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A part les Hobbits et leurs cadeaux d'anniversaire, je n'ai pas de réel souvenir d'us et coutumes des peuplades de la Terre du Milieu.
Des idées ?
Cédric.
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En vitesse, il y a le "salut vers l'Ouest". Mais il me semble qu'il est possible de trouver d'autres coutumes, comme de donner des noms de fleurs aux petites filles hobbites.
T2, Chap. V. LA FENETRE DE L'OUEST, Page 380:
Avant de commencer le repas, Faramir et tous ses hommes se tournèrent face à l'ouest et observèrent un moment de silence. Faramir fit signe à Frodon et à Sam de les imiter.
Nat
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L'arrivée des Nains chez Bilbo, au début de Bilbo le Hobbit, est ponctuée par la formule de politesse "pour vous servir". Ainsi peut-on lire: "Aussitôt la porte ouverte, il entra tout comme s'il était attendu. Il suspendit son capuchon à la patère la plus proche et dit avec un profond salut: "Dwalin, pour vous servir!. Bilbo Baggins, à votre disposition!" dit le Hobbit(...). Ou "A votre service et à celui de votre famille! répondit Bilbo, observant cette fois les convenances."
Et ainsi de suite, le tout dans un profond salut.
Et puis le moment sacré du thé, une coutume que les Hobbits partagent avec les Anglais, n'est-il pas? :-)
Aredwin, pour vous servir.
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Eva > Avant de commencer le repas, Faramir et tous ses hommes se tournèrent face à l'ouest et observèrent un moment de silence. Faramir fit signe à Frodon et à Sam de les imiter.
Doit-on y voir là le regret de Númenor engloutie ? Ou alors un hommage aux Valar qui résident à Valinor ?
Cédric.
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En effet, lorsque Faramir et ses hommes se tournent vers l' Ouest, il faut y voir un hommage à Númenor, il me semble que c' est dit dans le SdA.
Sinon, on peut aussi se souvenir que seules les Reines des royaumes Elfique offrent du lembas (Melian en offre à Beleg, et Galadriel à la communautée).
On sait aussi que les testaments des Hobbits doivent etre signé à 7 reprises à l' encre rouge.
On pourrait aussi parler des noms secrets des Nains , qui ne sont jamais révélés à d' autres que les Nains et qui ne sont même pas inscrits sur leurs tombes (EJK en parle dans son dernier dictionnaire, mais je ne sais pas où le trouver ailleur).
On peut aussi se souvenir que les Rois de Númenor portent leurs noms en Quenya (tradition qui ne sera pas toujours respecté), et qu' ils ne prononçaient aucunes paroles sur le Meneltarma.
C' est tout ce qui me viens à l' esprit pour le moment, mais il doit y en avoir d' autres.
Thomas
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Ce ne sont pas les Rois qui ne parlent pas sur le Meneltarma; au contraire ce sont les seuls à pouvoir y parler et uniquement pendant les trois offrandes à Eru:
-l'Erukyermë (début du printemps)
-l'Erulaitalë (mi-été)
-l'Eruhantalë (fin de l'automne)
Caranthir
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il est aussi fait reference dans les cli 3 de la tradition d'isildur qui veut que personne ne trouble le silence sur l'Amon Anwar a l'emplacement de la tombe d' elendil sauf son héritier.
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On trouve chez les Rohirrim une coutume où ils partagent une coupe de vin avant un départ.
Les Deux Tours, livre 3, chap 4, Le Roi du château d’or
« Le Roi se leva et aussitôt Eowyn s’avança, apportant du vin.
- Ferthu Théoden hal ! dit-elle. Recevez maintenant cette coupe et buvez à un moment heureux. Que la santé t’accompagne à l’aller et au retour !
Théoden but à la coupe, puis elle la présenta aux invités. »
Le retour du Roi, livre 5, chap 2, Le passage de la compagnie grise
« Sa compagnie était déjà à cheval, et il allait sauter en selle quand la Dame Eowyn vint lui dire adieu. Elle était vêtue en cavalière et ceinte d’une épée. Elle avait à la main une coupe ; elle la porta à ses lèvres et but une gorgée, leur souhaitant bonne chance ; puis elle tendit la coupe à Aragorn, qui but »
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Le tome 2 du Livre des Contes Perdus nous présente la fête de Tarnin Austa célébré par les elfes de Gondolin au début de l’été.
« Car sachez qu’une certaine nuit leur coutume était de commencer une cérémonie solennelle à minuit, la poursuivant jusqu’à ce qu’apparût l’aube de Tarmin Austa, et aucune voix ne brisait le silence de minuit jusqu’au lever du jour, mais ils saluaient l’aube par d’antiques chants. »
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On peut également évoquer la forte tradition qui entoure le mariage des Elfes. Tradition évoquée dans le fuseau
Laws and Customs among the Eldar (cf. mon message du 15-05-2002 à 23:34).
Cédric.
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Je me permets de remonter cet ancien fuseau sur les us et coutumes des peuples de la Terre du Milieu pour revenir sur la tradition des cadeaux chez les Hobbits lors de leur anniversaire et relever les analogies entre cet écrit fictionnel et l’un des textes fondateurs de la sociologie et de l’anthropologie du XXe s.
En effet, cette tradition hobbite m’a toujours évoqué la théorie du don et du contre-don de Marcel Mauss (Cf. L'Essai sur le don, 1924), socio-anthropologue français et neveu (tiens ? ;-)) d’Emile Durkheim, fondateur de l’Ecole française de sociologie.
En particulier cette phrase du Seigneur des Anneaux (p. 41, éd. compacte) :
« En fait, à Hobbitebourg et à Lèzeau, chaque jour de l’année était l’anniversaire de quelqu’un, de sorte que tout Hobbit de cette région avait une bonne chance de recevoir au moins un cadeau une fois par semaine, au moins (je souligne). »
Dans son analyse sur le don, M. Mauss étudie la nature de l’échange dans les sociétés primitives en examinant les systèmes de prestations et de contre-prestations de biens mais aussi de services chez les Kwakiutl d’Amérique du Nord (le potlatch) et les Trobriand de Mélanésie (la kula).
Le potlatch est organisé à l’occasion des moments marquants de l’existence des individus, comme les anniversaires. Des réceptions sont organisées durant lesquelles des cadeaux sont distribués par l’invitant à ses invités. Mais ce don oblige à en faire un en retour. On ne peut donc refuser un potlatch. Quant à la kula, c’est un échange qui s’organise autour de la circulation de deux types de biens. Ces biens apportent prestige à celui qui les reçoit, mais il ne peut les conserver que temporairement et doit les offrir à son tour à quelqu’un d’autre, lui-même devant alors suivre la même obligation. Ces deux biens circulent d’île en île mais chacun dans un sens opposé. Ainsi, celui qui doit remettre un bien à un moment donné, recevra quelque temps après en échange un autre bien.
M. Mauss en déduit que le moteur de ces phénomènes réside dans la réciprocité : tout don appelle nécessairement un don en retour. Mais ce n’est ni du libre-échange, ni une transaction marchande car elle engage bien plus des groupes sociaux que des individus. Le don initial et la contre-prestation ne procèdent pas du libre choix des acteurs mais obéissent à des contraintes. L’échange lui apparaît ainsi comme la combinaison de trois obligations : obligation de donner, obligation de recevoir et obligation de rendre. D’autre part, le don en retour est toujours différé dans le temps par rapport au don initial, ces différents moments de l’échange correspondant aux trois obligations.
Ce contre-don différé permet de ne pas percevoir le caractère contraignant de ce type d’échange. Les acteurs ont donc l’illusion d’agir librement et gratuitement. Ces phénomènes d’échange visent ainsi la cohésion et l’harmonie de la société toute entière. Ce sont donc des faits sociaux totaux (ou « systèmes de prestations totales ») car s’y expriment les institutions religieuses, juridiques, morales, politiques, familiales et économiques de la société.
Qu’en est-il de la réception et de l’offre de cadeaux chez les Hobbits ? La lettre de Tolkien à A.C. Nunn de fin 1958-début 1959 (p. 407-417 de l’édition française) nous permet de rentrer dans le détail de cette tradition.
Nous y apprenons que la coutume consistant à faire des cadeaux était commune à toutes les variétés de Hobbits, se manifestant sous des formes diverses dans les différentes branches. Si les Forts étaient à bien des égards plus « primitifs » que les autres familles hobbites, l’importance de la parenté était bien établie chez les gens de la Comté, qui possédaient par conséquent des traditions plus « complexes » et des coutumes si bien établies qu’elles en étaient souvent devenues des « formalités ». Mais les « anniversaires » demeuraient d’une importance sociale considérable. Et Tolkien poursuit : « En ce qui concerne les cadeaux : pour son anniversaire, le ‘‘naissant’’ offrait et recevait des cadeaux ; mais les processus différaient dans leur origine, leur fonction et leur protocole. »
L’acte de recevoir des cadeaux était la coutume la plus ancienne et, par conséquent, la plus formalisée. Ce rituel était lié à la parenté, marquant l’intégration officielle du « naissant » à une famille ou un clan. Quant à l’offre de cadeaux, elle était considérée comme une affaire personnelle qui n’engageait pas que la famille au sens strict, mais l’ensemble de la société. Et Tolkien écrit : « C’était en quelque sorte une manière de ‘‘rendre grâce’’ et considérée comme la reconnaissance de services et de bienfaits reçus (c’est moi qui souligne) [...]. » Si Tolkien insiste ensuite sur le caractère limité, dans l’espace, des membres de la parenté devant faire des cadeaux, à l’origine, ce rituel engageait l’ensemble des membres du clan. « Cette limitation dans la résidence, en Comté, était visiblement une conséquence relativement récente de la dislocation progressive des communautés de parentés et de familles et de la dispersion des parents […]. »
En ce qui concerne l’acte de don (je souligne) de cadeaux par le « naissant », il était donc personnel et variait dans sa forme en fonction des époques et des lieux. Si ce don n’était pas fixé par une règle, le fait de ne pas en donner à un membre de sa parentèle ou de sa communauté était considéré comme une punition et l’expression d’un grand mécontentement. D’autre part, l’obligation de don (c’est moi qui souligne) variait selon l’âge et le statut du « naissant », les chefs de famille ayant des obligations plus contraignantes que les indigents ou les jeunes. Toutefois, « l’une des cérémonies les plus fréquentes pour un anniversaire était une ‘‘réception’’ donnée le soir du Jour [de l’anniversaire]. Tous les invités recevaient un cadeau de la part de l’hôte, et s’y attendaient, comme une partie intégrante du divertissement […]. Mais ils n’apportaient pas de cadeaux avec eux. » Ils devaient en effet offrir un cadeau au « naissant » avant le jour de la réception.
Après ce résumé de l’exposé de Tolkien sur les coutumes hobbites liées aux dons et contre-dons de cadeaux, il ajoute : « […] donner des informations ouvre toujours sur de nouveaux aperçus ; et vous vous [A.C. Nunn] apercevrez sans doute que cette brève description des ‘‘cadeaux’’ suscite encore d’autres questions anthropologiques, latentes dans les termes de parenté, de famille, de clan, etc. » S’ensuit une description des structures familiales hobbites, sur laquelle je ne reviendrais pas ici, mais qui démontre que cette question des cadeaux est liée à l’organisation même de la société hobbite, ce qui renvoie implicitement à l’analyse de M. Mauss sur les prestations et les contre-prestations dans les sociétés « archaïques ».
Dans un cas comme dans l’autre, ce système de dons et contre-dons semble engager peu ou prou l’ensemble de la société « traditionnelle », ce qui en fait un « fait social total » qui implique une compréhension et une représentation du social puisqu’à travers ces descriptions c’est le concept de système social lui-même qui émerge. Ainsi, M. Mauss et Tolkien se sont proposé, chacun dans ses propres termes et selon ses connaissances, de saisir le social dans une dynamique donnant à penser des systèmes de relations entre l’ensemble des aspects de la réalité. A propos du travail de M. Mauss, Lévi-Strauss écrira : « Pour la première fois dans l’histoire de la pensée ethnologique, un effort était fait pour transcender l’observation empirique et atteindre des réalités plus profondes. Pour la première fois, le social […] devient un système, entre les parties duquel on peut donc découvrir des connexions, des équivalences et des solidarités » (in « Introduction à l’œuvre de Marcel Mauss », 1950, p. 32). De fait, Tolkien semble avoir appliqué cette pensée ethnologique à sa propre étude du phénomène des cadeaux chez les Hobbits puisque ce phénomène est pensé en fonction des autres phénomènes de la société (la parenté, la famille, le clan, la communauté), le postulat de départ étant qu’un ensemble social est intrinsèquement cohérent. Ainsi, les sociétés « primitives », comme les sociétés « occidentales », forment des systèmes sociaux à part entière qui doivent être compris en eux-mêmes. Mauss en est ainsi venu à récuser la distinction entre société traditionnelle et société moderne comme le simple opposé au complexe. Ce faisant, il a rompu avec la vision durkheimienne des sociétés dites archaïques. Le « fait social total » comme système sera par la suite unanimement célébré par l’ethnologie comme un concept clé de la compréhension des phénomènes sociaux, concept que semble avoir repris à son compte Tolkien dans cette lettre adressée à Nunn. Pour Lévi-Strauss, l’échange-don est donc un fait social par excellence car ses principes structurent les phénomènes essentiels de la vie sociale : échange matrimonial, circulation des biens et communication des messages.
D’un point de vue épistémologique, la théorie du « fait social total » a eu un double intérêt pour la recherche ethnologique en pleine renaissance en ce début du XXe siècle :
- il offre un caractère de généralité qui permet de fonder rigoureusement une démarche comparatiste en mettant en parallèle des ensembles d’interrelations, des systèmes culturels ;
- il permet une nouvelle approche du travail empirique car l’observation des individus demeure néanmoins nécessaire puisque le social est saisi au travers d’expériences individuelles.
Ancrer le fait social dans l’analyse de la vie concrète pour en souligner la totalité est la position à partir de laquelle a pu se développer au XXe siècle une véritable anthropologie, débarrassée de ces aspects anecdotiques ou moralisants. Ce texte de M. Mauss fut donc pour le moins fondamental dans l’histoire des sciences de l’homme puisqu’il en a complètement bouleversé l’approche universitaire. Son Essai sur le don a ainsi totalement bouleversé les études sur la parenté et la famille. A noter aussi que Mauss a établi un pont avec l’école anglaise de linguistique et d’histoire et de sociologie des religions, alors sous la férule de J.G. Frazer et de B. Malinowski.
Tenter une comparaison entre le texte d’un éminent ethno-sociologue et celui d’un non moins éminent philologue peut paraître relever de la gageure, car l’analogie ne fait pas preuve, mais les rapports entre ces deux écrits sont pour le moins remarquables et méritaient d’être soulignés. Toutefois, au-delà des correspondances et des inévitables divergences existant entre ces deux textes, cette comparaison nous autorise à jeter un « autre regard » sur ces deux universitaires de la première moitié du XXe siècle qui ont connu, faut-il le rappeler ?, les affres de la Première Guerre mondiale. En rupture avec les conceptions évolutionnistes de la société, depuis le darwinisme jusqu’à l’historicisme, Mauss comme Tolkien ont conjoint l’individuel et le collectif dans une même interrogation, où détermination objective et vécu subjectif sont intégrés dans une même réalité. Société et individu ne sont pas antinomiques, mais, au contraire, complémentaires. C’est cette apparente contradiction que soulève et résout le théorie du don et, semble-t-il, la tradition hobbite des cadeaux…
Cordialement,
Tilkalin.
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