Vous n'êtes pas identifié(e).
Après des débats endiablés qui remontent à plus de dix ans sur la pertinence ou l'impertinence, la qualité ou l'ignonimie, la finesse ou la vulgarité des adaptations PJ du Seigneur des Anneaux du maitre JRRT (dans ladite trilogie The Fellowship of the Ring/La Communauté de l'Anneau, décembre 2001 ; The Two Towers/Les Deux Tours, décembre 2002 ; The Return of the King/Le Retour du Roi, décembre 2003), et dans l'attente intolérable pour certains, indifférente ou lassante pour d'autres, de la nouvelle adaptation du Hobbit dont la bilogie est annoncée en décembre 2012 (An Unexpected Journey/Un voyage imprévu (?)) et 2013 (There and Back Again/Aller et retour), le site tolkienien le plus intellectuellement déjanté qui soit, JRRVF, reprend le flambeau de sa "veille technologique et scientifique" à l'orée de ce qui est pour certains une nouvelle catastrophe planétaire culturelle et pour d'autres le bonheur renouvelé de la diffusion mondiale de la Terre du Milieu sur les grands écrans puis dans les chaumières.
Ce fuseau a l'ambition de remettre ainsi sur le tapis la discussion par nature illimitée sur les bienfaits et les méfaits de l'adaptation PJ dont le style mérite d'être examiné en détail. S'offrant à la fois le luxe d'un retour sur les discussions du glorieux passé de Jrrvf lors de la sortie des trois volets du Seigneur des Anneaux au cinéma, pour ceux qui n'auraient pas eu alors l'occasion de participer à ces débats (comme votre serviteur), et le plaisir d'une anticipation pénétrante de ce que ce style PJ promet de nous offrir pour les deux volets à venir du Hobbit, ce fuseau pourrait d'une part suivre les moindres aperçus de la production en cours pour les commenter à l'instar, toutes proportions gardées, des célèbres et sublimes "éditos" de Semprini de 2001 à 2004, et des fuseaux qui les accompagnaient ; d'autre part, puiser dans l'inénarrable adaptation du SdA de nouvelles discussions du style PJ en vue de l'adaptation du Hobbit.
Il s'agit donc de tresser avec le patrimoine jrrvéfien de la critique adaptationnelle et cinématographique, tout en la renouvelant au feu violent de l'adaptation nouvelle à venir.
En tant que membre des petits derniers de Jrrvf (été 2008), je suis loin d'avoir moi-même parcouru l'intégralité foisonnante des anciens fuseaux sur le sujet. Du coup, appel aux valeureux piliers toujours vaillants de Jrrvf pour renvoyer ici à ces fuseaux, soit ponctuellement, soit par l'un de ces superbes relevés dont certains détiennent le secret.
Par ailleurs, ce fuseau est en étroite collaboration avec les deux autres fuseaux activement consacrés aux questions essentielles que pose l'adaptation du Hobbit, et lancés par notre Isengar national (voire multinational :D) :
1/ Spéculations sur le contenu de la future Bilogie du Siècle, depuis mai 2008.
2/ The Hobbit : les potins, depuis septembre 2009.
Ce nouveau fuseau ne pourra jamais dire assez sa dette à ses honorables ainés, ainsi qu'au fameux Touque sous l'impulsion duquel est né ce nouveau projet jrrvéfien, né en effet dans le fuseau The Hobbit : les potins, ce jeudi 25/08 (hier :p).
Puisque l'histoire de la genèse des grandes œuvres et les making of interminables sont de saison, il est bon de rappeler la "chiquenaude cosmopoétique initiale" qui permit la naissance de ce nouvel univers d'échanges, lorsque
Va droit au but, fils.
I.
Il s'en est suivi, après d'autres salamalecs prévisibles, un premier relevé de trois éléments justifiant la position shudhakalyenne (bigre, c'est long ça) selon laquelle
Les trois éléments en question dont le détail est accessible ici, avec un début de discussion, sont :
1/ Les dialogues (évocation des nombreuses répliques directement issues de Tolkien et des inventions pertinentes).
2/ La Terre du Milieu (évocation du souci de réalisme et d'historicité de l'adaptation PJ).
3/ La mise en images (évocation de la direction artistique de John Howe et Alan Lee).
Dans la même fuseau, Isengar a brillamment répondu à la question des dialogues, mais s'est contenté d'une réponse de Normand quant au point concernant la Terre du Milieu (or, les Normands, on sait ce qu'on en pense en Terre du Milieu depuis 1066 pcn !), à savoir
Ma Terre du Milieu, celle de mes lectures décennales, est totalement absente de l'adaptation, de même que tout aussi subjectivement, notre cher ami Anglin, ne retouve absolument pas son Gimli dans le personnage grotesque et caricatural du film, affublé du même nom que les héros tolkienien.
Quand je visionne la "Trilogie" (ça ne m'est pas arrivé depuis 2005, il faudrait que je me cogne une séance de révision un de ces jours pour ne pas parler dans le vide...) ce sont des somptueux paysages de la Nouvelle-Zélande du début de notre siècle et filmés depuis un hélicoptère que je vois. La façon de filmer de Jackson, que je trouve particulièrement pompeuse dans ce contexte, y joue certainement pour beaucoup. Impossible de me défaire de cette impression.
C'est totalement subjectif, je te l'accorde, et je crains que nous soyons irréconciliables sur ce point. Même si la Nouvelle Zélande, on est certainement tous d'accord sur ce point, c'est bien beau.
Considérons, pour trouver un point de consensus - j'espère qu'on notera l'effort - que la vision jacksonienne de la Terre du Milieu est une illustration de la Terre du Milieu de Tolkien.
Mais en tant que telle, elle ne peut pas être LA Terre du Milieu, comme tu laisses l'entendre, pas plus qu'un paysage de John Howe, de Cor Block, Toni Galuidi ou encore Angus Mc Bride ne peut légitimement l'être.
D'accord là-dessus ?
Pressé par l'envie de répondre, j'ai donc ouvert ce fuseau en suivant la suggestion d'Isengar, et j'en dis que j'apprécie immensément ce bel effort qui fut le sien et m'accorde bien volontiers sur l'idée selon laquelle "la vision jacksonienne de la Terre du Milieu est une illustration de la Terre du Milieu de Tolkien."
Il n'empêche qu'il me semble que la qualité de cette illustration n'est pas qu'une affaire de subjectivité, ou mieux, qu'il n'est pas de subjectivité qui ne soit plus que subjective. Comme on dit dans la sociologie d'inspiration bourdieusienne : les gouts et les couleurs, ça se discute...
On relativise généralement la prétendue objectivité, ou les prétentions à l'objectivité, par la relativisation subjective : "C'est un avis subjectif". En réalité, on pourrait aussi bien faire l'inverse et relativiser la subjectivité. Rien n'est totalement subjectif. Ce n'est pas comme si l'avis d'un seul venait de nulle part, ou n'était pas formé par une série de traits qu'il partage avec ses semblables. D'ailleurs, la seule relativisation valable est celle qui rapporte les éléments à des contextes, ou des communautés. En outre, la subjectivité opère sur un matériau objectif de base (ici, l'adaptation de PJ telle qu'elle nous est offerte) et peut aussi introduire des procédures d'objectivation. Dans ma proposition sur la TdM version PJ : y a-t-il ou non des traits par lesquels la Terre du Milieu de Tolkien est rendue dans un souci aigu de réalisme et d'historicité dans l'adaptation cinématographique de PJ ?
En fait, reconnaitre l'appréciation subjective d'une personne, au sein d'un échange intersubjectif, c'est reconnaitre qu'elle relève d'une communauté valable, et non pas uniquement de l'avis d'un groupe de décérébrés succombant au fanatisme des produits les plus cyniques et les plus mercantiles (i.e. les fans de Jackson).
Plus on échange, mieux je comprends la position de ceux que les films ont pu dégouter ou décevoir profondément sur Jrrvf, et la déception attachée aux personnages des Nains (Anglin) et des Elfes (Laegalad). Je ne serai jamais de ce groupe-là, sans doute, mais je comprends toute sa pertinence et, à tout prendre, je partage certains traits avec eux.
Ce qui m'importe, du coup, est de reconnaitre que l'œuvre cinématographique objective de l'adaptation PJ a des qualités certaines, appréciées par un groupe d'amateurs de Tolkien et de cinéma qui ne sont pas plus stupides que d'autres (dans lesquels je me range, comme je range, par exemple, à un autre niveau, Tom Shippey). Ça vaut le coup d'envisager quelles peuvent être ces qualités sous l'angle de vue de ceux qui y prennent gout, comme ça vaut le coup de mesurer ce qu'une telle adaptation peut avoir de dégoutant pour une partie des Tolkiendili qui ne manquent ni de finesse ni de sensibilité.
Sur ce, j'espère que ce fuseau nous permettra d'écrire ensemble une nouvelle page de l'histoire de Jrrvf digne de son passé glorieux, la fin du quatrième ou du septième âge fût-elle imminente...
Shudhakalyan.
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Est-ce dû au satané long titre que je n'ai pu m'empêcher de mettre ? Le sujet est inaccessible à partir de la page d'accueil du forum... Bigre ! Quel raté pour une sortie promotionnelle en pompe !
S.
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*était*... cool... désolé d'insister mais j'ai bien fait de me répondre :p... TADAMM... la vie peut reprendre son cours...
S.
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Tu comprends maintenant pourquoi on fait des "up" après un nouveau fuseau -- quoi que les nouveaux fuseaux se fassent rares maintenant. Ceci dit, il suffit d'utiliser cette page pour ne rien rater :)
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... il nécessitait simplement un petit "up" lambertinien ;)
C'est une belle introduction pour un nouvel angle de ce débat qui, quoiqu'ancien, reste inépuisable!
FdN
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Pourquoi un nouveau procès ? Je croyais que les charges pénales pesant sur le prévenu venaient justement d'être abandonnées, et que celui-ci était ressorti libre du tribunal de Manhattan mardi dernier...
Ah, mais on me signale dans l'oreillette que je dois confondre avec une autre affaire d'agression et de tentative de ...
Bon, OK, je sors... ;o)
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post croisé! ça en fait au moins deux en un jour sur jrrvf... ça fait toujours plaisir!... :)
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Allez, une fois n'est pas coutume, je vais me faire l'avocat du diable, i.e. de PJ, vous l'aurez compris. ;-) Le chapitre des points positifs n'est pas entièrement négligeable. Je liste ici les points sans les justifier, mais je suis prêt à débattre de chacun d'eux si quelqu'un souhaite les explorer plus en détail. Bien entendu, j'estime que la trilogie de PJ comporte aussi bien des points négatifs, mais je laisse le soin à d'autres de les lister.
Je ne suivrai pas tout à fait les trois dimensions proposées par shudhakalyan, bien que je m'en inspire :
1. Les dialogues :
a) On reconnaîtra à PJ & Cie d'avoir repris textuellement pas mal de dialogues tolkieniens, ce qui n'est pas si fréquent que cela. La plupart sont placés dans le contexte originel, ce qui est encore plus rare. Quand aux dialogues déplacés, si l'on peut regretter cette entorse au livre, ils sont généralement situés à des endroits pertinents, ce qui témoigne d'une bonne sensibilité à l'œuvre de Tolkien (au moins à ces endroits-là).
b) Pas mal de dialogues inventés restent dans la veine tolkienienne, à tel point qu'il est parfois difficile de séparer l'original de la copie, quand la mémoire fait défaut. C'est souvent le cas pour Galadriel, Aragorn, Boromir, Frodo, Sam — mais jamais ou presque pour Elrond, Faramir, Pippin ou évidemment Gimli.
2. Les personnages
a) Il faut commencer par créditer PJ d'avoir conservé les principaux personnages du SdA et d'avoir évité de rajouter des protagonistes inutiles. Mine de rien, ce n'était pas acquis d'avance, si l'on en croit certains commentaires sur la réalisation. Les films de fantasy antérieurs montrent bien que le mépris de l'œuvre peut aller très loin dans ce domaine.
b) Je ne m'étendrai pas sur l'adéquation des caractères des différents protagonistes. C'est à mon sens l'un des principaux points faibles des films (litote inside). Toutefois, il y a eu réflexion notable sur lesdits caractères, et si le résultat n'est pas à la hauteur des attentes, on constate toutefois qu'il y a peu de personnages unidimensionnels, contrairement à beaucoup d'œuvres similaires.
3. Le scénario
a) Là encore, l'intrigue d'ensemble est conservée à peu près intacte, même si certains détails s'écartent notablement de Tolkien. Les plus dommageables des propositions envisagées ont été rejetées lors de la rédaction du scénario. Encore une fois, c'est suffisamment rare dans ce domaine pour le souligner.
b) Les passages coupés sont généralement les bons. On constate là des choix cinématographiques logiques, témoin d'un certain savoir-faire.
4. La Terre du Milieu (réalisme, historicité et mise en image) :
a) Le soin apporté aux décors dépasse tout ce qui a été fait par les films de fantasy antérieurs et est la cause directe du renouveau des films de fantasy ces dernières années. On est en droit de ne pas adhérer à tout, mais force est de constater que chaque décor a été minutieusement réfléchi et soigneusement réalisé. C'est clairement l'atout numéro 1 du film.
b) En matière d'historicité, on est aussi très loin des standards habituels de la fantasy. Si tout ne respecte pas les indications de Tolkien, il est indéniable qu'il y a eu une réflexion poussée sur le niveau technologique de chaque peuple et que les décors et costumes ont été créés en fonction de cela. D'où une très bonne crédibilité de certains peuples (encore plus forte si l'on n'a pas lu le texte du SdA — visuellement parlant, je suis certain que les armures des Rohirrim du film sont plus intéressantes que les cottes de maille dont parle Tolkien).
Bref, si l'on considère les films sans se soucier des romans, et qu'on les replace dans le genre de l'heroic-fantasy au cinéma, la trilogie constitue probablement le sommet du genre à l'heure actuelle, à l'exception probable du premier Conan. Même si l'on inclue les genres connexes que sont les péplums et les films de SF, la trilogie reste dans le sommet du panier. (La concurrence se fait évidemment plus rude quand on y rajoute l'ensemble des films historiques.)
D'une manière générale, entre les premiers scripts décriés par Tolkien et la trilogie de PJ, l'amélioration est notable. Mine de rien, PJ a réussi à tenir tête à certains désidératas stupides des producteurs, et c'est une très bonne chose.
Voilà pour le positif, à mon sens. Évidemment, cela ne répond pas aux réflexions sur les contradictions du scénario, sur la plus-value potentielle d'un film qui aurait été plus respectueux de l'œuvre, sur la prétention abusive de la trilogie jacksonienne à constituer l'unique retranscription visuelle du SdA, et évidemment pas à la mauvaise foi dont a fait preuve PJ sur certains points. Mais il y a quand même pas mal de positif là-dedans. Y en a-t-il plus que de points négatifs ? C'est à chacun de juger.
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J'applaudis après une lecture attentive à ce relevé de qualité — sans pour autant claironner au triomphe d'une cause projacksonnienne que je ne défends pas :)
La bannière de Jrrvf ne reprend-elle pas beaucoup de cette hauteur que seuls quelques vaillants jusqu'ici avaient pu maintenir ? Profitons de la vague mercantile néozélandaise pour surfer une nouvelle fois sur les remous de l'œuvre originale à la source de notre continuelle et infatigable admiration...
Séb.
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"There and back Anglin", défenseur auto-proclamé dès 2001 des Khazâd de France...
Pour rappel et sans doute pour m'excuser par avance d'éventuels dérapages synthaxiques, orthographiques ou de la présence ponctuelle d'onomatopées :
Les Dialogues :
Evidement, là aussi, je vais tenter au plus qu'il m'est possible de m'éloigner du moment ou je devrais aborder mon sujet de honte.
Je partage (il est un fait que ceci n'est pas d'usage chez moi mais juste un constat malheureux) une grande partie de l'avis de Maitre Isengar à ce sujet. Hormis quelques détails notoires :
Quand on parle de dialogues on oublie parfois l'excellente narration de Bilbo au départ de la Communauté, (j'en parle parce qu'ajoutée au fait que la Comté soit pour moi sans doute une des plus belle chose que j'ai pu voir dans cette Trilogie). J'ai toujours fait grincer quelques dents dans les differents débats liés de près ou de loin au Film sur le Seigneur des Anneaux. Pourquoi me direz vous ? Parce que justement dans les dizaines de lectures et relectures (et épluchures) nécessaires pour mon propre travail, j'ai toujours à la bouche le mot 'laborieux' pour qualifier le prologue et quelques pages suivantes dans l'ouverture de cette inégalable oeuvre. Je parle de mon point de vue évidement encore. Malgrès tout j'ai quand même à noté par experience que ces premières pages ont pu malheureusement freiner de nombreux potentiels lecteurs. (Après Harry potter j'ai tenté de convertir, je le confesse ... pardonnez moi Aulë)
J'aime aussi ce Gandalf, encore une fois je parle de sa voix, des expressions de son visage, de cet accollement quasi-magique à ma propre vision lors de me premières lecture (sic. 1984 ...). A part bien sûr lors de ses différents différents (suis-je itératif ??) avec son horrible et moche comparse Saruman.
Je deteste très franchement TOUS les dialogues liés à Arwen, je n'y peut rien, j'attendais Glorfindel, et puis franchement elle n'a rien à faire là. Tous ces dialogues 'pensés' 'rêvés', 'suppliqués' sont d'une nullité extrême, rien à voir avec l'approche de Shippey des dialogues des héros Tolkieniens.
Elrond, j'ai aussi du mal, parfois j'y crois, et bien trop souvent il est énervé et à ces moments je le vois dans Matrix, sans pouvoir alors distinguer ce qui aurait collé ou pas aux dialogues de Tolkien. (en fait je l'aime silencieux devant les elfes - Pardon Isengar - rassemblé de la dernière alliance du 2nd Age). Notons tout de même mon : parfois j'y crois
Aragorn est assez bien pourvu en dialogues à tous points de vue, il est assez fidèle en ton et en contenu (sauf vous l'aurez compris avec son amoureuse télépathe et qui parle le nèlphique) au personnage crée par Tolkien, pour moi. (Je note avec plaisir au passage que ma petite hobbite de 10 ans a elle aussi aimé ce personnage, Aragorn par-ci ... Aragorn par-là ...). Petit bémol tout de même j'ai du mal quand je le vois à me détacher de son prédécesseur Bakshisé et copié collé dans certaines scènes. Je pense que dans la précédente version ce personnage là était aussi assez réussi. (et heureuseument pas aussi amoureux !!)
Comme beaucoup aussi le concèdent, avec ou sans ajouts notoires, l'essentiel de la relation ordonnance/maitre est assez fidèle dans les dialogues Frodon/Sam. D'ailleurs là aussi j'admets une légère dose de positif aux acteurs et à leurs expressions réciproques.
(aïe äïe --- vient de voir Gimli essayer de briser l'anneau avec sa hache en même temps que je vous écrit ... dégouté, toujours autant !!! Oui et alors, je me remets à jour j'ai pas le droit ??)
Pour Pippin et Merry, j'admets que l'auteur à poussé le bouchon un peu loin, car si Touque stupide! est expressis verbis, il ne faut pas en faire une malheureuse vérité ou un lieu des plus communs pour ces deux personnages. (notons que le mot stupide est tout de même très usité dans le SdA, et pardon Isengar souvent accolé aux hobbits de toutes origines ... un simple moteur de recherche présent sur ce site pourrait vous le prouver). J'admets aussi volontier que ces remarques ne sont pas denuées d'un quelque interêt de ma part : en effet la structure comique aurait pu, si elle est à ce point nécessaire, être encocre plus importante sur ces deux personnages pour ne pas se reposer et détruire mon valeureux Gimli.
Galadrielle elle est disons le clairement pas trop mal. Stop ... sauf que je n'arrive pas à détacher mes yeux de ses postiches atroces et roses (comme si elle avait froid) qui lui servent d'oreilles. La dite remarque m'empêchant de juger à propos son propre propos (chouette allitération en 'p') plus ou moins fidèle.
Gimli, je ne peux pas en parler. j'ai déjà tout ou trop dit, et VRAIMENT, il suffit de lire quelques pages entre 'L'Anneau prend le chemin du sud' et le départ de la Lorien pour voir que PJ l'a complètement raté, définitivement, et complètement (oui oui il y à cette scène entre Gimli et Eowyn - beau personnage que celle là - ou j'y ai cru 14 secondes ... avant qu'un imbécile sans nom le fasse encore chuter comme un vulgaire bouffon et relance les même rires que les "pas la barbe" du I et du II)
Arrêt jusqu'à plus tard ... fatigué le nain-terne-hôte ...
Prochain post sur :
2/ La Terre du Milieu (évocation du souci de réalisme et d'historicité de l'adaptation PJ).
3/ La mise en images (évocation de la direction artistique de John Howe et Alan Lee).
Promis ...
Stéph'
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Huh-huh ! pas si vite, camarades...
Tout d'abord, en entrée.
> Hyarion, ce que Peter Strauss-Jackson a fait avec son exemplaire du Seigneur des Anneaux ne nous regarde surtout pas... :)
> Elendil, je sais ce qu'il t'en coûte de verser momentanément dans le camp des pros, sache que dans cette épreuve, tout mon soutien t'es acquis, la preuve à la fin de mon laïus ? ;p
> Chou, je me permets de rajouter à ta liste l'ancêtre, le fuseau historique : Bilbo le hobbit au cinéma dès septembre 2002, mais avec un vrai démarrage en octobre 2006, période à laquelle les négociations pour l'adaptation du futur Hobbit ont commencé.
Ca n'apporte pas grand chose au débat, mais c'est pour être complet.
Bien, ceci étant dit, venons-en au plat de résistance.
> Chou... objectivité, relativisation subjective, échange intersubjectif ... et pourquoi pas relativisme universel, tant qu'on y est ? Tu m'emmènes sur un terrain hautement philosophique que je suis loin de maîtriser (et je me suis toujours dit que glisser vers les plates-bandes des théories subjectivistes à la Protagoras, c'était comme risquer un "point Godwin" pour tenter de mettre fin au débat... ce n'est pas le but je pense, ce fuseau tout neuf en est la preuve)
Restons-en donc au ras des pâquerettes pour le moment si tu le veux bien, car tu te doutes bien que c'est le seul point de départ que je suis en mesure de déterminer dans cette affaire de "trilogie" cinématographique.
Nous verrons après si on arrive à s'élever un poil plus haut.
Je vais peut-être commencer par répondre à une des questions que tu soulèves et voir où ça peut mener.
La force visuelle des paysages de Nouvelle-Zélande, comme tu l'as évoqué quelque part dans nos derniers échanges sur le fuseau des potins, rend crédible l'univers dans lequel évoluent les protagonistes du film. La profondeur des paysages et les larges plans d'ensemble visent en effet à apporter au spectateur "l'impression d'évoluer dans un monde à part entière".
Des paysages authentiques, non transformés par des procédés techniques modernes (ou très peu) et donc pas de décors artificiels : c'était un pari de Peter Jackson pour rendre avec le plus de réalisme possible le cadre de géographique du récit.
Dans le roman, la Terre du Milieu ne vous saute pas au visage immédiatement. Elle nait au fur et à mesure du récit. C'est d'abord son historicité qui est mise en valeur - quand on veut bien prendre la peine de commencer le roman par le Prologue. Puis elle prend de l’ampleur dés lors que l'on suit, à travers les yeux de Frodon et des ses compagnons (compagnons dont le nombre augmente tout aussi progressivement que s'agrandit la vision des paysages : 2 de cul de sac au Bac de Châteaubouc, puis 3 du Bac jusqu'à Bree, 4 à partir de Bree, puis 8 au départ de Fondcombe) et à travers les descriptions du narrateur (allusions aux confins de la Comté et à ce qui pourrait exister au delà des frontières).
La terre du Milieu naît avec la lecture, progressivement, comme une symphonie où les instruments s'ajoutent discrètement les uns après les autres, ou plutôt comme un arbre familier qui pousserait et se développerait sous nos yeux. Et les branches, ramilles et feuilles que nous ne pouvons voir (mais qui ont une existence propre dans cette création secondaire) sont les paysages en arrière plan, tout juste évoqués mystérieusement par des noms hermétiques aux confins de la carte (Angmar, Mer de Rhûn, Monts de Fer, Pinnath Gelin...) Et le processus se renouvelle à chaque nouvelle lecture du roman, puisque - chacun d'entre-nous peut en témoigner - nous découvrons ou re-découvrons des détails nouveaux ou oubliés dès que nous recommençons une lecture, fut-elle la 20ème en 20 ans, du Seigneur des Anneaux.
A ceci s'ajoute que :
Les traits essentiels de ce lieu éternel [la Terre du Milieu] sont tous présents (en tout cas pour les habitants du N-O de l'Europe), et il est naturel qu'il paraisse familier, même s'il est un peu magnifié par l'enchantement dû à la distance temporelle.
J.J.R. Tolkien, Lettre 183 à W.H. Auden
Mais je m'égare.
Les paysages présentés dans le film peuvent-ils faire le même effet ?
Je suis tenté de dire non, même si "l'effet de "fascination" qu'elle produit" et la "véritable révélation" qu'elle a pu représenter pour le spectateur shudhakalyan ne sont pas à écarter d'un pédant revers de main.
Pourquoi ce "non", dont la fermeté reste à discuter et dont la subjectivité est à peser à l'aune d'une objectivité relative par quelques exemples que j'espère bien sentis - à défaut d'être bien tournés...
Tout d'abord, le changement de média et la modification du processus réceptif du spectateur - qui n'est plus censé être un lecteur pour trois heures consécutives - sauf si on s'acharne sur le sous-titrage - implique de la part de Peter Jackson quelques choix concernant les paysages.
Ces paysages, on ne les voit pas tout de suite. On les découvre au premier abord par une carte de la Terre du Milieu, premier clin d’œil aux lecteurs de Tolkien.
Mais le choix narratif du film entraîne immédiatement le spectateur vers des paysages tourmentés, enfumés, grandioses par leur aspect spectaculaire, non par leur beauté : c'est le champ de bataille de Dagorlad - du moins tel que le lecteur l'identifie.
Hélas ! ce paysage comporte de terribles défauts : les personnages qui y évoluent.
- ces orques qui tombent par grappes du haut d'immenses falaises, touchés par des flèches elfiques à la portée extraordinaire;
- ce Sauron invraisemblable et invincible qui se fait pourtant trancher la main et qui couine comme un cochon - authentique, je viens de revoir la scène en VO sur Youtube;
- ce Sauron - encore lui - qui disparaît dans une déflagration tellurique qui renverse toutes les armées, mais ne tue que les méchants...
Bref, crédibilité, réalisme et historicité, traits que tu souhaites mettre en avant, s'effacent dès ce prologue cinématographique (qui pourrait être le pendant sombre, violent et... mmmh, racoleur, du Prologue agreste, érudit et léger du Seigneur des Anneaux).
La Comté n'arrive que plus tard dans le film.
Si elle est très réussie visuellement et si elle apaise le spectateur après l'épuisant passage de la bataille puis la fin hâtive d'Isildur, elle ne fait, à mon sens, pas l'écho de la majesté de la Terre du Milieu.
Le processus suggestif naissant dans le roman est, dans la transposition cinématographique, avorté par le brutal passage de la carte au volcan en feu, puis du volcan au pont sur la tranquille rivière, pour faire simple. Pas de lien entre les deux, pas de transition entre ces trois images antinomiques...
Dans ces conditions, comment la magie peut-elle prendre sans l'apport purement subjectif du spectateur qui se laisse volontairement emporter ?
Autre exemple qui m'a particulièrement frappé : la scène du Mont venteux.
Ici, Peter Jackson avait une occasion incroyable de mettre en avant l'immensité des paysages de l'Eriador vus depuis le mont, avec l’opportunité de jouer sur des couleurs crépusculaires, des horizons gagnés par l'ombre...
Au lieu de ça, il enferme les 4 hobbits (abandonnés par Aragorn ???) au milieu d'une curieux décors sorti d'un épisode de Xéna La Guerrière (tiens ça faisait longtemps que je ne l'avais pas sorti de mon chapeau, celle-là) et entame un bal des ardents, un hop-frog qui aurait bien fait rire E. A. Poe.
Sensations claustrophobes réussies, si tel était l'objectif de Peter Jackson, mais les Nazgûl sont définitivement ridiculisés - à quoi bon ? - et le Terre du Milieu a perdu une occasion d'être brillamment représentée, s'effaçant au profit d'une de ces multiples scènes qui gâchent lourdement la cohérence interne de ce premier volet de la "trilogie"... mais les scènes gâchées/ratées peuvent former un chapitre à part de ce fuseau - bien que sur JRRVF, on en ai déjà abondamment parlé.
Du coup, on retrouve les paysages néo-zélandais dans le rôle de la Terre du Milieu dans deux autres exemples (situés avant et après le Mont Venteux) qui - à nouveau - sont des exercices manqués.
Ces deux exemples mettent en avant un des principaux défauts de la représentation de la Terre du Milieu par Peter Jackson : la discordance du rapport entre espace et temps.
Lorsque les 4 Hobbits jacksoniens croisent la route du Nazgûl dans la Comté, il s'en suit une phase curieuse, tournée en ombre chinoise et brumes bleutées, où l'on voit une sorte de course poursuite dans les bois, les Nazgûl traquant les Hobbits jusqu'aux portes de Bree sans jamais les attraper.
Combien de temps dure cette poursuite ? Comment expliquer le trajet, qu'on devine chaotique, des bords du Brandevin jusqu'à la porte de Bree, alors que le spectateur a eu une carte sous les yeux, même s'il n'a pas eu le temps de noter la distance entre le bac (de Châteaubouc? - le village n'existe pas sur la carte du film réalisée par Daniel Reeve, ni sur celles réalisées pour l'artefact du Livre Rouge) et Bree, soit un peu moins de 100 miles (environ 150 km.. à pieds !)
Que penser de la mise en valeur de la Terre du Milieu dans ces conditions de contraction du temps et de l'espace ?
Un écrivain britannique célèbre ne disait-il pas à ce sujet, dans une correspondance de juin 1958 :
Une contraction de ce genre n'est pas la même chose que la nécessaire réduction ou sélection des scènes et des faits devant être représentées visuellement.
Tolkien et Fantasio : L'Ombre du Z, lettre 210
Le même défaut revient donc un peu plus tard (après les flambées du Mont Venteux) lors de la fameuse poursuite entre Arwen et les Nazgûl.
L'occasion est belle pour Peter Jackson de laisser enfin les paysages se révéler au spectateur. Et il la saisit cette occasion.
Regardons-la de plus près, voulons-nous ?
Arwen embarque Frodon blessé sur le cheval qu'elle a piqué à Glorfindel (eh oui, j'y tiens : Asfaloth n'est pas le cheval d'Arwen...). Il fait nuit et la chevauchée commence dans une futaie brumeuse, enchaîne brutalement (de jour ? au petit matin ? plus tard dans la journée ?) sur un vaste paysage de landes nues où dominent au lointain de vagues collines. Puis, après un gros plan sur Frodon, à nouveau la forêt : des sapins, ah non, des feuillus, oh ! à nouveau des sapins. Puis une vaste clairière entourée de conifères. Ca va vite, les paysages changent à toute vitesse, des distances fantastiques sont parcourues dans cette course poursuite onirique où la main métallique du Nazgûl s'approche si près du visage de Frodon (en pleine course !?) mais sans jamais réussir à le toucher. A l'horizon, toujours ces collines lointaines. Tout à coup, la lumière change : le crépuscule ? Arwen et son cheval dévalent une pente et se retrouve dans la rivière, au fond d'une vallée étroite et boisée. La vallée est superbe dans cette lumière. Arwen se dresse face aux huit Nazgûl (oui, 8, je viens de revérifier en comptant les épées qui se dressent... mais ce n'est qu'un détail dans le contexte de mon propos)
Mais ma question est la même : combien de temps dure cette poursuite ? Combien de distance parcourue ? La variété de paysages suggère que cette distance, sur une nuit et une journée, est immense... Quelle cohérence avec la carte présentée en début de film ? Comment comprendre la Terre du Milieu avec cette représentation élastique de la géographie dans l'adaptation cinématographique.
Je pourrais citer d'autres scènes du même type :
- les pics inaccessibles des feux d'alarmes qui se succèdent en cadence, laissant deviner des distances gigantesques entre Minas Tirith et le Rohan, distance finalement franchie en fort peu de temps par l'armée des cavaliers ;
- les incohérences absurdes des scènes d'Osgiliath ou les paysages et les décors, rive est, rive ouest, largeur de la rivière et portée des flèches se mêlent dans un incroyable méli-mélo sans queue ni tête, sans aucune notion d'orientation ou de distance et plus globalement de cohérence géographique - et je ne parle pas ici du scénario, je m'en tiens à la simple présentation du site et de son contexte ;
- la distance visuelle entre Minas Tirith et l'Ephel Duath et le manque de concordance entre la distance géographique théorique (la carte de Reeve, encore) et la distance du récit du film (l'étroitesse apparente de l'Ithilien, le parcours de l'armée d'Aragorn vers les Portes de Mordor...) ;
- ou bien des petites scories telle la mini scène très courte du passage des 9 membres de la Communauté au pied du rocher de Port Waikato, où la scène du Mont Venteux a été tournée et où les décors se trouvent encore... Vont-ils vers le sud ? pourtant le mont venteux est à l'ouest ? Comment interpréter cette scène autrement que par un manque de soin de la part de la réalisation ? On comprend qu'un paysage de ruine peut contribuer à rendre plus grandiose et à suggérer une crédibilité historique au paysage qu'on veut montrer, mais sur ce coup là, le rocher de Waikato brouille les pistes et gâche le paysage, au sens propre comme au sens figuré.
Bref, les paysages sont beaux, je suis d'accord là dessus et je l'ai déjà dit (pas seulement cette semaine, mais depuis 2001)
Ils sont beaux - on a plein d'autres exemples aériens (héliportés) - et ils forment autant de belles images pour illustrer la Terre du Milieu de Tolkien. A ceci s'ajoutent des décors souvent somptueux (dans les trois volets, mais un petit plus pour la Moria et pour Minas Tirith) et un effort dans les costumes qui est indéniable et qui contribue à faire de la "Trilogie" une grande réussite visuelle. Du vrai cinéma spectaculaire.
Et puis on notera l'effort de cohérence entre des paysages de Foncombe aériens, ouverts, sur balcons, exposés aux vents (le pouvoir de l'Anneau Vilya ?) et ceux de la Lorien, éthérés, bleutés, noyés (le pouvoir de Nenya ?).
Mais ces paysages sont des illustrations et ne sont pas de la Terre du Milieu.
Comme un Elijah Wood qui joue Frodon mais qui n'est pas le Frodon du roman, comme un Albert Dieudonné qui joue un Napoléon Bonaparte mais qui n'est pas Napoléon... (enfin nous on sait qu'il n'était pas Napoléon, lui, c'est moins certain)
Et donc, puisqu'il faut au moins en finir pour ce soir, il y a bien "des traits par lesquels la Terre du Milieu de Tolkien est rendue dans un souci aigu de réalisme et d'historicité dans l'adaptation cinématographique" de Peter Jackson, mais ils pâtissent de leur utilisation dans le cadre du scénario (les "contractions", les discordances d'échelles) et de leur prise en compte dans la façon de filmer de Peter Jackson (les inutiles travellings aériens).
En même temps, le film n'aurait-il pas gagné en force si les paysages avait été moins imposés dans toute leur grandeur visuelle au spectateur ?
Jackson n'aurait-il pas fait preuve de souci aigu de respect de l’œuvre et de retranscription fidèle de la Terre du Milieu s'il avait tenu compte de ce genre de choses :
Cela fait bien partie des pouvoirs de l'image de suggérer, de manière relativement brève, un voyage long et éprouvant, fait en secret, à pied, avec les trois montagnes qui se rapprochent, menaçantes.
Tolkien, dans sa lettre 210 que n'a jamais lue Peter Jackson
Pas besoin de les survoler en hélicoptère, de ce point de vue, avec la musique d'Howard Shore qui vous casse les oreilles.
Mais si la suggestion des paysages aurait fait gagner le film en force, il y aurait perdu très probablement en dollars, n'est-ce pas ? Et sans doute, maître Shou, le cours de ta vie d'amateur de cinéma n'aurait peut-être pas été dévié de la même façon ;)
Enfin, comme dit Elendil - et pour rassurer tout le monde sur la nature de mon dessert : "Évidemment, cela ne répond pas aux réflexions sur les contradictions du scénario, sur la plus-value potentielle d'un film qui aurait été plus respectueux de l'œuvre, sur la prétention abusive de la trilogie jacksonienne à constituer l'unique retranscription visuelle du SdA, et évidemment pas à la mauvaise foi dont a fait preuve PJ sur certains points".
Un café, l'addition, et je finirai la-dessus pour ce soir.
I.
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Et je salue au passage Anglin, mon camarade noctambule, en cette belle nuit orageuse ;)
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Encore une nuit palpitante sur Jrrvf ! J'offre le café ! Elendil, Anglin, Isengar... merci pour ce pur régal en crescendo... Vivement rebondir :)
Shu
ps pour Anglin : je suis "jeune" seulement sur jrrvf, en vrai pas spécialement :D
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Ce nouveau long post - que j'avais prévu court - peut être lu de deux façons : en long et en large, ou en gros et en gras...
Dans l'impatience de reprendre l'échange pour de bon comme je le souhaite ardemment (car j'ai plein d'idées et de projets plus fous les uns que les autres :p), je souhaite ici discuter cet élément pointé par Isengar. Ce n'est qu'un détail mais vous comprendrez facilement que, vu mon attachement à l'adaptation cinématographique style PJ (chaque mot étant pesé) du premier "volet" du SdA, j'y suis sensible.
Isengar, je viens de revoir la scène que tu évoques et il faut que tu m'éclaires. Malgré quelques ressemblances, et un parallélisme certain, il ne me semble pas qu'il s'agisse du même rocher que tu désignes comme étant celui de Port Waikato (je n'ai pas fait de vérification sur le lieu du Mont Venteux, mais je te fais confiance). Serait-ce même le même lieu (mais vraiment, quand on les regarde bien, il m'est difficile de le croire), que le décor n'est assurément pas le même, bien qu'il soit censé être dans le même style ("traces numénoréennes en TdM"). Le premier décor est un décor entièrement construit en studio (celui de la scène du Mont Venteux), le second est directement réalisé par ordinateur (la scène où les 9 membres de la Communauté sortant de Fondcombe passe sous un mont couronné de ruines).
Ce détail ne change pas grand chose à ta remarquable argumentation d'ensemble que j'espère bientôt discuter plus fondamentalement (au-delà même de la polémique :) ) et/ou prolonger. Toutefois, il y a quand même un point important en jeu pour moi. Quels que soient les reproches qu'on peut faire à PJ, à la fois quant à sa fidélité au chef d'œuvre qu'il entend adapter, quant à son esthétique "spectaculaire" et "hollywoodienne" (même si elle est néozélandaise), et enfin quant à toutes ses formes d'impérialisme mercantile, je suis convaincu que l'adaptation a été faite de A à Z et dans tous les détails avec un soin remarquable, produit d'un travail de qualité largement au-dessus de la moyenne cinématographique (en considérant, par exemple, la catégorie films à gros budgets et à grand succès) — ce qui va dans le sens de certaines des remarques d'Isengar et aussi de la belle analyse d'Elendil Voronda.
Je pense que ce point est un point important à discuter et qui me parait vraiment objectivable.
Je comprendrais qu'on dise, par exemple au vu des images des 13 nains qui vont composer l'aventureuse bande du Hobbit, "tout ça pour ça"... Et que le deuxième "ça" soit largement critiqué. Mais je pense que :
1/ La critique de l'impérialisme jacksonien ne permet pas de conclure qu'au fond PJ n'a pas vraiment de respect ou d'admiration pour Tolkien, qu'il ne l'a d'ailleurs pas vraiment lu, et qu'il est d'abord et avant tout motivé, dans son projet d'ensemble comme dans l'ensemble de ses choix, par son avidité pécuniaire. Ces allégations sont, me semble-t-il, soit des boutades ironiques qui sont bien salutaires sur un lieu de résistance comme Jrrvf, soit de la mauvaise foi qui discrédite davantage la critique que son objet. D'autant que, défendre l'œuvre inestimable (et infiniment supérieure à son adaptation à mes yeux, cela va sans dire, même s'il a fallu le temps que je la découvre dans le texte original) de Tolkien et pourchasser toute complaisance naïve qui entre dans le jeu de la sublimation permanente du "travail artistique" de l'équipe PJ (comme j'aurais certainement tendance à le faire, sous la fascination, sans la remarquable vigilance critique extrêmement pénétrante d'Isengar et de beaucoup d'autres sur Jrrvf et ailleurs - dont Anglin pour les nains, et Silmo fréquemment, pour ne citer que ceux auxquels je pense directement à l'instant), n'enlève rien à l'adage "la critique est aisée, l'art est difficile". J'ajoute que souvent dans les choix de PJ, il est vrai qu'on est devant de l'"art facile" et que sur Jrrvf, on fait souvent preuve d'une critique exigeante (et donc difficile), mais il ne faudrait tout de même pas, et certaines tendances unilatérales ici ou là m'ont parfois donné cette impression, avant que ce fuseau et les échanges qui l'ont initié n'en apportent un brillant démenti, tomber pour l'adaptation PJ, fût-elle à un niveau bien plus modeste tout en faisant preuve d'une prétention autrement claironnante et bruyante, dans l'attitude de ces critiques faciles qui, parce que ce n'était pas à leur gout, ont critiqué l'œuvre de Tolkien jusqu'à la plus indécrottable mauvaise foi (cf. le début de The Road to Middle-Earth de Shippey, magnifique sur ce thème).
2/ La critique des choix esthétiques et du rapport à l'œuvre originale ne permet pas d'affirmer, autrement que par boutade du moins, qu'on est confronté à une adaptation cinématographique superficielle et peu soignée. Tout plaide pour le contraire et on peut l'étayer en détails à l'envi.
C'est ce à quoi je m'attends pour l'adaptation du Hobbit, à laquelle je souhaiterais qu'on s'attache aussi beaucoup dans ce fuseau, ce que je compte bien faire, pour ma part, par le biais de quelques beaux longs posts en ce sens : une adaptation décevante et frustrante pour les admirateurs de Tolkien qui sont également attachés à l'esprit de son œuvre (et l'inverse est difficilement concevable, quoi que sans doute fréquent), et pour tout spectateur exigeant dans la mesure où le spectaculaire l'emporterait trop fréquemment sur ce que le cinéma jacksonien a de fort et de beau pour ceux qui sont de ce gout (comme moi, donc), comme c'est le cas pour les volets 2 & 3 de ladite "trilogie" ; mais aussi un travail soigné qui "vaut le coup" et "vaut la peine d'être vu" pour ceux qui s'intéressent à la fois à Tolkien et au cinéma de Jackson.
Et là, dans la foulée, j'anticipe sur l'énoncé de ma conception de cette adaptation. Il est clair qu'à bien des endroits l'adaptation du SdA, comme assurément l'adaptation du Hobbit, est plus jacksonienne que tolkienienne, mais c'est cela qui m'a immensément plu dans cette adaptation, et qui me plait encore après coup : le résultat d'une véritable rencontre entre un chef d'œuvre littéraire et un cinéaste. Je pense que si l'on admet qu'il y a un style PJ qui par bien des aspects n'est pas tolkienien mais qui a néanmoins sa valeur propre, l'évaluation change profondément de caractère par rapport à celle qui s'intéresserait uniquement au rapport de l'adaptation à l'œuvre originale (et qui se fait souvent sur fond de désintérêt ou de franc dégout par rapport à ce style PJ et à ce qui le caractérise - à savoir le côté "film à grand spectacle" qui ne correspond pas du tout à l'esthétique suggestive de Tolkien, comme Isengar l'a amplement montré).
Séb/Shuddha - au plaisir de vous lire !
ps : J'espère que les passages en gras compensent quelque peu, en clarifiant le propos, la lourdeur de mes phrases qui exigent un effort indû du lecteur auprès duquel je m'excuse platement :p
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Je suis assez d'accord avec cette introduction au style PJ et au ressenti qu'il peut générer chez le cinéphile amateur de Tolkien. Bien que je n'ai pas abordé ce point dans ma discussion, je pense en effet que PJ est à sa manière un amateur de Tolkien, et qu'il éprouve pour son œuvre le même type de respect que le cinéaste classique adaptant un ouvrage célèbre de la littérature. J'aurais tendance à croire que la trilogie de PJ est au moins aussi proche de l'œuvre de Tolkien que le film Sleepy Hollow de Burton l'est de la nouvelle de Washington Irving. Pourtant, nul n'ira remettre en doute l'appréciation de Burton envers Irving.
Là où le bât blesse, c'est que l'œuvre de Tolkien est réfléchie à un niveau rarement atteint, et que l'équilibre de ses parties est conçue de façon minutieuse. De fait, on peut lire le SdA à différents niveaux, depuis la pure aventure de high fantasy jusqu'à une réflexion philosophique sur la mortalité et l'inexorable défaite de l'Homme transformée en victoire par la Providence divine.
Alors que Burton pouvait aisément partir du concept de base pour adapter The Legend of Sleepy Hollow suivant sa propre fantaisie, il semble hélas que le goût de PJ pour les films d'horreur l'ait laissé à une lecture relativement superficielle de l'œuvre (à quelques exceptions près). De là la déception de nombreux Tolkiendili, surtout de ceux qui ont une culture cinématographique conséquente et connaissent des adaptations rendant merveilleusement bien l'esprit de l'œuvre originale (on peut aussi bien citer Gone with the Wind de Fleming que Ran de Kurosawa, par exemple).
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En matière de traduction, j'aime penser qu'il y aurait une sorte de pourcentage de traductibilité qui mesurerait objectivement, mais bien sûr ce n'est qu'une "expérience de pensée", le degré de traductibilité accessible pour une œuvre. Ainsi, telle nouvelle de Poe (disons The Tell-Tale Heart) est traductible en anglais à 80% en français, et Baudelaire l'a traduite à 55% seulement (Le Cœur révélateur) - si, si, quoi qu'on en dise... Baudelaire est un écrivain immense et a fait énormément pour la réputation de Poe, mais le style mi-solennel mi-oral de l'anglais américain de Poe ne pouvait être rendu dans le français littéraire de l'époque qui ne connaissait pas ce genre d'oralisation littéraire... En revanche, le poème The Raven, du même Poe, n'est traductible qu'à 55% (ce sont de merveilleux alexandrins formant une sorte de ritournelle fascinante) et il l'a été à 40% par Baudelaire et Mallarmé, chacun de leur côté (Le Corbeau).
Bien sûr, on est d'accord que c'est inobjectivable, mais ce genre de proposition chiffrée est révélatrice et peut permettre en tout cas l'échange.
Or l'adaptation est une sorte de traduction, à moins que ce ne soit l'inverse. Du coup, on pourrait parler pareillement du degré d'adaptabilité d'une œuvre, selon le média source et le média visé. Je dirais alors que les remarques d'Elendil V. ("Là où le bât blesse"...) montre que le degré d'adaptabilité du SdA est plus faible qu'on ne pourrait le croire, surtout vu la complexité de l'œuvre source de nature littéraire, dans un média différent comme le cinéma.
C'est très difficile à évaluer, mais disons qu'une grande œuvre littéraire est souvent adaptable uniquement aux alentours de 50% au cinéma. Plus la puissance discursive du média littéraire est exploitée dans l'œuvre source, moins l'adaptabilité est grande. On pourrait même, à ce titre, s'interroger tout simplement sur l'intérêt même d'adapter les grandes œuvres au cinéma. Après, de nombreux éléments interviennent. Notamment, comme en traduction, le fait de compensations qui viennent rééquilibrer le degré total de traductibilité/adaptibilité. Je veux dire : si certains éléments peuvent être "mieux" rendus ou passer mieux encore dans le nouveau média. De façon générale, le chef d'œuvre est un paroxysme dans son domaine et a peu de chance de pouvoir l'être dans un autre. Mais il peut y avoir des petites compensations. Y compris via des prolongements.
Or, si je dis que la complexité de l'œuvre tolkienienne ne la rend adaptable qu'à 40%, par rapport à une moyenne de 50% pour un chef d'œuvre littéraire quelconque, je dirais qu'il y a une compensation de taille : c'est l'importance de la mise en images et de la visualisation pour la consistance d'un univers comme la Terre du Milieu. Je sais que c'est autant la force que la faiblesse voire le désagrément de l'adaptation cinématographique. Puisque le cinéma montre et fait voir, beaucoup de la puissance suggestive, si tolkienienne, est perdue. Mais en même temps, je pense qu'il y a une compensation.
Ceci dit, ce que je veux dire est encore ailleurs. Je prends encore quelques exemples très subjectifs que j'objective artificiellement avec mes pourcentages... Si Germinal est adaptable à 50%, Claude Berri, pour moi, l'a fait à 30%. Ce qui est une façon d'exprimer, pour moi, une adaptation "passable" mais sans plus. Si Les liaisons dangereuses sont adaptables à 40% (vu le roman par lettres et le jeu rhétorique permanent), Stephen Frears l'a fait à 35%. Ce qui indique alors, toujours pour moi, une brillante adaptation.
Du coup, dans mon optique, si le SdA est adaptable à 50%, avec la compensation que j'ai dite, PJ l'a fait à 45% dans le 1er volet — même si on aurait pu le faire tout autrement — et à 30% dans les deux autres... Il ne faut donc pas confondre le degré d'adaptabilité de l'œuvre qui est fonction du rapport entre l'œuvre et le média source d'un côté, le média cible et ses possibles, de l'autre ; et le succès de l'adaptation qui se mesure, lui, dans le rapport entre l'adaptation et le degré d'adaptabilité de l'œuvre.
Ah ah, rassurez-vous, je n'espère convaincre personne avec mes pourcentages ! Mais j'ai l'impression qu'ils montrent très concrètement les nuances qu'on peut faire, selon moi, dans la question de l'adaptabilité. Après, il faudrait que je dise pourquoi, même si j'ai beaucoup aimé la remarque précédente d'Elendil Voronda, je considère quand même que l'esprit de Tolkien est très présent dans le film de PJ. Disons à 45% dans le 1er volet... Du coup, là où le bât blesse, pour moi, c'est surtout dans le fait que les 55% restant sont du PJ et font qu'on se trouve à la fois devant une adaptation de Tolkien et devant un film de PJ. Ça vaudrait le coup, même si c'est un peu artificiel, de dire : si l'on devait apprécier le film pour lui-même, indépendamment de l'adaptation (même s'il est évident que dans ce cas, une grande part de ce qui fait la force du film ne vient pas du réalisateur ; donc ça demande un effort de "suspension volontaire" comme dirait Coleridge ou de "réduction" comme dirait la phénoménologie), comment l'évalueriez-vous ?
Pour ma part, le 1er volet, c'est un film totalement à mon gout, un pur moment de cinéma - indépendamment de la question de ses mérites ou ses inconvénients en tant qu'adaptation. Et bien que j'aime aussi un cinéma qui est aux antipodes du cinéma hollywoodien spectaculaire de PJ (comme le merveilleux film japonais Nobody knows de Kore-Eda, ou Le Gout de la cerise de Kiarostami). Je suis faible en connaissances cinématographiques, mais je pense que je suis tout de même un véritable amateur de cinéma, dans ma façon de l'apprécier et de le prendre au sérieux.
Donc, pour revenir à mon idée, "là où le bât blesse" (j'adore cette expression, merci Elendil Voronda de l'avoir ramenée dans nos échanges :) ), c'est que les 55% restant sont du PJ et sont radicalement étrangers à l'esprit Tolkien. Reste à savoir alors si l'on vit cette hétérogénéité comme une heureuse rencontre sans la confondre avec l'œuvre inspiratrice, quelle que soit l'importance de l'adaptation, ou comme une incompatibilité foncière qui ne peut que souiller l'œuvre originale à laquelle le film prétend rendre hommage. Voilà comment le problème se pose pour moi et, vraiment, je comprends, et même j'apprécie, qu'on estime que le style PJ souille le style de Tolkien. Mais je pense que ce n'est pas une fatalité, et que c'est un autre problème que de discuter de la qualité de l'adaptation (même si c'est intimement lié) et a fortiori que d'aimer ou non le style PJ (bien que là encore ce soit indissociablement lié).
C'est tout l'intérêt pour moi de ce long titre de fuseau :
There and Back Again. Retour sur le style des adaptations PJ du SdA au Hobbit.
C'est de suggérer qu'il y a deux problèmes à la fois qui seront traités, deux problèmes qui sont indissociables et pourtant discernables : l'adaptation de Tk par PJ, et le style cinématographique de PJ.
Personnellement, on l'a compris, je ne suis pas loin de penser que jamais on a "adapté Tolkien" avec autant de soin et avec une si grande proximité du degré maximal d'adaptabilité que PJ dans le volet 1 (ce qui n'implique nullement qu'on ne pouvait pas le faire autrement), sauf dans les grandes illustrations de l'œuvre de Tolkien - Howe, Lee, Nasmith et d'autres que je connais moins. Toutefois, je dois ajouter qu'il est assez évident pour moi que Tolkien aurait certainement rejeté violemment les 55% PJ et les aurait jugé, en grande partie, incompatibles avec son œuvre. Mais au-delà du rapport de l'adaptation au degré d'adaptabilité de l'œuvre source, jusqu'à quel point est-ce encore à l'auteur d'en juger ? C'est une question bien difficile - xD
Shudhakalyan.
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Rien de nouveau, il s'agit de la conclusion de l'édito n°15 de M.Semprini dont voici le lien : http://jrrvf.com/sda/tournage/editos15.html — et la dernière phrase :
Par quoi l'on voit que depuis le début des débats soulevés par l'adaptation du Seigneur des Anneaux se confrontent et s'affrontent aussi bien des lectures différentes du livre que des conceptions différentes du cinéma.
© Semprini, le 15 janvier 2004
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Tu résumes assez bien la problématique de l'adaptation littéraire au cinéma. Puisque tu t'interroges sur l'opportunité d'adapter des chefs d'œuvres littéraires au cinéma, vu leur complexité intrinsèque, je pense que ce n'est sans doute pas un hasard si bon nombre de très grands films sont des adaptations de simples nouvelles. Pour parvenir à la force suggestive de l'écrit, le cinéma est souvent forcé de passer de longs moments à établir une ambiance scénique, stoppant momentanément la progression de l'intrigue. Pour reprendre ta comparaison de départ, je dirais que si le style précis de Poe est difficile à rendre en français, Baudelaire s'en est si bien tiré qu'il parfaitement marié son style propre à celui qu'il traduisait. De là l'immense succès de Poe en France, alors qu'il sombrait dans un oubli relatif aux États-Unis. Aujourd'hui encore, je pense que Poe est plus reconnu dans l'Hexagone qu'il ne l'est en Amérique du Nord.
Mais revenons à nos moutons néo-zélandais. J'admets volontiers que le style de Tolkien est mieux rendu dans le premier volet de la trilogie que dans les suivants, même si mes pourcentages à moi seraient nettement plus bas si je devais mesurer le succès de PJ. À l'exception de la parenthèse Bombadil, la Communauté de l'Anneau était à mon sens le plus facile des trois volumes à adapter, bénéficiant d'une intrigue relativement linéaire. La principale difficulté résidait dans la représentation des hauts lieux de l'action, et PJ s'en est très bien tiré pour la Comté, la Lorien et l'Argonath. Imladris est une réussite visuelle, bien qu'elle ne corresponde pas à ma vision de la « Dernière Maison Simple ». Bree, le Mont Venteux et la Moria me laissent une impression mitigée, qui a plus à voir avec les écarts inutiles que PJ s'est permis vis-à-vis des descriptions de Tolkien qu'avec le spectacle visuel lui-même.
Par contre, je pense que nous tenons le nœud de l'affaire quand nous nous penchons sur la partie purement PJ de la trilogie. Je pense que peu de gens me contredirons lorsque j'affirme que l'humour à la sauce PJ se compose principalement de gras et de balourdise. C'est une faute de goût manifeste et une sous-estimation des capacités intellectuelles du public, je pense. Les techniques de caméra qu'utilisent PJ sont résolument dans le style moderne et épileptique (témoin la fameuse scène où l'Anneau tombe dans la neige), alors qu'il aurait mieux valu jouer dans le registre du western à la John Wayne, m'est avis. Quand je compare les combats chorégraphiés par les grands cinéastes japonais, Kurosawa en tête, et ceux de PJ, la comparaison est extrêmement douloureuse pour le SdA. Au lieu d'une vision d'ensemble rapide, synthétique et claire, d'où émergent des mouvements d'ensemble déterminant la suite de l'histoire, PJ se noie dans une multitude de passes d'armes confuses, interminables et souvent ridicules, sources de cacographies visuelles. On pourrait multiplier les exemples. Pour moi, le problème de base réside dans le fait que PJ est certainement un bon manager et ferait un grand producteur, mais que ses talents de scénaristes sont éminemment limités et qu'il ne compte nullement parmi les grands réalisateurs de l'histoire du septième art.
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shudhakalyan a dit :C'est de suggérer qu'il y a deux problèmes à la fois qui seront traités, deux problèmes qui sont indissociables et pourtant discernables : l'adaptation de Tk par PJ, et le style cinématographique de PJ.Rien de nouveau, il s'agit de la conclusion de l'édito n°15 de M.Semprini dont voici le lien : http://jrrvf.com/sda/tournage/editos15.html — et la dernière phrase :
Par quoi l'on voit que depuis le début des débats soulevés par l'adaptation du Seigneur des Anneaux se confrontent et s'affrontent aussi bien des lectures différentes du livre que des conceptions différentes du cinéma.
© Semprini, le 15 janvier 2004
Merci pour le lien :-). J'en ai profité pour le remettre parce qu'il n'était pas bien passé.
J'apprécie tout l'aspect lapidaire du "rien de nouveau". Ah, ah ! Il parait donc bien nécessaire de le rappeler à ce gros bavard qui prétend faire du neuf avec de l'ancien ?
1/ Je pense que ce fuseau est explicitement une reprise d'un thème ancien. D'où le sens du There and back again. J'ai d'ailleurs évoqué les beaux éditos de Semprini, que je n'ai plus pleinement en mémoire. D'où je me réjouis du lien. J'ai aussi invité ceux qui pouvaient le faire à nous renvoyer à d'autres liens.
2/ Il se peut qu'il y ait du répétitif, surtout de ma part, dans ce fuseau, mais j'ai l'impression, moi, qu'il contient déjà beaucoup de neuf. D'abord parce qu'il s'agit explicitement de repenser le problème en vue de la nouvelle adaptation du Hobbit, qu'on est des années après les faits, dans une configuration jrrvéfienne renouvelée. Mais aussi parce qu'il me semble qu'il y a eu ici une vision nuancée, construite à plusieurs voix, de l'adaptation PJ après plusieurs années de déploration assez permanente de celle-ci. Cela me parait important en prévision de la nouvelle adaptation à venir. Peut-être que mon inculture m'empêche de voir que la discussion des avantages et des inconvénients du style de PJ avait déjà atteint cette sorte de nuance complexe et intégrée. J'espère avoir alors l'occasion de mieux m'en rendre compte, et je suis friand d'autres liens. Quoi qu'il en soit, on ne peut pas à la fois s'attrister que les jours glorieux de Jrrvf soient passés et, dès qu'une nouvelle aube s'esquisse, pointer que le soleil s'était déjà levé pareil hier, le nouveau n'étant que la répétition de l'ancien.
3/ La même idée exprimée en des termes nouveaux ne me parait plus la même idée. Je suis d'accord pour la nécessité de s'informer de ce qui a été fait auparavant, de ne pas stagner, de reprendre ce qui a été fait pour progresser, pour aller plus loin, et je reconnais volontiers mes lacunes en la matière. Seulement, si l'on attend d'avoir tout parcouru pour s'assurer de ne pas répéter une idée déjà développée précédemment, il ne reste plus qu'à se taire. Il me semble plus important d'être conscient que la nouveauté des éléments apportés n'est que relative. J'en suis conscient et j'apprécie du coup le rappel des évocations précédentes. Un lapidaire "rien de nouveau" me parait néanmoins indigne du long développement auquel il s'applique. Je dirais d'ailleurs volontiers :
Mais je ne voudrais pas que l'on pense que devant toute nuance de mon propos, je monte en haut des tours en clamant :
Il n'empêche que le rien de nouveau me parait trop court. Pas grand chose de nouveau, à la limite, oui. Mais toute cette discussion sur le degré de traductibilité et d'adaptabilité, avec mon jeu des pourcentages, est peut-être mauvaise, mais je ne pense pas qu'elle ait déjà été écrite. Enfin, last but not least pour ce point, si l'on éprouve le besoin de rapporter des idées qui en réalité sont déjà anciennes, c'est parfois que le contexte le justifie, parce qu'on semble les avoir oubliées. Ainsi, cette remarque de Semprini méritait d'être rappelée dans la discussion sur l'adaptation PJ.
4/ Il reste que cette remarque de Semprini laisse implicitement la porte ouverte à une discussion sur le style de PJ pour lui-même. Ce n'est pas ce qu'on a tendance à faire, puisque le bonhomme prend trop de place, et qu'on est sur un site consacré à Tolkien. Cependant, puisque, bon gré mal gré, l'adaptation cinématographique d'œuvres considérables du Professeur est entre ces mains-là, il me semble que cela vaudrait la peine de le faire. Or dans la citation que tu évoques de Semprini, ce n'est qu'un possible implicite. Dans mon explication, c'est une invitation explicite et insistante. Cela me semble assez différent. En outre, si ce travail n'a pas été encore fait, celui d'interroger le style de PJ à la fois pour lui-même et en rapport avec le fait que c'est dans ce style que se fera l'adaptation, il vaut le coup de proposer de le faire avec un nouveau message, ancré dans le présent. Et non par un simple rappel de discussions passées qui, aussi importantes soient-elles, relèvent d'un état du forum qui n'est plus actuel. Si ce travail-là a déjà été fait, je serais l'obligé de toute personne qui aurait l'amabilité de nous y renvoyer. Il me semble cependant que la tendance, à la fois récente et dans la conclusion des éditos de Semprini à laquelle tu renvoies, est plutôt à spéculer sur l'autre style qui aurait mieux convenu pour une adaptation de Tolkien - ce qui revient souvent à reconfondre le problème du style du cinéaste et de l'adaptation (qui implique la question de la conception du cinéma, mais pas seulement), ou à décrier, comme de juste, toutes les infidélités de PJ par rapport à l'œuvre de Tolkien. Or la situation à laquelle on est effectivement confrontée, selon la conception du problème que je propose, est celle d'un style fort de cinéaste, celui de PJ, qui est radicalement différent de celui de Tolkien. Se pose alors la question de la composition entre ces deux tendances (style PJ, style de Tolkien à la source). Le fait même de poser la question en termes de style ne me parait pas non plus la même chose que ce que dit Semprini, même s'il est vrai que ses éditos traitaient largement du style.
Quoi qu'il en soit, la remarque faite est précieuse, parce qu'elle est exigeante et me pousse à me replonger dans ces éditos, ce qui ne pourrait que nous permettre d'aller plus loin. Pourvu que plusieurs trouvent le temps de le faire. Plus l'on tisse avec les anciens fuseaux, comme je l'avais proposé, plus l'échange sera riche. Ce qui n'empêche que la remarque me paraissait injuste, comme je l'ai trop longuement détaillé. Si c'était pour me faire parler, c'est réussi ! Ah ah ! Mais curieusement j'en doute...
Shudhakalyan.
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Cher Elendil V., alors que je trouve, pour ma part, que PJ est un grand réalisateur (dans son genre), j'apprécie immensément ta position telle qu'elle est formulée. Vivement que je puisse décrire aussi bien la mienne (j'ai fait trop de considérations générales, et aspire maintenant à des remarques plus précises).
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Je ne suis pas d'accord.
Cet argument, aussi ancien que d'autres préjugés que je ne citerai pas, a servi de justificatif étalon à Peter Jackson et ses complices désintéressés pour simplifier et/ou transformer à l'envi les points fondamentaux d'une oeuvre dont ils n'avaient pas saisi le sens.
Ici, tu ne fais que réciter une leçon, retenue sans doute bien malgré toi, serinée à tout va dans les DVD des versions longues. Sauf ton respect.
Avec les moyens pharaoniques dont il disposait, Peter Jackson avait largement de quoi travailler plus en profondeur certaines scènes réputées difficilement transcriptibles et prouver que c'était faisable.
Au lieu de ça, il a tranché sans que ce soit artistiquement justifié. Et il a inventé, sans que ce soit cinématographiquement opportun.
Pour les exemples, puisqu'on parle de tissage et que je n'ai pas le temps de tout réécrire, voir ici, en faisant abstraction de tous les gros mots.
Shou : "La critique des choix esthétiques et du rapport à l'œuvre originale ne permet pas d'affirmer, autrement que par boutade du moins, qu'on est confronté à une adaptation cinématographique superficielle et peu soignée."
C'est pourtant le cas. Et ce n'est pas une boutade.
A moins que ne laisse entendre que la critique n'a aucune valeur ni aucune crédibilité en ce qui concerne la "trilogie" ?...
Même si les choix esthétiques de Jackson peuvent parfois être discutés (L'armée des morts, les orques, la Lorien, les elfes en général) ou célébrés (La Comté, la Moria...), et même si au final, la "trilogie" est visuellement une réussite, il n'empêche que la fidélité à l’œuvre originale de Tolkien n'est que superficielle. Et delà de ce rapport à l'oeuvre (forcément biaisé car deux médias différents, bla-bla...), le travail scénaritique et le récit (limpide chez Tolkien) devient brouillon et sans cohérence interne. Nous sommes donc, sur le plan du récit et du scénario, face à une adaptation cinématographique superficielle et peu soignée.
"Tout plaide pour le contraire et on peut l'étayer en détails à l'envi".
Tout ??? Mwarf ! Je me réjouis d'avance...
La balle est dans ton camp, Shou. Un post de trois lignes devrait te suffire :D
"et "hollywoodienne" (même si elle est néozélandaise)"
Ah oui, pardon : la différence, c'est que les gens qui bossent à Welliwood sont moins bien payés, moins bien couverts socialement, et moins protégés syndicalement... sinon, à part ça ?
Désolé d'être lapidaire, mais le temps me manque.
Je reviendrai plus en détail sur la plupart de ces points ultérieurement car dans la globalité, je ne suis pas en harmonie avec ce que tu avances.
Bonne fin de week-end.
*file*
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Bien que je sois généralement d'accord avec tes critiques, Isengar, je fais exception pour l'idée que le SdA serait facile à adapter. Je crois sincèrement que l'œuvre est suffisamment complexe pour donner du fil à retordre à n'importe qui. De ce point de vue, je pense que peu de chefs d'œuvres du septième art ont traité un roman aussi difficile (j'attends les contre-exemples, mais je doute qu'on parvienne à en trouver beaucoup).
La question visuelle à elle seule était une tâche colossale, donc PJ s'est généralement bien tiré, et parfois même brillamment. L'équilibre entre parcours initiatique, trame épique et trame traitant de l'élévation des humbles (faute de trouver un terme pour la caractériser) est remarquable dans le roman et le rendre à l'écran serait extrêmement ardu, surtout pour la génération actuelle de cinéastes, qui fait rarement dans la nuance. Une compréhension juste des personnages est encore plus difficile. Combien de relectures du SdA m'a-t-il fallu avant de pénétrer et d'apprécier les personnages de Faramir et de Théoden pour ce qu'ils sont ? (À vrai dire, sans le Silm., les CLI et « Of Dwarves and Men », je n'y serais probablement pas arrivé.)
Non, je ne pense pas que PJ ait eu la partie facile. Ça ne m'empêche pas de penser qu'il aurait pu faire bien mieux avec les moyens dont il disposait, et même d'améliorer l'ensemble en restant dans son style propre, évidemment.
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Ah ah ! Quel dommage qu'on ait pas tous beaucoup plus de temps pour discuter ! Enfin, ça fait partie du charme ! Permettez-moi de dire que je prends mon pied dans ce fuseau :)
Dans le même sens que la fin du post de Damien, et pour réagir brièvement vis-à-vis des belles réactions ciblées et rythmées d'Isengar, je voudrais préciser que je comprends, pour ma part, qu'on trouve que l'adaptation aurait pu être beaucoup mieux faite et même qu'elle ne soit pas réussie. Je ne suis pas d'accord, mais ça se défend. Qu'elle soit "superficielle et peu soignée", ça je maintiens que c'est abusif. Mais bon, comme tu le soulignes Isengar, il faudra plus que le réaffirmer pour m'expliquer là-dessus (vivement ces trois lignes bien pesées - ah ah !)
Quant à la complexité du film à adapter, je ne faisais que répondre sur ce point à Elendil V. qui a bien précisé son point de vue à ce sujet. Tu peux donc lui répondre pour ton compte, mais il ne s'agissait pas, pour ma part, de réciter mon vieux credo jacksonien étendu (le credo étendu renvoyant aux chapelets de la version longue en 4 dvd pour chaque volet, n'est-ce pas).
Enfin, pour l'hollywoodien, je ne cherchais pas à te corriger, Isou, mais plutôt à souligner que je suis bien d'accord sur ce point, et Welliwood, avec ses effluves de paradis fiscal, me convient fort bien. Précisément, une partie de ma position serait celle-ci : peut-il y avoir une puissance cinématographique dans un film hollywoodien/welliwoodien ou bilbollywoodien comme tu le dis si bien d'aujourd'hui ? Car si tout est à jeter, aujourd'hui, dans le cinéma à grand spectacle, il est évident que la question est d'avance réglée. Mais bon, ce n'est donc pas ce que j'en pense.
Je signale, en passant, mais on peut creuser selon les besoins, que, si je me souviens bien, Tom Shippey a argumenté (en annexe de la nouvelle version de The Road to Middle-Earth) pour montrer que la trame narrative du film respectait l'esprit tolkienien et son "tissage" narratif si caractéristique, notamment autour de la notion de Providence (mais j'avoue que mon souvenir est vague donc j'irai vérifier ça).
Sinon, Isengar, mille mercis pour le fuseau auquel tu renvoies !
Séb.
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Ne me remercie pas trop pour ce lien quand même... Ce fuseau a été torpillé dès le départ par des réactions brutales et - sans aucun doute - légitimes face à l'arrogance de mon ton et à l'humour agressif utilisé dans ma démonstration de l'époque.
S'il était à refaire, je le referai autrement... sur la forme j'entends.
Pour Shippey et sa vision du respect de l'esprit tolkienien (avec laquelle je ne suis pas tout à fait en harmonie non plus) c'est par ici.
A plus tard
I.
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... et je précise, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté là dessus, que je ne rejette pas en bloc le cinéma à grand spectacle, fut-il d'Hollywood ou d'ailleurs. Loin de là.
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Ces précisions sont bienvenues et bien reçues, très cher.
S.
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J'aimerais bien savoir Mestre Isengar ce que tu penses justement de l'article de Shippey traduit sur Tolkiendil. Je ne crois pas que ce soit H.S ici non Shu ?
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Infiniment d'accord avec toi, Maitre Nain. D'ailleurs, j'avais d'abord cru que le lien renvoyait à un long fuseau comme Isengar en a le secret sur cet exposé de Shippey, avant de me rendre compte qu'il s'agissait d'une traduction de qualité dudit exposé sur Tolkiendil... Je suis donc resté sur ma faim, et plussoie pleinement à ta requête :)
Séb - sans vouloir faire toujours bosser les mêmes :p
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Il y a une quinzaine d' années, j' étais un lecteur lambda de Toto: le SdA, le Hobbit, le Silmarillion, auxquels j' avais ajouté l' Atlas de Fonstad, et le Guide de Foster, et c' était tout...Du basique, quoi! Mais le hasard, ou le Destin, ou Dieu, ou les trois à la fois, veillai(en)t, et deux faits concomitants changèrent ce triste état de chose: un entrefilet de MadMovie m' informait de la cession des droits et d' une possible mise en péloche du SdA, et je devins l' heureux propriétaire d' un IBM ThinkPad...Ce qui me projeta sur ( ou plutôt: dans! ) la Toile, où je découvris, outre ce site merveilleux, une bande de monomaniaques psychorigides qui s' excommuniaient à grand renfort de citations latines et d' extraits de textes védiques, afin de déterminer si les ailes du Balrog étaient supérieures au rebord du chapeau de Gandalf pour freiner l' une ou l' autre de leur chute respective, dans les tréfonds de la Moria! Je me devais, donc, de remercier ce tâcheron pellucidaire d' avoir fait ce qu' il avait fait, à savoir: son boulot...Tout en contribuant, de manière significative, à l' enracinement d' une salutaire misanthropie!
Car Peter Jackson " fait " du cinéma, comme d' autres réparent des tracteurs, impriment des livres, fabriquent des leurres pour la pêche. C' est son travail, son job, sa profession, ce qui lui permet de ramener de la thune au bercail, de nourrir ses gosses, son chien, d' entretenir ses maîtresses, et/ou de s' acheter des shorts...Et comme dans un bon nombre de professions, il y a des bons et des mauvais, des flêches et des poussifs, des " super " et des " bof ", et pour faire bonne mesure, une majorité de passables moyennement médiocres! Et tout ce petit monde fait tourner le bizness! Car, comme l' a dit le sage: le cinéma est, AUSSI, une industrie, avec ses entreprises, ses règles, ses besoins, ses problèmes financiers, ses bénéfices à engranger, et sa populace: patrons, ouvriers, commerciaux de tout poil...Y a même des grêves! C' est dire si c' est un boulot comme un autre, et qui n' implique en aucune manière la nécessité du génie, du talent, ni même d' un quelconque " style "! On lui a collé un numéro, le plaçant entre hip-hop et téloche, mais ne contribuant en rien à faire de tous ceux qui concourent à la fabrication d' un film, des artistes ( dans le sens, et avec la valeur positive que l' on donne habituellement à ce mot )!
Et quant bien même cela serait...Il y a, au sein du microcosme halieutique, une unanimité ( et/ou une mode ) pour considérer que les leurres - Vagabond - ( c' est le nom du fabricant nippon...) sont " d' authentiques oeuvres d' art "! On peut, effectivement, leur attribuer une certaine beauté esthétique: ils sont taillés dans de préçieuses et rares essences végétales, merveilleusement sculptés à la ressemblance du vivant, délicatement peints à la main, et ils valent la peaudec...Et si tous et chacun s' accordent à reconnaître, dans un leurre VAGABOND, un pur chef-d' oeuvre d' esthétique, il n' y a que peu de pêcheur suffisamment sûr de sa technique ( et/ou de sa chance ) pour balancer à la baille un objet dont le prix dépasse, et de loin, le salaire mensuel d' un cadre sup'...Ce qui explique pourquoi ces leurres ne figurent pas parmi les " indispensables ", ceux qu' on se doit d' avoir dans sa musette si on veut s' épargner le triste capot! En fait, je serais bien en peine de vous dire si un quelconque VAGABOND a attrapé quoique ce soit, mis à part le pauvre naze qui s' est ruiné pour le posséder, car il manque, à cette quintessence absolue du leurre artificiel, qu' une seule qualité...L' efficacité!
Tout ça pour dire qu' il ne suffit pas de décréter que Mr Jackson a du " style ", ou/et qu' il a été un lecteur assidu de Toto, les trois mois précédent le tournage, pour lui attribuer une quelconque valeur comme fabriquant de film...Comme il n' est pas nécessaire de s' envoyer la totalité des publications, critiques, essais, et/ou archives de forums divers pour valider l' affirmation inverse: il suffit de lire quelques posts d' Isengar pour s' en convaincre! ( Qu' il en soit à jamais remercié! ) ;-)
Il en est du " style " comme de " l' Art ", il serait bien qu' on définisse un peu de quoi on parle...En quoi, par exemple, se définit le " style " jacksonien?! Préexistait-il à la fameuse trilogie?! Reconnait-on, sans erreur possible, la production du réalisateur?! Apparait-il dans les listes hiérarchisées qu' affectionnent les revues spécialisées, à quelle place, depuis quand?! Peut-on lui attribuer une " oeuvre "?! Dans l' affirmative, est-elle cohérente, singulière, révolutionnaire?!
Un petit jeu, avant d' entamer l' avant-propos de mon introduction, précédent les douze chapitres du résumé de mon intervention préliminaire...?!
J. Ford, O. Wells, S. Leone, A. Kurosawa, I. Bergman, A. Hitchcock, S. Ray, F. Fellini, L. Bunuel, et P. Jackson, sont dans un bateau...Cherchez l' intrus qui va finir à la baille!
Ceci dit, je n' aime pas les hiérarchies, surtout quand elles s' élaborent sur des critères par trop subjectifs comme le goût, les a priori moraux, et/ou les convictions politiques, quand l' ici et maintenant se fait partout et toujours, en se gravant dans le marbre de l' éternité, comme si le fringant spectateur du Max Linder d' hier avait quelque chose à voir avec l' individu présentement vautré sur le sofa du salon! Et si j' en crois la mienne expérience, nombre de mes " certitudes passées " le sont, aujourd' hui, bel et bien, passées, ce qui ne prédispose pas particulièrement à l' édification ( et à l' emploi! ) de définitives hiérarchies...Et encore moins quand ce sont celles des autres!
Ceci dit, je ne doute pas que Mr Choux ( et/ou Mme Betterave...) balaieront d' un vigoureux argumentaire les brouillonnes, quoique légitimes, inquiétudes quant à l' improbable éventualité que l' on pourrait, horresco referens, assimiler ce pauvre TB à la multitude majoritaire prétendant que P. Jackson SERAIT un authentique cinéaste!
Carpe diem
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en attendant la réponse d'Isengar ...
2/ La Terre du Milieu (évocation du souci de réalisme et d'historicité de l'adaptation PJ).
Soyons clairs et conçis, Mr Jackson n'a pas totalement démerité à ce point de vue.
Comme je l'ai dit plus haut - passons sur l'introduction - je suis 'entré' dans cette Comté proposé par ce Monsieur. Pour de nombreuses raisons (sans doute encore dénué de l'arrière (dé)goût subséquent lié de certaines scènes suivantes) je me suis pris à pensé qu'on y était, ça y est quelqu'un l'a fait (et bien fait...) dans quasiment tout le passage lié à cette charmante région pleine de petites gens sympathiques. Le décors me plaisait. Les vues, photos, réalisme du paysage ... oui 90% au bas mot m'ont semblé être réussies.
Ensuite nous avons l'arrivée de nos cavaliers noirs, qui tant qu'ils étaient à cheval, m'ont semblé dans l'ordre des choses, d'un point de vue narratif (première accélération du roman pour moi) et donc d'un point de vue rendu visuel. Notons tout de même que chez Bakshi nous avons à peut prêt le même soucis d'historicité puisqu'avant qu'Arwen débarque on a quasiment un copié collé dans les découpes liées visuellement à ces attendus sombres Nazgûls (scène des hobbit sous la racine de l'arbre par exemple). Noirceur des lieux, espèce d'effets visuels d'éloignements rapprochements assez sympathique. Soin évident apporté aux visuels des chevaux. Arrivée au bac presque impéccable - visuellement- et donnant déjà tout l'importance de nos 9 'bonzommes trè méchants'.
Bree, dommage beaucoup trop de méchants de type querreleurs et imbibés à mon goût (on dirait la taverne des méchants de Shrek), la ville elle est crédible. Les rues sont médiévales à souhait, la nuit est là, ne reste plus qu'à attendre notre Grandpas à nous. Dans Bakshi toujours la même remarque d'un point de vue découpe des scène. Petit avantage à Jackson qui nous transporte un peu plus longtemps de la porte de la ville à l'auberge.
Beaucoup de soin apporté à la scène (photo, luminosité, zoom, travelling etc ...) d'arrivée du personnage d'Aragorn. Encore une fois dans Bakshi, qui n'avait pas les mêmes budgets, le respect de ce passage de ce passage est évident, mais forcement nécessaire, vu le futur du p'tit gars en question.
Mont venteux ... salleté de moustiques ... comme Isengar (d'habitude devraisje dire): je n'aime pas trop le visuel de cette scène. Choix de restriction en tout point de vue, on restreint le décor, on restreint les couleurs, on découpe nos nazgûls crépusculaires ... bof ... les nazgûls en blanchâtres et éthérés à ce point je n'y crois pas. Heureusement Aragorn arrive (un peu en retard, il était où d'ailleurs ?) et nous balaie tout ça.
PREMIER DESORDRE MAJEUR : ARWEN
Pourquoi ? Je pense que le sympathique 'A naï védiou Dunadan, mae govanen' du choix de Legolas est bien meilleur à posteriori chez Bakshi, puisque qu'elle nous donne un meilleur point de vue sur l'aspect nèlfique de l'arrivant sauveur de Frodon. Arwen elle ridiculise Aragorn (je ne me rapelle plus de la phrase en question mais bon ...), et s'impose en femme guerrière. Alors que Legolas/Glorfindel est plus impliqué/préoccuppé par l'état de Frodon. Plus en retrait, à sa place narrative et historique quoi.
Je passe sur la poursuite, parce que Isengar résume mon point de vue. On dirait une mauvaise poursuite, tantôt à un mètre tantôt à quinze, des tours et détours, ...
Visuel de la fin passagère des Nazgûls et du guêt de Bruinnen intéréssant, si on gomme la sorcière/guerrière/magicienne au premier plan EVIDEMENT.
La suite à quand je peux ... c'est long cette trilogie.
Juste un petit truc sur le point 3 :
3/ La mise en images (évocation de la direction artistique de John Howe et Alan Lee).
Je ne suis pas fan complet de ces deux, là, on dirait d'ailleurs, que quand on aime Tolkien, il n'est pas bon d'avoir ce point de vue. Je pense que souvent on oublie que certaines fois Tolkien est venu (que vous le traitiez en mal ou en minable c'est autre chose par rapport à une simple lecture) des jeux de rôles, et que des types comme Nasmith ou Angus Mc Bride avaient aussi des ponts de vue interressants. De mon point de vue. Finalement ce point 3 me dérange, comme le fait pour certain que David Salo mène la danse en Langues 'parlées' dans le film d'ailleurs ...
Les choix que ces deux là on fait on forcement fermé beaucoup d'immaginaire dans nos lecures qu'elles soient anté ou postérieures à leur découvertes.
... J'espère que personne ne découvre le Hobbit dans la BD de Dixon et Wenzell ...
(Et si je disais que Thierry Ségur à dessiné les meilleurs nains approchant les Tolkieniens dans "Légendes des Contrées Oubliées" là je me ferais sans doute encore plus cassé du mithril sur le dos non ?)
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- désolé pour les fautes, je bosse - et puis s'il y avait un bouton ré-éditer dans ce forum, vous feriez un heureux Nain-Terne-Hôte.
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Par rapport à Ted Nasmith, j'ai lu récemment quelque part (où?) qu'il s'était vu proposé le même poste que ses deux compères Howe et Lee mais qu'il avait refusé pour raisons personnelles, à mon grand regret d'ailleurs.
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Druss > Content que tu le mentionnes parce que je pensais avoir vu ça quelque part aussi ! Ils se sont d'ailleurs très manifestement inspirés des dessins de Nasmith pour Minas Tirith (aucun dessin de ce genre n'existait chez Howe & Lee, et le rendu final ressemble fort à ce qu'avait fait Nasmith avant le film)... Malheureusement, ce n'est pas le genre de choses que l'administration PJ (ça fait Bush...) prend la peine de préciser...
Pour le reste, pas encore eu le temps de lire :( mais je me réjouis... !!
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Trop peu de loisir en ce moment pour participer activement à ce débat que je consulte cependant de loin et vite, en trépignant parfois; par exemple quand il est question de traduction et d'adaptation, choses oh combien différentes... grammatici certant !
Bref, je viens quand même en hâte protester que Mme Chou (qui fait de si bonnes gaufres belges) ne saurait être traitée impunément de "betterave" ! C'est indigne, je dis.
Silmo
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Au fait, l'intrus dans le bateau ne peut être que le néo-zélandais, tous les autres sont déjà cannés - hélas :-(
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Comme Silmo, je regarde ce fuseau sans avoir vraiment le temps de participer. Concernant Ted Nasmith, je confirme l’information que j’ai obtenue de la bouche de Ted lui-même. Effectivement il s était vu proposer un poste de conseillé artistique avec Alan Lee mais la présence durant deux ans à plein temps en Nouvelle Zélande était obligatoire et contractuelle et pour des raisons personnelles que je ne dévoilerai pas ici Ted ne pouvait pas s’absenter si longtemps du Royaume Uni.
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Nenni, je suis bien d'accord avec toi. Par contre, peu de points communs entre les Akeïs et les Rohirrim ou entre les Lïns et les Hobbits. ;-)
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"L'étang monte jusqu'au mur à la Porte de l'Ouest. Le Guetteur de l'Eau a pris Óin."
Les nains de la compagnie de Thorin trainant leur poney avant d'entrer dans la caverne des gobelins ?
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Et en version PJ :
"Dwalin, pour vous servir"
I. en passant - et avant de revenir plus en détail sur le sujet dès que possible...
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Quelques réflexions, tout de même ! (je ne résiste pas et j'ai essayé hier soir de les réunir pour les copier/coller ici)
La notion d'adaptablilité : désolé Shudha, mais je n'y crois pas. Nombre d'oeuvres réputées inadaptables ont été portées à l'écran, parfois avec bonheur. Par exemple "Le Temps retrouvé" du regretté Raoul Ruiz* est une réussite alors qu' "A la recherche du temps perdu" était prétendument inadaptable; Lynch fut moins heureux avec "Dune" tout en marquant quelques bons points; autres gageures célèbres, "Moby Dick" par John Huston, "Le scaphandre et le papillon" par Shnabel, "Le Hussard sur le toit" par Rappeneau, "Lolita" par Kubrick, "le Parfum" par Tom Tykwer, "Don Quichotte" par Gilliam (non abouti plus par malchance récurente que par inadaptabilité, je suis sûr qu'il en aurait fait quelques choses de bien),...etc. A l'inverse, il existe des quantités de bouquins a priori parfaitement adaptables qui aboutissent quand même à des bouses (un seul exemple: toutes les adaptations cinéma d'Astérix sont nulles, sauf celle d'Alain Chabat).
* peu de temps avant la mort de raoul Ruiz, Arte a diffusé cet été ses éblouissants "Mystères de Lisbonne" (adaptation d'un classique de la littérature portuaise de Camilo Castelo Branco) une magistrale leçon de cinéma où les mouvements de caméra tantôt virevoltants, tantôt épurés, les plans subtils, les éclairages nuancés, sont utilisés comme une plume qui glisserait sur le papier en y traçant des pleins et des déliés. Un bijou !
La notion de traductibilité : je comprends mieux ce concept mais l'intraductibilité n'empêche pas l'adaptation. Pour reprendre le cas que tu cites, Shudahaka, celui de "The Raven" d'E.A. Poe, Roger Corman en a fait une version tout à fait honorable avec un budget misérable. J'avoue ici un certain parti pris, je suis grand fan de Roger Corman et de ses films artisanaux, surtout son cycle inspiré par Poe. D'ailleurs, ça me permet d'en venir au point principal...
libre traduction / libre adaptation : L'adaptation de "The Raven" par Corman est une version totalement burlesque du poème (avec Vincent Price et Peter Lorre, hilarants) et ça n'a rien de scandaleux puisque c'est le parti pris du réalisateur.
A cet égard, il me semble qu'une traduction est forcément soumise à des contraintes (elle souvent faite par quelqu'un qui veut restituer au mieux l’esprit ,le style, l'atmosphère, le rythme, etc... œuvre originale - normalement, c'est la commande que le traducteur recevra de l'éditeur) tandis qu'à l'opposé, une adaptation demeure parfaitement libre. C'est toujours une création personnelle à part entière, faite d'après un bouquin, un poème, un opéra, que sais-je?
En l'occurrence PJ aurait pu faire du SdA un film muet, une série animée, une comédie musicale, un film gore, une version psychédélique, un court-métrage, une version karaté,... ou toute autre forme d'adaptation, c'était son droit. A nous ensuite d'apprécier sa vision personnelle du SdA.
La déception tient probablement aux affirmations liminaires de Peter Jackson prétendant suivre scrupuleusement Tolkien et au fait qu'ayant fait quelques efforts en ce sens au début de sa trilogie, il soit bien vite allé vers d'autres chemins que nous avons parcourus avec des sentiments mitigés.
En résumé, d’accord avec ce qu'a évoqué TB dans le fuseau des potins : la trilogie restera une distraction possible pour les jours sans pêche !
Quant au style de PJ, il convient certainement à ce genre là (film d'action et de distraction) mais pas question de l'élever au rang des grands réalisateurs, faut pas pousser... Comparé à la plume dansante de Raoul Ruiz, Peter Jackson écrit au burin.
L'adaptation du Hobbit sera certainement du même tonneau mais au moins, on est prévenu.
Silmo
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quelques choses / littérature portugaise / elle est souvent faite / le rythme, etc... de l'œuvre originale
Silmo, pas bien réveillé en tapant ça !
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(un seul exemple: toutes les adaptations cinéma d'Astérix sont nulles, sauf celle d'Alain Chabat)
OOOOOOOOOUF... tu sais que la première partie de la phrase m'a fait peur ^^ Mais Alain Chabat sauve tout. I agree.
Et te rejoins en tout point sur le ressenti adaptation/traduction. Il aurait argué d'une libre adaptation, on n'aurait pas tant trouvé à rechigner. Les Nestor Burma de la télé sont de libres adaptations des personnages de Léo Mallet, mais c'est super bien fait. Sherlock 2011 est une libre adaptation des bouquins, et c'est génial. Personne n'a prétendu respecter le texte à la lettre et ça marche très bien comme ça. Les auteurs sont créatifs, valorisent les personnages et en tire des échos auxquels on n'aurait pas pensé (je pense au Watson de Sherlock 2011 qui revient de la guerre en Afghanistan... tout comme le Watson des bouquins. Comme dit Sam, c'est la même histoire qui continue).
Dans le cas Jackson, très peu de personnages sont valorisés. On les a déjà cités auparavant : Aragorn (même si flanqué d'une Arwen gourdasse), Boromir (là, on tient mon exemple d'adaptation réussie : il n'est pas comme dans le bouquin. Éclairé différemment, il prend une profondeur qu'on ne lui aurait pas donnée dans le livre. Pourtant on part des mêmes postulats, mais son caractère acquiert une richesse qui n'était pas abordée), Eowyn (qui fait ce qu'elle peut avec ce qu'on lui donne), et Gollum, paradoxalement (qui, de tout faux qu'il est, est une réussite d'animation).
Pour le reste, on a un appauvrissement général, en profondeur, en caractère, en rayonnement.
Mais ça ne rentre ni dans le point 1, ni 2, ni 3, donc je reste à écrire en petit :D
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'alut, camarades !
Ce week-end tranquille aura été propice à plein de choses, notamment à préparer cette petite réponse à Anglin.
Pour le reste, notre Nain croyable ami, Laegalad, Silmo, et Elendil ont dit les choses aussi bien que je n'aurait su le faire. Je ne reviendrai donc pas là-dessus.
En avant propos, permettez-moi de préciser deux choses essentielles :
- j’apprécie les travaux de M. Shippey, pour ceux que j’ai pu avoir l’occasion de lire (je n’ai pas fait l’acquisition définitive de ses ouvrages, ce qui est certainement un tort – et souvent un handicap, pour avancer sur certains travaux.)
- d’une manière générale, il ne me viendrait pas à l’idée de contester la juste vision des choses d'un de nos aînés tolkiendili.
Il se trouve toutefois, que cette fameuse annexe de la dernière édition de The Road to Middle-Earth consacrée à la « trilogie » comporte une certains nombres de points sur lesquels je suis souvent en léger désaccord et parfois pas d’accord du tout.
Il s’agit de détails bien entendu. Globalement, le point de vue de Shippey est parfaitement entendable. Mais au risque de me faire taxer de pinailleur, ce que je prendrai pour un compliment, ces détails biaisent considérabement l’harmonie du propos et rendent l'argumentaire mmh, dangereux, comme dirait Edouard K...
Le premier point de désaccord concerne la transmission par Shippey à ses lecteurs d’éléments des rumeurs qui ont construit la « légende dorée » de Peter Jackson : je ne peux attester d’aucune source sinon les potins de Los Angeles, et non d’Oxford. Peut-être un jour l’histoire complète sera-t-elle révélée.
L’histoire d’un type qui rêve d’adapter le Seigneur des Anneaux depuis son enfance et qui a tout fait pour protéger son projet des crocs carcharhinides des producteurs hollywoodiens pour imposer héroïquement (mais en short) la « trilogie » dans la forme qu’on connaît aujourd’hui, c’est totalement suranné. Bon pour les naïfs qui ont fait le tour du monde en solitaire depuis 2001 et qui ont raté les pages fort peu glorieuses des procès avortés entre Jackson et New line, entre la Tolkien Estate et Jackson (et New Line) et les incertitudes liées à la fraîcheur du pognon de la MGM – et je ne parle pas de l’affaire du scandale étouffé de la réforme de la législation du travail néo-zélandaise en 2011, qui rétablit l'esclavage des intermittents des spectacles antipodaux, à la demande des producteurs du futur Hobbit...
Tout comme l’argument de la 'longueur démesurée' d’une adaptation fidèle et exhaustive et celui de 'l’inadaptabilité' (qui ne veut pas forcément dire facilité, pour répondre à Elendil), on a affaire à des affabulations destinées à montrer à quel point Peter Jackson aura été habile et talentueux pour avoir réussi, malgré les obstacles, à faire ça.
Mais bon, si la terre entière – sauf quelques irréductibles – sait aujourd'hui que Peter Jackson n’a pas abordé l’adaptation de Seigneur des Anneaux comme un sacerdoce ultime et que le roman de Tolkien n'a jamais été son livre de chevet (contrairement à la plupart d'entre nous) ce n’était peut-être pas encore le cas de Shippey en 2005, époque où la désinformation à ce sujet était encore massive et où les retombées financières des 17 oscars de complaisance des films étouffaient toutes formes de critiques a posteriori.
Au moins Shippey nous épargne la malodorante galéjade d’un projet Hobbit qui remonterait dans le cœur de Peter Jackson à 1995... (eh oui, son annexe ne date que de 2005, soit un an avant que Jackson ne pose une option sur l’adaptation de Bilbo (droits « loués » par Saul Zaentz, leur légitime propriétaire qui a du se faire un fric monstre pendant les soubresauts de l’affaire MGM) et raconte sa gentille fable du vieux projet à Brian Sibley, qui n’est pourtant pas parti faire le tour du monde en 2001 (A Film-maker's Journey, 2006)...
Là-dessus, que Shippey évoque avec un sourire en coin le canular fameux et fumeux du « script doctor » qu’on aurait voulu imposer à Jackson, pour ensuite nous rappeler que Jackson qui « devait penser à produire un retour sur investissement », a misé avant tout sur « l’attrait populaire » en songeant à « amuser la galerie », quitte à sacrifier des pans entiers de l’histoire du roman pour les escamoter sous des excès insupportables qu’un « public moderne (...) pourrait être en droit d’attendre », c'est assez troublant.
Comment être d’accord avec ces assertions parfois contradictoires, et très surprenantes de la part de ce qu’un tolkiendil pourrait être en droit d’attendre de la part d’un grand monsieur comme Shippey ?
Dans la même veine, il semble excuser avec une troublante complaisance certains points cruciaux de la trahison jacksonienne (la trahison du roman, j’entends).
Et on peut lire : « Après soixante ans de supériorité militaire presque incontestée, les spectateurs américains du 21ème siècle ont besoin d’une autre explication moins pratique pour l’échec, et celle-ci est donnée par la désunion et le désespoir » ou encore « Le jeu du Faramir et du Denethor révisés génère un thème particulièrement populaire dans les films américains (récents), celui du fils tentant désespérément de gagner l’amour de son père, et du père rejetant (jusqu’à ce qu’il soit trop tard) l’amour de son fils ».
Certes... l’analyse semble finaude et on ne peut qu’applaudir, si on s’en tenait à la simple analyse intrinsèque du film.
Mais Shippey va plus loin et défend ces scènes en tant que modification nécessaires des thèmes du roman, ce qui selon moi est une erreur et contribue dangereusement à une forme d’amalgame entre le livre et le film !
Et de rajouter : « Il est difficile de protester contre l’un de ces changements. Dans de tels cas les "canons de l’art narratif" sont différents comme entre un média visuel et écrit, et Jackson devait sûrement faire ce qu’il a fait » (mon emphase)…
Ah ben non... la plupart de ces choix sont hautement discutables et très difficilement justifiables, justement – c’est bien de ça qu’on parle sur JRRVF depuis 2001, n’est-ce pas, Shou ? D’ailleurs, les explications sur le détour de Faramir vers Osgiliath sont embrouillées et on sent que Shippey n’est lui-même pas convaincu par ce qu’il écrit. Normal, ai-je envie de dire. Comment défendre l’indéfendable ?
Mais si Shippey – parce qu’il est Shippey – reconnaît avec la modération qui caractérise un homme réfléchi comme lui que le film est constellé de bouses invraisemblables (« Il y a un certain nombre d’insertions et d’altérations comme celle-ci [il parle ici du rôle d’Arwen] dans les films de Jackson ») ce à quoi il ajoute « mais leur effet ne doit pas être exagéré : elles passent rapidement »(mon emphase)
A la bonne heure ! Elles « passent rapidement » donc elles ne comptent pas ?
Vous comprendrez qu’en lisant ce genre de chose, qu’il m’est difficile d’être d’accord avec cette façon d’écarter d’un revers de manche les travers de l’adaptation de Jackson, quand une grande partie du reste de la démonstration de cette annexe vise à justifier l’appropriation arrogante du Seigneur des Anneaux de Tolkien par Jackson et à amoindrir dans l’esprit du lecteur l’effet dévastateur du scénario sur la compréhension a posteriori de l’histoire de J.R.R. Tolkien...
A cela s’ajoutent des remarques particulièrement étonnantes, de la part d’un admirateur de Tolkien. Je me suis permis d’en relever deux ou trois :
« La manière dont Jackson rectifie et allège la trame [du récit du Conseil d’Elrond] trouve une justification juste à cet instant. »
« Ce déroulement calme [de plusieurs années] ne convient pas au média narratif d’un film, et la solution de Jackson est claire, directe, et saisissante »
« ... et cela montre pour le moins une lecture économe et attentive de l’original »
On parle quand même du Le Seigneur des Anneaux de Tolkien, merde ! Ce n’est pas la même chose qu’Alexandre Dumas (l’auteur le plus adapté par le cinéma) ou le dernier JC Granger. L’auteur du célèbre et indispensable Road to Middle-earth l’aurait-il momentanément oublié ??...
On finit, à la lecture de ces commentaires, par se demander si Shippey est vraiment totalement objectif.
La lecture d’un propos dans l’esprit de celui évoquant à deux reprises Winston Churchill finit par lever tous les doutes : « Il y a en fait une suggestion légèrement churchillienne dans tout ceci, avec Théoden disant dans la même scène, "Si telle doit être notre fin, alors je ferai ce qui est en mon pouvoir pour qu’elle reste gravée dans les mémoires", tout comme la célèbre "plus belle heure" du discours de Churchill en 1940. » et pourquoi pas écrire carrément que Jackson a fait de Sam un « un orateur pour le cœur philosophique du film », tant qu’on y est ? Ah... eh bien si, Shippey l’a écrit.
Ce soupçon de partialité mis de côté, il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour faire le constat d’une conclusion particulièrement optimiste et complaisante de la part de Shippey lorsqu'il se demande si quelqu’un qui découvre le roman de Tolkien après avoir lu le livre peut avoir une lecture enrichie de l’œuvre (il imagine ce spectateur/néo-lecteur capable de dresser une liste des « choses que Tolkien a omises » !?). On ne niera pas que ces « ces nouveaux lecteurs [ont fait/feront] face à une nouvelle expérience » en découvrant le roman, mais s’ils trouvent « la route de Tolkien vers la Terre du Milieu », ce n’est évidemment pas par le prisme déformant du film, mais en faisant justement et inévitablement abstraction de celui-ci.
La vision de l’histoire du Seigneur des Anneaux qu’offre Jackson (mise à part le côté spectaculaire, l’effort sur les costumes, les décors et les paysages), est simpliste, particulièrement altérée (quant elle ne diffuse pas un message totalement inverse, voir les assassinats de Denethor, Grima et Bouche de Sauron, pour ne citer qu’eux - j'aurais pu citer l'abération Lurtz)) et, comme le reconnait Shippey lui-même, ciblée pour le public américain.
C’est donc, cher Anglin, à une analyse que je trouve biaisée que s’est livré Shippey dans sa réédition deThe Road to Middle-earth. Partant d’un postulat lui-même biaisé car invérifiable : « Il y aura certainement plus de spectateurs que de lecteurs (bien que naturellement ce soient souvent les mêmes) », elle ouvre la porte complaisamment à un amalgame entre les deux œuvres, ce qui n’est ni pertinent, ni souhaitable et contribue définitivement à la dégradation de la pertinence des commentaires de Shippey.
Mais heureusement, le reste de The Road to Middle-earth, largement supérieur à cette annexe, n’est pas du même tonneau.
Si un jour j’achète ce livre, ce sera bien évidemment dans une édition antérieure à celle de 2005 :)
I.
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Isengar, toujours aussi combatif...Je ne partage pas forcément ta condamnation unanime des films de PJ. Mais pour aller dans ton sens et contre le d'habitude tres respectable Shippey, s'il y a bien une chose que je ne pardonne pas à PJ, c'est la manière dont il a massacré Faramir et dans une moindre mesure Denethor
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-Tu vois là Isengar, nonobstant le respect que l'on peut avoir pour eux, c'est presque le sens que je donne à Howe et Lee pour l'aspect artistique. Ce genre de caution donné à Jackson par des proclamés connaisseurs.
Quand on voit pour ces gens l'étendue, la somme d'efforts et de soins donnés avant Jackson pour respecter son œuvre, on se demande (enfin certains) qu'est-ce qui à pu les pousser à soutenir et cautionner la trilogie de Jackson (L'argent ? Les retombées en vente ou renommée ?).
Et Dieu sait combien je respecte Shippey.
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Personnellement, la lecture dudit appendice (j'ai cette édition dans ma bibliothèque) m'avait fait penser qu'en dépit de ses connaissances tolkieniennes, que je respecte profondément, la culture cinématographique de Shippey devait être quelque peu restreinte. L'idée même qu'un film ne puisse s'étendre sur plusieurs années est absurde, comme le démontrent amplement des classiques à grand succès du cinéma, de Ben Hur à Gone with the Wind (des exemples plus récents existent, bien que j'attendrai quelques décennies avant de les qualifier de classiques).
Au demeurant, j'avais déjà discuté de cet appendice de par le passé, comme sur ce message de TolkienFrance.
Par contre, je ne sais pas si je dois m'indigner au sujet des adaptations de Dumas. ;-) Ce n'est pas non plus le premier des scribouilleurs venus, même s'il n'a pas publié que des chefs d'œuvre (je ne parle pas de les écrire, car c'est là une question indépendante). Certains des films inspirés de son œuvre sont d'une pauvreté à pleurer, surtout quand ils essaient de s'attaquer aux sommets que constituent la trilogie des Mousquetaires ou au Comte de Monte-Cristo.
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Au sujet de l'analyse -complaisante- de Shippey, une énième relecture m'a fait tiquer sur ceci :
Etonnament, me mettant dans la condition d'un spectateur lambda n'ayant aucune autre réfèrence à cette scène par écrit, j'avais gardé le souvenir que le leader de ses elfes équipés comme dans le prologue de Dagorlad était Haldir.
Haldir de Lórien, à l'est des montagnes, ce qui paraissait déjà une longue route pour arriver si à propos sans intendance, montures, ni même un message.
Mais si c'est Elrond qui les envoie, c'est encore pire pour le spectateur pris au dépourvu : Fondcombe est encore plus loin, il aurait fallu partir des semaines plus tôt, avant même que la Communauté de l'Anneau ne quitte les havres de Galadriel, et faire un détour (par dessus les Monts Brumeux ?) pour récupérer Haldir et qu'il refasse briller une armure qu'il n'a pas porté depuis une trentaine de siècles.
Je constate aussi que cette armée bien entraînée, entrée en campagne des semaines avant que le Rohan ne se fortifie au Hornburg, se fait entièrement détruire, rendant vain le voeu de Legolas d'avoir une compagnie d'archers elfes à ses côtés (de toutes façons, il pleuvait des hallebardes dans le film). Estimons-nous chanceux que nous n'ayions pas eu droit en prime à une troupe de nains arrivés par enchantement.
Le professeur Shippey a beau être qui il est, plus j'analyse cette scène, moins elle est cohérente (et je ne parle même pas de la déclaration "nous venons respecter notre alliance"...il parle d'un temps où les rohirrim étaient bien loin de conclure des accords avec les elfes.)
Autant certains commentaires de Shippey peuvent porter à réflexion, autant sur d'autres, je ne vois aucune justification ni interne ni externe, il y a même là de quoi perdre le "spectateur américain du 21° siècle".
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