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#1 10-07-2002 01:17

Ylem
Inscription : 2002
Messages : 68

Plaidoyer pour Frodo

Bonjour.  C’est la première fois que j’interviens sur ce site, où il est bien agréable de se promener.  En lisant toutes vos réflexions en sens divers et tout en n’ayant pas une érudition tolkinienne aussi poussée que certains (fort impressionnant, parfois !)  j’ai eu envie de vous faire partager l’une des mes visions du SDA, que je revendique comme subjective.  Sorry si c’est un peu long, une fois commencé, je n’ai pas pu m’arrêter.  Je me lance donc.


"Frodo se retira doucement de toutes les activités de la Comté, et Sam remarqua avec peine le peu d’honneur qui lui était rendu dans son propre pays.  Rares étaient ceux qui connaissaient ou désiraient connaître ses exploits et ses aventures (...)   Le temps passa, et 1421 arriva.  Frodo fut de nouveau malade en mars ; mais, par un grand effort, il le cacha, car Sam avait d’autres sujets de préoccupation (…)"
« J’ai tenté de sauver la Comté, et elle l’a été, mais pas pour moi.  Il doit souvent en être ainsi, Sam, quand les choses sont en danger : quelqu’un doit y renoncer, les perdre de façon que d’autres puissent les conserver. »

Je ne sais pourquoi, à chaque fois que je relis ou même que je repense au chapitre final du SDA, un méchant cafard m'envahit, dont parfois l'ampleur m'étonne moi-même. Je pense bien que je pourrai lire ou analyser tant que je veux l'oeuvre de Tolkien, je ne pourrai jamais lui pardonner la fin du SDA, et surtout, le sort qu'il réserve à son héros, Frodo.

Pourquoi Tolkien fait-il le choix d’abandonner son héros ?  Après avoir vécu autant d'épreuves, fait preuve d'un esprit de sacrifice et d'une générosité extraordinaire, non seulement, Frodo échoue au moment ultime, mais encore et surtout, finit abandonné dans l'indifférence quasi générale, une fois la Terre du Milieu "sauvée".

A lire depuis peu, il est vrai, les commentaires des tolkiendili, il me semble qu’il n’y a que fort peu de commentaires sur Frodo, qui semble tout aussi oublié par les fans que par la Terre du Milieu.  Est-ce parce qu'il n'est pas de bon ton d'aimer le héros des histoires ?  Se montre-t-on plus original en soutenant des personnages secondaires ?  Est-ce parce qu'il est plus difficile (moins "mode" ?) de soutenir un héros tragique qu'un personnage plus "léger", plus humoristique ou moins décrit et donc moins réel, moins impliquant ?

Loin de moi de décrier les autres personnages. J'ai été, moi aussi fascinée par les elfes, par le magnifique Aragorn et son parcours qui n'est pas des plus facile non plus. Comment ne pas être sensible au parcours de chacun de ces personnages et au cheminement qu'ils doivent accomplir, de Gandalf à Pippin. Sam est effectivement une personnalité merveilleuse et fort attachante. Mais le véritable héros - au sens plein du terme - est et reste Frodo. C'est son parcours qui est le plus profond et le plus difficile, c'est lui qui accomplit le plus grand exploit car il doit lutter tout au long du roman contre un ennemi qui l'attaque durement tant physiquement que psychologiquement (ce qui est le plus éprouvant de tout).  Dans cette épreuve, Frodo n’abandonne jamais, même lorsqu’elle le conduit bien au-delà de ses propres limites, tant physiques que psychologiques.  Il continue, alors même qu’il a perdu la chose la plus importante dans une quête : l’espoir.  C'est aussi le seul de toute l'aventure qui ne retire aucune récompense de toutes ses souffrances et ses sacrifices.

En effet, de la manière dont le récit est fait, il m’est difficile de voir le départ de Frodo vers l'Ouest comme une récompense. Même si, on peut, pour rendre l'histoire plus optimiste, imaginer qu'il va enfin y trouver le bonheur et la plénitude à Valinor. Pour moi, le départ de Frodo est présenté comme s'il s'agissait de sa mort ou en tout cas, son renoncement définitif à la vie matérielle et réelle, à tout ce qui faisait de lui un "parfait" hobbit, heureux des choses de la vie réelle.
Au contraire, tous les autres personnages de SDA ont été récompensés de leurs exploits. Le récit voit la victoire totale de Gandalf dont toutes les stratégies et les actions ont été couronnées de succès. Il prend la place qui était celle de Saroumane en tant que sage incontesté. Aragorn prend sa place en tant que seigneur hériter du Gondor, règne en souverain estimé par tous, vit avec la femme qu'il aime. Les jeunes seigneurs qui se sont illustrés dans la guerre de l'anneau (Eomer, Faramir), ont pris la place des anciens et sont aussi respectés. Gimli et les nains participent à la reconstruction de Minas Tirith et en retirent reconnaissance et postérité. Une grande amitié est née entre Legolas et Gimli qui s'invitent à découvrir leurs univers respectifs. Cette amitié ne se démentira à aucun moment puisqu'ils partiront finalement ensemble vers l'ouest. Eowyn trouvera la consolation et un nouveau sens à sa vie dans les bras de Faramir. Arwen, même si son choix a un prix fort, va vivre la vie qu'elle a choisi auprès de l'homme qu'elle aime. Merry et Pippin ont acquis un prestige certain grâce à leur taille et à leurs exploits guerriers. Ils sont devenus des gloires parmi les hobbits et à la cour des souverains auxquels ils se sont liés. Sam, le merveilleux Sam, fonde une famille, reconstruit son pays tout en pratiquant son métier de jardinier, s'installe près de son ami à Cul-de-Sac et deviendra même Maire. Si sa séparation d'avec Frodo est assurément un passage très triste du récit, je la considère aussi comme un cadeau fait à Sam, qui avait sans doute besoin d'une séparation radicale pour parvenir à vivre sa propre vie, s'accomplir de manière totalement indépendante.   La fin de l'aventure est le début d'une nouvelle vie à construire pour chacun de ces personnages.
Mais que reste-t-il à Frodo ? La souffrance, la maladie, l'incompréhension, l'indifférence et in fine, l’effacement.

Un jour que Bernard Pivot le recevait sur le plateau d' `Apostrophes´ et qu'il lui demandait ce qu'est le bonheur, le philosophe Raymond Aron eu cette réponse bouleversante qu'il y a des circonstances dans la vie qui font perdre tout son sens à ce mot.
Je crois que c'est ce qui arrive à Frodo. Tout qui s'est jamais engagé totalement dans une entreprise, même petite, mais qui lui a pris toute son énergie, a vécu ce moment de blues, une fois tout terminé - d'autant plus fort que l'engagement était profond. Avec ce questionnement, à quoi vais-je donner du sens, à présent ?
Personne ne pourra nier que Frodo s'est engagé plus que totalement dans sa mission. Lorsqu'il revient chez lui, tout lui semble vide. Il a perdu son amour de la vie, son amour pour son pays, qu'il ne reconnaît plus.  Il ne peut plus trouver de sens à sa propre vie.
Mais, de surcroît, il doit aussi vivre avec cette certitude qu'il a lui-même échoué au moment ultime. D'aucuns seraient passés allégrement au-dessus de ce qu'ils auraient considéré comme un détail, alors que l'anneau détruit, l'objectif final est atteint. Mais Frodo a gardé sa pureté et ne peut qu'être hanté par ce sentiment d'échec. J'ai tout de suite pensé cela lorsque j'ai lu le SDA la toute première fois (et ça remonte à….  tout ce temps déjà ?!)  Mais ma lecture de ce que ce site rapporte de la correspondance de Tolkien me montre que mon interprétation était exacte.  En somme, non seulement il se trouve devant un vide de sens à sa vie, mais il a perdu complètement le peu d'estime qu'il avait de lui-même, victime malgré-lui de sa nature profondément altruiste, que l'anneau lui-même n'a pas su détruire.

L'anneau n'a pas détruit non plus sa simplicité et sa profonde modestie, lesquelles se manifestent dès le début du récit. Frodo ne se vante jamais, ne se glorifie jamais de ce qu'il fait, même lorsqu'il s'agit de véritables exploits. Mais ainsi, n'assurant pas sa propre pub, il les accomplit dans l'indifférence ou au moins, ceux qui se soucient de lui, ne n'en mesurent pas la grandeur. Ainsi, lorsqu'il sauve ses amis de l’Esprit des Galgals, jamais il ne le raconte. Gandalf n'en est informé que parce qu'il a parlé dans son sommeil, durant sa convalescence à Rivendell. Ses amis eux-mêmes ne s'en soucient guère et ne l'interrogeront jamais.  Pourtant, lui, se soucie bien de connaître les exploits de Sam, vainqueur de Shelob.
Au contraire, dès qu'il réalise quelque chose, il pense et dit que le mérite en revient aux autres : c'est grâce à Aragorn qui s'en sort après l'attaque des Nazguls, dit-il (alors que le lecteur sait qu'il a résisté 17 jours à une blessure terrible et qu'il se tournait encore face à ses assaillants une fois le Gué passé) - c'est grâce à Gandalf qu'il est reçu au Conseil d'Elrond, dit-il (mais son mérite y est aussi pour quelque chose, non ?) - C'est de sa faute et celle des hobbits si Aragorn et Boromir n'ont pas défendu Gandalf contre le Balrog, dit-il à Faramir - C'est grâce à Sam qu'il parvient à traverser le Mordor, lui dit-il aux moments les plus sombres de la quête. Tout cela est bien vrai, d'accord, mais il ne manque pas de le faire savoir aux intéressés et ne s'octroie lui-même aucun mérite. Dans la façon dont Tolkien le décrit, il m’apparaît certain qu'il ne pense même pas qu'il peut être méritant.
Au contraire, Aragorn se présente ouvertement et de manière décidée comme l'hériter d'Isildur et ce, dès sa première rencontre avec Eomer.  Gandalf affirme ce qu'il est devant le Balrog et dans d'autres circonstances.  Merry et Pippin s'affichent avec leurs armures étincelantes.  Tous sont sûrs de leur valeur et le font connaître.  Frodo reste modeste en toutes circonstances.  C’est sans doute la raison pour laquelle il n'est pas reconnu.  Quelle injustice !

Je pense que Tolkien devait être quelqu'un de fort amer pour conclure son œuvre sur la pensée que le monde est profondément injuste envers ceux qui sont les plus généreux, les plus sincères, les plus honnêtes, les plus modestes.

Tout d'abord, pourquoi les forts, les puissants, ne se chargent-ils pas de détruire l'Anneau ?  La question posée est moins anodine qu'il n'y paraît.  Aussi forts, aussi sages qu'ils puissent être, ils ne sont pas même foutus de s'entendre et de se faire un peu confiance pour accomplir la mission.  Il faut que ce soit quelqu'un de petit, de pur, qui s'en charge, alors qu'il n'a ni la force des guerriers hommes, elfes ou nains, ni les pouvoirs d'un magicien ou les qualités d'un elfe.
Pourquoi Gandalf, Aragorn, un seigneur elfe ou un seigneur nain, les aigles, ou qui que ce soit de puissant ne pouvait-il assurer la mission ?  Ils avaient tous de meilleures armes pour y arriver sans casse et plus rapidement.  Est-ce que seul Frodo était de force à résister au pouvoir de l'anneau ?  Ou alors ont-ils jugé que si Frodo succombait à son pouvoir, ça ne pouvait être très grave et s'il était tué avant, cela n'aurait pas de conséquence non plus.  C'est Frodo qui doit être sacrifié car il est considéré par tous comme insignifiant.  Et Frodo se propose car il est extraordinairement généreux.  Car, en fait, il n'a quasi rien à y gagner; si ce n'est préserver son pays - mais cette menace est infiniment plus floue que celle qui est présente pour les peuples des grands.  Sam le dit d'ailleurs fort bien lorsqu'ils sont pris par la troupe de Faramir et qu'il s'indigne du manque d'égard que l'on a envers Frodo.

Même si l'on admet que Frodo était le seul de toute la Terre du Milieu à pouvoir accomplir la mission, il est incontestable que la Terre du Milieu tout entière a une dette à l'égard de Frodo,.  Or, elle l'oublie sitôt l'aventure terminée et les lauriers remis.  Qui se soucie de Frodo, à part Sam, une fois chacun occupé par ses propres affaires ?  Nulle part le récit ne nous dit que Legolas, Gimli, Aragorn ne s'en inquiète, une fois que la Communauté se dissout.  Ni même Gandalf, alors que lui, sait très bien le prix que Frodo a payé pour accomplir sa quête (cf. l'épisode du malaise de Frodo lors du retour à Hobbiton).  Merry et Pippin ne semblent se souvenir de l'existence même de Frodo qu'au moment où celui-ci quitte la Terre du Milieu.  Qu'en est-il de la belle solidarité de la Communauté ?  Elle ne résiste pas au temps et au quotidien.  Personne n'est venu aider Frodo à vivre, personne n'a essayé de le comprendre, n'a reconnu véritablement la portée de son sacrifice.
Et même Sam, et c'est pour moi ce qui a encore de plus triste dans le récit, Sam, occupé par ses nombreuses tâches familiales et de reconstruction du pays, ne se rend pas vraiment compte de la détresse dans laquelle se trouve Frodo.  Il est vrai que celui-ci, à son habitude, souffre en silence et tâche de ne rien montrer…  Puis Sam, tout en étant fidèle, n’est peut-être pas capable de comprendre son ami.
Frodo s'en va vers l'ouest car il n'a plus sa place dans le monde réel;  il n'a plus sa place car on ne lui en a pas fait, personne ne l'a aidé à la trouver.  Personne ne l'ai aidé à donner un nouveau sens à sa vie et lui, ne pouvait plus en trouver seul, car blessé profondément par ce qu'il avait vécu.  Personne n'a pensé à rendre à Frodo ne serait-ce qu'un bout de ce qui lui a donné.  (J’entends, lui rendre réellement, et pas uniquement lors d’une manifestation publique comme le couronnement d’Aragorn).

Je modère un peu mes propos. Il est vrai qu’ils sont un peu injustes vis-à-vis de Sam.  Pour moi, Sam remplit en quelque sorte le rôle de l’ange gardien de Frodo : toujours présent à ses côtés, il est l’esprit positif, le souffle d’espoir quand Frodo a épuisé le sien.  Il marche aux côtés de Frodo mais il ne peut pas agir à sa place.  Sam est aussi le rayon de soleil de la fin du récit, car, lui, retrouve ses marques et démarre vraiment une vie pleine de félicité.  Comment ne pas aimer Sam ?  Mais voilà, pour moi, aussi grand est son cœur, il n’est pas suffisamment fin, il lui manque cette dimension « spirituelle », qui lui aurait fait réellement comprendre Frodo.  (C’est peut-être ce qui lui permet de reconstruire sa vie…  Il est dur, voire paralysant de ressentir le monde dans sa complexité…). 

Pour terminer, outre toutes les autres conclusions que l'on peut tirer du SDA sur l'initiation, le pouvoir, la mort et même le destin (ou quelle est la part de notre vie qui est dictée par le destin et celle qui relève d'un choix libre véritable - question qui reste sans réponse à la fin du livre), qui est, à mon humble avis de néophyte, la grande question philosophique qui traverse tout le récit, il transparaît à mes yeux, ces conclusions amères :

- quoi qu'il fasse, aussi grandes que peuvent être les choses qu'il accomplit, celui qui reste modeste et ne se met pas en avant, sera ignoré par tous et n'aura pas sa place dans le monde,

- les plus forts se déchargeront toujours sur ceux qui sont le plus altruistes, pour les jeter dès qu'ils n'en ont plus besoin, les abandonnant à leur propre sentiment de culpabilité (cf. la fable des animaux malades de la peste),

- la véritable amitié et la véritable compréhension sont des chimères.  (En cela, je ne suis pas d’accord avec la thèse qui affirme que l’amitié et la solidarité sont les grandes leçons du SDA – pour moi, elles ne se manifestent que de manière très partielle et fort imparfaite, et ne supportent pas l’épreuve du quotidien)

Je m’excuse de conclure de manière aussi pessimiste.  Il y a de nombreuses autres choses beaucoup plus positives à retirer du SDA.  Toutefois, c’est sur cette note que Tolkien a choisi de terminer le récit et qui, de mon point de vue subjectif, imprime un fort sentiment tristesse à la fin de la lecture.

Amicalement,
Ylem.

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#2 10-07-2002 10:42

Cedric
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Salut Ylem,

Avant même de lire ton message, je tenais à te souhaiter la bienvenue sur ce Forum et, formule consacré, j'espère te lire souvent ;-)

A bientôt pour une réaction à ton message,
Cédric.

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#3 10-07-2002 13:18

sosryko
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Bonjour à toi, Ylem-lailoken
avant tout Bienvenue à toi!
et merci pour ce joli premier message ;-)

Il y aurait certainement long à dire en réaction, mais le fait est que tu as raison, Frodo, de tous les personnages, a le sort en apparence le plus ingrat; il fait tout le boulot, et si peu lui sont redevables...
Plusieurs explications sont possibles, mais il me semble que une des plus intéressante (et justifiée, connaissant la foi de Tolkien) est l'aspect christique de Frodo dans le Seigneur des Anneaux.

Tu relèves :
« J’ai tenté de sauver la Comté, et elle l’a été, mais pas pour moi. Il doit souvent en être ainsi, Sam, quand les choses sont en danger : quelqu’un doit y renoncer, les perdre de façon que d’autres puissent les conserver. »

qui fait écho à :
"Vous ne songez même pas qu'il est de votre intérêt qu'un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas toute entière." (Jean 11:50)
(pas le temps d’autres textes mieux ‘ciblés’, je suis attendu)

Les parallèles, bien entendu, sont loin d'être parfaits; Tolkien n'a pas calqué la vie de Frodo sur celle du Christ, loin de là; mais leurs actions (ils donnent leur vie pour leur peuple, sans rien en contrepartie et dans l'indifférence la plus totale pour Frodo, la haine pour Jésus) sont bien similaires.

La grande différence, c'est que Jésus va au bout de sa mission, alors que Frodo, au dernier moment, faibli.
ici, Frodo est à mettre en lien avec une autre figure christique, une autre personne qui a donné (=consacrée) sa vie pour son peuple sans rien attendre en retour, il s'agit de Moïse.
Moïse consacrera 40 ans de sa vie à conduire le peuple dans le désert, à être son avocat devant Dieu, à supporter ses fautes, et, au dernier moment, il faillira, un seul moment de faiblesse, et la sanction est terrible : il ne pourra entre en Canaan, il ne pourra goûter au repos dans le pays de la promesse; sa destinée sera de mourir...seul, dans une montagne, avec Dieu comme unique témoin.
…y a plus gai comme fin terrestre.

c'est que la vie sur terre n'est pas joyeuse, même pour le juste, même pour le pur (cf. Ecclésiaste; cf. 'dans le monde, vous aurez à souffrir. Mais gardez courage!' de Jean 17:21), Tolkien l'a vécu qui a perdu sa mère tout jeune, qui l'a vue souffrir l'exclusion à cause de sa foi catholique.

Tu te demandes pourquoi un petit hobbit pour sauver le monde ? c’est ridicule, non ?
Là encore j’y vois une leçon biblique ; à travers tout le texte, Dieu (Eru si tu veux faire le parallèle) se sers des faibles pour accomplir son œuvre de salut ; tjs pas le tps de développer mais tout de même :
1 Corinthiens 1:27  Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes;

Je ne puis continuer à développer, malheureusement, mais j’espère que cet éclairage partiel aura été utile.

À bientôt ;-)
Sosryko

PS : zut, zut, je ne peux partir sans m'inscire en faux contre ton jugement sévère sur l'amitié; l'exemple de Frodo et de Sam ne peut être aussi durement mis de côté (cf. le fuseau qui leur est consacré); idem pour l'amitié entre Legolas et Gimli. Tout de même!
"Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis" (Jean 15:13)...rahh, je dois y aller!

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#4 10-07-2002 18:30

NIKITA
Inscription : 2002
Messages : 223

Re : Plaidoyer pour Frodo

Salut Ylem !

Bienvenue sur le forum !
Ton post m’a immédiatement fait réagir car les sentiments que tu décris, je les ai aussi éprouvés à la lecture du SDA et la première fois que je suis intervenue sur ce forum, c’était pour réagir à une certaine interprétation du personnage de Frodo… Que de points communs !
Cela dit, je ne suis pas tout à fait d’accord avec tes affirmations et je voudrais apporter quelques bémols pour compléter ce qu’a dit Sosryko.

Ylem : « Je ne sais pourquoi, à chaque fois que je relis ou même que je repense au chapitre final du SDA, un méchant cafard m'envahit, dont parfois l'ampleur m'étonne moi-même. Je pense bien que je pourrai lire ou analyser tant que je veux l'oeuvre de Tolkien, je ne pourrai jamais lui pardonner la fin du SDA, et surtout, le sort qu'il réserve à son héros, Frodo. »

Moi aussi le cafard m’envahit mais j’estime que je n’ai rien à pardonner à Tolkien. Tu sembles lui reprocher d’avoir achevé son œuvre sur une note inhabituelle et triste alors que j’y vois toute l’originalité et le génie de Tolkien. Il a su s’éloigner des schémas habituels des récits d’heroïc-fantasy en ne consacrant pas la gloire de son héros (malgré lui !) et il a ainsi touché une des vérités de la condition humaine d’après les Chrétiens : la véritable récompense des justes n’est pas sur terre et ne vient pas des hommes, elle intervient dans un au-delà (le paradis ou Valinor). C’est un constat amer, certes, mais aussi plein d’espoir car il suggère que tout n’est pas fini, qu’il reste encore de l’espoir même après les épreuves et la souffrance : la mort n’est plus à redouter, elle devient une délivrance.

Ylem : « A lire depuis peu, il est vrai, les commentaires des tolkiendili, il me semble qu’il n’y a que fort peu de commentaires sur Frodo, qui semble tout aussi oublié par les fans que par la Terre du Milieu. »

Je ne crois pas du tout que Frodo soit négligé, beaucoup de fuseaux traitent de ce personnage. Maintenant toutes les sensibilités cohabitent sur ce forum et le SDA offre tellement d’autres personnalités à explorer qu’il est normal que tout ne tourne pas autour de Frodo ! Même si, pour moi, sa figure est centrale et incontournable pour saisir le sens de l’œuvre !

Ylem : « Pour moi, le départ de Frodo est présenté comme s'il s'agissait de sa mort ou en tout cas, son renoncement définitif à la vie matérielle et réelle, à tout ce qui faisait de lui un "parfait" hobbit, heureux des choses de la vie réelle. »

Là tu abordes le problème délicat du statut de la mort pour Tolkien. Dans nos sociétés modernes, la mort est devenue un tabou car elle fait peur, or ce n’est pas le cas d’autres civilisations où les morts sont fêtés et non plaints : ne me demandez d’exemples précis, je ne suis pas ethnologue. Ce que je veux dire, c’est que la mort pour Tolkien n’est pas forcément négative au départ. Ainsi dans le Silmarillion, il est dit à propos de la création des humains mortels :
« La mort est leur destin, ce don d’Iluvatar, que même les Puissants leur envieront à mesure que le Temps s’approche de sa fin. Mais Melkor a jeté là aussi son ombre, pour confondre la mort avec les ténèbres. Du bien il a fait naître le mal, de l’espoir la peur. » (Quenta Simarillion, « Au commencement des jours »)
La mort à Valinor n’est pas accompagnée des ténèbres, elle est librement choisie et agit comme une délivrance…

Ylem à propos de Frodo : « En somme, non seulement il se trouve devant un vide de sens à sa vie, mais il a perdu complètement le peu d'estime qu'il avait de lui-même, victime malgré-lui de sa nature profondément altruiste, que l'anneau lui-même n'a pas su détruire. »

Evidemment Frodo n’est plus le même après son épreuve et c’est bien compréhensible : tout personnage évolue dans une intrigue ! Plus est grande est sa mission, plus grande sera sa chute ! Frodo paie le prix de son sacrifice et de sa faute, si terrible que cela te paraisse, nous sommes ici dans une optique chrétienne de péché et de rédemption. En cela je suis tout à fait pour la comparaison de Sosryko avec Moïse !  Mais Frodo n’est pas un personnage christique car il a failli, même si sa mission est loin d’être un échec !

Ylem : « Pourquoi Gandalf, Aragorn, un seigneur elfe ou un seigneur nain, les aigles, ou qui que ce soit de puissant ne pouvait-il assurer la mission ? Ils avaient tous de meilleures armes pour y arriver sans casse et plus rapidement. Est-ce que seul Frodo était de force à résister au pouvoir de l'anneau ? »

Ah, la force des faibles ! Vaste sujet dont on trouve pas mal d’illustrations dans la Bible : David contre Goliath, Moïse contre Pharaon, Jésus face à ses accusateurs. Bien sûr on pourrait t’objecter que si Gandalf refuse de porter l’anneau, c’est pour ne pas finir comme Saroumane et que le pouvoir de l’anneau parvient justement à corrompre toute forme de puissance, d’où l’intérêt de le confier à un personnage sans pouvoir particulier : un hobbit par exemple ! Mais je préfère te convaincre en te montrant qu’une des leçons du SDA, c’est que l’humilité, la pitié (en un mot, la force des « faibles ») est le seul moyen de lutter contre le mal. Ce qui sauve in extremis la Terre du Milieu du pouvoir de Sauron, c’est la pitié de Frodo et de Sam (ne l’oublions pas !) pour Gollum : le tuer aurait été facile mais ce refus de verser le sang sera finalement bénéfique pour toute l’humanité ! Tolkien rend sa dignité et sa valeur, à travers Frodo, à tous les « petits » parmi les hommes…

Ylem : « Qu'en est-il de la belle solidarité de la Communauté ? Elle ne résiste pas au temps et au quotidien. Personne n'est venu aider Frodo à vivre, personne n'a essayé de le comprendre, n'a reconnu véritablement la portée de son sacrifice. »

Qu’attendais-tu précisément ? Je trouve que la décision d’Aragorn de se faire couronner par Frodo est un geste très fort et symbolique. Quant à la dissolution de leurs liens ,elle est inévitable, une fois leur mission achevée, chacun poursuit sa route. Il est toujours amer de quitter un groupe avec lequel on a vécu une expérience forte mais c’est la vie : la nostalgie est inhérente à notre condition mais ne doit pas nous empêcher d’avancer. Franchement tu t’attendais à de joyeuses retrouvailles avec soirée diapos ? Je pense que cela dénoterait avec l’ensemble de l’œuvre qui est parcourue par un souffle de nostalgie : l’âge des elfes se termine pour laisser la place à un autre âge, un nouveau cycle commence qui doit faire table rase du passé. Tout ne tombera dans l’oubli évidemment puisque les aventures de Frodo sont consignées dans un livre qui conservera la trace de sa mission…
Quand tu dis que personne n’a su comprendre Frodo, je crois aussi que c’est légitime : personne n’a fait l’expérience qu’il a tentée or cette expérience extrême se prête peu à des échanges consolateurs. Il est allé beaucoup trop loin pour être suivi à mon avis…

Voilà, mes remarques sont à l’image de ton post, longues mais, je l’espère, pas ennuyeuses ! Merci en tout cas d’avoir ouvert le débat sur un thème qui me tient à cœur…

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#5 11-07-2002 07:24

Szpako
Inscription : 2001
Messages : 635

Re : Plaidoyer pour Frodo

Bonsoir Ylem !

Et moi, je m’en vais aussi apporter qq dièses à la suite de Sosryko et NIKITA ;-))

>>>   Est-ce parce qu'il est plus difficile (moins "mode" ?) de soutenir un héros tragique

Peut-être bien ? ?
Dans une lettre de dec 1944 à Christopher, Tolkien considère que Frodo tient trop du héros tragique, et moins du hobbit authentique et donc il est moins intéressant que Sam (bien ancré dans la vie ordinaire de tous les jours et à faire en sorte que tout roule ;-)) :

« cert. Sam is the most closely drawn character … the genuine hobbit. Frodo is not so interesting, because he has to be highminded, and has (as it were) a vocation. The book will prob. end up with Sam. Frodo will naturally become too ennobled and rarefied by the achievement of the great Quest, and will pass West with all the great figures ; but Sam will settle down to the Shire and gardens and inns. » (Lp.105)
L’important est de ne pas se déconnecter, en qq sorte, de la vie ordinaire, mais notons que Sam, à la mort de Rosie, part aussi.


Sinon je partage entièrement les commentaires de Sosryko et NIKITA.

Mais ;-)) :

NIKITA >>>    Ylem à propos de Frodo : « En somme, non seulement il se trouve devant un vide de sens à sa vie, mais il a perdu complètement le peu d'estime qu'il avait de lui-même, victime malgré-lui de sa nature profondément altruiste, que l'anneau lui-même n'a pas su détruire. »
Evidemment Frodo n’est plus le même après son épreuve et c’est bien compréhensible : tout personnage évolue dans une intrigue ! Plus est grande est sa mission, plus grande sera sa chute ! Frodo paie le prix de son sacrifice et de sa faute, si terrible que cela te paraisse, nous sommes ici dans une optique chrétienne de péché et de rédemption. En cela je suis tout à fait pour la comparaison de Sosryko avec Moïse ! Mais Frodo n’est pas un personnage christique car il a failli, même si sa mission est loin d’être un échec !

J’irais encore plus loin car si la vie n’a plus de sens pour Frodo, c’est que le souvenir de l’anneau le hante, car oui, il LE regrette; lorsqu’il tombe malade pour la première fois, à demi perdu dans un songe, il dit « Il a disparu à jamais … et maintenant tout est sombre et vide ». (Livre VI, ch IX) (« Il » renvoie à l’anneau évidemment).
Paroles ô combien terribles, et c’est pour cela qu’il doit partir à Eressëa chercher guérison afin de mourir en paix (Arwen avait bien perçu son désespoir car c’est elle qui lui cède sa place pour le départ des Hâvres Gris).

Sinon la connaissance de  l’origine du prénom de Frodo peut nous aider à éclairer la complexité du personnage de Frodo (comme c’est souvent le cas avec Tolkien).

«  Frodo is a real name from the Germanic tradition. Its Old English form was Fróda. Its obvious connection is with the old word ‘fród’ meaning etymologically ‘wise by experience’, but it had mythological connexions with legends of the Golden Age in the North ….. » (L168, p.224)

Cette légende, je l’ai retrouvée dans le livre de Shippey, Author of the Century< /i>, chapitre IV, § The myth of Frodo. Bon rapidement …
L’islandais Frothis est en effet connu pour sa sagesse, prônant la non-violence et la paix. D’après Snorri Sturluson et Saxo Grammaticus, ce personnage légendaire aurait été le contemporain du Christ. Son règne, véritable Age d’Or, connu sous le nom de ‘la paix de Frothi’ était dû à son moulin magique ; mais un jour, il refusa les « 35 heures »;-) aux géants qui travaillaient à faire tourner son moulin, et en rebellion, elles moulurent une armée pour le tuer et s’emparer de son or. Le moulin est maintenant au fond de la mer et c’est pour cela qu’elle est salée, selon une tradition folklorique norvégienne.
Son fils, Ingeld, est tout le contraire de son père, correspondant mieux à la conception du héros nordique, violent, téméraire, à la recherche de sa propre gloire qq soit le prix à payer.
Et tristement c’est le souvenir d' Ingeld qui a perduré pendant des générations dans la tradition islandaise, alors que l’histoire de son père s’est estompée, d’autant plus marginalisée par la venue du vrai héros Jésus.
Selon Shippey, Frothi est une figure analogue à celle du Christ (mais une figure déchue naturellement), dans la mesure où il essaie, sans succès, d’apporter un message de paix et de non-violence dans un monde dominé par la guerre, l’esprit de vengeance et l’héroïsme. Ce mélange Froda/Frothi peut correspndre à l’image que se faisait Tolkien du « païen vertueux » apportant une lueur de vérité vite éteinte dans l’obscurité des âges païens .
Le mythe de Frodo semble bien trouver ici une de ses sources.

Sur ces petits détails complémentaires

A+
Cathy


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#6 12-07-2002 00:31

Ylem
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Bonjour(s).
Merci à toi Sosryko pour ton développement, qui me semble audacieux, mais, justifié compte tenu du contexte dans lequel Tolkien écrit, et ma foi, fort convainquant.  Il y aura une suite ?  Je la lirai avec beaucoup d’intérêt.
Merci aussi à toi Cathy poub ton indéressand rapprochement avec la mythologie nordique.

Salut Nikita.  C’est toujours bien agréable de rencontrer quelqu’un qui partage, semble-t-il, un même sentiment.
Quelques précisions concernant mon intervention : lorsque j’écris « je ne pourrais jamais lui pardonner(…)», il s’agit bien sûr d’une figure de style.  Comme toi, je pense que aborder la question de l’après-aventure, faire redescendre le lecteur dans la réalité quotidienne des personnages, terminer sur une note résolument nostalgique et cette idée de la fin d’un monde, est l’une des grandes originalités du SDA, l’un des points fort majeurs qui en font bien plus qu’un récit de «fantasy» classique.  Loin de moi tout souhait de «happy end» facile.
Toutefois, même si je conviens que cela renforce considérablement l’aspect dramatique du récit, je trouve, très affectivement, que Tolkien « en remet un peu » en enfonçant ainsi son héros.  N’aurait-il pas pu éviter de le décrire aussi isolé, tout en préservant l’esprit de son histoire ?  On peut comprendre du Merry et Pippin acquièrent le succès, vu leur grande taille et leurs armures scintillantes, mais pourquoi les gens auraient-il plus envie d’entendre le récit des exploits de Sam que ceux de Frodo ?? 
Ou plus, n’aurait-il pas pu laisser le lecteur dans l’expectative au sommet du Mont Doom : décrire Frodo comme incapable de jeter l’Anneau mais aussi comme incapable de s’en servir – avant de se faire assaillir par Gollum ?  Il n’en était pas à une question sans réponse près.  (Ce qui aurait fait couler beaucoup d’encre et de discussions sur tous les forums tolkieniens du monde sur le thème « Frodo se serait-il servi de l’Anneau ou l’aurait-il jeté ? » !)  Dans le fond, j’aurais peut-être préféré que Frodo meure sur les flancs de la montagne du Destin.  Est-il quelque chose de pire que l’indifférence ?…
C’est un peu comme si Tolkien avait décidé, à un moment de son écriture, d’abandonner son héros, comme s’il ne l’intéressait plus, ou, pire, qu’il lui en voulait.  Il semblait pourtant bien l’aimer au début de l’histoire ;-)
Je suppose que tout écrivain met quelque chose de lui-même dans son œuvre.  Je m’interrogeais donc sur les raisons pour lesquelles Tolkien avait fait ce choix.  Mon sentiment est qu’il devait lui-même être fort amer sur l’humanité, qu’il a décrit comme incapable de témoigner sa reconnaissance envers celui qui se sacrifie pour elle.  Cela est probablement dû au contexte chrétien dans lequel il écrit, mais aussi à son expérience personnelle (comme le rappelle bien justement Sosryko.    Merci à toi !).

NIKITA : « Quant à la dissolution de leurs liens ,elle est inévitable, une fois leur mission achevée, chacun poursuit sa route. Il est toujours amer de quitter un groupe avec lequel on a vécu une expérience forte mais c’est la vie : la nostalgie est inhérente à notre condition mais ne doit pas nous empêcher d’avancer. Franchement tu t’attendais à de joyeuses retrouvailles avec soirée diapos ? … »
C’est effectivement comme cela que ça se passe le plus souvent dans la réalité.  Les ‘amitiés’ vont et viennent au fil du courant et des intérêts.  C’est la vie, comme tu dis.  Ce type d’amitié ne résiste pas au quotidien.  CQFD – Merci Mr. Tolkien !  Il m’avait semblé que lorsqu’on avait de l’amitié pour quelqu’un, on se souciait de ce qu’il devenait, et l’on essayait de l’aider lorsqu’il se trouvait dans les difficultés…  Mais peut-être ais-je une conception un peu vieux-jeu de l’amitié…  Dans le récit, c’est un peu comme si, l’aventure terminée, on clôturait les comptes, puis chacun sa m….   (Oups ! J’espère cher Webmestre que tu ne m’en voudras pas ! ;-)   

Plus sérieusement, je concède bien volontiers que mes propos étaient un peu outranciers.  Nier que l’amitié est un thème central et une valeur forte dans le SDA serait refuser l’évidence.  On pourrait dire que la solidarité s’exerce entre les membres de la Communauté, et s’achève ou n’a plus lieu d’exister, une fois la guerre de l’Anneau terminée – et que, d’autre part, il existe une amitié fidèle entre Sam et Frodo et entre Gimli et Legolas.  Si les choses sont formulées de la sorte, je suis d’accord avec les remarques.   Et merci de me permettre ainsi de clarifier mes propos à ce sujet.

Enfin, je ne partage pas tout à fait ton point de vue, repris par Cathy, lorsque tu parles de « faute » de Frodo.  Tolkien précise en quoi l’Anneau tente Gollum, Galadriel et même Sam, lorsqu’il le porte un instant – à savoir : la puissance, le pouvoir.  Mais, il ne le dit jamais pour Frodo.  Cette habile omission laisse la porte ouverte à toutes les interprétations.  (C’est aussi pour ça que j’adore Tolkien !)  Pour ma part, j’en retire que le pouvoir ne peut tenter Frodo.  Il ne rêve pas de détrôner Sauron ou de pourfendre ses ennemis à coups d’épée.  Je pense que l’Anneau prend possession de Frodo.  Après avoir annihilé sa joie de vivre (il devient de plus en plus grave et fermé), sa vitalité, son énergie vitale (il est de plus en plus épuisé), puis son espoir, l’Anneau s’occupe à détruire sa propre identité (à mesure qu’il s’enfonce en Mordor, tous ses souvenirs s’effacent – l’Anneau finit pas occuper toute sa pensée, il ne peut plus voir que lui).  Sur le point d’atteindre le sommet du Mont Doom, la possession a quasi achevé son œuvre puisqu’il ne peut plus contrôler lui-même ses mouvements (A ce propos, il manque dans la traduction française une réplique qui me semble fort importante pour décrire la progression du mal : lorsqu’il s’écroule alors qu’il est presque au sommet, Frodo murmure « Aide-moi, Sam ! Aide-moi, Sam !  Tiens ma main.  Je ne peux pas l’arrêter » (*).  Et la pensée comme quoi c’est la fin des fins, c’est Sam qui l’a – ce qui est aussi important dans l’évolution de Sam – Enfin, je suis loin d’avoir parcouru tout ce site.  L’erreur est sûrement connue de la majorité d’entre vous).  Lorsqu’arrive le bout du chemin, l’Anneau casse le dernier fil qui permettait encore à Frodo de continuer cad sa volonté et achève ainsi de détruire son être propre.  Je ne dirais donc pas que Frodo faute en se laissant tenter, mais bien que Frodo échoue car l’Anneau vient à bout de sa résistance et achève sa possession.  C’est cette profonde destruction qui laisse Frodo inguérissable, vidé, au sens littéral.  Autrement dit, l’Anneau qui avait finit par prendre toute la place chez Frodo en anéantissant tout le reste, est finalement détruit lui-même.  Il ne reste à Frodo qu’un grand vide.  D’où la réplique citée par Cathy.  Pour moi, Frodo est bien plus « victime » que « pécheur ».  Bien sûr, il s’agit-là d’une interprétation toute personnelle, mais qui me semble aussi pouvoir tenir la route, vu le silence de Tolkien à ce propos.

Sur ce, les autres commentaires éventuels attendront un certain temps, vacances obligent – si vous voyez ce que je veux dire…  La pensée de lire la suite de toutes ces cogitations à mon retour, me réjouit déjà !  A bientôt.
Ylem

(*) « Sam knelt by him..  Faint, almost inaudibly, he heard Frodo whispering : ‘Help me, Sam ! Help me, Sam ! Hold my hand ! I can’t stop it’.  Sam took his master’s hands and laid them together, palm to palm, and kissed them;  and then he held them gently between his own.  The thought came suddenly to him :’He’s spotted us !  It’s all up, or it soon will be.  Now, Sam Gamgee, this is the end of ends.’  Again he lifted Frodo (…)” (book 6 chap. 3).

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#7 12-07-2002 12:32

NIKITA
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Nous voilà donc lancés dans un autre débat : qu’est-ce que le péché, la faute d’après le christianisme ? Tu penses peut-être que Frodo n’a pas fauté car il n’a commis aucun acte délictueux mais sais-tu que l’on peut pécher « en pensée, en parole, par action et par omission » (Acte de contrition) ?

Ylem : « Tolkien précise en quoi l’Anneau tente Gollum, Galadriel et même Sam, lorsqu’il le porte un instant – à savoir : la puissance, le pouvoir. Mais, il ne le dit jamais pour Frodo. »

Je ne suis pas d’accord avec toi : à mon avis, l’anneau n’agit de la même manière sur tous ces personnages ! Certes Galdriel et Sam ont à son contact des visions de mégalomanes, avides de pouvoir mais tel n’est pas le cas pour Gollum, Frodo et Bilbo. Ces trois personnages ont souvent été rapprochés car ils représentent un peu les différents stades de destruction de l’anneau sur son porteur :
-    Bilbo est le moins affecté : l’anneau prolonge sa vie mais il peut difficilement s’en séparer quand Gandalf le lui réclame ou quand Frodo le rejoint à Rivendell,
-    Vient ensuite Frodo : tu as très bien décrit, Ylem, le processus d’anéantissement qui se produit en lui, je n’y reviens pas,
-    Enfin Gollum que l’anneau a littéralement rongé de l’intérieur jusqu’à lui faire perdre toute apparence de hobbit !
Ces trois personnages ne sont pas rongés par l’ambition du pouvoir mais par la convoitise et la possession jalouse de l’anneau (une forme bien particulière d’avarice). Convoitise, avarice, ça sent le péché capital… Quand Frodo revendique l’anneau sur le Mont Doom, ce n’est pas le pouvoir qu’il revendique mais la possession d’un objet qui ne lui appartient pas et dont il connaît tous les méfaits. Or il est tenté par Sauron bien sûr mais aussi par ses propres démons intérieurs car l’anneau a ce pouvoir de réveiller le « côté obscur » de tout être. Alors victime, certes, mais le mal que l’anneau a réveillé était déjà en lui sous-jacent comme il l’est en chacun des êtres qu’il côtoie : nul ne peut lutter contre le pouvoir de l’anneau, pas même Gandalf ou Galadriel !
Frodo est humain, trop humain : c’est ce qui le rend d’autant plus admirable à mes yeux ! Tu le vois, je ne partage l’avis de Tolkien qui pensait que Frodo était moins intéressant que Sam d’un point de vue dramatique, je crois qu’il est bien plus complexe qu’il n’y paraît…

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#8 12-07-2002 12:52

Cedric
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Re : Plaidoyer pour Frodo

ras

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#9 12-07-2002 15:30

Edouard
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Re : Plaidoyer pour Frodo

nul ne peut lutter contre le pouvoir de l’anneau, pas même Gandalf ou Galadriel !

Que neni... ;)

N'oublions pas ce cher Tom.

EJK

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#10 13-07-2002 16:18

NIKITA
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Effectivement, Edouard, sauf Tom Bombadil! Mais ça, c'était juste pour voir si tu suivais...:-)

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#11 18-07-2002 17:32

sigmoide
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Re : Plaidoyer pour Frodo

JE vous trouve tous bien intéressant. Le sort de Frodon est dramatique en soit, mais tisse un lien avec toute la nature de l,histoire ... nous sommes dans le dramatique, pas seulement dans un conte frivole et léger.... Mais en fait, Frodon reçoit une grande récompense, soit la permission de passer à l'ouest (destin réservé seulement aux elfes en principe), c'est en fait une récompense, un baume sur les blessures, la tâche a nécessité de grands efforts et Frodon a payer le prix, on ne peut rien effacer, mais seulement amoindrir les douleurs restantes, le passage à l'ouest permettra ce soulagement et amène en plus un petit extra, soit de vivre aux pays des Valars avec les elfes (frodon qui selon Sam a toujours eu un ptit côté elfe en lui..:)) De plus il ne quitte pas dans l'anonimat, il quitte avec Gandalf, Elrond, galadriel et autres... ce n'est pas rien comme co-voiturage. Bien sûr l'ensemble des hobbits ignorent tout de son aventure, mais n'est-ce pas là justement la nature des hobbits, c'est ce qu'ils sont et ce qui fait en quelques sorte leur particularité et leur force, n'est-ce pas pour cela des le départ que les hobbits (de part leur isolement au monde extérieur) son le talon d'Achille de Sauron  :):)


Pour l'anneau, bien sûr personne ne peut y résister(sauf tb) mais bon, même Sauron ne peux lui-même y résisiter, son obsession pour le ravoir le mènera en fait à sa perte ... voilà tout le pouvoir de l'anneau ... la quête du pouvoir amène toujours à l'aveuglement et de ce fait rend impossible l'atteinte de sa finalité.... Sauron a toujours tenté de devenir Morgoth et son obsession la détruit.

voilà


slu


sigmo

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#12 22-07-2002 20:37

Cedric
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Frodon, figure christique, mais aussi peut-être un Saint.
En effet, Tolkien dans sa lettre 1811 à Michael Straight1, il y qualifie en effet Le Seigneur des Anneaux d'"Hobbito-centré" et le dit être essentiellement une étude sur l'ennoblissement (ou la sanctification) des humbles2.

Ces humbles, qui sont-ils sinon les Hobbits de la Compagnie et surtout Frodon ?
Je trouve en effet que Frodon colle très bien à l'image que l'on peut se faire d'un Saint. Désinteressé, prêt à se sacrifier, ne veut ni n'obtient une quelconque reconnaissance, la résistance à la tentation, etc.
C'est ce genre de comportement qui rend espoir, de voir que l'on peut accomplir quelque chose sans en attendre rien en retour. Quand il n'y a en effet aucun retour, cela peut paraître dénué d'espoir mais je trouve que ce don de soi est remarquable. Non pas la mort en héros (imaginez combien aurait été décevante la fin du Seigneur des Anneaux si Frodon était tombée dans la Crevasse du Destin à la place de Frodon) en donnant "bêtement" sa vie mais faire ce sacrifice et trouver le courage de vivre ensuite, d'essayer de revivre après les épreuves.

Mais je comprends tout à fait l'"indignation" initiale de Ylem, on peut concevoir une certaine tristesse et amertume à la lecture du sort de Frodon...


Cédric.



1. Voir The Letters of JRR Tolkien by Humphrey Carpenter, p. 232-237.
2. "... [The Lord of the Rings] is planned to be 'hobbito-centric', that is, primarily a study of the ennoblement (or sanctification) of the humble."

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#13 24-07-2002 00:37

NIKITA
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Tout à fait d’accord avec toi, Cédric : il y a quelque chose de saint en Frodo qui force l’admiration et le respect !

Je reviens à la préoccupation d’origine d’Ylem : quel sens a voulu donné Tolkien à la fin de Frodo ? Voilà peut-être un élément qui apportera un éclairage nouveau sur la vision qu’avait Tolkien de cette fin. En effet, il avait rédigé un épilogue au SDA qui ne sera jamais publié. Je cite ici un passage de cet épilogue que vous pouvez retrouver en entier à cette adresse :
http://www.chez.com/multimondes/Crytolkien.htm
Dans ce passage, Sam discute du passé avec sa fille Elanore, 14 ans après la fin de l’histoire du SDA, et il évoque ici le départ des Havres-Gris…

«    -C'était triste, Elanorellë, dit Sam, embrassant ses cheveux. Ca l'était, mais ce ne l'est plus désormais. Pourquoi ? Et bien, d'une part, M. Frodon est parti là où la lumière elfique ne faiblit pas; et il a mérité sa récompense. Mais j'ai eu la mienne également. J'ai reçu de grands trésors. Je suis un hobbit très riche. Et il y a une autre raison que je te chuchoterai, un secret que je n'ai jamais dit à quiconque auparavant, ni encore inscrit dans le Livre. Avant de partir, M. Frodon a dit que mon heure pourrait venir. Je peux attendre. Je crois que, peut-être, nous ne nous sommes pas dit adieu pour de bon. Mais je peux attendre. J'ai au moins appris ça des Elfes, en tout cas. Le temps, ça ne les tracasse pas. Ainsi, je pense que Celebom est toujours heureux parmi ses arbres, d'une façon elfique. Son heure n'est pas venue, et il n'est pas encore fatigué de son pays. Quand il le sera, il pourra s'en aller.
   - Et quand tu seras fatigué, tu partiras, papa-Sam. Tu partiras aux Havres avec les Elfes. Alors, je partirai avec toi. Je ne me séparerai pas de toi, comme Arwen a quitté Elrond.
   - Peut-être, peut-être, dit Sam en l'embrassant doucement. Et peut-être pas. Le choix de Lúthien et d'Arwen, ou quelque chose d'approchant, se présente à beaucoup; et il n'est pas sage de prendre sa décision avant l'heure. »

Nous y apprenons deux choses :
-    le départ de Frodo pour le pays des Elfes est considéré comme une récompense puisqu’il pourra contempler la lumière originelle, source de la vie sur terre.
-    Sam pressent qu’il reverra Frodo à Valinor et que leurs retrouvailles n’en seront que plus heureuses après ce temps de rémission.
De quoi nous redonner un peu d’espoir…

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#14 26-07-2002 21:30

Vinchmor
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Bonjour à tous,

Nikita, j'ai effectivement trouvé le passage dont tu parles (merci pour l'adresse) mais je me pose la question: est-ce vraiment de Tolkien ou est-ce de l'intox. Si c'est de lui, ce que je pense, comment interprêter la dernière ligne: Sam quitera-il sur le champ la comté? Ou n'est-ce que l'espérance de retrouvailles avec frodon?

A plus

Vinch', décidément très présent sur le forum.

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#15 27-07-2002 22:45

Beruthiel
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Bonjour à tous !  Je voulais réagir à un de tes messages, Nikita. Tu voulais nous montrer que la fin du " Seigneur des Anneaux " n'est en fait pas si triste que ça, ainsi tu dis, parlant de Tolkien :
et il a ainsi touché une des vérités de la condition humaine d'après les Chrétiens : la véritable récompense des justes n'est pas sur terre et ne vient pas des hommes, elle intervient dans un au-delà (le paradis ou Valinor). C'est un constat amer,certes, mais aussi plein d'espoir car il suggère que tout n'est pas fini, qu'il reste encore de l'espoir même après les épreuves et la souffrance : la mort n'est plus à redouter, elle devient une délivrance.

C'est sans doute le " message " que voulait Tolkien mais ça ne rend pas la fin plus heureuse à mes yeux : quand on lit un livre on l'interprète avec sa propre sensibilité, ses propres croyances et donc on ne perçoit pas forcément les choses de la même façon que l'auteur.  Même si pour Tolkien la fin est porteuse d'espoir, je n'en retiens moi que le côté amer. Mais pourtant j'aime bien cette fin, je la trouve belle et du coup  la tristesse que j'éprouve est aussi mêlée de joie.

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#16 13-08-2002 04:08

Cedric
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Re : Plaidoyer pour Frodo

.

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#17 13-08-2002 19:47

NIKITA
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Re : Plaidoyer pour Frodo

>Vinchmor : Je ne pense que cet épilogue soit de l'intox même s'il peut surprendre à certains égards (notamment au niveau du style et du ton assez différents de la fin "officielle", c'est pourquoi peut-être, il n'a été retenu…).  Par ailleurs je ne comprends pas ton interrogation : "Sam quittera-t-il sur le champ la Comté ?  Ou n'est-ce que l'espérance de retrouvailles avec Frodon ?"
Certes Sam a hâte de retrouver Frodo mais il dit en même temps "il n'est pas sage de prendre sa décision avant l'heure", ce qui signifie qu'il a acquis assez de sagesse pour attendre le signal de son départ de la Comté. Dans l'immédiat, il se prépare à retrouver Aragorn et à élever sa "colonie" d'enfants.  Frodo lui-même lui laisse entendre qu'il devra attendre encore un certain temps : "Avant de partir, M. Frodon a dit que mon heure pourrait venir.  Je peux attendre."

>Beruthiel : Je te rassure tout de suite, à la fin de la lecture-fleuve du SDA, j'ai mouillé mon oreiller comme tout le monde ! Même quand l'espoir est assuré, la séparation est toujours un moment très douloureux, surtout pour deux amis comme Sam et Frodo.  Mais une fois passée l'émotion, on peut tenter de comprendre le sens de tout cela et s'apercevoir que Tolkien n'a pas voulu donner que dans le mélodrame ! Enfin j'essayais d'apporter des arguments pour défendre un peut Tolkien dans le "procès" que lui dressait Ylem…

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#18 13-08-2002 19:48

Vinchmor
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Je suis tout à fait d'accord avec le fait que Sam a acquis suffisamment de sagesse pour ne pas se précipiter avant le signal du départ pour rejoindre Frodon.  En fait, mon interrogation repose sur la structure de la dernière phrase : l'auteur, sans doute Tolkien donc, stipule bien que c'est au moment précis de fermer la porte que Sam entend la mer. C'est ce mot "précis" qui me met mal à l'aise et qui, à mon oreille me fait penser qu'il s'agit là du signal du départ prédit par Frodon 14 ans plus tôt et qui interviendrait (j'insiste sur le conditionnel), malgré sa pléiade d'enfants et la venue d'Aragorn.

Mais peut-être ce point mérite un fuseau à part.

Vinch"

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#19 13-08-2002 19:48

NIKITA
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Je comprends mieux ce que tu voulais dire, Vichmor.  En effet, cette dernière phrase est énigmatique et ton hypothèse séduisante mais les appendices de Tolkien au SDA apportent une information qui met fin à tes interrogations : Sam ne quitte la Comté pour les Havres Gris que l'année 1482 du Quatrième Age soit 46 ans après l'épisode décrit dans cet épilogue et 60 ans après la fin de la Guerre de l'Anneau.  De quoi avoir le temps d'élever sa progéniture et d'attendre la mort de sa femme en 1482 !
Pour ma part, j'interprétais le bruit de la mer comme une métaphore de l'attrait que représente pour Sam la traversée de la mer pour rejoindre Valinor : il sent sa présence mais attend sereinement son destin qu'il connaît d'ores et déjà… Cela reste tout de même une belle fin, non ?

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#20 13-08-2002 19:48

Vinchmor
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Suilad,

C'est vrai Nikita, c'est une belle fin.  Et ça m'apprendra à recouper les différentes informations avant de poser des questions.  Dans tous les cas, merci de m'avoir fait découvrir cet épilogue.

Vinch'

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#21 13-08-2002 19:49

Beruthiel
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Nikita :
Mais une fois passée l'émotion, on peut tenter de comprendre le sens de tout cela et s'apercevoir que Tolkien n'a pas voulu donner que dans le mélodrame ! Enfin j'essayais d'apporter des arguments pour défendre un peut Tolkien dans le "procès" que lui dressait Ylem…

J'avais bien compris ta démarche, je voulais juste insister sur le fait que pour ce genre de choses c'est la sensibilité du lecteur qui l'emporte sur les intentions de l'auteur.

A propos de l'épilogue : j'ai aussi trouvé qu'il y avait une rupture de ton par rapport au reste, et que ça "sonnait faux". Par contre j'aime beaucoup la dernière phrase :-)

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#22 14-08-2002 19:42

Ylem
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Bonjour, me revoici et, maintenant que tous les morceaux de ce fuseau ont pu, par bonheur, être recollés (merci Cédric !), voici les réflexions que m'ont inspirées les vôtres.


Beruthiel : "quand on lit un livre on l'interprète avec sa propre sensibilité, ses propres croyances et donc on ne perçoit pas forcément les choses de la même façon que l'auteur."

Parfaitement d'accord avec toi, Beruthiel.  La richesse d'un roman n'est-elle pas de permettre à ses lecteurs de se l'approprier ? L'histoire, les personnages échappent ainsi quelque peu à l'auteur lui-même.  Le SDA et les récits de Tolkien en général, qui sont amplement "ouverts, remplissent tout à fait cette fonction - pour notre plus grand bonheur à tous !

******

NIKITA : " Ces trois personnages ne sont pas rongés par l'ambition du pouvoir mais par la convoitise et la possession jalouse de l'anneau (une forme bien particulière d'avarice).  Convoitise, avarice, ça sent le péché capital"

C'est une interprétation possible et que je respecte, mais que je ne partage pas.  Voici pourquoi.

1. "Nikita : Galadriel et Sam ont à on contact des visions de mégalomanes, avides de pouvoir mais tel n'est pas le cas pour Gollum, Frodo et Bilbo."
Gollum lui aussi rêve de devenir "Le Seigneur Gollum.  Gollum le Grand" (cf. son monologue schizophrénique au Livre IV chap.2).  Bien que ses aspirations sont à sa mesure, il rêve aussi de puissance.  Pour ce qui est de Bilbo, il n'est pas dit grand chose de l'influence de l'Anneau sur lui, si ce n'est qu'il ne peut s'en séparer. De mon point de vue, il ne serait pas correct de tenter d'interpréter cela à partir du "Hobbit", le ton et la destination de cet ouvrage sont beaucoup trop différents du SDA.  J'aurai tendance à penser que l'Anneau agit un peu de la même façon sur Bilbo que sur Frodo, qui sont de la même trempe.  Mais bon, laissons ça pour un autre sujet et revenons à Frodo.  Comme je l'ai déjà écrit, rien n'indique que le pouvoir le tente.

2. Nikita : "Quand Frodo revendique l'anneau sur le Mont Doom, ce n'est pas le pouvoir qu'il revendique mais la possession d'un objet qui ne lui appartient pas et dont il connaît tous les méfaits."
Frodo convoiterait-il un objet qui ne lui appartient pas ?  Mais l'Anneau, le mal chosifié, appartient-il vraiment à quelqu'un ?  N'a-t-il pas plutôt sa vie propre - il n'hésite pas à trahir son porteur quand il estime son temps venu ?  D'ailleurs, poussant le raisonnement jusqu'à l'absurde, si l'Anneau était propriété de Sauron, le seul comportement véritablement honnête ne serait-il pas de le lui rendre !!!   ;-)

3. Nikita : Or il (Frodo) est tenté par Sauron bien sûr mais aussi par ses propres démons intérieurs car l'anneau a ce pouvoir de réveiller le "côté obscur" de tout être."
L'Anneau réveille le "côté obscur" de celui qui le porte ?  Celui de Frodo se manifesterait pas un désir immodéré de possession matérielle ?  Mais rien dans le récit ne laisse entrevoir une prédisposition de Frodo à ce défaut.  Au contraire, lorsqu'il décide de se mettre en route, ce qui le retient, c'est son attachement à son pays, mais aucunement ses biens matériels.  Il laisse même Cul-de-Sac aux rivaux de sa famille et le principe ne semble pas l'affecter du tout.  Frodo donne l'Anneau à Tom Bombadil, il le propose à Gandalf, à Galadriel ("Je vous donnerai l'Anneau, si vous le demandez.  C'est une trop grande affaire pour moi." - Livre 2 Chap. 7).  Il manifeste à plusieurs reprises le désir se séparer de ce fardeau si lourd, avant de constater amèrement qu'il ne le peut pas s'il veut donner une chance à la Terre du Milieu.  Rien n'est présent qui pourrait faire supposer que Frodo avait en lui, latent, un désir de possession matérielle, avant que l'arrivée de l'Anneau ou avant que l'Anneau ne se fasse de plus en plus prégnant.  Ce n'est qu'à ce moment qu'il lui devient de plus en plus difficile de s'en séparer.  D'ailleurs, cela n'aurait pas beaucoup de sens, puisque l'Anneau n'a pas une valeur "marchande" immense mais doit son importance au pouvoir qu'il donne (Frodo n'étant pas tenté par le pouvoir, la boucle est bouclée !)


Par contre, partout dans le récit, on trouve des éléments qui étayent la thèse comme quoi l'Anneau cherche à posséder l'esprit de ceux qui l'approchent, et en particulier, comme quoi il cherche à supplanter la volonté de Frodo.
En voici quelques-uns.  Il y en a beaucoup d'autres (je ne vais pas tout citer, j'ai le sentiment de faire encore une intervention fleuve !).

 Lorsque Bilbo marque son désir de reprendre l'Anneau, Frodo voit devant lui un vieillard agressif.  Lorsqu'il constate que Sam porte l'Anneau, c'est un orc qu'il croit voir.  Comme soumis à une drogue, Frodo hallucine.  Il n'est pas maître de sa réalité.
Cela est d'autant plus cruel pour lui qu'il s'aperçoit vite que l'Anneau lui impose d'agir en complète contradiction avec son être profond, soit directement (en lui imposant des comportements insensés ou agressifs qui ne lui ressemblent pas), soit indirectement (cf. la ruse qu'il doit employer pour sauver Gollum en Ithilien,  Le récit montre amplement combien Frodo est malheureux du comportement qu'il est forcé d'adopter).  Ce n'est pas la moindre des souffrances psychologiques qu'il lui impose.

 Blessé sur l'Amon Sûl, Frodo retire l'Anneau de son doigt car sa volonté reprend le dessus.
De même après ce passage d'une tension extrême, où les portes de Minas Morgul s'ouvrent et que l'armée de Mordor se met en route.  ("Il ne sentait que battre sur lui un grand pouvoir extérieur.  Celui-ci lui prenait la main (...) puis sa propre volonté se mit en branle" Livre IV Chap. 8)

 Comme noté dans mon précédent message, alors qu'il est presqu'au but, Frodo s'écroule et appelle Sam à son aide car il ne peut plus maîtriser sa propre main qui cherche à enfiler l'Anneau.  Mais il lui reste encore cette pensée comme quoi il ne le peut pas et il est impératif d'aller jusqu'au sommet.  Ce n'est que ce mince fil d'Ariane qui le pousse à continuer encore et lui permet quelques instants encore, de résister à la volonté extérieure qui tente de s'imposer à la sienne.  (A ce moment, c'est tout ce qui lui reste, d'ailleurs).

 Une fois l'Anneau détruit, Frodo est redevenu lui-même.  C'est ce que note le texte, et deux fois en quelques lignes : "Et voilà que Frodon se trouvait là, pâle et usé et pourtant redevenu lui-même" - "Son maître avait été sauvé, il était de nouveau lui-même, il était libre". (Livre VI).


Pour toutes ces raisons, je persiste et signe : Frodo échoue sur le Mont Doom, non pas parce qu'il succombe à l'avarice, mais parce qu'il a donné tout ce qu'il pouvait donner et qu'il ne peut plus résister au pouvoir absolu de l'Anneau qui finit par prendre totale possession de lui.  Ou comme vous le dites, Cédric et Edouard (beaucoup plus clairement et succinctement que moi !), parce que personne ne peut s'opposer au pouvoir de l'Anneau. 
La mission est impossible.  Ou adoptant une formulation christique, Frodo est l'Agneau sacrifié pour le salut de la Terre du Milieu.
S'il en reste si blessé, c'est parce que, une fois la mission achevée, l'Anneau a tellement fait de dégâts en lui qu'il ne parvient pas à se reconstruire (sa vie est vide de sens, Frodo est en quelque sorte en manque de l'Anneau), mais aussi parce qu'il a gardé son cœur pur et ne peut supporter d'avoir été "souillé" par l'Anneau, forcé contre sa volonté à agir à l'encontre son être profond - ça aussi, c'est une blessure inguérissable - alors que pourtant, il a fait tout ce qui était humainement (enfin, hobittement) possible, et même bien plus.

Pour terminer mon intervention, j'ajoute que je suis tout à fait d'accord sur l'aspect "Saint" de Frodo.  Dans la tradition chrétienne (et contrairement à la connotation donnée dans le langage courant), les Saints ne sont pas des gens parfaits qui ne se trompent jamais.  Au contraire.  Mais ils savent sublimer leurs peurs, leurs imperfections, leurs erreurs, pour accomplir le plan de Dieu.  La différence est que, contrairement à Frodo, les Saints sont reconnus comme tels, élevés au titre d'exemple à suivre pour les croyants et d'intercesseurs entre Dieu et les hommes…  Frodo, lui, n'a que le droit de s'effacer.  Ce n'est pas la séparation de Sam et Frodo, ni la fin du 3e Age qui rend le récit si triste à mes propres yeux, mais, on l'aura compris, le sort de Frodo.

La fin du SDA est très belle...  désespérément belle...

Ylem.

NB : l'épilogue non publié du SDA est également disponible sur http://www.numenoreen.com/lastwords.html 
La référence citée est la suivante : "Les Dernières Lignes, L'épilogue du Seigneur des Anneaux, texte : J.R.R. Tolkien, traduction : Roland C. Wagner, DRAGON Magazine n°9 © 1993 TSR ".  Je ne sais si c'est un gage d'authenticité...


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#23 17-08-2002 00:51

NIKITA
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Welcome home, Ylem !
Tes interventions fleuve nous manquaient!
Enfin nous avons au moins cela en commun : je lâche rarement prise et je fais rarement court !J
Je vais peut-être faire un effort ce soir car j’ai beaucoup de retard à rattraper dans mes posts…

Ton argumentation se tient à quelques détails près. Je suis d’accord avec toi quand tu démontres à quel point l’esprit de Frodo est aliéné et soumis à Sauron ! Cela dit, l’un n’empêche pas l’autre : ce n’est pas parce que Frodo est aliéné qu’il n’y a pas en lui de la convoitise et une part plus « obscure ». Comme tu le dis, même les saints sont imparfaits, ce qui les rend admirables, c’est qu’ils arrivent à se dépasser malgré leur peurs et leurs mauvais penchants !
Qui n’a pas une part de convoitise en lui ? Franchement, tu prêtes ton exemplaire du SDA à n’importe qui ? Personnellement je suis plutôt d’une nature généreuse mais j’ai un peu honte d’avouer que c’est la mort dans l’âme et vraiment pour ne pas laisser dans l’ignorance ma propre sœur que je lui ai prêté mon exemplaire du SDA. Bon ma tentative a échoué mais je me suis vite consolée en constatant le retour du livre « prodigue » au sein de ma bibliothèque ! Pardon de m’être prise pour exemple mais c’était pour mieux te convaincre…
Revenons à Frodo. Je ne pense qu’il ait été utile de mentionner chez Frodo une quelconque attirance pour les biens matériels pour nous convaincre plus aisément de son attachement à l’anneau. De plus, s’il l’offre à Tom puis à Galadriel, c’est qu’il n’est qu’au début de son chemin et qu’il a pas eu le temps de s’attacher à son fardeau ! Le temps confère aux objets que nous possédons beaucoup plus de valeur : crois-en mon expérience du déménagement, on a énormément du mal à jeter ce qui nous a suivis depuis très longtemps !

Ylem : « Frodo convoiterait-il un objet qui ne lui appartient pas ? Mais l'Anneau, le mal chosifié, appartient-il vraiment à quelqu'un ? N'a-t-il pas plutôt sa vie propre - il n'hésite pas à trahir son porteur quand il estime son temps venu ? D'ailleurs, poussant le raisonnement jusqu'à l'absurde, si l'Anneau était propriété de Sauron, le seul comportement véritablement honnête ne serait-il pas de le lui rendre !!! ;-) »

On convoite toujours ce qui ne nous appartient pas ! C’est le principe même de la convoitise : désirer ce qui est à l’autre, ce qu’on n’a pas ! Observe les spots publicitaires, beaucoup fonctionnent sur ce sentiment humain : je suis jaloux du bonheur de mon voisin alors j’achète ce qui va combler ce décalage. Je ne résiste à citer ici Jean-Jacques Goldman qui se pose ici en bon observateur de ce qui motive nos sociétés occidentales :

« J’envie ce que les autres ont
Je crève de ce que je n’ai pas
Le bonheur est possession
Le supermarchés mes temples à moi » (« Les choses » en ce moment sur toutes les bonnes radios)

Je cite la suite car décidément, on y trouve d’étranges échos à la situation de Frodo :

« Je prie les choses, elles comblent ma vie
C’est plus « je pense » mais « j’ai » donc je suis
(…)
Sans trône ou sceptre je me déteste
Roi nu, je ne vaux rien »

Il y est question de manque, de disgrâce et du regard posé sur soi : n’est-ce pas là le sort de Frodo après l’épisode du Mount Doom. Evidemment Goldman ne nous commente pas le SDA mais il parle de la convoitise et je crois sincèrement que l’on peut appliquer ce terme à notre héros sans minimiser ses efforts et sans porter atteinte encore une fois à sa « sainteté » !

Voilà, pour ce qui de faire court, c’est raté !
Tu le vois, nos points de vue ne sont pas si éloignés. Je m’arrête là de peur de décourager les lecteurs de ce fuseau… J
Bonsoir !

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#24 17-08-2002 02:45

jean
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Bonjour je suis tout nouveau sur ce forum et j'avoue après avoir lu quelques échanges être impressionné par la qualité des contributions. Il y a bien longtemps que je cherchais un site de ce type en français, cela va me reposer des sites en anglais que je consultais.

J'interviens tardivement dans le débat et ne reviendrai pas sur beaucoup de choses qui ont déjà été dites cependant pour répondre à la première contribution de Ylem, je souhaite temporiser son jugement très négatif sur la fin de Frodo. Il est faut de dire que Frodo "finit abandonné dans l'indifférence quasi générale"
- il est acclamé par toutes les armées du Gondor sur le champ du Cormalen
- il a le privilège de participer au couronnement d'Aragorn
- Arwen devinant son mal lui fait cadeau d'une précieuse pierre elfique qui pourra , dans une certaine mesure, le consoler de la perte de l'anneau
- lors du voyage du retour Gandalf est bien conscient de son mal et se montre compatissant à son égard
- même Sarouman juste avant de mourir rend hommage à sa sagesse et le place permis les plus grand s de la terre du milieu
Malheureusement ses blessures physiques et surtout morales sont trop graves pour pouvoir être guéries en terre du milieu et c'est pourquoi il se voit accorder le privilège inouï de passer en extrême occident dans l'île de Tol eressa où il pourra finir ses jours et mourir dans la paix.

Sur le fait de savoir si cette fin un peu amère était voulue par Tolkien la réponse est clairement oui. Dans l'history of ME C Tolkien a donné les différentes versions du rôle de Frodo. Au début il devait finir en grand guerrier quasi invincible, vaincre en duel le Roi Sorcier en personne sur les pentes de l'Orodruin, se battre en héros lors de la dernière bataille de la Conté et affronter et tuer en combat singulier le cher des brigands. Volontairement et au cours de plusieurs révisions Tolkien est arrivé à la formulation actuelle. Il s'agit donc bien d'une démarche volontaire et consciente.

Sur la réalité de l'épilogue non publié ou son coté "apocryphe" il n'y a pas de doute non plus, cet épilogue est publié par C. Tolkien dans l'history of ME

Sur la "faute" de Frodo sur le mont du destin il y a une réponse très claire de Tolkien dans une de ses lettres à un lecteur qui lui reprochait ce passage en disant que Frodo était un traître qui aurait du être fusillé à son retour (nous étions encore proche de la guerre et le problème des agents doubles et des déserteurs avait plus d'importance que maintenant). Je vous renvoie à ce passage faute de temps (lettre n°191 et aussi 192)

Sur le pessimisme lié à sa foi de Tolkien de même voir la lettre n°195 ou il déclare " Je suis un chrétien et même un catholique, par conséquent je ne peux considérer l'histoire que comme une longue défaite même si parfois elle contient des échantillons ou des aperçus de la victoire finale"

Il y aurait encore bien des choses à dire mais le temps me manque

a bientôt, cordialement

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#25 17-08-2002 15:54

Cedric
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Juste un petit mot pour souhaiter la bienvenue à Jean et le remercier pour cette première intervention. Jean, j'espère que tu trouveras sur JRRVF ce que tu as pu te manquer.


Cédric.

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#26 01-09-2002 14:06

Ylem
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Bonjour.  Mieux vaut tard que jamais, mes humbles réflexions reprennent la suite du débat de ce fuseau ;-)

Tout d'abord, sorry Nikita, mais, si je saisis parfaitement ton point de vue au sujet de la convoitise, il n’est pas parvenu à me convaincre. 
Si l’on convoite quelque chose, c’est toujours pour une bonne raison : la richesse, le sentiment d’appartenir à un groupe (mode), être meilleur que son voisin, se faire valoir auprès de ses pairs, atteindre la gloire, j’en passe… 
Or, il n’y a aucune raison pour laquelle Frodo serait pris de ce désir de possession, alors qu’au contraire, il démontre son désintéressement tant pour le pouvoir que la gloire ou que la possession matérielle d’un bout à l’autre du récit.
Mais bon, comme déjà dit, l’œuvre de Tolkien laisse suffisamment de place à l’interprétation pour que la tienne et la mienne puissent coexister !

Un tout grand merci, Jean, pour les références dans HoME et dans la correspondance de Tolkien.  Cela me surprend qu’il ait pu imaginer une fin héroïque pour le SDA.  Même « The Hobbit » laisse déjà entrevoir un épilogue en demi teinte. 
« The Letters » attendant encore des jours tolkienniens meilleurs avant de se faire une place sur mes étagères, ça me ferait sincèrement plaisir si tu avais un peu de temps pour inclure les passages dont tu parles dans ce forum…  Enfin… si tu en as l’opportunité et l’envie, naturellement…

Sinon, pour te répondre,
- Si Frodo force l’admiration de Saroumane, celui-ci lui prédit qu’il ne peut espérer ni santé ni longue vie.  Peut mieux comme encouragement, non ?

- Gandalf saisit effectivement que Frodo souffre d’un mal inguérissable, mais « il ne répondit rien » et après leur séparation, jamais il ne revint dans la Comté.  « Quand ses outils ont rempli leur tâche, il les laisse tomber », dit Saroumane.  C’est une peu excessif, d’accord, mais pas tout à fait faux.

- Oui, tu as raison, Gandalf et Aragorn qui sont justes et sages, savent ce que la Terre du Milieu doit à Frodo et font en sorte que les honneurs lui soient rendus à l’issue de la Quête.  Mais une fois l’exaltation de la victoire passée, il ne reste plus, au mieux, qu’un souvenir.  En Terre du Milieu comme ailleurs, la toute puissante « insoutenable légèreté de l’être » règne sur le quotidien et ne laisse guère de place, dans la durée, à la profondeur des relations.

- On peut effectivement voir le départ de Frodo à l’Ouest comme une récompense suprême et exceptionnelle.  On peut aussi y voir une allégorie de la mort.  Le départ de Frodo, cela veut dire aussi qu’il n’est plus utile, plus intéressant pour la Terre du Milieu.  Quel dommage, alors que « le nettoyage de la Comté » montre amplement la sagesse et la grandeur qu’il a acquises lors de sa Quête.  N’avait-il pas encore beaucoup de choses à apporter ?  C’est un peu comme si la Terre du Milieu n’avait rien à faire de son discours humaniste, mais préfère être éblouie par les armures étincelantes de Merry et Pippin.  Cela aussi fait partie de l’amertume de la fin du récit.

Pour conclure, d’accord pour mettre un bémol à mon jugement,… mais alors, un tout petit bémol ;-)
Ylem.

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#27 13-09-2002 19:34

Ylem
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Re : Plaidoyer pour Frodo

.. Comme il est dit que l'on n'est jamais si bien servi que par soi-même, voici, pour ceux que ça intéresse (et qui, comme moi, n'ont qu'une bibliothèque tolkiennienne réduite), deux extraits des Lettres de Tolkien, finalement dénichées lors de pérégrinations sur la Toile (en espérant qu'elles soient exactes !).

"If you re-read all the passages dealing with Frodo and the Ring, I think you will see that not only was it quite impossible for him to surrender the Ring, in act or will, especially at its point of maximum power, but that this failure was adumbrated from far back. He was honoured because he had accepted the burden voluntarily, and had then done all that was within his utmost physical and mental strength to do. He (and the Cause) were saved - by Mercy: by the supreme value and efficacy of Pity and forgiveness of injury." [Letter #191]

"Frodo was in such a position: an apparently complete trap: a person of greater native power could probably never have resisted the Ring's lure to power so long; a person of less power could not hope to resist it in the final decision. (Already Frodo had been unwilling to harm the Ring before he set out, and was incapable of surrendering it to Sam.)
The Quest (therefore) was bound to fail as a piece of world-plan, and also was bound to end in disaster as the story of humble Frodo's development to the `noble' sanctification. Fail it would and did as far as Frodo considered alone was concerned....It arose naturally from my `plot' conceived in main outline in 1936. I did not foresee that before the tale was published we should enter a dark age in which the technique of torture and disruption of personality would rival that of Mordor and the Ring and present us with the practical problem of honest men of good will broken down into apostates and traitors.
But at this point the salvation of the world and Frodo's own salvation is achieved by his previous pity and forgiveness of injury. At any point any prudent person would have told Frodo that Gollum would certainly betray him, and could rob him in the end....He did rob him and injure him in the end - but by a "grace", that last betrayal was at a precise juncture when the final evil deed was the most beneficial thing any one cd. have done for Frodo!"[LETTER #181]

Au delà de toute interprétation, il apparaît clairement :
- que la mission de Frodo était ,dès l'origine, impossible, vouée à l'échec,
- que celui-ci a fait bien plus que personne d'autre n'aurait pu faire, se sacrifiant corps et âme pour elle,
- que le sauvetage de la Terre du Milieu n'est finalement permis que par la compassion et le pardon dont Frodo a fait preuve à l'égard de Gollum ("Grâce" accordée par Iluvatar ?)

...choses déjà abordées par Cédric dans un ancien fuseau tout en bas de la (longue) liste et que j'aurais mieux fait de consulter avant de vous abreuver de ces mots (cf. "Frodon à Orodruin" 22-12-2000) !

...Quoique...  Voilà qui me fait "ajouter une petite couche" à mes développements antérieurs, sur la soi-disant "faute" de Frodo au Mont Doom !
De longues discussions sur le fuseau "Affaire de volonté" ont tenté de montrer une possible intervention ou inspiration d'Eru dans la décision de Frodo de se charger de son impossible mission.  Il est, à mon sens, beaucoup plus aisé de trouver des arguments prouvant que, lorsque Frodo revendique l'Anneau pour sien, il ne s'agit cette fois, plus d'un acte guidé librement par sa propre volonté.  Ainsi, s'il me semble assez hasardeux de dire que c'est Eru qui parle à travers Frodo au Conseil d'Elrond, il est beaucoup plus probable et facilement démontrable qu'au moment ultime de la Quête, ce n'est pas Frodo lui-même qui parle.  D'ailleurs, alors qu'il fait face à Gollum, sa voix se confond clairement avec celle de l'Anneau lui-même. 

Il me semble personnellement très clair qu'au moment fatidique, le pouvoir maléfique de l'Anneau, au sommet de sa puissance, se substitue à la volonté de Frodo -  montrant ainsi la fondamentale différence entre Eru-Dieu, qui laisse l'homme libre de ses choix et le Mal, qui asservit.

Ylem.

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#28 14-09-2002 05:19

Szpako
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Bien vu, et à ce moment "fatidique" l'Anneau est une Roue de Feu ;-)

Cathy

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#29 15-09-2002 14:05

NIKITA
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Re : Plaidoyer pour Frodo

>Ylem
Je ne reviens sur les extraits que tu as cités pour justifier le fait que l’échec de Frodo était prédestiné.
En revanche, j’ai du mal à te suivre dans ton interprétation de son attitude sur le Mont Doom. Et puisque tu fais allusion à ce fameux fuseau « Affaire de volonté » où nous avons trouvé des arguments dans le texte lui-même (ne partageant pas les mêmes sources…), je suis allé relire ce fameux passage.
Aussi lorsque tu écris :

« D'ailleurs, alors qu'il fait face à Gollum, sa voix se confond clairement avec celle de l'Anneau lui-même.

Fais-tu allusion à cette phrase précise ?

« Frodon bougea alors et il parla d’une voix claire, d’une voix plus claire et plus puissante, en fait, que Sam ne l’avait jamais entendu employer, et elle dominait le vrombissement et le tumulte de la Montagne du destin, qui se répercutaient sur la voûte et les murs. » (Edition Folio Junior, p.354)

Parce que je ne vois pas vraiment ce qu’il y a de clair ni de comparable avec le fameux « comme si quelque autre volonté se servit de sa petite voix ». Entends-moi bien, je ne nie pas le fait que Frodo soit totalement asservi par l’anneau mais s’il est une victime, c’est une victime « consentante » ou en apparence complice ! Sinon il ne dirait pas…

« Il ne me plaît pas, maintenant, de faire ce pour quoi je suis venu. je n’accomplirai pas cet acte. L’Anneau est à moi ! » (Edition Folio Junior, p.354)

mais quelque chose qui pourrait ressembler à : « Nul ne peut se soustraire au pouvoir de l’anneau! ». En fait, j’avance l’hypothèse qu’au moment où il revendique l’anneau, il cherche toujours à le sauver des mains de Sauron, seulement il prend la plus mauvaise décision, celle contre laquelle on l’avait mis en garde… Ce qui me fait penser cela, c’est la réaction de Sauron quand il découvre que Frodo possède l’Anneau : on ne peut pas dire que cela le réjouisse ni que cela arrange ses plans :

« Le Seigneur Ténébreux fut soudain averti de sa présence, et son Oeil, perçant toutes les ombres, regarda par-dessus la plaine la porte qu'il avait faite; l'ampleur de sa propre folie lui fut révélée en un éclair aveuglant et tous les stratagèmes de ses ennemis lui apparurent enfin à nu. Sa colère s'embrasa en un feu dévorant, mais sa peur s'éleva comme une vaste fumée noire pour l'étouffer. Car il connaissait le péril mortel où il était et le fil auquel son destin était maintenant suspendu. » (Edition Folio Junior, p.354-355)

La dernière phrase est assez étonnante car on a l’impression que le destin de Sauron est désormais entre les mains du hobbit et qu’il (Sauron) perd tout contrôle, et non l’inverse !
Qu’en pensez-vous ?

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#30 15-09-2002 06:47

Szpako
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Nikita, 

Le passage auquel fait référence Ylem, je suppose, est celui-ci :

"Puis, soudain, comme auparavant sous les surplombs de l'Emyn Muil, Sam vit ces deux rivaux sous un autre jour. Une forme ramassee sur elle-meme, à peine plus que l'ombre d'un être vivant, une créature à présent complètement défaite et vaincue, ms cependant pleine de rage et d'une hideuse convoitise; et devant elle se dressait, sévère, inaccessible maintenant à la pitié, une figure en blanc; mais sur la poitrine elle tenait une Roue de Feu. Du feu, parla une voix de commandement.
"Va-t-en et ne m'importune plus ! Si jamais tu me touches encore, tu seras toi-même jeté ds le feu du Destin." (p.300, pocket).

Je t’invite à lire aussi le fuseau de Curufinwe, que personne n’a daigné répondre et matière à réflexion  Une roue de feu? Que dire?

Moi, j’ai ma petite idée personnelle  sur cette Roue, mais vue l’heure, à plus tard ;-))

Cathy

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#31 15-09-2002 19:46

Szpako
Inscription : 2001
Messages : 635

Re : Plaidoyer pour Frodo

Je continue ;-))

Par contre le passage que tu cites, Nikita, donne dans la version originalle ceci :

« Then Frodo stirred and spoke with a clear voice, indeed with a voice clearer and more powerful than Sam had never heard him use, and it rose above the throb and turmoil of Mount Doom, ringing in the roof and walls. ‘I have come,’he said. ‘But I do not choose now to do what I came to do. I will not do this deed. The Ring is mine !’ »

Première remarque, notons dans ces 2 passages les tournures « a commanding voice » qui semble provenir de la roue de feu et « a clear voice » qui s’opposent à celle utilisée au conseil d’Elrond : « his small voice ». A Imladris c’est bien Frodo qui décide (même s’il y a un petit coup de pouce de la main divine ;-)).
A Orodruin la volonté de Frodo est totalement dominée par l’Anneau comme le dit Ylem, d’où seconde remarque :

Lorsque Frodo, usé, se rend maître de l’Anneau, il dit « I do not choose » et non « I choose not to do » ; ceci impliquerait donc qu’il n’a plus la capacité de choisir, le choix a été fait à sa place. Le fait de dire au contraire « I choose not to do » confirmerait l’affirmation de sa propre volonté.

Et la providence, grâce à Gollum, se charge du reste, comme l’avait prédit d’ailleurs la roue de feu ;-)) L’acte final de Gollum est loin d’être un accident, cela tient plutôt d’un événement prodigieux qui évoque les « abîmes de richesses » qui caractérisent les intentions divines : une Frodo à 9 doigts qui fait écho à un Sauron à 9 doigts aussi. L’ironie du Sort ? ;-)

Frodo, coupable, non coupable ? Echec du libre-arbitre ou plutôt le constat lucide qu’avec le mal, on ne fait et on ne fera jamais que ce que l’on peut : « But one must face the fact : the power of Evil in the world is not finally resistible by incarnate creatures, however ‘good’ ; and the Writer of the Story is not one of us ». (Lp.252). Que l’on soit dans le monde primaire ou le monde secondaire …

A +

Cathy

PS Je donne la version anglaise du passage cité par Curufinwe : « Then suddenly, as before under the eaves of the Emyn Muil, Sam saw these two rivals with other vision. A crouching shape, scarely more than the shadow of a living thing, a creature now wholly ruined and defeated, yet filled with a hideous lust and rage ; and before it stood stern, untouchable now by pity, a figure robed in white, but at its breast it held a wheel of fire. Out of the fire there spoke a commanding voice.
‘Begone and trouble me no more ! If you touch me never again, you shall be cast yourself into the Fire of Doom
».

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#32 15-09-2002 22:54

Owina
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Je suis d'accord avec toi Spzako sur le fait que Frodon agit à la fin contre sa volonté n'ayant plus de volonté propre .Comme l'indique très bien la version originale Frodon n'a pas le choix , il est complètement dominé par l'anneau . il ne commet donc pas de faute , il est tout simplement trop faible pour combattre la puissance du mal .
Son échec est prévisible . de là on peut arriver effectivement à l'idée qu'aucune créature du monde ne peut lutter au final contre les forces du mal ( "avec le mal, on ne fait et on ne fera jamais que ce que l’on peut ") .
Mais j'ai une autre interprétation à ce sujet , une interprétation un peu plus optimiste . Certes Frodon et le monde avec lui , sont sauvés par la Providence .( ce dont parle aussi Ylem), mais l'action de la providence n'est rendue possible que parce que Frodon a épargné Gollum au paravant alors même qu'il savait que Gollum pouvait le tuer . S'il ne l'avait pas fait , alors Gollum n'aurait pas été là. Donc Frodon a contribuer au succès finale de sa quête .Non seulment il a lutté jusqu'au bout ( tout ce qu'on pouvait attndre de lui ) et en plus par la compassion qu'il montre à l'égard de gollum et le choix ( son propre choix à lui ) qu'il fait de l'épargner ,il contribue à ce que se mette en place le seul (peutêtre )scénario de réussite . Donc tout cela pour dire que le bien peut triompher du mal mais le chemin du triomphe ne passe par la force (physique , mental ) mais par la pitié, la compassion .
Ce n'est biensûr qu'une interprétation parmi tant d'autres
a+
Owina

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#33 16-09-2002 11:49

jean
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Re : Plaidoyer pour Frodo

je suis tout à fait d'accord avec toi Owina. On pourrait en plus ajouter la pitié de Bilbo qui épargne Golum au début du hobbit et celle de Gandalf qui enseigne à Frodo l'utilité de cette miséricode, et celle des elfes qui laissent échapper Golum car ils voulaient lui laisser respirer de l'air pur au lieu de l'enfermer dans une prison, et celle D'Aragorn qui bien qu'ayant détecté Golum des la Moria l'a laissé faire...

L'EOucatastrophe de l'intervention de Golum est donc due à longue chaine de compassion et de pitié. Il aurrait suffit qu'elle soit rompue en un seul point pour ne pas se produire. Ta remarque est donc encore plus fondée qu'il nèy parrait au premier abord.

Je pense même que l'on pourrait probablement évoquer là la croyance de Tolkien en la communion des Saints mais je laisse cela à plus compétent que moi

cordialement

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#34 16-09-2002 17:53

DwarvenAvenger
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Sur la liste des gens qui ont épargné Gollum, il faut ajouter Sam, qui l'a laissé sur les flans même de la montagne du destin, et Faramir, qui a accepté de lui laisser la vie sauve à Amon Hen.

On pourrait même ajouter Shelob à la liste, puisqu'elle a epargné Gollum elle aiussi, contrairement à ses habitudes, voir Sauron, qui l'a eu en son pouvoir et l'a laissé repartir. Evidemment, ces deux la ne l'ont pas fait par pitie, mais dans l'espoir que Gollum apporterait plus de mal libre et vivant que mort, ce en quoi ils se sont trompés.

Si on ajoute à cela les tentatives ratées (les elfes de la Lorien, les orcs de Mordor,...) ca fait beaucoup

Ainsi, malgré les nombreuses occasions, le destin de Gollum semblait-il bien traçé : lui aussi était un élément important de la quête.

Ce n'est donc pêut être pas Frodo qu'il faut réhabiliter (puisque son rôle a été reconnu) mais plutot Gollum : de la même façon que Bilbo et Frodo étaient destinés à porter l'Unique, lui était destiné à le détruire non ?

Keren, Venfeur Nain

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#35 16-09-2002 19:42

Ylem
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Re : Plaidoyer pour Frodo

... pour l'instant, pas grand chose de neuf à ajouter à ces commentaires, si ce n'est :

- qu'il s'agissait bien du passage auquel je faisais allusion, Szpako.  Merci à toi pour la citation et ta réponse qui, à peu de choses près, aurait pu être la mienne

- que tes propos, Owina, m'apparaissent personnellement irréfutables

- qu'à la chaîne de compassion décrite par Jean, pourrait encore s'ajouter, celle dont Sam fait finalement preuve à l'égard de Gollum tout au bout de la Quête, alors qu'il le tient au bout de son épée - mais je vois, Maître Nain, que tu m'as devancé sur le sujet !  (Ajouter Faramir ?  Ca se discute...  Ce n'est pas vraiment la pitié qui le retient d'éliminer Gollum, il me semble...)

Ylem.

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#36 16-09-2002 21:32

DwarvenAvenger
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Ouppps,

qu'ai-je dit ???

Faramir à Amon Hen !!!

Bien sur, il s'agit de Henneth Annun !!!

Honte sur moi ! Je m'arrache la barbe de honte et de desespoir...

Sur le fait que Faramir ne montre pas de pitié, que penser de ce passage ?

T2, Chap. VI. LE LAC INTERDIT, Page 402:
- Pas d'autre chemin? dit Faramir. Comment le savez-vous? Et qui a exploré tous les confins de ce sombre royaume? Il regarda longuement Gollum, d'un air pensif. Il reprit bientôt la parole : Emmenez cette créature, Anborn. Traitez-la avec douceur, mais surveillez-la. Et vous, Sméagol, n'essayez pas de plonger dans les chutes. Les rochers y ont de telles dents qu'ils vous tueraient avant l'heure. Laissez-nous maintenant, et prenez votre poisson!

Pour moi, Framir est touché par l'apparence de Gollum (et son discours précéden) et cela fait partie de sa décision.

Keren, Vengeur nain

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#37 16-09-2002 22:10

NIKITA
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Re : Plaidoyer pour Frodo

Excellents tous ces commentaires ! Grâce à eux, des fuseaux injustement oubliés (« Frodo à Orodruin » et « Une roue de feu ? Que dire ? ») reprennent vie ! C’est tant mieux !

>Ylem et Spzako
Je vois mieux ce que vous vouliez dire avec la Roue de feu. Je ne peux que constater qu’il y a un monde entre le texte anglais (« But I do not choose now to do what I came to do. ») et la traduction française (« Il ne me plaît pas, maintenant, de faire ce pour quoi je suis venu. ») ! Il est en effet difficile d’affirmer ce qui se passe à ce moment-là en Frodo : il est incontestablement à la merci de l’Anneau mais en même temps cette « victoire » de l’Anneau se retourne contre lui et Sauron, d’où la réaction de ce dernier que personne n’a commentée mais qui me semble révélatrice à ce moment-clé !
Peut-on encore parler de faute en ce qui concerne Frodo ? Eh bien je dirais, pour m’en tirer avec une pirouette, qu’il a malgré tout été, « à l’insu, de son plein gré », contaminé par le Mal, sali en quelque sorte. Comment expliquer sinon son absence de guérison et son départ des Havres-Gris ? Avoir été ainsi « instrumentalisé » par le mal l’a blessé profondément et même si tout le monde reconnaît le prix de son sacrifice, sa conscience ne peut qu’en souffrir… Encore une fois je ne lui jette pas la pierre, cette épreuve ne fait que l’honorer à mes yeux !

>Owina : Bienvenue sur ce forum et dans l’Education Nationale ! Tu va voir, les deux sont passionnants !:-)

>Jean : Je ne vois pas trop le parallèle que tu veux dresser entre le sujet de ce fuseau et la Communion des Saints. Certes nous avons employé le terme de « saint » (plutôt que christique) pour qualifier Frodo mais la Communion des Saints est un dogme qui concerne la vie des saints après leur mort et qui a fait débat au sein de l’Eglise d’ailleurs... Mais peut-être veux-tu parler de l’existence de Frodo à Valinor ?

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#38 16-09-2002 23:54

jean
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Re : Plaidoyer pour Frodo

NIKITA,

je ne crois pas que la communion des saints concerne uniquement les saints après leur mort. Au contraire, dans la foi catholique, il s’agit d’une solidarité matérielle et spirituelle entre les saints déjà au  paradis, les âmes du purgatoire et les vivants y compris les pécheurs car “comme ils appartiennent toujours au corps de l’Eglise et que, semblables à des membres momentanément paralysés, ils pourront reprendre vie et mouvement, ils ne sont donc pas privés des avantages de la communion des saints “ [FC n°140]

En ce sens la communion des Saints est donc bien une solidarité entre les vivants et les morts mais surtout parmi les vivants entre  eux, les bonnes actions accomplies par les uns pouvant servir à la rédemption des autres.  Un des exemple le plus souvent cité de ce type de communion des saint est celui de sainte Thérèse  offrant ses souffrances pour obtenir la conversion d’un condamné à mort.

En ce sens je pense que l’on peu parler de “communion des saints” dans le cas  Frodo sur le mont du destin. La somme de toutes les bonnes actions accomplies par tous ceux qui ont montré de la pitié pour Golum permettant de sauver Frodo au moment crucial.

Ps d’autres exemples de “communion” spirituelle peuvent être trouvé dans le SdA, par exemple sur Amon Hen lorsque Gandalf donne la force à Frodo de retirer l’anneau juste au moment ou Sauron va le découvrir

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#39 17-09-2002 10:45

Lambertine
Inscription : 2002
Messages : 2 828

Re : Plaidoyer pour Frodo

C'est mon premier message sur ce forum et je risque de passer pour une béotienne qui ne connaît pas Tolkien à fond. Bon, d'accord, je ne connais pas Tolkien à fond et je n'ai pas les livres à portée de main ...

La fin Du Seigneur des anneaux est à mes yeux profondément triste pour Frodon, mais pas amère. Il est évidemment une figure assez  " christique" , l'agneau autosacrifié, en quelque sorte. Sacrifié en toute connaissance de cause. Frodon en ce sens est un martyre et non une victime.

Sacrifié, mais pas abandonné ou oublié. S'il se retire " de la vie publique" , c'est de par sa propre volonté. Il a été trop blessé, physiquement et moralement, par sa quête, pour être "le grand Frodon de la Comté".

Je reviens sur le couronnement d'Aragorn. J'ai toujours vu ce passage, non comme une quelconque "remise de récompense, de médaille", accordée par le Roi, mais au contraire, quelque part, comme une allégeance spirituelle d'Aragorn à Frodon. Ce n'est pas seulement le couronnement du Chef suprême, c'est celui du Roi ET du Porteur de l'Anneau. Aragorn n'a pas oublié Frodon. Par ce geste, il dit au monde entier : c'est par lui que je suis là.

C'est vrai que les autres personnages "furent heureux" (les survivants, du moins. C'est vrai qu'ils connurent tous les bonheurs terrestres, et la gloire, et l'amour (pour certains). Mais le sacrifice de Frodon n'en est que plus exemplaire. Tout ce qu'il a fait, il ne l'a pas fait pour rien.

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#40 18-09-2002 18:47

NIKITA
Inscription : 2002
Messages : 223

Re : Plaidoyer pour Frodo

Jean : « je ne crois pas que la communion des saints concerne uniquement les saints après leur mort. »

Effectivement je le découvre grâce à toi en relisant le catéchisme de l’Eglise catholique. Je n’avais envisagé que la dimension eschatologique de ce dogme.
Cela dit, je pense que son application au SDA et en particulier au passage final du Mont Doom est assez délicat. Je m’explique.

Les « biens spirituels » dont les fidèles bénéficient dans la communion des saints ne sont pas réductibles à un simple rachat : la bonne action d’un Saint = le rachat d’un péché. Dieu merci, on est sorti de ce mode de raisonnement qui faisait des Indulgences un commerce pas très catholique ! Il me semble que ce qui peut racheter un péché, c’est la contrition sincère de son auteur et le pardon du Père. Les Saints ont en ce domaine un rôle d’intercession et d’exemple à donner mais sans la Rédemption du Christ, tout ceci serait vain. C’est le Christ qui sauve les croyants, pas les Saints, même s’ils ont leur rôle à jouer.

Jean : « En ce sens je pense que l’on peut parler de “communion des saints” dans le cas Frodo sur le mont du destin. La somme de toutes les bonnes actions accomplies par tous ceux qui ont montré de la pitié pour Gollum permettant de sauver Frodo au moment crucial. »
Qui sont les saints exactement ? Bilbo ? Faramir ? Sam ? Sont-ils saints parce qu’ils ont laissé la vie à Gollum ? Un acte de pitié suffit-il pour accéder à ce titre ? Il y aurait alors beaucoup de saints parmi nous ! Je ne veux pas minimiser la portée de leurs actes mais je crois que tu prends le problème à l’envers. Dans l’histoire, c’est plutôt Frodo qui est sanctifié par le prix de son sacrifice, et non l’inverse : c’est lui dont l’action profite aux autres mais je ne pense pas que l’on puisse parler ici de communion des saints car quel serait le péché à racheter ?
En revanche qu’il y ait « communion » (mais alors pas au sens chrétien stricto sensu), continuité entre ces actes de pitié, je veux bien l’admettre.

Voilà je me suis hasardée dans les méandres de la théologie sans faire, je l’espère, de contre-sens. Si c’est le cas, « rachetez »-moi !

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#41 19-09-2002 03:25

Szpako
Inscription : 2001
Messages : 635

Re : Plaidoyer pour Frodo

Dans le cas de Frodo sur Mount Doom et de son échec, on pourrait y voir une autre interprétation plus biblique (pessimiste pensera sans doute Owina ;-)), si l’on considère que l’Anneau est le symbole de la Tentation, révélateur de la part d’ombre des êtres, interprétation (en gras) faisant écho aux paroles de Paul dans son Epître aux Romains :

« En effet, nous savons que la loi est spirituelle ; mais moi je suis un être de chair, vendu au pouvoir du péché. Vraiment ce que je fais je ne le comprends pas ; car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais…. en réalité ce n’est plus moi qui accomplis l’action, mais le péché qui habite en moi. Car je sais que nul bien n’habite en moi, je veux dire dans ma chair ; en effet, vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir : puisque je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas. Or si je fais ce que je ne veux pas, ce n’est plus moi qui accomplis l’action, mais le péché qui habite en moi » (Rom., 7, 14-20).


Jean  > Tolkien pessimiste, oui,  face à l’excès de mal en ce monde (qui dépasse celui du monde secondaire, cf. L181 citée par Ylem plus haut), mais optimiste dans la croyance et dans la confiance (Estel)  d’un sens caché du non-sens apparent de l’histoire, permettant l’exorcisme du désespoir, de tout défaitisme, car d’abord, le péché n’est pas le centre du Credo chrétien, on ne croit pas au péché, mais au salut. Il me semble que le mythe de Frodo révèle cette Vérité … ( ?).

A+
Cathy (rêveuse dans les méandres de la théologie ;-))

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#42 19-09-2002 22:54

Owina
Inscription : 2002
Messages : 106

Re : Plaidoyer pour Frodo

Je ne suis pas entièrement d'accord avec ta comparaison,Szpako , mais , même si on interprête ainsi "l'échec" final de frodon , cela ne remet pas en cause l'essentiel de mon interprétation à savoir : m^me si l'Homme ne peut pas  combattre le mal ancré en lui par sa volonté, il le peut par un autre  moyen  : la compassion. Donc il y a bien un espoir .On peut aussi à ce propos remarquer que ce qui est proner par de nombreuses religions (  chrétienne, boudhisme ) est justement la compassion / l'amour du prochain ..
A+
Owina

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