégradation du Monde ; elle celle des Eldar qui lisent toute l'histoire d'Arda par rapport au Marring causé par Melkor, et ses conséquences, en se référant à l'état d'origine Unmarred ...
De fait, pourquoi alors vouloir, là où je lisais prosaïquement une punition d'Eru pour "apprendre" à ces enfants, y lire aussi -- ou plutôt -- "Je suis la Source de la vie ; maintenant coupés de moi, de fait, la vie va vous échapper ; vous (ne) comprendrez (que) quand vous (re)viendrez à moi" -- soit libérer la mort de l'intercession divine? Est-ce à dire qu'il y aurait, à voir en Eru/Dieu aussi un punisseur, quelque fondement peu orthodoxe? Qu'il y aurait là quelque chose de suffisamment choquant pour suggérer une autre lecture, nettement moins évidente?
Cf. plus haut ; je n'ai pas été choqué ; je lis juste une chose différente :)
C’est, me semblait-il, un des principes de Dieu que la mort soit la punition du péché (Romains 6:23) -- et il m'aurait semblé en particulier que cela concernait aussi la "première mort" (et non uniquement la "seconde mort", définitive, lors du Jugement Dernier, Apocalypse 2:11, 20:6). [...]
NB : De mémoire dans Romains 6, si Saint Paul parle bien de "la faute d'un seul homme", je n'ai nul souvenir de "punition divine" ... la nuance est subtile mais elle fait écho à notre divergence de lecture de l'Adanel.
[...] Mais au final, quelle importance? Ce long détour ne nous éclaire pas vraiment, et une position en faveur ou en défaveur de la punition ne me paraît pas, au demeurant, modifier substantiellement la valeur des choses.
Qui sait ? ... mais, au demeurant, personne ne l'a prétendu :)
Quant à l'objection finale, sur une confusion possible entre mort et vie raccourcie ("shortened"), allons bon! La question primordiale du récit d'Adanel est bien la perte d'une immortalité au sens elfique (limitée en Arda) [...]
Je ne crois pas. Cf. mon à propos sur la mort et l'immortalité ; d'ailleurs Andreth elle-même, lorsque Finrod lui demande si l'immortalité à laquelle les Sages parmi les Hommes font référence est celle des Elfes, elle répond ... qu'elle se moque du destin des Elfes : "nous n'étions destinés à mourir d'aucune manière, point !" assène-t-elle, mais plus loin, lorsqu'elle réalise que les Elfes sont destinés eux aussi à une Fin, elle va s'en écarter :
'by that, my lord, we meant: born to life everlasting, without any shadow of any end.'
Athrabeth
... contrairement aux Elfes. C'est d'ailleurs à partir de ce moment, lorsque les deux "immortalités" ne sont plus confondues, que Finrod et Andreth vont pouvoir concilier leurs savoirs et aboutir à *une* conception de ce qu'était peut-être l'état originel des Hommes.
Jérôme
qui te remercie des grelots :)
et garde son étoile :)
(*) Les lectures "en collier" des Ecritures sont habituelles chez les chrétiens et beaucoup chez les juifs dont les rabbins écrivent des tas et des tas de commentaires [les misdrashs ?] sur les textes de la Bible à partir de ... ce qui n'est pas écrit dans la Bible ...
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Roooh, par ma barbichette, Shno, tu peux pas v'nir jaser icitte, en c'te terre d'Eru(-)dition comme ça, non mais, en appelant le Prof Tolkien par son ptit nom affectueux d'Toto comme nous autres on a l'habitude de l'faire d'l'autre côté de la Belleguerre, sur l'île. Si fait qu'icitte, faut même pas dire "Prof" non plus, ni causer sur ses histoires d'elfes, l'ami. Non pas, c'est Saint Père Tolkien et son Légendaire du Conte d'Arda, et note bien les majuscules, toi qui sait lire. Parlant d'lire, et conséquemment d'écrire, faut que j'te dise les usages: tu peux pas non plus colorer ta jactance avec des mots grossiers, comme un campagnard à peine débarqué d'son îlot. Mais tu peux colorer tes mots, si ça t'chante -- c'est comme ça qu'on fait icitte aussi (avec des vraies couleurs, j'm'entends) -- et faire des appartés en ptits caractères, ainsi que j'm'y emploie à c't'instant même... T'aurais pu dire qu'Untel est un coquin, plutôt qu'user d'mots moins gracieux sous la langue, sans offusquer personne tu t'serais même offert une rime avec son nom... Palsambleu, r'garde où tu m'enmènes avec ça, alors qu'j'avais des trucs intelligents à dire avant d'aller distribuer ailleurs ma cargaison d'bonnets à grelots, et qu'maintenant ils se sont tous enfuis de ma maudite caboche de lézard. Si c'est pas malheureux c't'histoire.
prout.
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Merci à Yyr pour ce soutien que j'apprecie bien...
au moins quelqu'un
qui ne prend pas le Docteur angelique pour un con,
et qui refuse le rire sarcastique et grinçant de notre ami dragon....
Enfin voilà...
Ah oui j'oubliais,
pour la dernière réponse de Yyr à Didier, je répondrais....
idem
Jb
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Celui qui siège dans les cieux rit, Le Seigneur se moque d'eux.
Psaumes 2
Pourquoi faut-il qu'en lisant Cynewulf j'aie toujours le sentiment d'une vaste incompréhension bornée (ceci dit avec désarroi en toute sincérité, sans volonté d'offenser)...
Mon rire, sur ce fuseau, "sarcastique et grinçant"? Facétieux, très certainement, par plaisir du jeu, mais sans perdre pour autant à l'envie de comprendre et apprendre... un rien narquois, peut-être, mais sans méchanceté aucune. Et d'un rire content, aussi, de lire l'avis de Yyr sur ces sujets qui, quelle que soient les formes que nous leurs donnons -- et l'allure des sourires que nous esquissons -- sont intéressants à débattre. Me voilà presque vexé si d'aucuns y voient des sarcasmes ("ironie amère et insultante", Littré)... :-(
Quant à prendre le "Docteur angélique" (j'avoue que la dénomination me hérisse un peu le poil) pour ceci ou cela, c'est un autre débat -- Je ne t'ai pas vu d'ailleurs argumenter en faveur ou en défaveur du point que tu avançais initialement, ce qui m'étonne un peu... Enfin... Pour ma part, autant je peux apprécier la rigueur de Thomas d'Aquin, autant je ne me sens pas contraint de la tenir pour dogme. Évidemment, si en disant cela je me range dans le clan jrrvfien des Blasphémateurs... Bah, qu'il en soit ainsi alors... :-(
Didier
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Allons allons ...
Gardons que cet échange ne fut pas sans édification pour chacun, loin de là, et que pour nous aussi, humbles Atani, il intègre notre apprentissage de l'Autre - cf. Proverbes 27.17 cités par Shnogul.
Jérôme
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Jérôme :)
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