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#1 12-07-2000 12:18

Cedric
Lieu : Près de Lille
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Détail autobiographique

Tolkien dit des Noldor (Silm., pocket, p.73) :
Leur langage changeait sans cesse, tant ils aimaient les mots, et ils cherchaient toujours à trouver des noms plus appropriés à tout ce qu'ils connaissaient ou qu'ils imaginaient..

Si cette phrase qualifie les Noldor, on pourrait dire également que c'est un détail autobiographique. Qui, plus que lui-même, cherchait et modifiait chacun des mots ? Remaniant à l'infini les variations de sens et de grammaire...

Voyez-vous d'autres passages qui sembleraient plus définir Tolkien lui-même que ses personnages ?


Cédric

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#2 23-08-2000 02:44

Curufinwe
Inscription : 2000
Messages : 185

Re : Détail autobiographique

Je sais que Tolkien a dit, et ça tout les tolkiénophiles le savent :

"En vérité, je suis un hobbit".

Humphrey Carpenter cite Tolkien et montre combien le hobbit est l'archétype d'un anglais "pantouflard". Je citerai le passage plus tard, je n'ai pas le texte sous la main.

KOUROUFINOUET.

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#3 24-08-2000 01:04

Uvatha The Ringwraith
Inscription : 2000
Messages : 13

Re : Détail autobiographique

Sans prétention ni certitude je proposerais ces quelques passages ( que la plupart d'entre vous, j'en suis sûr, connait déjà par coeur ;> )

" II y eut Eru, le Premier, qu'en Arda on appelle Iluvatar; il créa d'abord les Ainur, les Bénis, qu'il engendra de sa pensée, [...] "

" [...] Le son des mélodies qui se fondaient sans fin l'une dans l'autre s'éleva pour tisser une harmonie qui dépassa les limites de l'ouïe en hauteur comme en profondeur, les demeures d'Iluvatar furent pleines a déborder d'une musique dont les échos atteignirent le Vide, et ce ne fut plus le vide. Jamais plus les Ainur ne composèrent une telle musique, bien qu'il soit dit qu'une musique encore plus grande, celle des choeurs des Ainur et des Enfants d'Iluvatar, doive s'élever devant Eru après la fin des temps. Alors les thèmes d'Iluvatar seront joués dans leur vérité et adviendront à l'Etre au même moment, car tous alors comprendront pleinement la partie qu'il leur a destinée, chacun atteindra a la compréhension des autres, et Iluvatar satisfait, accordera le feu secret a leurs esprits. [...] "

Personnellement je doute que Tolkien aie pu avoir assez d'orgueil pour s'investir avec ostentation du rôle même du créateur ( ce qu'il est pourtant en tant qu'artiste ;> ) mais je trouve, en lisant ces extraits, qu'Eru me fait énormément penser à Tolkien.
Oui car c'est bien sa mélodie que nous écoutons en lisant ses livres.
C'est son imagination et son talent d'artiste qui sont mis en oeuvre.
Il est, tout comme Eru, le créateur ( omniscient sûrement ? ;> omnipotent sans aucun doute ;> )

J'ai lu quelques uns de vos messages a propos d'Iluvatar.

=> exemple :
" [...] On pourrait dire alors qu'Eru a créé une sorte de biosphère [...] Il a mis tous les ingrédients et il regarde comment ca marche [...] "
( Gandalf - archives du forum - " Sujet:   [TdM] Ilúvatar est-il omniscient ? )

J'ai également regardé vos remarques au sujet de la " multiplicité de lectures différentes " de l'oeuvre de Tolkien.

=> exemple :
" qui échappent parfois à ce qu'avait prévu l'auteur lui-même (Tolkien a parfois souligné qu'il avait été dépassé par certains aspects de son oeuvre). [...] "
( Fangorn   Ecrit le 08-08-2000 16:52 )     

On pourrait presque repérer la même démarche ?
Voilà, la comparaison est peut-être basique et dérangeante.
Mais il n'empêche qu'elle a dû mal ( pour le moment ;> ) a quitté mon esprit.

PS : peut-on utiliser les balises html sur ce forum ?

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#4 24-08-2000 14:33

Eruvike
Inscription : 1999
Messages : 196

Re : Détail autobiographique

La réponse pour ce qui concerne Eru tient en un concept propre à Tolkien : subcréation, comme l'expose l'essai "Sur les contes de fées"

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#5 26-08-2000 17:57

Fangorn
Inscription : 1999
Messages : 628

Re : Détail autobiographique

Salut Uvatah !

    Je reviens sur ce que Eruvike n'a pas eu le temps de développer (à cause d'une connexion limitée ;-), à savoir le concept de subcréation (ou sous-création).

    Dans son essai « Sur les contes de fées » (publié et traduit en français dans le volume intitulé _Faërie_), Tolkien définit son rôle de subcréateur. Le préfixe « sub- » n'est pas à prendre en un sens péjoratif. Il signifie que tout homme, au sein de la Création, possède la capacité d'imiter son Créateur. La Création authentique reste donc l'apanage de Dieu, mais, grâce au langage (et à la faculté d'abstraction qu'il offre), l'homme peut façonner et inventer de nouvelles œuvres dans ce cadre.

    D'une certaine façon, Tolkien répond lui-même à ta suggestion, notamment dans la lettre n° 153 de septembre 1954 à Peter Hastings (passage du brouillon, p. 188, que je traduis) :
    "(...) la libération "à l'égard des voies que l'on sait avoir été employées par le créateur" est la fonction fondamentale de la "subcréation", un hommage à l'infinité de Sa variété potentielle, l'un des modes par lesquels elle se manifeste véritablement (...)".
    La subcréation consiste donc à contribuer au développement de la richesse implicite de notre monde créé (que Tolkien appelle le monde primaire). Chaque homme a la liberté de subcréer un monde secondaire, qui était contenu potentiellement dans la Création. L'œuvre de Tolkien, d'après lui, est un hommage (une « action de grâce », pour le dire en termes chrétiens) envers Dieu.
    C'est ce qu'il disait déjà dans l'Epilogue de l'essai « Sur les contes de fées » : "Sans doute tout écrivain qui fabrique un monde secondaire, une fantaisie, tout sous-créateur, souhaite-t-il dans une certaine mesure être un véritable créateur ou espère-t-il tirer sa matière de la réalité : il espère que la qualité particulière de ce monde secondaire (sinon tous ses détails) sont dérivés de la Réalité ou y débouchent" (Faërie, tr. fr. de F. Ledoux, Pocket, p. 201). C'est une façon de participer à la richesse de la Création.

    Mais Tolkien ne tient pas le rôle d'Eru Ilúvatar. Il attribue une réalité à ce monde secondaire et s'en fait l'intermédiaire, de la même façon qu'il considérait l'Histoire chrétienne comme un mythe, qui aurait comme privilège d'être vrai. Je cite à nouveau l'Epilogue : "Mais cette histoire [i.e. l'Histoire chrétienne] est suprême ; et elle est vraie. (...) Dieu est le Seigneur des anges et des hommes - et des elfes. Légende et Histoire se sont rencontrées et ont fusionné" (ibid., p. 203). Il ajoute que les mythes (inventés par les hommes) n'entrent pas en contradiction avec ce Mythe, mais qu'au contraire ce dernier les "consacre". Cela signifie que les mythes recèlent une part de vérité, ils en sont un échantillon, un fragment.

    Il s'agit donc de concevoir le rôle de l'écrivain par analogie avec celui de Dieu. Le propre de l'analogie, c'est de rendre proportionnelles des choses qui n'ont pas de rapport en tant que telles. Comme le rappelle Tolkien (ibid., p. 202), l'homme se caractérise par sa finitude, tandis que Dieu est infini. On ne peut donc pas comparer leurs actions sur un même plan. Il faut renoncer à la similitude (c'est-à-dire l'égalité) et passer à l'analogie. De même que Dieu est le Créateur du monde primaire, l'homme a un pouvoir de subcréation de mondes secondaires. Ils ne sont pas identiques ; bien au contraire, les mondes secondaires s'inscrivent dans le monde primaire.

    S'il fallait voir dans l'un des personnages du Légendaire l'analogue de Tolkien, ce serait peut-être Aulë. Le Vala présente la bonne attitude du subcréateur : il désire imiter son Créateur en subcréant. C'est ce qu'Aulë passe son temps à faire (il est forgeron, c'est-à-dire qu'il produit, confectionne, réalise des ouvrages). Il sera même appelé "the Maker" par les Nains (Quenta Silmarillion, ch. 2). Or, lorsqu'il est découvert par Ilúvatar qui déboule pour l'engueuler ;-), il prend conscience que son désir est allé trop loin et fait preuve d'humilité en les offrant à Eru. Le subcréateur doit garder à l'esprit que, si son désir est d'imiter son père, il n'en a ni le pouvoir ni l'autorité (cf. Quenta Silmarillion, ch. 2 ; Pocket, p. 50). Il ne doit pas prétendre que ces œuvres lui appartiennent.
    A cette attitude (comme le met en relief Verlyn Flieger, dans le chapitre V « Light into darkness » de son ouvrage intitulé _Splintered Light_, pp. 89-107) s'oppose le désir de possession, qui mène à chute (c'est le cas, entre autres, de Melkor et de Fëanor). Verlyn Flieger va même jusqu'à dire que ce désir de possession est un péché capital dans l'œuvre de Tolkien, et que le seul commandement divin (adressé à Aulë, qui a conçu les Nains) consiste à limiter l'amour porté aux choses que l'on a faites.
    Comme Aulë, et à l'inverse de Melkor, Tolkien ne prétend pas être le « Dieu » d'Arda et reconnaît qu'il (ne) s'agit (que) de subcréation.
    Toutefois, V. Flieger ne maintient pas jusqu'au bout que c'est à Aulë que Tolkien ressemble le plus. Elle conclut, à juste titre, en rappelant que "pour Tolkien, Eru n'est pas un personnage, ni donc une part de lui-même" (p. 157). Le personnage auquel Tolkien "s'est le plus explicitement identifié n'est pas un subcréateur (...) mais un amoureux" (ibid.) : il s'agit de Beren (cf. sa tombe). Celui-ci désirait la lumière du Silmaril, non pas pour la posséder mais pour obtenir la main de Lúthien. De même, Tolkien ne désirait pas avant tout être un écrivain ; son œuvre, en définitive, n'est qu'un moyen de parler de la lumière de l'amour et de l'espoir.


Il faudrait bien plus que cette rapide paraphrase que je viens de faire en quelques lignes pour travailler la question. L'ouvrage de Flieger, notamment, est développé par ailleurs ;-) De plus, le statut de l'écrivain comme subcréateur réclame de longues analyses.
    Bref, si Tolkien transparaît dans plusieurs de ses personnages (comme il l'a plusieurs fois reconnu), il ne faut pas les identifier pour autant.

Sébastien

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#6 26-08-2000 22:08

Fangorn
Inscription : 1999
Messages : 628

Re : Détail autobiographique

    Il existe un personnage que Tolkien rapproche explicitement de lui : Faramir. Dans la lettre n° 180 à 'Mr Thompson' (un lecteur non identifié) du 14 janvier 1956, Tolkien énonce déjà les points communs entre les Hobbits et lui (ce qu'il déclarera dans la lettre n° 213 à Deborah Webster du 25 octobre 1958 (The Letters, pp. 288-289), que Curufinwë citait plus haut). Il poursuit en disant qu'il a attribué à Faramir la vision de la Grande Vague, qu'il avait eue lui-même (ainsi que son fils Michael ; voir sur ce point surprenant la lettre n° 163 à W.H. Auden du 7 juin 1955, The Letters, p. 213 - c'est à rapprocher de The Lost Road). Faramir confie à Eowyn avoir souvent rêvé d'une grande vague qui lui rappelle la submersion de Númenor (SdA VI, 5 ; Pocket, vol. 3, p. 329).
    Tolkien précise en note : "As far as any character is 'like me' it is Faramir - except that I lack what all my characters possess (let the psychoanalysts note !) Courage" (The Letters, p. 232).
    Les goûts de Faramir pour l'étude rejoignent en effet ceux de Tolkien. Il sait distinguer entre la vraie gloire et la gloire martiale, vers laquelle s'est tourné Boromir, son frère (cf. lettre n° 66 à Christopher Tolkien du 6 mai 1944, The Letters, p. 79). Tolkien mentionne, dans cette même lettre, que ce personnage n'était pas prévu : "I am sure I did not invent him, I did not even want him, though I like him (...)". Tolkien s'est fait surprendre par sa propre personnalité.

    Mais il faut également souligner la définition que Tolkien donne, dans cette même note de la lettre n° 180, à propos de son statut d'écrivain du Seigneur des Anneaux : "I am not Gandalf, being a transcendent Sub-creator in this little world" (The Letters, p. 232).
    Tolkien est donc un "subcréateur transcendant dans ce petit monde". En d'autres termes, il a ceci de commun avec Dieu (quoiqu'en un sens encore différent) d'être transcendant à ce monde secondaire : il n'en fait pas partie, il se trouve au-delà. Mais il ne se considère pas pour autant comme créateur. Son œuvre ne lui appartient pas, elle s'inscrit dans le cadre plus large de la Création. C'est le statut intermédiaire de l'écrivain : subcréateur comme peuvent l'être ses personnages, il est transcendant à sa subcréation.

Sébastien

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#7 27-08-2000 19:12

Uvatha The Ringwraith
Inscription : 2000
Messages : 13

Re : Détail autobiographique

Merci beaucoup !
Je vais imprimer pour pouvoir le relire au calme je crois ;>
@+

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