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voilà une bonne conclusion à tous ces débats, et je trouve que c'est une bonne façon de tirer au clair à la fois l'horreur qu'exprime Tolkien de la guerre, et son aspect héroïque.
j'ajouterai qu'en plus de cette vision psychologique, il en est une plus simplement littéraire tirée de ses sources d'inspiration, et qu'il ne faut justement pas négliger cet aspect littéraire quand nous parlons avantout d'une oeuvre... littéraire (et non d'un essai ou d'un témoignage).
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Très très bon, MJ! J'ai bien envie de t'embrasser!! :-***
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Bonjour à tous, je vous salue bien bas à l'occasion de mon premier message en ces augustes lieux, desquels j'espère avoir l'occasion de me montrer digne.
Après avoir rattrapé ce débat, il me semble que l'on peut insister sur quelques points relatifs à la question des armes, ou plus largement du fait militaire chez Tolkien.
Lorsque l'on évoque le sujet sous l'angle du militarisme, on fait aussitôt appel à une idéologie (comme souvent avec les -ismes) et donc à une vision du monde qui prônerait la voie des armes comme un "bien", ou du moins comme un but valorisable. Silmo le soulignait d'ailleurs, mais comme le flot a bien coulé depuis, j'ai pensé bon de le rappeler.
Or, pour bien des raisons qui ont été évoquées ci-avant, Tolkien s'il présente un monde en guerre ne valorise jamais celle-ci : les héros constatent sa noirceur, la déplorent, conduisent des luttes défensives.
Je choisis donc de m'orienter sur le volet du fait militaire dans les oeuvres de Tolkien, et dès lors ressort tout ce volet de l'oeuvre qui véhicule les valeur évoquées comme corrolaires de la guerre. Mais la guerre me semble surtout un moyen littéraire pour les mettre en valeur.
Par exemple, si l'on s'intéresse au fait guerrier, on constate que la fin du "champion hors des lignes" tel qu'on le rencontre dans l'Ilade intervient avec l'arrivée de l'arme à feu, qui peu à peu professionalise et discipline les armées. Or chez Tolkien, point de poudre, innovation qui symbolise la fin du combat des chevaliers. Cependant, à Helm's Deep, les orcs de Saruman utilisent une magie pour fendre le mur qui évoque une explosion de poudre. On note là une occurence du rejet de Tolkien pour le monde où technique devient synonyme de progrès.
La guerre est aussi l'occasion de mettre en scène la figure du guerrier valeureux, sorte de parangon du chevalier, à la fois fort et vaillant, qui lutte pour défendre ce qu'il aime. D'ailleurs, il ne semble pas inintéressant de faire un détour par la pensée Grecque et la notion de Vertu. La vertu est le juste milieu, ou proportion en toute chose. A ce titre, la force est vertueuse, son excès est la violence, et sa carrence la faiblesse. Il est intéressant de constater que les guerriers "bons" chez Tolkien sont généralement forts, car ils combattent l'envahisseur de toute leur force aux armes, mais jamais violents (cf la clémence des rohirrim à l'égard de ceux du pays de Dûn). A l'inverse, le fait de ne pas avoir combattu, ou de rester cacher serait de la faiblesse : le Gondor est un rempart qui a permis d'entraver Sauron, de même l'armée de Lorien a livré un combat salvateur apprend-t-on plus tard, etc...
En outre, et du strict point de vue du style, j'ai remarqué qu'il y avait dans l'écriture de Tolkien un plaisir certain à décrire les batailles. Que ce soit dans le SdA, ou dans les contes et légendes inachevés, on trouve plusieurs descriptions très précises, avec les différentes phases, les formations adoptées par les armées, etc... C'est particulièrement flagrant dans les contes et légendes inachevés du troisème âge (le désastre du champ d'Iris et la bataille des gués de l'Isen). Cela n'est pas à proprement parler militariste, car je n'y vois pas d'idéologie des armes, mais témoigne d'un intérêt de Tolkien pour les batailles, qu'il ne résume pas à un pugilat sanglant. L'intelligence, la tactique, l'esthétique y ont leur part, même si le final est toujours amer.
Et enfin, juste un petit détour par la courtoisie, que Isengar n'associait pas aux vertus guerrières. La coutoisie, c'est la geste de cour, celle des chevaliers de Chrétien de Troyes, qui accomplissent mille prouesses pour leurs dames. Et bien souvent - pour ne pas dire tout le temps - ces prouesses sont de nature guerrière. Elles n'ont rien de militaire, car elles exaltent la prouesse individuelle d'un homme pour sa dame, mais sont bien guerrières.
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D'autre part, je voudrais m'autoriser un détour par une vision du combat qui n'a pas pu influencer Tolkien, mais qui me semble intéressante appréhender le fait guerrier.
Dans la littérature japonaise, et en particulier dans le manga (genre japonais que je connais le mieux) le combat est certes une explosion de violence qui laisse des dommages colatéraux, mais s'il est déploré pour son aspect destructeur et la souffrance qu'il implique, il ne porte pas de connotation aussi négative qu'il peut en avoir dans l'imaginaire occidental du XXe siècle. La violence y est présente, mais non condamnée en tant que telle, car elle participe de l'ordre du monde.
Le combat, s'il est omniprésent dans un grand nombre de mangas, n'est jamais une finalité en soi. Il est le prétexte qui sert pour montrer les conflits intérieurs qui se soulèvent chez les protagonistes. L'issue du combat n'est d'ailleurs pas liée à un rapport de force du premier degré. Celui qui est le plus fort et qui l'emporte est celui qui est parvenu au plus grand degré de connaissance de lui-même et de l'univers, et non pas celui qui possède la force brute ou apparente.
Dans l'oeuvre de Tolkien, si on regarde le combat unique qui régit (au sens héraclitéen de l'expression) toute l'oeuvre, c'est à dire l'affrontement du bien et du mal - où les diverses guerres des trois âges ne sont que les diverses phases d'un combat étiré dans le temps - alors on s'aperçoit que les combats sont des prétextes pour illustrer les conflits intérieurs des protagonistes.
Les forces du mal sont éludées par Tolkien, elles apparaissent comme un tout noir et uni, toujours ruisselant de puissance.
A l'inverse, selon les époques, elfes, nains et hommes, alliés ou séparément, triomphent ou perdent non à cause de leur force apparente. Jamais une invention du type étrier, arc, arbalète, ni un rapport de forces démographique pour décider de l'issue d'une guerre (alors que si on regarde l'histoire de la domination militaire, elle est souvent liée à ces faits). L'issue du combat réside dans le fait que les forces du bien ont été plus ou moins fidèles à leurs serments, orgueilleuses ou humbles, téméraires ou bien préparées, trahies ou secourrues contre toute attente, etc...
Le combat chez Tolkien n'est pas à proprement parler l'illustration de la progression du conatus de ses participants (quoi qu'on puisse le considérer dans une certaine mesure), mais il est comme dans le manga, le prétexte à l'illustration d'autre chose qu'un fait d'armes. En l'occurence la promotion de valeurs morales.
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Bonjour à tous (ça fait longtemps que je ne m’étais pas exprimé ici ; que d’émotions)
Afin de ne pas faire trop long je présenterai mes propos sous plusieurs points :
MILITARISME : J’avoue le terme choquant car, pour des raisons déjà évoquées ici, il est particulièrement inadapté, de par son « anachronISME, à l’œuvre de l’auteur. Tolkien a décidé d’écrire une œuvre à forte connotation épique : C’est l’épopée de son pays qu’il est sensé raconté, du moins l’idée reste sous-jacente de ses propos. Il est donc obligé d’employer tous les procédés littéraires (combats, charge épique (=hippique ?) …) qui le lui permette. Y voir un attrait pour la chose militaire serait pour moi lui faire un procès d’intention qu’on pourrait faire à tous auteurs voulant écrire des romans s’appuyant sur des faits historiques ayant influencés la politique du moment. Bref, désolé mais j’ai du mal à y voir autre chose qu’un non-sens (voir la suite de mes propos).
INOVATIONS TECHNOLOGIQUES Les innovations technologiques, y compris celles qui permettent d’emporter la victoire, sont bien présentes chez Tolkien : Les Dragons sont présentés comme tels. Les flammes de la bataille de « la flamme subite » le sont également. Dans sa description de la première bataille d’Arda, où il narre comment Thingol vient au secours des elfes du pays des sept rivières, il est clairement dit que son armée était armée d’armes en acier fabriquées par les nains, tandis que les pauvres elfes verts ne pouvaient résister au fer des orcs. L’influence technologique sur les combats est bien prise en compte. C’est également grâce à leur avance technologique dans le domaine des constructions maritimes que les numénoréens peuvent assurer leur suprématie navale. C’est aussi la volonté et leur capacité d’évolution technique des gobelins qui les rends si « mauvais ».
Mais si au final, ce phénomène n’est pas mis particulièrement en avant par Tolkien dans ses récits, c’est tout simplement que ce n’est pas son but. C’est juste un « outil » pour rendre crédibles ses propos, mais son objectif est ailleurs.
LE SOUFFLE EPIQUE Il n’en reste pas moins que les batailles sont palpitantes. La cavalcade des Rohirim sur les champs du Pellanor est exceptionnelle du point de vu de la charge émotive qu’elle véhicule. C’est littéralement obligatoire s’il veut nous faire ressentir la force est la puissance du bien. Mais il prend bien soin de nous mettre en garde contre cet élan épique qu’il utilise avec brio (qui n’a pas eu envie de participer à la charge aux côté de Théoden ?). En effet, l’insertion du personnage d’Eowin permet de mettre en valeur la dérive du sentiment guerrier quand il n’est plus soumis qu’à lui même et qu’il ne s’appui plus sur des valeurs morales éloignées du domaine militariste (fidélité, droiture morale…). Bref, après réflexion, il me paraît évident que si Tolkien doit être quelques choses, c’est bien Anti-militariste. Mais là encore, je ne crois pas qu’il faut voir cette expression au sens que l’on entendu les Hippies ou le mouvement Peace and Love. Voilà, ce sera tout pour une reprise. A plus, en espérant ne pas avoir était trop pénible. Stéphane
En revanche, à la lecture de son œuvre, les batailles, loin de stigmatiser un quelconque élan guerrier, lui permettent de mettre en avant son anti-militarisme : En effet, toutes les guerres sont présentés comme inutiles : Sans rédemption, les Noldor ne peuvent pas gagner contre Morgoth. Quant à la victoire contre Sauron et le mal en général, elle ne peut pas être sur le plan militaire. Au contraire, cet aspect de la lutte contre le mal est foncièrement inutile et sans avenir (mais reste le plus spectaculaire).
Même quand la victoire sourit aux « bons » ce n’est que pour permettre au mal de sourde à nouveau de façon plus pernicieuse que précédemment : La victoire de la grande alliance (fin second age) est avant tout une défaite de par la vanité d’Isildur qui pense rivaliser avec les pouvoirs de Sauron en espérant contrôler l’anneau. En aucune manière, l’action militaire chez Tolkien conduit au bien être des populations d’Arda. Ce n’est qu’un pis-allé stérile auquel les forces du bien sont confrontées malgré elles. Dès que la puissance militaire des forces du bien est employée de manière offensive, ce n’est que pour exprimer la vanité et la perdition morale de leurs dirigeants qui les conduira tôt ou tard à l’échec irrémédiable (Cf Numénor qui sombre dans le doute à partir du moment où ses dirigeants utilisent leur pouvoir militaire pour assouvir une soif de puissance).
LA BATAILLE DU CHAMP DES IRIS La description des deux batailles citées par Pierre de la Lune ne sont pas non plus le témoignage de cette attrait.
En effet, l’unique endroit dans toute son œuvre où Tolkien s’attache à décrire le fonctionnement et la tactique d’une unité militaire concerne l’une d’entre elle : celle du champ des Iris. Or, le développement tactique de cette bataille ne lui sert qu’à une seule et unique chose : justifier l’étymologie des noms des tactiques employées. En effet, à la lecture des notes du texte, on s’aperçoit quels détails il apporte à justifier l’origine de ces appellations. Effort beaucoup plus important que celui qu’il met à rendre crédible la tactique militaire elle-même. La façon même de relater les faits ne lui appartient pas. Il s’agit vraisemblablement d’une résurgence de ses études classiques puisque le texte reprend le ton et la façon dont Polybe décrit l’action des armées romaines. Tolkien change « seulement » le contenu afin de rendre ses tactiques plus proche de l’époque historique à laquelle il veut rattacher les numénoréens. Il faut voir cette bataille comme un essai dont le but principale et pour lui d’introduire de nouveau termes dans sa longue liste des langues inventées. Et on continu à y rencontrer l’idée que le combat est perdu d’avance de part la faute d’Isildur. Cela n’empêche pas de mettre en avant la force « naturelle » des numénoréens qui résistent jusqu’au dernier ; tels les 300 spartiates de Léonidas, mais avec un but beaucoup plus futile que celui de sauver l’humanité.
Pour moi, le point de vu de Tolkien vis à vis de la chose militaire serait contenu dans une phrase du style : « Faire la guerre est inutile et ne mène certainement pas à l’objectif que l’on veut atteindre, mais lorsqu’on est confronté au combat, il faut combattre avec panache, non que cela soit de l’ordre du devoir, quoique, mais seulement du respect envers les personnes de ton entourage, par soucis de loyauté et par vigilance à l’encontre de la perversion morale ».
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Bonjour à tous et salutations à chacun ! Je suis peut-être connu de certains d'entre vous et j'ai posté hier sans m'être présenté. J'espère avoir pallié à ce manque de correction.
Dire que Tolkien est antimilitariste me semble malgré tout un peu exagéré. Tolkien est un homme de son temps, il a vécu deux guerres mondiales et son oeuvre, sans être complaisant pour le fait guerrier, semble voir en lui une forme d'aboutissement, de déniaisement, en fait.
J'entends par là qu'aucun membre de la communauté n'a pu se tenir à l'écart de la guerre et qu'ils s'y sont tous compromis, si le terme peut être admis. Tolkien montre plutôt comment le devoir pousse des êtres insignifiants et pacifiques à se sublimer dans la lutte, qu'elle soit contre un individu.
Le moteur humain principal du livre est la fraternité, la camaraderie. L'atonie des histoires de coeur dénote au point que Tolkien ait été critiqué et jugé misogyne. Or cette apologie de la communion des frères d'armes est un trait typique des vétérans de la première guerre mondiale. Rappelons-nous des idéaux hélas issus de cette période, de la puissance des cercles d'anciens combattants dans tous les pays belligérants et de l'esprit si particulier qui était le point commun de tous revenus de cet enfer. Si la guerre est sale, elle peut être juste et magnifier les relations humaines. Elle contient des heures enivrantes (les charges diverses et les heures de gloire) et des périodes sombres (les heures de doute et d'échec).
Le cas le plus typique est la bataille des cinq armées. Juste avant l'arrivée des Orques, des Chauve-souris et des Loups, les armées humaines et elfiques allaient se heurter aux forces de Daïn pour le trésor des Nains. Cet épisode aurait été tragique, des forces du Bien se battant pour des questions éthiquement peu crédibles. Par contre, la lutte contre le Mal, elle, se justifie d'elle-même.
Je pense que Tolkien ne rejetait pas la guerre non plus qu'il ne l'ensençait. Elle pouvait être mal nécessaire et une expérience humaine enrichissante par elle-même. Mais si le droit néglige la force, la force se passera du droit. Tout un chacun doit se tenir prêt.
Un autre cas d'école est la campagne qui brisa Arthedain et Angmar. Lorsqu'Eärnur accoste, les arthedain voient son détachement comme une armée fantastique, alors qu'elle n'est qu'une partie congrue, assez petite pour être distraite des forts frontaliers sans risquer d'attiser l'intérêt des voisins envahissants. A l'image de l'Arthedain somnolent, indolent et par trop théorique s'oppose l'image d'un Gondor prêt à l'initiative et à l'action. La guerre doit être envisagée comme un moyen de se prémunir d'un péril, comme une extrémité mais une extrémité envisageable si le besoin s'en fait sentir. En cela, dire que Tolkien est antimilitariste me semble un avis trop prononcé.
Voilà mon avis...
Que vos barbes poussent toujours plus longues !
Thorïn II Ecu-de-Chêne, Roi Sous la Montagne
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Salut Thorin !
Et bienvenue sur JRRVF.
Puissions-nous te lire souvent, comme dirait le patron ;o)
Mwarf ! le "Tout-Num" se donne rendez-vous sur JRRVF !
Recherche de crédibilité ?
Envie d'authenticité ?
Lassitude des joutes oratoires de cour de récréation ?
A la recherche de TB, dont on dit qu'il passerait de temps en temps par ici ?
A la recherche de l'Akkalabeth ?
Fuite éperdue devant la crétinerie pro-jacksonienne ambiante ou face à l'implacable elbakinisation insidieuse des abysses numénoréennes ?
*je plaisante !* ;o)
I.
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