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#1 10-12-2004 20:39

Forfirith
Inscription : 2003
Messages : 215

Humilité et croyance (Du conte de fées)

Bonjour à tous...
Promis, j'ai vérifié dans toute la section l'existence d'un tel fuseau...:-/
Certains d'entre vous trouveront mon intervention sans interêt, mais celle-ci me tient à coeur... ;-)

En pleine relecture de l'essai de notre Professeur Tolkien, j'ai été extrêmement surprise par certains commentaires qu'il a glissés dans son texte...
Tout d'abord, l'essai abonde de petits commentaires qui me semblent d'une grande humilité...Je vous en copie quelques-uns pour l'exemple:

Je n'ai guère été qu'un explorateur vagabond (ou un intrus) dans le pays, plein d'émerveillement mais non de savoir.

Faërie, Pocket p.133

[...]mais je n'ai pas les connaissances suffisantes pour donner une réponse sûre.
p.136
J'ose espérer toutefois que ce que j'aurai à dire plus loin sur les autres questions donnera quelques aperçus de la vision imparfaite que j'en ai moi-même

p.141

Il [L'Arbre des Contes] est en rapport étroit avec l'étude des philologues de l'écheveau embrouillé du Langage, dont je connais quelques petits bouts.

p.150

Je suis trop peu savant pour en traiter d'autre manière

p.151

Je viens tout juste d'arriver au chapitre "Des enfants", il me reste encore une grande partie de l'essai à lire...
En tout cas, je voulais vous faire part de ma surprise...Ces nombreuses remarques (de plus à caractère tout à fait personnel) sont étonnantes...Mais peut-être cela fait-il partie de l'art de l'essai, auquel je ne suis pas encore initiée ;-) .


Ensuite, je voudrais aussi remarquer comment Tolkien semble persuader de l'existence de Faërie, des elfes, etc. Cela m'a aussi frappé...Le mot "croyance" dans le titre n'est pas très approprié, j'en conviens, mais je n'en ai pas trouvé d'autre...:-/

quoi que les gens de Faërie puissent penser de son impertinence.

p.134

Dans l'ancien temps, il y avait en vérité des habitants de Faërie[...]

p.136

Car l'ennui avec les véritables gens de Faërie, [...]

p.139

On ne peut attraper la Faërie dans un filet de mots; car c'est une de ces qualités que d'être indescriptible quoique sans être imperceptible

p.141

Dans ce que j'ai lu de l'essai, il m'a semblé que Tolkien ne cessait de dénigrer les "faux" contes de fées, ceux qui imaginent les fées petites, etc. (en particulier Andrew Lang si je ne m'abuse) et qu'au contraire, il a du respect et reste discret quant aux "véritables gens de Faërie"...Je trouve ça extraordinaire...
Bien sûr à d'autres moments, il parle de la Faërie comme d'un monde crée par l'Homme et il semble clair que la Faërie n'existe pas, mais il me semble que ces passages sont moins "marquants" ou présents, je ne sais...

Bref, j'aimerais avoir votre avis sur tout cela, si vous en avez un..;-)

Forfi, qui achève ainsi son premier "véritable" message sur le forum...

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#2 11-12-2004 17:13

vincent
Inscription : 2000
Messages : 1 434

Re : Humilité et croyance (Du conte de fées)

avant de réponse sur le fond, concernant l'essai : tu mets le doigt sur une des constantes de l'écriture de l'essai, l'humilité, le tâtonnement, l'interrogation de l'essayiste sur ses propres connaissances.

vincent

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#3 11-12-2004 21:36

Laegalad
Lieu : Strasbourg
Inscription : 2002
Messages : 2 998
Site Web

Re : Humilité et croyance (Du conte de fées)

Je ne comprends pas bien quelle est ta question. Veux-tu savoir si Faërie existe bel et bien, si Tolkien croyait qu’elle existait, ou l’inverse ?
Quoi qu’il en soit, la réponse est délicate… Très délicate. Car, Tolkien n’est pas le seul à le dire, le Royaume Périlleux ne se pose même pas en terme d’existence ou de non-existence. Du moins si l’on n’entend par « existence » une réalité matérielle. S’il fallait répondre par une pirouette, j’en emprunterais une à Pierre Dubois (hélas ! je n’ai pas noté le titre du livre où je l’ai reprise) :

« A ceux qui s’interrogent sur l’origine des Alfs, des Elfes, des « Autres aux oreilles pointues », il serait plus sage de répondre qu’on ne sait pas grand-chose — à vrai dire, on ne sait presque rien — et d’ajouter comme le coucou : allez voir vous-même… C’est par là ! ».

Car ces phrases que tu soulèves, qui font certes partie de  la remise en question propre à tout chercheur, ne sont pas qu’un exercice de style, mais l’expression d’une réalité : de Faërie, on ne peut rien dire de certain. Elle est l’Autre par excellence, et de même qu’on ne mesure l’autre qu’à l’aune de nous-même, on ne peut mesurer (tenter de mesurer, surtout) ses contrées qu’à la mesure des nôtres. Et dès lors, la mesure est faussée, car qui nous dira que les couleurs des Marches Poétiques ne sont pas si nombreuses que notre œil ne puisse les percevoir toutes ? Dira-t-on qu’un sifflet n’émet aucun son parce que nous ne pouvons l’entendre ? Ce serait faux ; peut-être que le son est trop aigu pour nos oreilles, ou trop grave. Et pourtant l’ours l’entend du fin fond de sa forêt et accourt de suite pour sauver le Prince des sorts du Vil Dragon. Ce n’est pas parce que nous ne voyons pas les microbes qu’ils n’existent pas : Merlin a bien gagné son duel contre la sorcière Mim en lui collant des pustules rouges de partout. Les Bretons parlent bien de montagnes dans leur pays, alors que moi je cherche désespérément du relief à l’horizon, pour avoir grandi entre les Alpes et le Pilat. C’est pourquoi l’on ne peut qu’avancer en Faërie avec extrême humilité, si petit que nous sommes en savoir, en puissance, en agilité. Car l’orgueil se paye cher, et une trop grande curiosité aussi. Smith en fit les frais, et je dois avouer que je commis la même erreur que lui en cherchant à comprendre, à percer les mystères qui ne sont pas pour nous. Et  voilà bien l’orgueil des Hommes !  Les merveilles ne leur suffisent pas, encore veulent-ils les démonter ! Alors que ce qu’il faut, cette valeur qui doit nous servir de mante, c’est cet émerveillement de gosse devant le bonhomme de bois qui bouge tout seul. S’il cherche les ficelles, le bonhomme merveilleux n’existe plus, n’est qu’un tas de bois qu’un adulte fait bouger pour amuser… Finalement, pour rien du tout, puisque l’enfant a compris, et dès lors le pantin n’a plus d’utilité. Alors, quelle est la chose la plus importante ? L’émerveillement, ou le démontage ?

Je ne sais trop si cela répond à ta question... Tu peux aussi aller voir , où le sujet avait fait sortir Sosryko du bois :)


Stéphanie – de passage, comme trop souvent.

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#4 12-12-2004 11:32

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : Humilité et croyance (Du conte de fées)

Salut Forfirith

Concernant ta question pour savoir si Tolkien croit ou non à ses elfes, j'ai eu la même réaction en commançant l'essai sur le conte de fée, mais il s'en explique un peu plus loin. Je te laisse donc poursuivre ta lecture, tu verras qu'il n'est pas plus bête que nous :-)

(pour ceux qui ne liront pas cet essai, disons que Tolkien fait de 'existence des Elfes une réalité... dans le monde de Faerie, et que quiconque met le pied dans ce monde est soumis à l'emerveillement des Elfes, émerveillement qui peut nous poursuivre jusque dans le monde réel, où les Elfes n'existent pourtant pas. Les Elfes existent autant (ou aussi peu) que Raskolikov, le Père Goriot ou Gavroche. Cela ne nous empêche pas de faire mention de ces personnages dans le monde réel comme s'ils avaient existés).


Concernant ta question sur l'humilité de Tolkien dans son essai, je ferai simplement remarquer que cet essai à la base était une conférence qu'il a donné devant des étudiants. Ces petits encarts tout personnels y trouvaient donc mieux leur place.

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#5 12-12-2004 16:44

Forfirith
Inscription : 2003
Messages : 215

Re : Humilité et croyance (Du conte de fées)

Merci à vous,
me voilà un peu plus savante en ce qui concerne l'essai et la Faërie...;-)
J'ai fini de lire l'essai en question, j'ai en effet remarqué quelques passages plus explicites sur les Elfes et autres créatures...
Il n'empêche qu'un assez long passage m'a encore surpris : c'est presque un récit de la vie de Tolkien (p.172 de mon édition)...Et puis aussi un passage qui montre tout à fait le point de vue de notre Professeur face à la technologie (p.192-3)
Encore une fois, merci à vous de m'avoir lu et d'avoir pris le temps de me répondre...:D

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#6 14-12-2004 23:02

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : Humilité et croyance (Du conte de fées)

Mais tout le plaisir est pour nous...

Surtout que ce fut l'occasion d'un bien beau post de Laegalad :-)
(je me le garde sous le coude celui-là. Merci !)

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#7 15-12-2004 20:03

Laegalad
Lieu : Strasbourg
Inscription : 2002
Messages : 2 998
Site Web

Re : Humilité et croyance (Du conte de fées)

:) Je n'ai pourtant pas l'impression de dire quelque chose d'extraordinaire :)
Mais il n'y a pas de patience à avoir sur ce sujet, Forfirith : c'est un plaisir de ravauder, de tisser, d'effleurer la trame soyeuse des Confins Lumineux :)

Stéphanie - dont l'organisme aurait besoin de lumière : partir de nuit, revenir de nuit, et au milieu plancher dans un amphi-caveau glacial et sans fenêtres... brrr

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#8 20-12-2004 14:04

Lambertine
Inscription : 2002
Messages : 2 828

Re : Humilité et croyance (Du conte de fées)

Faerie a-t-elle une réalité matérielle ? Pour moi, la question ne se pose pas. Parce qu'elle n'a pas lieu d'être : une réalité n'a pas besoin d'être matérielle pour être réelle. Faerie existe. Elle existe dans le coeur et l'âme des hommes depuis la nuit des temps. Elle existe par toutes les histoires, tous les personnages, tous les lieux qui ont fait rire, rêver, pleurer les hommes. Elles existe par tous les mythes, les légendes, les dieux qui ont tenté d'expliquer la monde, de lui donner un sens. Le cyclope d'Ulysse, la belle au Bois Dormant, la Petite fille aux allumette, Aragorn ou le capitaine Nemo n'ont peut-être jamais eu de corps physique, mais ils sont importants pour des millions de gens.

En ce sens là, Faerie existe, et j'y crois.

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#9 02-01-2005 20:41

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : Humilité et croyance (Du conte de fées)

Vicnent pourra peut-être nous aider sur ce point là, mais qu'est-ce exactement que la Mythopeia pour Tolkien ?
Mythopeia signifie (il me semble) : faire un mythe.
(si peia est la même racine que poieo, ce qui n'est pas sûr)

Il faudrait pouvoir étudier ici le poème de Tolkien, qui devrait nosu aider à comprendre ce que Tolkien met derrière sa capacité à créer, s'il veut nous y faire croire, ou s'il veut seulement nous offrir une nouvelle perception du monde, à travers une vitre qui efface tout le gris !


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