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Sauron, à l'instar de Beorn, semble pouvoir de changer de forme et d'apparence comme il le désire.
Le Silmarillion, Beren & Luthien, page 229 aux Editions Pocket :
... mais à la fin Draugluin s'enfuit et revint mourir aux pieds de Sauron en disant à son maître : " Huan est venu ! " Et Sauron savait comme tous ceux de ce pays quel sort était assigné au chasseur de Valinor, et il décida d'être lui-même l'instrument de ce destin. II prit alors la forme d'un loup-garou, le plus grand qui eût jamais parcouru la terre, et s'avança pour libérer le pont.
Page 229 :
Sauron changea de forme, de loup il se fit serpent, puis reprit sa forme habituelle, mais il ne pouvait échapper à la prise de Huan qu'en abandonnant son corps à jamais. Avant que son esprit infâme eût quitté la forteresse, Lúthien s'approcha d'eux, elle dit à Sauron qu'il serait dépouillé de son manteau de chair pour que son fantôme tremblant soit renvoyé à Morgoth : " Là, tu seras nu pour toujours à subir la torture de son mépris et la flamme de son regard, à moins que tu ne me donnes tout pouvoir sur cette forteresse. "
Ceci n'a peut-être rien d'étonnant étant donné sa qualité de Maiar. Soit...
Mais ce qui m'étonne davantage, et même si un Maiar est un esprit avant tout, c'est qu'il puisse quitter son corps comme il le désire et en retrouver un autre. Même si cela n'est pas toujours chose souhaitable, et qu'il peut éprouver de la difficulté à trouver une nouvelle apparence, un nouveau corps.
Akallabeth, La Chute de Númenor, Page 368 :
Mais Sauron n'était pas fait de chair mortelle, et si la forme sous laquelle il avait fait tant de mal lui fut arrachée et qu'il ne put plus jamais paraître aimable aux yeux des hommes, son esprit s'échappa du gouffre, passa comme l'ombre d'un vent sinistre sur la mer et regagna les Terres du Milieu et Mordor, sa demeure. Il retrouva ses remparts de Barad-dûr et y resta sombre et muet jusqu'à ce qu'il se fût donné une apparence nouvelle, l'image même de la haine et du mal, et rares étaient ceux qui pouvaient soutenir le regard du terrible Sauron.
Nous le savons, un esprit est associé à un corps. Mais je croyais qu'une fois ceux-ci dissociés, seule l'intervention d'Iluvatar pouvait recréer une telle association.
On peut objecter que les Ainur se donnent l'apparence qu'ils souhaitent, simplement pour pouvoir être vus des Enfants d'Iluvatar et également pour ne pas impressionner, effrayer ces dits Enfants par leur Aura Divine. De même, les Maiar, et Sauron, eux-aussi se donnent une apparence.
Mais cette apparence, représentation de leur esprit est-elle unique ?
Gandalf, par exemple, n'a pu revenir sur la Terre du Milieu après sa "mort" seulement parce que ce "droit" lui a été donné par Iluvatar, afin de terminer sa mission.
Alors pourquoi Sauron, une fois son esprit séparé de son corps, ne rejoint-il pas les Cavernes de Mandos pour y rester captif ?
D'ailleurs, autre question, les Balrog, eux-aussi des Maiar, rejoignent-ils les Cavernes de Mandos ? Ou un quelconque lieu en Valinor qui leur seraient réservés ? Doivent-ils faire "pénitence" tout comme Melkor et être enchaînés durant quelques siècles ? En attendant la fin d'Arda ?
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Ne sont concernés par les Cavernes de Mandos que les esprits des Elfes et des Hommes (voire ceux des Nains). Les Maiar ne sont pas destinés à les rejoindre s'ils sont "tués", c'est-à-dire si leur esprit est séparé de leur enveloppe corporelle. Lorsque Gandalf disparaît dans la Moria, il ne va pas dans les Cavernes de Mandos, mais "hors de la pensée et du temps" (SdA, III, 5 ; Pocket, vol. 2, p. 136).
Les Ainur, c'est-à-dire les esprits "angéliques" qui ont décidé d'aller en Eä, sont destinés à y demeurer jusqu'à la Fin. Cela pose un problème, au passage, car il est dit, à la fin du Quenta Silmarillion, que les Valar jetèrent Morgoth dans le Vide éternel (Pocket, p. 337), donc hors d'Eä. Dans le cas de Sauron (SdA, VI, 4 ; Pocket, vol. 3, p. 309) et de Saruman (SdA, VI, 8 ; Pocket, vol. 3, p. 412), tous deux des Maiar, ils furent réduits à une ombre ou une brume aussitôt dispersée par un coup de vent. Tolkien précise dans la lettre au Major R. Bowen du 25 juin 1957 que ces esprits sont indestructibles et qu'ils ne peuvent quitter le monde avant sa fin (Letter n° 200, p. 260). Même Ilúvatar ne saurait les détruire (à Rhona Beare, 14 octobre 1958, Letter n° 211, p. 280).
On peut alors supposer que ces esprits s'évanouissent, c'est-à-dire qu'ils sombrent dans l'inconscience. De même que leur corps s'est décomposé, leur esprit se dissipe, au sens où l'attention ne peut plus se concentrer. On aurait une analogie entre l'unité de l'organisme, et l'attention de l'esprit assurée par la volonté. Les esprits des Maiar privés d'incarnation s'endorment, en attendant la Fin des Temps. Cette errance hors du temps, dont parle Gandalf, n'est donc pas une sortie hors d'Eä, mais une sortie hors de soi : le temps, qui organise la succession des pensées, est l'une des formes principales de la conscience. Gandalf ne dit pas être passé hors de l'espace et du temps, mais "hors de la pensée et du temps", entouré des ténèbres de l'inconscience. Il a été renvoyé pour un temps, c'est-à-dire réveillé, et ce sommeil fut réparateur ;-) Ce ne sont pas les Valar qui l'ont réveillé, car ils ne disposent que d'un pouvoir temporel, lié à ce monde.
La mort des Maiar surviendrait donc lorsqu'ils sont trop exténués pour s'incarner de nouveau : ils sombrent dans un sommeil qu'ils ne peuvent quitter librement.
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Chers amis,
Je souscris pleinement à ce qu'a dit Fangorn. Mandos ne concerne que les elfes et les hommes. Il faut relire l'Ainulindalë en un autre endroit encore, sans doute y pensais-tu Cédric :
"Les Valar se mirent à prendre forme et couleur (...) cette forme venait de la connaissance qu'ils avaient du Monde, visible, plutôt que du Monde lui-même, et ils n'en avaient pas besoin, sinon comme nous-mêmes d'un vêtement, alors que nous pouvons aller nus sans rien perdre de notre substance. Ainsi les Valar peuvent marcher, s'ils le veulent, dénudés (...)" (éd. reliée illustrée, p. 21).
Il ne s'agit pas vraiment d'incarnation au sens où pour les elfes la fëa et le hroä sont intimement unis. L'âme est dans la chair (in-carnation) de façon substantielle. Pour les Valar et Maiar, ce sont avant tout des esprits, seuls, ou essentiellement, leur corps n'est qu'un accident (pour employer une catégorie aristotélicienne), ce qui explique naturellement qu'ils peuvent en changer comme de chemise. C'est un vêtement.
As-tu interroger toutes les occurrences de "forme" dans le Silmarillion ?
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Je rajoute un point qui me vient à l'esprit mais que je n'ai pas le temps de développer ici assez au long.
Si l'on considère que les Valar et les Maiar sont des transpositions chez Tolkien des hiérarchies angéliques de la théologie catholique, on pourrait soutenir
- soit que les anges n'ont pas de corps (saint Thomas d'Aquin) ; ce qui n'est pas la position de Tolkien.
- soit qu'ils ont un corps "subtil" (comme le disaient certains Pères de l'Eglise), ce qui ne veut pas dire qu'ils aient un corps comme le nôtre.
La distinction est délicate à concevoir et il faudrait lire les textes de ces Pères, que je n'ai pas encore identifiés. J'en connais l'existence par ce qu'en dit Leibniz, qui écrivait à ce propos : "Faire les anges corporels, c'est une erreur, leur attribuer un corps, digne d'examen" (Textes inédits, éd. Grua, PUF, 1948, p. 38). C'est dire si ce corps subtil n'est pas notre corps grossier, mais qu'est-ce exactement ? Une forme, comme une couleur, comme un vêtement ?
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On trouve, dans le Conte du Soleil et de la Lune (Livre des Contes Perdus, I, 8), le syntagme "corps glorieux" au sujet des suivantes d'Urwendi, la Maia du Soleil (qui deviendra Arien dans le Silmarillion). Pour pouvoir conduire le Galion du Soleil, elles entrent dans le bassin Faskalan, empli de la lumière de feu du fruit du midi. Lorsqu'elles en sortent, "(...) leurs corps étaient devenus lumineux et brillaient d'une ardeur intérieure (...) et aucun habit ne put jamais plus endurer de recouvrir leurs corps glorieux. Comme de l'air étaient-elles, et elles marchaient aussi légèrement que le fait la lumière du Soleil sur la Terre (...)" (FrHome I, 248).
Ce corps glorieux renvoie, dans la théologie catholique (qui s'appuie sur Ph 3, 21 et 1 Co 15, 44), au corps ressuscité, c'est-à-dire au corps spirituel. Urwendi et sa suite sont entrées dans le bassin de feu et ont consummé leur vêtement corporel ; d'où la frayeur des Dieux ( Ibid.) à cette vision (ou plutôt, à cette absence de vision, car elles disparurent de leur vue dans ce bassin). Elles connurent donc une forme de mort en se débarrassant de leur corps. Tolkien reprend ce point un peu plus bas, lorsque Silpion se vit refuser la conduite du Navire de la Lune : "(...) il n'était pas des enfants de l'air et ne put trouver un moyen de rincer son être de cet aspect qui l'attirait vers la Terre comme le fit Urwendi" (FrHome I, 254). Ainsi, "rincer son être de cet aspect qui l'attirait vers la Terre", c'est se défaire de son corps mortel pour gagner son corps spirituel.
Le corps glorieux des demoiselles du Soleil est ici l'analogue d'un rayon de lumière ou d'un souffle : on peut alors comparer avec l'ombre de l'esprit de Sauron ou la brume de celui de Saruman (voir supra.).
Il ne s'agit bien entendu que d'un rapprochement, car ce Conte a été considérablement réduit dans les versions ultérieures. Cependant, tant qu'il n'y a pas de contradiction directe, rien n'interdit d'éclairer une question par un texte antérieur. Le corps glorieux des Maiar range Tolkien du côté de certains théologiens et Pères de l'Eglise qu'évoquait Eruvikë, partisans d'un corps subtil angélique (notamment Origène et Grégoire de Nysse). Même si, en rigueur de termes, le corps glorieux est celui des hommes ressuscités (ce qui expliquerait que Tolkien ait abandonné ce point par la suite), le Conte du Soleil et de la Lune fournit une pré-grille de lecture des récits ultérieurs : les Maiar posséderaient un corps subtil, spirituel, qui peut quitter ses vêtements corporels dans la mort.
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Sur la mort des Maiar: les Ainur d'Eä sont condamnés à y rester jusqu'à la fin des temps. Le cas de Morgoth posait donc problème. Tolkien l'évoque dans le texte "Notes on Motives in the Silmarillion", p.403 de HoME10, indispensable pour toutes ces grandes questions :
"We read that he was then thrust out into the Void. That should mean that he was put outside Time and Space, outside Ëa (sic) altogether; but if that were so this would imply a direct intervention of Eru(...). It may however refer inaccurately* to the extrusion or flight of his spirit from Arda. (*Since the minds of Men (and even of the Elves)were inclined to confuse the "Void" as a conception of the state of Not-being, outside Creation or Ëa, with the conception of vast #spaces# within Ëa...)" (dans le dernier stade de la mythologie, QS est une oeuvre humaine).
A contrario, Gandalf a réellement bénéficié d'une intervention divine directe. Tolkien y consacre une partie d'une lettre au Père Murray en 1954 (Letter 156):
"Gandalf really "died", and was changed... he was sent by a mere prudent plan of the angelic Valar or governors; but Authority had taken up this plan and enlarged it, at the moment of its failure... Sent back, by whom, and whence? Not by the "gods" whose business is only with this embodied world and its time; for he passed "out of thought and time".
Ce passage me semble clair. Cette Autorité hors du temps, qui n'est pas les "dieux", capable de ressusciter Gandalf, de renforcer son pouvoir, et de sauver par son intervention le plan des Valar, quelle est-elle, sinon Eru ?
Le corps des Valar :
ce sujet est traité dans l'"Ósanwë-kenta" (page 25 et note 5 de Vinyar Tengwar#39), il est dit des Valar et Maiar qu'ils ont un rhöa, dans un passage décrivant l'influence négative de l'enveloppe charnelle sur la transmission de pensée.
Rhöa désigne à partir de "Laws and Customs among the Eldar" le corps des Incarnés; ce mot a pour précurseur "rhondo", dont la racine est "s-ron=chair, substance, matière", HoME10, 231. Ainsi, le fana (terme de "The Road goes ever on", qui n'est pas employé dans l'Ósanwë) des Valar est bien une enveloppe matérielle.
Cependant, ce corps n'est à l'origine qu'un "self-arraying", une parure non-essentielle. Il peut devenir nécessaire et contraignant, comme celui des Incarnés, si l'Ainu qui le porte, et le Maia tout particulièrement, s'en sert pour parvenir à ses fins ou pour jouir des plaisirs de la chair ("sustenance and propagation... Most binding is begetting or conceiving").
Ce serait donc un corps spirituel, mais plus on s'en sert, moins il est glorieux!
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Déjeunant avec Edouard jeudi, nous avons parlé de ce problème. Voyant qu'il est parti à Oxford (pour consulter les manuscrits de Tolkien) sans avoir eu le temps de livrer ses réflexions sur le sujet ici proposé, je les rapporte :
1) Le seul à avoir vu Sauron in persona est Gollum. D'après lui, Sauron est tout noir, et il lui manque bien un doigt. Son corps est brûlant ou tout du moins chaud (un peu comme de la braise donc).
2) Son corps est devenu comme son âme : totalement noir. Il n'a plus le choix de se traverstir. Il ne peut se donner que l'apparence de son âme.
J'ajoute (Eruvikë) que c'est symétrique avec l'évanouissement du corps des elfes. Plus ils vieillissent, et moins leur corps apparaît.
En attendant le retour d'Edouard avec des trouvailles - à n'en pas douter...
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Eruvike, tu disais :
J'ajoute (Eruvikë) que c'est symétrique avec l'évanouissement du corps des elfes. Plus ils vieillissent, et moins leur corps apparaît.
Je t'avouerai que j'apprends, en même temps que je la lis, cette propriété assez particulière.
Veux-tu dire que les Elfes les plus vieux deviennent comme "évanescents", "éthérés". Leur corps ne saurait résister au temps comme le peut leur âme ?
Tu peux nous donner la référence où l'on peut lire ce que tu nous relatais ?
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La référence est Home X, 214 et 219 pour les corps évanescents. Un peu plus loin, p. 224, on trouve l'idée selon laquelle Sauron a commis le crime de voler un corps.
A +, Eruvikë.
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Pour reprendre le sujet des corps évanescents, il existe une autre référence qui le mentionne explicitement. Cette référence présente dans Le Livre des Contes Perdus témoigne d'ailleurs que cette "propriété" des Elfes était depuis longtemps adoptée par Tolkien puis conservée tout au long de l'évolution des écrits de Tolkien. LCP étant les premiers écrits DE JRRT.
Le Livre des Contes Perdus, Tome II aux Editions Christian Bourgeois :
L'Histoire d'Eriol et d'AElfwine, p363 :
On trouve également dans ce texte une définitiion claire de "l'étiolement" ou de "l'évanescence" des Elfes, leur diminution physique, leur transparence et leur ténuité croissantes, de sorte qu'ils deviennent invisibles (et pour finir, incroyables) aux yeux grossiers des Hommes....
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Fangorn,
dans ton message du 16.01.2000, tu as écrit:
"lorsque Silpion se vit refuser la conduite du Navire de la Lune"
J'en suis désolé pour les autres lecteurs du forum qui vont trouver ça bien futile mais je ne pouvais pas ne pas corriger cette citation en rappelant que c'est Silmo qui se vit refuser la conduite du Navire de la Lune, et non Silpion :-)))
Bah oui, quand on se chosit un pseudo qui n'a que deux occurences dans tout l'oeuvre de Tolkien, on peut se permmettre ce genre de coquetterie.
En tout cas, cher Fangorn, n'y voit pas un reproche parce qu'en règle générale, je suis plutôt ébahi quand je lis tes interventions ,par ton érudition bien sûr mais aussi par ton esprit de synthèse.
Silmo
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Ouaiiis!
Enfin, un secrat est levé. je sais qui est Silmo, et pourquoi la lune est importante pour toi.
(j'aurais dû regarder dans le moteur de recherche, bien sûr, mais je me suis dit que cela ne devais pas être aussi simple).
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:-)
.....et ce soir (12 février 2002) c'est le début d'un nouveau cycle lunaire : le vaisseau de Silpion ne sera pas visible. Profitez-en pour regarder les étoiles, et bien sûr faire de beaux rêves ;-).
Silmo
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Chers tous,
Je suis en admiration devant l'érudition de vos propos sur la nature angélique des Maïar et sur ces implications concernant l'apparence de Sauron.
A ce propos justement, j'ai retrouvé un texte dans HomE XI, 54 (Grey Annals, §154) repris dans le Silmarillion au chapitre de la fin du siège d'Angband, qui me semble à la fois compléter et enrichir vos propos et surtout montre à quel point la capacité de méta-morphose spécifique de Sauron est clairement exposée par Tolkien:
"But Sauron took Minas-tirith and made it into a watch-tower for Morgoth, and filled it with evil; for he was a sorcerer and a master of phantoms and terror." (Home XI, 54, souligné ici).
Un maître des "phantoms": difficile de trouver un équivalent français à ce mot encore riche de sa racine grecque (phainomenon, phainestai) que l'on retrouve bien sûr dans phénomène et même dans le "fantôme" français, ici insuffisant à traduire "phantoms", bien sûr...
Cette maîtrise de ce qui apparaît (authentique phénomène ou apparences "trompeuses?" et là se trouve un enjeu colossal où une grande partie de la phénoménologie et donc de la philosophie du XXè s'est engouffrée) semble donc être ici une propriété essentielle du maléfique.
Ce qui, Cédric, peut aussi expliquer, les transformations que tu nous rappelais justement.
Je vous avoue par contre ma totale incompétence face au terme de "sorcerer": hapax ? équivalent "morgothien" des Istari (anachronisme à la clé...) ? Sorcier (insuffisant) ? Nécromancien (sur-déterminé?) ?
Bref, j'ai du mal à voir ce qui se cache derrière ce terme.
Y a t-il à votre connaissance d'autres textes mentionnant cet attribut de Gorthaur ?
Bien à vous,
RR
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> RR: Je vous avoue par contre ma totale incompétence face au terme de "sorcerer": hapax ? équivalent "morgothien" des Istari (anachronisme à la clé...) ? Sorcier (insuffisant) ? Nécromancien (sur-déterminé?) ?
Bref, j'ai du mal à voir ce qui se cache derrière ce terme.
Y a t-il à votre connaissance d'autres textes mentionnant cet attribut de Gorthaur ?
RR,
Tu sembles intrigué à propos de la désignation de Sauron en tant que 'sorcier' apparaissant en Quenta Silamrillion, Chap.XVIII [Silm., ed Pocket, p.202] et son parrallèle en HoME XI [p.54, The Grey Annals],
En tout cas, il ne s'agit pas d'un 'hapax' (pourquoi les grand mots, tout de suite). J'ai trouvé d'autres références au 'Sorcerer' à l'entrée correspondante de l'index de HoME XII ainsi que dans le Silmarillion.
Dans ces références, non seulement Sauron est qualifié de sorcier mais il est 'Le Sorcier' :
C'était l'ombre de Sauron et le signe de son retour. Car il quitta les déserts de l'Est pour porter sa demeure au sud de la forêt, grandit lentement et reprit une forme. D'une sombre colline où il vivait il tendait ses enchantements et tous se mirent à craindre le Sorcier [= the Sorcerer] de Dol Guldur sans savoir au début l'immensité du danger.
[Silmarillion ; ed. Pocket p.391 // HarperCollins 1999, p.299]
In his [=Mallor] time an evil shadow fell upon Greenwood the Great, and it became known as Mirkwood. The Sorcerer of Dol Guldur (later known to be Sauron returned) begins to work evil.
[XII, p.193, The Heirs of Elendil]
[T.A.] 2063 : Gandalf goes alone to Dol Guldur in secret, to discover the truth concerning the Sorcerer. But the Sorcerer is aware of him; and being not yet grown to great power, he fears the eyes of Gandalf, and the strength of the Wise, and he deserts Dol Guldur and hides at the east again for a while.
[XII, p.234, The Tale of Years of the Third Age]
Mithrandir, le plus vigilant, avait les plus grands soupçons sur l'ombre de Mirkwood. Beaucoup pensaient qu'elle venait des Spectres de l'Anneau, mais il croyait que c'était le premier signe du retour de Sauron. Il se rendit à Dol Guldur, le Sorcier s'enfuit à sa venue et une paix vigilante survécut quelque temps. Puis l'Ombre revint plus forte que jamais […]
[Silm., ed. Pocket p.392 // HarperCollins 1999, p.300]
[T.A.] 2460 […] the powers of evil move again. The Sorcerer returns to Dol Guldur with increased strenght, and gathers all evil under his rule.
[XII, p.235, The Tale of Years of the Third Age]
[T.A.] L'ombre grandissait toujours et venait assombrir le cœur d'Elrond et de Mithrandir. Et, un jour, celui-ci se rendit à nouveau à Dol Guldur, bravant le danger, découvrit que ses craintes étaient fondées en voyant les cavernes du Sorcier et put s'enfuir.
[Silm., ed. Pocket p.392 // HarperCollins 1999, p.300]
[T.A.] 2840 (rév.) Thrain the Dwarf goes wandering and is captured by the Sorcerer (about 2845?)
[XII, p.252, note (v)]
[…] but he [=Thrain] was captured by the Sorcerer and taken to Dol Guldur, and there perished in torment.
[XII, p.276, The Making of Appendix A]
[T.A.] 2850 Gandalf visits Dol Guldur again to discover the purposes of the Sorcerer. [mort de Thrain] Gandalf discovers beyond doubt that the Sorcerer is none other than Sauron himself, and that he is gathering again all the Rings of Power, and seeking to learn the fate of the One, and the dwelling of Isildur's Heirs.
[XII, p.237,The Tale of Years of the Third Age]
Thrain II Captured by the Sorcerer; perished in Dol Guldur
[XII, p.277, The Making of Appendix A]
[T.A.] 2940 […] Saruman, since he now wishes to prevent the Sorcerer from searching the river, agrees to an attack on Dol Guldur. The Sorcerer is driven out of Mirkwood. The forest for a time becomes wholesome again. But the Sorcerer flies east, and returns in secret.
[XII, p.239,The Tale of Years of the Third Age]
[T.A.] 2941 (rév.) The Sorcerer returns in secret to Mordor which the Ringwraiths have prepared for him.
[XII, p.252, note (iv)]
Manifestement, il y a une évolution entre les Grey Annals, où 'sorcier' est une caractéristique, et ces occurrences où 'Sorcier' est un nom derrière lequel se cache Sauron (Sauron se cache puisqu'il 'se déclare ouvertement' en T.A. 2951 [Ap.B-SdA]).
Quant au mystère dont tu entoures le mot, RR, je pense que parfois Sorcier veut tout simplement dire Sorcier sans qu'il soit lié forcément à Sauron. Tolkien, effectivement, fait disparaître complètement ce pseudonyme de Sauron dans le Seigneur de Anneaux parce qu'il utilise un autre sorcier, le chef des Neuf.
Cf. SdA :
tI.II.2, p.343 : 'grand roi et grand sorcier';
tIII.V.4, p.119 : 'Roi d'Angmar depuis longtemps, Sorcier [noter la majuscule, à moins que ce ne soit une liberté du traducteur], Esprit Servant de l'Anneau, Seigneur des Nazgûl, lance de terreur dans la main de Sauron, ombre de désespoir'
tIII.V.6, p.158 : 'roi sorcier'.
Et Appendice B : TA 1975, 1980 : 'Roi-Sorcier'.
Dans le SdA, il semble que le sorcier ne peut être que le serviteur d'une puissance supérieure. Ce ne pouvait être Sauron, donc.
Certain dirons que l'argument ne tient pas la route car, dans la version originale du Seigneur des Anneaux0, le Roi-Sorcier se traduit certainement par Witch-King ou Wizard-King…Quelqu'un pourrait-il vérifier? La désignation est-elle toujours la même?
Mais :
(a) Sauron est lui-même qualifié de 'wizard' en HoME V p.296 :
"Gorlim fut capturé par la fourberie de Sauron the wizard"(qualificatif qui disparaît dans le texte parallèle Quenta Silmarillion XIX [Silm., HarperCollins, p.162; ed.Pocket pp.210-11]).
(b) ailleurs encore [HoME VI, p.215], Sauron est même appelé 'le Magicien'1 :
"Now in the dark days sauron the Magician [first written Necromancer(…)] had been very powerfull in the Great Lands, and nearly all living things had served him out of fear."
(c) Tolkien considérait sûrement les trois mots ('witch', 'wizard' et 'sorcerer') comme étant interchangeables puisque renvoyant tous trois, avec une orthographe visiblement très libre (majuscule(s) ou minuscule(s), trait d'union ou pas) au même Roi-Sorcier dans ses écrits :
Ainsi, HoME XII voit apparaître 'Witch-king'2 comme 'Sorcerer-king'3 alors que dans HoME VIII c'est 'Wizard King'4 aussi bien que 'Sorcerer King'3.
Toutefois, je crains (pas le temps de démêler les notes parfois confuses de Christopher Tolkien; d'autant plus qu'il n'a pas toujours la réponse…) que les textes cités ci-dessus, où Sauron apparaît en tant que Le Sorcier, soient postérieurs à la rédaction du SdA.
Je me demande alors pourquoi Tolkien serait revenu à une telle désignation minimisant finalement le personnage.
Encore qu'il faut avouer que la sonorité de 'Sorcerer' jouant par assonance avec Sauron et le mystère que cache un pseudonyme peut expliquer beaucoup de choses.
Sosryko.
0. Que je ne possède pas (shame on me), mais dont j'ai quelques extraits grâce aux Unfinished Tales of Númenor and Middle-Earth; l'index pour Witch-king : 313,343-4,346,348,353-4 (éd. Houghton Mifflin).
1. Notons que là, par contre, nous avons semble-t-il un 'hapax' (=mot qui ne se rencontre qu'une fois dans les textes de Tolkien pour qualifier Sauron). Encore qu'il faudrait vérifier dans HoME I-IV.
2. Witch-king : XII, pp.193-5,201,209-10,230,232-3,241-2,248,256,258,378.
3. Sorcerer-king : XII, pp. 209-10,215-17; VIII, pp. 336, 368.
4. Wizard King : VIII, 326, 331, 359, 361-4, 367, 430; et aussi en VII, p.116; IX, pp.6-7.
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sosryko,
Tout d'abord merci pour tes réponses érudites et tes références fouillées qui m'ont permis de voir à quel point je me suis "emballé" au sujet d'un terme si fréquent sous la plume du professeur.
Cependant, deux choses me semblent encore à cette heure obscure (quoi de plus normal, me diras-tu en ce domaine enchassé des ténèbres du Malin?!):
1) tout d'abord la profusion des emplois d'équivalents de "sorcier" pour des entités diverses (que Tolkien appelle Sauron "wizard" m'a profondément atterré, moi qui pensais qu'il l'avait réservé aux Istari..), cette diversité ne fait que renforcer l'ambiguïté et l'ambivalence du sens de ce terme,
2) enfin, et c'est directement lié, il m'est difficile de mettre quoi que ce soit derrière le terme de "sorcerer" lui-même.
>>> sosryko: "Je me demande alors pourquoi Tolkien serait revenu à une telle désignation minimisant finalement le personnage."
Je ne peux donc que m'associer à ta perplexité.
RR
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Relecture lamentable de ma part:
"à cette heure obscure"
Lire: "à cette heure obscureS !!!
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