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#1 27-04-2007 02:35

Benilbo
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[Onomastique botanique] L'athelas

Bon alors, vlà un petit article qui est en fait un fond de tiroir, inachevé parce que manquant trop à mon goût d'éléments décisifs sur la problématique qu'il aborde. Il s'agit à la fois d'une tentative de découverte, à travers l'onomastique, d'une ou de plantes qui auraient pu inspirer et correspondre à l' athelas, un peu à la manière dont Didier avait traité le cas du Lebethron dans son bel article d'Hisweloke, et également de résoudre certains problèmes d'étymologies contradictoires concernants les noms pour cette plante, en éclairant du coup certains points obscurs da légendaire. Il y a certains passages assez spéculatifs, d'autres incomplets, toute suggestion, commentaire, critique, lynchage en bonne et due forme sont les bienvenus ;)

Donc. Le problème de l'étymologie du mot athelas est très intéressant car il s'agit d'un mot dont la signification est "floue", contenant un élément dont le sens est connu (ou en tout cas déduit naturellement), et qui pourtant ne correspond pas à l'étymologie communément donnée et acceptée.

Nous possédons deux formes connues pour la plante athelas, l'une sindarine, athelas et l'autre quenya, asëa aranion. Les deux sont glosées par Tolkien avec la même signification Feuille des Rois. Cependant l'étymologie exacte de ces deux termes n'est pas donnée. Sans trop prendre de risques, on peut mettre en exergue des éléments sûrs. Dans la forme sindarine, la terminaison -las est bien connue, on la retrouve dans de nombreux noms sindarins ou nandorins (tels que Legolas, par exemple), et il ne fait aucun doute (et en particulier de par sa position dans le nom) qu'elle signifie feuille. Dans le terme quenya, aranion s'analyse facilement par le génitif pluriel de aran (roi) d'où la signification naturelle des Rois. Cependant, dans la forme sindarine, nous nous retrouvons avec un premier élément athe(l) qui serait sensé signifier des Rois (!), et dans la forme quenya, un mot inconnu, asëa, qui serait sensé signifier feuille (!!). Etymologiquement, ces formes nous mettent la puce à l'oreille puisqu'elles ne nous conduisent pas du tout vers ce que nous pourrions en attendre. Une explication possible est donnée par William C. Hiklin sur un google group dédié aux oeuvres de Tolkien. Voici la citation (du 26 octobre 1998) :

William C. Hiklin a dit :
Christopher Tolkien and I have had an ongoing discussion about the origins of this word. It plainly contains -las 'leaf'.  It is possible (but entirely speculative) that what Tolkien had in mind at that time (1938-39) was the Old English word aethele 'noble, royal.' This would translate 'kingsfoil,' near enough.  At any rate, a very late note (1970 or later) says that Asea (cf. Aragorn, 'asea aranion') was the name in Quenya, regularly adapted and compounded with -las in Sindarin.  The plant was known to the medical loremasters of the Noldor.  The root is *ATHAYA, 'helpful, kindly, beneficial.'

Qui nous donne donc une racine commune *ATHAYA, pour les deux éléments inconnus, dont la signification serait "bénéfique, bon, bienfaisant". Les étymologies exactes seraient donc athelas, la Feuille Bénéfique, et asëa aranion, la Bénéfique des Rois. On constate bien le problème énoncé plus haut : Feuille Bénéfique (étymologie déduite) et Feuille des Rois (étymologie communément acceptée) ont certes des sens relativement proches, mais le décalage est tout de même intriguant. Et cela n'est pas sans rappeller un autre cas bien connu de la langue sindarine, le cas du nom Orthanc.

Deux significations sont connues pour Orthanc. Elles sont données par Aragorn (bise dame Lambertine!) dans le Seigneur des Anneaux l'une provenant du rohirrique, l'autre du sindarin :

"This was Orthanc, the citadel of Saruman, the name of which had (by design or chance) a twofold meaning; for in the Elvish speech _orthanc_ signifies Mount Fang, but in the language of the Mark of old the Cunning Mind."
[LR : III,8]

Pour y voir un peu plus clair, nous aimerions bien retracer, de manière interne, l'ordre d'apparition de ces deux étymologies concurrentes ! Et ce n'est pas facile, car Tolkien a changé d'avis sur la question. En effet, dans les brouillons du Seigneur des Anneaux, le nom provient de manière claire d'une connection entre la tour et Saroumane, son constructeur  :

"[…] 'in the midst of the valley of Isengard is the tower of stone called Orthanc, for it was made by, and it is very great, and has many secrets, but it looks not to be a work of craft' […].The implication of the word _for_ in 'for it was made by Saruman' is that the tower was called Orthanc (Old English orþanc 'artifice, device, work of craft') because it was such (it was made by Saruman)."
[VII:150]

Qui nous oriente vers la langue des Rohirrim, et tout naturellement vers le Bosworth and Toller's anglo-saxon dictionary :

"or-fanc, es; m. n. _Original, inborn thought_. I. _mind, genius, wit, understanding_; ingenium :-- _Orþanc_ ingenium, cræftica artifex […]."
Bosworth and Toller's anglo-saxon dictionary

Donc originellement, tout se passait bien. Saroumane construisait la tour, et l'étymologie de cette dernière était associée au caractère de son créateur. Bien. Mais ensuite, Tolkien changea d'avis sur l'origine même de la tour. Il décida qu'elle ne devait plus être construite par celui-ci, mais par les númenoréens et il ne devait en récupérer les clefs que seulement de nombreuses années après son édification. Problème : si Saroumane ne construit plus la tour, d'où vient cette étymologie donnée par Aragorn, Cunning Mind? Le Seigneur des Anneaux souligne bien ce paradoxe :

"It was not made by Saruman, but by the Men of Númenor long ago; and it is very tall and has many secrets; yet it looks not to be a work of craft."
[LR II,2]

Donc, c'est l'étymologie sindarine qui prime de fait, et est la première en date. Analysons-la. On a les deux éléments or-, imparasyllabique pour montagne, et -thanc qu'on peut connecter sans trop de problèmes à la racine STAK [Etym/388] et en particulier ce qu'elle donne pour le Noldorin _thanc_ (cleft, split) (crevasse, fissure), et l'on est pas trop loin de l'étymologie effectivement donnée par Aragorn (Mount Fang, Montagne du Croc -- pas convaincu, sur cette affaire, lol).

Cette étymologie, qui n'est pas reliée à la personnalité de Saroumane puisqu'antérieure en existence à celle d'origine rohirrique-anglo saxone, illustre bien un phénomène linguistique qu'on croise de temps en temps chez Tolkien et particulièrement porteur de mystère. Il s'agit d'un glissement sémantique dans le temps. D'abord nom sindarin, Orthanc (Montagne du Croc), s'est fondu dans le décor linguistique de la région (fusion d'autant plus facile qu'elle était phonologiquement valide) jusqu'à ce qu'il prenne pleinement le sens rohirrique (erroné, a priori !) convenant (par chance) parfaitement à la venue et à la personnalité de Saroumane, d'où Orthanc (Esprit Rusé)!. On a donc un mot à double etymologie, l'une originelle, l'autre adoptée de manière fortuite, qui ont fusionné, voire même confusionné pourrait-on dire. Les noms et leurs significations font l'Histoire, et de manière inverse, l'Histoire fait émerger les noms et les sens (et les blagues de philologue -- alors le premier qui parle de linguiste chiant, garre :p). Donc. C'est après cette petite parenthèse qu'on peut suspecter le fait que le mot athelas ait subit le même genre de phénomène.

Le mieux est donc de commencer par en parler à Aragorn. Car il en parle, n'est-ce pas ?

"‘I do so,’ said Aragorn, ‘and I care not whether you say now asëa aranion or kingsfoil, so long as you have some.'"
[LR VI,8]

(Merci). Ici, Tolkien fait une blague de botaniste, en mettant en parallèle le nom latin de la plante et son nom populaire. Latin, bien sûr, comprendre en fait latin elfique c'est à dire le quenya. On peut noter que les noms latins "réels" incorporent rarement les éléments "plante", "arbre", ou "fleur" dans leurs noms, mais bien plutôt un nom et un adjectif qui décrivent la plante, sa forme, ses caractéristiques générales. Lorsqu'on reprend l'étymologie proposée par Hicklin, comme nous l'avions expliqué plus haut, on déduit pour asëa aranion le sens Benéfique des Rois, et on constate le même genre d'élision qu'en latin, la locution quenya ne comprenant pas l'élément pour feuille.

C'est le moment d'ouvrir une grosse parenthèse sur la plante en elle-même et ses caractéristiques, dans laquelle nous essaierons de mettre en parallèle certaines qualités de l'athelas et d'une plante relativement célèbre, la bourrache. [Note : c'est surtout ce passage qui est incomplet et pourrait être creusé en y examinant d'autres candidats]. Quelques recherches rapides sur le net nous ont mené ici et .

D'abord, l'un de ses noms populaires est la fleur-étoile, à cause de la forme de ses fleurs bleues; symboliquement, cette appellation est touchante puisqu'elle correspond vraiment bien à la personnalité d'Aragorn, que les elfes de Rivendell ont même surnommé Estel lorsqu'il était jeune, préfigurant ainsi son rôle de porteur d'espoir et de roi en retour, et faisant écho au nom donné au marin du ciel Eärendil Gil-Estel Etoile de l'Espoir.

Curieusement, la bourrache était utilisée pendant les croisades dans les coupes des chevaliers en partance, dans lesquelles on l'incorporait, et un proverbe était associé à ce rituel : Ego Borago, Gaudia semper ago, Moi, la bourrache, je donne toujours du courage; la bourrache est dite restaurer la joie dans les coeurs tristes, et apporter le courage aux désespérés. Cf, John Gerald dans son herbier (1597):

Those of our time do use the floures in sallads to exhilerate and make the minde glad. There be also many things made of them, used for the comfort of the heart, to drive away sorrow, & increase the joy of the minde. The leaves and floures of Borrage put into wine make men and women glad and merry, driving away all sadnesse, dulnesse, and melancholy, as Dioscorides and Pliny affirm. Syrup made of the floures of Borrage comforteth the heart, purgeth melancholy, and quieteth the phrenticke or lunaticke person.
John Gerald's Herball

La bourrache possède une odeur très douce et rafraîchissante (qui ressemble d'ailleurs à celle du concombre), ce qui correspond également à la description de l'athelas :

"'Still it smells sweet when bruised, does it not? If sweet is the right word: wholesome, maybe, is nearer'. […]

Then taking two leaves, he laid them on his hands and breathed on them, and then he crushed them, and straightway a living freshness filled the room, as if the air itself awoke and tingled, sparkling with joy."

[LR V, 8]

La bourrache est une plante médicinale, possédant un tas de propriétés : prise de manière interne, elle soigne la fièvre, les infections des bronches (incluant la tuberculose et la pleurésie), les infections de la bouche et de la gorge, l'assèchement de la peau, la Cirrhose, la nephrite chronique; appliquée de manière externe, elle guérit les inflammations et les contusions, et possède de puissantes vertues cicatrisantes [une médecine idéale pour ceux qui se feraient blesser par un couteau maudit par exemple].

Le dernier point intéressant est l'étymologie du mot 'borago', qui est perdue; mais parmi les candidats, nous avons le gaelique borrach/barrach, Homme de Courage. Ainsi, Borago Officinalis pourrait se traduire littéralement par "[Plante] de l'Homme de Courage qui rend de bons services", très proche de la traduction de la locution asëa aranion que nous avions faites , "[Plante] bénéfique des rois" - si l'on considère aran, roi comme l'Homme de Courage (marche bien avec Aragorn!). Nous retombons sur nos pieds, donc fermons la parenthèse.

Si l'on considère asëa aranion comme le nom originel (et scientifique) de l'athelas, on dénote simplement que son étymologie illustre la période faste de la suprémacie númenoréene; nous savons qu'ensuite, l'athelas fut apporté en Terre du Milieu par les númenoréens et il reçu _par leurs soins_ son nom sindarin :

"It is fortunate that I could find it, for it is a healing plant that the Men of the West brought to Middle-earth. _Athelas_ they named it, and it grows now sparsely and only near places where they dwelt or camped of old; and it is not known in the North, except to some of those who wander in the Wild."
[LR I,12]

Ce qui est singulier, c'est que ce nom sindarin contienne maintenant le terme -las, feuille, et a donc perdu l'élément qui comportait le sens royal puisque la traduction littérale en est Feuille Bénéfique ! Symboliquement, encore une fois, ce fait est marquant, sachant que cette perte de sens préfigure la fin de la suprémacie númenoréenne, et illustre bien dans les temps à venir, la disparition du lignage du Nord et le début de la Surintendance du Gondor (sans doute les numéronéens botanistes avaient-ils déjà commencé à perdre espoir dans leur propre peuple et sentaient venir la chute de númenor?).

Et c'est donc sous cette forme sindarine que le mot survécu, lui étant associé une étymologie curieusement conservée, Feuille des Rois, qui n'aurait du normalement suplanter l'étymologie Feuille Bénéfique. La première explication serait que les érudits de la botanique se soient souvenus de la très vieille étymologie latine; mais ce ne semble pas être la seule raison puisqu'Aragorn dit :

"'It is also called kingsfoil,’ said Aragorn; ‘and maybe you know it by that name, for so the country-folk call it in these latter days."
[LR V,8]

Nous apprenons donc que le terme Feuille des Rois fait partie du _langage populaire_ (et n'est pas seulement le sens de l'étymologie sindarine). On peut donc suspecter la chose suivante : c'est par la proximité de l'environment rohirrique que cette étymologie a pu survivre, comme c'était le cas avec Orthanc. En particulier, on trouve, dans la langue rohirrique-anglo saxone, le mot aethele (noble, royal (ooooh la coincidence)), avec comme superlatif aethelast (le plus noble) ! Le terreau linguistique du coin était donc parfaitement adapté à maintenir la vieille étymologie, qui a fusionné avec le sens rohirrique. Pour plus d'information voici un extrait du Bosworth and Toller :

æðele, eðele; _comp._ -ra; _swp._ -ast, -est, -use; _adj._ I. _noble_, _eminent_, _not only in blood or by descent but in mind_, _excellent_, _famous_, _singular_; _nobilis_, _generosus_. _præstabilis_, _egregius_, _excellens_ […] Æðelast tungla _the noblest of stars_, Exon. 57 a; Th. 204, 6; Ph. 93: Ps. Th. 84, 10.
Bosworth and Toller's anglo saxon dictionary

Une telle hypothèse encore, met parfaitement en valeur le récit. Car à la fin du troisième âge, le Retour d'un Roi de jadis était simplement devenu un conte populaire, et seule la mémoire transportée par la Langue a réussi à porter dans le nom d'une plante les racines d'une vieille légende.

En conclusion, récapitulons les hypothèses qui concerne les différentes étapes de l'évolution et les variantes du mot athelas exposées dans cet essai, désignant une plante que nous suspectons avoir été inspirée par la bourrache (Borago Officinalis) :

1) Nom valinorien et scientifique, asëa aranion ([Plante] Bénéfique des Rois), illustrant la splendeur des jours anciens de Númenor.
2) Sindarin athelas (Feuille Bénéfique), nom qui lui fut donné pendant la colonisation de la Terre du Milieu. Préfigure et symbolise la chute de Númenor et le déclin de la lignée du Nord, avec la disparition en son sein de l'élément signifiant "royal".
3) Persistance du mot athelas se confondant avec les croyances locales, et le 'country folk language' rohirrique, en particulier grâce aux mots 'aethele, aethelast' (royal, le plus royal) qui pouvaient transporter (par une coincidence des plus singulières!) la vieille étymologie; phénomène illustrant les rumeurs concernant le Retour d'un Roi.
4) Restauration des vieilles étymologies par la grande erudition du Roi Elessar, révélant ainsi à tous la véritable nature de la plante !

Evolution illustrant un phénomène linguistique apprécié par Tolkien : le glissement de sens dans le temps, avec interconnections, confusion, fusion des différents sens entre des langues en contact, dont l'analyse de l'étymologie permet de retracer l'histoire des peuples et des gens que ce mot concernait.


Ben

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#2 27-04-2007 16:19

Faenglor
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Re : [Onomastique botanique] L'athelas

Une chose difficile, par contre, est de concilier alors les étymologies influencées Rohirique-Anglo saxon avec le Rohirique réel (non traduit par l'Anglo-Saxon). Car si orthanc peut signifier "work of craft" en Anglo-Saxon, il est douteux qu'il puisse exister aussi en Rohirique réel. Le problème (mais c'est de la faute de Tolkien, dirons-nous) est que Tolkien mélange les langues réels de son monde par des "traductions" en langues de notre monde, comme si elles étaient compatibles...

Benilbo a dit :
Donc, c'est l'étymologie sindarine qui prime de fait, et est la première en date. Analysons-la. On a les deux éléments or-, imparasyllabique pour montagne, et -thanc qu'on peut connecter sans trop de problèmes à la racine STAK [Etym/388] et en particulier ce qu'elle donne pour le Noldorin _thanc_ (cleft, split) (crevasse, fissure), et l'on est pas trop loin de l'étymologie effectivement donnée par Aragorn (Mount Fang, Montagne du Croc -- pas convaincu, sur cette affaire, lol).

Intrigué, j'ai fait quelques recherches rapides (merci Dragon Flame, merci Didier ;) ) pour une meilleure étymologie.

La racine ORO- "up; rise; high" donne un verbe N ortho "raise" (orthant)
Ou bien la racine ÓROT- "height, mountain" qui donne : ON oro, pl. oroti, beside oroto; N orod ainsi que Dor orth , pl. orthin
(Etym:379)

D'autre part, la racine ÁNAK- (reliée à la racine NAK- "bite") donne Q anca "jaw"; N anc.
(Etym:348, 374)

On retrouve donc bien orth(a) - anc, plus convaincant ;)

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#3 27-04-2007 16:46

Benilbo
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Re : [Onomastique botanique] L'athelas

Faenglor a dit :
Une chose difficile, par contre, est de concilier alors les étymologies influencées Rohirique-Anglo saxon avec le Rohirique réel (non traduit par l'Anglo-Saxon). Car si orthanc peut signifier "work of craft" en Anglo-Saxon, il est douteux qu'il puisse exister aussi en Rohirique réel. Le problème (mais c'est de la faute de Tolkien, dirons-nous) est que Tolkien mélange les langues réels de son monde par des "traductions" en langues de notre monde, comme si elles étaient compatibles...

Précision nécessaire en effet... merci de l'avoir rappellé ;) La frontière est tellement floue qu'on joue un peu sur des oeufs. Mais disons qu'on peut au moins apprécier avec certitude des jeux de mots sur un plan externe.

Faenglor > Merci Dragon Flame, merci Didier ;)
... ;p

Pour ce qui est de l'étymologie d'Orthanc utilisant l'imparasyllabique or- (montagne) et l'élément -thanc (provenant de la racine STAK des étyms, signifiant crevasse, fourche), je me demandais en me relisant (j'ai écrit ce machin il y a deux ans environ) ce qui avait pu me faire écrire une étymologie pareille. En fait il s'agit de l'index linguistique du Silmarillion qui donne pour Orthanc l'étymologie Forked Height, évidemment là ça colle... marrant donc, on dirait bien que Tolkien a changé d'avis sur la question de l'étymologie sindarine d'Orthanc - du coup on se retrouve avec deux concurrents. Merci d'avoir analysée la deuxième!

Ben

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#4 27-04-2007 17:08

Benilbo
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Re : [Onomastique botanique] L'athelas

Petit complément, dans les CLI 3, Christopher Tolkien, cite une note de son père sur l'étymologie du nom Incánus et complète en évoquant ce problème d'étymologie...

[...]and at the end of the discussion he remarked that the coincidence in form of the Quenya name and the Latin word must be regarded as an "accident," in the same way that Sindarin Orthank "forked height" happens to coincide with the Anglo-Saxon word orpank "cunning device," which is the translation of the actual name in the language of the Rohirrim.
C.Tolkien, CLI 3, 2-The Istari


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#5 27-04-2007 17:29

Zelphalya
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Re : [Onomastique botanique] L'athelas

Ces "analyses" m'émerveillent chaque fois. Elles apportent un point de vue que je n'imaginait même pas. Tant de détails intéressants !

Merci !

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#6 28-04-2007 00:17

romaine
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Re : [Onomastique botanique] L'athelas

C'est très chouette Ben! ;o)

Ceci dit, je n'ai rien contre la bourrache, loin de là, mais, au premier abord, j'avais toujours pensé que l'athelas était une variété de menthe, à cause de l'odeur rafraichissante quand on l'écrase....

Comme tu dis que ce serait amusant de chercher d'autres plantes qui conviennent, je me suis proposée de m'amuser:

La menthe ne convient pas très bien faute de références: le nom de menthe vient du nom de la jolie nymphe minthè (que Perséphone a transformée en plant de menthe pour une raison qui m'échappe, mais ça devait être encore une histoire de fesses :o) )

Rien à voir donc avec le courage, la plante qui donne du courage, la plante des rois.

Par contre une plante de la même famille que la menthe (lamiacées) convient mieux dans l'idée, à cause de son sens ethymologique latin, salvia, salvare sauver.

A moyen âge elle était apparemment considérée comme une panacée, une plante qui guérit tout (source Wikipedia), son côté bougrement efficace la rapprocherait donc un peu de l'athelas...

A creuser, peut être? ;o)

En plus la sauge comme condiment, c'est drôlement bon dans les salades, ceci dit justement, il se fait tard, bon appétit ;o)

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#7 28-04-2007 00:19

romaine
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Re : [Onomastique botanique] L'athelas

euh pardon lire "une plante de la même famille que la menthe (lamiacées) convient mieux dans l'idée,la sauge'

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#8 28-04-2007 03:17

Benilbo
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Re : [Onomastique botanique] L'athelas

Merci Zelphaya pour tes encouragements qui sont très touchants!
Dame Romaine, merci pour tes lumières (mais quoi de plus normal pour une fée :p), on en reparle à partir de mardi prochain, le week end arrivant ? ^^

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#9 28-04-2007 10:56

Kendra
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Re : [Onomastique botanique] L'athelas

C'est un article plein de qualités : convivial, intelligible, pas trop long, et qui a le mérite de relier la mythologie de Tolkien avec quelque chose de notre quotidien (la bourrache... quoique il n'y a sûrement pas de bourrache dans le quotidien de tout le monde, mais ma maman prenait de l'huile de bourrache pour se fortifier quand elle était patraque).

Sur les plantes bénéfiques, je n'ai jamais trouvé de lante dont l'odeur me fasse vraiment penser à l'athelas. Une plante qui sente vraiment le propre et le frais... pas facile ! Romaine donne la sauge et la menthe.

Quelqu'un a-t-il déjà senti de l'aspérule ? Ça ne pousse pas chez moi, donc je n'ai jamais eu l'occasion. Mais les livrs (notamment La Hulotte) disent qu'elle dégage une odeur de foin coupé, qu'elle chasse les mites (sans sentir la naphtaline) et qu'on la trempe dans du vin blanc, en Alsace, pour faire du "vin de mai". Mais elle n'a aucun rappotr avec les rois et n'est pas une panacée. L'odeur est le seul lien. Je lis dans plusieurs sites qu'elle sentirait la vanille et qu'on en parfumerait ls desserts.
Hum.

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#10 28-04-2007 11:29

Benilbo
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Re : [Onomastique botanique] L'athelas

Une plante qui chasse les mythes? Mais non, au contraire, elle les fait revenir ! ;D Merci Dame Kendra pour tes remarques, c'est vraiment très gentil. A noter qu'une piste intéressante est un hint que m'avait donné Didier par mail à l'époque avec référence totoienne à la clef (j'ai pas le temps ce matin de mettre en forme ses remarques, on verra mardi) et qui concernait la benoite. A creuser !

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#11 28-04-2007 18:15

Vallis
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Re : [Onomastique botanique] L'athelas

Une réflexion très intéressante Ben, je n'avais jamais pensé a rapprocher l'Athelas de la  Bourrache alors que je me bat toujours pour la sauver lors des débroussaillages.
Il y a cependant deux points qui me chiffonnent.
En premier je ne sais pas si la feuille de Bourrache est odorante  alors que l'Athelas est très odorante : « je l'ai trouvée dans l'obscurité grâce à la senteur de ses feuilles (T1, Chap. XII. Fuite vers le gué)
Le second point est un commentaire de Ioreth : « si j'étais roi j'aurais des plantes plus éclatante dans mon jardin »(T3, Chap VIII, Les maisons de guérison). Lorsque elle fleurit la Bourrache est assez intéressante, ses fleurs bleu azur sont très décorative.
En prenant en compte ces deux points suplèmentaire il y a une plante qui me semble une bonne candidate, il s'agit du très connu Basilic (Ocymum basilicum) qui a des feuilles très odorante même avant qu'on les froissent et une floraison composée de petite fleurs blanche à rosée pas vraiment spectaculaire. En plus d'accompagner les estivale salades de tomates c'est une plante aux multiples propriétés médicinale (antispasmodique, tonique et stomachique). Selon Pierre Lieutaghi dans « Le livre des bonnes herbes » il est entre autre utilisée pour calmer les spasmes gastrique des nerveux, les migraines, la coqueluche et l'insomnie.
C'est une plante qui était considérée comme sacrée (tout un rituel accompagné sa cueillette), on lui donnée la vertu de guérir les coups et les blessures.

Le nom Ocymum vient apparemment du nom grec de la plante Ôkimom, ce qui nous intéresse plus c'est que le nom Basilic lui proviendrait du grec Basilikon : plante royal

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#12 28-04-2007 21:46

Eva
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Re : [Onomastique botanique] L'athelas

La bourrache n'a pas d'odeur et n'est même pas belle à voir avec tous ses poils qui piquent, on dirait une mauvaise herbe. Son parfum est délicat et se marie bien avec la salade mais il faut la couper très finement, à cause des poils. Au Moyen-Âge, on en donnait aux croisés lors de leur départ pour la Terre Sainte. Maintenant, on la prend en gélules car l'huile de bourrache est excellente pour la peau.

Le basilic, quant à lui, est vraiment très particulier et on n'a pas besoin d'avoir le nez sur le plant pour sentir son parfum. La beauté des feuilles, fines et élégantes, conviendrait bien aux feuilles de Roi.
En ce moment, j'utilise un "liquide vaisselle" parfumé au thym et au basilic, un vrai plaisir.

La sauge ? Petite, je cueillais des feuilles et les frottais sur mes dents ... Cela sentait si bon et donnait une telle impression de propreté et de force.

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#13 28-04-2007 23:52

Faenglor
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Re : [Onomastique botanique] L'athelas

"La bourrache n'a pas d'odeur et n'est même pas belle à voir avec tous ses poils qui piquent, on dirait une mauvaise herbe."

Si mes souvenirs sont bons, les Hobbits considéraient l'athelas comme de la mauvaise herbe

Robin

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#14 02-05-2007 00:17

Moraldandil
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Re : [Onomastique botanique] L'athelas

Bon, eh bien moi je vais jouer au linguiste chiant, tout de juste !

Le Trésor de la Langue Française donne une étymologie bien différente dans son article bourrache :

Empr. au lat. médiév. borago, borrago attesté dep. le XIe s. (CONSTANTINUS AFRICANUS, Grad., p. 348, 11 dans Mittellat. W. s.v., 1538, 2); le lat. est prob. empr. à l'ar. abûʿaraq « père de la sueur » nom donné à cette plante pour ses vertus sudorifiques, devenu bûʿaráq par altération pop. D'apr. Arveiller dans Z. rom. Philol., t. 85, pp. 110-113, la forme bourrache est caractéristique des parlers du Nord (où elle est d'abord relevée sous la graphie bourrace) où elle représente une adaptation du lat. borrago, -age y étant rendu par -ache par confusion habituelle des sourdes et des sonores corresp. (v. GOSSEN, op. cit. et A. Thomas dans sa préf. à l'éd. citée du Regime du corps, p. LXXV).

La connexion gaélique que tu proposes, ami Benilbo, me laisse dubitatif... il s'agit certainement d'une simple ressemblance par hasard, car un coup d'oeil au dictionnaire étymologique gaélique d'Alexander MacBain indique une dérivation interne très plausible pour ce borrach :

†borr : knob, pride, greatness, great, Irish, Early Irish borr, *borso-, bhorso-; Latin fastus (for farstus), pride; Old High German parrunga, superbia; allied to bàrr, q.v. Hence borrach, a haughty man, a protruding bank, a mountain grass.

Un élément d'intérêt serait de voir les origines géographiques des plantes candidates. La feuille de roi n'est pas indigène en Terre du milieu mais fut apportée par les númenoréens., dit Aragorn (SdA/I ch. 12) :

[C]'est une plante cicatrisante que les Hommes de l'Ouest ont apportée en Terre du Milieu. Ils l'appelèrent Athelas, et elle croît à présent de façon clairsemée et seulement près des endroits où ils résidèrent ou campèrent dans les temps anciens ; et elle est inconnue dans le Nord, sauf de quelques-uns qui vagabondent dans les terres sauvages.

Dans le mode où nous sommes de trouver des correspondaces monde primaire / monde secondaire, cela correspondrait à une plante non indigène dans le nord de l'Europe (aux latitudes correspondantes de celles de la Comté et du Mont Venteux), apportée du sud et qui ne pousse pas partout... seulement sous des microclimats privilégiés vraisemblablement ? A voir ça, je dirais que l'équivalent dans notre monde serait volontiers une plante méditerranéenne.

J'ignore ce qu'il en est pour la bourrache, quelqu'un le saurait-il ? (Vallis ?)

Le basilic se qualifierait bien, mais personnellement je trouve que le parfum ne correspond pas : celui du basilic est puissamment aromatique et caractéristique, mais je ne le dirais pas "frais et un peu piquant" comme celui de la feuille de roi. Et j'aurais les mêmes restrictions pour la sauge (plutôt âcre que piquante).

L'aspérule - de son nom populaire reine des bois, ce qui est plus joli - ne correspond pas géographiquement, car c'est plutôt une plante du nord. Les allemands s'en servent plus particulièrement (1) - et j'ai le souvenir d'avoir goûté lors d'un échange scolaire une gelée au Waldmeister, mais hélas je ne me souviens plus du goût... j'avais trouvé ça discutable, mais peut-être était-ce la consistance, je suis pas un grand amateur de Wackelpudding et autres Götterspeise ...(2)

B.

(1) Et littérairement dans des circonstances... heu... inattendues, comme le savent les lecteurs du Tambour de Günter Grass ;P
(2) Non germanophones, sachez qu'il s'agit là d'un plat analogue à la jelly ;)

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#15 02-05-2007 14:33

romaine
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Messages : 628

Re : [Onomastique botanique] L'athelas

D'après wikipedia "La bourrache est originaire de l'Europe méridionale et centrale." Une plante assez commune au nord comme au sud apparemment.

J'avoue que le basilic me plait...Hé Vallis, ami du Sud, je pensais justement le proposer dès mon retour, et tu m'as devancée...;o) Outre les salades de tomates, il est excellent dans les pâtes (pesto) et dans toutes sauces qu'il plairait au dieu des cuisiniers d'inspirer....Et puis Basilikon, ça en jette! ;o)

Je ne trouve pas l'odeur âcre, mais il y a tellement de temps que j'essaie d'en faire pousser sur un rebord de fenêtre pollué, que la moindre odeur qui vient du petit brin survivant me ravit...Idem pour la sauge d'ailleurs, la pauvre que j'ai eu et qui s'étiolait dans l'appart essayait de toutes ses forces de sentir comme de la menthe, ou à peu près.

On peut tenter dans les méditerranéennes, moi, ça me tente...:o)

Sarriette, ça sent bon , ça, mais herbes aux satyres (selon de supposées vertus aphrodisiaques)ça fait pas très royal...

Marjolaine, l'odeur est plus discrète, trop? Le gout, par contre...slurp.. mais le goût, Aragorn ne s'en préocuppe guère quand il soigne avec.Et, là, rien de significatif.

Je recherche sur thym et Coriandre, pour voir, et je vous tiens au courant :op

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#16 02-05-2007 03:02

romaine
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Messages : 628

Re : [Onomastique botanique] L'athelas

Recherche rapide sur le web:

Je trouve:

"CORIANDRUM (Etym. du grec κορις- punaise, allusion à l'odeur de la plante)" Ca a l'air de la disqualifier, là...:o) Ceci dit moi, j'aime bien son odeur, même si je ne l'aurais pas classée au premier abord comme "fraiche" (piquante oui).

Mais ensuite je trouve:

"Elle est évoquée dans de nombreux textes anciens : textes sanskrit divers, hiéroglyphes égyptiens, la bible (Exode 16:31, pour qualifier la manne)" Alors là je m'interroge...manne et coriandre, quel rapport? Quelqu'un en sait plus? La manne, c'est bien un don de dieu aux hommes, mais une sorte de pain? Parfumé à la coriandre?

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#17 02-05-2007 15:38

Kendra
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Messages : 758

Re : [Onomastique botanique] L'athelas

Aloooors, j'ai pas de bible sous la main, là (en même temps je travaille dans une association a-religieuse), mais la manne n'est pas du pain à ce qu'il semble.
C'est une nourriture que les hébreux, d'après la bible, trouvaient comme "saupoudrée" sur les tentes de leur camp, et qu'ils ramassaient le matin. Universalis (ou du moins les trois lignes gratuites) donnent :
Nom de la nourriture miraculeuse (en hébreu, man) que mangèrent les Hébreux lors de leur séjour au Désert (Exode, XVI). Les récits bibliques évoquent un phénomène qu'on peut observer de nos jours dans la péninsule sinaïtique : est encore appelé man (en arabe) par les habitants nomades un liquide transparent, sécrété par une variété de tamaris ; tombé à terre, il se durcit par l'effet du froid nocturne ; doux au goût, il demeure une nourriture appréciée des Bédouins.(...)
Un autre article d'un autre site dit qu'elle devait être ramassée avant le lever du soleil et mangé dans la journée.

Encore une belle preuve que la mythologie a des bases concrètes.
Sauf que je n'ai aucune idée du goût de la sève de tamaris.
Ce site donne une photo du tamaris comestible, et quelques indications supplémentaires. C'est édifiant !
Et l'article dit que "ce produit ressemble à de la graine de coriandre !"

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