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`I will take the Ring,' he said, `though I do not know the way.' [FR§5]
Comprenons bien où nous sommes arrivés : il est apparu chaque mot du paragraphe révisé de Tolkien favorise une lecture religieuse du passage, devenant un des textes pivots pour une interprétation théologique de l’œuvre. Il serait aberrant, à ce stade, que la description d’un Frodon " étonnée d’entendre ses propres mots, comme si une autre volonté se servît de sa petite voix ", placée au cœur même du texte, relève d’une autre grille d’interprétation.
Surtout lorsque nombre de références bibliques viennent éclairer cette scène ! !
En particulier, un verset que j’avais volontairement caché ci-dessus mais que je présente maintenant, dans un texte clef 1) pour comprendre la théologie de l’abandon à la volonté divine qui sous-tend la phrase de Tolkien et 2) pour justifier à nouveau, si cela était encore nécessaire, le caractère christique de Frodon : il s’agit de la prière touchante de Jésus à son Père dans le jardin de Gethsémani [Luc 22 :39-46] :
(39) Après être sorti, il alla, selon sa coutume, à la montagne des Oliviers. Ses disciples le suivirent.
(40) Lorsqu'il fut arrivé dans ce lieu, il leur dit : ‘Priez, afin que vous ne tombiez pas en tentation.’
(41) Puis il s'éloigna d'eux à la distance d'environ un jet de pierre, et, s'étant mis à genoux, il pria,
(42) disant : " Père, si tu voulais éloigner de moi cette coupe! Toutefois, que ma volonté ne se fasse pas, mais la tienne. "
= (42) saying, "Father, if Thou be willing, remove this cup from Me; nevertheless not My will, but Thine be done."
(43) Alors un ange lui apparut du ciel, pour le fortifier.
(44) Étant en agonie, il priait plus instamment, et sa sueur devint comme des grumeaux de sang, qui tombaient à terre. (45) Après avoir prié, il se leva, et vint vers les disciples, qu'il trouva endormis de tristesse, et il leur dit : ‘Pourquoi dormez-vous? Levez-vous et priez, afin que vous ne tombiez pas en tentation.’
Cf. aussi le verset parallèle [Mt 26:42]. Le passage parallèle en Marc ne comporte pas cette mention explicite de l’abandon de la volonté de Jésus devant la volonté de Dieu, mais il contient une conclusion complémentaire de celle de Luc [Marc 14:41]:
(41) Il revint pour la troisième fois, et leur dit : " Dormez maintenant, et reposez-vous! C'est assez! L'heure est venue {the hour is come}; voici, le Fils de l'homme est livré aux mains des pécheurs. "
Et quelle surprise ;-), nous retrouvons le thème de " l’heure " !
La prière de Jésus à Gethsémani est donc le moment où :
1) il est tenté de conserver sa vie, de s’occuper un peu de lui plutôt que du salut des autres (cf. le " désir irrésistible de se reposer… " )
2) il prend la décision difficile d’aller " jusqu’au bout " de sa mission, (cf. le " cette tâche vous est dévolue ")
3) pour se faire, il abandonne sa volonté à celle de Dieu (cf. le " comme si une autre volonté ")
4) il comprend que " l’heure est venue " (cf. le " c’est maintenant l’heure ")
Ces quatre thèmes se trouvent dans les deux derniers paragraphes du Conseil d’Elrond, ils contiennent sur une seule page (p.299-300) !
Oui, Frodon est une figure de Jésus : le Jésus qui se donne pour ses amis, celui qui fait passer la volonté de Dieu avant la sienne.
Et se plier à la volonté de Dieu, c’est prononcer les mots qu’il nous inspire [Job 23:12] :
(12) Je n'ai pas abandonné les commandements de ses lèvres; J'ai fait plier ma volonté aux paroles de sa bouche.
C’est accepter d’être un canal pour lui car [2P 1:21] :
(21) Car ce n'est pas par une volonté d'homme qu'une prophétie a jamais été apportée, mais c'est poussés [ou portés] par le Saint-Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu.
L’ancien testament a une expression caractéristique belle et fréquente pour illustrer l’action de Dieu qui inspire, qui " enthousiasme " son élu (il s’agit d’un thème caractéristique de la révélation) :
Ex 4:15 : et moi [Dieu], je serai avec ta bouche [celle de Moïse] et avec sa bouche [celle d’Aaron], et je vous enseignerai ce que vous aurez à faire.
Nb 22:38 : Balaam dit à Balak, Voici, je suis venu vers toi; maintenant, me sera -t-il permis de dire quoi que ce soit? Je dirai les paroles que Dieu mettra dans ma bouche
Nb 23:5 : L'Eternel mit des paroles dans la bouche de Balaam, et dit, Retourne vers Balak, et tu parleras ainsi.
Nb 23:12 : Il répondit, et dit, N'aurai-je pas soin de dire ce que l'Eternel met dans ma bouche?
Nb 23:16 : L'Eternel vint au-devant de Balaam; il mit des paroles dans sa bouche, et dit, Retourne vers Balak, et tu parleras ainsi.
Dt 18:18 : Je leur susciterai du milieu de leurs frères un prophète comme toi, je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui commanderai.
Es 51:16 : Je mets mes paroles dans ta bouche, Et je te couvre de l'ombre de ma main, Pour étendre de nouveaux cieux et fonder une nouvelle terre, Et pour dire à Sion, Tu es mon peuple !
Es 59:21 : Voici mon alliance avec eux, dit l'Eternel, Mon Esprit, qui repose sur toi, Et mes paroles, que j'ai mises dans ta bouche, Ne se retireront point de ta bouche, ni de la bouche de tes enfants, Ni de la bouche des enfants de tes enfants, Dit l'Eternel, dès maintenant et à jamais.
Jr 1:9 : Puis l'Eternel étendit sa main, et toucha ma bouche; et l'Eternel me dit, Voici, je mets mes paroles dans ta bouche.
Jr 5:14 : C'est pourquoi ainsi parle l'Eternel, le Dieu des armées, Parce que vous avez dit cela, Voici, je veux que ma parole dans ta bouche soit du feu, Et ce peuple du bois, et que ce feu les consume.
Transposant ce thème à notre texte, il vient qu’Eru peut très bien placer des mots dans la bouche de son élu une fois que ce dernier accepte d’être l’instrument de sa volonté.
Nous pourrions nous arrêter là, mais, à y être, confirmons l’importance de la suprématie de la volonté de Dieu dans la vie de Jésus avec ces deux versets de Jean [Jn 5:30, 6 :38] :
(5:30) Je ne puis rien faire de moi-même, d'après ce que j'entends, je juge; et mon jugement est juste, parce que je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé.
(6:38) car je suis descendu du ciel pour faire, non ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé.
Ces deux versets nous ramène au thème de l’élection, et le même évangile lie ce thème de l’élection à celui de l’écoute [Jn 8:26] :
(26) J'ai beaucoup de choses à dire de vous et à juger en vous; mais celui qui m'a envoyé est vrai, et ce que
j'ai entendu de lui, je le dis au monde.
Deux thèmes qui sont liés à leur tour à celui de la Voix divine que peux entendre son élu [5:37] :
(37) Et le Père qui m'a envoyé a rendu lui-même témoignage de moi. Vous n'avez jamais entendu sa voix, vous n'avez point vu sa face,
La voix divine…elle est présente dans La Communauté de l’Anneau ; il s’agit, à mon sens, selon la grille intertextuelle que je propose, de la mention la plus ‘claire’ d’Eru dans l’univers du Seigneur des Anneaux.
Pour cela, il faut nous projeter au moment du troisième ‘grand’ choix de Frodon (le premier étant d’accepter de ‘sauver la Comté’ [I.2], le second étant celui qui nous concerne [II.2]) :
Il passa sur les ponts ruinés d'Osgiliath, sur les portes grimaçantes de Minas Morgul et sur les montagnes hantées, pour contempler Gorgoroth, la vallée de Terreur au Pays de Mordor. Les ténèbres s'étendaient là sous le soleil. Le feu rougeoyait parmi la fumée. La Montagne du Destin brûlait et une grande vapeur s'élevait. (…) Tout espoir l’abandonna.
Et, soudain, il sentit l’œil. Il y avait dans la Tour ténébreuse un œil qui ne dormait pas. (…) Il y avait là une volonté ardente et féroce. Elle bondit vers lui ; il la sentit presque comme un doigt qui le cherchait. (…)
Il s'entendit crier: Jamais, jamais! Ou était-ce: Vraiment je viens, je viens à vous? Il ne pouvait le dire. Puis, comme un éclair venu de quelque autre pointe de pouvoir, se présenta [à son esprit] une autre pensée: Retire-le! Retire-le! Insensé, retire-le! Retire l'Anneau!
Les deux pouvoirs luttèrent en lui. Durant un moment, en parfait équilibre entre leurs pointes perçantes, il se crispa, torturé. Mais il reprit soudain conscience de lui-même. Frodon, ni la Voix ni l'œil : libre de choisir, avec un seul instant pour le faire. Il retira l'Anneau de son doigt. Il était agenouillé dans le clair soleil devant le haut siège. Une ombre noire sembla passer comme un bras au-dessus de lui; elle manqua Amon Hen, chercha un peu à l'ouest, et s'évanouit. Alors, tout le ciel fut pur et bleu, et les oiseaux chantèrent dans tous les arbres.
[II.X, p.437-8 (531-2) {391-2}]
De cet endroit élevé, vous pouvez contempler les deux pouvoirs qui s'opposent l'un à l'autre; et toujours ils luttent par la pensée à présent; mais alors que la lumière perçoit le cœur même des ténèbres, son propre secret n'a pas été découvert. Pas encore.
[II.6, p.384 (466){342-3}]
Les ‘deux pouvoirs’ sont nommés en deux occasion seulement ; mais à chacune de ces occasion il est précisé qu’ils ‘s’opposent’ et que cette opposition est une opposition spirituelle puisque la lutte se déroule au niveau de la pensée : " and ever they strive now in thought " (p.384).
À Sauron est associé l’œil : Sauron est celui qui impose sa domination par une présence physique puissante, on ne peut ignorer son action car elle est visible (d’où l’association non seulement à l’œil mais aussi à des membres physiques comme " un doigt " ou " un bras ").
À Eru est associé la Voix, l’invisible, le non palpable, car Eru demande à être suivi sans être vu : Eru agit, et son moyen d’action n’est pas sa toute puissance mais bien sa Voix, qu’elle soit un silence, ‘murmure doux et léger’, un rêve ou une pensée plus violente lorsqu’il s’agit d’un cri d’alarme (" Insensé, retire-le ! retire l’Anneau !").
Ici, la Voix s’impose, et, pour la première fois, Frodon est conscient de sa présence. C’est que le danger est énorme : Frodon est sur le point de se laisser séduire par le Mal (cf. " Vraiment je viens, je viens à vous ? "). Alors Eru impose, violemment, une pensée qui rappelle la réalité du danger, il fait fuir Sauron qui ne demande qu’à tenter Frodon, et ce dernier est " libre de choisir ". Mais notez que pour choisir librement il n’a qu’ " un seul instant pour le faire ". Voilà le libre arbitre chrétien : choisir au bon moment, ne pas laisser passer l’occasion (les occasions en fait) de saisir le Salut.
On dira que cette Voix puissante est trop différente de la ‘petite voix’ du Conseil d’Elrond pour appartenir à la même personne. C’est oublier que " Dieu parle tantôt d’une manière et tantôt d’une autre, [et l’on n’y prend point garde] " [Job 33:14] !
Car si la Voix de Dieu peut être puissante et terrible (cf. p.ex. [Éz 10:5] qui évoque " la voix du Dieu Tout-Puissant lorsqu'il parle ", ou [Job 37:5, 40:9] pou qui " Dieu tonne avec sa voix d'une manière merveilleuse ", sans parler du peuple d’Israël qui ne veut plus entendre Dieu lui parler parce qu’il en a peur [Dt 18:16] !), on l’a vu, elle peut devenir, selon les circonstances, " comme un silence fin ", quasiment inaudible, si ce n’est à celui qui a l’oreille exercée, à celui qui veut entendre [1R 19:12-13] :
(12) Et après le tremblement de terre, un feu, l'Eternel n'était pas dans le feu. Et après le feu, un murmure doux et léger.
= (12) And after the earthquake a fire, but the LORD was not in the fire; and after the fire a still small voice.
(13) Quand Elie l'entendit, il s'enveloppa le visage de son manteau, il sortit et se tint à l'entrée de la caverne. Et voici, une voix lui fit entendre ces paroles, Que fais-tu ici, Elie?
= (13) And it was so, when Elijah heard it, that he wrapped his face in his mantle, and went out and stood in the entrance of the cave. And behold, there came a voice unto him and said, "What doest thou here, Elijah?"
La King James Version contenait, depuis le début, la réponse à notre intérrogation initiale : Dieu se révèle à Elie, selon la KJV, ni dans le vent, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu mais dans une … " petite voix " !
Voilà la surprise finale, confirmation définitive d’un Eru qui, ayant élu Frodon parce qu’il avait décelé en lui les qualités et désirs de l’humble serviteur, l’a formé à son écoute, l’inspire au moment favorable, le convainc de se soumettre à sa volonté et de s’engager dans un voie périlleuse pour le salut des siens : la ‘petite voix’ de Frodon qui s’engage est la ‘petite voix’ d’Eru qui l’inspire ! !
(…) Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, N'endurcissez pas vos cœurs.
Hébreux 4:7
Sosryko.
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voilà voilà,
je crois que ce sera tout pour cette nuit
*wewww*
Je vais peut être aller au lit, moi...;-))
S.
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Félicitations pour ce travail magnifique Sosryko, et si je le dis aussi bas, c'est pour ne pas troubler ton sommeil après une nuit qui a dû être blanche.
Vinch'
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Argh !!
je suis passé il y a quelques heures pour lire la sutie de ce fuseau, me promettant de revenir lire en détai lce nouveau travail de sosryko, (le n°1), et voilà t'y pas que quatre heures plus tard il a fini déjà tout son développement !!
Nn mais, comment veux-tu q'on te lise décemment dans des conditions pareilles !!
C'est bien parce que t'y as passé ta nuit à l'écrire que je veux bien y passer la mienne à te lire. (et que j'ai du retard sur cet excellent fuseau).
Bon, flûte, mais merci ! :-)
Vnmr
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Merci Vinchmor ;-))
Mais vous pouvez parlez fort maintenant, je suis bien réveillé, douché, rasé et présentable !
S.
@ Vnmr : désolé de te faire autant plaisir ;-))
'Well, what have you done?' said Frodo, getting impatient with the slow unravelling of Butterbur's thoughts.
I.10 Grands-Pas
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Wow... Qu'ajouter après une telle démonstration....
Avant de tout relire attentivement et de cogiter activement sur ces propos : s'incliner virtuellement bien bas, devant un tel travail et une telle érudition...
Ylem.
Content de voir que tout le monde ne partage pas la lecture (très subjective à mes yeux) de Stonelas et Ylem pour qui la lettre 246 ne serait pas explicite... :-)
Ma lecture est subjective, cher Cirdan ? Mais bien entendu. Comme l'est toute interprétation, aussi bien argumentée qu'elle puisse être. Qu'une réflexion soit subjective n'enlève rien, ni à son intérêt ni à sa valeur. Il est seulement, il me semble, essentiel de ne pas faire passer pour objectif, ce qui est subjectif. (Ceci dit de manière générale, bien sûr. Loin de moi l'idée de tirer la couverture ! Beaucoup de réflexions sur ce forum et d'ailleurs sur les forums du monde entier, sont éminemment subjectives. Cela ne les rend pas moins passionnantes. La richesse ne vient-elle pas, non seulement des argumentations objectives, mais aussi de l'échange des subjectivités ?).
- la formulation adoptée dans cette fameuse phase sur laquelle nous discourons,
- l'apparente absence d'éléments clairs de la part de Tolkien, sur l'intervention d'Eru
rendaient mon hypothèse, ainsi que tout autre, plausibles.
L'extrait de la lettre 246, que tu cites fort à propos, Cathy, bien apporte effectivement un élément, cette fois objectif, fort précieux pour l'avancement du débat.
Amicalement,
Ylem - qui n'aime pas laisser traîner des incompréhensions à son sujet ! (Chacun ses manies !)
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Juste un point, lors de la scène sur Amon Hen, on a :
Il s'entendit crier: Jamais, jamais! Ou était-ce: Vraiment je viens, je viens à vous? Il ne pouvait le dire. Puis, comme un éclair venu de quelque autre pointe de pouvoir, se présenta [à son esprit] une autre pensée: Retire-le! Retire-le! Insensé, retire-le! Retire l'Anneau!
J'ai toujours pensé que l'autre pensée était Gandalf qui parlait à Frodon, en particulier à cause de l'usage du mot insensé, qui me aprait un peu familier pour un Dieu, et qui correspond mieux à la façon dont Gandalf parle aux hobbits (Fool of a took !!)
De plus, lors de sa rencontre avec Aragorn, legolas et Gimli (Le Cavalier Blanc), il dit, en parlant de Frodon :
L'Anneau est maintenant passé au-delà de mes possibilités d'aide, comme de celles d'aucun membre de la Compagnie partie de Fondcombe. Il a bien failli être révélé à l'Ennemi, mais il a échappé. J'ai eu quelque part à ce sauvetage : car je siégeais en un haut lieu et j'ai lutté contre la Tour Sombre; et l'Ombre a passé.
C'est clairement une référence à Amon Hen pour moi, et cela indique bien que c'est Gandalf qui inspire Frodon à ce moment. On a également une explication différente des deux pouvoirs : l'un est bien Sauron, mais l'autre est Gandalf, qui a "lutté contre la tour Sombre"
Dans ton interprétation, Sosryko, tu sembles dire que c'est la voix d'Eru qui parle alors à Frodon, comme lors du choix initial. Penses-tu que ce soit Eru en personne, ou par l'intercession de Gandalf qui mette en garde Frodon ? Comment accordes-tu la phrase de Gandalf dans le tome II avec ton explication ?
Keren, Vengeur Nain
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>Keren :
Justement, Keren, là où tu te trompes, c'est que le mot Insensé/Fool est un mot appartenant au vocabulaire biblique (qui a dit qu'il n'y avait pas de mots 'familiers' dans la Bible?) : il apparaît pas moins de 95 (95!!) fois dans la Bible...et Dieu l'utilse même pour rappeler à l'homme sa folie, dans une parabole rapportée par Jésus [Luc 12:20]:
(20) Mais Dieu lui dit, Insensé! cette nuit même ton âme te sera redemandée; et ce que tu as préparé, pour qui sera-ce?
= (20) But God said unto him, `Thou fool, this night thy soul shall be required of thee. Then whose shall those things be, which thou hast provided?'
Par contre, tu as tout à fait raison lorsque tu estimes que les propos de Gandalf renvoient à l'épisode d'Amon Hen, seulement deux choses :
1) Quant à l'assaut de Frodon par l'Oeil de Sauron sur Amon Hen [II.10], il a lieu le 26 février [AppA, SdA, p.1173], soit 12 jours après la résurrection de Gandalf, devenu Gandalf le Blanc et envoyé de nouveau en TdM par Eru lui-même (cf. dém. ci-dessus).
Gandalf n'est plus désormais un 'simple' ange des Valar, il est devenu l'ange d'Eru, l'équivalent de "l'ange du Seigneur" ou de "l'homme" dans l'AT, lequel a un statut bien particulier dans la Genèse, car ses paroles semblent se confondre avec la voix de Dieu (cf. Genèse, en particulier la visite des trois hommes à Abraham et la lutte de Jacod avec 'l'ange'). Et l'aide de Gandalf à Frodon ressemble encore plus à l'aide de l'Ange auprès de Jésus au Jardin selon Luc. Mais croire que Dieu n'était pas présent au jardin est une erreur...
2) Maintenant, je répète ma position : je suis certain que Tolkien a révisé son texte pour qu'il puisse être lu selon deux niveaux ;
le premier étant le plus manifeste : il s'agit d'un livre qui raconte une histoire, et les lecteurs de ce seul livre peuvent la comprendre et l'apprécier pour sa valeur intrinsèque : il s'agit de la lecture que j'ai qualifiée "d'épique" ; à ce niveau, qu'Eru/Dieu intervienne ou pas n'est pas essentiel, il n'est donc pas nommé au point qu'on pourrait se croire dans un monde sans Dieu. Selon cette lecture, c'est Gandalf qui aide Frodon sur l'Amon Hen.
le second niveau de lecture, plus élaboré n'est pas destiné à être manifeste à la première lecture; il correspond à une lecture religieuse, une interprétation théologique de l'aventure de Frodon. Là Dieu est le principe de toute chose, et si Frodon est une 'figure' de Christ, cela se traduit par des textes qui sont des 'figures' du texte bibliques : tout ne 'cadre' pas, mais l'essentiel est là, car l'inspiration est religieuse. Selon cette grille de lecture, c'est Eru qui aide Frodon sur l'Amon Hen car Dieu, par son Esprit, aide son serviteur ("avec la tentation, il préparera aussi le moyen d'en sortir" [1Co 10:13]).
maintenant, une troisième lecture est possible pour les lecteurs du Silmarillion : il s'agit de la lecture "épique" qui traite Eru comme un personnage, qui intervient très peu, que par archanges (Valars dans le Silm) et anges (Gandalf sur Hamon Hen) interposés, un "bon" personnage dont les "bons" représentants luttent contre le "méchant" Sauron. De cette lecture, l'essentiel de la dimension religieuse ou parabolique (figurative du texte biblique) passe à la trappe devant l'action, ce qui se passe, qui fait quoi (c'est Eru ou Gandalf?), qui dit quoi (la Voix, c'est celle de Gandalf ou d'Eru?). Pour cette lecture, il s'agit de Gandalf qui, grâce à Eru qui l'envoie, sauve Frodon à Hamon Hen.
Mais comprends bien que mon commentaire avait pour but de mettre en évidence essentiellement la deuxième grille de lecture, même si la troisième a tout mon soutien ;-)
S.
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Merci de cette précision Sosryko, je serai moins circonspect avec Dieu au final.
Je doit avouer que tes trois interprétations sont assez convaincantes. Personnellement, j'en étais resté à la 3ème, mais je vais devoir repenser l'histoire selon ton interprétation messianninuqe.
Cela me donnera un nouvel angle de vue à ma prochaine lecture
Keren, Vengeur nain
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Sosryko, je ne saisis pas tout à fait la distinction que tu fais entre premier et troisième niveau. La dimension épique dont tu parles ne procède-t-elle pas de la même logique dans les deux cas ? La différence est qu'en 1, le SDA est vu comme une entité propre et indépendante, tandis qu'en 3, il est mis en perspective avec l'ensemble de l'oeuvre de Tolkien ou en tout cas avec le Silmarillion. Dans un monde avec ou sans Eru/Dieu, la conclusion est la même, si l'on adopte la vision "épique".
De mon humble avis, de nombreuses lectures de l'oeuvre de Tolkien sont possibles, peuvent coexister et parfois se rejoindre, forment un ensemble complexe qui donnent toute sa valeur à celle-ci.
La lecture épique est sans doute la plus évidente.
La lecture religieuse constitue plus que probablement un aspect essentiel. Tolkien lui-même l'a clairement affirmé. Tu en es, Sosryko, un héraut sans égal. (Sur ce terrain, nul ne peut te contester ou alors si peu - en tout cas pas moi !). Ta démonstration comme quoi Tolkien a révisé son texte en vue de lui donner une connotation religieuse, est, me semble-t-il, sans appel.
Toutefois, tout important qu'il est, l'élément religieux n'est pas le seul à guider "notre" écrivain.
Une lecture mythologique a tout aussi sa raison d'être, et d'autres s'y sont déjà employés sur ce forum.
Une lecture psychologique (voire psychanalytique) est tout aussi pertinente - qui s'interrogerait "de l'intérieur", sur le cheminement de chaque personnage, et "de l'extérieur", sur les interactions avec la personnalité de leur créateur.
Lire l'oeuvre en perspective avec le contexte historique (politique, culturel, sociologique,...) dans lequel elle a été écrite, est encore un autre aspect qui me paraît intéressant.
D'autres lectures sont sans doute encore envisageables, auxquelles je n'ai pas pensé.
Une vision dichotomique entre lecture épique et lecture religieuse me paraît un peu réductrice. Mais peut-être ais-je extrapolé tes propos de manière inadéquate ?
Fort heureusement pour nous tous, il est encore beaucoup d'espace, pour permettre l'expression de visions multiples, variées et pertinentes.
Ylem.
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Bien entendu Ylem que d'autres lectures que les 3 que je distingue sont possibles
je ne disais pas qu'il s'agissait des seules lectures possibles, mais bien qu'il s'agissait selon moi des lectures que Tolkien faisait de son oeuvre.
Il aurait (et a) détesté toute lecture situant l'oeuvre dans le contexte historique de son auteur, de même que toute lecture privilégiant la critique des sources (pour trouver là un écho à tel mythe scandinave, là une référence au Conte du Graal, etc...). Je ne dis pas que ces lectures externalistes sont pour autant mauvaises (vu que je les pratique avec délectation; cf l'article sur Bilbo le Hobbit) mais bien que "Tolkien a révisé son texte pour qu'il puisse être lu selon deux niveaux".
je dis bien "deux" niveaux : la 'troisième' lecture n'est rien moins que le premier niveau 'amélioré' par la lecture préalable du Silmarillion.
S.
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Cela fait plusieurs jours que je n’ai pas mis mon nez dans le forum et le jour où je décide de m’y remettre, j’y trouve la suite tant attendue de Sosryko à son post du 03/09 ! Si ce n’est pas le Destin, ça !
Que dire maintenant que tout est accompli ? Qu’ajouter à cette démonstration qui reprend tous les éléments semés dans ce forum pour en faire une si belle moisson ?
Ton grand mérite, Sosryko, fut de reprendre le texte original ainsi que ses corrections et de les mettre en parallèle avec d’autres extraits de la Communauté de l’Anneau : tout devient alors clair et limpide !
Pour ce qui est de ton hypothèse de départ (Frodo préfigure le Christ), nous en avions discuté il y a quelque temps avec Cirdan et Vinyamar dans un fuseau a priori sans rapport avec le sujet de départ (« L’édito n°11 de Semrpini » !). Je crois bien me rappeler que Cirdan faisait le même postulat dans son mémoire dans son maîtrise. Tu viens donc en quelque sorte confirmer cette hypothèse de lecture. Là où je tique un peu, c’est lorsque tu écris :
De plus, il apparaîtra que Frodo, quoiqu'on en dise, n'est pas la figure d'un 'saint' quelconque, mais bien la préfiguration de Christ en Terre-du-Milieu.
Tu fais, je pense, référence à un post de Cédric sur le fuseau « Plaidoyer pour Frodo » où il qualifiait Frodo de saint plutôt que de personnage christique, ce en quoi je le rejoignais. Pemets-moi de te dire, cher Sosryko, qu’aux yeux d’un chrétien, il n’y a pas de saint « quelconque » ! Le saint est lui aussi une figure du Christ et tout chrétien est appelé à être saint c’est-à-dire à ressembler au Christ ! Maintenant que l’on parle de « prophète » ou de « préfigurateur » à propos de Moïse, Josué ou le serviteur souffrant d’Esaïe plutôt que de saint, parce qu’ils ont historiquement précédé le Christ, je le conçois. Mais l’appliquer à Frodo, c’est, il me semble, un peu trop ancrer son histoire dans la nôtre. Je sais que Tolkien l’a laissé entendre en parlant de son récit comme d’une « préhistoire » mais le texte de Tolkien contient une religiosité tellement diffuse que je préfère employer les termes de « saint » voire de « martyr » qui renvoient explicitement au personnage du Christ puisque leurs souffrances sont un écho de sa Passion.
Voilà, c’était juste pour chipoter. Mais rassure-toi, je comprends tout à fait l’esprit de tes remarques et je vais même jusqu’à y souscrire !
Une petite question pour terminer, l’histoire de dormir moins bête ce soir : de quel siècle date la King James Version ? Quel(s) en est(sont) l’(es) auteur(s) ?
Encore une fois, merci pour cette brillante démonstration, Sosryko, ça valait le coup d’attendre !
Dors bien cette nuit ! Fais de beaux rêves…
NIKITA
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> Nikita :
chipoter?
alors chipotons...car je maintiens ;-)
le cheminement de Frodo n'a rien à voir avec celui de Paul, Jacques, Blandine, Augustin, Jérôme, Antoine etc...
La voie qu'à suivi Frodo va au-delà de celle du martyr qui souffre pour sa foi, et qui sauve son âme en acceptant de mourir. La voie du martyr n'est pas celle du Serviteur Souffrant mais celle du 'témoin' (traduction du mot grec qui a donné martyr) qui supporte la violence gratuite.
La voie de Frodo est bien celle de Jésus (mais aussi celle des préfigurateurs comme Moïse, Josué, David ou le Serviteur) qui est une voie de don de soi, une voie de SALUT non pas pour lui, mais POUR LES AUTRES, ceux qu'il aime, ceux qui le suivent.
Maintenant,il n'était absolument pas dans mon intention, tu le penses bien, d'abaisser la valeur exemplaire des saints; à la place de 'quelconque', pour ne choquer personne, j'aurais dû dire 'anonyme', d'autant plus que ça traduit mieux ma pensée.
Je ne critiquais pas les saints vu que j'en ai une vue plus large que la tienne : non seulement "tout chrétien est appelé à être saint c’est-à-dire à ressembler au Christ" mais tout chrétien (le 'vrai', celui qui dans son coeur cherche à suivre Christ et le reconnait comme son sauveur), tout chrétien est considéré comme saint aux yeux de Dieu (parce que bénéficiant du salut acquis à la croix)!
Cf : Ro 15:26.31,16:2.15 - 1Co 6:1.2, 14:33, 16:1.15 - 2Co 1:1, 8:4, 9:1.12, 13:13 - Ep 1:1.4.15.18, 2:19, 3:8.18, 4:12, 5:3, 6:18 - Ph 1:1, 4:21.22 - Col 1:2.4, 3:12.13, 5:10 - Phl 1:5.7 - He 3:1, 6:10, 13:24 - Jude 1:3 - Ap 5:8, 8:3, 11:18, 13:7.10, 14:10.12, 16:6, 17:6, 18:20.24
Une petite question pour terminer, l’histoire de dormir moins bête ce soir : de quel siècle date la King James Version ?
Parce qu'avec tout ce que tu as appris aujourd'hui, ça ne suffit pas? tu es insatiable et vas m'épuiser ! ;-)
54 personnes (même si on ne connaît que 47 noms sur ces 54) divisées en 6 groupes se sont rencontrées à Cambridge, Oxford et Westminster au cours de deux rencontres à chaque fois.
Des indices montrent qu'ils ont commencé de travailler après 1604.
Le premier folio date de 1611.
17 éditions rien que pour les trois premières années.
Entre 1611 et 1640 : 182 éditions!!
la reconnaissance ecclésiastique arrive en 1662.
1628 : impression du NT de la KJV en Ecosse; l'AT+NT suivra en 1633
1714 : édition en Irlande
1752 : édition en Amérique.
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hourra !!!
J'ai fini de te lire Sosryko (et les autres). Que dire d'autre: c'est magistral !
Par la forme de ton étude, tu me redonne goût à l'exégèse. Pouvoir faire appel à autant de référence, comparer les traductions, les textes antérieurs et postérieurs, voici une méthode digne qui me change des extrapolations capillo tractée que l'on trouve parfois en la matière, sans guère d'argumentation. Là, tu impressionnes.
Dans le fond - évidemment le plus important - tu viens de transformer à mes yeux tout le roman et son auteur, pareil à Gandalf révélant le sens de ce qui n'était que vu.
Je trouve que décidemment Tolkien tait un homme fort intelligent. Tes premières études sur le lien aux énigmes le montraient déjà bien, et ici encore, non content de voir en Tolkien un chrétien décidemment bien instruit (le 'décidemment' fais référence à ses écrits dans Home X et certaines lettres), il apparaît ici en génie capable d'offrir en filigramme une lecture différente de la lecture épique.
Je crois, comme toi (parce qu'il l'a dit) que c'est cette lecture qu'il voulait porposer (et non pas la lecture psychanalytique ou autre, c'est sûr, même si elles gardent, éventuellement, de leur pertinance).
Je suis content de retrouver dans ton premier post la référence à la chance chez Tolkien (j'avais presque envie de faire un topo sur le sujet, mais faut du temps et faut tout relire pour ça). Merci d'avoir fait le boulot :-)
Pour commencer, si j'apprécie toutes les références du premier chapitre de ta démonstration, je trouve le lien fait entre Frodon et Getsémani un tout petit peu forcé. Tu t'appuies essentiellement sur la phrase de Gandalf "vous avez tenu jusqu'au bout" pour cela, et je trouve le lien un peu ténu. Glorfindel est certes un envoyé du maître, et là j'accepte le lien: il soigne Frodon puis le laisse aller seul à son destin, sur son cheval. Mais je n'irai pas jusqu'à faire le lien avec l'agonie de Jésus. Frodon veut rester en arrière, et il s'enfuit effectivement pour sauver ses amis, puisque c'est lui le danger, et l'idée du sacrifice est présente. Mais pas cele de l'agonie, si particulière, de Jésus.
Merci pour la lecture si riche que tu a fait du livre, des passages entiers que tu cites m'avaient échappé (quel plaisir vais-je avoir à le relire à présent :-) ) et notamment les songes, que je n'avais jamais compris. (hormis celui de Gandalf et celui de Tol Erresäe).
j'avoue que nous avions discuté quelque part sur ce forum du rêve "envoyé" à Frodon au sujet de l'évasion de Gandalf, et que nous pensions que c'était Gandalf qui avait envoyé ce rêve. Mais en effet, après relecture, il n'en est rien (il est étonné !). Gandalf est pourtant maître des rêves dans son univers.
Bravo pour la remarque sur la cloche de midi. C'est je crois, le passage le plus fantastique que tu mets en relief ! Cela transforme le récit et ouvre les yeux. Certains prétendent que les études trop poussées abîment l'aspect de rêve dû à la lecture simple (ce sont des paresseux), quelle nouvelle vision magique tu donnes au contraire à ce passage !!
Bravo aussi pour le rapport fait au silence, mais pour celui de "regarder autour de lui", je reste dubitatif. Je trouve le lien fait avec les amis de Jésus un peu fragile (malgré tes tonnes de recherche). (par contre comme geste d'écoute et d'attention, ça marche).
Pour le reste, ça colle. J'ai une question au vol: pourquoi parles-tu d'Esaïe et non pas d'Isaïe ? question de prononciation ?
Aussi, tu fais un lien entre le coeur percé et MARIE. Fort bien, mais je ne vois pas où tu voulais en venir. Frodon représente les deux ??!
Quel était le texte original "il ont tenté de vous percer le..." ??
Le lien avec la lance de Longin est faisable, mais je ne vois pas où il mène à ce moment du récit: la passion de Frodon n'a pas encore vraiment commencé, il n'est pas encore seul !
Bravo aussi pour le développement sur le semi-homme de ton chapitre 6. J'avais toujours fait le lien en effet entre 'l'heure qui vient' et la manière biblique de parler, et le passage presque décalqué sur la folie:
La sagesse est de reconnaître la nécessité après avoir pesé toutes les autres solutions, bien que cela puisse paraître de la folie à ceux qui s’accrochent à de faux espoirs. Eh bien, que la folie soit notre manteau, un voile devant les yeux de l’ennemi !
C'est d'ailleurs la lecture du jour en cette fête de St Vincent de Paul ! C'est amusant !
Ce qu'il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion les sages; ce qu'il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort; ce qui est d'origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n'est rien, voilà ce que Dieu a choisi pour détruire ce qui est quelque chose afin que personne ne puisse s'enorgueillir devant Dieu.
Je trouve même ce passage (1 Co 27-30) plus explicite que les lignes que tu cites.
Heureusement que tu as concédé à DwarvenAvenger son explication car je m'interrogeais. Comment Eru peut-il se tenir à égalité face au pouvoir de Sauron ?:
Les deux pouvoirs luttèrent en lui. Durant un moment, en parfait équilibre entre leurs pointes perçantes
En fait, je suis en train de re-songer à l'idée que Dieu n'accorde que la force nécessaire pour résister, pas plus, pour que la liberté reste entière, et c'est bien le cas ici (encore un élément passé inaperçu), au point que Tolkien insiste bien dessus.
Donc je suis à moitié en train de m'opposer à moi même, mais je n'y peux rien, je voulais dire un truc et voilà qu'en écrivant me viennent ces autres idées.
Ce que je voulais dire (que j'ai déjà dis sur le fuseau dont parle Nikita et que j'ai fini par retrouver la semaine dernière), c'est que je crois que parler de Frodon comme 'image' du Christ ou comme 'préfiguration' de celui-ci est abusif : on peut se référer au fuseau Edito n°11 - vos réponses (oui, ça parle des effets spéciaux dans le film, mais on a bien dévié on dirait, vers la figure christique ou non de Frodon).
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Sosryko : Je rejoins ton point de vue sur la différenciation entre le salut des saints et la démarche « salvatrice » de Frodo mais je vois plus en Frodo, comme l’a si bien dit Vinyamar, une figure de héros à l’image du Christ plutôt que l’inverse. Par contre, Vinyamar, je ne m’avancerai pas à qualifier Frodo de héros « parfait » puisque d’une certaine manière il « échoue » dans sa quête et dans sa résistance au « péché ». Et c’est précisément en cela qu’il s’éloigne du Christ ! Je vous vois déjà venir : on a bien parlé de « préfigurateur » et non d’identification parfaite… Tout cela n’est pas très clair dans ma tête mais je ne sais pas vraiment comment définir ce qui me gêne dans cette « christianisation » du personnage de Frodo… Enfin il y a là matière à réflexion…
Parce qu'avec tout ce que tu as appris aujourd'hui, ça ne suffit pas? tu es insatiable et vas m'épuiser ! ;-)
Merci pour l’info sur la KJV !
Insatiable je suis ! Mais tu le sais : l’homme ne se nourrit pas seulement de pain…
Et puis tu n’as qu’à pas faire des exposés aussi intéressants !!! :-)
Vinyamar : Merci pour la lecture du jour ! Encore un très beau texte que nous a fait redécouvrir l’œuvre de Tolkien, preuve s’il en est de son incroyable richesse…
Où est le fuseau où l'on parlait de la communion des saints au sujet de la pitié envers Gollum et de la vision christique de Frodon ?
Il s’agit du fuseau Plaidoyer pour Frodo.
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Merci Vinyamar pour toutes les fleurs, félicitations et autres : elles sont un bel encouragement
> Vnmr : le 'cas' Gethsémani ...
Frodon est la préfiguration de Jésus, non pas une transposition, un décalque (Tolkien n’en aurait pas vu l’intérêt ni n’aurait osé !), mais représente une certaine facette (seulement) de Jésus : il s’agit du Jésus souffrant pour le salut des siens.
En conséquence, l’essentiel des références évangéliques appliquées à Frodon sous la forme d’écho dans le texte de Tolkien sont des références liées à ce qu’on appelle la Passion de Jésus. Sachant que par Passion j’entend (et je ne suis pas le seul !) tous les évènements que traverse Jésus depuis la fin du repas pascal jusqu’à la mort de la Croix. Et le premier d’entre eux est la prière au jardin de Gethsémani. Lorsque je présente ce texte, je ne dis pas qu’il s’agit DU texte qui est LA clé pour interpréter religieusement le chapitre du Passage du Gué. Je ne dit pas que chaque texte important du SdA est à interpréter dans le détail avec la grille de lecture religieuse. Tolkien ne s’est pas amusé à plagier la Passion ! !
Par contre, au fil du texte, on peut glaner là un geste, là une parole, là une description qui, s’ajoutant à d’autres, en amont, en aval, constituent une somme théologique cohérente ; Tolkien ne se limitant pas à cette technique en patchwork, il établit certaines ‘synthèses’, écrit des passages plus ‘chargés’ que d’autres, et Le Conseil d’Elrond en est l’exemple parfait dans La Communauté de l’Anneau.
Dans ce Conseil d’Elrond on trouve (si on veut bien me suivre) des échos de la Mort à la Croix (à la 6ème heure). Va-t-on me contredire alors en disant que Frodo, au conseil d’Elrond, n’est ni au seuil de la mort, ni dans l’état de détresse le plus complet qu’est celui de Jésus à ce monet (« Père pourquoi m’as-tu abandonné ? ») et donc que la comparaison n’est pas valide ?
On peut le faire, mais c’est comprendre ma démarche comparative avec le désir de vouloir transposer TOUS les évènements d’un texte à un autre. Je le répète, Tolkien ne faisait pas un plagiat. Avant toute autre chose, il avait une histoire à raconter. Une histoire dont le personnage principal mettait sa vie en danger pour sauver ses amis. Alors, comprenant l’inspiration évangélique d’un tel personnage, il l’a retouché pour le rendre plus proche du modèle parfait du Serviteur Souffrant par la technique des « échos évangéliques » (plus prosaïquement, en développant une grille intertextuelle).
Maintenant, il n’a pas cherché à introduire ces échos dans un ordre qui respectait la chronologie évangélique. Répétons : l’histoire primait avant tout autre chose. Celle qu’il avait rédigée et planifiée avant même toute révision à l’orientation religieuse. Il a donc respecté l’ordre de se son histoire.
Revenons au ‘cas’ du texte de la prière à Gethsémani. Bien sûr que la lutte de Frodon contre la mort n’est pas du niveau de l’agonie de Jésus à Gethsémani ! ! La lutte sur l’Amon Hen serait alors plus adaptée comme parallèle (d'ailleurs...). Il n’empêche que le texte de Gethsémani contient, en quelques lignes seulement, trois points essentiels que Tolkien utilise dans trois chapitres consécutifs ! Ce sont :
1 - l’aide évangélique (Glorfindel) [I.12]
2 - la résistance devant la mort « jusqu’au bout » [II.1]
3 - le « Non ma volonté mais la tienne » [II.2]
Le point (3) étant sans discussion possible (Tolkien ne pouvait pas ne pas l’avoir en tête lorsqu’il fait parler Frodon !) cela me suffit pour penser que Tolkien a pu faire des références volontaires avec les points (1) et (2).
Maintenant, je ne suis pas dans les secret du professeur et il serait miraculeux que toutes mes propositions soient valables. Je suis certain qu’elles ne le sont pas!! Par contre, leur abondance ne peut être ignorée : il y a eu un véritable travail, non de paraphrase d’une chronologie, mais d’échos du texte évangélique, et plus généralement biblique.
En ce qui concerne ta citation paulinienne sur la sagesse et la folie, tu as parfaitement raison, elle est tout autant (mieux !) appropriée que la mienne. Je voulais également la citer, mais ne voulant pas lasser, je me suis retenu, préférant celle que j’ai présentait parce qu’une question sur la futilité de la sagesse humaine selon moi renvoyait à la question similaire d’Elrond en réponse à Frodon (« Qui donc parmi les Sages … Ou, s’ils son sages, pourquoi… »[II.2, p.299])
Tes posts étant un peu confus dans leur structure ( j’imagine que tu étais fébrile !;-)), je répondrai à d’autres questions une autre fois après leur relecture.
car là, je dois y aller ;-)
à bientôt
Sosryko
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Salut Sosryko/Soslan ;-))
Il me faudra encore relire tout ce beau travail en détail, mais c’est vrai que cela me plaît beacoup, car tout-à-fait crédible et cohérent selon la Lettre 246 et tes outils d’analyse.
D’abord, je voudrais rappeler que l’intertexte (ici la technique des « échos évangéliques » dans l’étude de Sosryko) n’est pas plagiat, ou imitation volontaire. Selon Barthes, il s’agit non « d’une reproduction, mais d’une production », parce que le texte premier est transformé, et qu’il ne signifie plus pour son propre compte, mais devient signifiant du texte second. Il passe au statut de matériau comme dans le « bricolage mythique » - décrit par Claude Lévi-Strauss – où des messages sont collectionnés pour être réarrangés dans des ensembles nouveaux.
Selon Gérard Genette, l’intertexte littéraire est défini comme « la présence effective d’un texte dans un autre texte » et se compose principalement de la citation , ou de l’auto-citation de phrases, ou de fragments entiers d’autres auteurs ou de soi-même ; et plus généralement, de l’introduction de toutes de sortes de repères qui engagent à lire en référence à d’autres textes (Palimpsestes).
Puis, si l’on interprète le mythe (avec le SdA on reste encore dans une dimension mythique), selon une approche philosophique, comme un ensemble de symboles destinés primitivement à envelopper des dogmes philosophiques et des idées morales, dont le sens se serait perdu, cad comme de la philosophie poétisée, il est évident que ce sens retrouvé (par Sosryko ;-)) chez Tolkien prendra l’allure d’une « somme théologique cohérente ».
Enfin, en abordant moi-même la problématique sous un autre point de vue, j’en étais arrivée à une conclusion similaire à celle de Sosryko (et Cirdan), que le mythe de Frodo est bien narré à la « manière chrétienne », et selon la perspective adoptée, il est le ‘souvenir’ ou le ‘présage’ du récit fondateur du salut :
Nous savons que toutes choses contribuent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qu’il a appelés selon son plan. Car Dieu les a choisis d’avance ; il a aussi décidé d’avance de les rendre semblables à son Fils, afin que celui-ci soit l’aîné d’un grand nombre de frères.
Ro, 8, 28-29
Et si déjà, Pascal disait : « Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde ; il ne faut pas dormir pendant ce temps-là », en effet Tolkien a essayé de remettre en scène concrètement, de re-créer , entre espérance et souffrance, le mystère du Christ mort et réssuscité.
Un détail, Sosryko, le songe de Boromir est en fait celui de Faramir qui l’a bien eu plusieurs fois et juste une fois pour Boromir, un détail sans plus ;-))
A+
Cathy
PS : Un sujet qui ferait un bel article ;-))
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Cathy, quelle joie de te retrouver ;-))
Pour le songe de Faramir/Boromir, je suis d'accord avec toi, Faramir l'a eu plusieurs fois et Boromir une seule, mais comme c'est Boromir qui dit avoir vu la 'pâle lumière' et qui se retrouve à Rivendell, j'ai appelé songe de Boromir ce qui n'est ni celui de Boromir ni celui de Faramir : il s'agit bien du songe des deux frères (puisque l'un comme l'autre ont finalement « brûl[é] de tenir compte du rêve et de rechercher Imladris » [II.1, p.273].
J'ai une question au vol: pourquoi parles-tu d'Esaïe et non pas d'Isaïe ?
Ésaïe est la prononciation traditionnelle des protestants et évangéliques (Bible Segond) tandis qu’Isaïe correspond à la traduction catholique (mais aussi de la Bible du Rabbinat Français).
De même si vous me voyez parler de l’Éternel, c’est que je fais référence au tétragramme (YHWH) que la tradition catholique traduit par ‘Le Seigneur’ (ainsi que la Nouvelle Bible Segond d’ailleurs).
Aussi, tu fais un lien entre le cœur percé et MARIE. Fort bien, mais je ne vois pas où tu voulais en venir. Frodon représente les deux ??!
non non pas ‘fort bien’, il me faudra reprendre ce passage si je rédige un article avec la synopse ; c’est que j’ai dépassé mes limites et ai fait une confusion dans les traditions catholiques ; le ‘Cœur Percé’ est en fait le ‘Sacré Cœur’, amalgame de deux passage de Jean, l’un en 7 :37-39, l’autre que j’ai cité, Jn 19 :33-37 : il est bien associé à Jésus et non pas à Marie, ce qui renforce la validité du parallèle avec Frodon, le Semi-homme au cœur et au côté percés !
Quel était le texte original "il ont tenté de vous percer le..." ??
They tried to pierce your heart with a Morgul-knife which remains in the wound
II.1 {216}
Le lien avec la lance de Longin est faisable, mais je ne vois pas où il mène à ce moment du récit: la passion de Frodon n'a pas encore vraiment commencé, il n'est pas encore seul !
Cf. mes remarques plus haut quant au non respect de la chronologie évangélique ou de parallèles détaillés.
Si le moment du récit de Tolkien ne correspond pas à l’équivalent du Chemin de Croix pour Frodon (ce qui est plus réducteur que la Passion, qui l’englobe, et commence à Gethsémani !), il n’en reste pas moins vrai que le lecteur en relevant inconsciemment ou pas ce parallèle ‘faisable’ sent résonner en lui un signal d’alarme : « attention, ça va mal se terminer pour lui, cette aventure ; car la seule personne qu’il me rappelle en cet instant est mort en croix, méprisé et abandonné de tous… »
Concernant la dernière question, peux-tu préciser le lien entre la Bible que tu citse et Tolkien. j'aurais plutôt cru qu'il aurait eu un lien particulier avec la bible dont il a travaillé à la traduction.
je n’ai pas encore commencé une étude véritable des citations bibliques et allusions aux versets bibliques dans les Lettres, mais la [L250, p.338] est la preuve que Tolkien connaissait (tout Anglais érudit ne peut pas manquer de connaître) et surtout utilisait et citait la KJV. Voici les 3 références qu’il évoque dans le paragraphe de la p.338, j’ai placé les citations qu’il en fait en gras :
Jesus said unto him, "Have I been so long a time with you, and yet hast thou not known Me, Philip? He that hath seen Me hath seen the Father; and how sayest thou then, `Show us the Father'?
(KJV) John 14:9
Whoso [Tolk. : He that] eateth My flesh and drinketh My blood hath eternal life,and I will raise him up at the Last Day.
(KJV) John 6:54
Jesus said to them, Truly, truly, I say to you, Before Abraham came to be, I AM!
(LITV (Green)) John 8:58
Le ton archaïsant et littéraire caractéristique de la KJV est reconnaissable entre mille et ne peut être confondu avec celui d’une autre version, quand bien même la citation serait courte, comme la première.
En ce qui concerne la troisième citation, Tolkien ne cite pas la KJV (« Verily, verily I say unto you, before Abraham was, I am! ») ; il semble que la version qu’il utilise relève d’une tradition purement catholique (le très grand et regretté Raymond E Brown, exégète américain catholique, donne une telle traduction dans les années 60, je ne l’ai trouvée sur Internet qua dans des sermonts catholiques ; je la donne dans la version LITV de Green, mais il semble que cette version soit postérieure à la lettre de Tolkien, bien qu’elle lui corresponde parfaitement).
(et si tu l'as, pourrais-tu me donner le texte anglais qu'il aurait traduit de Jb 38,7. Je me demande si on n'a pas là l'idée de la Grande Musique)
(6) Sur quoi ses bases sont-elles appuyées? Ou qui en a posé la pierre angulaire,
(7) Alors que les étoiles du matin éclataient en chants d'allégresse, Et que tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie?
(6) "Whereupon are the foundations thereof fastened? Or who laid the cornerstone thereof,
(7) when the morning stars sang together, and all the sons of God shouted for joy?
Job 38 : 6-7
Ceci correspond à la KJV, si d’autres versions t’intéressent, cf. Google (English+versions+Bible devrait faire l’affaire pour trouver des pages qui te permettent de comparer des références sous plusieurs versions).
Je trouve même ce passage (1 Co 27-30)
belle et bonne référence : 1Co 1 27-30 ;-)
Sleep tight and don’t let the bed bug bite ;-))
Sosryko
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Ok sosryko.
Sauf pour le "ils ont tenté de vous percé le coeur". Tu avais mis en gras le mot coeur, et j'avais pensé qu'il s'agissait là d'un ajout de Tolkien par rapport à sa première version. J'aurais voulu savoir ce que disais cette première version, car alors le détail prendrait effectivement l'importance que tu veux lui donner.
Je n'avais pas écrit sous le coup de la fébrilité, mais sous le coup de l'urgence? il était 3 h du mat chez moi qaudn j'ai fini, et j'avais hâte de prendre mes 3 heures de sommeil. Et puis j'ai toujours tendance à ne jamais me relire, et c'est un grand tort... !
Enfin, je découvre par hasard aujourd'hui dans la revue Traces (litterae communionis) de mars 2002, qu'on m'avait envoyé sans que je comprenne pourquoi il y a plusieurs mois; je ne l'avais pas feuilleter en entier, et découvre aujourd'hui qu'il y avait un article sur Tolkien, (ce qui explique l'envoi :-) )
Après la sortie du film, les journalistes ont voulu interviewer Thomas Howard sur la portée catholique du roman ("n'est-ce pas abusif, ou une tentative de récupération ?")
Thomas Howard est proffesseur de litérature au St. John's Seminary à Brighton (Massachusetts - USA). converti au protestantisme évangélique. Il fut l'ami de CS Lewis et expert de l'oeuvre de Charles Williams, tous deux membres du cercle des Inklings, avec Tolkien.
Je cite les passages qui ont retenu mon attention, et qui, cher sosryko, renvoient directement à ta précédente étude (au point que c'est marrant). Il n'est que domage que l'article soit court et qu'aucune preuve ou argument n'étaye les propos du professeur.
il commence par répondre à la problématique: n'est-ce pas de la récupération ?
Sur un plan superficiel comme à un niveau plus profond, on peut se permettre de parler du Seigneur des Anneaux comme d'un "chef d'oeuvre catholique". Celui qui nous le permet, c'est Tolkien lui-même. Il a dit qu'il n'aurait jamais pu écrire cette saga s'il n'avait pas été catholique. [quelqu'un sait où il a dit ça ?]
Puis il parle d'un des point que tu soulèves : le sacrifice d'un seul (lui inclut toute la communauté de l'Anneau, laissant tout de même à Frodon le grand rôle.
La souffrance subie "à la place d'un autre " revêt une importance fondamentale dans la saga (...) Ceci préannonce les fondements de notre histoire, c'est à dire les souffrances de Notre Seigneur et celles des saints en faveur des pécheurs. [mais il rappelle aussitôt les réticences de Tolkien au sujet de l'allégorie, et conclut :] Frodon n'est pas le Christ, ni Aragorn (le roi légitime et inconnu qui est sur le point de revenir). Galadriel, pour pure et aimable qu'elle puisse être, n'est pas une allégorie de la Vierge. Mais au bout du compte, on peut parler avec l'approbation de Tolkien de chef d'oeuvre catholique. [là ça devient intéressant, il aborde un nouvel élément: ] On pourrait mettre en post-scriptum le fait qu'aucun protestant n'aurait pu écrire cette saga car elle est profondément "sacramentelle". En effet, le salut n'est atteint qu'au travers le moyens concrets et physiques (l'Incarnation, le Golgotha, la Résurrection et l'Ascension) ; l'histoire de Tolkien est parsemée d'objet "sacramentels" (le Lembas; le viatique des elfes, tire son origine du Lennmbass, "pain du voyage"; la fiole de lumière de Galadriel; le mithril, en langage des elfes représente l'argent de la Moria, l'argent vrai; l'athelas, la feuille de roi, herbe guérisseuse des Elfes).
Dommage qu'il n'étaye pas ses propos, cela me semble une nouvelle piste d'étude passionnante, mais pas hyper claire pour l'instant.
Encore un coup où il y a écho avec ton étude :
Il y a une double raison au fait que ce soit Frodon qui porte l'Anneau: 1)ce fait trompera Sauron, qui s'amuse rien qu'à l'idée de voir des semi hommes entreprendre une mission aussi effrayante; 2) Diu a choisi ce qui est faible en ce monde afin de confondre les puissants ( et il est possible de traduire tout cela en termes "tolkiens" sans trop de difficultés) (...) Les Hobbits, par nature, ne sont pas intéressés par le pouvoir; ainsi une partie de leur nature "coopère avec" la grâce - ou ce que nous appellerons "grâce" dans la saga de Tolkien.
Hormis le fait que M, Howard se plante à un moment dans le topo (en disant que Tolkien évite de nous dire que Gandalf meurt), je ne vois pas trop de quoi me méfier de ce qu'il dit.
Si ça donne des idées à certains, je voulais vous partager cet article de Mars 2002, pour montrer que sosryko n'est pas un illuminé !
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sosryko n'est pas un illuminé !
Ouf!! je suis rassuré!
C'est qu'il commençait à me faire un peu peur depuis quelques temps !
Soslan ;-))
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sosryko n'est pas un illuminé !
Illuminé, moi ? pour le penser, il faudrait m'avoir lu, et ceux qui l'ont fait ne peuvent honnêtement pas le penser ;-))
Excusez Soslan, il prend parfois le dessus, mais jamais très longtemps...
pfff...'illuminé', je ne sais pas où ils vont chercher ça...
Il a dit qu'il n'aurait jamais pu écrire cette saga s'il n'avait pas été catholique [quelqu'un sait où il a dit ça ?]
Je pense qu'il veut faire référence à 'la' phrase qui justifie sans doute possible notre lecture; je le recite (pour la dernière fois, promis!) :
The Lord of the Rings is of course a fundamentally religious and Catholic work; unconsciously so at first, but consciously in the revision.
L142
Vinyamar, merci de nous avoir fait partager cet article (et oui, l'aspect sacramentel est intéressant).
Sosryko
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Très intéressant cet article, Vinyamar ! Où est-ce que l’on peut se procurer la revue « Traces » ? Le peu que tu en as cité m’a donné envie de lire l’article entier…
NIKITA
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J'ai été assez estomaquée devant ce qui m'attendait après quelques jours d'absence du forum ! Tu nous as encore livré un travail fascinant Sosryko ! Je rejoins Vinyamar lorsqu'il dit que toutes les " clés " que tu nous donnes vont profondément enrichir notre lecture du SDA. Ce que je trouve merveilleux c'est que Tolkien laisse transparaître cette symbolique religieuse sans jamais rien imposer, sans fermer le texte : le lecteur est toujours libre d'avoir sa propre interprétation . C'est à l'opposé par exemple de Hugo dont les multiples références directes à Dieu m'agacent et me donnent même l'impression d'être exclue de son univers. Chez Tolkien c'est comme une petite voix (justement !) qui murmurerait au fil du récit et non de fracassantes affirmations.
Encore merci Sosryko (ou Soslan ? J'espère que tu ne pars pas dans un délire Gollum/ Sméagol…)
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Nikita,
je ne sais pas où l'on peut se procurer cette revue, on me l'a envoyé par surprise, mais je vais me renseigner. Ceci dit dans cette revue tous les articles sont assez courts (2 à 3 pages), et celui sur Tolkien ne donne pas beaucoup d'éléments supplémentaires sur le sujet abordé. Le reste de l'interview parle de l'amitié (lié au devoir) dans le SdA (il y aurait des choses à ajouter aux fuseaux concernés d’ailleurs, du coup), du rôle de Gandalf, Titan se contentant de guider, et un début intéressant sur le "monde fantastique qui est si proche de la nature [réelle] des choses". Cette dernière question fait plus référence aux ouvrages de Lewis, et est en tout cas (comme tout le reste) abordé beaucoup trop rapidement.
Il y a un e-mail, je vais demander si cet interview n'est qu'un extrait ou s'ils peuvent le refaire :-))) !
sosryko: illuminé, je dis ça en référence à d'autres fuseaux où j'ai été ainsi qualifié... je prend les devants pour toi :-))
La lettre 142 ne me semble pas ausi explicite que ce que dit Howard. Je pense qu'il s'agit d'une parole orale et non écrite. Mais il ne donne pas d'indice.
Euuh, Beruthiel, ça m'intéresse ce que tu penses d'un roman qui 'inflige' Dieu par rapport à un autre qui le rend présent en transparence. Tu crois qu'il vaut mieux laisser Dieu invisible comme chez Tolkien ? Peut-être, mais quand tu vois le travail nécessaire à le rendre manifeste, je doute que tous les lecteurs en soient là.
Mais je veux prendre conseil sur ce point. Tu crois qu'un roman qui fait parler Dieu (même si le doute subsiste) exclut ? (je te demande ça en fait pour mon propre roman, ou je compte le faire intervenir en songe)
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Encore une chose sosryko,
je veux demander à Cédric de commencer une campagne anti dopage sur ce site :-) !
Faudra que tu m'expliques comment tu fais pour taper tes travaux entre minuit et 5h du mat, avec une forme aussi impeccable et un fond aussi travaillé, et être frais le lendemain en plus.
Je veux savoir ton secret, moi j'ai du mal.
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Je veux savoir ton secret, moi j'ai du mal.
Le secret, si je te le disais...;-)))
aller, oui, je te le dis : vous n'avez vu que le résultat de journées (et nuitées) de travail en amont; la rédaction a été faite durant les dix (10!) jours qui ont précédé la fameuse nuit, laquelle n'a consisté qu'à mettre en forme le texte déjà écrit.
Et pour mettre en forme sans me planter, surtout avec un tel volume, j'ai segmenté le commentaire écrit sous word, je l'ai convertit au format html, format dont j'ai 'lavé' la source html (sauts de lignes inutiles, introduction de la justification du texte, etc) avant de faire un copier-coller de ladite source vers ce fuseau...c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour faire un travail présentable : y a pas de secret donc, juste du temps et de la patience (laborieux, mais ça marche!).
Quant à comment faire pour être frais le lendemain, ça c'est LE secret ;-))
S.
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mais quand tu vois le travail nécessaire à le rendre manifeste, je doute que tous les lecteurs en soient là.
C'est sûr qu'on ne voit pas tout le jeu de résonances mis en évidence par Sosryko mais des phrases comme celle de Gandalf "la chance ou le destin vous ont aidé" ou Elrond " Vous êtes venus et vous vous êtes rencontrés ici,à point nommé, par hasard, pourrait-il sembler. Mais il n'en est pas ainsi. " et d'autres que je n'ai pas en tête mais qui insinuent que quelque chose peut se cacher derrière le hasard ou la chance, toutes ces phrases donc, introduisent, même au niveau d'une lecture assez superficielle, la possibilité d'une interprétation religieuse . Idem pour les rêves de Frodo comme par exemple celui avec la tour et le bruit de la mer qui ressemble à un appel (dont on peut penser qu'il est simplement dû au sentiment de devoir de Frodo ou qu'il provient de " quelqu'un "). Tu vois que je n'ai rien contre les messages envoyés par songes ;-) , mais j'apprécie que Tolkien n'ait pas écrit quelque chose du style " Eru envoya un rêve à Frodo… " et que le rêve en lui-même soit assez imagé, sans apparition divine à la Monthy Python avec la voix qui dit " Bon mon gars va falloir y aller ".
Tu crois qu'un roman qui fait parler Dieu (même si le doute subsiste) exclut ?
Ce n'est sans doute pas si général que ça . Mon problème avec Hugo c'est qu'il assène tout un tas de certitudes. Mais d'une façon générale je ne me braque pas dès que je vois écrit " Dieu " ! Seulement j'aime bien qu'on laisse la place au doute (ce qui serait le cas dans ton livre apparemment).
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Cirdan... Syrdon... gros paresseux, va :-)) avec une maîtrise en poche (ou sous peu), tu dois bien avoir des arguments valables;-))
Chère Cathy, tout d'abord merci de t'enquérir du sort de ma maîtrise - qui s'est passée pour le mieux. Et effectivement, j'ai quelques arguments... comme tu l'as deviné. J'ai déjà soutenu (Nikita l'a rappelé) l'aspect christique de Frodo contre l'opinion de Vinyamar désormais bien plus convaincu... :-)
Le travail de la troisième partie de mon mémoire (qui sera normalement en ligne d'ici peu) rejoint sur une échelle mineure celui de Sosryko. Mon argumentation se basait surtout sur le chapitre Mount Doom, et je n'avais jamais entrevu l'ampleur incroyable de la dimension chrétienne du conseil d'Elrond. Que dire, sinon qu'à l'instar de nombre d'entre vous, je m'incline devant la pertinence et le grand travail de notre cher "Narte" (sur "Syrdon", ce n'est pas une "erreur" - juste une mauvaise plaisanterie qui ne fait rire que moi, :-))...
Comme dirait Vinyamar, cela en modifiera ma lecture du SdA. Les références au conseil de Sanhédrin et au Serviteur Servant sont sans doute les passages de l'étude de Sosryko qui me passionnèrent le plus.
En ce qui concerne les rêves, j'aurais deux trois choses à y ajouter un de ces quatres, mais ce n'est pas vraiment le propos de ce post.
En premier lieu, je comptais rappelé une lettre de Tolkien pour éclairer un point majeur concernant Frodo et dont j'avais vaguement parler dans mon premier e-mail sur ce forum, voilà bientôt un an.
Frodo is a real name from the Germanic tradition. The Old English form was Froda. Its obvious connexion is withthe old word 'frod' meaning etymologically "wise by experience" but it had mythological connexions with legend of the Golden Age in North.....
Lettre 170
Lorsque l'on a 5 points de suspensions, il faut savoir qu'il ne s'agit pas de bégaiements typographiques de l'imprimeur, mais - malheureusement - d'une coupe volontaire de Messieurs H. Carpenter et C. Tolkien. On peut rêver longtemps quant à la fin de cette phrase, car elle nous permettrait sans doute de découvrir bien des choses recoupant (de manière certes indirecte) le travail de Sosryko. Ceux et celles qui ont lu Tom Shippey savent que ce Professeur d'Anglo-saxon (dont la chaire de l'université de Leeds était par le passé celle de... Tolkien!) découvrit la relation de Frodo à cette légende du Golden Age scandinave qui n'est autre que celle du roi Frodi.
Cette légende est contée par Saxo, mais n'ayant pas les IX premiers livres de la Geste des Danois sur moi, je me contenterai de mon vieil Edda, car Snorri l'évoque également dans le septième chapitre de la Skaldskaparmal :
Le fils de Fridleif s'appelait Frodi. Il succéda à son père à la tête du royaume à l'époque où l'empereur Auguste instaura la paix à travers le monde entier et où le Christ nacquit. Comme Frodi était le roi le plus puissant de tous les pays du Nord, cette paix lui fut attribué partout où l'on parle la langue danoise - elle porte le nom de "paix de Frodi".
Edda, p127-8
Arrêtons-nous un instant ici en sachant que le roifrodi fut par la suite tué, ce qui mit fin aux temps de paix dans les régions septentrionales.
Shippey fait alors le parallèle (Tolkien : Author of the Century, p. 184) entre Frodi et le personnage Froda fils d'Ingeld dans Beowulf, qui n'est qu'un avatar anglo-saxon du même personnage (ou de la même personne, car est-ce si sûr qu'il n'a pas existé?). Shippey continue en faisant un intéressant parallèle entre l'entreprise avortée de paix chez Frodi (assassiné) et Frodo (qui ne parvient pas à empêcher le bain de sang du soulèvement de la Comté). En se rappelant, comme en témoignent les appendices du SdA, que Froda est également le véritable nom - c-à-d le nom dans la langue hobbite - de Frodo, le rapprochement est encore plus clair...
Cirdan (à suivre)
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Ainsi, nous nous trouvons face à un point primordial. Ce qui peut choquer Vinyamar et Nikita dans l'idée que Frodo est une des figures du Christ (sous une forme, dirais-je, d'anticipation rétrograde - ce qu'Edouard Kloczko appelle une "uchronie", et qui en fait correspond bien au statut de la Terre du Milieu comme de ses personnages les plus importants) c'est que cela semble aller contre l'idée tolkienienne de ne pas évoquer trop clairement le christianisme - d'abord pour une question d'humilité liée à la foi de l'auteur. Mais comme l'a montré Sosryko, cette révision est fort subtile et rappelle d'une certaine façon le fameux "suggérer plutôt que nommer"cher à Mallarmé et ses disciples.
Quand Ylem répond à Sosryko qu'il existe de nombreux degrés de lectures ou d'interprétation, c'est en un sens véridique, mais je préfère considérer le problème sous un autre angle:
une lecture mythologique a tout aussi [bien] sa raison d'être, et d'autres s'y sont déjà employés sur ce Forum
Comme le soutient Shippey, Frodo rejoint par son nom et son sort une légende "mythologique" scandinave. Pourquoi donc chercher à distinguer la lecture "mythologique" de la lecture "chrétienne"?
Ne voulant pas faire de Frodo un personnage blasphématoire, j'ai la ferme conviction que Tolkien choisit (c'est ce que j'appelle, un peu maladroitement, la lecture objective... :-)) non un pré-Christ mais un personnage dont des éléments sont une partie d'un tout, d'une sorte de mosaïque imparfaite, car brisée par la Chute et l'érosion, laquelle évoquerait divers aspects du Christ (mais certainement pas la totalité - je sais que Sosryko me rejoint sur ce point). Frodo n'étant pas le seul a comporter des éléments de la mosaïque, car Gandalf et Aragorn, sont à mon avis, des pendants au héros contenant d'autres traits christiques indépendamment de ceux de Frodo...
Vous en saurez plus à ce sujet dans la troisième partie de mon mémoire, mais je vais d'abord détailler dans le post suivant quelques points concernant Gandalf dont un me fut suggéré par...
devinez-qui? ... L'inénarrable 'S...' :-) :-)
Cirdan
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Absolument d'accord pour Gandalf-le Cavalier Blanc!!!;-))
'S.'
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Comme me l'a fait remarquer Sosryko, le motif de la Transfiguration est clairement repris par Gandalf lors du chapitre "The White Rider".
voici la scène où Gandalf apparaît à Legolas Gimli et Aragorn dans son nouveau statut de Gandalf le Blanc, après sa résurrection.
The old man was too quick for him [Gimli]. He sprang to his feet and leaped to the top of a large rock. Ther he stood suddenly tall, towering above them. His hood and his grey rags were flung away. His white garments shone. He lifted up his staff, and Gimli's axe leaped from his grasp and fell ringing on the ground. The sword of Aragorn, stiff in his motionless hand, blazed with a sudden fire. Legolas gave a great shout and shot an arrow high into the air : it vanished in a flash of flame.
SdA; p. 515-516 de l'édition du centenaire
On ne peut pas parler ici d'une influence chrétienne inconsciente dans la mesure où Gandalf domine sur un rocher Gimli, Aragorn et Legolas de la mmême manière que le Christ qui "gravit la montagne" (luc 9:28) en compagnie de Pierre, Jean et Jacques. A cette image très semblable, se superpose la soudaine et surnaturelle lumière des vêtements. Les trois synoptiques sont unanimes:
[...] et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière (Mt 17:2)
[...] et ses vêtements devinrent resplendissants (Mc 9:3)
[...] et son vêtement [devint] d'une blancheur fulgurante (Luc 9:29)
On retrouve la blancheur soulignée par Mathieu jusque dans le titre du chapitre (The white rider; "his white garments"...), l'aspect "resplendissant" que note Marc est présent dans le verbe "to shine": His white garments shone."
Enfin, la fulgurance de cette lumière qui est propre au texte de Luc est explicite, non dans les vêtements, mais dans le sort des armes d'Aragorn "The sword of Aragorn [...] blazed with a sudden fire" et de Legolas: " Legolas shot with an arrow into the air : it vanished in a flash of flame"
En ajoutant à cela le fait que la hache de Gimli lui saute des mains et "fell ringing on the ground", les trois personnages sont bien ici 'pris dans la lumière' du cavalier blanc qui fut Gandalf.
Comme il parlait encore, voici qu'une nuée lumineuse les prit sous son ombre (Mt 17:5)
Tolkien se garde bien de faire apparaître Tuor et Earendil (comme dans NT apparaissent Moïse et Elie) ou la voix d'Eru (à la nuée lumineuse succède la voix de Dieu), car comme on l'a déjà vu, son christianisme se veut subtil et non un simple décalque.
Mais Gandalf n'est pas non plus un personnage qui se limiterait a une lecture uniquement chrétienne sans connexions avec la mythologie scandinave, comme je tenterai de le montrer dans un prochain post — où je vous donnerai un autre aspect christique de Gandalf (cette fois c'est une interprétation personnelle... On verra bien si elle est aussi valable que celle de Sosryko... :-))
Cirdan
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Petite réflexion en guise de consolation à ceux qui prennent mal le fait d’être qualifiés d’ « illuminés » : ils se reconnaîtront… :-)
Auriez-vous perdu votre latin ou ignorez-vous qu’être « illuminé », c’est avoir la lumière en soi : in (à l’intérieur) + lumen (lumière) ? Autrement dit être habité par la lumière au point d’attirer les regards (pas toujours bienveillants, certes), bref en un mot RAYONNER !
A ce niveau, moi, je veux bien être « traitée » d’ « illuminée » ! :-) Et puis je veux bien qu’on continue de m’ « éclairer » sur la voie de l’intertextualité…
Moralité : revenons aux sources pour trouver la vérité !
NIKITA qui s’est faite « traitée » d’intello sur un autre fuseau : franchement, c’est trop d’honneur !
Vinyamar : Merci pour ton aide mais ne te casse pas trop la tête en flattant ma paresse ! J’irai la semaine prochaine à la Librairie St Paul à la pêche aux renseignements…
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Cirdan : Je viens de lire tes messages seulement après avoir posté le mien…
D’abord je suis contente de savoir que l’on pourra bientôt lire ton mémoire en ligne !
Ensuite je ne peux qu’approuver ton analyse du personnage de Gandalf lors de sa « Transfiguration ».
Personnellement le passage où il raconte comment il a survécu avec le Balrog sous terre avant de revenir à la lumière m’a toujours fait penser à l’épisode de Jonas dans la Bible qui, on le sait, est lue par les Chrétiens comme une « préfiguration » de la résurrection : en effet Jonas reste trois jours enfermé dans la baleine avant de sortir « transfiguré ».
Je te rassure, je m’arrête là ce soir en attendant la suite de ton exposé avec impatience… :-)
NIKITA
P.S. : Vous avez tous remarqué, je pense, combien Gandalf pouvait être aussi « illuminé »… :-)
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Nikita : il ne faut pas confondre transfiguration et résurrection : Jonas était un 'signe' de la seconde (C'est Jésus lui-même qui parle du 'signe de Jonas' qu'on a interprété comme celui de la résurrection) et pas de la première : à la sortie du poisson, Jonas n'était pas du tout 'transfiguré', aussi teigneux et rebelle après qu'avant à la compassion de Dieu pour les habitants de Ninive...
Cirdan : j'espère que je ne te coupe pas l'herbe sous les pieds, mais depuis notre conversation, j'avais noté d'autres aspects liés au premier que je n'ai pu m'empêcher de mettre en forme cet après-midi après la lecture de tes posts :
Si Frodo est une figure de Jésus souffrant, Gandalf lui possède trois des traits essentiels du Christ en gloire :
il a vaincu la mort par la résurrection qu’Eru lui a accordée (cf. son leitmotiv « Où que j’ai été, je suis revenu » [III.9, p.(281)])
il se dévoile à trois de ses compagnons comme Jésus à trois de ses disciples en une véritable transfiguration
il monte Gripoil, magnifique cheval blanc, et ce, dans un contexte guerrier, avec le rôle du meneur, comme le Christ triomphant qui revient juger et combattre dans l’Apocalypse mène les siens au combat :
En effet, nous lisons :
(11) And I saw Heaven opened, and behold, a white horse; and He that sat upon him was called Faithful and True, and in righteousness He doth judge and make war. (…)
(13) And He was clothed with a vesture dipped in blood, and His name is called, The Word of God.
(14) And the armies which were in Heaven, clothed in fine linen white and clean, followed Him upon white horses.
(11) Puis je vis le ciel ouvert, et voici, parut un cheval blanc. Celui qui le montait s'appelle Fidèle et Véritable, et il juge et combat avec justice.(…)
(13) et il était revêtu d'un vêtement teint de sang. Son nom est la Parole de Dieu.
(14) Les armées qui sont dans le ciel le suivaient sur des chevaux blancs, revêtues d'un fin lin, blanc, pur.
Ap. 19 :11.13-14
Cette image du Gandalf ‘triomphant’ (et transfiguré) sur son Cheval blanc est omniprésente dans le livre III des <i>Deux Tours</i> :
– Et vous ne le reverrez pas, dit Gandalf. C'est Gripoil. Il est le chef des Mearas, seigneur des chevaux, et Théoden, Roi de Rohan, lui-même n'en a jamais vu de meilleur. Ne brille-t-il pas comme l'argent et ne court-il pas avec toute l'égalité d'une rivière rapide? Il est venu pour moi : le cheval du Cavalier Blanc. Nous allons ensemble au combat.
III.5, p.545(170){493}
– Ne dis-je pas la vérité, Gandalf, reprit enfin Aragorn, quand je déclare que vous pourriez aller où que vous le désiriez plus vite que moi? Et je dis aussi ceci : que vous êtes notre capitaine et notre étendard. Le Seigneur Ténébreux a Neuf Auxiliaires; mais nous en avons Un, plus puissant qu'eux : le Cavalier Blanc. Il a passé par le feu et l'abîme, et ils le craindront. Nous irons où il nous conduira.
III.5, p.541(164){489-490}
Puis il rejeta soudain en arrière son manteau gris, abandonna son chapeau et bondit à cheval. Il ne portait ni heaume ni mailles ; ses cheveux de neige flottaient librement dans le vent, ses vêtements blancs brillaient d’un éclat aveuglant dans le soleil.
– Voyez le Cavalier Blanc ! cria Aragorn ; et tous reprirent ces mots.
– Notre Roi et le Cavalier Blanc ! crièrent-ils. En avant, Eorlingas !
III.6, p.566-567(205){513}
La peur les saisit à la vue de Gandalf dans la lune et de Gripoil, son cheval, brillant comme de l’argent.
III.8, p.593(248){538}
Là, sur une crête, apparut soudain un cavalier, vêtu de blanc, resplendissant dans le soleil levant.
(…)
– Voilà le Cavalier Blanc ! cria Aragorn. Gandalf est revenu !
III.7, p.584(232){529}
S’élança aussi Gripoil, tel le daim courant d’un pied sûr dans les montagnes. Le Cavalier Blanc était sûr ses ennemis, et la terreur de cette venue répandit sur eux la folie. Les hommes sauvages tombèrent face contre terre.
III.7, p.584 (233){529}
Noter qu’Aragorn est toujours le premier à remarquer la présence de Gandalf (‘Behold the White Rider !’), comme si Tolkien voulait lier ainsi les deux personnages. Je n’ai pas d’interprétation valable à ce jour ; et vous ?
Un quatrième et cinquième point (au moins !) rapprochent Gandalf du Christ en gloire (c’est à dire de Jésus ressuscité et glorifié) :
– Salut, Seigneur de la Marche ! dit Eomer. La nuit sombre a passé et le jour est revenu. Mais il a apporté d’étranges nouvelles. (Il se retourna et regarda avec étonnement d’abord la forêt, puis Gandalf). Une fois de plus, vous êtes venu à l’heure critique, à l’improviste, dit-il.
– À l’improviste ? répliqua Gandalf. Ne vous avais-je pas dit que je reviendrais et que je vous rencontrerais ici ?
– Mais vous n’aviez pas donné l’heure, et vous n’aviez pas annoncé de quelle façon. Vous apportez une assistance étrange. Vous êtes puissant en magie, Gandalf le Blanc !
(…) Tous contemplèrent alors Gandalf avec un étonnement plus grand encore.
(…) Gandalf rit longuement et de bon cœur.
III.8, p.585-586(235){530}
Si la dernière phrase de cette citation est l’occasion pour moi de préciser que le personnage de Gandalf est un personnage à multiples facettes, fruit d’un ‘syncrétisme’ cher à Círdan (ce rire qui le caractérise fréquemment à partir de son retour est typiquement le rire de Merlin), le passage qui la précède nous met dans la bouche de Gandalf et de ses proches des phrases que nous retrouvons presque mots pour mots dans l’Évangile, lors de conversation entre des disciples incrédules et Jésus révèle un plan qui les dépasse.
Si la question de Gandalf chargée de raviver le souvenir d’Eomer rappelle l’annonce de Jésus anticipant sa mort et sa résurrection :
Jésus, sachant qu'ils voulaient l'interroger, leur dit, Vous vous questionnez les uns les autres sur ce que j'ai dit, Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus; et puis encore un peu de temps, et vous me verrez. [Jn 16:19]
La réponse d’Eomer rappelle que les disciples ne connaissent pas le ‘calendrier’ de Dieu qui leur demande de se maintenir prêts chaque jour :
Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour, ni l'heure. [Mt 25:13]
Que Gandalf soit associé au Christ triomphant, celui qui a vaincu la mort, explique qu’il est capable, comme Jésus, le premier relevé d’entre les morts, de vivifie ceux qui le suivent et mettent en lui leur espoir (= espérance !) :
– Il ne fait pas aussi noir, ici, dit Théoden.
– Non, répondit Gandalf. Et l’âge ne pèse pas sur vos épaules aussi lourdement que certains voudraient vous le faire accroire. Rejetez votre cane !
Le bâton noir tomba des mains du Roi, résonnant sur les pierres. Le vieillard se redressa lentement comme un homme raidi pour s’être trop longtemps penché sur une tâche fastidieuse. Il se tint alors, debout, grand et droit, et ses yeux étaient bleus tandis qu’il regardait le ciel qui se découvrait.
– Sombres ont été mes rêves depuis quelques temps, dit-il ; mais je me sens à présent comme quelqu’un de nouvellement éveillé (one new-awakened).
(…) – (…) Mais voyez ! Vous ne rêvez plus. Vous vivez.
(…) Vraiment, dit Gandalf d’une voix maintenant forte et claire, notre espoir se trouve là où réside notre plus grande peur. Le destin est encore suspendu à un fil. Mais il y a encore de l’espoir, pour peu que nous restions quelque temps invaincus.
III.6, p.557(189-191){504}
La parole de Gandalf (‘Cast aside your prop!’) est digne des parole d’autorité de Jésus exerçant son pouvoir sur la maladie ou la mort (‘Étends ta main’ [Mc 3:5], ‘Lève-toi, prends ton lit et marche !’ [Mt 9:5//Mc 2 :9//Lc 5 :23 ; Jn 5 :8] ou ‘Lazare, sors!’ [Jn 11 :43]). Et nous assistons là à une véritable résurrection spirituelle : les termes qu’utilise Tolkien appartiennent au champ lexical de la résurrection ; par exemple lors de la résurrection de Lazare par Jésus :
These things said He, and after that He said unto them, "Our friend Lazarus sleepeth; but I go, that I may awaken him out of sleep." [Jn 11:11]
Non sans rappeler l’appel urgent de Paul dans l’épître aux Romains :
And this: knowing the time, that now it is high time to awaken out of sleep. For now is our salvation nearer than when we first believed. [Ro 13:11]
Remarquons aussi en Gandalf le seul personnage qui parle d’espoir ou qui l’introduit dans la conversation : il est le créateur de l’espoir et celui qui l’entretient, toujoubs là poub rappeler que l’espoir existe et qu’il faut s’y accrocher. Lorsque nous transposons ceci dans le champ de ‘l’espérance’, nous retrouvons Gandalf comme porte-parole d’Eru chargé d’entretenir la foi dans le cœur des fidèles. Considérons deux autres passages pour confirmer, si cela étaid encore nécessaire, cet aspect du personnage et un point théologique important cher à Tolkien :
– Ironc-nous trouver nos amis et voir Sylvebarbe ? demanda Aragorn.
– Non, répondit Gandalf. Ce n’est pas la route que vous devez prendre. J’ai prononcé des paroles d’espoir. Mais d’espoir seulement. L’espoir n’est pas la victoire. La guerre est ser nous et sur nos amis, une guerre dans laquelle seule l’usage de l’Anneau pourrait nous donner l’assurance de la victoire.. Cela m'emplit d’une grande tristesse et d’une grande crainte : il y aura beaucoup de destbuctions, et tout peut être perdu. Je suis Gandalf, Gandalf le Blanc, mais le Noir est plus puissant encore. (…)
Non, dit-il d’une voix douce, c’est parti hors de notre atteinte. De cela au moins, nous pouvons nous réjouir. Nous ne pouvons plus être tentés d'utiliser l’Anneau. Nous devons descendre affronter un péril presque désespéré (a peril near despair), mais ce péril mortel est supprimé. (…)
– Ne devons-nous plus revoir les joyeux jeunes hobbits, alors ? demanda Legolas.
– Je n‚ai pas dit cela, r&eacude;pondit Gandalf. Qui sait ? Prenez patience. Allez où vous devez aller et espérez !"
III.5, p.540-541 (163){489}
On assiste-là aussi à ce message de Gandalf que n’arrive pas à comprendre ses compagons à l’instar des disciples qui n’arrivent pac à comprendre Jésus : Gandalf leur parle d’espoir/espérance, mais eux ont besoin de ‘voir’. Gandalf sait qu’il y a là un grand danger. Le danger du matérialisme, symbolisé dans ‘l’usage de l’Anneau’ qui donne une (fausse) ‘assurance’ ou sécurité (‘security’). Notez le focabulaire de la tentation qui suit : on retrouve le danger de l’œil, déjà rencontré dans l’étude sur Frodon, cet œil qui conduit à s’adtacher à ce qu’on voit alors que l’essendiel est d’espéreb, de s’attacher à ce qu’on ne voit pas, la voix de Dieu (ici, celle de Gandalf Tbiomphand ; mais plus haut, on a vu le vieillard aux cheveux de neige être associé, grâce à [Ap 19 :13], à la ‘Parole de Dieu‚ !). L’écho biblique résonne alors puissamment :
Or, la foi est une ferme assurance des choses qu'on espère, une démonstration de celles qu'on ne voit pas.
Now faith is the substance of things hoped for, the evidence of things not seen.
Hb 11 :1
S.
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Sosryko : Bon, je sais que ce n’est pas vraiment le lieu, mais c’est le seul endroit où je suis sûre que tu vas m’entendre, mais je me suis battue toute la sainte journée avec ma messagerie pour t’envoyer une réponse, en vain, apparemment je ne peux ni recevoir ni poster de courrier, constamment déconnectée bouhouhou ça m’embête bien ;-(((
Sosryko et Cirdan : Grâce à vos précieux témoignages, je comprends mieux aussi Faërie du coup, et la symbolique du Conte eucatastrophique, "véritable forme du conte de fées" selon Tolkien car dans l'épilogue, Tolkien fait bien référence à cette lecture religieuse sous-jacente à la lecture épique :
Sans doute tout écrivain qui fabrique un monde secondaire ... souhaite-t-il dans une certaine mesure être un véritable créateur ou espère-t-il tirer sa matière de la réalité ... La qualité particulière de la "joie" dans la Fantaisie réussie peut ainsi s'expliquer comme étant un aperçu soudain de la réalité ou de la vérité sous-jacente. ... dans l'eucatastrophe, on voit en un bref aperçu que la réponse peut être plus ample - ce peut être un reflet ou un écho lointain de l'evangelium dans le monde réel.
Puis en précisant que les Évangiles contiennent un conte de fées entré dans l'Histoire (« La Naissance du Christ est l’eucatastrophe de l’histoire de l’Homme. La Résurrection est l’eucatastrophe de l’histoire de l’Incarnation … »), il écrit encore qu'« il n'est pas difficile d'imaginer l'excitation et la joie particulières que l'on ressentait en découvrant que quelque conte de fées spécialement beau serait "primairement" vrai, que son récit serait historique, sans pour cela perdre nécessairement la portée mythique ou allégorique qu'il avait possédée ». Et parallèlement on sait que cet essai est une justification du SdA comme conte eucatastrophique. Bref on ne peut être plus explicite, simplement suffit -il encore de l'entendre ;-))
Cirdan : à propos du terme « uchronie », voilà ce qu’écrit Didier Willis (in sa critique de Faeries no 1) :
Uchronie … « Utopie appliquée à l’Histoire ; l’Histoire refaite logiquement telle qu’elle aurait pu être » (Nouveau Larousse illustré, T7, p.1174) … Le terme n’en demeure pas moins contestable dans ce contexte. Il s’agit pour Tolkien, en tant que continuateur d’une tradition mythologique, d’inscrire son récit dans le légendaire de notre monde, mais pas dans son Histoire… le temps est imaginaire, l’espace est fictif : seules perdurent les légendes. Nous n’y trouvons aucune volonté allégorique ou politique de réécriture de l’Histoire.
Je trouve cela plutôt pertinent ? ?
Sosryko : « Je suis Gandalf le Blanc, mais le Noir est plus puissant encore » …
Cela a une très forte tonalité dualiste ;-)) Peut- on y sentir comme l’echo du « prince de ce monde » qui tient sous sa coupe l’humanité entière, car pour Jean, les hommes sont enfants du diable :
Vous avez pour père le diable et ce sont les désirs de votre père que vous voulez accomplir. Dès l’origine, ce fut un homicide ; il n’était pas établi dans la vérité parce qu’il n’y a pas de vérité en lui ; quand il dit ses mensonges, il les tire de son propre fonds, parce qu’il est menteur et père du mensonge … [Jean, 8,44]
Et dans le Silm, il est bien écrit que les Humains ressemblent le plus à Melkor (de mémoire).
A +
Cathy
Ps : des passages de Sosryko ont mystérieusement disparu ;-)) En particulier la citation du SdA que je mentionne juste au-dessus ??
[édit (Yyr 2020) : c'est corrigé :)]
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Nikita : il me semble qu'on trouve l'interview de Thomas Howard (retouchée, réduite) ici . (en anglais)
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Cathy, je ne suis pas tout à fait d'accord avec Didier Willis à propos de l'uchronie. Le temps de Tolkien ne se veut pas imaginaire. Le "christian myth" (expression qu'utilise l'auteur) n'est pas seulement sont modèle pour des raisons éthiques, mais parce que "legend and history have met and fused". Il tiens à l'idée que la Terre du Milieu doit être appréhendé comme un passé possible de notre histoire pour suspendre l'incrédibilité. C'est bien une utopie "historique" car il écrit dans une lettre à W.H. Auden (je cite de mémoire) :
I am historically minded. Middle Earth is not an imaginary world.
C'est, me semble-t-il, assez explicite... On pourrait rappeler aussi que le travail de Snorri dans la Yglinga saga n'est pas sans rapport avec cette conception puisqu'Odin y devient un roi asiatique qui se serait exilé dans les terres du nord de l'Europe.
Revenons à Gandalf. Le symbolisme du Cavalier Blanc est comme l'a remarqué Sosryko particulièrement christique.
Et la thématique est d'ailleurs plus fréquemment célébré dans la littérature anglo-saxonne que chez nous.
C'erst avant tout une marque d'Eru qui le sacre pour avoir accepter une mission dans une envellope corporelle à travers laquelle il a prouvé son altruisme jusque dans la découverte des souffrance les plus pénibles de l'incarnation.
Sinon, comment expliquer qu'il ressorte plus fort alors que la perte d'un corps est généralement accompagné d'un déclin progressif et irréversible (Saruman et Sauron sont des exemples plutôt évocateurs).
Oui, il y a beaucoup du Christ chevalier chez Gandalf car enfin, il suffit de se souvenir quer Tolkien fut l'éditeur du texte de vieli anglais Ancrene Riwle (également nommé Ancrene Wisse) en 1962 (chez Oxford Press si je ne m'abuse)dont le plus célèbre passage, celui de la parabole du Christ-chevalier est ancré dans l'imaginaire anglais (Paradise Lost reprend ce thème et l'inscrit définitvement dans l'imaginaire biblique de ce pays). C'est d'ailleurs cet extrait, et uniquement celui-là, qui est continuellement repris dans la fameuse Norton Anthology Of English literature.
Mais je ne séparerais pas la lecture "scandinave" du personnage de ceci. Gandalf n'est pas "limité" a son aspect chrisitque et au rire de Merlin: -)
Il est l'héritier de traits odiniques tout comme... Sauron!
Est-ce un problème ? Sans doute pour ceux qui ont une lecture manichéenne de Tolkien, mais pas pour moi. Le "battered hat" n'est pas innocent car Gandalf est une figure du voyageur parmi les hommes comme ce cher vieux Alfadr, Odin, Wotan, comme vous voulez, enfin, comme le dieu-père du panthéon germanique.
Il partage avec lui les caractéristiques de "maitres des runes" et "plus puissants des magiciens" (cf. Dumézil Mythes et dieux des Indo-européens p. 145 - il parle d'odin, mais cela ne définit-il pas tout aussi bien Gandalf?).
Or Sauron est l'Oeil, n'est-ce pas? et il s'agit sans doute d'un renvoi à Odin dieu borgne que Tolkien nomme "the necromancer" dans Fairy-stories", nom qui dans Bilbo le Hobbit désigne bien le lieutenant de Morgoth.
Enfin, comme l'a noté Didier Willis, il rejoint, via l'anneau (one ring to bind them) le motif du "dieu lieur" qui chez les scandinaves n'est autre qu'Odin.
Cela tire un trait, à mes yeux, sur les thèses simplistes qui font de la Terre du M%ilieu un décalque des mythes scandinaves ou celtes, alors qu'il s'agit en fait d'un syncrétisme (je radote, Sosryko?).
La "religion" de la Terre du Milieu n'est pas celle des chrétiens ou celle des scandinaves mais s'inspirent et mêle les deux pour une raison bien précise : garder ce que Tolkien nomme l'imperfection des mythes païens, et l'aspect partiel ou caché des Vérités (elle chrétiennes) qu'on peut y lire.
Voilà pourquoi, comme Ylem, je ne suis pas tout-à-fait d'accord avec les trois lectures que nous propose Sosryko comme étant celles de l'auteur. Il ne faudrait pas à mon sens, (même si j'ai pu le faire par le passé) écrire sur les traits christiques de Gandalf ou Frodo comme une "lecture", encore moins celle de Tolkien chez qui les références à l'ancienne religion scandinave sont aussi conscientes qu'au christianisme. Sachons que les deux traits des personnages sont intimement liés, nous y gagnerons dans l'analyse d'une part où de l'autre, et nous nous réconcilierons, au moins en partie, avec les internistes (tel ce cher Yyr) qui n'ont cesse de crier - à raison - l'unité et la spécificité des personnages comme de l’œuvre : la multiplicité des lectures conscientes, objectives (désolé, je réitère... :-)) de l'auteur nous ferons découvrir bien des visages de Frodo et Gandalf que nous ne connaissons pas encore.
La relation du christianisme aux influences scandinaves dans l'œuvre de notre auteur est de toute façon d'une grande complexité: si on retrouve chez Gandalf une cohabitation des modèles, chez Frodo on assiste déjà à une grave crise qui l'isole dans le caractère païen des sociétés de la Terre du Milieu (cf. son attitude pendant le soulèvement de la Comté).
Enfin, cette relation peut être conflictuelle et violente à un point dramatique comme le montre la légende de Turin chez qui le syndrome d'ofermod ("overmastering pride" - expression originairement appliquée au comte Beorhtnoth de la bataille de Maldon) est une qualité scandinave poussée trop loin et s’opposant à la morale chrétienne de Tolkien. J'ai essayé d'étudier ce problème dans la dernière partie de mon mémoire qui sera bientôt disponible pour alimenter le débat.
Cirdan
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Cirdan, j'espère que je ne te coupe pas l'herbe sous les pieds
Sosryko, je te laisse passer le gazon, volontiers, tes talents de jardiniers dépassent les miens. :-)
(c'est Cathy elle-même qui m'a dit dans un ancien fuseau que les pelouses avaient besoin d'être tondues, alors... :-))
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En réponse à Cirdan sur l'uchronie et l'utopie.
Quant à la citation ("I am historically minded. Middle Earth is not an imaginary world"), on peut la comprendre de différentes manières et je ne suis pas sûr pour autant qu'elle soit la preuve indéniable d'une utopie "historique" -- De même qu'une phrase comme "The Lord of the Rings is of course a fundamentally religious and Catholic work" (surtout quand on sait à qui elle est adressée) peut se mettre à beaucoup de sauces. Tolkien a souvent l'art de la formule dans ses lettres, mais ce sont des formules gigognes, à manier avec précaution.
Je n'aime pas beaucoup les mots "uchronie" et "utopie" à propos de Tolkien, mais c'est surtout une question de définition... ces deux termes figurent très souvent en quatrième de couverture aujourd'hui en SF ("uchronie" revient massivement avec le succès de la vague 'Steampunk', à croire que le terme est vendeur), et j'ai tendance à me méfier des étiquettes -- elles masquent souvent l'essentiel.
Si je pose comme base qu'une utopie [u-topos "non lieu"], suivant Thomas More, est un artifice littéraire pour décrire une société idéale dans une géographie imaginaire, alors une uchronie [u-chronos "non temps"] est un artifice littéraire pour décrire une société idéale dans une temps imaginaire, donc une réécriture de l'histoire. Utopie et uchronie sont par principe allégoriques et axées autour d'une question déjà posée par Platon: "quelle est la meilleure forme d'organisation pour une communauté et le meilleur mode de vie pour une personne ?"(Lois, III, 702b)
Bon, très bien... Et alors? Qu'est ce que cela apporte à Tolkien, et est-ce même applicable? Tolkien prétend-il décrire une société idéale? Non -- sinon il ne s'attacherait pas autant à renier la tentation allégorique dans ses commentaires. D'ailleurs son monde, à l'époque décrite, est loin d'être idéal, sous l'emprise de Melkor ou Sauron. Les elfes ne sont pas le peuple parfait, ils ont aussi leur chute.
Autant que L'Atlantide platonicienne est une utopie, La machine à voyager dans le temps de H.G. Wells pourrait être taxée d'uchronie: c'est, après tout, une critique de l'homme des temps modernes autant qu'un paradis retrouvé. Mais je maintiens, comme je l'avais écrit, que chez Tolkien au contraire, "le temps est imaginaire, l’espace est fictif : seules perdurent les légendes [...] sans volonté allégorique ou politique". J'aurais même pu écrire "allégorique, politique ou morale" - Puisque d'un côté Tolkien assure (avec des nuances) que son œuvre est d'inspiration religieuse, et que de l'autre ce n'est pas une allégorie du "mythe vrai" de la foi chrétienne.
Cela dit imaginaire ou fictif ne veut pas dire impossible ou décorrélé de toute réalité - et c'est peut être aussi cela qu'on peut comprendre avec "Middle Earth is not an imaginary world". Pas une allégorie... mais peut être bien un sens certain de la parabole, comme Robert Murray l'écrit dans Tolkien, A Celebration
Didier.
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Juste pour information et références, parce que je ne me souviens pas si ça a déjà été mentionné au début, et que vous voilà dans le vif du sujet:p
Sur "Gandalf et Odin", cf. en particulier l'essai éponyme de Majorie Burns dans Tolkien's Legendarium.
Quand aux aspects chrétiens, on les trouve abordés dans plusieurs ouvrages. Evidemment dans le Pierce, Tolkien: A Celebration, mais aussi dans certaines des publications de Proceedings of Unquendor’s Third Lustrum Conference et du Journal of the Fantastic in the Arts, Tolkien issue dont les comptes rendus ont été faits par la Compagnie de la Comté dans la Feuille n°1.
Didier.
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Mmmm... que tout cela est intéressant et jouissif !
A mon tour, je viens de terminer la lecture attentive de l'exposé en 6 parties de Sosryko sur la nature christique de Frodo, et ne peux que joindre mes félicitations admiratives, à celles déjà exprimées plus haut. Le travail rigoureux et abondamment argumenté apporte effectivement un éclairage très particulier sur l’œuvre de Tolkien.
Voici ce que cette lecture m'inspire.
Tout d'abord (même si c'est un peu prosaïque et au risque de paraître un peu stupide !), deux questions :
A quoi renvoie la référence [FR,§X] ?
Même après relecture, avec le SDA dans une main et la Bible dans l'autre ;-), je ne parviens pas à comprendre ce qui te fait dire que la "troisième heure", moment où Jésus est crucifié, est 9 heures du matin. Pourrais-tu éclairer mon humble lanterne, Sosryko ?
Un commentaire d'ordre général :
S'il me semble que, quelques fois, "tu pousses le bouchon un peu loin", il est aussi vrai qu'une fois mises bout à bout, toutes ces références - qui peuvent parfois être considérés comme ténues et fragiles voire contestables (au sens littéral ... ne pas y voir de connotation négative !) - forment une démonstration brillante et convaincante au service des conclusions :
l'introduction volontaire par Tolkien, d'éléments donnant à Frodo et à l'acte qu'il pose au Conseil d'Elrond, une portée christique
la (je te le concède donc - non plus "possible" mais) "probable" intervention - inspiration d'Eru dans le choix de Frodo.
Quelques informations connexes, à l'attention de qui ça intéresse :
"le côté droit"
Le côté droit, dans l'iconographie chrétienne, représente toujours le "bon" côté, celui des justes (A la fin des temps, Dieu sépare les justes, à sa droite, des damnés, à sa gauche), celui du Fils de Dieu ("à la droite du Père"). Que l'iconographie médiévale choisisse de représenter la plaie du Christ, à son côté droit, est la signification de sa portée symbolique. Souvent, le Moyen-Age représente à la droite de la Croix, une figure féminine couronnée représentant l'Eglise, recueillant le sang et l'eau coulant de la plaie - tandis qu'à sa gauche, figure la Synagogue, dont la couronne tombe et dont les yeux sont voilés (car ne voit pas que le message prophétique de la Bible, trouve son accomplissement dans le sacrifice de Jésus). Autre symbolisme médiéval exprimé (deux en un, en quelque sorte !) : Jésus est considéré comme le nouvel Adam, dont il rachète le péché originel. De même qu'Adam donne vie à Eve à partir d'une côte prélevée dans son côté droit, Jésus donne vie à l'Eglise, par la plaie ouverte à son côté droit, laissant échapper sang et eau, symboles respectifs de l'Eucharistie et du Baptême.
Cette note n'a, bien évidemment, pas de rapport direct avec notre sujet, mais montre l'importance de la symbolique du côté droit dans l'iconographie chrétienne. Le fait n'est pas un détail insignifiant. Voilà. Juste pour renforcer cette idée dans l'argumentaire de Sosryko.
Le "voile"
Toujours dans l'iconographie médiévale, l'on représente souvent la Crucifixion accompagnée de la représentation du voile du Temple qui se déchire. Le message symbolique est que la Mort du Christ rend visible ce qui était caché - au sens biblique, cela donne : les paroles des prophètes s'accomplissent suite au Sacrifice de Jésus, ce qui avait été dit prend tout son sens, la Vérité est Révélée.
Cette précision faite, je ne te suis pas, Sosryko, dans ton parallèle avec le 4e songe de Frodo qui me semble assez approximatif - Par contre, ce message symbolique peut, à mon sens, être mis en parallèle avec le fait que Frodo va s'ouvrir progressivement au monde spirituel invisible - ainsi qu'à la connotation de la conclusion des aventures de Bilbo, à laquelle tu fais allusion dans la toute première partie de ton exposé.
(Pour ceux qui sont passionnés par le sujet : lire absolument E. Mâle, l'iconographie chrétienne au XIIIe siècle - ouvrage malheureusement épuisé)
Enfin, une réflexion complémentaire (puisse-t-elle ouvrir de nouveaux chemins dans la discussion !)
[...] On pourrait mettre en post-scriptum le fait qu'aucun protestant n'aurait pu écrire cette saga car elle est profondément "sacramentelle". En effet, le salut n'est atteint qu'au travers le moyens concrets et physiques (l'Incarnation, le Golgotha, la Résurrection et l'Ascension) ; l'histoire de Tolkien est parsemée d'objet "sacramentels [...]
L'extrait de l'interview de Th. Howard que tu fais, Vinyamar, me donne, en effet, l'occasion de partager l'une de mes interrogations de longue date.
Tolkien n'aurait pas pu écrire une œuvre protestante ?
Pour ma part, bien au contraire, j'ai toujours trouvé à l’œuvre de Tolkien, des accents plus protestants que catholiques, et plus particulièrement sur le thème du Destin. Ce qui m'a toujours paru paradoxal, connaissant, naturellement l'attachement de Tolkien à la religion catholique.
L'une des caractéristiques du protestantisme est d'être une Théologie de la "grâce" opposée à la théologie des "œuvres". Ou autrement dit, l'homme doit son salut, non pas à ses actions ni à ses mérites, mais à la "grâce" de Dieu.
- qu'est-ce qui sauve Frodo et par là même la Quête ? Ce n'est pas ses actes en tant que tels, aussi courageux soient-ils. Ceux-ci n'ont fait que produire les conditions de la victoire. N'est-ce pas ce coup de pouce du Destin qui précipite Gollum et l'Anneau dans l'abîme, ou dans une acception religieuse, la Providence, donc Dieu ? D'ailleurs ce n'est que la Grâce qui peut permettre la victoire : il est impossible pour quiconque, Magicien, Elfe, Homme ou Hobbit, de vaincre Sauron. Sans intervention Providentielle, la mission est impossible.
- N'est-ce pas la Grâce d'Eru qui permet à Tuor d'élire domicile à Valinor ? Pourquoi lui et pas d'autres personnages tout aussi admirables du Silmarillion ? De même dans le SDA. On pourrait penser que permettre à Frodo d'embarquer pour Valinor est une récompense pour son extraordinaire sacrifice. Mais alors, pourquoi accorder ce même privilège à Sam et surtout à Bilbo ? Et pourquoi pas à Aragorn, par exemple ? Ou à d'autres qui ont aussi beaucoup mérité ? Pourquoi les Elfes, qui sont pourtant coupables du péché originel de l'orgueil (péché capital pour la doctrine chrétienne), sont-ils autorisés à emprunter la Voie droite - et pas les humains ? N'est pas parce qu'Eru-Dieu accorde la Grâce, librement, selon le destin qu'il veut pour chacun, ou mieux, qu'il pré-choisit.
Prédestination . Ca y est, le mot est lancé.
Pour Luther, il y a une seule prédestination : Dieu veut sauver l'homme, et réalise son salut. Pour Calvin, il y a une double prédestination : certains hommes sont créés pour le salut, et d'autres pour la damnation.
Voilà ce qu'il écrit :
Nous appelons prédestination le conseil éternel de Dieu, par lequel il a déterminé ce qu'il voulait faire d'un chacun homme. Car il ne les crée pas tous en pareille condition, mais ordonne les uns à la vie éternelle, les autres à éternelle damnation [...] Le Seigneur marque ceux qu'il a élus en les appelant et justifiant ; aussi au contraire en privant les réprouvés de la connaissance de sa parole ou de la sanctification de son Esprit, il démontre par tels signes quelle sera leur fin et quel jugement leur est préparé.
Idée plutôt désespérante, n'est-il pas ?
Le calvinisme donna naissance au mouvement puritain, qui s'étendit notamment et principalement en Angleterre et dans ses colonies anglo-saxonnes. Les 39 articles qui fondent la foi anglicane (1563) sont d'inspiration calviniste.
D'accord, le thème de la prédestination n'est pas une exclusivité protestante. Bien au contraire, Origène puis surtout St Augustin s'y sont attelés bien antérieurement - et postérieurement, les jansénistes.
Toutefois, la doctrine janséniste n'a pas été retenue par l'Eglise catholique.
Et il n'en reste pas moins que le protestantisme a tout particulièrement développé le thème de la prédestination.
Dans quelle mesure n'aurait-il pas influencé Tolkien, bien ancré dans la société britannique dont il est issu ? Il y a-t-il des éléments dans les Lettres ou ailleurs, concernant ce point ?
Je ne creuse pas plus tout de suite - N'est-il pas dit que pour être lu, il faut être bref ! Pour ça, c'est raté !
Mais n'y aurait pas lieu de penser que, dans le SDA, Frodo, mais aussi Aragorn ou Sam, sont prédestinés à être ce qu'ils deviennent ?
Frodo "était destiné" à recevoir l'Anneau.
Aragorn était destiné à reprendre son héritage ancestral (ce qu'il lui "reste" à faire, c'est d'assumer ce destin)...
Sam était destiné à être jusqu'au bout "l'ange gardien" de Frodo (C'est quand il revient sur ses pas, tout en croyant Frodo mort, que les choses reviennent dans l'ordre et que la victoire est à nouveau possible).
La victoire finale est la résultante d'une incroyable chaîne d'événements (rappelée notamment par Keren dans le premier volet de ce fuseau plus que passionnant) dans laquelle on pourrait, à nouveau voir l'intervention Divine (ou plutôt "Eruesque" !).
De l'autre côté, Gollum, par exemple, est présenté comme prédestiné au Mal - puis à être l'instrument du Bien, à son corps défendant.
La part de liberté individuelle paraît bien ténue tout au long du SDA. Dans quelle mesure existe-t-elle vraiment ? Au mieux, il faut prendre le train (de la liberté de choix), au moment où il passe - après, c'est trop tard, et de trains, il n'y pas beaucoup ! Comme il est également dit dans l'intervention de Sosryko, il convient de faire le bon choix, à l'heure, à la minute où celui-ci est offert.
Tout ceci pour dire que Grâce et Prédestination sont bien des thèmes majeurs de la pensée protestante. Et il me semble qu'ils sont également tout à fait centraux dans le SDA.
J'arrête là, pour l'instant, ces réflexions encore incomplètes et probablement sujettes à contradictions - que je lirai sans nulle doute, avec beaucoup de plaisir.
Ylem.
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Sosryko : Petite rectification concernant le parallèle que j’ai esquissé entre Gandalf sortant de la Moria et l’histoire biblique de Jonas. Ma formulation était fort maladroite en effet : je n’aurais pas dû qualifier Jonas de « transfiguré »…La confusion s’est faite car dans l’Evangile l’épisode de la Transfiguration annonce celui de la Résurrection du Christ qui apparaît en gloire à ses disciples comme il est appelé à l’être après sa Résurrection. Dans le SDA, la « Transfiguration » de Gandalf suit au contraire sa « Résurrection » mais, comme tu le rappelles, le but n’est pas de calquer la chronologie des événement s bibliques mais de faire allusion à ces moments-clés pour distiller un sens « caché ». Dans Jonas, il n’est pas question de Transfiguration mais le sacrifice de Jonas « préfigure » en quelque sorte celui de Jésus. Je te rassure, je distingue bien les deux événements !
Merci pour l’interview de Thomas Howard! Il s’agit bien de celle dont parlait Vinyamar.
Je retiendrai deux éléments en lien avec notre sujet de cette interview :
1) Le danger qui consiste à lire le SDA comme une allégorie chrétienne. On connaît trop la défiance de Tolkien vis-à-vis des récits médiévaux (comme le Cycle du Graal) trop explicites… Pour autant le monde de Tolkien n’est pas sans connexion avec le monde primaire :
Again, the word allegory would make Tolkien unhappy. Analogy would please him more. Characters and places and objects in his saga are not symbols, or allegories, of anything at all. They are what they are, for a start. But it may also be said that they are “cases in point” of this or that, which we recognize from our Primary World over here.
Les parallèles sont donc tout à fait légitimes, voire “voulus” par l’auteur.
2) Un argument très discutable en faveur de la couleur catholique de l’œuvre par opposition au protestantisme :
And one of the baffling aspects of our story is “the silence of God.” (…) Where is God? And Tolkien’s characters are not “religious.” (…) Readers may think the following observation somewhat capricious, but, as a latecomer to Catholicism myself, I recognize in this inarticulateness as to “faith” on the part of the characters a very Catholic quality. Catholics don’t chat about the Faith ordinarily. Protestants, especially evangelical Protestants, are stumped by this muteness. Catholics must not be believers, they think, if they can’t croak out at least some “testimony” to their faith. But Tolkien, as a cradle Catholic, would not, nay could not, have his characters forever nattering about God, any more than he (Tolkien himself) could have any part of a testimony meeting.
L’absence de religiosité dans le roman expliquée par une tradition catholique qui parle moins ouvertement de Dieu que les protestants ? Même s’il y a une part de vérité dans les propos d’Howard, on peut trouver quantité de contre-exemples : Hugo (n’est-ce pas Beruthiel ?), Claudel, Péguy, Bernanos… Ces auteurs catholiques ne se lassaient de parler de Dieu dans leurs œuvres !
Didier : Merci pour les références d’articles !
Tes définitions des termes « utopie » et « uchronie » me semblent tout à fait pertinentes et je partage l’idée selon laquelle on ne peut les appliquer à Tolkien.
Ylem : Ton analyse du « protestantisme » présumé du SDA à partir de la « théologie de la grâce » me laisse un peu perplexe… J’avoue que je ne connaissais pas toutes ces subtilités entre les deux religions mais il me semble que la prédestination dont tu parles n’équivaut pas à une absence totale de liberté chez Frodo, Aragorn et d’autres… Ils font tous à un moment du récit des choix certes « prévus » et « espérés » par Eru mais il leur reste la responsabilité d’assumer ou non leur destin. Je cite pour exemple la formule de Gandalf :
Tout ce que nous avons à décider, c'est ce que nous devons faire du temps qui nous est donné.
Le même Gandalf pose la question suivante à Frodo dans le chapitre II de la Communauté de l’anneau avant qu’il ne prenne la décision d’emporter l’anneau hors de la Comté :
Avez-vous décidé de votre action ?
Folio Junior, p.117
Bien sûr Frodo ainsi que les autres personnages du SDA connaissent des influences et vivent des événements qui visiblement les dépassent mais c’est minimiser toute l’importance du choix et de la responsabilité dans le SDA que de réduire son interprétation à une question de prédestination !
Mais tout cela me rappelle des discussions « véhémentes » présentes sur le fuseau « mère »…
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Ylem : La journée de travail était divisée en 12 heures(en Palestine en tout cas) commençant à 6h du matin (lever du soleil), la troisième heure était donc la troisième heure après 6h du matin (donc 9 heures) , et la journée de travail se terminait à 18h (6+12); cf. la parabole dite des ouvriers de la 11ème heure (17h, donc!).
Maintenant, je suis incapable, vu que toute ma documentation me l'affirme, de te donner les textes antiques qui confirme cela ;-).
(peut-être était-ce un décompte romain?).
S.
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Pfuiiit ! Que de travail !
Beruthiel merci pour ta réponse, cela me convient et je pense que tu as raison. Cela m'aidera aussi à conseiller des livres et d'autres non.
Cirdan merci aussi pour tes apports sur des souces païennes. Je suis d'accord avec ton idée de multiple inspiration (en plus, je n'avais jamais vu l'aspect christique d'Aragorn avant l'article de Howard. Je ne sais plus qui présentait dans le fuseau edito n°11, celui-là qui dévia déjà sur la notion pré-christique de Frodon, Aragorn comme un trait d'union entre les sources païennes et chrétienne (et c'est toi Cirdan!) :
A mon sens si l'on peut retrouver le syncrétisme dont parle Cédric pour le Silmarillion dans le SdA, c'est par exemple dans le traitement des personnages: Frodo serait porteur de la noblesse "chretienne" avant l'heure, Sam celui de la grandeur paienne nordique et Aragorn un trait d'union entre ces deux traditions, un personnage qui a la manière d'Arthur (mais seulement en terme de "valeurs") mêle christianisme et paganisme. Tout ceci est certes schématisé mais je suis justement en train de le développer dans mon mémoire, arguments a l'appui que je n'ai pas le temps de donner ici.
Nikita Au sujet de la course de Gandalf dans les ténèbres contre le Balrog, dans un monde d'en dessous, je verrais plutôt un lien, s'il faut en faire un, avec le Christ qui descend aux enfers pour vaincre la mort, repousser le démon et délivrer les âmes du Shéol. Il n'y a pas la présence des âmes délivrées, mais vaincre un démon dans des mondes d'en dessous,juste avant de retourner au Père et d'être ressuscité me fait davantage penser à un parallèle de ce côté là.
sosryko Il me semble que le coup du cavalier de l'apocalypse, s'il a été l'inspiration de Tolkien, serait plutôt inconscient ici. Gandalf n'est pas vraiment le cavalier destructeur du mal de l'Apocalypse. Il n'agit pas, sauf pour repousser les nazgûls, qui représentent une intervention disproportionnée contre les hommes, auquel il peut répondre par des moyens disproportionnés. Gandalf n'abat pas la bête, pas plus qu'il n'a de manteau trempé de sang, il n'est pas suivi par une armée de chevaux blanc, et il n'est pas le ministre de la colère de Dieu. Il n'extermine rien, ni la bête, ni son prophète, ni les armées qui le suivent.
Et puis, je ne sais plus le nom anglais de Gripoil, mais je crois que sa couleur évoque l'argent, la lune, pas forcément le blanc pur de Gandalf. Le parallèle peut être fait, mais alors je ne vois pas où voulait en venir Tolkien. Préfigurer le Christ, pourquoi pas, histoire de signifier que c'est lui le vrai héros qui doit venir. Je pensais plutôt à une copie de l'héroïcité du Christ: la seule vraie héroïcité, que Tolkien a voulu véhiculer. Mais montrer Gandalf (ou un pre-Christ) en vainqueur de l'Histoire me semble un peu prématuré pour un monde qui continuera de souffrir et attend la venue du Sauveur !
Par contre, belle analyse de celui qui donne l'espoir (ce qui est conforté par un texte dans les CLI je crois, au sujet de l'anneau Narya de Gandalf, dont le pouvoir est de réchauffer les cœurs.)
Au sujet de l'interview que tu as retrouvé, bravo, mais c'est étonnant qu'il contienne plus de question et des réponses moins complètes... Y aurait-il eu censure, ou la revue que j'ai eu entre les mains a-t-elle complété les réponses ?
Szpako euuh, pas grand chose à dire, si ce n'est que je vais définitivement lire cet essai sur les contes de fée, mais crains qu'il ne soit un peu difficile en anglais. Je vais me le faire envoyer de France.
Au sujet du "prince de ce monde", d'autres références que je n'ai plus en tête y faisaient penser, mais je vois mal comment cette seule mention d'un "noir qui est plus puisant encore" peut te conduire aussi loin (je me trouve drôlement parasite en ce moment... j'ai peut-être bien la vue bouchée momentanément pour ne plus voir la pertinence de vos propos à tous... :( )
Cirdan (encore)
garder ce que Tolkien nomme l'imperfection des mythes païens, et l'aspect partiel ou caché des Vérités (elle chrétiennes) qu'on peut y lire.
Voilà, c'est bien dit, c'est un peu ainsi que je vois l'oeuvre de Tolkien. je dirais même qu'il convertit le monde païen en monde chrétien, mais que le monde païen est bien présent. Mais c'est cette conversion totale d'une mythologie, d'un monde, que je trouve admirable et digne de louange chez Tolkien. Il ne rejette pas (comme font trop de chrétiens ces temps-ci) il intègre, il transforme en douceur et avec génie, il "illumine" ( :-) Nikita), transfigure le paganisme, dans la plus belle et la plus grande des forces de la chrétienté à ses début: non pas rejeter, mais transformer (St Patrick et ceux qui ont changer les mythes gaulois et romains en sont les modèles) !
Au sujet de Turin, je trouve que la sanction qu'il trouve dans le récit lui fait finalement payer son orgueil, ainsi qu'à son père. Mais il est clair que cette tragédie n'a pas beaucoup d'accents chrétiens (mais très bibliques pourtant). D'ailleurs, les tragédies ont elles rien de chrétien ? :-)))
Hisweloke ouf! content de te voir traîner plus que l'ombre de tes ailes dans le coin ! J'avais envie de t'appeler: "Ca brille, et cette fois c'est de l'or !!" :-)) Est-ce que ça altère le souffre ?
Tolkien prétend-il décrire une société idéale? Non
Bien d'accord. mais vient alors une autre question (mérite-t-elle un fuseau ?): qu'a donc voulu faire Tolkien ? Donner une mythologie par le Silmarillon, ok. Une suite à Bilbo par le Sda, ok. Mais que recherchait-il au fond ? Une parabole, écris-tu.
Oh oui! C'est bien ce que je dirais.
Ylem les heures étaient autrefois divisées uniquement en fonction du parcours du soleil. De son lever à son zénith il y avait donc six heure, puis six de son zénith à son coucher. Ce qui donnait 12 heure de jour et 12 heures de nuit. Evidemment, c'est très approximatif, et je me demande si ces heures n'étaient pas élastiques du coup. Bref, la troisième heure est la moitié du premier parcours du soleil, entre 6 h 00 (lever) et 12 h 00 (zénith), soit 9 h 00:
1ere heure: 6 h - matines
3e heure: 9 h - tierce
6e heure: 12 h - sexte
9e heure: 15 h - none
12e heure: 18 h- vêpres (vesper)
Au sujet du côté droit, merci pour ces notes culturelles (serais-tu donc médiéviste ? ou des beaux-arts ?). Je rajoute pour la tradition du côté droit ouvert :
L'eau descendait de dessous le côté droit du Temple, au sud de l'autel. Il me fit sortir par le porche septentrional et me fit faire le tour extérieur, jusqu'au porche extérieur qui regarde l'orient, et voici que l'eau coulait du côté droit. L'homme s'éloigna vers l'orient, avec le cordeau qu'il avait en main, et mesura mille coudées; (...) Il en mesura encore mille, et c'était un torrent que je ne pus traverser, car l'eau avait grossi pour devenir une eau profonde, un fleuve infranchissable. Alors il me dit: "As-tu vu, fils d'homme?" Il me conduisit puis me ramena au bord du torrent. Et lorsque je revins, voici qu'au bord du torrent il y avait une quantité d'arbres de chaque côté. Il me dit: "Cette eau s'en va vers le district oriental, elle descend dans la Araba et se dirige vers la mer; elle se déverse dans la mer en sorte que ses eaux deviennent saines. Partout où passera le torrent, tout être vivant qui y fourmille vivra. Le poisson sera très abondant, car là où cette eau pénètre, elle assainit, et la vie se développe partout où va le torrent. Sur le rivage, il y aura des pêcheurs. Depuis En-Gaddi jusqu'à En-Eglayim des filets seront tendus. Les poissons seront de même espèce que les poissons de la Grande mer, et très nombreux. Mais ses marais et ses lagunes ne seront pas assainis, ils seront abandonnés au sel. Au bord du torrent, sur chacune de ses rives, croîtront toutes sortes d'arbres fruitiers dont le feuillage ne se flétrira pas et dont les fruits ne cesseront pas: ils produiront chaque mois des fruits nouveaux, car cette eau vient du sanctuaire. Les fruits seront une nourriture et les feuilles un remède."
Ezéchiel 47,1
L'eau qui coule du côté droit (quelque soit le côté par lequel on observe le temple !!) Or le temple et l'autel représente Dieu, d'où la tradition que l'eau et le sang jailli du corps percé du Christ sorte du même côté droit.
Que Frodon soit atteint au côté droit ne me semble pas atteindre la même symbolique, à moins que l'on cherche à donner à ce dernier les stigmates des saints (puisque la douleur à l'épaule, où le Christ portait la croix) semble en faire partie. Mais je ne vois pas de référence aux mains et aux pieds (le doigt ensanglanté peut-être)
L'une des caractéristiques du protestantisme est d'être une Théologie de la "grâce" opposée à la théologie des "oeuvres". Ou autrement dit, l'homme doit son salut, non pas à ses actions ni à ses mérites, mais à la "grâce" de Dieu
Là je dis: OULÀ !! Tu résumes un peu vite un point de théologie qui pose problème dans son expression et qui est à la source de bien des divisions inutiles.
L'Eglise n'a jamais prétendu que les œuvres sauvaient !! c'est la grâce qui sauve, mais par les œuvres ! ou pour plagier St Jacques :
Au contraire, on dira: "Toi, tu as la foi, et moi, j'ai les œuvres ? Montre-moi ta foi sans les œuvres ; moi, c'est par les œuvres que je te montrerai ma foi. Toi, tu crois qu'il y a un seul Dieu? Tu fais bien. Les démons le croient aussi, et ils tremblent. Veux-tu savoir, homme insensé, que la foi sans les oeuvres est stérile? Abraham, notre père, ne fut-il pas justifié par les œuvres quand il offrit Isaac, son fils, sur l'autel ? Tu le vois: la foi coopérait à ses œuvres et par les œuvres sa foi fut rendue parfaite.
Jacques 2,14
On ne va pas discuter ici du point théologique qui fait encore problème dans son expression (peut-être qu'Eruvike aurait mieux à en parler que moi). Mais en gros, à nouveau, c'est par le témoignage des oeuvres que Dieu accorde sa grâce, et non le vague sentiment religieux ("ce n'est pas ceux qui crieront Seigneur Seigneur qui entreront dans le Royaume, mais ceux qui font la volonté de mon père")
Tu dis que ce qui sauve Frodon c'est le coup de pouce du destin qui précipite Gollum dans le volcan (c'est justement ce que je disais sur un autre fuseau), et tu dis que les actes de Frodon n'ont fait que produire la condition de la victoire. Mais c'est justement là la vision catholique des actes qui sauvent !! Je produit (ou plutôt répond à) toutes les conditions, mais c'est Dieu qui sauve.
Quand tu dis qu'il est impossible à quiconque de vaincre Sauron hormis Eru, je crois que tu te trompes. Gandalf l'aurait pu s'il avait reçu cette mission. Mais Eru désirait que les hommes se libèrent eux-même (non par la force de leurs actes cependant).
Au sujet de la voie droite, il s'agit d'abord de l'accomplissement de la vocation des Elfes à demeurer sur Arda. Pour les hommes, la grâce n'est que celle d'un temps de paix. Aragorn n'en avait pas besoin (ni le droit, il avait un rôle à jouer).
L'idée de Calvin est clairement désespérante, mais celle de Luther est vicieuse aussi, prétendant que Dieu fera ce qu'Il veut de nous, finalement, indépendamment de nous...
Je ne sais si le jansénisme a influencé Tolkien, mais il est très probable que l'anglicannisme, la religion d'état de son pays, et majoritaire, l'ait influencé.
De toute façon, comment prouver qu'Eru a "pre-choisi" ses héros ? Et encore, cela n'a pas valeur de prédestination. Eru a fort bien pu choisir ses héros après certains événements, et non avant leur naissance. Frodon était destiné à porter l'anneau, par les événements qui l'ont lié à Bilbo avant que ce ne soit par volonté divine. Ensuite, à cette vocation (que j'utiliserai plutôt que destinée), Frodon pouvait répondre oui ou non.
Aragorn ne se contente pas d’assumer son héritage ancestral. Il crée les condition de sa récupération, il combat et ruse dans ce sens, il est loin d'être passif, et je doute que sans son action il ai de fait récupéré ses droits. Le Gondor serait bien plutôt tombé à Minas Tirith.
Sam était appelé à être cet ami. Combien de fois aurait-il pu faillir, ne serait-ce qu'en ne prenant pas l'initiative de suivre Frodon lorsqu'il se sépare. C'est l'argument, face à tout ce qui a été dit dans ce forum à ce sujet, le moins recevable.
(divine ou plutôt "Eruesque": ok je n'ai pas encore fini ma petite étude, mais Tolkien confond allègrement Dieu et Eru, on peut donc se permettre la confusion à notre tour sans fausser ses écrits)
La liberté individuelle est constamment présente. le train dont parle sosryko est plutôt celui de la grâce qui sauve ou non. "Vas-tu choisir à ce moment fatidique, de porter l'anneau ?" "Vas tu choisir à ce moment dangereux de le garder ou de le retirer ?", etc...
Le coup de pouce est à saisir, mais non saisi il ne retire pas la liberté de la personne (enfin, la notion de liberté qui entraîne à la liberté non prise en compte ici).
Je suis donc désolé Ylem, de devoir te contredire absolument et sans une seule concession face à une pareille idée. Elle n'est juste que dans une compréhension tronquée de la "prédestination", du "destin", de la "grâce" et de la "liberté".
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Ouille !
cédric, pourrait-tu remplacer mes "#000033" par "blue" (c'est un peu sombre), et remettre le tag manquant après "le côté droit du Temple"
désolé...il est 2h30 ici,et mes nuits sont de plsu en plus courtes...
[edit (Yyr) 2020 : C'est fait, cher Vinyamar ;)]
Nikita et sosryko, nos posts se croisent, mais je pense que ma réponse est encore limite d'actualité.
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... un tout minuscule ajout pour réparer une inexactitude dans ma précédente intervention : la Genèse dit (21) : "Alors Yahvé fit tomber une torpeur sur l'homme, qui s'endormit. Il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place". Il n'est donc pas précisé de quel côté Il "opère" ! Ceci n'enlève rien à l'explication de la symbolique mais autant ne pas laisser traîner des erreurs.
A+
Ylem.
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A quoi renvoie la référence [FR,§X] ?
aux paragraphes du texte final de The Fellowship of the Ring présentés et numérotés dans la pseudo-synopse qui précède le commentaire en 6 parties.
la (je te le concède donc - non plus "possible" mais) "probable" intervention - inspiration d'Eru dans le choix de Frodo.
"Il y aura plus de joie dans le ciel..." :-)))
un tout minuscule ajout (...) la Genèse dit (21) (...)autant ne pas laisser traîner des erreurs.
[Gn 2:21]
;-)
S.
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content de te voir traîner plus que l'ombre de tes ailes dans le coin
Ce n'est qu'un battement d'ailes au travers de la brume, mais qu'importe, la relève est là. Quoique je voie beaucoup de discussions, certes passionnantes, mais peu d'articles se concrétiser ;-).
Didier.
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Cher Didier, si je constate avec plaisir que tu sembles revenir de ta position radicale et "modeste [...] devant l'inutilité de tout battement d'aile draconien en ces contrées", je m'interroge sur le nombre exact de 'discussions passionnantes' que tu as recensées : quels articles trouverais-tu utiles à partir des, disons, 30 fuseaux achevés les plus récents? ta réponse motiverait certainement les personnes concernées :-)
Pour ma part, arrivé depuis quelques mois (6), je ne pense pas avoir chômé ;-)
"Le temps passe trop vite pour les vieux dragons " me suis-je laissé entendre dire...certes mais les jeunes doivent muscler leurs ailes et laisser pousser leurs crocs avant de voler (c'est une image, je ne connais rien au rythme biologique des dragons ;-)); il faut croire que rien n'est parfait sous le soleil...
En tout cas, merci de ta venue, elle fait très (très!) plaisir, même si l'annonce de son caractère ponctuel crée déjà l'absence et le regret de ne pas te lire plus souvent.
Encore que si c'est pour te consacrer à la patiente mise à jour de ton site, tel Smaug rassemblant et couvant ses trésors, tu as toute ma compréhension ;-)
Sosryko
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Pour dissiper les doutes de chacun (Sosryko, Vinyamar et Ylem) au sujet du décompte des heures en Palestine sous l’occupation romaine, voici un petit topo de la manière dont les Romains comptaient les heures d’après mes sources :
La journée était divisée en 12 heures entre le lever et le coucher du soleil mais la 6e heure se terminait toujours à midi : donc en été la journée commençait vers 6h du matin mais les heures étaient plus longues (75 minutes et 30secondes maxima) et en hiver la journée commençait vers 8h du matin mais les heures étaient plus courtes (44 minutes et 30 secondes minima).
Si ça n’est pas clair, consultez la page 38 de l’abrégé de grammaire latine de Magnard : il y a un schéma !
Question indiscrète pour Vinyamar : :-)
Tu postes à 20h35 en précisant qu’il est 2h30 « ici ». Rassure-nous sur ta santé mentale, tu n’es pas en France, là ?
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Tel Smaug rassemblant et couvant ses trésors
Funeste destin! A ce demander ce que cela signifie.
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Nikita : Sauf erreur de ma part, Vinyamar écrit depuis les Philippines où il habite pour son séminaire.
Je me trompe, Vinyam' ?
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hello Cirdan,
je suis bien aux Philippines. J'avais envie de te laisser deviner, Nikita, par rapport au décalage horaire (car il y a peu de choix), mais Cirdan a vendu la mèche. Mais je n'y suis pas précisémment pour mon séminaire, mais plutôt en mission volontaire de deux ans, c'était d'abord lié au service militaire
Bon, heureusement qu'il y en a un qui arrête les messes basses, ça devenait fatigant.
Sosryko, tu me dois toujours un texte original d la première version de Tolkien (tu me dois, c'est vite dit :-) )
Merci Nikita pour tes explication horaires. Ca devait être sympa de vivre sur un régime élastique. Plus, peut-être, que de changer d'heure tous les ans.
Cédric est trop occupé pour modifier ma mauvaise mise en page (pas cool Apolline, on va pas être copain là ! :-))) )
Je suis en train de regarder eu sujet de l'idée des sacrements chez Tolkien. Dans la mesure où un sacrement est "le signe visible d'une réalité invisible", il ne me semble pas que les exemple cités offrent vraiment un domaine d'application. Je vais regarder de plus prêt, et m'intéresser aux sacramentaux (peut-être que Howard ne faisait pas la différence).
Bon, on a dévié un poil dernièrement, c'était quoi la question déjà ??
Ah oui, la figure christique de Frodon...
J'ai dit un truc qui me rapproche du point de vue de Cirdan. Des commentaires ?
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J'avais envie de te laisser deviner, Nikita, par rapport au décalage horaire (car il y a peu de choix), mais Cirdan a vendu la mèche.
Je me doutais bien que tu ne le dirais pas si facilement : on est joueur sur le forum… :-)
En fait je ne pensais pas que tu étais si loin à l’ouest mais franchement tu aurais pu pousser un peu plus et atterrir en Nouvelle-Zélande : tu aurais été notre envoyé spécial auprès de Peter Jackson jusqu’en 2003 ! :-)
Je suis en train de regarder eu sujet de l'idée des sacrements chez Tolkien.
Bonne idée ! En fait, ce qui m’a marquée dans l’interview de Howard, c’est qu’il parle du lembas mais aussi de la fiole de Galadriel, de l’athelas et du mithril comme de « sacramentaux ». Je ne sais où j’ai lu quelque part l’analogie entre le lembas et l’« hostie » chrétienne (composition semblable et effets comparables), je la trouve assez pertinente. Mais en ce qui concerne le reste, ils relèvent plus de la magie que du sacrement… Illustration encore du croisement des motifs païens et chrétiens dans l’œuvre de Tolkien !
J'ai dit un truc qui me rapproche du point de vue de Cirdan. Des commentaires ?
Tu en as dit tellement que je ne sais pas vraiment à quoi tu fais référence mais je ne vois rien à redire à ce que tu as écrit ! :-)
Ylem : Le chapitre du dernier livre du SDA intitulé « Les choix de Samsagace » me paraît représentatif de ce qui traverse le SDA : des êtres « humains » ( ?) placés par leur destin dans des situations limite et en proie à des choix « cornéliens ». De ces choix découlent leur mérite véritable et leur « grâce ».
[Édit (Yyr) 2020 : après ce post, la discussion sur l'analogie entre le lembas et l'eucharistie, qui s'était poursuivie à cheval entre ce fuseau et un autre dédié, a été regroupée au sein de ce dernier : lembas & miruvor].
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Oups, voici des incompréhensions à l'égard de mon intervention, qui m'attristent quelque peu... ;-( Peut-être est-ce dû à la formulation un tantinet provocatrice de certaines de mes phrases ?
Bon. Tant pis. Je reprends mon bâton de pèlerin pour quelques précisions, qui, je l'espère, permettront une lecture plus conforme à ma pensée.
1. Il n'est PAS de mon propos de réduire la théologie protestante à la question de la grâce et de la prédestination.
2. Il n'est PAS non plus de mon propos de dire que le protestantisme est le seul à développer ces questions.
Le point mis en exergue à propos du protestantisme, n'est pas mon interprétation, mais il est repris dans n'importe quel dictionnaire ou encyclopédie sur le sujet et donc, il me semble, couramment acceptée lorsque l'on parle des spécificités du protestantisme. (Après avoir soumis ma mémoire aux recoupements de ma documentation et de plusieurs sites Internet protestants, il ne me semble pas raconter de bêtises ! Je persiste : la question de la grâce et de la prédestination sont spécifiquement mises en évidence dans le protestantisme)
Si j'en crois le Petit Larousse 2000 :
le protestantisme réunit des églises diverses que rassemblent trois affirmations fondamentales : (...) le salut par la foi qui est don de Dieu (les œuvres bonnes n'étant pas la cause du salut mais sa conséquence) (...).
Je ne voulais, pour ma part, rien dire de plus.
Il y a, naturellement, de nombreuses nuances théologiques à faire sur la question, si l'on souhaitait la creuser. Il y a aussi, comme pour la plupart des courants religieux ou philosophiques, de multiples courants d'interprétation, de la plus rigide à la plus souple.
3. Lorsque je parle de Destin pré-défini, cela ne signifie PAS que la vie des personnages, dans tous leurs faits et gestes, est écrite une fois pour toutes dans un grand livre immuable. (Ce n'est pas non plus ce que prétend le protestantisme, si j'en crois l'aumônerie protestante de l'ENS qui publie, sur son site Internet, un intéressant article sur la prédestination) Mais qu'il est possible que la Volonté de Dieu-Eru ait pré-déterminé le Sens de la vie des habitants de la Terre du Milieu - ou, plutôt : que Tolkien laisse entrevoir cette éventualité. (pas sûr que ce soit assez clair... Pff. Que c'est difficile de formuler pour éviter des malentendus...
Avec un exemple, c'est peut-être plus facile ?
La Volonté divine pour Aragorn est qu'il devienne le roi des humains. Tous les événements auxquels il est confronté vont dans ce sens. S'il renonce à répondre à un appel, un autre vient se mettre sur sa route. Par contre, les moments où le choix est décisif et inéluctable ne sont pas nombreux. C'est là qu'il faut "prendre le train en marche". Cela ne rend pas la tâche plus facile pour autant. (c'est bien pourquoi j'ai mis des "" à "ce qui lui "reste" à faire c'est d'assumer ce destin"). C'est au contraire très difficile, puisqu'il lui est impossible de savoir quels sont ces moments décisifs et que seul Eru connaît le Destin qu'il lui réserve. - Tout ceci n'étant - j'insiste - qu'une simple hypothèse de lecture possible.
4. Il n'est PAS DU TOUT de mon intention de réduire le SDA à une succession d'événements prédéfinis et inéluctables.
Tolkien est beaucoup trop subtil pour ça, d'ailleurs. Il préfère entrouvrir les portes et suggérer les questions.
En l'occurrence ici : "en quoi, dans quelle mesure, avons-nous la maîtrise de notre Destin ? Quelle est la part de notre liberté, et la part insufflée par Dieu en vue de la réalisation du plan divin pour chacun ?
- C'est une question posée dans le SDA - et la réponse donnée n'est pas évidente.
- C'est, de mon avis personnel, LA question centrale posée par le SDA.
- Cette question me parait avoir des accents plus protestants que catholiques (pour les raisons évoquées plus haut - et bien que, je le répète, ça ne soit pas exclusif).
- Le présupposé de la liberté individuelle est une lecture beaucoup plus séduisante, réconfortante, rassurante, (peut-être plus moderne, aussi) pour nous tous, moi compris ! Mais il me semble que c'est beaucoup plus ambigu que ça chez Tolkien.
C'est sur ce plan que je souhaitais solliciter vos réflexions.
Ylem - qui craint de se sentir comme Frodo à la fin du SDA : seul dans un océan d'incompréhension !
NB1 : cette discussion aurait aussi pu avoir sa place dans le fuseau "Le Destin". Mes excuses à Keren, si son message y reste un peu esseulé.
NB2 : un grand merci à vous, Nikita, Vinyamar et Sosryko pour les informations sur calcul de la chronologie biblique..
NB3 : tu as raison, Vinyamar, de revenir sur la question du départ des Elfes: il s'agit effectivement moins d'une manifestation de la Grâce d'Eru, que d'un argument en faveur de leur prédestination, n'est-ce pas ? ;-)
NB4 : pour satisfaire à ta curiosité, bien que n'ayant plus fait d'Histoire (= ma formation initiale) depuis un sacré bout de temps, il m'est resté un petit faible pour certains terrains. La symbolique médiévale est l'un de ceux-là - les bouleversements de la pensée à la Renaissance (parmi lesquels ceux introduits par l'Humanisme et la Réforme) en est un autre - la pérennité des mythes dans les systèmes d'idées contemporains en est un troisième...
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Nikita : oui, joueur :-)) (si ça évite de se faire traiter d'intello :-))))...
Pour les sacramentaux, je n'ai pas encore eu le temps d'y regarder de près, mais ça me semble douteux. Cette histoire d'hostie (heureusement démentie par Tolkien) montre qu'on peut vite aller trop loin.
Pff. Que c'est difficile de formuler pour éviter des malentendus...
Ah ça !! C'est l'origine de près de 70 % des conflits théologiques à mon avis. Les mots sont toujours en dessous de la réalité et de notre pensée. On dirait d'ailleurs que moi aussi je me suis mal fait comprendre.
1. Il n'est PAS non plus de mon propos de réduire la théologie protestante à la question de la grâce et de la prédestination: parce que je me fiche de la théologie protestante présentement !
2. Il n'est PAS plus de mon propos de dire que le protestantisme est le seul à développer ces questions, parce que même si c'est vrai, ce n'est pas le sujet.
la question de la grâce et de la prédestination sont spécifiquement mises en évidence dans le protestantisme
si j'ai dit le contraire, je m'en excuse: "type mismatch"
Pour tout ce qui a trait au Destin, voir le développement de Cédric.
Je préférerais le relire moi même avant de reprendre, mais ça peut être long (ou alors qu'un âme charitable en fasse un bref résumé)
La question reprend ici du poids, mais s'attache à démontrer une influence de type protestant (ou un parallèle plutôt Ylem ?). A mon avis ça reste délicat à démontrer.
Je ne vois pas très bien les appels au destin d'Aragorn auxquels tu fais référence. En tous cas, je crois que tu confonds pré-destination ici et vocation. Aragorn a pour vocation d'être roi du Gondor, et Eru cherchera patiemment à le conduire à la réalisation de cette vocation (c'est à dire un plan prévu, c'est tout ce que je peux te concéder), mais Aragorn peut toujours faire marche arrière, même si les appels d'Eru et les chances données continueront d'affluer, jusqu'à ce qu'Il en choisisse un autre pour accomplir sa volonté (car le temps est compté quand même).
Je ne vois pas comme toi la question du destin posée dans le SdA. J'y vois plutôt une réponse donnée sans question posée (la réponse qui est justement l'affaire de ce fuseau), disons donc une idée de Tolkien sur la question, qu'il développe. Mais je ne crois pas qu'il pose la question avant d'y répondre. "La place de la liberté de l'homme dans le plan [du salut / divin]" pourrait être cette idée de Tolkien, mais j'évacuerais dès le départ toute notion de Destin (ou alors il faut définir cette notion hyper complexe qui nous vient de la mythologie grecque.
c'est peut-être LA question centrale du SdA, inconsciente alors car Tolien dit que c'est la mort (mais on doit pouvoir lier les deux facilement, justement grâce aux Elfes et à leur destin).
La question a-t-elle des accents plus protestants que catholiques ? Je ne pense pas qu'une 'question' soit plus d'un côté que de l'autre, mais sa réponse sûrement. Et je trouve l'idée de Tolkien, dans la mesure ou l'acte de l'homme est utile à son salut, plus catholique que protestant.
Le présupposé de la "liberté individuelle" est donné par Tolkien dans le Silmarillon (distinction homme-Elfe), et est lisible à travers l'étude désormais faites par Sosryko.
Il est un fait que c'est un présupposé, Tolkien ne s'attachant pas à démontrer l'existence de cette liberté, mais à la présenter.
Au sujet de la prédestination des Elfes, je crois qu'on touche là au point de confusion. Oui, bien sûr on peut parler de prédestination des Elfes à demeurer sur Arda, ou de prédestination dans le fait d'être homme ou femme, ou de prédestination dans le fait que les hommes ne sont pas appelé à demeurer sur Arda. Mais ce n'est pas le même registre que la prédestination dont on parle au sujet du salut dans les théologies catholiques et protestantes, et ce n'est pas la prédestination dont on parle concernant Aragorn ou Frodon.
Il y a la prédestination d'être, la prédestination d'état, la prédestination des actes (celles dont tu parles), et la prédestination à Dieu.
Il doit y avoir des termes qui distinguent tout ça.
Vnmr
PS: il y a des traces de mythes dans les système de pensée modernes ????
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je renchéris sur le dernier post de Vinyamar à propos des distinctions relatives à la prédestination. de toutes façons, l'existence même d'un dieu créateur et omniscient interroge sur la notion de destin, de vocation et de liberté. mais je pense que la prédestination au sens religieux, liée à la question du salut, n'est pas sous-jacente à l'oeuvre de Tolkien - alors que celle du Destin et des choix libres et individuels l'est.
ps d'historienne à l'intention de Vinyamar: quand elles sont formulées, les théories de Luther et Calvin sont tout sauf désespérantes! elles sont au contraire une réponse au désespoir.
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A Cirdan
Juste une question qui tombe comme un cheveu dans la soupe à ce stade mais qui me tracasse depuis que j'ai passé une pârtie de la nuit dernière à lire ce fuseau:
Quid de la dimension "Christique" d'Aragorn que j'ai difficile à percevoir - contrairement à Frodo ou Gandalf ?
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l'existence même d'un dieu créateur et omniscient interroge sur la notion de destin, de vocation et de liberté
Interroge certes, mais nous avons déjà eu bien des discussions à ce sujet (et je crois qu'il faudrait relire Cédric avant de reprendre). mais on peut reprendre le sujet (ailleurs simplement, ici ça devient trop vite chargé).
Concernant les théories de Calvin et Luther, puisqu'on reste dans la parenthèse, je ne ne m'y suis pas encore penché d'assez près pour te répondre, mais si la réponse au désespoir est de dire: "nous sommes prédestinnés au salut" (où prédestinné signifie une force plus forte que nous), alors je trouve cela triste quand même:" Quoi ?! Je n'aurais pas même mon mot à dire ni à y participer ? A quoi bon la souffrance alors, et ce monde abîmé, à quoi bon m'y jeter ?
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Lambertine : Cirdan te répondra sûrement mieux que moi mais disons que le personnage d’Aragorn et le Christ ont ceci de commun :
ils sont appelés dès leur naissance à être « rois » mais leur mission va se révéler aux hommes progressivement,
ils ont des pouvoirs de « guérisseurs »,
ils connaissent des secrets que beaucoup d’humains ignorent.
OK c’est un peu rapide mais je n’ai pas le temps de développer…
NIKITA
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décidément je réponds plus aux parenthèses qu'au fond du sujet, sur lequel votre culture à tous me laisse trop admirative pour être d'une quelconque utilité...
"l'existence même d'un dieu créateur et omniscient interroge sur la notion de destin, de vocation et de liberté" interroge certes, mais nous avons déjà eu bien des discussions à ce sujet (et je crois qu'il faudrait relire Cédric avant de reprendre). mais on peut reprendre le sujet (ailleurs simplement, ici ça devient trop vite chargé).
je n'avais pas l'intention de reprendre le débat ici, je refaisais juste le lien dans ma caboche (et donc sur mon clavier), parce que comme il a été dit fort justement les deux sujets sont liés.
Concernant les théories de Calvin et Luther, puisqu'on reste dans la parenthèse, je ne ne m'y suis pas encore penché d'assez près pour te répondre, mais si la réponse au désespoir est de dire: "nous sommes prédestinés au salut" (où prédestiné signifie une force plus forte que nous), alors je trouve cela triste quand même:" Quoi ?! Je n'aurais pas même mon mot à dire ni à y participer ? A quoi bon la souffrance alors, et ce monde abîmé, à quoi bon m'y jeter ?"
à l'origine, quand Luther, puis Calvin, réfléchissent sur la notion de la prédestination, ils cherchent une réponse au péché de l'homme qui leur semble trop énorme - les prédicateurs de la fin du Moyen Age l'ont abondamment répété - pour que l'homme lui-même dans sa petitesse puisse "mériter" son salut. la grâce gratuite est leur réponse - et les bonnes actions deviennent alors l'action de grâce naturelle de l'homme envers son créateur qui le sauve. il y a là une réponse à toute une pastorale qui à force d'insister lourdement sur le péché et la faiblesse de l'homme, dans un contexte où la mort omniprésente fait craindre constamment de ne pas avoir le temps de se confesser avant de faire le grand passage, a suscité chez certains fidèles le sentiment que tout est vain puisque jamais l'homme ne sera assez bon pour être sauvé. on peut ne pas être d'accord avec cette interprétation, évidemment, mais c'est, à peu près, là dessus que se construit le dogme protestant de la prédestination. c'est d'abord une affirmation de la toute-puissance de l'Amour incarné en Jésus-Christ. en ce sens, ce n'est pas désespérant. aujourd'hui, c'est encore différent d'ailleurs.
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A Lambertine,
Aragorn possède un autre nom sur lequel insiste le fragment de son histoire recueillit dans l'appendice A : Estel. Ce nom signifie espoir (en quenya comme en sindarin) dans le sens le plus religieux qui soit, c'est-à-dire la foi (amdir étant - en quenya, je crois - le mot qui renvoit à une notion, plus simple, moins mystique du terme).
On sait qu'Aragorn est attaché à cette notion par certains de ses propos (ainsi dit-il à Arwen avant de mourir « But let us not be overthrown at the final test, who of old renounced the Shadow and the Ring. In sorrow we must go, but not in despair. Behold! we are not bound for ever to the circles of the world, and beyondthem is more than memory. Farewell ! » Ces mots - LotR, p. 1100 - sont d'une tonalité bien étrange dans ces temps où Eru semble si lointain...).
C'est dans le dialogue philosophique de HoME X baptisé "Athrabeth Finrod ah Andreth" où le mot Estel renvoie clairement à la foi, un texte qui n'est pas exempt d'allusions chrétiennes directes - comme cette croyance parmi les atani que l'Un (Eru) viendra sur la Terre et sera incarné. Il ne s'agit plus ici d'Aragorn, bien-sûr...
Celui-ci pourtant, eut une aventure qui n'est pas sans echo de celle, parallèle sur le plan temporel, de Frodo en Mordor : la traversée d'un monde des morts, celle du fameux "Path of Dead" qui se situe derrière Dunharrow et d'où personne n'était jamais revenu. Guidant les dunedain ainsi que Legolas et Gimli, il prend dans ce passage une dimension unique : celle de pouvoir pardonner les morts et leur rendre le repos de leurs âmes - lesquelles sont torturées par un serment bafoué. Il est inutile de revenir sur la valeur proprement religieuse de la parole dans l'oeuvre de notre auteur - toutes les mentions du mot "oath" amenant à des évènements de tout premier ordre. Aragorn, donc, par sa descendance se retrouve juge des âmes d'un lieu qui tient plus du purgatoire que de l'enfer païen - il rappelle ici, et sur une moindre échelle le Christ "juge".
Enfin, j'ose considérer que la scène (grandiose) qui voit Aragorn ramener Faramir à la vie par sa seule faculté d'élu (car seul le roi peut utiliser l'athelas ainsi) n'est pas sans rappeler la résurrection de Lazare.
Voilà plus ou moins raccourci, une idée que je propose dans un sous-chapitre de mon mémoire.
Cirdan
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1. Il n'est PAS non plus de mon propos de réduire la théologie protestante à la question de la grâce et de la prédestination: parce que je me fiche de la théologie protestante présentement !
Message reçu 5 sur 5, Vinyamar. Milles excuses de t'avoir ennuyé avec des choses qui ne t'intéressent pas. Je ne suis pas d'accord avec ce que tu dis d'Aragorn et des Elfes, mais je crois que ce n'est pas la peine que je continue. Il est clair que les discussions sur ce fuseau ont pris une tout autre direction. J'y reviendrai peut-être plus tard, si cela s'y prête et si je trouve le temps de construire l'argumentation.
Ylem.
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Ylem, Vinyamar n'est pas le seul à lire ce fuseau ;-)) reviens-nous vite !
S.
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Ylem : ne t'inquiète donc pas, Vinyamar est un peu 'tête brûlée', de temps en temps il faut le rappeler à l'ordre et à plus de tolérance dans ses propos (n'est-ce-pas Xavier, comme au bon vieux temps ;-))
C.
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A Cirdan,
Merci pour ta réponse (que je n'attendais pas si vite )
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A Cirdan,
je reviens à mon post sur Aragorn (vu que sur Frodo et Gandalf, pas de problème).
Quid de l'attitude d'Aragorn au Poney Fringant (ce nom ne me semble pas à sa place dans cette discussion, mais c'est quand même celui de l'auberge ) ç'est à dire cette tristesse de ne pas "être aimé pour lui-même" , avoir besoin de la lettre de Gandalf pour que les autres lui fasse confiance.
Est-ce aussi proche du mépris que les contemporains du Christ avaient pour lui ? ( Genre "nul n'est prophete en son pays" "on donne aux rôdeurs des noms méprisants" etc....)
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Je commence tout de suite avec Ylem : j'y suis allé un peu fort, excuse moi.
La théologie protestante m'intéresse au contraire comme d'ailleurs l'étude des autres religions. Ce n'était simplement pas une préoccupation immédiate dans le corps du fuseau. en fait, pour redire les choses plus clairement, je reprend la phrase qui a causé nos tourments :
L'une des caractéristiques du protestantisme est d'être une Théologie de la "grâce" opposée à la théologie des "œuvres". Ou autrement dit, l'homme doit son salut, non pas à ses actions ni à ses mérites, mais à la "grâce" de Dieu
Tu dis très clairement que c'est une des caractéristiques, et tu l'utilisais dans tes arguments, et j'y revenais. Je ne réduisais pas plus la théologie protestante à ce point particulier.
Je n'ai pas non plus remis en cause ce point dont tu parlais concernant le protestantisme, ou alors je me suis mal exprimé. Je disais ce que l’Église (catholique ais-je oublié) enseignait au sujet de cette question, parce que cela me semblait bien mieux convenir aux idées de Tolkien que la version protestante.
Par contre je te reprenais un peu quand tu disais
Théologie de la "grâce" opposée à la théologie des "œuvres"
parce qu'en opposant deux théologies tu faisais sans doute référence à une théologie protestante et l'autre catholique. Or le problème est bien plus complexe et ce raccourci très répandu est malheureusement très faux aussi. C'est ce que j'ai essayé de montrer. Les points de vue des deux confessions sont très proche en fait (comme en témoigne la récente signature d'un texte commun qui était censé résoudre enfin cette question de 'mécompréhension'.)
Ma phrase tête brûlée comme le dit Szpako signifiait que je ne cherchais ni à réduire ni à exposer la théologie protestante, parce que ma démonstration me semblait suffisante pur montrer que le point de vue de Tolkien se rapprochait plus du point de vue catholique, et que dès lors je ne voyais plus l'intérêt d'aller plus loin sur le sujet du protestantisme, dans ce fuseau du moins (mais le sujet m'intéresse, je te rassure).
Concernant le sujet d'Aragorn et des Elfes, tout ce que j'ai dit concerne le destin et la notion de prédestination. Je ne sais plus bien où on en est sur ce fuseau, mais peut-être que cette question pourrait poursuivre l'article de Cédric, ou bien pousser plus loin une nouvelle redondance de la question ici. Mais on peut aussi poursuivre ici.
Lambertine : je trouve ta nouvelle référence très belle. Ceci dit le Christ ne languit jamais d'être aimé pour lui-même , mais que Dieu son père soit aimé.
Cirdan : bravo pour le lien au passage du chemin des morts. C'est encore une belle référence.
Au sujet de l'Estel, Tolkien est assez explicite et pourtant l'Estel ne me semble pas recouvrir ce que nous entendons par "foi" ordinairement. C'est justement un texte de Home X qui m'a fait tilter (je bosse toujours dessus, si, si). Ce serait plutôt la confiance abandonnée en Dieu (ce qui est évidemment une notion de foi, mais pas seulement)
Lothiriel : il me semblait au contraire que ce sont les protestants qui estiment que le péché de l'homme l'a tellement pourri jusqu'au fond de lui même qu'il ne peut plus rien faire de valable. Certes, tout bien découle de la grâce, mais l'homme est CAPABLE du bien, alors que les protestants le nient (c'est la grâce en l'homme devenu simple conduit qui fera le bien). C'est cela que je trouve triste.
Je cesse, il est trop tard là (mais je rentre tout juste pourtant)
Vnmr
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Vin', même en théologie catholique, la source de tout bien est en Dieu? je précise cependant que mon post précédent posait le problème de la théologie protestante à sa création. c'est bel et bien, au XVIè siècle, une réponse à une tendance "dure" de la prédication catholique, ou à une mauvaise compréhension etc. très marqué par le péché, ce qui lui vient bien de sa formation initiale de catholique, Luther répond à ses propres inquiétudes par la prédestination et la grâce gratuite. il y aussi une réaction très vive de sa part contre l'idée qu'on "achète" son salut, notamment par l'accumulation de messes (ce qu'on appelle traditionnellement pour le XVè siècle "la comptabilité de l'au-delà"). rien de tout cela n'est général ni absolu, il y a d'infinies nuances dans l'histoire des réformes.
actuellement, les choses sont légèrement différentes. tout d'abord la prédestination est allègrement laissée de côté dans l'éducation protestante, d'après ce que m'a dit une amie de cette confession. ensuite, la déclaration de... je ne sais plus où - je ne sais plus quand (j'ai envie de dire Augsbourg, et je dirais il y a trois-quatre ans...) a posé les bases d'un accord entre les deux théologies sur ce point.
enfin, la réforme protestante a largement contribué à secouer la pastorale catholique, notamment sur cette question du péché, de la grâce et des oeuvres.
sur ce, Vin', je te proposerai éventuellement de continuer ce débat par mail si ça te dit, de crainte d'importuner à force les lecteurs assidus de ce fuseau... ;-)
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Lothiriel,
pour tout t'avouer, j'adorerait apprfondir ce sujet, et je crois qu'Ylem aimerait être de la partie. Et peut-être même d'autres.
Dans la mesure où la question initiale d'Ylem conserve tout son lien avec Tolkien, on doit pouvoir poser un fuseau (légèrement déviant il est vrai) sur l'inspiration de Tolien concernant le destin et la prédestinnation: est-elle catholique ou protestante (et l'anglicannisme ? Quelle est sa théorie sur la question, Tolkien baignait dans une culture anglicanne quand même).
En plus ce fuseau commence à déjà être chargé. Mais la question initiale ne sera pas résolue tant qu'on aura pas traité à fond cette question du destin !
En tous cas, un nouveau merci à sosryko pour sa belle démonstration du fuseau 1 précédent.
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Au sujet de l'Estel, qui serait à la fois "Espoir" et Foi, peut- on le rapprocher de cette autre vetru théologale qu'est l'Espérance ? Espérance qui est à mes yeux bien plus profonde que l'Espoir ?
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Lambertine,
tu touches ici à un autre problème de fond, à savoir celui de la traduction. 'Estel, that is Hope' dit le SdA.
Je pense que le mot anglais 'hope' (surtout quand il y a une emphase particulière dans son usage) possède les sens des deux mots français - ce qui n'est pas très habituel puisque le vocabulaire de l'anglais est beaucoup plus large et plus précis que celui du français.
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Ma question était due à mon attachement très fort à la vertu de l'Espérance. La "petite fille Espérance" comme disait Claudel. Une Espérance bien plus forte que le simple espoir, qui persiste même lorsque celui-ci a disparu. Ou qui devrait persister, devrais-je dire.
Une des raisons de la "chute" de Frodo, n'est-elle pas que l'Anneau l'a rongé jusqu'à annihiler cette Espérance ? N'est-ce pas ce manque d'Espérance ( distillé par Sauron ou Grima ) qui constitue la base de la déchéance de Denethor et du manque de réactivité de Theoden ? Ils sont persuadés d'avance que tout est perdu... N'y a-t-il pas dans l'attitude même de Sarroumane, et dans son retournement vers le " côté obscur" une certitude que la victoire se trouve du côté du Mal ?
Je ne suis pas théologienne, mais j'en viens à me demander si le fameux "péché contre l'Esprit" dont parle le Christ avec tant de violence n'est pas justement ce renoncement à l'Espérance ( et lui-même a dû le ressentir sur la Croix - Père, pourquoi m'as-tu abandonné ). Est-ce pour celà que Tolkien a "condamné à mort" tous ceux qui ont failli, ne serait-ce qu'un instant ? ( que ce soit à une mort glorieuse comme Theoden, qui s'est ressaisi, une mort "incertaine" comme Frodo, une mort pitoyable comme Denethor ) ?
Et je ne pense pas que la perte de l'espoir, simplement, est ce même péché. Aragorn aussi, perd "espoir" après la dissolution de la Communauté. Ce qui ne l'empêche pas d'agir - contre tout espoir.
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Lambertine, la "petite fille espérance" qui mènera le monde, c'est de Péguy, pas de Claudel ;-)
le péché contre l'esprit est effectivement généralement assimilé au désespoir. La mort épouvantable de Denethor en est un exemple, à relier de plus à la question du suicide (acte de désespoir par excellence: la tradition veut que Judas soit damné non parce qu'il a trahi Jésus mais parce qu'il s'est pendu). Lors du débat Saroumane/Gandalf, il y a également quelque chose de cet ordre: la trahison de Saroumane est un acte de désespérance, Gandalf le souligne, encore plus que d'orgueil (quoique.. à vérifier). Le rôle d'Estel/Aragorn prend encore plus de sens, effectivement.
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j'en viens à me demander si le fameux "péché contre l'Esprit" dont parle le Christ avec tant de violence n'est pas justement ce renoncement à l'Espérance (et lui-même a dû le ressentir sur la Croix - Père, pourquoi m'as-tu abandonné).
Outre l'exemple de Denethor donné ci-dessus, l'accusation de "failure in Hope" est justement celle qu'Ulmo porte sur Finwë et Míriel comme je l'ai noté dans un article sur ce sujet. Ils ne sont pas pour autant condamnés à mort (lol), mais c'est la plus sévère des accusations portées par les Valar, malgré leur obligation de respecter la libre volonté des deux protagonistes - i.e. oui, il s'agit d'un échec dans la Foi.
Pour compléter sur l'aspect christique de Frodo avec une référence qu'on oublie parfois, je suis retombé sur l'interview de Tolkien en 1971 sur BBC Radio 4:
Gerrolt - Frodo accepts the burden of the Ring and he embodies, as a character the virtues of long suffering and perseverance and by his actions one might almost say in the Buddhist sense he "aquires merit". He becomes, in fact, almost a Christ figure. Why did you choose a halfling, a hobbit for this role?
Tolkien - I didn't. I didn't do much choosing, I wrote The Hobbit you see . . . all I was trying to do was carry on from the point where The Hobbit left off. I'd got hobbits on my hands hadn't I?
Gerrolt - Indeed, but there's nothing particularly "Christ like" about Bilbo.
Tolkien - No
Ce qui est intéressant c'est que Tolkien ne nie pas pour Frodo ;-)
Et un peu plus loin :
Gerrolt - There's an autumnal quality throughout the whole of The Lord of the Rings, in one case a character says the story continues but I seem to have dropped out of it . . . however, everything is declining, fading, at least towards the end of the Third Age. Every choice tends to the upsetting of some tradition. Now this seems to me to be somewhat like Tennyson's "the old order changeth, yielding place to new, and God fulfills himself in many ways". Where is God in The Lord of the Rings?
Tolkien - He's mentioned once or twice.
Gerrolt - Is he the One?
Tolkien - The One... yes.
Gerrolt - Are you a theist?
Tolkien - Oh, I'm a Roman Catholic. Devout Roman Catholic
En écoutant l'original, j'ai trouvé que Tolkien avait l'air embarrassé par la question ("The One... yes, yes." sur un ton plutôt bas, tandis qu'il s'emporte davantage avec ferveur sur "Oh, I'm a Roman Catholic")
Didier.
Faut que je retrouve où on a parlé d'uchronie récemment, car une petite citation de l'interview concorde avec ce que nous disions
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