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Enfin, par un grand effort, il parla, étonné d'entendre ses propres mots, comme si quelque autre volonté se servit de sa petite voix.
- J'emporterai l'Anneau, dit-il, encore que je ne connaisse pas le moyen.
Le Seigneur des Anneaux, éd. Pocket, vol. 1, p. 361
comme si quelque autre volonté se servit de sa petite voix : croyez-vous que cette phrase soit innocente ? Serait-il possible qu'une volonté extérieure se soit imposée à Frodon et que celui-ci ait été incité à dire les paroles qui allaient le lier à la mission de détruire l'Anneau.
On ne peut certainement pas douter de la volonté propre de Frodon d'emmener l'Anneau sur la Montagne du Destin, sa quasi-infaillibilité n'est en effet due qu'à lui-même : sa résistance physique et sa volonté de fer.
Mais tout de même, est-il envisageable de penser qu'une volonté, et qui sinon peut-être Eru lui-même, ait raffermi Frodon dans son choix ?
Frodon est instrument de la Providence (cf. The Letters, lettre n°246), doit-voir dans la phrase que je cite une mention en filigrane du rôle d'une instance Supérieure ?
Evidemment, on pourrait prendre cette phrase au pied de la lettre et ne pas se poser autant de questions. Mais quand on connaît le pointillisme de Tolkien, on pourrait croire que c'est une allusion parfaitement voulue (??)
Cédric
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la lecture de cette phrase m'avait aussi laissée le méme sentiment.
pour ma part, je pense que frodo a été "guidé" dans le choix a prendre serait ce par l'un des valars mais alors lequel? Ulmo pour qui l'interet envers les gens peuplant les terres du millieux ne se serait pas estompait, ou alors Eru lui méme, je ne pense pas que ces 2
solutions soit les bonnes. Peut etre est ce Gandalf qui a inspiré cette phrase,connaissant la capacité des hobbit a ce surpassé face a l'epreuve et peut etre voulant faire connaitre les semi-hommes aux elfes et aux autre races.
je ne sais plus si c'est dans le livre ou dans le film, mais a un moment Galadriel dis quelque chose comme" vous avez été designez pour etre le porteur de l'anneau et si vous ne parvenez pas a la fin de votre quete, personne n'y arrivera."
Cette phrase montre bien que frodon a été "choisi" donc cela prouve la présence d'une volonté exterieure.
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Salut
S'il est dit que Frodon est instrument de la Providence (lettre n°246 semble t-il), je ne pense pas que ce soit à prendre au pied de la lettre non plus. J'explique mon point de vue objectivement subjectif.
Etre l'instrument de la volonté divine ne sous entend pas forcement une intervention stricto sensu de la divinité en question. Je l'appréhende davantage comme une tournure de phrase qui sous entend que tout acte tourné vers le bien puise son inspiration dans le bien originel. Ce bien originel prenant sa source en la divinité elle-même, on peut donc conclure métaphoriquement à "l'instrumentation" de Frodon. Le bien dont nous parlons est une alternative laissée à l'appréciation de ce dernier. Je ne pense pas que la dimension du bien peut exister si son exécution découle d'une quelconque manipulation. Le bien n'a de valeur que s'il est choisit délibérément malgré la confortable possibilité de le rejeter. C'est ce choix du bien, difficile s'il en est, qui donne un souffle épique supplémentaire au parcours de Frodon. Cédric lorsque tu tu te poses la question de savoir si Eru a raffermi Frodon dans son choix, je dirais qu'Eru est à ses côtés à partir du moment ou le hobbit a fait son choix.
Finarfin, Gandalf s'étonne toujours davantage de la "grandeur" des hobbits. Il le dit lui-même. Ce qui rend l'issu de ce combat gigantesque si magnifique d'incertitude, c'est l'espoir que place Gandalf (et plus tard les autres) envers ce jeune hobbit. La grandeur d'âme et l'innocence de Frodon le destine à cette mission insensée. Nous parlons de destin. De celui qui n'est pas étranger à Galadriel qui sait la ruine des terres du milieu si Frodon choisit de ne pas accomplir le sien. Lorsqu'elle dit à Frodon : "vous avez été designé pour être le porteur de l'anneau et si vous ne parvenez pas à la fin de votre quête, personne n'y arrivera", elle ne fait que confirmer ce qu'il a déjà pressenti clairement à Fondcombe : un bien lourd destin pour de frêles épaules de hobbit.
Au passage et à ce propos, dans l'adaptation de PJ, j'ai aimé la façon dont Gandalf semble soulagé lorsque Frodon prend sa décision devant le conseil d'Elrond.
Aaahh c'est beau ! Aller, je vais peut-être le reprendre à nouveau ce pavé :-)
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En relisant cette citation, j’ai tout de suite penser à ces passages de la Bible où les personnages qui vont accomplir de grandes actions se mettent à parler sous l’inspiration de Dieu. Voici deux exemples :
Yahvé s’adresse à Moïse avant son envoi en mission :
« Va donc sur l’heure, je t’aiderai à parler et te suggérerai ce que tu devras dire. »
Exode 4,12 ; traduction : « La Bible de Jérusalem »
Jésus envoie en mission ses apôtres :
« Mais, quand on vous livrera, ne cherchez pas avec inquiétude comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné sur le moment, car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous. »
Évangile selon St Matthieu 10,19-20
Il est notable que dans ces deux exemples, à chaque fois, la divinité choisit des hommes ordinaires pour accomplir sa volonté et que ses paroles ont pour but de les rassurer en leur disant qu’elle sera leur guide dans cette mission qui s’annonce difficile voire dangereuse pour leurs vies puisqu’elle leur dictera leurs propos.
Ces parallélismes me font donc pencher en faveur d’une interprétation « chrétienne » du passage : Frodo est l’élu choisi pour la mission et ses paroles dépassent sa propre volonté. Tout cela est bien entendu très diffus comme toutes les références religieuses dans le SDA.
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Nikita,
Il y a là une question de perception de la foi et plus précisément de Dieu, de ses desseins et de la façon dont nous les percevons. L'interprétation de la bible est laissée à la sensibilité spirituelle de chacun.
A priori, nous sommes tous d'accord en ce qui concerne le message principal qui ressort de cet ouvrage. Mais les chemins pour appréhender ce message semblent être multiples. L'essentiel étant sauf puisqu'au bout du compte, nous nous rejoignons. Pour ma part, là aussi, je ne perçois pas les citations que tu as choisis de façon directe.
En l'occurrence :
« Mais, quand on vous livrera, ne cherchez pas avec inquiétude comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné sur le moment, car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous. »
Évangile selon St Matthieu 10,19-20
...ceci me semble être une image qui a pour but d'exhorter l'homme à se laisser guider par ce qu'il possède de plus "profond" en lui (je vais préciser). Partant du principe que la bible est avant tout un message d'amour (que nous qualifierons de "divin"), l'esprit du père illustre ici cet amour. Celui que nous possédons tous intrinsèquement.
Sans doute faut-il faire preuve d'un certain courage (entre autres) pour se laisser guider par lui. Aussi, cette mise en pratique est amorcée par le réconfort de l'apparente "prise en charge". Libre de toutes craintes, se sentant "accompagné", l'individu se suffira à lui-même pour trouver les mots justes. Il n'est aucunement question de "prise en charge" au sens strict du terme, l'esprit du père (l'amour "divin" donc) étant notre acquis.
Je précise, s'il en est besoin, que je ne suis pas catholique pratiquant. Il s'agit simplement de ma compréhension de ce passage afin d'illustrer ce que je disais plus haut. A savoir qu'il existe plusieurs chemins sur le parcours de l'interprétation qui mènent à une compréhension similaire du principal message de la bible : le bien (un petit mot bien seul pour résumer ce que l'on ne peut apprivoiser avec les mots).
Voilà pourquoi, je ne peux me résoudre à penser que Frodon est influencé. Simplement, en le sollicitant, on le laisse entrevoir ce dont il est capable. Mais la décision finale lui appartient totalement. Il reste libre de son choix. Dieu n'est pas un "manipulateur". Ce serait plutôt un "éducateur". Il nous exhorte à découvrir ce qu'il y a de grand en nous. C'est une différence fondamentale à mes yeux. C'est en tout cas ma compréhension de Dieu. Bien que je ne le perçoive pas de façon commune, comme une entité dirais-je. Mais se serait sans doute délicat à expliciter et je ne veux pas dévier du sujet de départ.
Pour conclure, je penche en faveur d'une interprétation chrétienne du passage, tout comme toi. Pourtant, nous n'avons pas le même avis en ce qui concerne ce qui nous intéresse ici : Frodon a t-il été influencé ? Je trouve cela intéressant :-)
Cédric, ton sujet de réflexion m'aura fait cogiter plus que de raison ! Je suis claqué et Morphée pionce depuis longtemps. Si elle se réveille, je te colle tout sur le dos ;-))
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Non pas influencé, mais aidé
Parfois, bien que le choix soit pris, il est difficile et pénible de le prononcer à haute et claire voix. En répondant aux citation bibliques de Nikita, je dirai donc aidé (et dans le monde Tolkien, le Père (Eru) existe et son esprit aussi.
Stonelas, tu n'as pas l'impression que ton explication, bien qu'intéressante, tire vraiment les cheveux un peu fort. Tu ne peux pas faire dire ça (si loin je veux dire) à un texte qui dit le contraire.
Enfin, c'est aussi une impression que l'on peut avoir (que sa voix ne nous paraisse plus la nôtre) quand on parle en ayant l'impression de vivre un moment irréel. L'explication est peut-être bêtement humaine, mais connaissant Tolkien, ça m'étonnerait.
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Stonelas, tu n'as pas l'impression que ton explication, bien qu'intéressante, tire vraiment les cheveux un peu fort. Tu ne peux pas faire dire ça (si loin je veux dire) à un texte qui dit le contraire.
Salut Vinyamar,
Ce "texte" est un extrait de la Bible. Il ne s'agit pas d'un écrit cartésien. Une lecture intellectuelle stricto sensu des évangiles fait obstacle au sens profond du récit allégorique. Rationaliser ce passage hors contexte me semble aléatoire. Cela reste du domaine de mes convictions :-)
stonelas.
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Frodo aurait été guidé ou soutenu par Eru au moment de son choix ? Mmmm…
Il est vrai que les écrits bibliques foisonnent de passages témoignant de l’intervention divine dans le destin des hommes. Quelques exemples ont été donnés plus haut et point n’est besoin de rappeler d’importance de la pensée chrétienne dans les écrits de Tolkien. (Ton interprétation, Stonelas, m’est apparue fort pertinente – La question de la liberté de choix et de la maîtrise du destin, sujet à mon sens, central dans l’œuvre de Tolkien, mériterait sans doute un fuseau à elle seule).
Il est vrai que Gandalf dit lui-même :
« Derrière cela (la découverte de l’Anneau par Bilbo), il y avait quelque chose d’autre à l’œuvre en dehors de tout dessin du Créateur de l’Anneau. Je ne puis le faire comprendre plus clairement qu’en disant que Bilbo était destiné à trouver l’Anneau, et pas par la volonté de celui qui l’avait créé. Et c’est peut-être là une pensée encourageante »
Livre I Chap. 2
Toutefois :
… cette réplique de Gandalf est, je pense, la seule qui sous-entend l’intervention d’une force positive extérieure. Ne devrait-on pas y voir simplement l’expression de l’interrogation consciente ou inconsciente de Tolkien face au « silence » de Dieu ?
… Eru n’est, il me semble, jamais cité comme tel dans le SDA, tandis que dans le Silmarillion, il ne semble guère s’être préoccupé ou être intervenu dans la vie de ses Enfants installés en Terre du Milieu.
(Si quelqu’un trouve un contre exemple, je suis d’accord pour revenir sur cet argument. Mais, a priori, je n’ai trouvé aucune trace explicite de l’intervention d’Eru, une fois le monde créé).
En conclusion, il me semble difficile de trouver, dans le texte, un argument qui donnerait une réponse claire. De ce point de vue, la question, comme bien d’autres, reste ouverte.
Subjectivement, j’ai tendance à voir dans le sentiment de Frodo, la simple réaction humaine de quelqu’un de profondément simple et modeste, qui prend une décision extrêmement difficile et lourde de conséquences, et qui l’exprime devant un parterre de personnalités, ma foi, assez impressionnant.
Ylem
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Moi, je pense que Frodon a été influhensait par l'anneau car ne l'avait-il pas déjà utiliser plusieurs fois ? Son désir de le garder et profon et grand car même en ne l'ayant que garder, quelque années, il a ésité à le cofier à Gandalf avant qu'il lui explique son ipotese sur ce qu'était l'anneaux. De plus dans le conseil d'Elrond ( chp 1 liv 2 ) Gandalf dit que ,sous l'idée de Boromir ( je crois ), les habitant de l'autre côté de la mer se soucient peut des histoires de la terre du milieu.
paulo
P.S : Vous ne trouver pas que je me suis amméliorer en Orthographe.
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Bonjour Paulo.
Puis-je te suggérer de préparer tes interventions sur un traitement de textes et de les passer au correcteur orthographique et grammatical avant de les copier dans le forum... (un simple copier/coller fonctionne très bien)
Malgré tes efforts, il est vraiment fort difficile de te comprendre...
Amicalement,
Ylem.
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>Ylem
Il y a un cas ou Eru intervient directement dans la vie d'Arda, c'est lors de la submersion de Numenor. Il est dit (je cite de mémoire car je n’ai pas mes livres avec moi) « Les valars abandonnèrent les rennes du monde « Cela semble indiquer que en temps ordinaire Eru fait confiance aux Valars pour la conduite des affaires du monde. Ses interventions sont rares et particulièrement spectaculaire. Dans le cas présent il s’agit tout simplement d’une modification totale de la forme d’Arda qui passe d’un monde plat à un monde Sphérique.
C’est à mon avis le seul cas connu d’intervention d’Eru
cordialement
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Voilà ce qui arrive quand je poste des messages trop vite : on ne me comprend pas bien !
Stonelas, je n’ai jamais eu l’intention de démontrer que Frodo était « influencé » ni « téléguidé » par une divinité ! Ce n’est ce que dit la Bible (au contraire !!!), ce n’est pas non plus, je crois, ce que voulait suggérer Tolkien ici ! Tout ce que je voulais faire en rappelant ces citations, c’est montrer combien la formulation de Tolkien y faisait étrangement écho.
Soyons clairs, l’homme d’après la Bible est on ne peut plus libre, c’est ce qui fait son bonheur mais aussi son malheur mais cette liberté accordée par Dieu est un bien inaliénable. Cela dit, tout lien avec Dieu n’est pas rompu et il arrive des moments où la volonté de Dieu rejoint celle de l’homme : c’est ce que je qualifierais de communion mais cela n’engage que moi…
Dans le cas de Frodo, au moment où il prend sa décision, il découvre qu’il accomplit là une volonté supérieure, il se sent donc porté et non influencé dans son choix, aidé pour reprendre la formulation de Vinyamar.
Voilà j’espère avoir été plus claire. Comme tu le dis, Stonelas, nos points de vue se rejoignent et c’est là l’essentiel même si le débat reste ouvert…
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La lettre 246 du recueil The Letteres of J.R.R. Tolkien est claire pour qu'on puisse affirmer l'interventionnisme d'Eru sur Orodruin.
"Frodo had done what he could and spent himself completely (as an instrument of Providence) and had produced a situation in which the object of his quest could be achieved.His humility (with which he began) and his sufferings were justly rewarded by highest honour; and his exercice of patience and mercy towards Gollum gained him Mercy: his failure was redressed."
Les expressions "instrument of Providence" et "his failure was redressed" me semblent particulièrement significatives.
Cirdan
ps: Il ya quelques autres exemples d'intervention divine. C'est encore Eru qui intervient directement pour créer la réincarnation des elfes après la "mort" de Miriel (cf. HoME X). C'est aussi lui qui réssucite Gandalf après la perte de son envellope charnelle lors de sa bataille avec le Balrog de la Moria.
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Cirdan,
Mon anglais est aussi rouillé que les feuilles d'automne. Cependant, la lecture attentive de cette lettre ne me permet aucune affirmation concernant l'interventionnisme d'Eru sur Orodruin.
Cet extrait rend hommage à Frodon et "as an instrument of providence" met en relief l'abnégation du hobbit sans pour autant signifier que ce dernier est l'instrument d'Eru.
"his failure was redressed" - Frodon "rachète" sa défaillance en faisant preuve de miséricorde envers Gollum. Ce rétablissement, il ne le doit qu'à lui-même.
Je reste sur ma position initiale. Quelles que soient les situations auxquelles Frodon est confronté, le libre arbitre lui reste acquis.
Je suis néanmoins ouvert à toute autre interprétation. C'est un sujet de réflexion fort intéressant qui mérite de perdurer.
stonelas
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Bonjour Cirdan. Un petit mot pour dire que je partage l'avis de Stonelas qui a juste été plus rapide que moi pour te répondre dans ce même sens.
Après relecture, je n'ai pas non plus trouvé d'indication explicite comme quoi Gandalf aurait été "ramené à la vie matérielle" grâce à l'intervention d'Eru en personne. Mais peut-être ais-je laissé échapper quelque chose ?
Ylem.
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Salutations
Je n´ai pas vu sur ce fuseau de théorie qui implique la volonté de l´anneau dans les paroles de Frodon. L´anneau a une réelle volonté sur son porteur (je pense que c´est difficilement discutable) et peut-etre croit-il qu´il pourra maitriser Frodon. Après tout, notre ami hobbith ne compte pas parmi les plus grands sages de son temps et il a déja failli succomber à la volonté de l´objet (cf.le voyage vers Bree, l´arbre et le nazgul). De plus, Frodon a déja fait une erreur et s´est montré (cf. Bree, la salle et la chanson). L´anneau le croit donc faible et il est vrai qu´il y a des personnes plus dangereuses qui pourraient prendre l´anneau (Gandalf, Aragorn, Elrond, Boromir, Glorfindel ...). Evidemment, cela pose le problème d´une possible conscience de l´anneau mais cette explication peut en partie expliquer cela, je crois. De plus, c´est peut-etre le mal du porteur qui commence à atteindre frodon : il répugne à le voir porter par qqun d´autre mais cela lui parait étrange car il en est encore conscient et spectateur tant il est vrai que les vertus de Fondcombe (aidé par l´anneau d´Elrond et en plus, à ce moment là, par celui de Gandalf) pourraient permettre à Frodon de percevoir ses sentiments (de possesion en l´occurence) comme s´ils lui étaient étrangers.
Bon c´est une petite explication vite fait mais je crois que plusieurs solutions sont valables et contribuent toutes à cet acte qui demeure capital.
Très chaleureusement, votre serviteur, tthingol.
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Je m'incruste sur ce fuseau simplement pour dire à tthingol que sa théorie est très séduisante.
Namárië
Vinch'
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Cher maitre
Je ne saurais exprimer le ravissement ou je suis quand je vois que mes timides théories ont la gloire et la chance d´arriver jusqu´à vos augustes oreilles et, j´ose le penser, les intéresser à un sujet qui m´est cher.
Votre très humble et respectueux serviteur, tthingol
PS:je sais, ca n´apporte rien et ca ne sert à rien pour le débat et je m´en excuse très platement auprès du maitre Cédric le grand (son nom puisse-t´il etre loué par les peuples libres tant que durera le royaume des valar), mais on ne me fait pas souvent des compliments et je ne pouvais pas, au nom de mon éthique, ne pas remercier le généreux bienfaiteur de ce charmant pamphlet.
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tthingol le 27-08-02 > Je n´ai pas vu sur ce fuseau de théorie qui implique la volonté de l´anneau dans les paroles de Frodon. (...)
paulo le 23-08-02 > Moi, je pense que Frodon a été influhensait par l'anneau (...)
tthingol,
J'ai également omis la lecture du post de paulo. J'apprécie d'autant plus ton intervention ;-)
La discussion s'est focalisée sur une hypothétique intervention d'Eru. Je ne vais pas dans ce sens pour les raisons explicitées plus haut. En revanche, la théorie selon laquelle l'anneau insufflerait une volonté à Frodon pour mener ce dernier à sa propre perte me semble séduisante.
Enfin, par un grand effort, il parla, étonné d'entendre ses propres mots, comme si quelque autre volonté se servit de sa petite voix.
- J'emporterai l'Anneau, dit-il, encore que je ne connaisse pas le moyen.
A cet instant, si influence il y a, je l'accorde volontiers à l'anneau. Cela donne une dimension de malignité à la mesure de Sauron.
Mais quel est ton sentiment concernant Eru ?
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Suilad,
Le post de tthingol m'a fait pas mal cogiter (à ce propos, il est disproportionné de m'appeler Maître, tout le mérite de ton intervention te revient). J'ai trouvé un passage dans le SdA des plus intéressants:
Soudain un sentiment d’urgence qu’il ne comprenait pas s’empara de Sam. C’était presque comme un appel :
- Maintenant, maintenant où il sera trop tard ! Il s’arma de tout son courage et se leva. Frodon semblait avoir senti l’appel, lui aussi. Il se dressa péniblement sur les genoux.
- Je vais ramper, Sam, dit-il haletant.
Le Retour du Roi, Livre VI, Chapitre III « La Montagne du Destin », éditions Pocket, page 298.
Qui lance cet appel ? Certainement pas l’Anneau. Cependant à mon sens, celui-ci a également senti cet appel car quelques lignes plus bas :
Frodon s’y hissa ; puis, comme mu par quelque impulsion, il se tourna lentement face à l’Est. Au loin planaient les ombres de Sauron ; mais, déchirés par une grande agitation intérieure, les nuages enveloppants tournoyèrent et s’écartèrent un moment ; et il vit alors, dressée toute noire, plus noire et sombre que les vastes ombres au milieu desquelles elle s’élevait, la plus haute tour de Barad-dûr avec ses cruels pinacles et son couronnement de fer. Elle ne se détacha qu’un moment, mais comme d’une grande fenêtre incommensurablement haute, jaillit vers le nord une flamme rouge, le clignement d’un Œil perçant ; et puis les ombres se replièrent et la terrible vision disparut. L’Œil n’était pas tourné vers eux : il observait le nord, où les Capitaines de L’Ouest luttaient en désespérés, et toute sa malice était axée sur ce point, comme la Puissance s’apprêtait à frapper son coup décisif ; mais Frodon, à cet horrible aperçu, tomba comme mortellement frappé. Sa main chercha la chaîne qu’il avait au cou.
Le Retour du Roi, Livre VI, Chapitre III « La Montagne du Destin », éditions Pocket, page 298-299.
Donc nous n’aurions pas une mais deux volontés antagonistes et Frodon serait écartelé entre les deux.
Namárië
Vinch’
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Vinchmor,
Ton explication me semble intéressante et soulève en moi qques doutes par rapport à l´interprétation que j´avais eu de ces passages. Je t´en remercie profondément.
Pour la première citation, le mystère reste complet. Qui lance cet appel? Y-a-t´il vraiment une personne qui lance un appel? N´est-ce pas plutot un sentiment provoqué par la bataille, la pensée de Gandalf pour le porteur ou l´arrivée des aigles (c´est, je crois, un peu plus tard que les aigles arrivent)? Ou tout ensemble? Sam ne comprend pas ce sentiment et je dois avouer que moi non plus je n´en percois pas la cause.
Le deuxième passage cité m´a vivement interpellé. En effet, je n´avais jamais pensé à cet endroit à l´intervention d´un quelconque volonté. Pour moi, je pensais que frodon était normalement terrifié au moment où il voit Barad-dur , car la tour sombre ayant été reconstruite avec l´aide de l´anneau, cela ne pouvait pas le laisser indifférent (on voit un peu avant que la vue du roi-sorcier, servant de l´anneau, le plaque au sol : peut-on en conclure que tout ce qui a été construit avec l´anneau inflige la terreur au porteur?). Je pensais aussi que la vue de l´oeil lui coupait tous ses moyens (ca peut se comprendre) mais je n´avais jamais pensé à une influence de l´anneau à cet instant précis. En tout cas, ca me fait réfléchir et je me pose des tas de questions. J´essaierai de vous faire part de mes méditations quand elle seront à therme mais le sujet est plus complexe qu´il n´y parait. Bon fuseau.
Votre serviteur, dont les rares neurones subsistants sont mis à rude épreuve depuis qu´il s´est inscrit, tthingol.
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Plus je repense à la proposition de ttinghol et plus je m'en éloigne. Certes, je suis enclin à penser que le mal verse dans la manipulation contrairement au bien. L'idée que l'anneau impose sa volonté à Frodon afin de le conduire à Sauron pourrait cadrer avec la malignité de ce dernier. Mais Sauron peut-il exercer un tel pouvoir à travers l'unique ? Je ne le crois pas et je vais y revenir.
Je pense toujours que le combat intérieur de Frodon ne peut être réduit à un duel de volontés extérieures. J'y verrais presque un appauvrissement de l'oeuvre. Les protagonistes ne seraient finalement que des marionnettes entre les mains de puissances antagonistes. Des instruments juste bons à accomplir leurs desseins.
L'intensité dramatique de l'oeuvre naît de cette pâle lueur d'espoir qui chancelle au milieu d'un gouffre abyssale de désespérance. Le destin de Frodon lui a été révélé. L'accomplissement de sa charge revient entièrement au hobbit. Le libre arbitre est sa souffrance. Influencé, il n'aurait pas été soumis aux tourments que nous savons.
J'en reviens à l'anneau dont le pouvoir ne peut se substituer radicalement à celui de la volonté de Frodon. Prenons, par exemple, l'extrait que tu as choisi Vinchmor. L'oeil ne pourrait se tourner vers Frodon lorsque l'unique conduit son porteur à la vue de Barad-dûr ? Sachant que l'anneau et Sauron ne font qu'un, nous frôlons l'hérésie.
Donc nous n’aurions pas une mais deux volontés antagonistes et Frodon serait écartelé entre les deux.
Frodon n'est pas seul dans son périple mais nulle volonté extérieure ne s'impose à lui. Oui, il est écartelé. La lutte est faramineuse et son esprit se déchire lorsque sa propre volonté exprime une dualité. Ici, l'éternel combat du bien contre le mal trouve ses lettres de noblesse.
stonelas.
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Stonelas,
Dans la première citation il est clair, à mon sens, qu'il y a une intervention extérieure puisque Sam et Frodon l'entendent; j'y vois là une preuve que quelque chose veille sur la quête.
Dans la seconde, à mes yeux, l'Anneau pousse Frodon à regarder vers Barad-dûr (d'ailleurs est-ce l'Unique qui écarte les nuages???)pour briser sa volonté. L'Anneau doit commencer à se douter de quelque chose, si on peut dire, car il a déjà reconnu la Montagne du Destin par le passé (je pourrais vous retrouver le passage précis dans les Deux Tours si vous le souhaitez) et il doit se rendre compte qu'il a du mal à imposer sa volonté à ce hobbit.
L'oeil ne pourrait se tourner vers Frodon lorsque l'unique conduit son porteur à la vue de Barad-dûr ? Sachant que l'anneau et Sauron ne font qu'un, nous frôlons l'hérésie.
Mais il me semble que toute le SdA le prouve, l'Anneau ne peut pas attirer de lui même l'Œil sur lui, sinon, cela ferait longtemps que Sauron l'aurait au doigt.
Mais, je te rejoins sur le fait que Frodon garde son libre arbitre, ce qui fait toute la beauté de cette oeuvre. Et il doit essayer de rester lui-même au milieu des ces puissances qui écartèlent son corps, son esprit et son âme.
Vinch'
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Stonelas,
Il est vrai que je n´avais pas vu le post de Paulo et j´en suis profondément désolé.
Je t´ai exposé ma théorie mais je m´interroge de plus en plus sur le fait que, parmi tous, Frodon soit le moins puissant (je parle de puissance mais je ne trouve pas le mot tant il est indéniable qu´il est le plus apte à porter l´anneau ; je veux dire que tous au conseil sont des aventuriers aguerris). Je me suis peut-etre dit, mais c´est très audacieux, que l´anneau pouvait avoir peur de tous ces gens et que ce pourrait etre la raison de l´influence qu´il insuffle à Frodon. Bon, je sais, ca parait complètement loufoque d´ttribuer à l´anneau des sentiments tel que la peur ... Mais j´ai en mémoire les paroles de Gandalf : "L´anneau lui-meme aspire à rejoindre son maitre". Bon, c´est vraisemblablement éxagéré et faux mais il faut tout essayer pour trouver la solution.
Quant à Eru, je ne crois pas qu´il s´occupe des terres du milieu tant que cela. Je ne crois pas non plus qu´il ait l´omniscience (comment expliquer qu´Äulé ait pu faire ses nains et ne se soit fait prendre que plus tard). Je ne crois pas non plus que le Valars interviennent dans les terres du milieu. Et puis, à mon avis, ils ne savent pas tout. Meme si il est dit dans le silmarillion que Mänwé aidé par son épouse peut voir plus loin que n´importe qui, jecrois que les Valars se sont désinterresés des terres du milieu, comme Gandalf le dit (cf. post Paulo, que j´ai lu cette fois). Voila ma pensée pour Eru mais mon raisonnement n´est pas exhaustif d´idées nouvelles. J´attends avec impatience les théories de ceux qui croient encore dans les interventions des valars au A. Puissent-ils me convaincre!
Votre serviteur, tthingol.
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Salutations,
Tout d´abord, je voudrais m´excuser pour le récent message. J´avais oublié de le poster il y a 40 minutes. Il n´est donc plus d´actualité.
Je voudrais intervenir sur la phrase de Stonelas : "sachant que l´anneau et Sauron ne font qu´un". Je ne vois pas les choses comme cela. Je crois que l´anneau ne fait qu´un avec Sauron mais pas l´inverse (si je puis dire) et là, je suis d´accord avec Vinchmor : Si c´était le cas, cela ferait longtemps que l´anneau serait à Sauron. Gandalf dit que l´anneau a "ressenti l´appel de son maitre" (SDA1) et ce n´est pas réciproque car si l´anneau pouvait appeller son maitre, la quete n´aurait aucune chance d´aboutir.
Je suis d´accord que la beauté de l´oeuvre est dans le combat intérieur et pas dans l´intervention de forces extérieures. Mais là je me pose une question : L´anneau est-il vraiment une force d´influence extérieure? Ne fait-il pas partie du porteur, ce qui expliquerait la difficulté des porteurs à s´en séparer. Et ce mot "porteur" n´est pas du tout innocent à mon sens. On parle aussi d´un porteur de virus. Et c´est comme cela que je vois l´anneau! Un virus : un corps étranger dans le corps du porteur.
En fait, tout mon problème réside dans une définition du pouvoir de l´anneau et la manière dont il influence le porteur (concrètement). Bon, je vais regarder dans le larousse mais je crains de ne pas y trouver le remède contre ma souffrance cérèbrale.
tthingol
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Vinchmor, ton post précédent m'a laissé penser qu'il étayait la théorie proposée par tthingol dans son premier post. Théorie qui, je cite tthingol, implique la volonté de l´anneau dans les paroles de Frodon.
Je commente quelques passages postés par tthingol (en abordant ma "définition" du pouvoir de l´anneau et la manière dont il influence le porteur) :
L´anneau a une réelle volonté sur son porteur (je pense que c´est difficilement discutable)
et peut-etre croit-il qu´il pourra maitriser Frodon.
Je le discute. A mon sens, l'anneau n'applique pas sa volonté. il fait naître un vil désir de pouvoir, de possession propre à son porteur. L'unique est un tentateur. Il éveille ce qu'il y a de plus sombre en l'individu. Si ce dernier à la force de ne pas céder à ses plus basses aspirations et donc de "servir" l'anneau, un combat intérieur s'en suit.
L'unique aspire à retrouver son maître. Nous sommes d'accord. Mais, en aucun cas, il ne peut conduire son porteur à Sauron par
sa seule volonté.
il répugne à le voir porter par qqun d´autre mais cela lui parait étrange car il en est encore conscient et spectateur
tant il est vrai que les vertus de Fondcombe (aidé par l´anneau d´Elrond et en plus, à ce moment là, par celui de Gandalf)
pourraient permettre à Frodon de percevoir ses sentiments (de possesion en l´occurence) comme s´ils lui étaient étrangers.
En effet, Frodon répugne à le voir porter par quelqu'un d'autre. L'anneau a fait son oeuvre. Frodon n'est pas détaché des considérations matérialistes de possession comme peut l'être Tom Bombadil. On peut alors imaginer qu'il se propose, à Fondcombe, pour cette raison. Mais je ne le pense pas. A cet instant, Frodon a le dessus sur l'unique qui commence à "travailler" sur le porteur. Je pense qu'il fait ce choix librement car il commence à cerner l'action de l'anneau : la "corruption des âmes". Il saisit toute la dimension et l'urgence de la quête. Aussi et malgré le fait qu'il ne sache pas comment y parvenir, il prend la ferme résolution de le détruire. Il est possible que la présence de Gandalf ou le fait d'être dans la demeure d'Elrond lui octroie le courage de prendre sa décision. Mais il n'est point question de magie, c'est là un sentiment simplement humain.
Evidemment, cela pose le problème d´une possible conscience de l´anneau
Oui !
Lorsque j'écris L'oeil ne pourrait se tourner vers Frodon lorsque l'unique conduit son porteur à la vue de Barad-dûr ? Sachant que l'anneau et Sauron ne font qu'un, nous frôlons l'hérésie.
C'est bien entendu dans l'optique ou l'anneau conduirait Frodon vers Sauron à l'insu du porteur. Cela illustrait mon propos. A savoir que l'unique ne peut radicalement imposer sa volonté. Frodon se dirige vers Orodruin dans le but d'achever sa quête et non pas pour céder l'anneau à Sauron sous l'influence de l'unique. Si c´était le cas, cela ferait longtemps que l´anneau serait à Sauron. Nous sommes d'accord. C'est pourquoi je parlais d'hérésie. L'anneau n'a que le pouvoir de corruption. Rien d'autre. Mais c'est déjà beaucoup :/
J´attends avec impatience les théories de ceux qui croient encore dans les interventions des valars au A. Puissent-ils me convaincre!
idem
stonelas.
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Stonelas,
Je suis d´accord avec toi pour ne pas trop donner de conscience à l´anneau mais l´explication d´une possible conscience de Frodon de l´urgence de sa cause me parait chancelante. Revenons à la citation. Si il y avait cela dans la décision de Frodon, il y aurait qqc d´écrit là-dessus mais non. La raison est inconnue et apparement le reste pour nous aussi.
tthingol
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Il me faut aussi dire que je ne suis pas d´ac avec toi quand tu dis:
"Frodon n'est pas seul dans son périple mais nulle volonté extérieure ne s'impose à lui." Je reprends la citation qui montre bien la présence d´une volonté extérieure :
Enfin, par un grand effort, il parla, étonné d'entendre ses propres mots, comme si quelque autre volonté se servit de sa petite voix.
- J'emporterai l'Anneau, dit-il, encore que je ne connaisse pas le moyen.
Il y a encore matière à réflexion, je crois.
tthingol
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tthingol,
Cette citation ouvre le sujet et je développe mon point de vue dans de précédentes interventions. Je t'invite à les lire. En effet, il y a matière à réflexion. Des avis sont partagés mais l'interrogation de Cedric reste entière. Au plaisir de te lire.
stonelas.
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>Tthingol : Ta citation va peut-être nous permettre de recentrer le débat qui a pris des proportions impressionnantes. Encore une preuve, s’il en fallait, de la profondeur des écrits de Tolkien.
N’avez-vous pas remarqué comment la syntaxe employée par Tolkien traduit tout le débat intérieur qui agite Frodo :
« par un grand effort » nous indique combien cette décision est difficile à prendre pour Frodo
« étonné d'entendre ses propres mots » : tout de suite après le narrateur semble se contredire en induisant que les paroles lui sortent naturellement de la bouche.
« comme si quelque autre volonté se servit de sa petite voix » : Qu’est devenu l’effort mentionné au début de la phrase ? Ses paroles lui semblent dictées !
Même constat quand Frodo prend la parole :
« J'emporterai l'Anneau » : Voici une phrase affirmative au futur de l’indicatif par dessus le marché ! Je rappelle que l’indicatif est le mode du réel par opposition au conditionnel et au subjonctif : en effet Frodo aurait pu dire : « Je pourrais emporter l’anneau » ou encore « Il faudrait que j’emporte l’anneau ». Pas de trace d’hésitation ou de doute dans cette affirmation !
« encore que je ne connaisse pas le moyen » : et une subordonnée concessive, une, qui traduit bien la modestie empreinte de doute de Frodo au moment où il s’étonne d’après pris une telle décision !
Pardon pour cette analyse stylistique mais elle me semble bien illsutrer le débat intérieur qui anime Frodo : est-ce sa volonté qui est tiraillée entre deux choix (rentrer chez lui ou accepter de mener la quête jusqu’au bout) ou n’est elle pas le terrain où se jouent plusieurs influences : Eru , l’Anneau Unique ? Je rejoins plutôt cette seconde hypothèse bien que je ne puisse pas le démontrer véritablement. Mon sentiment est que quelque chose de plus grand dépasse Frodo mais il n’en a pas moins de mérite à prendre cette décision exemplaire !
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Suilad,
Un nouveau jour se lève...
Je ne pense pas non plus que l'Unique puisse "imposer" sa volonté pour que Frodon aille sonner à la porte de Barad-dûr et le donner à Sauron. La théorie de Tthingol me semblait séduisante, mais c'est vrai qu'il est difficile d'imaginer l'Anneau dictant à Frodon les mots qu'il a prononcé au conseil d'Elrond (désolé Tthingol, mais au moins ta théorie nous aura tous fait cogiter, et c'est l'essentiel sur ce forum).
En fait, et nous sommes apparemment tous d'accord, l'Anneau essaye de briser la volonté propre de Frodon. C'est dans cette optique que je vois la deuxième citation. L'Unique cherche à ce que le Porteur le passe au doigt et se révèle à Sauron. C'est le seul moyen qu'a l'Anneau pour attirer vers lui son Maître (Gentil Maître, Gentil).
Donc entre sa volonté, ce vil désir de pouvoir dont Stonelas parle et ce curieux appel que les deux hobbits ont entendu, Frodon est entre le marteua et l'enclume. Les blessures qui résulteront d'un tel dilemne ne se refermeront jamais en Terres du Milieu.
Namárië
Vinch'
P.S. la citation dont je parlais dans mon précédent post sur l'anneau qui "reconnait" le Mont du Destin se trouve dans le Retour du Roi et non les Deux Tours.
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Salutations
Revenons au conseil d´Elrond et à la question de Cédric :
comme si quelque autre volonté se servit de sa petite voix : croyez-vous que cette phrase soit innocente ? Serait-il possible qu'une volonté extérieure se soit imposée à Frodon et que celui-ci ait été incité à dire les paroles qui allaient le lier à la mission de détruire l'Anneau.
Personnelement, je crois que l´intervention d´une volonté est possible mais il est possible que ce ne soit qu´une impression : "comme si". A première vue, cela amoindrit l´interet du passage mais cela étaye bien le combat intérieur et, en y repensant, le dédoublement de la personalité est fréquent chez les porteurs de l´anneau : je n´ais pas trouvé de passage pour Bilbo (meme s´il me semble qu´il se parle un peu à lui-meme) mais pour Gollum, c´est flagrant (je ne vous ferai pas l´affront de citer). Sans parler de véritable dédoublement de la personalité, on peut se demander si la lutte intérieure de Frodon ne va pas assez loin pour qu´il est l´impression de ne plus etre lui-meme dans ces paroles. Le "comme si" de la citation m´a éveillé de nouveaux doutes (comme si je n´en avais pas assez).
Eorlindas!
tthingol
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Nikita,
Je pense que ton analyse est tout à fait pertinente et justifiée et, de plus, elle est excellente (ce qui ne gate rien). Mais peut-etre que la citation originale en anglais pourrait nous aider.
tthingol
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Merci tthingol pour tes compliments.
Effectivement si l'on veut affiner l'analyse, on devrait se reporter au texte anglais mais je ne l'ai pas sous la main alors si quelqu'un veut bien se dévouer... Cela dit, je ne pense pas que l'on ait de grosses surprises mais on ne sait jamais...
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Salutations,
Moi non plus, j´ai pas la version anglaise (oui mais bon j´en ai honte alors ca excuse un peu, non?).
En tout cas, on reste sans réponse précise : pas d´influence d´Eru (en tout cas je crois pas), pas celle de l´anneau (en tout cas pas complètement) et, à mon avis, pas celle de Gandalf (je le vois mal influencer frodon pour qu´il prenne l´anneau) ... mais alors qui bordel? Aidez mon pauvre esprit fatigué!!!
tthingol
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Bonjour. Je me permets de rappeler une partie de mon intervention du 22/08...
Il est vrai que Gandalf dit lui-même :
" Derrière cela (la découverte de l’Anneau par Bilbo), il y avait quelque chose d’autre à l’œuvre en dehors de tout dessein du Créateur de l’Anneau. Je ne puis le faire comprendre plus clairement qu’en disant que Bilbo était destiné à trouver l’Anneau, et pas par la volonté de celui qui l’avait créé. Et c’est peut-être là une pensée encourageante "
(Livre I Chap. 2)
Toutefois :
… cette réplique de Gandalf est, je pense, la seule qui sous-entend l’intervention d’une force positive extérieure. Ne devrait-on pas y voir simplement l’expression de l’interrogation consciente ou inconsciente de Tolkien face au " silence " de Dieu ?
... pour préciser quelque peu ma réflexion.
Les forces négatives sont présentées de manière extrêmement tangibles et agissantes tout au long du SDA : l'œil de Sauron, les Servants de l'Anneau, les multiples créatures maléfiques, l'Anneau lui-même, le mal qu'il cherche à insinuer dans le cœur des Enfants de Lluvatar ou qui s'y trouve tapi,...
Mais qu'en est-il des forces positives : les humains et même les elfes semblent bien seuls pour les faire vivre.
Eru (Dieu, le Créateur) ne se manifeste guère, pas plus que les Valars (expressions de Dieu ?) - pas dans le SDA (ou ce n'est que conjonctures) et peu ailleurs, en comparaison avec les agissements des forces du mal.
Peut-être le Mal est-il pour Tolkien, plus concret ou alors plus vivant que le Bien... (la guerre qu'il a vécue, ses drames personnels,...) Peut-être est-ce cette vision personnelle pessimiste qui transparaît dans son œuvre ? Face aux coups de boutoirs de la vie, peut-être que Tolkien, qui est croyant, se trouve-t-il bien seul, confronté au "silence" de Dieu ?
...La solitude est-elle le prix de la liberté ?...
La réplique de Gandalf serait comme un cri de Tolkien lui-même : face à tout ce mal, toute cette souffrance, ce n'est pas possible que Dieu ne réagisse pas... Quelque chose d'autre doit être à l'œuvre, il le faut... Comme il n'y a pas de réponse (claire ?) de Dieu, la question de sa possible intervention reste en suspens, ne se dessine que de manière très floue et en filigrane du récit. C'est possible que ce soit Eru qui insuffle l'inspiration à ses Enfants, mais ce n'est pas certain, nous dit en quelque sorte Tolkien. C'est peut-être simplement le hasard ou le destin (prédestination) qui sauve la Terre (du Milieu ou la Terre tout court). Car Eru-Dieu est "silencieux" ou, dans le meilleur des cas, il est bien difficile d'entendre, de voir, d'interpréter ses signes.
Ylem.
NB1 : Merci à Nikita de relever un second exemple d'une possible intervention extérieure dans le destin de Frodo. ("Vous avez été choisi")
NB2 : c'est fort dur de faire bref, mais je m'applique ;-)
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Salutaions Ylem,
Je ne crois pas perso que Tolkien ait une vision pessimiste. Je crois que le bien et le mal ont leurs royaumes et cela dès le premier age oú Morgoth a la terre du milieu et les valars la terre des dieux à l´ouest. Ce que je crois, c´est que Tolkien ne va que là ou le mal est présent (et ca se comprend : quel interet de décrire aman dans ses jours bienheureux où rien ne se passe). On a description des terres d´Aman quand morgoth y est ou quand Feanor y provoque des perturbations. Puis on a description des terres du milieu où le mal était censé regner mais ce n´est pas le cas ! Donc, c´est plutot optimiste : au débit du 4ème age, le bien est sur les deux terres.
Tout ca pour dire que je ne crois pas que les dieux soient derrière tout ca ( ce n´est plus vraiment leur terre : gandalf dit qu´ils s´en soucient peu maintenant) mais je réitère ma demande : si qqun peut me convaincre que les valars interviennent perso (en volonté j´entends) à la fin du 3A ou au 4A, je suis pret à lui accorder toute mon attention.
ceci étant dit, ce n´est pas le sujet du fuseau mais le vrai sujet me demande encore qque réfléxion et qque relecture (ben oui du SDA comment vous avez deviné?).
Au plaisir d´entendre qque nouvelle théorie sur ce fuseau décidément très riche.
tthingol
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C'est extrèmement intéressant, merci Nikita d'avoir fouillé dans le SdA pour enrichir ce fuseau.
Vinch'
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Excellente et grandissime recherche dont je ne saurais jamais assez te remercier, nikita.
Ca me donne à réfléchir.
tthingol
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Alors voilà, je viens de revisionner le film et il me semble que les paroles de Frodo sont à peu près exactes à celle du livre :
« Il will take the Ring to Mordor… though I don’t know the way. »
Si cela se confirme, je n’ai rien à rectifier à mon analyse.
A part cela, certains passages du livre me sont revenus en mémoire, qui pourraient éclairer notre discussion. Ils sont tirés du chapitre II « L’ombre du passé » du tome I du SDA. Pour resituer le contexte, Gandalf retrace à Frodo le cheminement de l’anneau Unique. Il évoque notamment le fait que l’anneau soit tombé entre les mains de Bilbo :
« Derrière cela, il y avait quelque chose d’autre à l’œuvre, en dehors de tout dessein du Créateur de l’Anneau. Je ne puis le faire comprendre plus clairement qu’en disant que Bilbon était destiné à trouver l’Anneau, et pas par la volonté de celui qui l’avait créé. Et c’est peut-être là une pensée encourageante. » (Folio Junior, p.107)
Ce qui est encourageant ici, c’est que Gandalf partage aussi nos doutes et nos interrogations en ce qui concerne la volonté de l’anneau et son destin. Je précise à ce sujet que le mot « destiné » est en italique dans le texte : est-ce une réserve du traducteur ? En tout cas si Bilbo était destiné à recueillir l’anneau, Frodo s’inscrit dans cette lignée : nulle place pour le hasard…
C’est d’ailleurs ce que dit plus clairement Gandalf quelques pages plus loin :
« - Je voudrais bien n’avoir jamais vu l’Anneau ! Pourquoi m’est-il venu ? Pourquoi ai-je été choisi ?
- On ne peut répondre à de pareilles questions, dit Gandlaf. Soyez assuré que ce n’est pas pour quelque mérite que les autres ne posséderaient pas : pas pour le pouvoir ou la sagesse, en tout cas. Mais vous avez été choisi, et il vous faut donc déployer la force, le cœur et l’intelligence que vous pouvez avoir. » (FJ, p.116)
Le terme « choisi » est répété deux fois, reste à savoir par qui ? Il est bon d’ajouter pour être tout à fait complet que le fait d’avoir été choisi conserve à Frodo tout son libre-arbitre puisque que Gandalf lui dit plus loin lorsqu’il doit prendre la décision de quitter la Comté :
« La décision est entre vos mains. » (FJ, p.117)
Ou encore :
« -J’aurais bien voulu que cela n’eût pas à se passer de mon temps, dit Frodon.
-Moi aussi, dit Gandalf, comme tous ceux qui vivent pour voir de tels temps. Mais la décision ne leur appartient pas. Tout ce que nous avons à décider, c’est ce que nous devons faire du temps qui nous est donné. » (FJ, p.99)
A ce moment-clé de l’histoire Frodo a déjà pris sa décision (« Oui, je veux vraiment le détruire ! » FJ.p .116) mais il lui restera à l’affermir, c’est pourquoi je trouve intéressant de mettre en parallèle ces citations avec celle proposée par Cédric en préambule
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Nikita m'a devancé.
je pensais en effet à ce passage, mais pas seulement. je voulais réagir devant ces sceptiques disant que chaque fois que Tolkien parle de Dieu, il le fait par voie détournée, parlant de chance, ou de sentiment.
- Gandalf :
" Derrière cela, il y avait quelque chose d’autre à l’œuvre, en dehors de tout dessein du Créateur de l’Anneau. Je ne puis le faire comprendre plus clairement qu’en disant que Bilbon était destiné à trouver l’Anneau, et pas par la volonté de celui qui l’avait créé. Et c’est peut-être là une pensée encourageante. "
La notion de pensée encourageante est la plus explicite que je connaisse pour désigner Eru.
- On a aussi Gandalf parlant à Bilbo dans "le Hobbit", lui disant quil l'aime bien, mais qu'il n'est pas quelqu'un de si important pour avoir réalisé tout cela à lui seul sans une aide supérieure (qui désigne Eru, mais je ne me souviens plus de la phrase exacte
- Tom Bombadil :
"Hein quoi ? dit-il. Si je vous ai entendu appeler ? Non, je n'ai rien entendu, j'étais occupé à chanter. C'est simplement la chance qui m'a amené à ce moment, si vous appeler cela de la chance."
- A fondcombe, Frodon et Gandalf :
"- C'est miracle que j'en ai réchappé !
- Oui, la chance ou le destin vous ont aidé, sans parler du courage, dit Gandalf"
- Gandalf au sujet de Frodon :
"Mais il faut bien s'y attendre, se dit Gandalf. Il n'en a ps encore à moitié terminé, et à quoi il arrivera en fin de compte, pas même Elrond ne saurait le prédire. Pas à du mal, je pens. Il pourrait devenir comme un mirroir empli de claire lumière pour les yeux capables de voir"
Après toutes les tentatives d'explication de ce passages qui ont été donné, je songe ici aux texte mystiques chrétiens qui comparent souvent le Saint à la vitre qui laisse passer la claire lumière de Dieu, ou le mirroir qui tout empli de Sa volonté ne reflète rien d'autre que sa gloire (cf. le visage brillant de Moïse). Le mot important ici me semble être "pour des yeux capables de voir".
- Elrond lors de son conseil :
"Voilà la raison pour laquelle vous êtes rassemblés. Rassemblés dis-je, bien que je ne vous aie pas convoqués, étrangers de terres lointaines. Vous êtes venus et vous vous êtes rencontrés ici, à point nommé, par hasard, pourrait-il sembler. Mais il n'en est pas ainsi. Croyez plutôt qu'il en est ainsi ordonné que nous, qui ségeons ici, et nuls autres, devons maintenant trouver une ligne de conduite pour répondre au péril du monde."
- Il me semble qu'il y en a bien d'autres encore, dont une au sujet du ven d'Ouest qui pousse le sbateau d'Aragorn à Minas Tirith juste à temps.
Moi je trouve qu'Eru bosse pas mal, mais comme dit Yelm, d'une façon silencieuse. Et c'est finalement celle qui lui convient le mieux, et lui rend le mieux la dignité de sa toute puissance. Que dirait Eru ? "Attendez que j'y mette mon nez, vous autres mortels, vous allez voir !" Ce serait ridicule. Eru est ainsi préservé comme le tout supérieur. Sa volonté entre dans le monde discrètement.
Tolkien disait qu'il voulait mettre dans ses romans la religion naturelle. Nommer à chque fois l'action d'Eru aurait abîmer cette poussée naturelle de la religion à partir des choses observées, et aurait gêné ses lecteurs.
Je trouve qu'Eru au contraire est drôlement et efficacement présent, de manière divine, c'est à dire aimante en tout, sans jamais détruire ni renier ce qui a été, mais en créant de nouveau.
Le messaged de Yelm est très intéressant, et je le rejoint en grande partie. Mais je crois que Tolkien est très clair - en lui-même - quant à l'action d'Eru. Il en parle assez dans Home X, mais il sefait, il est vrai, tantôt 'écho e celui qui sait qu'il existe et qu'il agit, tantôt de celui qui doute et ne sait pas si ce silence apporte le salut.
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Vinyamar:
- On a aussi Gandalf parlant à Bilbo dans "le Hobbit", lui disant quil l'aime bien, mais qu'il n'est pas quelqu'un de si important pour avoir réalisé tout cela à lui seul sans une aide supérieure (qui désigne Eru, mais je ne me souviens plus de la phrase exacte
— Ainsi les prédictions des anciens chants se réalisent - dans un certain sens! dit Bilbo.
— Bien sûr! dit Gandalf, et pourquoi ne se réaliseraient-elles pas? Vous n'allez pas refuser créance aux prophéties pour la seule raison que vous avez contribué à leur réalisation? Vous ne pensez tout de même pas que toutes vos aventures et vos évasions ont été le résultat d'une pure chance à votre seul bénéfice? Vous êtes une personne très bien, monsieur Baggins, et je vous aime beaucoup; mais vous n'êtes, après tout, qu'un minuscule individu dans le vaste monde
[Bilbo le Hobbit, XIX.la dernière étape, LdPoche, p.312]
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Que de messages décidément ! Je vais tâcher de n’oublier personne…
>Ylem : Rendons à Ylem ce qui lui appartient ! Mille excuses pour t’avoir volé la vedette en citant le même passage du SDA. Je ne saurais expliquer pourquoi je l’ai si vite oublié. Mettons cela sur le compte de l’émotion (je venais de visionner le film) et sur l’heure tardive ! Finalement tu es un peu pour moi comme Eru avec Frodo, un guide très discret…
En revanche je ne partage pas ton avis sur le scepticisme de Tolkien. Comme Vinyamar l’a expliqué, Tolkien a volontairement débarrassé le SDA de toute allusion directe à la religion, laissant ainsi libre champ à l’interprétation du lecteur en fonction de ses propres convictions. D’autre part je ne ressens pas le silence d’Eru et son apparente indifférence comme un signe d’abandon des enfants d’Iluvatar mais comme la marque d’un profond respect. En les créant, il leur a fait un don immense : la liberté ! Cette liberté est certes à double tranchant mais quelle plus belle marque d’amour pouvait-il leur donner ? Certainement pas de les contrôler !
>Vinyamar : Tes citations sont éclairantes et elles me font penser à ce magnifique passage de la Bible où Dieu se manifeste à Elie dans le murmure d’une brise :
« Et voici que Yahvé passa. Il y eut un grand ouragan, si fort qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, en avant de Yahvé, mais Yahvé n’était pas dans l’ouragan ; et après l’ouragan un tremblement de terre, mais Yahvé n’était pas dans le tremblement de terre ; et après le tremblement de terre un feu, mais Yahvé n’était pas dans le feu ; et après le feu, le bruit d’une brise légère. Dès qu’Elie l’entendit, il se voila le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de le grotte. »
(1 Rois, 19,11-13)
Celui qui a des oreilles, qu’il entende !
>Sosryko : Je suis ravie de te voir de retour parmi nous mais j’ai surtout hâte d’entendre ton avis sur la question initiale de ce fuseau, surtout depuis que j’ai lu tes interventions sur l’excellent fuseau : Le Silmarillion : mythologie ou chrétienté ?
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Tu penses effectivement bien que j’ai quelque idée sur le sujet ; mais tu dois bien deviner déjà ma position ; de plus toi ou Vinyamar vous en sortez très bien sans moi, pour preuve : si j’avais eu le temps, j’aurais, entre autre, cité ce passage des Rois ;-)
Pourtant, une précision sur ce texte biblique capital, qui n’est pas sans rapport avec le sujet qui nous préoccupe. L’expression hébraïque qol demama daqqa est une véritable énigme qui devrait provoquer le lecteur, mais que les traducteurs, depuis l’édition grecque de la Septante, ont préféré gommer avec la formule, belle mais réductrice, de ‘murmure/bruit d’une brise légère’. En réalité, le texte, mot à mot, devrait se lire « le son d’un silence fin ». Soit encore, parmi les traductions possibles : « une voix légère, comme un silence » et « une voix, un silence subtil ».
Comment un silence peut-il être sonore, c’est-à-dire s’entendre ?
Comment un silence peut-il être fin ?
« La révélation de l’Horeb implique un renversement radical : Dieu n’est plus perçu ni comme une voix, ni comme force enthousiasmante, il est silence et ne peut être connu que dans le silence, c’est-à-dire de l’intérieur, dans l’abandon des sensations, du moi et donc de la puissance. »
Michel Masson, Université Paris-III, in Prophètes et Rois, Cerf, p.125 (c’est moi qui souligne)
N’oublions pas qu’il s’agit là d’une révélation faite par Dieu à Elie.
Comme tu le cites, Elie a « entendu » ce silence. Et ce qui est fascinant, c’est que :
si, à chaque magnifestations visibles, assourdissantes et impressionnantes (X=le vent qui arrache les montagnes, le tremblement de terre et le feu), le texte précise « le Seigneur n’était pas dans le X),
lorsque le « silence » arrive, traduisant le passage invisible de Dieu, le texte ne dit pas (alors qu’on l’y attend !) « le Seigneur était dans la voix légère, comme un silence ».
Pourtant il ne viendrait à personne l’idée d’en douter à la lecture de cette « théophanie négative »…
Et puis, au fait, cette « voix légère, comme un silence », ce « son d’un silence fin », qui est la voix de Dieu, cela ne nous ramène-t-il pas à la « petite voix » de Frodo lorsqu’il prend la parole « comme si quelque autre volonté s’[en était] servi » ? hmmm ? ;-)
Pourquoi alors, doutons-nous que Tolkien, catholique se réclamant d’avoir écrit une œuvre catholique, ait pu faire intervenir Eru de manière subtile et invisible à la majorité de ses personnages (et lecteurs !) dans le cours de l’histoire du SdA ? ! !
Pourquoi vous attendre à un Eru systématiquement interventionniste (le créateur des Valar) et juge terrifiant (le destructeur de Numenor) ?
Ne retrouve-t-on pas là l’écho du livre de Job si cher à Tolkien :
« Dieu parle tantôt d’une manière, tantôt d’une autre,
et l’on n’y prend point garde » [Job 33 :14] ?
Plus intéressant encore, la suite [Job 33 :15-16] :
« Dans un rêve, dans une vision nocturne,
quand une torpeur tombe sur les hommes,
quand ils sont endormis sur leur lit.
Alors il informe les hommes [ou : il leur donne des avertissements]
Et met le sceau à leur instruction »
Ne vous vient-il pas à l’esprit le nombre impressionnant de rêves ou de visions auxquels il est fait allusion dans le SdA ?
Le reste mériterait d’être cité, mais passons à l’essentiel, aux versets 23-24 et 29-30 du même chapitre :
« Mais s’il se trouve pour lui [l’homme sur le point de mourir] un messager [= un ange], un interprète,
un seul entre mille,
qui dise à l’être humain son devoir,
alors il lui fera grâce et dira :
‘Délivre-le, qu’il ne descende pas dans la fosse !
J’ai trouvé une rançon !’
(…)
Voilà tout ce que fait Dieu,
Deux fois, trois fois pour l’homme,
Afin d’arracher son âme à la fosse.»
Si le texte hébreu est plutôt obscur et fait référence apparemment à l’action d’un envoyé mandaté par Dieu auprès de l’homme alité et mourant (Job), il n’en reste pas moins que nous avons là l’expression d’une ‘voix divine’ chargée de « dire à l’être humain son devoir », et, si ce dernier agit en conséquence (sous-entendu dans le texte), il se verra délivré (par Dieu) de la mort. L’action salvatrice de Dieu ne dépend pas de sa volonté, parce qu’elle est bonne à l’avance, elle dépend de l’acceptation de l’être humain de faire son devoir. Le salut de l’homme vient de Dieu mais l’homme doit faire sa part : entrer dans le plan de Dieu. Plan qui peut être parfois annoncé dans le tonnerre et le feu (Moïse au Sinaï), dans le silence (Elie sur l’Horeb), dans le sommeil ou dans la douleur (Job sur sa couche, souffrant), etc…
Il ne me semble pas m’être trop éloigné du sujet : Frodo, inspiré déjà par plusieurs songes nocturnes et visions, une fois arrivé à Rivendell, est devenu sensible à la voix divine, voilà pourquoi il ressent l’urgence du moment comme une impulsion qui le dépasse (tout comme les prophètes, surtout Jérémie, sont animés du souffle divin lorsque Dieu les utilisent comme porte-parole, tout comme Samuel, tout petit, entend la voix de Dieu sans la reconnaître, parce que Dieu l’a élu, connaissant son coeur). Et Frodo, en acceptant de laisser sa bouche s’ouvrir va devenir un instrument de délivrance, non seulement pour lui, mais pour tous les êtres de la Terre-du-milieu : il est devenu « rançon ». Oh l’instrument n’est pas parfait (Job, Samuel ou Jérémie ont failli et douté eux aussi), mais ce qui compte c’est « l’être humain [qui accepte] son devoir ». Eru fait le reste. En silence.
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Quelle explication intéressante ! Décidément, tu nous reviens plus en forme que jamais :-)
Finrod.
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sosryko : "(...) Tolkien, catholique"
Là, nous sommes d'accord
sosryko : "se réclamant d’avoir écrit une œuvre catholique"
Ha ? Il a dit/écrit ça ? Il a explicitement parlé d'oeuvre catholique ?
Loki, perplexe ;p
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Loki, Loki, You of little faith...juste une phrase qui lèvera tes doutes, puisque tu doutais des miennes :
"The Lord of the Rings is of course a fundamentally religious and Catholic work; unconsciously so at first, but consciously in the revision."
Letters, L142 (2 décembre 1953), p.172
S.
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Je n'ai qu'une seule chose à dire: Merci, Sosryko!
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Grmbl ! La 142... J'étais en train d'éplucher la 153 pour la troisième fois pour être sûr de n’avoir rien raté :rolleyes:
Quoi qu'il en soit, je ne partage pas votre interprétation "biblique" (devrais-je dire exégèse ? ;p) de ce passage.
Pour caricaturer, le plan "ouvre la bouche, avale la pilule... voilà ! C’est bien ! Maintenant, en avant, marche ! Et en route pour le martyr" me parait un peu limite comme conception du libre arbitre (oui, je sais, j'y tiens. :D) Bon, je suis conscient de la légèreté de mon propos, alors je vais essayer d'argumenter plus sérieusement.
1°) Il y a une différence entre avoir des visions, des rêves ou des intuitions et voir ses paroles et sa décision dictées. Et si l’on suit votre raisonnement, l’hypothétique « autre volonté » qui s’imposerait à Frodo serait celle du Créateur. Et elle s’imposerait bien puisqu’elle parlerait à la place du Hobbit. Le Créateur dominerait-il même momentanément l’esprit d’un être libre (ce qu’est Frodo) alors que la définition du Mal dans l'oeuvre de Tolkien est justement la domination ou la tentative de domination des libres volontés ?
De plus, avant d’énoncer ces paroles fatidiques, Frodo n’a pas pris de décision. Il est juste en proie à la peur, à l’appréhension « d’une condamnation qu’il avait depuis longtemps prévu et dont il espérait vainement qu’après tout elle ne serait jamais prononcée », à la tentation de rester, de s’arrêter là et de profiter du repos et de la paix. Selon vous, Frodo n’ayant pas encore pris sa décision, la volonté (du Créateur) la prendrait pour lui ? Alors qu’il s’agit justement d’un moment de crise (et de prise ?) de conscience ou il doit faire un choix par lui-même ? Cela ne serait-il pas en totale contradiction avec les paroles d’Elrond qui suivent juste après : « Mais c'est un lourd fardeau. Si lourd que personne ne pourrait l'assigner à un autre. Je ne le fais pas pour vous. Mais si vous l'assumez librement, je dirai que votre choix est bon » ?
Hum… Non, décidément, la notion de « librement » devrait être sérieusement révisée si elle correspondait soudain à « comme si quelque autre volonté se servit de sa petite voix ». Ainsi que celle de bon choix ;)
2°) On pourrait alors faire appel à la psychanalyse et démontrer que cette « autre volonté » n’est rien de moins que le Surmoi de Frodo qui, gagnant la lutte contre son Ça (la peur et la tentation de rester et se reposer), lui fait prendre une décision altruiste, le pousse à se sacrifier pour la bonne cause.
Mais bien sûr, le fait que cette hypothétique « autre volonté » fasse penser au Surmoi ne signifie pas que c’est le cas. Pas plus que le fait qu’elle fasse penser à telle extrait de la Bible ne valide l’hypothèse d’une intervention divine.
3°) Enfin, et je rejoint un peu la conclusion d’Ylem, on pourrait y voir un effet de style mettrant en relief le débat intérieur qui secoue le Hobbit, une façon de montrer que ce dernier est obligé de se "surpasser" pour finalement prendre la bonne décision (sanctionnée comme telle par Elrond juste après). Éventuellement (et éventuellement seulement), Tolkien a pu vouloir profiter de l'occasion pour instiller l'idée d'un possible coup de pouce divin à ce moment là. Mais non la certitude que ce soit le cas, afin que chacun apporte la réponse qui lui semble convenir…
Tiens ! Mais c’est justement ce que nous faisons ! :D
Loki
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Salutations
Ces explications diverses et variées sont ô combien intéressantes (bien me garde d'entrer dans la conversation) mais c'est juste pour dire que c'est le genre d'explication qui me fait un peu perdre la magie que je trouve dans les livres de Tolkien. Expliquer certes! mais peut-être ne pas oublier de ressentir. :o))))
Que ce forum dure tant que durera le royaume des valars!
Eorlindas.
tthingol
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Loki : Pour caricaturer, le plan "ouvre la bouche, avale la pilule... voilà ! C’est bien ! Maintenant, en avant, marche ! Et en route pour le martyr" me parait un peu limite comme conception du libre arbitre (oui, je sais, j'y tiens. :D)
A) Je ne voulais pas intervenir sur ce fuseau de crainte de tomber dans des discussions de ce genre…alors, Loki, cesse de me vouvoyer, s’il te plait, et respecte plutôt ces textes qu’on ne peut balayer d’une boutade méprisante.
Deux raisons au moins à cela :
1) ton obsession du libre-arbitre t’aveugle quant à l’interprétation que je propose et que tu déformes, pour ne pas dire violente
2) TA philosophie du libre arbitre est la tienne, tout comme TA conception de Dieu…mais, oserai-je dire, et alors ? En quoi ton idée du libre arbitre (ou la mienne, ou celle du participant lambda de ce forum) peut nous aider à comprendre un texte de Tolkien ?
Nous abordons là un point de méthode qui me semble essentiel. Comment interpréter un texte ?
On peut toujours donner une interprétation personnelle (‘je pense que…’), en travaillant exclusivement avec le seul texte du Conseil d’Elrond. Alors, toutes les lectures interprétatives cohérentes se tiennent. La lecture psychanalytique du Surmoi, celle de Ylem comme la lecture biblique. Et c’est très bien ainsi ;-)
Sauf que, sauf que…si toutes ces lectures personnelles se tiennent, elles ne se valent pas du tout (malgré ce que tu affirmes dans ton 2°)) lorsqu’on cherche à connaître l’intention de l’auteur lorsqu’il a écrit ce texte. Pour cela il faut prendre en compte notre connaissance de l’auteur, de sa vie, de ses écrits, de ses lectures, de sa culture, etc…bref, rassembler les indices qui permettront peut-être d’atteindre le message que voulait transmettre l’écrivain. Voilà effectivement une démarche qui mérite le titre pompeux d’« exégèse » du texte.
Or, à ce niveau d’étude littéraire, l’interprétation religieuse ne peut que surpasser l’interprétation psychanalytique (p.ex) car le SdA est une œuvre, on l’a vu, « fondamentalement religieuse » ; et cette interprétation devra être chrétienne car :
B) Malheureusement (?), nous n’avons pas accès à la somme de la théologie personnelle de Tolkien ; il ne l’a jamais mise par écrit pour que nous puissions la lire et nous en servir comme grille de lecture du SdA (démarche que Tolkien aurait certainement détestée).
Que nous reste-t-il alors pour comprendre certains passages énigmatiques du SdA selon une lecture religieuse (en gardant à l'esprit qu’il y en a d’autres...) ? Il n’y a pas trente-six ‘outils’ ; j’en vois quatre essentiels, par ordre décroissant d’importance :
1) ce qu’a dit Tolkien au sujet de ses écrits [SON interprétation religieuse du SdA]
2) ce qu’a dit Tolkien quant à ses croyances personnelles
3) ce que dit explicitement le texte biblique, si bien connu de Tolkien et qui était le fondement de sa foi chrétienne
4) et ce que dit la tradition catholique, Tolkien étant catholique.
Mais attention, si nous empruntons cette démarche, il faut se garder de ses opinions, de sa subjectivité. Bien entendu, l’« exégète » parfaitement objectif n’existe pas, tôt ou tard il est amené à interpréter ses sources (primaire et secondaires), et ce d’autant plus qu’elles sont réduites. Mais en ce qui nous concerne, les quatre ‘outils/sources’ permettent de ne pas complètement nous égarer.
C) Maintenant, si le SdA est une œuvre religieuse dans son ensemble, l’interprétation religieuse du passage très particulier qui nous concerne est-elle vraiment valable ? Assurément oui.
Pour autant, l’interprétation religieuse de ce passage est-elle nécessaire ? Non, bien sûr.
Valable car ce passage est un tournant (sinon LE tournant) capital de l’histoire ; et il serait ridicule que Tolkien crible son texte de références religieuses pour les oublier en son nexus. D’autant plus que les références religieuses ont été introduites « consciemment » (cf L142) à partir de la révision du SdA ; or, Le Conseil d’Elrond fut écrit après cette révision…
Mais non, cette interprétation religieuse n’est pas nécessaire, car Tolkien ne l’a pas voulu ainsi, sinon il aurait été explicite.
J’irai même plus loin pour donner une première réponse à tes contre arguments (et ne pas me lancer dans une réponse à ta réponse ; à l’avenir peut-être, car si tu as relevé des phrases essentielles, tu n’as pas mis en évidence les échos bibliques qui s’y trouvent et confirme l’invisible et le non dit : Frodo est en train de prendre une décision) : il est tout à fait possible (et même normal ! !) que l’interprétation religieuse de certains passages se voit mise en défaut par d’autres textes.
En effet, Tolkien n’a pas la prétention d’écrire un texte qui se tient théologiquement, il ne veut pas réécrire la Bible ! il veut simplement instiller dans ses œuvres des « éléments de (…) vérité religieuse » :
D) Le libre arbitre (Free Will) : il s’agit effectivement d’un élément essentiel de la pensée de Tolkien (et de la théologie tout cours ;-)). Mais tu commets il me semble une erreur en pensant que l’être humain (selon la Bible comme selon Tolkien) est libre de choisir de son comportement à chaque instant et à tous les niveaux de son existence. Tolkien est conscient de cela, lui qui qualifie Dieu « as the one wholly free Will » [L156], et surtout il sait que le seul enjeu du libre arbitre des hommes est le Salut (cf. « the mystery of free will, by which either of us could throw away 'salvation' » (L64]). Ainsi, Tolkien sait que Dieu ne veut que le Salut des hommes mais qu'il leur laisse aussi la liberté de l’accepter ou de le refuser. Voilà le domaine d’application du libre arbitre de l’homme : accepter le Salut ou le refuser.
Pourquoi alors s’insurger devant une phrase placée dans la bouche de Frodo et non pas devant les songes et visions instillées, alors qu’il est inconscient, dans son esprit ? ! Cela relève du même interventionnisme au niveau physique et mental, celui de Dieu qui élit et dirige son messie, ou si tu préfères d’Eru qui guide celui qu’il s’est choisi. N’oublie pas la doctrine de l’élection divine : Dieu, au cours de l’histoire, a choisi son peuple, ses prophètes, ses disciples (c’est-à-dire des êtres mis à part pour servir de modèles ou d’anti-modèles). Oui Dieu peut imposer sa pensée à une personne, et agir physiquement en elle. Mais il ne s’agit pas d’un « viol », la personne qui se voit ainsi « utilisée », à l’instant où elle sert de canal, a les qualités morales et spirituelles nécessaires : Tolkien parlerait de « the general sanctity (and humility and mercy) of the sacrificial person ». Et Frodo est cette « personne sacrificielle » par excellence du SdA, celui qui donne sa vie; quand bien même il n’en a pas pleinement conscience au moment où il parle.
Est-il aussi nécessaire de remarquer que cette intervention divine est ponctuelle et que son élu est libre, parfaitement libre de choisir de se conformer (ou non!) au message dont elle n'a été qu'un canal?
Deux exemples pour éclairer la remarque :
Ainsi Saül, permier roi d'Israël, une fois oint, reçut l'Esprit de Dieu qui le conduisit à prophétiser, sans qu'il puisse donner son avis. Mais ce ne fut que ponctuel. Très vite, il a choisi de suivre sa voie plutôt que d'écouter la voix de Dieu en la personne de Samuel. Saül est resté tout le temps libre de ses actes et de ses choix (s'abandonner à la jalousie, à la haine et s'accrocher au pouvoir).
Le second roi, David, fut, en une occasion, également revêtu de l'Esprit de Dieu qui le poussa à danser autour de l'Arche de l'Alliance qui revenait à Jérusalem. Il n'empêche qu'il fut tout le temps libre de ses choix (s'abandonner à la convoitise, aller jusqu'au meurtre).
L'un fut rejeté par Dieu, l'autre fut approuvé de Dieu. Est-ce à dire que le premier était totalement corrompu et le second parfait? non, loin de là, simplement David avait des qualités dont Saül était dépourvu : l'humilité et la compassion, cette humilité et cette compassion si chère à Tolkien et que nous retrouvons en la personne de Frodo.
Ainsi, dans une interprétation religieuse du passage, rien ne s'oppose à une action divine, au contraire tout y contribue...
Maintenant, je le répète, cette interprétation, valable, n'est pas nécessaire pour une lecture directe du SdA qui ne fait jamais mention d'Eru! ce n'est que dans le cadre de l'univers de la Terre-du-milieu (SdA+Silm+HoME+Bilbo) qu'elle prend tout son sens
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Bonjour à toi tthingol ;-)
Lapalissade : "la magie [qui se] trouve dans les livres de Tolkien" ne se trouve QUE dans les livres de Tolkien.
Et je préciserais : que dans les livres de Tolkien publiés de son vivant.
Toute autre lecture(même celle du Silmarillion que Tolkien aurait présenté différemment), à des degrés plus ou moins élevés, ne peut être qu'un reflet plus ou moins pale de cette magie. Et les interprétations sont certainement les pensées où ce reflet est le plus pale.
Mais ce n'est pas grave du tout! Pourquoi donc une interprétation/explication devrait-elle contenir de la magie? Tolkien lui-même n'était pas dupe en remarquant qu'il trouvait les interprétations de son oeuvres (à commencer par les siennes propores!) "amusantes", et seulement cela. Car une interprétation se doit d'être cohérente. Au mieux, elle peut espérer être "intéressante" ou fascinante. Mais magique, non, certainement pas!!
c'est Hugo, ce génial mégalo, qui écrit "Savoir, penser, rêver. Tout est là". Ainsi, "rêver" est essentiel! et nous sommes tous là parce que nous avons marché et marchons "vivant[s] dans [un] rêve étoilé!"
...mais "rêver" et seulement rêver n'est pas suffisant pour certains. Pourquoi le leur reprocher (à ce moment là il faudrait le faire pour la majorité des fuseaux et pas uniquement celui-ci...), en sous-entendant qu'ils ne sont pas sensibles de leur côté à la magie de Tolkien?
S.
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Salut Sosryko, salut Loki.
Je tiens à modérer (peut-être ais-je tort) les propors de sosryko, car je comprend le point de vue de Loki, selon la façon dont il a compris ce qui a été dit jusqu'ici.
Loki, je crois que tu te trompes en pensant que nous sous-entendont qu'Eru a parlé par Frodon, que c'est sa volonté qui a ordonné à l'organe vocal de Frodon de prononcer des paroles qu'il n'était pas prêt à dire. Et c'est pourquoi je trouve l'explication de sosryko un poil extrémiste (même si elle est vrai d'un autre point de vue) concernant le substitution de Sa volonté à celle de l'Homme.
Frodon a choisi de parler, et de prendre la décision, mais je dirais qu'il l'a fait un peu comme sous le coup d'une drogue, sans vraiment se rendre pleinement compte de ce qu'il faisait ou disait, parce qu'un autre était là avec lui pour le pousser (le pousser seulement, non pas le forcer) à faire ce pas. Ce sont des choses que l'on expérimente parfois nous-même quand nous perdons le contrôle d'une situation, et que nous prenons néanmoins les décision qui s'imposent rapidement (je songe à un cas de danger quand nous sommes alors le responsable de ce qu'il y a à faire). Nous prenons nos décisions dictées à moitié par l'habitude (s'il y a) et pa les circonstance, comme en état second parfois devant l'urgence, sans prendre toujorus la bonne, mais en faisant comme si elle l'était et en s'arangeant pour qu'ele le devienne. je ne dis pas que Dieu est là à ce moment pour guider notre action, mais que le phénomène de mi-liberté est le même. Je suis libre, et en même temps le réflexe et l'habitude prennent le pas sur ma réflexion, puisqu'on ne lui laisse pas le temps de travailler.
Ceci rejoint, je crois, ta vision n°3, et je ne la trouve pas absurde pour interpréter ce texte (après tout, rien ne dit que cette "impression" d'autre volonté soit avérée.)
cependant "comme si quelque autre volonté se servit de sa petite voix." peut tout aussi légitimement évoquer (à cause du reste de l'oeuvre) une intervention délicate d'Eru. Il n'aurait pas violé la volonté de Frodon, mais lui aurait suggérer de s'abandonner. Frodon accepte (c'est la disposition "morale et spirituelle nécessaires " dont parle sosryko), et il se retrouve à prononcer des paroles qu'il n'aurait pas prononcer de ses propres forces. Pourtant son libre arbitre n'a pas été violé. Il s'est senti porté et ne s'est pas rebellé.
Dans le cadre où nous nous trouvons, je ne peux pas apprécier pleinement la phrase de sosryko: "Oui Dieu peut imposer sa pensée à une personne, et agir physiquement en elle. "
Pourtant, je sais que cela est vrai, dans des cas très particulier, puisque comme il le précise, cette personne aura les qualité (dispositions) nécessaires. C'est le 'charisme', être saisi par l'Esprit Saint qui fait prophétiser (donc parler d'une connaissance qui n'est pas la nôtre, pourtant en des temes qui sont les nôtres - Dieu n'utilise donc pas physiquement parlant la personne, ce ne sont pas Ses mots propres mais ceux de la personne !) ou danser ou accomplir un acte qui sauve. Dieu ne donne cependant que l'impulsion, l'idée géniale, que l'homme peut choisir à tout moment d'accomplir, d'interrompre, etc...
" [Dieu] suscita l'esprit saint d'un jeune enfant, Daniel, qui se mit à crier: "Je suis pur du sang de cette femme!"
Daniel 13,45
Le jeune Daniel avait un esprit déjà saint, et c'est de lui, dans toute la foule, que Dieu se servit pour sauver la pauvre Suzanne. Daniel n'a a bien parlé par ses propres mots, en accord avec son libre arbitre, mais en accord aussi avec l'esprit de Dieu qui "suscite" sa volonté.
Ou encore:
La parole de Yahvé a été pour moi source d'opprobre et de moquerie tout le jour. Je me disais: Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son Nom; mais c'était en mon coeur comme un feu dévorant, enfermé dans mes os. Je m'épuisais à le contenir, mais je n'ai pas pu.
Jérémie 20,9
Nous sommes à l'âge des prophètes. Jérémie, tout saint qu'il est, en a assez de servir d'émissaire pour les messages néfastes de Dieu, et veut cesser. Et l'on voit bien ici comment agit la volonté divine: comme un feu dévorant, parce que Jérémie était "ami" de Dieu. Il aurait pu s'en détourné, et le feu se serait fait de moins en moins violent. Mais comme mi de Dieu, sa volonté se fait urgente, si bien qu'il est difficile d'y résister (toujorus dans les dispositions qui sont requises) mais pas impossible du tout, puisque Jérémie l'a fait un temps.
Tthingol: tu trouveras d'autres fiseaux sur ce forum (sur la capacité des aigles géabts à voler par exemple) qui brisent totalement la magie du monde de Tolkien (même si le sujet est passionnant). Je ne trouve pas qu'un sujet comme celui qu'a suscité Cédric, à partir de cette seule petite phrase, brise la magie. Je toruve au contraire qu'elle l'amplifie !! Frodon n'était pas seul ! Quelle nouvelle magie est-ce là ?! n'est-ce pas magnifique au contraire de découvrir ce passage secret vers une nouvelle magie ?
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Sosryko, je ne crois pas que Loki te vouvoie mais plutôt que son post était censé répondre à plusieurs interventions dont la mienne aussi je me permets quelques petites remarques.
>Loki : « Le Créateur dominerait-il même momentanément l’esprit d’un être libre (ce qu’est Frodo) alors que la définition du Mal dans l’œuvre de Tolkien est justement la domination ou la tentative de domination des libres volontés ? »
Tout est affaire de conception, Loki ! Il faudrait d’abord se mettre d’accord sur notre définition de la liberté et du libre-arbitre pour nous entendre. J’ai le sentiment que pour toi comme pour l’homme moderne (j’emprunte ici une formulation de Mircea Eliade qui désigne par cette expression l’homme pour qui les mythes de sa civilisation n’a plus d’actualité ni de crédit) la liberté équivaut à l’absence de toute influence et de hiérarchie. C’est un point de vue qui va bien sûr à l’encontre de la vision chrétienne de la liberté humaine que Sosryko a très bien expliquée: je n’y reviens pas mais je me permets d’ajouter ici la citation d’un philosophe dont j’ai oublié le nom :
« Sois libre et choisis ton maître »
A méditer…
Loki : « De plus, avant d’énoncer ces paroles fatidiques, Frodo n’a pas pris de décision. »
Peut-on vraiment l’affirmer ? Je te renvoie ici aux citations que j’ai données plus haut du chapitre II (tome I du SDA) qui peuvent nous laisser songeurs quant aux intentions de Frodo à ce moment de l’histoire. C’est Gandalf qui parle :
« -Il n’est qu’un seul moyen : trouver la Crevasse du Destin dans les profondeurs d’Orodruin, la Montagne du feu, et y jeter l’Anneau, si vous voulez vraiment le détruire, pour le mettre à jamais hors de portée de l’ennemi.
- Oui, je veux vraiment le détruire ! s’écria Frodon. Ou, enfin, le faire détruire. Je ne suis pas fait pour les quêtes périlleuses. »
(Folio Junior, p.116)
Certes Frodo doute encore et il doutera jusqu’au bout mais on sent déjà en lui les prémisses de ce qui peut justifier son « élection » : la volonté ferme de défendre le bien en même temps qu’une humilité inhabituelle chez un héros.
Tu cites les paroles d’Elrond : « « Mais c'est un lourd fardeau. Si lourd que personne ne pourrait l'assigner à un autre. Je ne le fais pas pour vous. Mais si vous l'assumez librement, je dirai que votre choix est bon » et tu en conclus que Frodo n’était absolument pas influencé. Je lis tout autre chose à travers les mêmes mots :
« Si lourd que personne ne pourrait l'assigner à un autre. » :Cela ne revient-il pas à dire que seul Frodo est habilité pour cette quête, non pas pour ses qualités physiques ou morales (comme le dit Gandalf au chapitre II), mais parce qu’il a été « élu » ?
« Mais si vous l'assumez librement » :Il faudrait vérifier quel verbe anglais est traduit par « assumer » mais jusqu’à nouvel ordre, « assumer » signifie bien accepter une charge, une mission. La liberté de Frodo consiste donc à accepter ou refuser la mission qui lui est proposée, certes pas par les membres du Conseil, donc par déduction, par une volonté supérieure.
>Tthingol : « c'est juste pour dire que c'est le genre d'explication qui me fait un peu perdre la magie que je trouve dans les livres de Tolkien. »
Eh bien moi, je trouve qu’il y a de la magie dans les posts de Sosryko (entre autres…) ! En effet la magie n’a-t-elle pas pour effet de nous ouvrir des perspectives toujours plus grandes et des profondeurs jamais sondées ? Le texte de Tolkien s’enrichit de toutes ces références et renouvelle mon émerveillement devant son œuvre !
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merci merci Nikita (et Finrod) :-))
(je commençais à croire que j'étais le seul à voyager)
Loki, veuilles me pardonner si j'ai mal compris ton vouvoiement (et quelque autre remarque que ce soit), il n'était pas du tout dans mon intention d'être brutal, surtout pas à ton encontre!
de même que Vinyamar, si tu peux me trouver parfois extrémiste, c'est peut-être parce que j'ai mal choisi les mots (*): le temps de la réflexion, de la rédaction étant longs, j'essaye de synthétiser sans tomber dans le piège de perdre de vue notre sujet, et tout en gardant à l'esprit les développement possibles, c'est pas facile ;-)
(* : toutefois, une affaire à suivre)
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Sosryko
Je vais te rappeler le passage intégral qui semble te choquer.
Pour caricaturer, le plan "ouvre la bouche, avale la pilule... voilà ! C’est bien ! Maintenant, en avant, marche ! Et en route pour le martyr" me parait un peu limite comme conception du libre arbitre (oui, je sais, j'y tiens. :D) Bon, je suis conscient de la légèreté de mon propos, alors je vais essayer d'argumenter plus sérieusement.
Bien. Je n’ai jamais caché qu’il s’agissait là d’une caricature (« pour caricaturer ») et que cette phrase n’était en rien une argumentation recevable (« légèreté de mon propos », « essayer d’argumenter plus sérieusement »). L’argumentation plus « sérieuse » suit, au contraire.
Pourquoi ce passage alors ? Une façon de réagir au fait que certains (d’où le « vous » que je maintiens) semblent accorder aux écrits de Tolkien plus de sérieux, plus de rapport avec notre monde qu’ils n’en ont à mon sens. Au point de les sur-interpréter.
Pour argument je te rappellerai la lettre 153 (finalement, elle va me servir ;p), l’introduction de cette lettre pour être précis. Confronté à la lecture théologique et métaphysique de son œuvre de la part de Peter Hasting (gérant d’une librairie catholique d’Oxford) et aux remarques de ce dernier, Tolkien s’est sentit obligé de le mettre en garde :
You have at any rate paid me the compliment of taking me seriously ; though I cannot avoid wondering whether it is not ‘too seriously’, or in the wrong directions.
The tale is after all in the ultimate analysis a tale, a piece of literature, intended to have literary effect, and not real history.
Ne confondons pas le monde où nous vivons et le monde créé par Tolkien. Ils sont différents. Certes, Tolkien a été inspiré par sa foi catholique, mais pas seulement. Et je ne pense pas que le Seigneur des Anneaux soit un « article de foi ». Bien malin serait celui qui pourrait affirmer quels éléments de sa foi, de ses convictions personnelles et catholiques sont passées dans son œuvre. Ou dans quelle proportion. Parce que bien malin serait celui qui connaîtrait l’intégralité de ces convictions personnelles, l’ensemble de ces motivations et de son action.
De fait, interpréter les textes de Tolkien grâce à une interprétation (forcément sujette à caution) de textes bibliques auxquels il a peut-être voulu faire référence ou qui l’ont peut-être influencé pour l’écriture de certains passages (et encore, dans quelle mesure ? Dans quelle proportion ?) me paraît justement relever de la sur-interprétation. Il est impossible de connaître avec certitude, dans leur « entièreté » la vie, les conceptions et les motivations de Tolkien. Peut être devrions nous nous cantonner aux textes qui traitent du monde de Tolkien. Les références extérieures peuvent être bien sûr être mentionnées, et elles servent évidemment à approcher les conceptions de Tolkien, mais de là à s’en servir comme « tables de loi », il y a un pas. Comme d’habitude, il s’agit là d’un avis personnel qui supporte parfaitement (voire appel, puisque nous sommes sur un forum) la contradiction.
Ma philosophie du Libre Arbitre ? La notion de Libre Arbitre ne vaut que dans un système de croyance en un être supérieur capable d’autoriser ou non la liberté de pensée et d’action. Étant plutôt agnostique, ne croyant pas en l’existence d’un principe divin (sans pour autant y être dogmatiquement opposé, mais pensant plutôt que c’est du domaine de la croyance et non de la connaissance), je ne pense pas avoir une philosophie personnelle du Libre Arbitre. J’ai bien sûr une conception personnelle de la liberté individuelle, mais elle ne s’inscrit pas du tout dans un registre divin. De plus, elle n’a rien à faire sur ce forum. Donc non, ma philosophie du Libre Arbitre n’existe pas, je ne peux donc pas la présenter, contrairement à ce que tu avances.
De même, je ne propose pas ma conception du libre arbitre chez Tolkien, car là encore, je ne prétends pas la connaître. Je me cantonne à ma perception du Libre Arbitre dans l’œuvre de Tolkien, ce qui est fort différent. Et j’ai bien conscience qu’elle doit être parcellaire, fautive et perfectible. Alors oui, on peut se demander si ladite conception a un intérêt quelconque. Je te rappellerai juste que nous sommes sur un forum de discussion, ou nous présentons forcément des conceptions et interprétations personnelles et contradictoires (ou au moins, appelant la contradiction). A moins d’être suffisamment arrogant pour prétendre avoir la science infuse bien sûr. ;)
Vinyamar : Frodon a choisi de parler, et de prendre la décision, mais je dirai qu'il l'a fait un peu comme sous le coup d'une drogue, sans vraiment se rendre pleinement compte de ce qu'il faisait ou disait, parce qu'un autre était là avec lui pour le pousser (le pousser seulement, non pas le forcer) à faire ce pas. Ce sont des choses que l'on expérimente parfois nous-même quand nous perdons le contrôle d'une situation, et que nous prenons néanmoins les décision qui s'imposent rapidement (je songe à un cas de danger quand nous sommes alors le responsable de ce qu'il y a à faire). Nous prenons nos décisions dictées à moitié par l'habitude (s'il y a) et pa les circonstance, comme en état second parfois devant l'urgence, sans prendre toujorus la bonne, mais en faisant comme si elle l'était et en s'arangeant pour qu'ele le devienne. je ne dis pas que Dieu est là à ce moment pour guider notre action, mais que le phénomène de mi-liberté est le même. Je suis libre, et en même temps le réflexe et l'habitude prennent le pas sur ma réflexion, puisqu'on ne lui laisse pas le temps de travailler.
Tout à fait. C’est ce que j’entendais, maladroitement je l’avoue, par se « surpasser ». Dépasser ses réactions habituelles, au point de se trouver étrange (étranger à soi même ?). Se sublimer en quelque sorte. Ce qui ne nie pas un coup de pouce divin ;p
Car je ne nie absolument pas l’intervention « délicate » d’Eru. Mais justement, elle reste délicate, elle consiste à inciter plutôt qu’à forcer me semble-t-il. Cela passe par des intuitions, des visions, bref des connaissances permettant de remettre en perspective les évènements et de choisir en connaissance de cause. L’une des armes principales du Mal en Terre du Milieu est la parole, le mensonge, la diffusion d’idées fausses. Les interventions délicates d’Eru donnent des outils de résistance à ces mensonges à ceux qu’il a choisi pour participer au rétablissement du plan divin (la Musique des Ainur telle qu’elle aurait dû être selon sa partition). J’ai l’impression que l’intervention d’Eru est tout aussi délicate que celle des Istari. Je dirai même que l’intervention des Istari ne devait pas « dépasser » la délicatesse de celle d’Eru. Conseiller, coordonner, enseigner, encourager, éventuellement confronter aux responsabilités. Mais non imposer des paroles ou des actes.
Un dernier point. Je pense que si Tolkien avait voulu confirmer le fait que « quelque autre volonté se servit de sa petite voix », la phrase qui aurait suivit aurait été « J'emporterai l'Anneau, dit-elle, encore que je ne connaisse pas le moyen. »
Bien sur, tout cela reste totalement subjectif ;p
Loki
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Arfou ! Le temps que je rédige mon pavé, d'autres interventions en ont rendu certaines parties caduques...
Et je n'ai malheureusement plus le temps de réagir aujourd'hui...
Loki, désolé
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Je voudrais dissiper ici tout malentendu, Loki. Je me suis peut-être un peu laissée prendre au jeu du débat contradictoire et j’ai peur que mes propos ne t’aient semblé un brin « totalitaires ». En tout cas, si tu y vois de l’ « arrogance », sache que ce n’est pas du tout l’intention que je voulais y mettre !
Comme tu le rappelles, un forum permet à toutes les sensibilités de s’exprimer et je respecte ce principe. Je ne l’ai peut-être pas assez dit mais je conçois tout à fait que l’on ne puisse pas adhérer à telle conviction ou telle interprétation. Le contraire ne serait pas très « catholique » !
Si j’ai évoqué la notion de libre-arbitre, c’était uniquement pour essayer de comprendre ce qui pouvait expliquer nos différences de points de vue : il arrive souvent que sous un même terme, on entende différentes choses et le débat s’en trouve un peu faussé. Je ne prétends pas connaître ta conception de la liberté mais je voulais juste démontrer qu’il pouvait y avoir plusieurs définitions de la liberté et du libre-arbitre…
Si je n’ai pas été assez mesurée dans mes propos et que je t’ai offensé, je m’en excuse platement. Sache que j’ai infiniment de respect pour les personnes qui ne partagent pas mes opinions mais qui prennent le temps d’en débattre avec moi: on ne va sûrement pas se convaincre mais essayer de se comprendre, c’est déjà beaucoup ! D’autant que je ne peux que souscrire à la conclusion de ton post :
« L’une des armes principales du Mal en Terre du Milieu est la parole, le mensonge, la diffusion d’idées fausses. Les interventions délicates d’Eru donnent des outils de résistance à ces mensonges à ceux qu’il a choisi pour participer au rétablissement du plan divin (la Musique des Ainur telle qu’elle aurait dû être selon sa partition). J’ai l’impression que l’intervention d’Eru est tout aussi délicate que celle des Istari. Je dirai même que l’intervention des Istari ne devait pas « dépasser » la délicatesse de celle d’Eru. Conseiller, coordonner, enseigner, encourager, éventuellement confronter aux responsabilités. Mais non imposer des paroles ou des actes. »
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salutations, amis des elfes
Lisant les messages du fuseau, je m'apercois d'un malentendu : loin de moi l'idée d'adresser un seul reproche (même le plus petit) aux dignes ressortissants de ce forum (louez les avec de grandes louanges). De plus, le sujet de cédric est ô combien intéressant (j'ai moi-même usé qqes touches de mon clavier sur ce fuseau qui soulève beaucoup d'interrogations) et demande bcp d'explications (j'en suis convaicu). Les posts envoyés sont les résultats de très grandes recherches et réflexions et sont de toute beauté ... Non, ce qui me gêne, c'est les parralélismes que l'on peut apercevoir (par ex avec la bible) qui apparaissent comme des métaphores filées. Je ne conteste en aucun cas leur pertinence et j'admets bien évidemment que l'on se sente obligé pour parler du monde de Tolkien d'utiliser des réferences diverses tant il est vrai que les terres du milieu sont une mine d'or de différentes cultures (celtique, nordique, chrétienne ...). Mais je crois qu'il ne faut pas tuer l'explication par le trop plein de références et que l'explication se trouve dans les écrits de Tolkien et pas ailleurs au final. Je crois aussi que Tolkien s'est suffisament battu contre les parralélismes effectués (politique, ...) pour qu'on en retienne la lecon de rester simplement dans l'univers qui nous est si géniallement donné, de réfléchir dans cet univers, à propos de cet univers mais sans chercher à le décorticer de peur de ne plus y croire. Ceci étant dit, c'est mon avis et il n'engage que moi. Je reste persuadé que tel n'était pas votre intention mais je préféres émettre mon avis (après tout, on est sur un forum) car il est vrai qu'il m'arrive aussi de désacraliser un peu trop l'oeuvre de Tolkien et je suis alors content quand qqun m'en fait prendre conscience.
Enfin voilà, c'était surtout pour rectifier les choses quant au malentendu suivant mon message. Et pis, au fait, avec tout ca, on sait toujours pas vraiment qui c'est qui "volontarise" pour prendre le petit anneau et c'est ca la question non?
Très amicalement, votre serviteur, tthingol.
PS: je crois qu'il est inutile de vous engeuler et ,en ce qui me concerne, soyez bien assuré que la plus grande politesse est sous-jacente dans toutes mes paroles.
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Ici ma petite réponse... dans l'ordre !
NIKITA : "Finalement tu es un peu pour moi comme Eru avec Frodo, un guide très discret…"
Quel joli compliment... Merci pour ta gentillesse, Nikita :-)
Concernant ton développement sur la liberté, je ne suis pas en contradiction avec toi. C'est juste que Tolkien ne donne pas de réponse claire à cette question. D'où l'hypothèse qu'il pouvait lui-même être sujet à quelques doutes qui transparaissent dans son oeuvre (même un croyant peut douter, non ?). Cela me semble plausible - toute oeuvre ne transmet-elle pas une part de la personnalité de son auteur ? - mais, naturellement invérifiable, personne ne pouvant être dans sa tête...
C'est vrai, la pensée chrétienne interprète la non-intervention de Dieu comme la conséquence naturelle du cadeau de la liberté qu'il fait à l'humanité. La discussion n'a effectivement de sens que dans son contexte chrétien, mais tel est bien le cas. Elle a donc bien lieu d'être, que l'on soit croyant, agnostique ou autre. (Ceci dit pour ajouter ma toute petite contribution à l'échange entre toi et Loki !)
(Soit dit au passage, Sosryko, tes interventions me sont toujours bien passionnantes !)
Pour ma part, je suis de ceux qui pensent que Frodo a pris sa décision en toute liberté. La liberté est un élément très important tout au long du SDA. On voit ainsi, par exemple, combien il est important que Bilbo se sépare volontairement de l'Anneau, et aussi que Frodo décide de lui-même de se mettre en route, au début du récit (contrairement à la scène du film de Jackson, Gandalf ne dit pas à Frodo ce qu'il faut faire. C'est bien Frodo qui décide de son propre chef de quitter la Comté lorsqu'il prend connaissance du danger que représente l'Anneau - C'est déjà un tout premier choix bien courageux, d'ailleurs).
tthingol : "Je ne crois pas perso que Tolkien ait une vision pessimiste. "
Moi bien. Le Hobbit mis à part (quoique...), toute l'oeuvre de Tolkien baigne, je trouve, dans un climat mélancolique, et même souvent, dramatique. Les personnages dont il suit l'histoire connaissent pour la plupart un sort tragique. Et quand ce n'est pas le cas, la petite musique de son écriture prend des aspects d'une douce tristesse - Parfois, le drame est explicite, parfois ce climat ne se manifeste que via son style littéraire.
C'est très bien comme cela, mais je ne pense pas qu'il faille automatiquement raconter des catastrophes pour faire une histoire intéressante.
Loki : "Une façon de réagir au fait que certains (d’où le « vous » que je maintiens) semblent accorder aux écrits de Tolkien plus de sérieux, plus de rapport avec notre monde qu’ils n’en ont à mon sens. Au point de les sur-interpréter."
Il est vrai que la discussion sur une petite phrase, parfois même sur quelques mots, peut tous nous embarquer sur des rivages bien éloignés de la pensée de Tolkien, laquelle emprunte peut-être des chemins autres ou bien plus simples que tous nos développements. Toutefois, la qualité de ce forum nous donne aussi l'occasion d'exprimer nos pensées sur des sujets plus larges qui nous tiennent à coeur et qui nous ont été inspirés par l'une ou l'autre phrase de Tolkien ou même à nous livrer, en toute liberté, à quelqu'exercice qui nous plaît particulièrement (exégèse, dissertation, débat contradictoire, exercice de style, mythologie, etc.). N'est-ce pas aussi cela qui le rend si passionnant ?
Ylem.
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Tthingol, ton message, enrobé d’une politesse compassée, reprend finalement, ta position, internaliste, tout à fait compréhensible, énoncée ci-dessus (le 01/09/02)…la mienne, axée sur une intertextualité que reconnaissait Tolkien lui-même, n’a pas changée (cf ma réponse à ce post).
Je ne puis que préciser à nouveau les choses en reprenant l’argument du « ceci est un forum de discussion » qui fait croire à son destinataire que le destinateur est plus large d’esprit que lui (et d’autres extraits de tes posts) : si des interventions « de toutes beauté » « ô combien intéressantes » et surtout « pertinentes » t’empêchent de « croire » à l’œuvre de Tolkien parce qu’elles les « désacralise[nt] un peu trop » eh bien, n’hésite surtout pas à ne pas lire certains posts, à commencer par les miens !
Je serai déçu, bien sûr, que tu ne me lises pas, mais je préfère te prévenir : RIEN, pour moi, ne peut être considéré comme « sacré » dans l’œuvre de Tolkien, et mon admiration devant l’œuvre du bonhomme, sans se teinter de ferveur religieuse, ne saura pas être ternie par la connaissance que j’aurai acquise de sa formation en étudiant le texte de manière externaliste.
Maintenant, je comprends que pour d’autres, il n’en soit pas ainsi (Cf l'excellent double fuseau initié par Yyr dans la section Tolkien et la Littérature) ! !
Mais, mais, mais… je remarque que ce sont toujours les partisans d’une lecture internaliste extrême (qui conduirait, en toute logique, à demander la suppression des éditions de HoME) qui interviennent pour faire « prendre conscience » à ceux qui pratiquent une lecture externaliste de l’erreur dans laquelle ils se trouvent (puisqu’on ne fait « prendre conscience » à quelqu’un de son état que s’il est en perdition, non ?).
À l’opposé, jamais je n’ai vu un participant du forum reprocher deux fois d’affilée à un autre une interprétation internaliste sous prétexte qu’elle ternissait selon lui la vision qu’il avait de l’œuvre de Tolkien. Et pourtant, pour ma part, il y a une floppée d’interventions, depuis le temps que je connais ce forum, qui ont eu la faculté de « me gêner » ou tout simplement qui ne m’intéressaient pas au moment où je les découvrais (bien entendu il y en a d’autres qui m’ont émerveillé !)…
En ce qui concerne les « engueulades », je ne savais pas que nous nous étions engueulés…la discussion avec Loki est des plus honnête, chacun respectant l’autre tout en défendant son point de vue, et aucune intention n’était mauvaise.
Ce qui m’étonne, c’est que tu ne sois pas satisfait des interprétations proposées.
Car finalement, il n’y a pas grand nombre de possibilités convenables quant à qui influence Frodo :
- Frodo lui-même (interprétation 'psychologique' d’Ylem et Loki) : sa conscience, son Surmoi, un état second, …l’expression utilisée par Tolkien étant alors essentiellement une figure littéraire traduisant l’intensité du moment
- Sauron ou l’Anneau (interprétation ‘épique’) : là il n’y a aucune difficulté à imaginer un ‘pilotage’ de la volonté de Frodo, puisque le désir de Sauron est l’assujettissement des volontés.
- Eru (interprétation ‘religieuse’) : alors se pose la question de l’intensité de l’action d’Eru : impulsion (hypothèse envisagée par Vinyamar, Loki, Nikita, moi-même) ou prise de contrôle temporaire (hypothèse qu’il me faudrait expliciter, ne serait-ce que pour rassurer Vinyamar ;-))
Tu as le choix !
Pour reprendre les propos de Loki, il n’y a aucune certitude quand à l’interprétation qui serait la ‘bonne’ « afin que chacun apporte la réponse qui lui semble convenir… »
Mais que veut dire la ‘bonne’ interprétation, ici ?
a) Une interprétation valable ? alors, elles le sont toutes ! et le jugement de valeur dépend du goût (de la philosophie, des préférences, de l’intuition, etc…) de chacun.
b) Maintenant si ‘bonne interprétation’ signifie celle que Tolkien avait en tête, c’est autre chose. Là, il ne faut plus se reposer sur ses propres goûts seulement, mais aussi sur ses autres écrits, ses Lettres…Hola ! mais ça, ça s’appelle faire une démarche externaliste, attention !
Le résultat d’une telle démarche ne comportera, là encore, aucune certitude ! par contre, on peut espérer arriver à éliminer des interprétations valables d’un point de vue interne, ou, à défaut d’arriver à en éliminer, à estimer que certaines ont plus de poids que d’autres. Tout en gardant à l’esprit que cette prépondérance d’une (ou de plusieurs) lecture(s) sur d’autres n’existe que par la nature de la recherche engagée : atteindre l’interprétation que Tolkien donnait à sa phrase sybilline.
Pour ma part je ne trouve pas que nous sommes toujours au point de départ, bien au contraire ! Grâce à Loki, Nikita, Ylem, Vinyamar et d’autres le schmilblick a beaucoup avancé ! ;-)
Sosryko
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Tthingol: je ne suis pas tant ami des elfes qu'ami de Tolkien. Je préfère garder la distinction, merci, les elfes ne résument pas toute l'oeuvre de Tolkien
Non, ce qui me gêne, c'est les parallélismes que l'on peut apercevoir (par ex avec la bible) qui apparaissent comme des métaphores filées
[...] Mais je crois qu'il ne faut pas tuer l'explication par le trop plein de références et que l'explication se trouve dans les écrits de Tolkien et pas ailleurs au final. Je crois aussi que Tolkien s'est suffisament battu contre les parralélismes effectués (politique, ...) pour qu'on en retienne la leçon de rester simplement dans l'univers qui nous est si génialement donné
OK tthingol. Alors tenons nous en uniquement à ce que Tolkien a écrit (ou même uniquement à ce qu'il a écrit pour un grand public).
Je cite donc Home X. Tolkien n'avait pas fini de reprendre ses textes à ce moment, mais ils étaient bien destinés au grand public:
Il définit dans une introduction à des notes conséquentes concernant le débat entre Andreth et Finrod quelles sont les faits de son monde imaginaires qui doivent être acceptés comme des faits posés d'avance, en dehors de réflexion philosophique (qui est son sujet).
1- Il existe Eru (l'Unique); c'est à dire, Un Dieu Créateur, qui [...]
C'est sa première vérité posée, sans démonstration. Noter les majuscule dans "Un Dieu Créateur" et les virgules. C'est comme un nom propre ! (One God Creator : c'est le credo catholique)
L'existence des Valars [commente-t-il] : c'est à dire de certains Êtres angéliques (créés, mais au moins aussi puissant que les 'dieux' des mythologies humaines) [...] Ils sont les agents et vice-régents d'Eru (Dieu).
Tolkien distingue clairement les 'dieux' de 'Dieu', et il prend la peine de préciser qui est Eru: c'est Dieu ! OK ? pas besoin de se révolter et de hurler au massacre d'un rêve parce qu'il fait référence à notre monde bien concret et tristounet pour certains. Eru = God, nom propre défini plus bas. les Valars sont eux-même mis en référence au monde céleste chrétien.
Si tu en restes là et veux en rester là, tu restera plein de questions sans réponses. Mais ces réponses tu les trouves par l'étude externe. En allant voir les letters par exemple. Il y a des gens qui ont posé des questions à Tolkien. Ca tombe bien, on se pose les mêmes. Ben Tolkien a répondu. Tu peux dire que ça ne vaut pas, que c'est pas du jeu, que ce n'est pas dans son oeuvre telle que tu l'a lu, mais ça l'est dans son oeuvre telle qu'il l'a écrite.
(des letters sont plus explicite au sujet de l'identification d'Eru et de Dieu, mais je ne les ai pas)
Et comme le dit Sosryko, je n'ai vu personne ici s'engueuler, et j'admire au contraire la façon dont se débat dure sans le moindre accroc, mais dans un respect mutuel de idées, et même dans un partage de ces idées (le respect ne menant pas très loin).
Ylem: tout d'accord avec toi. Sauf sur la pleine liberté de Frodon. Même si ce n'est pas Eru qui est désigné par cette "comme quelque autre volonté", Frodon ne sait pas ce qu'il s'aprête à faire il sait simplement qu'il faut le faire et qu'il y est appelé (Elrond est assez clair à ce sujet, et même Bilbon se croyant désigné se fait rabroué: Frodon sait donc que c'est de lui qu'on attend la décision, il ne sait pas ce qu'il faut faire, et pourtant le décide. Librement certes, mais pas en pleine liberté puisque pas en pleine connaissance de cause.
Maintenant, ayant montré coment Tolkien ammène régulièrement l'idée d'une volonté supérieure dans tout son roman, l'indication relevé par Cédric me semble en faire partie.
Sosryko: je n'ai hélas rien à dire de plus ou de moins. Et comment parler plus juste que tu ne le fais ?
J'ajouterais que presque aucun des grands fuseaux n'a jamais trouvé une réponse définitive et assurée. Mais comme le disent sosryko et Ylem, le chemin est plus intéressant que son terme. Si on nous donnait la réponse (ah, Tolkien a écrit là que ceci), boum, au revoir, le forum serait moins passionnant.
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>Tthingol : Pour rebondir sur ce qu’ a dit Sosryko que décidément je ne peux qu’approuver, étant une inconditionnelle de l’intertextualité, mais aussi, il faut le dire, pour faire mes débuts en html, je te recommande chaudement la lecture du fuseau Etude et Créance secondaire qui pose la question de l’intérêt d’une approche externaliste des textes de Tolkien.
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Dans un message précédent, j’ai prétendu que le Conseil d’Elrond, second chapitre du livre II du Seigneur des Anneaux, avait subi une révision au cours de laquelle Tolkien avait à l’esprit qu’il rédigeait une œuvre catholique ; au risque de me répéter :
The Lord of the Rings is of course a fundamentally religious and Catholic work; unconsciously so at first, but consciously in the revision.
Letters, L142 (2 décembre 1953), p.172
Cet aveu éclaire d’une lumière nouvelle l’affirmation, certes rhétorique mais significative, que Tolkien aurait volontairement choisi chacun de ses mots au cours des multiples révisions :
The Lord of the Rings […] was begun in 1936, and every part has been written many times. Hardly a word in its 600,000 or more has been unconsidered.
Letters, L131 (c.1951), p.160
Mais de quelle révision parle Tolkien dans la première citation? Il ne s’agit pas de la grande série de révisions du texte commencée en 1965 pour traquer les fautes ou compléter appendices et index puisque la lettre est datée de décembre 1953. Et puisque The Fellowship of The Ring ne paraîtra qu’en juillet 1954, il faut comprendre qu’il s’agit d’une réécriture majeure effectuée par Tolkien au cours de la lente création du SdA, lente création au cours de laquelle tous les ajouts, au mot près, on été pesés par l’auteur, selon ses dires.
Si donc il apparaît entre la version finale et certains manuscrits correspondant à des rédactions transitoires des ajouts de mots ou autres modifications, nous devons a priori supposer que ces changements avaient une signification précise.
Heureusement pour nous, nous avons accès, grâce à Christopher Tolkien, à de nombreux manuscrits nous permettant de voir l’œuvre se mettre en place au fil de ces révisions et réécritures du texte.
Ainsi, dans les volumes VI et VII de The History of Middle Earth (resp. The Return of the Shadow et The Treason of Isengard), ce n’est pas moins de cinq versions du Conseil d’Elrond qui nous sont (partiellement) présentées et rapportées!
…Nous y trouvons trois mentions primitives du passage où Frodo prend la décision de porter l’Anneau en Mordor.
Toutes se trouvent dans la première version (datée d’avant 1940). Les quatre autres versions (datées d’après 1940, cf. VII.111) se trouvent dans le volume VII. Christopher Tolkien ne citant pas, pour ces versions, le passage de la prise de décision de Frodo, nous ne pouvons rien conclure quant au moment exact de l’apparition du passage dans sa rédaction définitive.
La première mention de la prise de décision de Frodo se trouve dans des notes préparatoires :
They decide that the Ring must be taken to the Fiery Mountain. How ? – it can hardly be reached by passing over the borders of the Land of Mordor. Bilbo ? – No – ‘It would kill me now. My years are streched, and I shall live some time yet. But I have no longer strenght for the Ring.’
Frodo volunteers to go.
Who shall go with him ? Gandalf. Trotter. Sam. Odo. Folco. Merry.(7) Glorfindel and Frár son of Balin.
[VI.397]
Suivent, quelques pages plus loin, deux modèles du passages, l’un devant conduire à la version définitive que nous connaissons :
[§5a] There was a long silence. Frodo glanced around at all the faces, but no one looked at him – except Sam ; in whose eyes there was a strange mixture of hope and fear. All the others sat as if in deep thought with their eyes closed or upon the ground. A great dread fell on Frodo, and he felt an overmastering longing to remain at peace by Bilbo’s side in Rivendell.
These words stand at the foot of a page. The next page, beginning ‘At last with an effort he spoke’, continues only a brief way, and was replaced by another beginning with the same words. I give both forms.
[Il est sympa Christopher !]
[§5b] At last with an effort he spoke. ‘If this task is fated to fall to the weak,’ he said, ‘I will attempt it. But I shall need help of the strong and the wise.’
[§6] ‘I think, Frodo,’ said Elrond, looking keenly at him, ‘that this task is appointed for you. But it is very well that you should offer yourself unbidden. All the help that we can contrive shall be yours.’
[§7] ‘But you won’t send him alone, surely, master !’ cried Sam.
[…]
[§5b’] At last with an effort he spoke. ‘I will take the Ring,’ he said. ‘Though I don’t know the way.’
[§6] Elrond looked keenly at him. ‘If I understand all the tale that I have heard,’ he said, ‘I think that this task is appointed for you, Frodo, and that if you do not find the way, no other will.’
[§7] ‘But you won’t send him off alone surely, master !’ cried Sam, unable to contain himself.
[VI.406-7]
Rappelons maintenant la version définitive de ce passage en le replaçant dans son contexte [FR, II.2, p.263-4 de l’éd. Houghton Mifflin]. Comme le forum ne se prête pas à une présentation en synopse, j’ai décidé d’utiliser le code suivant :
Texte cramoisi = texte se retrouvant, à l’identique dans la première version
Texte bleu = texte remanié mais n’ajoutant pas un sens ou des détails supplémentaires
Texte en gras = texte au sens introuvable dans la première version
Texte [// texte] = texte remanié de la version finale avec le texte de la première version dont il dérive.
crochet caratère html[*]= suppression d’un passage de la première version.
*texte* = texte présent dans la version de1966 (dernière à être révisée par Tolkien et utilisée par Bourgois en 1972) mais absent de l’éd. Houghton Mifflin basé sur les révisions de 1982, 1993 et 1994 opérées, entre autres, par C. Tolkien.
couron y va :
[FR§1]'Very well, very well, Master Elrond!' said Bilbo suddenly. 'Say no more! It is plain enough what you are pointing at. Bilbo the silly hobbit started this affair, and Bilbo had better finish it, or himself. I was very comfortable here, and getting on with my book. If you want to know, I am just writing an ending for it. I had thought of putting: and he lived happily ever afterwards to the end of his days. It is a good ending, and none the worse for having been used before. Now I shall have to alter that: it does not look like coming true; and anyway there will evidently have to be several more chapters, if I live to write them. It is a frightful nuisance. When ought I to start? '
[FR§2]Boromir looked in surprise at Bilbo, but the laughter died on his lips when he saw that all the others regarded the old hobbit with grave respect. Only Gluin smiled, but his smile came from old memories. [//Elrond smiled, and Gandalf laughed loudly. ]
[FR§3]`Of course, my dear Bilbo,' said Gandalf. [// the wizard] `If you had really started this affair, you might be expected to finish it. But you know well enough now that starting is too great a claim for any, and that only a small part is played in great deeds by any hero. You need not bow! Though the word was meant, and we do not doubt that under jest you are making a valiant offer. But one beyond your strength, Bilbo. You cannot take this thing back. It has passed on. If you need my advice any longer, I should say that your part is ended, unless as a recorder. Finish your book, and leave the ending unaltered! There is still hope for it. But get ready to write a sequel, when they come back.'
[FR§4] Bilbo laughed. `I have never known you give me pleasant advice before.' he said.[*] `As all your unpleasant advice has been good, I wonder if this advice is not bad. Still, I don't suppose I have the strength or luck left to deal with the Ring. It has grown, and I have not. But tell me: what do you mean by they?'
`The messengers [// adventurers] who are sent with the Ring.'
`Exactly! And who are they to be? That seems to me what this Council has to decide, and all that it has to decide. Elves may thrive on speech alone, and Dwarves endure great weariness; but I am only an old hobbit, and I miss my meal at noon. Can't you think of some names now? Or put it off till after dinner?'
[FR§5] No one answered. [// There was a long silence] The noon-bell rang. Still no one spoke. Frodo glanced *round* at all the faces, but they were not turned to him. [*] All the Council [//others] sat with downcast eyes, as if in deep thought. A great dread fell on him [//Frodo], as if he was awaiting the pronouncement of some doom that he had long foreseen and vainly hoped might after all never be spoken. An overwhelming longing to rest and remain at peace by Bilbo's side in Rivendell filled all his heart. At last with an effort he spoke, and wondered to hear his own words, as if some other will was using his small voice.
`I will take the Ring,' he said, `though I do not know the way.'
[FR§6] Elrond raised his eyes and looked [*] at him, and Frodo felt his heart pierced by the sudden keenness of the glance. `If I understand aright all that I have heard,' he said, `I think that this task is appointed for you, Frodo; and that if you do not find a way, no one will.This is the hour of the Shire-folk, when they arise from their quiet fields to shake the towers and counsels of the Great. Who of all the Wise could have foreseen it? Or, if they are wise, why should they expect to know it, until the hour has struck?
`But it is a heavy burden. So heavy that none could lay it on another. I do not lay it on you. But if you take it freely, I will say that your choice is right; and though all the mighty elf-friends of old, Hador, and Húrin, and Túrin, and Beren himself were assembled together your seat should be among them.'
[FR§7] 'But you won't send him off alone surely, Master?' cried Sam, unable to contain himself any longer, and jumping up from the corner where he had been quietly sitting on the floor. `No indeed!' said Elrond, turning towards him with a smile. `You at least shall go with him. It is hardly possible to separate you from him, even when he is summoned to a secret council and you are not.'
Si je n'ai rien fait de travers dans mes tags, vous devez tous avoir une idée de là où je veux en venir...mais il est décidément trop tard, suis un peu fatigué, voilà deux jours que je travaille à ce message et d'autres affaires, en cette rentrée, m'appellent plus urgemment que le commentaire que je souhaiterais faire mais qui devra attendre ;-)
Sosryko
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Salutations,
Je vois encore de virulentes réponses à mon post. Je ne vais pas essayer d'expliquer ma position encore une fois tant il est vrai que j'ai du mal à m'exprimer. Ma seconde intervention n'était pas pour me plaindre à nouveau mais bien pour préciser ma pensée. Il vaut mieux considérer que je n'ai rien dit car je l'ai mal dit (la rentrée, les exams, la fatigue, le stress) et je vous prie d'accepter mes plus plates et profondes excuses. Cette remarque venait juste de ma très grande sensiblité et fragilité quant à ma croyance aux écrits de Tolkien et aussi d'une peur (presque paranoiaque) des analyses peu ragoutantes que l'on trouve sur d'autres sites mais pas sur ce forum, je m'en rends compte à présent. Mea maxima culpa. Bon, disons qu'on efface mes deux derniers posts, OK.
Bon maintenant, je vais me remettre à d'autres fuseaux car il est vrai que les formidables théories et références présentés ici dépassent de loin l'entendement de mon pauvre esprit fatigué (la rentrée, les exams, la fatigue, le stress). J'éspère de tout coeur avoir l'immense privilège et la joie indescriptible de vous lire à nouveau.
Eorlindas.
Votre laquais, servant et serviteur qui vous respecte de facon incommensurable, tthingol.
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Apparemment, Tolkien est bien clair à ce sujet dans la Lettre 246, dans une petite note, qui souligne que lors de certains moments fatidiques, il y a bien « prise de contrôle temporaire » (terminologie de Sosryko) de Frodo par la providence divine sauf aux crevasses d’Orodruin où Frodo est totalement possédé par la Roue de Feu :
Frodo was given ‘grace’ : first to answer the call (at the end of the Council) after long resisting a complete surrender ; and later in his resistance to the temptation of the Ring (at times when to claim and to reveal it would have been fatal), and in his endurance of fear and suffering. But grace is not infinite, and for the most part seems in the Divine economy limited to what is sufficient for the accomplishment of the task appointed to one instrument in a pattern of circumstances and other instruments
Eru lui a donc manifesté son amour par ce don gratuit qu’est la grâce, qui lui donne le courage d’aller au-delà de ses limites, car livré à lui-même, il en serait incapable …
Mais Sosryko va sans doute dire cela mieux que moi ;-))
Cathy
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Nikita, je ne t'ai pas oubliée, mais c'est que ma réponse est plus longue que prévue...beaucoup plus longue ;-). Alors un tout petit peu de patience (encore, je sais, mais c'est la fin) et à bientôt.
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Content de voir que tout le monde ne partage pas la lecture (très subjective à mes yeux) de Stonelas et Ylem pour qui la lettre 246 ne serait pas explicite... :-)
Mais Syrdon, oupss... je veux dire Sosryko, saura mieux convaincre les dubitatifs que moi...
Cirdan
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Cirdan ... Syrdon ... gros paresseux, va :-)) avec une maîtrise en poche (ou sous peu), tu dois bien avoir des arguments valables ;-))
Cathy
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>Szpako : il y a eu double méprise, je pense que Cirdan voulait donner 'mon' autre nom (Soslan/Sosryko est un héros Ossète), sauf qu'il a fait la confusion entre Soslan et Syrdon, lequel est l'ennemi juré de Soslan/Sosryko! C'est comme si on confondait Gandalf et Sauron!;-))
Quant à me qualifier de paresseux...je laisse la suite parler d'elle-même ;-)
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Commentons le texte final de Tolkien, en nous limitant aux ajouts inédits dans la version primitive et aux modifications de vocabulaire au cours de la révision (texte en noir dans la citation précédente).
Si nous faisons confiance à Tolkien qui avouait que cette révision a été exécutée avec la volonté consciente de développer un message religieux (et c'est le moins que nous puissions faire ! !), nous nous rendons compte que ces ajouts, en grande majorité et même (ou surtout) ceux qui pourraient sembler anodins, confirment parfaitement l'aveu du professeur !
Nous allons voir que ces ajouts font écho à des textes biblique ; des échos non pas artificiels mais relevant quasiment tous du même thème, de la même théologie : celle d'un plan de salut divin et de son catalyseur humain, le Serviteur Souffrant, préfigurant Jésus.
Ainsi, si nous relevons un nombre important de termes et d'expressions se prêtant à une interprétation religieuse cohérente, interprétation qui pourrait être confortée par le passage incriminé dans ce fuseau, comment alors pourrions-nous continuer d'affirmer que ledit passage n'autorise pas cette interprétation religieuse ?
Voilà pourquoi je ne reviendrai sur l'interprétation du passage en question (" comme si quelque autre volonté se servît de sa petite voix ") qu'après avoir établi le substrat théologique qui sous-tend la révision du texte de Tolkien. Un long périple nous attend, périple parfois laborieux car conduisant à des répétitions ; il faudra donc être patient, mais cette recherche d'écho bibliques sera riche de conséquences et parmi elles, la confirmation de la nature de l'"autre volonté " n'en sera pas la moindre !
De plus, il apparaîtra que Frodo, quoiqu'on en dise, n'est pas la figure d'un 'saint'quelconque, mais bien la préfiguration de Christ en Terre-du-Milieu ; tout comme Moïse le fut au désert, tout comme Josué le fut en Canaan, tout comme le Serviteur Souffrant l'est dans la prophétie d'Esaïe : aucun des trois ne représente Jésus Christ dans son entier, mais tous préfigurent des aspects complémentaires du Messie par excellence. 'Anticipation partielle' serait plus juste que 'préfiguration' qui, selon le Petit Robert, contient en elle " tous les caractères d'un être, d'une chose à venir ". Mais cette terminologie n'est pas la mienne, elle est celle de l'auteur de l'épître aux Hébreux qui évoque " une sorte de préfiguration " en [Hb 11:19 TOB ou Segond]. Alors, ne chipotons pas sur les mots mais comprenons l'esprit de ce que j'affirme et me propose de démontrer : Frodon est une " figure " [litt. un 'type' = grec 'tupos'] de Jésus tout comme Adam, pour des raisons complètement différentes, " est la figure de celui qui devait venir " [Ro 5:14].
On le comprend, certaines citations devront être nécessaires.
* J'ai voulu me limiter, autant que faire ce peut, au seul texte de la Communauté de l'Anneau allant des prologues au chapitre du Conseil d'Elrond, estimant que, si révision il y a eu, Tolkien a dû laisser suffisamment d'indices au lecteur pour interpréter la prise de position de Frodo dans le texte qui la précède.
* Les références pourront aller jusqu'à prendre la forme complète suivante : [X.x, p.A (B){C}], avec :
X = N° du livre (I ou II) de la Communauté de l'Anneau
X = N° du chapitre
A = N° de la page dans l'édition complète avec appendices et index illustrée par A.Lee
B = N° de la page dans l'édition Pocket
C = N° de la page dans l'édition paperback américaine du SdA chez Houghton Mifflin
* Quant aux citations bibliques anglaises, elles seront prises dans la 'version autorisée', celle de la King James Version (=KJV) au verbe 'shakespearien' si caractéristique. Tout simplement parce que Tolkien la connaissait visiblement très bien : cf. [L250, p.338] où deux des trois citations bibliques sont issues de la KJV. Et puis, parce que la KJV nous réservera une confirmation en guise de surprise finale (à moins que ce ne soit le contraire...une surprise en guise de confirmation finale...suspense ;-)).
On y va ?
On y va ! ;-)
Francis Ledoux en choisissant de traduire " Il y a encore de l'espoir qu'il en soit ainsi " introduit avec finesse une dimension spirituelle à l'encouragement que prodigue Gandalf à Bilbon, le " qu'il en soit ainsi " pouvant relever aussi bien de la prière que d'un simple vœu.
Et c'est bien de cela qu'il s'agit ! Gandalf fait plus que conseiller à Bilbon de " garder espoir " (1er niveau de lecture), il lui demande de " demeurer dans l'espérance " (lecture religieuse). Plus qu'un 'espoir' qui ne repose sur aucune certitude, l''espérance', elle, repose sur la foi (foi en Dieu bien entendu). L''espérance' est une dimension essentielle de la foi chrétienne.
Car c'est par l'" espérance que nous sommes sauvés " [Ro 8 :24-25] :
(24) For we are saved by hope; but hope that is seen is not hope, for what a man seeth, why doth he yet hope for it? (25) But if we hope for that which we see not, then do we with patience wait for it.
Donnons-en la traduction française avec son contexte :
(20) car la création a été soumise à la vanité (...)
(21) avec une espérance : cette même création sera libérée de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu. (...)
(24) Car c'est en espérance que nous avons été sauvés. Or, l'espérance qu'on voit n'est plus l'espérance : ce qu'on voit, peut-on encore l'espérer encore ?
(25) Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l'attendons avec persévérance.
Notons donc les liens qui existent entre :
- l'espérance
- le salut
- ce qu'on ne voit pas
- la patience/persévérance
- Dieu
Je rajoute 'Dieu' parce qu'il est expressément associé à l'espérance dans la même épître en étant qualifié de " Dieu de l'espérance / God of hope " [Ro 15 :13] !
Or le salut ('salvation') est un des thèmes principaux du Seigneur des Anneaux, tout comme de l'interprétation religieuse qu'en faisait Tolkien (cf. [L181, p.234] qui concerne le " 'salut' du monde et le propre 'salut' de Frodo ").
Et il se trouve qu'espoir (il ne s'agit pas encore d'espérance) et salut sont associés dans la première prise de position de Frodo, en [I.2, p.79 (){61}] :
'I hope so,' said Frodo. 'But I hope that you may find some other better keeper soon. But in the meanwhile it seems that I am a danger, a danger to all that live near me. I cannot keep the Ring and stay here. I ought to leave Bag End, leave the Shire, leave everything and go away.' He sighed.
'I should like to save the Shire, if I could - though there have been times when I thought the inhabitants too stupid and dull for words, and have felt that an earthquake or an invasion of dragons might be good for them. But I don't feel like that now. I feel that as long as the Shire lies behind, safe and comfortable, I shall find wandering more bearable: I shall know that somewhere there is a firm foothold, even if my feet cannot stand there again.
Frodon, dès le début, accepte de faire passer la vie de ses congénères avant la sienne (même celle de ceux qu'il a pu juger " trop stupides et obtus ").
Notons au passage le souhait de Frodo qui dit, humblement, sans savoir qu'il va être pris au mot: " J'aimerais sauver la Comté si je le pouvais "
Frodo a la volonté d'être un instrument de salut mais pense ne pas en avoir la capacité.
Ce qu'il ne sait pas, c'est Dieu est celui qui rend capable ; tout ce dont il a besoin pour agir, c'est d'une âme volontaire...ce que Frodon est ! [2Co 3 :5] :
(5) Ce n'est pas à dire que nous soyons par nous-mêmes capables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes. Notre capacité, au contraire, vient de Dieu.
Il est inutile de préciser le rôle capital que joue la 'chance' ou la 'fortune' dans les aventures de Bilbo (cf. le fuseau Énigmes (2) pour quelques remarques supplémentaires).
La chance est ce qui caractérisait Bilbo ; la chance lui serait toujours nécessaire pour s'engager une nouvelle aventuredans et la 'force' lui paraît essentielle pour s'opposer à l'Anneau.
Tolkien, avec cet ajout par rapport à la version originale, rappelle que la chance gouvernait la vie de Bilbo. Mais le rappeler revient à rappeler également que ce mot, omniprésent dans le texte, n'est qu'un synonyme de 'providence' comme Gandalf essaie de le faire comprendre à Bilbo à la fin de son aventure [Bilbo, XIX, p.312 LdP].
- Ainsi les prédictions {prophecies} des anciens chants se réalisent - dans un certain sens ! dit Bilbo.
- Bien sûr ! dit Gandalf, et pourquoi ne se réaliseraient-elles pas ? Vous n'allez pas refuser créance aux prophéties {prophecies} pour la seule raison que vous avez contribué à leur réalisation ? Vous ne pensez tout de même pas que toutes vos aventures et vos évasions {escapes} ont été le résultat d'une pure chance {mere luck} à votre seul bénéfice ? Vous êtes une personne très bien, monsieur Baggins, et je vous aime beaucoup ; mais vous n'êtes, après tout, qu'un minuscule individu dans le vaste monde.
- Dieu merci {Thank goodness} ! dit Bilbo riant.
Aussi, si Frodon entre bien dans un plan divin, il est normal que Gandalf, toujours lui, lui fasse entrevoir les 'choses cachées' en sous-entendant que la chance ('fortune') n'est pas forcément celle qu'il faut remercier [II.1, p.248 (297){216}] :
- Dieu merci {Thank goodness}, je ne m'étais pas rendu compte de cet horrible danger ! (...) C'est un miracle {marvel} que j'en aie réchappé {I escaped}!
- Oui, la chance ou le destin {fortune or fate} vous ont aidé, sans parler du courage, dit Gandalf. Car votre cœur n'a pas été touché et seule votre épaule a été percée; et cela, c'est parce que vous avez résisté jusqu'au bout.
Curieux aussi, comme le 'Thank goodness' de Frodon renvoie à celui de Bibon, comme les évasions ('escapes') de Bilbon anticipent celle de Frodon ('I escaped') dans une conversation avec Gandalf qui porte sur le même thème, celui du 'destin' qui a protégé son élu.
Il n'y a rien de curieux, bien entendu ! Les deux textes se font écho ; le premier éclaire le second, plus sobre, et nous montre que la Providence était à l'œuvre au passage du Gué.
Autre aspect intéressant de ce dernier texte : Frodon a été sauvé " parce qu'il a résisté jusqu'au bout " ('you resisted to the last').
Or, cette résistance devant l'extrême, nous la trouvons mentionnée une seule fois dans le NT [Hé 12 :4] :
(4) In striving against sin, ye have not yet resisted unto bloodshed.
=
(4) Vous n'avez pas encore résisté jusqu'au sang en combattant contre le péché.
Ce verset fait référence au terrible combat spirituel qui à conduit Jésus jusqu'à l'agonie dans le jardin de Gethsémani [Luc 4 :13, 22 :39-40.43-46] :
(4 :13) Après l'avoir tenté de toutes ces manières, le diable s'éloigna de lui jusqu'à un moment favorable.
(...)
(39) Après être sorti, il alla, selon sa coutume, à la montagne des Oliviers. Ses disciples le suivirent.
(40) Lorsqu'il fut arrivé dans ce lieu, il leur dit : 'Priez, afin que vous ne tombiez pas en tentation.'
(41) Puis il s'éloigna d'eux à la distance d'environ un jet de pierre, et, s'étant mis à genoux, il pria,
(...)
(43) Alors un ange lui apparut du ciel, pour le fortifier.
(44) Étant en agonie, il priait plus instamment, et sa sueur devint comme des grumeaux de sang, qui tombaient à terre.
(45) Après avoir prié, il se leva, et vint vers les disciples, qu'il trouva endormis de tristesse, et il leur dit : 'Pourquoi dormez-vous? Levez-vous et priez, afin que vous ne tombiez pas en tentation.'
Souvenons-nous, Frodo a été sauvé :
- parce qu'il a résisté, alors qu'il était aux frontière de la mort (" votre maître a reçu une blessure mortelle " [I.12, p.224 (267)]
- et, ne l'oublions pas, parce qu'il a reçu l'aide d'un 'ange' d'Elrond, Glorfindel (" J'ai été envoyé " [I.1, p.236] et cf. ci-après).
De son côté, Jésus est devenu sauveur parce qu'il a " résisté jusqu'au sang " et il a été fortifié par un ange.
Ainsi, à nouveau, nous rencontrons un point de contact entre Frodon et Jésus, et pas n'importe quel aspect de Jésus : il s'agit du Jésus sauveur, celui qui se donne, celui qui " combat contre le péché ", celui qui résiste à la tentation et qui accepte d'aller à la mort.
Comment ne pas voir dans cette constatation de Gandalf (" vous avez résisté jusqu'au bout ") en forme d'encouragement (1er niveau de lecture), à la fois une préparation spirituelle (Frodon aura besoin de résister à nouveau sur le Mont du Destin), mais aussi, pour le lecteur, un 'détail' qui éclaire la nature de Frodon : il est l'instrument du salut qui va donner sa vie, " jusqu'au bout " (lecture religieuse) ?
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‘Messengers’ qui remplace ‘adventurers’ : pourquoi un tel changement qui modifie radicalement la qualité des membres de la Compagnie ? En effet, s’ils sont bien des aventuriers, ils ne sont pas des messagers au sens où ils n’ont pas pour fonction de transmettre une information. Or le mot ‘messenger’ chez Tolkien (très fréquent autant dans FR, TT ou RK) a pour sens principal celui de ‘messager’.
Ici, exceptionnellement, il faut comprendre, plutôt, qu’il s’agit de ‘commissionnaires’, de personnes envoyées en mission, chargées de remplir une mission, à savoir : aider Frodo à détruire l’Anneau.
Tolkien raffole du mot ‘messenger’. Il se trouve que la Bible aussi. Normal en des temps où le téléphone n’existait pas…
Par exemple, nous trouvons de tels ‘commissionnaires’ en [Luc 9 :52] :
(52) and He sent messengers before His face. And they went and entered into a village of the Samaritans to make ready for Him.
=
(52) Il [Jésus] envoya devant lui des messagers, qui se mirent en route et entrèrent dans un bourg des Samaritains, pour lui préparer un logement.
Ces Messagers sont de simples hommes, mais le texte grec utilise bien le terme d’ " anges " (angelous).
Il n’est pas anodin que, dans le texte qui nous concerne, ce soit Gandalf répondant à Bilbon qui évoque les ‘messagers’. Lui-même est un Messager d’Eru dans tous les sens du terme puisqu’il est un " ‘ange’ incarné – en toute rigueur un angelos " [L156, p.202 {1954}].
Dans les deux cas, ils sont envoyés par une autorité supérieure (Jésus pour les disciples, le Conseil des Grands pour les ‘aventuriers’).
Noter la formule passive de l’envoi (" who are sent ") qui ne précise pas l’autorité supérieure, et, par là, ressemble fort au fameux passif divin biblique.
Or, Tolkien sait utiliser ce passif divin pour sous-entendre l’action divine, celle d’Eru, qu’il appelle ‘Authority’ en [L156, p.203] :
In the end before [Gandalf] departs for ever he sums himself up : ‘I was the enemy of Sauron’. He might have added : ‘for that purpose I was sent to Middle-earth’. But by that he would at the end have meant more than at the beginning. He was sent by a mere plan of the angelic Valar or governors ; but Authority had taken up this plan and enlarged it, at the moment of its failure. ‘Naked I was sent back – for brief time, until my task is done’. Sent back by whom, and whence ? Not by the ‘gods’ whose business is only with this embodied world and its time ; for he passed ‘out of thought and time’.
Ainsi, l’expression " les messagers qui seront envoyés avec l’Anneau " peut être, là encore, lue de deux manières complémentaires : comme envoyés par le Conseil (1er niveau de lecture), et comme envoyés par Eru (lecture religieuse). Tout simplement parce que Dieu maîtrise les temps et les circonstances, tout simplement parce que c’est Eru qui est implicitement (toujours ce passif divin !) crédité comme auteur du rassemblement au Conseil d’Elrond [II.2, p.269 (323){236}]:
" Voilà la raison pour laquelle vous êtes rassemblés. Rassemblés, dis-je, bien que je ne vous aie pas convoqués, étrangers de terres lointaines. Vous êtes venus et vous vous êtes rencontrés ici, à point nommé, par hasard, pourrait-il sembler. Mais il n'en est pas ainsi. Croyez plutôt qu'il en est ainsi ordonné que nous, qui siégeons ici, et nuls autres, devons maintenant trouver une ligne de conduite pour répondre au péril du monde.
Texte plus révélateur en version originale :
‘That is the purpose for which you are called hither. Called, I say. though I have not called you to me, strangers from distant lands. You have come and are here met, in this very nick of time, by chance as it may seem. Yet it is not so. Believe rather that it is so ordered that we, who sit here, and none others, must now find counsel for the peril of the world.
‘Now, therefore, things shall be openly spoken that have been hidden from all but a few until this day. And first, so that all may understand what is the peril, the Tale of the Ring shall be told from the beginning even to this present. And I will begin that tale, though others shall end it.’
Les membres du Conseil n’ont pas été ‘rassemblés’ mais ‘appelés’ (‘called’). Or, un texte de l’Apocalypse renvoi à cet appel céleste, cette élection divine, et ceci dans un contexte de guerre qui épouse parfaitement celui des propos d’Elrond [Ap. 17 :14] :
(14) These shall make war with the Lamb, and the Lamb shall overcome them; for He is Lord of lords and King of kings, and they that are with Him are called, and chosen, and faithful.
=
(14) Ils combattront l’Agneau, et l’Agneau les vaincra, parce qu’il est le seigneur des seigneurs, et Roi des rois. Et les appelés, les élus, et les fidèles qui sont avec lui (les vaincront aussi)
Mais ce n’est pas tout, à l’appel est associé la lumière, une lumière qui s’oppose aux ténèbres [1P 2 :9]:
(9 ) But ye are a chosen generation, a royal priesthood, a holy nation, a peculiar people, that ye should show forth the praises of Him who hath called you out of darkness into His marvelous light.
=
celui qui vous a appelé des ténèbres à son admirable lumière.
Or, dans ce si important chapitre qu’est Le Conseil d’Elrond, se trouve un ‘appelé’ qui a expérimenté un songe associant à la fois un appel et une opposition entre la lumière et les ténèbres (‘darkness’), il s’agit, bien sûr, de Boromir [II.2, p.273 (328)]:
Dans ce rêve, j'avais l'impression que le ciel s'assombrissait à l'est {the eastern sky grew dark}, que le tonnerre grondait de façon croissante, mais à l'ouest s'attardait une pâle lumière {a pale light}, et de cette lumière sortait une voix, lointaine mais claire, qui me criait :
Cherche l’épée qui fut brisée :
À Imladris elle se trouve ;
Des conseil seront pris
Plus forts que les charmes de Morgul.
Un signe sera montré
Que le Destin est proche,
Car le Fléau d’Isildur se réveillera,
Et le Semi-Homme se dressera.
Cette voix prophétique, qui oserait dire qu’il s’agit de la voix de l’Anneau ou de Sauron ?
Non, il s’agit bien de la voix d’Eru.
Voix qui annonce l’instrument de salut que sera Frodo.
Or, une forme passive qualifiante (donc passif divin) se rencontre pour la première fois à propos de…Frodo [I.2, p.78 (){60}]:
– Oui, je veux vraiment le détruire ! s’écria Frodon. Ou, enfin, le faire détruire. Je ne suis pas fait pour les quêtes périlleuses. Je voudrais bien n’avoir jamais vu l’Anneau ! Pourquoi m’est-il venu ? Pourquoi ai-je été choisi ?
{Why was I chosen ?}
Dans le monde de la Terre-du-Milieu où le nom d’Eru a été oublié, Frodon semble s’en prendre à son destin (1er niveau de lecture). Mais connaissant la dimension religieuse supplémentaire (inconsciente puis consciente) introduite par Tolkien, cette phrase prend un sens bien plus important : Frodon a été choisi par Eru.
Pourquoi lui ?
Nous avons la réponse juste un peu plus haut : il veut ‘vraiment’ détruire l’Anneau. Plus loin (juste une page), il dira, rappelons-le, qu’il " aimerai[t] sauver la Comté ". Et tout ça avec humilité (cf. ses réverves : " ou, enfin, le faire détruire " et " si je le pouvais "). Car il ne s’agit pas de lâcheté : quel être raisonnable oserait se prendre pour un tel instrument de salut devant un tel danger ? !
J’ai parlé de la voix d’Eru et non pas d’un Valar quelconque parce que la voix céleste qui intervient dans les songes (= rêves d’origine divine) est toujours la voix de Dieu (cf. Job), les anges apparaissant toujours avec une enveloppe visible.
Également parce que nous retrouverons cette Voix, à deux reprises, et qu’il n’y aura pas de confusion possible.
Il faut relever encore la mention du ‘hasard’ (‘chance’) dans les propos d’Elrond qui précise bien à ses compagnons que cette chance n’est pas plus que lui à l’origine de leur rencontre…
De plus, si Boromir a eu le privilège d’un songe, l’objet de sa quête, le Semi-Homme, Frodo, a reçu pour sa part pas moins de 4 songes différents (et à de multiples occasions) avant son arrivée à Rivendell.
Là encore, ces songes ne sont pas envoyés par l’adversaire mais ont pour but de le protéger en lui annonçant l’avenir et surtout de le préparer, spirituellement parlant, de confirmer son élection, l’importance du rôle qu’il a à jouer, de préparer son ‘oreille’ (son esprit) à la Voix d’Eru. Cette affirmation n’est pas gratuite, elle est confirmée par certaines expressions utilisées par Tolkien dans la descriptions des songes qui renvoient à des textes bibliques.
Songe 1 [I.2, p.59]
Il s’aperçut qu’il pensait, parfois, surtout en automne, aux terres sauvages, et d’étranges visions de montagnes qu’il n’avaient jamais vues hantaient ses rêves.
Où l’on se rend compte que la ‘préparation’ de Frodon remonte à loin, bien avant sa décision au Conseil d’Elrond.
Songe 2 [I.5, p.129 (151-2)]
Quand il fut enfin couché, Frodon eut de la peine à s'endormir. Il avait mal aux jambes. Il était heureux de partir à dos de poney le lendemain. Il finit par tomber dans un vague rêve, dans lequel il lui semblait regarder par une haute fenêtre une sombre mer d'arbres entrelacés. D'en bas, parmi les racines, montait le bruissement de créatures rampantes et flairantes. Il avait la certitude qu’elles le sentiraient tôt ou tard.
Puis il entendit un bruit dans le lointain. Il crut tout d'abord que c'était un grand vent qui passait dans les feuilles de la foret. Puis il sut que ce n'était pas les feuilles, mais le bruit de la mer lointaine; bruit qu'il n'avait jamais entendu dans sa vie éveillée, mais qui avait souvent troublé ses rêves. Soudain, il s'aperçut qu'il était dehors, en plein air. Il n'y avait pas d'arbre, après tout. Il se trouvait sur une sombre bruyère, et il y avait dans l'air une étrange odeur de sel. Levant le regard, il vit devant lui une haute tour blanche, dressée seule dans une Crète élevée. Un grand désir le prit de grimper dans la tour et de voir la mer. Il commença à gravir péniblement le crêt en direction de la tour; mais soudain une lumière illumina le ciel, et le tonnerre retentit.
Tout comme dans le songe de Boromir, le tonnerre et la lumière sont présents.
Songe 3 [I.7, p.149 (176){125}]
Dans la nuit profonde, Frodon était dans un rêve sans lumière {In the dead night, Frodo lay in a dream without light}. Puis il vit se lever la nouvelle lune; dans sa mince lumière apparut devant lui un mur de roche noire, percé d'une arche sombre semblable à une grande porte. Il eut l'impression d'être soulevé et, passant au-dessus, il vit que le mur de roche était un cercle de collines au milieu desquelles se trouvait une plaine; et au centre de cette plaine s'élevait une aiguille de pierre, pareille à une vaste tour, mais non bâtie de main d'homme. Au sommet se tenait une forme humaine. La lune en s'élevant parut un moment suspendue au-dessus de sa tête, et elle scintilla dans ses cheveux blancs agités par le vent. De la sombre plaine montèrent une clameur de voix féroces et le hurlement de nombreux loups. Soudain, une ombre, en forme de grandes ailes {like the shape of great wings}, passa devant la lune. La silhouette leva les bras et une lumière jaillit comme un éclair du bâton qu'elle maniait. Un puissant aigle fondit sur elle et l'emporta. Les voix poussèrent des lamentations et les loups gémirent. Un bruit retentit, comme d'un fort vent {there was a noise like a strong wind blowing}, sur lequel était porté le son de sabots galopant, galopant de l'est. " Des Cavaliers Noirs! " pensa Frodon, s’éveillant tandis que le son des sabots retentissait encore dans sa tête. Il se demanda s’il aurait jamais le courage de quitter la sécurité de ces murs de pierre. Il resta étendu sans mouvement, prêtant encore l’oreille {He lay motionless, still listening}; mais tout était silencieux à présent et il finit par se retourner et se rendormir ou vagabonder dans quelque autre rêve qui ne lui laissa pas de souvenir.
Le ‘fort vent’, se retrouve dans la KJV, en un passage qui ne sera pas sans nous rappeler des souvenirs…[1R 19 :11] :
(11) And He said, "Go forth, and stand upon the mount before the LORD." And behold, the LORD passed by, and a great and strong wind rent the mountains and broke in pieces the rocks before the LORD, but the LORD was not in the wind; and after the wind an earthquake, but the LORD was not in the earthquake.
‘Il resta étendu sans mouvement, prêtant encore l’oreille’ : cette phrase est essentielle.
Dieu " parle par des songes ou des visions nocturnes / Quand les hommes sont livrés à un profond sommeil / Quand ils sont endormis sur leur couche." [Job 33 :15] Le problème, c’est que tout au long de la bible, la plupart du temps, personne n’est là pour écouter [Jr 23 :18, 29 :19]:
(23 :18) Qui donc a assisté au conseil de l'Eternel Pour voir, pour écouter sa parole? Qui a prêté l'oreille à sa parole, qui l'a entendue?
(…)
(29:19) parce qu'ils n'ont pas écouté mes paroles, dit l'Eternel, eux à qui j'ai envoyé mes serviteurs, les prophètes, à qui je les ai envoyés dès le matin; et ils n'ont pas écouté, dit l'Eternel.
De temps en temps, pourtant, un homme entend la Voix de Dieu, et lorsqu’il n’y a pas d’homme au cœur simple, Dieu appelle un ‘semi-homme’, un enfant, Samuel [1S 3 :9] :
(9) Therefore Eli said unto Samuel, "Go, lie down; and it shall be, if He call thee, that thou shalt say, `Speak, LORD, for Thy servant heareth.'" So Samuel went and lay down in his place.
=
(9) et il [Élie] dit à Samuel, Va, couche-toi; et si l'on t'appelle, tu diras, Parle, Eternel, car ton serviteur écoute. Et Samuel alla se coucher à sa place.
Ainsi, le petit (d’âge comme de taille) Samuel qui s’éntend sur sa couche (‘lie down), en pleine nuit, à l’écoute de l’Éternel ressemble fort au petit (par la taille) Frodo, étendu dans la nuit (‘the dead night’), qui écoute… Écouter quoi ? rien en apparence puisque " tout était silencieux maintenant ". Mais peut être que ce que Frodon a pris pour du silence contenait un " murmure doux et léger ", " comme un silence fin " auquel il n’a pas su être sensible ; pas encore…
Songe 4 [I.8, p.157 (186){132}]
Cette nuit-là, ils n'entendirent aucun bruit. Mais, que ce fût dans ses rêves ou en dehors (il n'aurait su le dire), Frodon entendit résonner dans son esprit un doux chant: un chant qui semblait venir comme une pâle lumière derrière un gris rideau de pluie; se renforçant, il mua le voile {the veil} tout en cristal et en argent et quand il l'eut enfin replié {it was rolled back}, un lointain pays vert s'ouvrit sous un rapide lever de soleil devant le dormeur.
La vision s’évanouit dans le réveil ; (…)
Le voile qui est ‘roulé’ rappelle les cieux " roulés comme un rouleau " en [Ap 6 :14] ; mais cf. plus bas, une référence plus intéressante encore.
(14) And the heaven departed as a scroll when it is rolled together, and every mountain and island were moved out of their places.
(Cf. aussi [Mt 28 :2] où un ange " rolled back the stone from the door ").
Ce songe renvoie à une vision de Paul, rapportée en [2Co 12 :2], qui utilise une formule similaire pour expliquer sa confusion :
(2) Je connais un homme en Christ, qui fut, il y a quatorze ans, ravi jusqu'au troisième ciel (si ce fut dans son corps je ne sais, si ce fut hors de son corps je ne sais, Dieu le sait).
Et Paul, qui n’est pas en train d’écrire un conte pour adultes, précise bien que cette vision venait de Dieu…
La similitude dans la formulation est telle qu’il serait difficile de ne pas accepter l’idée que les songes de Frodo puissent venir d’Eru.
Quelle est leur fonction ? Certainement ils servent à créer une tension dramatique des plus efficace, et ce d’autant plus que le lecteur les voit se réaliser au cours de la lecture. Mais l’intertextualité qui les sous-tend induit une autre fonction : ces songes ont pour but de préparer Frodon à entendre la Voix d’Eru au moment ‘fatidiques’. En réalité il y aura plusieurs moments de ce type, mais le premier de ces moments fatidiques est le Conseil d’Elrond…
Lors de ce Conseil, les songes (la Voix d’Eru) reviennent à l’esprit de Frodo, bien qu’au début, il ne prête point garde à l’importance de la chose.
Cela commence avec le songe de Boromir qui a vu une ‘lumière pâle’ (‘a pale light’) qui lui parlait (" and out of it I heard a voice ") tout comme Frodo, dans son dernier songe, entend " un chant qui semblait venir comme une pâle lumière " (‘a pale light’) !
Cela continue avec le récit de Gandalf [II.2, p.289 (348){254}]:
Songe 3bis
– Je vous ai vu ! s’écria Frodon. Vous reculiez et avanciez. La lune brillait dans vos cheveux.
Gandalf, étonné, s’arrêta et le regarda.
– Ce n'était qu'un rêve, dit Frodon, mais il m'est revenu tout à coup. Je l'avais complètement oublié. Il s'est passé il y a quelque temps; après mon départ de la Comté, me semble-t-il.
– Il a mis longtemps à venir, dans ce cas (…)
L’étonnement de Gandalf est un indice supplémentaire (s’il en était besoin) de l’origine divine des songes. Quant à sa réponse (" Il a mis longtemps à venir, dans ce cas "), elle confirme le rôle des songes : les songes que reçoit Frodon sont moins des avertissements que des signes destinés 1) à lui prouver son élection et 2) à former son ‘oreille’.
Frodon a de quoi réfléchir…au point qu’il ne parlera plus jusqu’à sa prise de position finale, 10 pages plus loin (p.289-299)!
Entretemps, il écoute, il écoute même les silences [II.2, p.293, p.295], le combat spirituel fait rage en son cœur (" Frodon […] sentit son cœur envahi de ténèbres " [II.2, p.295]) et regarde, Boromir d’abord [II.2, p.295], tous les membres du Conseil ensuite [II.2, p.299], mais personne ne le regarde…il est seul.
Sosryko
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Pourquoi donc Tolkien a-t-il choisit d’abandonner la mention du " long silence ", pourtant si adaptée à l’instant dramatique, pour le remplacer par ce qui semble équivalent (" Personne ne répondit " doublé de " Personne ne parla davantage ") ?
Non seulement l’expression aurait été adaptée, mais en plus elle est une des expressions favorite de Tolkien pour traduire le désarroi du moment ou bien la tension qui règne avant chaque prise de décision dramatique. Lister leurs apparitions montre que Tolkien n’a pas peur de les accumuler dans un même chapitre, parfois beaucoup plus court pourtant que Le Conseil d’Elrond . Considérons les occurrences dans deux chapitres caractéristiques, L’Ombre du Passé et Grand-Pas :
§ L’Ombre du Passé : 24p [I.2, 58-82]
Sam resta assis en silence et ne dit plus rien. [I.2, p.62 (70)]
Il fumait maintenant en silence, car Frodon était assis immobile, plongé dans ses pensées. [I.2, p.63 (71)]
Il y eut de nouveau un long silence. On entendait, venant du jardin, le bruit que faisait Sam Gamegie en tondant la pelouse. [I.2, p.63 (72)]
L'obscurité et le silence envahirent la pièce, (…) [I.2, p.66 (75)]
Frodon restait assis en silence et sans mouvement. La peur semblait étendre une vaste main, comme un nuage sombre qui se lèverait à l'Orient et s'avancerait pour l'engloutir [I.2, p.67 (77)]
Un lourd silence tomba sur la pièce. Frodon pouvait entendre le battement de son coeur. [I.2, p.76 (87)]
Il y eut un long silence. [I.2, p.79 (91)]
§ Grands-Pas : 13p [I.10, p.187-200]
Il y eut un silence. Enfin, Frodon s'adressa à Pippin et à Sam [I.10, p.188 (224)]
Il y eut un lourd silence. Frodon ne répondit pas l'esprit troublé par le doute et la crainte. [I.10, p.190 (226)]
Il y eut un long silence. Enfin, Frodon prit la parole avec hésitation [I.10, p.196 (233)]
Non seulement nous constatons que Tolkien apprécie la formule " Il y eut un (long/lourd) silence ", mais en plus nous relevons que plus le récit avance et plus le nom de Frodon est étroitement associé à ce silence…ce qui confirme l’interprétation que je propose d’un Frodon qui devient au fur et à mesure de son aventure inconsciemment sensible à l’invisible et à l’inaudible. Le Conseil d’Elrond confirme ce constat.
§ Le Conseil d’Elrond : 34p [II.2, p.266-300]
Elrond était là, et plusieurs autres personnes étaient assises en silence autour de lui. [II.2, p.266 (320)]
Il y eut un silence et chacun tourna le regard vers Frodon. [II.2, p.274 (329)]
Tous gardèrent un moment le silence, jusqu'à ce qu'enfin Boromir reprit la parole [II.2, p.282 (340)]
Il y eut un silence. Elrond reprit finalement la parole [II.2, p.293 (353)]
Le silence tomba de nouveau. Frodon, (…) sentit son coeur envahi de ténèbres. [II.2, p.295 (356)]
No one answered. [// There was a long silence] The noon-bell rang. Still no one spoke. Frodo glanced round at all the faces, [FR§5]
Alors pourquoi Tolkien a-t-il choisit d’abandonner la mention du " long silence " qui a précédé le moment ‘fatidique’ pour la remplacer par " personne ne répondit. (la cloche de midi sonna.) Personne ne parla davantage "?
Là encore il apparaît qu’il y a une volonté de faire écho au texte et à un message (LE message) biblique pour le croyant qu’était Tolkien, à savoir le message du salut divin qui, mystère d’entre les mystères, ne peut se réaliser sans le concours d’un homme. Ce message apparaît dès le livre d’Esaïe, au chapitre 50, verset 2 :
Je [=Dieu] suis venu, pourquoi n’y avait-il personne ? J’ai appelé, pourquoi personne n’a -t-il répondu ? Ma main est-elle trop courte pour racheter ?
(Es 50 :2)
Il est certainement nécessaire de préciser que ce verset se trouve dans un chapitre qui fait partie d’une section capitale, pour les Juifs comme les pour les Chrétiens, du livre d’Esaïe : il s’agit des chapitres formant les " chants du Serviteur " (Chap 49-50,52-53). La destinée de ce Serviteur, appelé encore le Serviteur Souffrant, qui est décrit comme étant le serviteur parfait de Dieu, seul à accepter la souffrance et la mort pour le salut des hommes, a été comprise comme l’image des souffrances du peuple d’Israël par les Juifs et comme l’annonce prophétique de la mission de Jésus par les Chrétiens.
Alors est-il étonnant, juste après [Es 50 :2] d’entendre comme seule réponse à l’appel de Dieu la voix du Serviteur qui précise avec quelle douceur Dieu a exercé son oreille pour qu’il soit sensible à Sa volonté ?
(4) Le Seigneur, l’Eternel, m’a donné une langue exercée, Pour que je sache soutenir par la parole celui qui est abattu ; Il éveille, chaque matin, il éveille mon oreille, Pour que j’écoute comme écoutent des disciples.
(5) Le Seigneur, l’Eternel, m’a ouvert l’oreille, Et je n’ai point résisté, Je ne me suis point retiré en arrière.
(Es 50 :4-5)
Et que fait Frodo sinon ne pas résister à l’appel divin ?
Ce Serviteur n’avait aucune qualité physique extraordinaire pour accomplir sa tache, ce qui n’est pas sans rappeler le physique peu adapté d’un hobbit à l’aventure
(2b) Il n'avait ni beauté, ni éclat pour attirer nos regards, Et son aspect n'avait rien pour nous plaire.
(3) Méprisé et abandonné des hommes, Homme de douleur et habitué à la souffrance, Semblable à celui dont on détourne le visage, Nous l'avons dédaigné, nous n'avons fait de lui aucun cas.
(Es 53 :2-3)
il n’est qu’à se souvenir du rire-réflexe très vite tu de Boromir à la vue de Bilbo qui se proposait pour l’aventure. Le texte initial était encore plus sévère envers Bilbo…
Nous avons vu que ce silence des participants pouvaient renvoyer à Ésaïe, donnant alors à Frodo un rôle analogue à celui du Serviteur Souffrant. Ce qui est intéressant c’est que le Serviteur Souffrant étant la préfiguration de Jésus, le texte de Tolkien et sa suite montrant " Frodon jet[er] un regard circulaire sur tous les visages " ne peux que confirmer les liens entre Frodon, le Serviteur Souffrant et Jésus.
Car l’Évangile de Marc fait apparaître Jésus comme celui qui regarde d’un ‘regard circulaire’ (‘to look round about’ dans la KJV : sir les 6 emplois du verbe, 5 servent à décrire la manière de regarder de Jésus : [Marc 3:5.34, 5:32, 10:23, 11:11]). Ainsi en [Marc 3 :31-34]
(31) Survinrent sa mère et ses frères, qui, se tenant dehors, l'envoyèrent appeler.
(32) La foule était assise autour de lui, et on lui dit : ‘Voici, ta mère et tes frères sont dehors et te demandent.’
(33) Et il répondit : ‘Qui est ma mère, et qui sont mes frères?’
(34) Puis, jetant les regards sur ceux qui étaient assis tout autour de lui : ‘Voici, dit-il, ma mère et mes frères.’
=
(34) And He looked round about on those who sat about Him and said, "Behold, My mother and My brethren.
Jésus a un regard circulaire sur ceux qui l’entoure, ceux qu’il appelle " ma mère et mes frères ", ceux qu’il appelle dans l’Évangile de Jean ses " amis " et de qui il dit " Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis " [Jn 15 :13].
Sur-interprétation ? Frodo ne serait pas celui qui donne sa vie pour ses amis ?
Mais alors il faudra trouver une explication plus adaptée à la constatation suivante…
On trouve 76 occurrences du mot ‘ami(s)’ dans le SdA jusqu’au chapitre II.2 Le Conseil d’Elrond inclus.
Sur ces 76 occurrences, si on enlève les généralités [Prologue 3, p.22 (22)], l’ironie [I.1, p.54 (61) / I.2, p.76 (87) / I.11, p.206 (245)], l’interventionnisme du narrateur [I.9, p.179 (213)], l’utilisation du terme pour désigner des alliés de circonstances [I.2, p.74 (85) / II.2, p.287 (346)], il reste 69 occurrences.
Plusieurs personnages s’adressent à des amis, ou bien d’autres leur associent des amis plus ou moins intimes ; il s’agit :
* de Ted [I.2, p.62] (1)
* de Gildor [I.3, p.99 (115)] (1)
* d’Elrond [II.2, p.267 (320)] (1)
* de Pippin [I.4, p.112 (131)] (1)
* de Grands-Pas [I.10, p. 188 (223) / I.11, p.206 (245)] (2)
* de Baie d’Or [I.7, p.145 (171) / I.7, p.147 (173)] (2)
* des Elfes [I.3, p.99 (115) / II.2, p.271 (325) / II.2, p.299 (361)] (3)
* de Bilbon [Prologue 4, p. (27) / I.1, p. 35 (38) / I.1, p.42 (46)] (3)
* de Radagast [II.2, p.285 (343) / II.2, p.289 (348)] (3)
* de Gandalf [I.1, p.49 (54) / I.2, p.75 (86) / II.2, p. 282 (339) / II.2, p.288 (347) / II.2, p.287 (345)] (5)
* de Tom Bombadil > mes petits amis [I.6, p.141 (167) / I.6, p.142 (168) / I.7, p.151 (178) / I.7, p.153 (182) / I.8, p.166 (197)] (7)
Soit un total de 29 occurrences.
Il reste donc 40 occurrences du mot ‘ami(s)’ sur les 76 initiales (dont seules 69 ont une importance), et ces 40 occurrences sont destinées à évoquer les amis d’un seul personnage : Frodon !
Les voici dans l’ordre d’apparition :
1) Frodon > Merry [I.1, p.54 (61)]
2-3) Frodon > Pippin & Merry (amis les plus intimes), la jeune génération des Hobbits (bon nombre d’amis) [I.2, p.58-9 (66)] (2)
4) Frodon > Merry et ses autres amis [I.2, p.59 (67)]
5) Frodon > Gandalf, le meilleur des amis [I.2, p.76 (88)]
6) Frodon > amis les plus intimes [I.2, p.80 (93)]
7-8) Frodon > amis + amis intimes [I.3, p.86 (98)] (2)
9) Frodon > amis intimes [I.3, p.86 (99)]
10) Frodon > ses amis [I.3, p.99 (115) {79}]
11) Frodon > amis [I.3, p.103 (120)]
12) Frodon > ses jeunes amis [I.4, p.106 (123)]
13) Frofon > des amis [I.4, p.114 (134)]
14) Frodon > ses amis [I.5, p.121 (141) {98}]
15) Frodon > mes cher amis [I.5, p.124 (146) {102}]
16) Frodon > tes amis [I.5, p.125 (146)] – Pourtant c’est Merry qui parle : il devrait dire " tu es notre ami ", au lieu de cela il choisit comme tournure " nous sommes tes amis ".
17) Frodon > tes amis [I.5, p.126 (148)] – là encore, c’est Merry qui parle : il devrait dire " tu es notre ami ", au lieu de cela il choisit comme tournure " nous sommes tes amis " pour la seconde fois !
18) Frodon > mes amis [I.6, p.141 (167)]
19) Frodon > ses amis [I.8, p.158 (188)]
20) Frodon > ses amis [I.8, p.164 (194)]
21) Frodon > ses amis [I.9, p.178 (212)]
22) Frodon > vos jeunes amis [I.9, p.180 (214)]
23) Frodon > vos amis [I.9, p.184 (219)]
24) Frodon > ses amis [I.9, p.185 (220)]
25) Frodon > ses amis [I.10, p.188 (223)]
26) Frodon > ses amis [I.12, p.224 (267)]
27) Frodon > ses amis [I.12, p.224 (283)]
28) Frodon > ses amis [I.12, p. 237 (284)]
29) Frodon > mes amis [I.12, p. 238 (284)]
30) Frodon > vos amis [I.12, p. 238 (284)]
31) Frodon > ses amis [I.12, p.240 (287)]
32) Frodon > ses amis [I.12, p.240 (287)]
33) Frodon > mes amis [II.1, p. 249 (299)]
34-36) Frodon > vos amis [II.1, p. 250 (299-300)] {Récit de Gandalf} (3)
37) Frodon > mes amis [II.1, p. 251 (300)]
38) Frodon > ses amis [II.1, p. 252 (302)]
39) Frodon > ses amis [II.1, p. 254 (305)] = Sam, Merry, Pippin, Grands-Pas considéré comme un ami désormais
40) Frodon > ses amis [II.2, p. 266 (320)]
Et chose étonnante, si Frodon est qualifié par ses amis à 40 reprises, il n’est jamais réciproquement qualifié d’être l’ami de ceux qu’il appelle ses amis ou qui se nomment ses amis (comme Gandalf, Merry, Pippin, Grand-Pas,…) comme si Frodo avait, dès le départ, une responsabilité particulière à leur égard.
Est-il alors ridicule de penser que le regard circulaire que Jésus pose sur des amis est celui de Frodo sur Gandalf, Bilbo, Sam, Aragorn, Elrond ?…certes il doit préférer, en ce terrible instant, attendre qu’un volontaire se propose parmi l’assemblée des héros pour se charger de détruire l’Anneau ; mais tout en regardant, ce sont ses amis qu’il contemple, et comment pourrait-il leur souhaiter un destin qu’il sait funeste ?
Sa conscience est prête à l’abandon, l’amour qu’il porte à ses amis le rend sensible au devoir qui l’attend. Mais pas seulement… son oreille est sensible à la voix divine. Il lève la tête et regarde tout autour de lui. Il est le seul à le faire.
Ce n’est pas innocemment que Tolkien a éliminé du passage initial la description de Frodo qui croisait le regard de Sam (elle aurait été au niveau de [*] en [FR§5]) :
There was a long silence. Frodo glanced round at all the faces, but no one looked at him – except Sam ; in whose eyes there was a strange mixture of hope and fear. All the others sat as if in deep thought with their eyes closed or upon the ground.
[VI, p.406]
En éliminant la mention de Sam tête levée, Tolkien rend l’attitude de Frodo exceptionnelle.
Sosryko
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Cette courte phrase rappelle que le Conseil s’est tenu le matin (" ce clair matin d’automne " [II.2, p.266]), qu’il a duré longtemps (" Il est inutile de rapporter tout ce qui fut dit et débattu en ce Conseil " [II.2, p.267]), le soleil a eu le temps de monter " à son zénith " [II.2, p.282], et le Conseil s’est terminé à midi (" la cloche de midi sonna " [II.2, p.299]) avec la décision de Frodon de se charger de l’Anneau jusqu’au bout.
Au cours de ce Conseil, il est intéressant de constater que les références à la lumière/paix, nombreuses au début, laissent place à celles des ténèbres/peur :
Le frais soleil (266)
Une saine paix s’étendait sur la terre (266)
Les rumeurs de ténèbres croissantes dans le monde extérieur ne paraissaient déjà plus que les souvenirs d’un rêve troublé (266)
Une ombre sembla passer sur le soleil à son zénith {the high sun} (282)
Une obscurité envahit un moment le porche (282)
Comme l’ombre passait (282
Frodon, même dans cette belle maison, qui donnait sur une vallée ensoleillée, sentit son cœur envahi de ténèbres. (295)
(La cloche de midi sonna) (299)
Une grande peur l’envahit (299)
Point intéressant : l’écoulement du temps s’arrête à partir du moment où Gandalf prononce la conjuration de l’Anneau en Noir Parler. En effet, le soleil arrête alors sa course puisque, arrivé au plus haut dans le ciel (p.282), c’est-à-dire à midi, il y reste jusqu’à la prise de décision de Frodon qui a lieu juste après la sonnerie de la cloche de midi (p.299) : pendant 18 pages de conversations et de silences il est midi, sous le porche d’Elrond !
Est-ce une erreur de la part de Tolkien, ou bien plutôt une volonté de placer hors du temps le choix de Frodo ?
Car ce choix de Frodo, c’est celui que d’autres ont fait, que d’autres feront, un en particulier et " jusqu’au bout " : donner sa vie pour le salut des autres, en un instant où le mal semble triompher et que rien ne semble pouvoir l’arrêter.
Les indices conduisant à une telle comparaison sont là puisque le temps suspendu à midi (282 & 299) nous autorise à associer le thème de la peur (299), des ténèbres (295), de l’ombre qui cache le soleil…Or, voici ce que nous disent [Marc 15:25.33] et [Mt 27:45] quant à la chronologie de la crucifixion de Jésus :
(25) C'était la troisième heure, quand ils le crucifièrent. (…)
(33) La sixième heure étant venue, il y eut des ténèbres sur toute la terre, jusqu'à la neuvième heure.
// (27:45) Depuis la sixième heure jusqu'à la neuvième, il y eut des ténèbres sur toute la terre.
La ‘troisième heure’ correspond à 9h du matin, la ‘neuvième heure’ est 15h et la ‘sixième heure’ est donc…midi !
En s’engageant à détruire l’Anneau au moment même où les ténèbres manifestent leur pouvoir, Frodon sait qu’il va être conduit sur un chemin de tourments. Il choisit un chemin qui sera une image de la Passion de Jésus, ce Jésus qui subira les assauts des ténèbres à partir de midi, cloué sur le bois.
Cette suspension du temps, ce renversement des lois naturelles où les ténèbres obscurcissent le soleil de midi se trouvent en d’autres textes bibliques dont [Amos 8:9] et surtout [Job 5:14]:
(9) "And it shall come to pass in that day," saith the Lord GOD, "that I will cause the sun to go down at noon, and I will darken the earth in the clear day.
(14) They meet with darkness in the daytime, and grope in the noonday as in the night.
= (14) Ils rencontrent les ténèbres au milieu du jour, Ils tâtonnent en plein midi comme dans la nuit.
Noter la présence d’une comparaison (‘as in’) dans ce texte. Or le texte de Tolkien utilise pas moins de trois comparaisons (‘as if in deep thought’, ‘as if he was awaiting…’, ‘as if some other will…’) dans le paragraphe concerné.
Le choix de midi n’est décidément pas innocent pour Tolkien. Revenons à cette ‘sixième heure’ avec [Luc 23 :44-45] :
(44) Il était déjà environ la sixième heure, et il y eut des ténèbres sur toute la terre, jusqu'à la neuvième heure.
(45) Le soleil s'obscurcit, et le voile du temple se déchira par le milieu.
= (45) And the sun was darkened, and the veil of the temple was rent in the midst.
Intéressant cette mention du voile {veil} déchiré car elle nous renvoie au quatrième songe de Frodon ! En effet, un voile déchiré tout comme un voile roulé permet de voir ce qui était invisible et d’accéder à ce qui se trouvait derrière. Le quatrième songe, le dernier avant le Conseil, peut-être donc compris comme une annonce de la Passion de Frodon, une Passion qui durera de la ‘sixième heure’ (le jour du Conseil, le jour de la décision) à la ‘neuvième heure’ (sur le Mont du Destin) ; et entre les deux : le règne des ténèbres et le silence apparent d’Eru.
Apparent seulement car il ne faut pas oublier que derrière le voile déchiré se trouve le Saint des Saints du Temple et que derrière le voile roulé se trouve ‘un lointain pays vert’, promesse, différée par l’éloignement mais promesse quand même, d’une victoire et d’un repos.
Gardons à l’esprit cette modification (others > Council) ; nous en verrons toute l’importance plus tard. Passons directement à la ‘glose’ suivante :
Qui prononce les destins et peut parler sur les vies ?
Qui prononce un destin si ce n’est le maître des destinées ?
Qui permet au voyant de pré-voir (foreseen) si ce n’est le maître de visions et des songes ?
Noter comment Frodon, comprend à cet instant, qu’il aurait pu prévoir son geste longtemps à l’avance, car cela fait longtemps qu’il recevait des signes de son élection.
Noter également comment cette terreur soudaine qui tombe sur Frodon rappelle la terreur qui tombe sur Abraham lorsque Dieu vient le visiter : il s’agit de l’effroi qui annonce la venue de la divinité [Gn 15 :12] :
(12) And when the sun was going down, a deep sleep fell upon Abram; and lo, a horror of great darkness fell upon him.
= (12) Au coucher du soleil, un profond sommeil tomba sur Abram; et voici une frayeur et une grande obscurité vinrent l'assaillir.
Effroi divin que nous retrouvons en [Job 4 :14, 13 :11.21] avec un vocabulaire similaire à celui qu’utilise Tolkien :
(4:14) Je fus saisi de frayeur et d'épouvante, Et tous mes os tremblèrent.
(13:11) Shall not His excellency make you afraid, and His dread fall upon you?
= (13:11) Sa majesté ne vous épouvantera -t-elle pas? Sa terreur ne tombera -t-elle pas sur vous?
(13:21) Withdraw Thine hand far from me, and let not Thy dread make me afraid.
= (13:21) Retire ta main de dessus moi, Et que tes terreurs ne me troublent plus.
Plus qu’une ‘grande peur’, il s’agit d’une ‘grande terreur’ qui assaille Frodon. Terreur non humaine. Issue de la présence d’Eru, un Eru plein d’ironie qui vient inspirer Frodon parce qu’il l’a pris au mot ; plein d’ironie car il n’a pas oublié la bonne volonté de Frodon malgré l’épreuve du Gué [II.2, p.266]:
– Tiens ! Bonjour ! dit Bilbo. Prêt pour le grand conseil ?
– Je me sens prêt pour n’importe quoi, répondit Frodon. Mais j’aimerais par-dessus tout marcher un peu et explorer la vallée. J’aimerais pénétrer dans ces bois de pins, là-haut.
" J’aimerais ", " j’aimerais "…il s’agit bien de volonté et de désir, depuis le début.
Frodon alors aurait aimé " sauver la Comté " (p.79), maintenant, il se contenterait de " marcher un peu (…) dans ces bois de pins ". Sa motivation première l’a quitté, et on le comprend !
On comprend également pourquoi Eru provoque le Conseil, rassemblant chacun des membres, allant même jusqu’à inspirer des songes à certains (Boromir) pour qu’ils viennent : ce rassemblement est nécessaire pour que Frodon ne perde pas de vue le terrible enjeu ; pour qu’il se souvienne de songes oubliés, pour qu’il entende, pour qu’il voie ses amis, ceux qu’il aime, pour que sa sensibilité au souffle d’Eru le conduise finalement à prendre le chemin tracé pour lui, l’élu (" pourquoi ai-je été choisi ? "[I.2, p.78]).
Les craintes de Frodon devant ce qui l’attend rappellent fort les paroles de Job [Job 3 :26]
(26) Je n'ai ni tranquillité, ni paix, ni repos, Et le trouble s'est emparé de moi.
= (26) I was not in safety, neither had I rest, neither was I quiet; yet trouble came."
Ce qui serait moins flagrant si Tolkien n’avait pas ajouté, en révisant son texte, le petit mot ‘rest’.
Quant à l’ajout ‘filled all his heart’, j’y vois un écho de [Jn 16:6]
(6) But because I have said these things unto you, sorrow hath filled your heart.
Là encore, texte intéressant parce qu’il vient s’ajouter aux textes évangéliques de la Passion qui illustre le moment dramatique que traverse Frodo : Jésus, dans ce verset, fait mention de la tristesse de ses disciples à qui il vient d’annoncer la nécessité qu’il a de se séparer d’eux pour leur salut. Il évoque sa mort qu’il sait proche…
Or Frodo ne vient-il pas d’entrevoir la ‘condamnation (…) longtemps prévue’ ?
C’est la seconde fois que Frodo sent un regard qui lui ‘perce le cœur’ ; cf. [II.1, p.265] :
Soudain il parut à Frodon qu'Arwen se tournait de son côté, et la lumière des yeux de la jeune fille tomba de loin sur lui et lui perça le coeur. {= pierced his heart}
Or, le ‘cœur percé’ (pierced heart’) a été associé à Marie d’après un texte de l’Évangile de Luc qui voit Siméon prophétiser et annoncer à Marie la douleur qui l’attend lorsque son fils sera mis à mort pour le salut (ou la chute) de tous [Luc 2:34-35]:
(34) And Simeon blessed them and said unto Mary His mother, "Behold, this Child is set for the fall and rising again of many in Israel, and for a sign which shall be spoken against
= (34) Siméon les bénit, et dit à Marie, sa mère, Voici, cet enfant est destiné à amener la chute et le relèvement de plusieurs en Israël, et à devenir un signe qui provoquera la contradiction,
(35) (yea, a sword shall pierce through thy own soul also), that the thoughts of many hearts may be revealed."
= (35) et à toi-même une épée te transpercera l'âme, afin que les pensées de beaucoup de cœurs soient dévoilées.
Le ‘cœur percé’, même si l’expression n’est pas utilisée dans ce sens au niveau premier de lecture, fait écho, comme la très grande majorité des ajouts de Tolkien au texte initial, à la Passion du Christ.
N’oublions pas que Frodon a reçu un coup de poignard qui, s’il n’a pu blesser que l’épaule, était destiné à ‘percer’ son cœur [II.1, p.248 (297){216}] :
– Ils ont tenté de vous percer le coeur {pierce your heart} d'un poignard de Morgul, qui demeure dans la blessure. (…)
– Oui, la chance ou le destin vous ont aidé, sans parler du courage, dit Gandalf. Car votre coeur n'a pas été touché et seule votre épaule a été percée {pierced} ; et cela, c'est parce que vous avez résisté jusqu'au bout.
Ici se réalise presque la métaphore destinée à illustrer la douleur de Marie devant la perte de son fils.
Tolkien, plus loin, après le choix de Frodo, va lui faire subir une épreuve douloureuse similaire à celle, parmi tant d’autres, qu’aura à subir Jésus sur la croix, après son choix à Gethsémani (cf. plus bas). En effet, le passage suivant [II.5, p.356-7 {317}] :
Plongeant sous le coup d'Aragorn avec la rapidité d'un serpent à l'attaque, [un énorme chef orque] chargea la Compagnie et pointa sa lance directement sur Frodon. Atteint au côté droit {his right side}, celui-ci fut projeté contre le mur, où il resta cloué {pinned}.
N’est pas sans rappeler [Jn 19:34] (et [Jn 20:20.25.27] qui reprennent l’image du ‘côté’) :
(34) but one of the soldiers with a spear pierced His side, and forthwith there came out blood and water.
= (34) mais un des soldats lui perça le côté avec une lance, et aussitôt il sortit du sang et de l'eau.
Noter la présence en ce verset du verbe ‘percer’.
La volonté de la part de Tolkien de faire écho à la Passion du Christ est encore plus évidente si on se rappelle que la tradition iconographique catholique a conservé un Jésus percé par une lance en son côté ‘droit’, détail non spécifié dans le texte évangélique (si ce n’est dans des versions éthiopiques ou dans l’œuvre apocryphe des Actes de Pilate) !
Sosryko
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Dans cet ajout, ce qui frappe, c’est la répétition du thème de ‘l’heure’ {the hour} et de la double mention des ‘Sages’ {Wise} destinée à montrer combien ils sont, finalement, limités dans leur vision des événements.
Deux thèmes encore bibliques dont le premier correspond (à nouveau !) à la mission de salut de Jésus, et, plus particulièrement, signale le début de sa…Passion. Voici les occurrences dans l’Évangile de Jean :
(2:4) Jesus said unto her, "Woman, what have I to do with thee? Mine hour is not yet come."
(4:21) Jesus said unto her, "Woman, believe Me, the hour cometh when ye shall neither on this mountain, nor yet at Jerusalem, worship the Father.
(4:23) But the hour cometh and now is, when the true worshipers shall worship the Father in spirit and in truth; for the Father seeketh such to worship Him.
(5:25) "Verily, verily I say unto you, the hour is coming and now is, when the dead shall hear the voice of the Son of God; and they that hear shall live.
(5:28) Marvel not at this; for the hour is coming in which all that are in the graves shall hear His voice
(7:30) Then they sought to take Him; but no man laid hands on Him, because His hour had not yet come.
(8:20) These words spoke Jesus in the treasury as He taught in the temple, and no man laid hands on Him, for His hour was not yet come.
(12:23) And Jesus answered them, saying, "The hour is come that the Son of Man should be glorified.
(12:27) "Now is My soul troubled, and what shall I say? `Father, save Me from this hour'? But for this cause came I unto this hour.
(13:1) Now before the Feast of the Passover, when Jesus knew that His hour had come that He should depart out of this world unto the Father, having loved His own who were in the world, He loved them unto the end.
(16:32) Behold, the hour cometh, yea, is now come, that ye shall be scattered, every man to his own, and shall leave Me alone. And yet I am not alone, because the Father is with Me.
(17:1) These words spoke Jesus and lifted up His eyes to Heaven and said, "Father, the hour is come. Glorify Thy Son, that Thy Son also may glorify Thee,
=
(2:4) Jésus lui répondit, Femme, qu'y a -t-il entre moi et toi? Mon heure n'est pas encore venue.
(4:21) Femme, lui dit Jésus, crois-moi, l'heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père.
(4:23) Mais l'heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; car ce sont là les adorateurs que le Père demande.
(5:25) En vérité, en vérité, je vous le dis, l'heure vient, et elle est déjà venue, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu; et ceux qui l'auront entendue vivront.
(5:28) Ne vous étonnez pas de cela; car l'heure vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix, et en sortiront.
(7:30) Ils cherchaient donc à se saisir de lui, et personne ne mit la main sur lui, parce que son heure n'était pas encore venue.
(8:20) Jésus dit ces paroles, enseignant dans le temple, au lieu où était le trésor; et personne ne le saisit, parce que son heure n'était pas encore venue.
(12:23) Jésus leur répondit, L'heure est venue où le Fils de l'homme doit être glorifié.
(12:27) Maintenant mon âme est troublée. Et que dirais-je?... Père, délivre-moi de cette heure?... Mais c'est pour cela que je suis venu jusqu'à cette heure.
(13:1) Avant la fête de Pâque, Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde au Père, et ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, mit le comble à son amour pour eux.
(16:21) La femme, lorsqu'elle enfante, éprouve de la tristesse, parce que son heure est venue; mais, lorsqu'elle a donné le jour à l'enfant, elle ne se souvient plus de la souffrance, à cause de la joie qu'elle a de ce qu'un homme est né dans le monde.
(16:32) Voici, l'heure vient, et elle est déjà venue, où vous serez dispersés chacun de son côté, et où vous me laisserez seul; mais je ne suis pas seul, car le Père est avec moi.
(17:1) Après avoir ainsi parlé, Jésus leva les yeux au ciel, et dit, Père, l'heure est venue! Glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie,
Un thème qui est lié au sacrifice, au don de soi, pour le salut des êtres aimés : " ayant aimé les siens (…) il mit le comble à son amour pour eux " [Jn 13:1], intimement lié à la nécessité, au chemin tracé : " c’est pour cela que je suis venu jusqu’à cette heure " [Jn 12 :27]. Tout comme Frodon ressent que ce moment est sa " condamnation {doom} qu’il avait depuis longtemps prévue " (p.299).
Ce thème de l’Heure et du destin {doom}, Tolkien le réutilisera plus loin en [II.8, p.400{358-9}] :
`Now is the time,' he said, `when those who wish to continue the Quest must harden their hearts to leave this land. Those who no longer wish to go forward may remain here, for a while. But whether they stay or go, none can be sure of peace. For we are come now to the edge of doom. Here those who wish may await the oncoming of the hour till either the ways of the world lie open again, or we summon them to the last need of Lurien. Then they may return to their own lands, or else go to the long home of those that fall in battle.'
(…) His own plan, while Gandalf remained with them, had been to go with Boromir, and with his sword help to deliver Gondor. For he believed that the message of the dreams was a summons, and that the hour had come at last when the heir of Elendil should come forth and strive with Sauron for the mastery.
Passons au thème de la sagesse.
Le lien entre ‘l’heure’ et les ‘Sages’ (incapables de prévoir tout sages qu’ils sont) n’est pas une particularité de Tolkien non plus ; il se trouve dans l’Évangile de Luc [Luc 10:21]:
(21) In that hour Jesus rejoiced in Spirit and said, "I thank Thee, O Father, Lord of Heaven and earth, that Thou hast hid these things from the wise and prudent, and hast revealed them unto babes. Even so, Father, for so it seemed good in Thy sight.
= (21) En ce moment même, Jésus tressaillit de joie par le Saint-Esprit, et il dit, Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants. Oui, Père, je te loue de ce que tu l'as voulu ainsi.
On a même dans ce texte un équivalent des Hobbit (‘The Shire-Folk’), ces ‘semi-hommes’, représentés par Frodon, avec la mention des ‘enfants’ qui sont opposés aux ‘sages’.
Or ces enfants (les humbles) sont ceux à qui ont été révélées ‘ces choses’.
Et qui les leur a révélées ? le ‘Père, Seigneur du ciel et de la terre’.
Toujours le même résultat confirmant la validité de la transposition : Frodon a reçu /reçoit une révélation d’Eru.
Au passage, un second écho du texte de Luc se trouve peut-être en [II.2, p.269{236}] :
" maintenant donc seront ouvertement révélées des choses qui sont restées cachées à tous, hormis quelques-uns, jusqu’à ce jour. "
Il faut se rappeler que le thème de la sagesse humaine limitée a déjà été développé juste avant la décision de Frodon dans une conversation pétrie de notions bibliques entre Erestor, Gandalf et Elrond [II.2, p.297 {262}] :
– Nous revenons une fois de plus à la destruction de l’Anneau, dit Erestor (…) Quelle force avons-nous pour découvrir le Feu dans lequel il fut fait ? C’est là la voie du désespoir. De la folie, dirais-je, si la longue sagesse d’Elrond ne me l’interdisait.
– Du désespoir ou de la folie ? dit Gandalf. Pas du désespoir, car celui-ci n’appartient qu’à ceux qui voient la fin indubitable. Ce n’est pas notre cas. La sagesse est de reconnaître la nécessité après avoir pesé toutes les autres solutions, bien que cela puisse paraître de la folie à ceux qui s’accrochent à de faux espoirs. Eh bien, que la folie soit notre manteau, un voile devant les yeux de l’ennemi !
– (…) Les faibles peuvent tenter cette quête avec autant d’espoir que les forts.
Trois couples fréquent dans la Bible : désespoir/espoir (= espérance !) ; forts/faibles ; folie/sagesse.
Les ‘faibles’, dans la bouche d’Elrond, ce sont les Hobbits (par opposition aux forts que sont les Elfes ou même les chefs de guerre humains comme Boromir), dans la Bible ce sont les humbles, les enfants : à nouveau, confirmation de la transposition ci-dessus.
Le couple Sagesse/Folie est un ‘ultra’-classique de la littérature sapientale (les Proverbes et l’Ecclesisaste), mais ce qui est plus intéressant est la réapparition de ce couple dans la première épître aux Corinthiens : la sagesse des hommes n’est pas la sagesse de Dieu, et ce qui semble folie aux yeux des hommes peut être en fait la seule sagesse véritable [1Co 1 :20.21, 3 :19]:
(1:20) Où est le sage? où est le scribe? où est le raisonneur de ce siècle? Dieu n'a -t-il pas convaincu de folie la sagesse du monde?
(1:21) Car puisque le monde, avec sa sagesse, n'a point connu Dieu, il a plu à Dieu dans sa sagesse de sauver les croyants par la folie de la prédication.
(3:19) Car la sagesse de ce monde est une folie devant Dieu. Aussi est-il écrit, Il prend les sages dans leur ruse.
=
(1:20) Where is the wise? Where is the scribe? Where is the disputer of this world? Hath not God made foolish the wisdom of this world?
(1:21) For since, in the wisdom of God, the world by wisdom knew not God, it pleased God by the foolishness of preaching to save those who believe.
(3:19) For the wisdom of this world is foolishness with God. For it is written: "He taketh the wise in their own craftiness";
This is the hour of the Shire-folk, when they arise from their quiet fields to shake the towers and counsels of the Great. [FR§6]
Je peux désormais présenter notre explication de l’apparition du mot ‘Council’ dans la révision du texte. Puisqu’il me semble évident que Tolkien à voulu faire de Frodon une préfiguration de Jésus en tant que Messie souffrant, et puisque le sort de Jésus s’est joué lors d’une réunion du Sanhédrin, pouvoir religieux du Temple, il me paraît intéressant de nous pencher sur ce texte [Jean 11 :47-53] :
(47) Then gathered the chief priests and the Pharisees a council and said, "What shall we do? For this man doeth many miracles. (48) If we let him thus alone, all men will believe in him, and the Romans shall come and take away both our place and nation."
(49) And one of them named Caiaphas, being the high priest that same year, said unto them, "Ye know nothing at all, (50) nor consider that it is expedient for us that one man should die for the people, and that the whole nation perish not."
(51) And he spoke this not of himself, but, being high priest that year, he prophesied that Jesus should die for that nation;
(52) and not for that nation only, but that also He should gather together in one the children of God who were scattered abroad.
(53) So from that day forth, they took counsel together to put Him to death.
=
(47) Alors les grands prêtres et les pharisiens rassemblèrent le sanhédrin et dirent :
" Qu’allons-nous faire ? Car cet homme produit beaucoup de signes. (48) Si nous le laissons faire, tous mettront leur foi en lui, et les Romains viendront détruire et notre lieu et notre nation. "
(49) Mais l’un d’eux, Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là, leur dit : " Vous, vous ne savez rien ; (50) vous ne vous rendez pas compte qu’il est avantageux pour vous qu’un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne soit pas perdue toute entière. "
(51) Or, il ne dit pas cela de lui-même ; mais, comme il était grand prêtre cette année-là, il annonça, en prophète, que Jésus allait mourir pour la nation – (52) et non pas seulement pour la nation, mais aussi pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés.
(53) Dès ce jour-là, ils décidèrent de le tuer.
Les points de contacts sont nombreux entre les deux Conseils :
1) Un conseil (‘Council’ Tolkien & KJV) tenu en urgence
2) Un conseil qui rassemble les Grands décideurs.
3) L’ordre du jour : " Qu’allons-nous faire ? "
4) Danger de mort de la nation tout entière
5) Parole programmatique donnant la solution
6) Parole donnée par intervention divine (prophétie) à l’insu de son auteur.
7) Prise de décision à la fin du conseil (‘dès ce jour-là’ / ‘dans quel beau pétrin on s’est fourré, monsieur Frodon’)
8) Mention des ‘enfants de Dieu’ (cf. les ‘enfants d’Illuvatar’ du Silm)
9) Une mort/ un danger de mort associé(e) à un salut national. (tuer Jésus / se charger d’une mission plus que périlleuse)
Je ne puis croire que tous ces points de contacts sont innocents, surtout devant l’originalité de certains, en particulier le point (6) qui nous mâche le travail pour confirmer l’interprétation de la phrase qui nous concerne dans ce fuseau (c’était long, mais on y est arrivé !).
Allons-y ;-)
Sosryko
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