Vous n'êtes pas identifié(e).
Pages : 1 bas de page
Suite à la question portant sur suilad et l' infinitif-gérondif dans un fuseau voisin, voici un petit machin extrait de mes Eléments de grammaire elfique inachevés, inédits et in-tout-ce-que-vous-voulez. Dans le contexte, "sindarin classique" est entendu ici comme "sindarin du troisième âge, tel qu'employé par les elfes" (i.e. sans les spécificités gondoriennes lorsqu'on peut les identifier), à défaut de meilleur terme (i.e. la période considérée comme classique est ici celle du SdA, plutôt que l'âge d'or elfique... C'est une dénomination contestable). Il manque évidemment quelques définitions terminologiques précisées en début de document, mais cela ne devrait pas trop gêner la lecture. Enfin, comme tout travail en cours (et plus encore, en long repos!), ceci n'est pas exempt d'erreurs. Didier.
- -
§41. L'INFINITIF
Dans les Etymologies, l’infinif des verbes basiques reçoit la terminaison –i et subit une métaphonie. Celui des verbes dérivés se termine par –o :
Verbes basiques :
dag- « occire, tuer, massacrer » — degi [Ety/375] (avec métaphonie a > e)
Verbes dérivés :
presta- « affecter » — presto [Ety/380]
Cependant, ces formes n’ont été rencontrées dans aucun texte jusqu’à aujourd’hui, et certains doutent par conséquent qu’elles soient encore valables en sindarin classique. Il est tentant en effet de penser que le gérondif puisse aussi servir d’infinitif, comme nous le verrons plus loin (§42.3).
§42. LE GERONDIF
§42.1. NOM DEVERBAL, GERONDIF ET USAGE INFINITIF
[... Long passage non inclus ici ...]
En résumé, un gérondif sindarin pourra être traduit en français soit par un nom (fonction déverbale), soit par un infinitif (e.g. après un verbe exprimant un souhait ou un désir).
§42.2 LA FORME DU GERONDIF
Le gérondif reçoit la terminaison –ad pour les verbes dérivés. Nous n’en avons, dans le corpus, qu’un seul exemple pour les verbes basiques, dont la terminaison est -ed. Quelques exemples indirects semblent aussi confirmer cette terminaison.
Verbes basiques :
cab- « sauter » — cabed « saut(6) » [WJ/100, S/386]
cen- « voir » — {cened} « vision » (cf. cenedril « miroir » [TI/184, RS/466], prob. lit. « verre de vision »)
Verbes dérivés :
adertha- « réunir » — aderthad « réunion » [S/409]
ava- (auxiliaire négatif) — avad « refus » [WJ/371]
eitha- « insulter » — eithad « insulte » [WJ/365]
genedia- « compter, dénombrer » — genediad « compte » (anglais « reckoning », par extension « décompte des jours, calendrier »)
hamma- « habiller » — hammad « habillement » [Ety/363]
ortha- « élever » — orthad « élévation » (cf. Orthad-En-Êl « le Lever de l’Etoile » [MR/373])
{tíra-} « voir » — tírad « vue » (fonction verbale dans la Lettre du Roi, « il souhaite voir ses amis » [SD/129–131])
{suila-} « saluer » — suilad « salutation » (emploi verbal dans la lettre du Roi [SD/129–131])
§42.3 LA QUESTION DE L'INFINITIF
Nous avons vu plus haut (§41) que l’infinitif, tel qu’il apparaît dans les Etymologies, n’est utilisé dans aucun texte publié à ce jour. Des formes comme deri ou presto, infinitives dans les Etymologies, ne sont peut-être plus valables en sindarin classique. Tous les exemples dont nous disposons actuellement pointent plutôt en direction d’un emploi verbal du gérondif, comme infinitif, laissant peu de place à ce dernier.
Une publication récente (les notes de Tolkien sur le mot órë [VT/41]) fait apparaître un nouvel infinitif en quenya, dont la terminaison est –ita.
Le développement régulier de ce –ita donnerait –ed en sindarin, c’est-à-dire, précisemment, la forme supposée du gérondif des verbes basiques. Le terminaison –ad du gérondif des verbes dérivés peut s’expliquer de manière semblable.(7)
Certains des étudiants des langues elfiques considèrent par conséquent, à la lumière de cette nouvelle information, que l’infinitif des Etymologies n’est plus valide, et que le gérondif le remplace complètement. Cette thèse a du charme et correspond relativement bien à nos observations.(8)
NOTES
(6). Dans ses brouillons, Tolkien a utilisé cabad pour « saut ». Dans les Etymologies, on recontre aussi quelques formes en –ad comme gérondifs de verbes basiques. Tout ceci semble indiquer que Tolkien a, pendant un certains temps, considéré que les verbes basiques formaient leur gérondif en –ad comme les verbes dérivés, avant de reviser cabed et d’entériner une forme en –ed. Voir aussi infra, la discussion sur l’infinitif quenya en –ita.
(7) La terminaison serait en fait *–ĭta, avec chute de ce –ĭ– dans le cas des verbes dérivés ; ainsi presta- + *–(ĭ)ta > *prestata > prestad. Pour les verbes basiques, cab- + *–ĭta > *cabita > cabed — malgré la présence de ce ĭ, noter l’absence de métaphonie, à l’image de la formation de certains adjectifs-participes en –ĭna (par exemple quenya kalina, sindarin calen).
(8) Les brouillons de Tolkien dans [PE/13] vont aussi dans le sens de l’interprétation que nous formulons ici, cf. p. 126–127 (conjugaison rejetée), glathra- infinitif glathrad ; mad- infinitif medi ; p. 129 (conjugaison retenue à l’époque) glathra- infinitif glathrod (à comparer avec quelques infinitifs des Etymologies qui ont vraisemblablement échappé aux révisions de Tolkien et présentent encore cette terminaison, e.g. pannod, nimmid) ; mad- infinitif &c [sic] madwi (le et caetera indiquant visiblement que cette forme n’est pas seulement un infinitif) ; p. 131 (autre table plus tardive) tangad- infinitif tangod « fixing, to fix » (noter la première traduction par un gérondif) ; mad- infinif medi (comme dans les Etymologies plus tard) ; adag- infinitif adog, adob (à confronter avec le lexique contemporain, p. 136, adag- « to build » ... adob « a building », et la même entrée dans le dictionnaire qui suivit, p. 158, adob nom et infinitif) — Dans tous ces cas, bien que les sources soient confuses et parfois contradictoire, l’infinitif et le nom déverbal sont fortement liés, et leur forme évoque celle de notre gérondif en sindarin classique. Cela tend à montrer que l’infinitif des Etymologies fut peut-être une conception provisoire, sur laquelle Tolkien revint plus tard.
Hors ligne
Si j'ai bien compris, gérondif ET infinitif se formeraient (j'entends par là pourraient "probablement" se former) en -ed ou -ad ??
Anordil (qui a du mal avec la grammaire)
Hors ligne
> Pour les verbes basiques, cab- + *–ĭta > *cabita > cabed — malgré la présence de ce ĭ, noter l’absence de métaphonie, à l’image de la formation de certains adjectifs-participes en –ĭna (par exemple quenya kalina, sindarin calen).
Ce qui semble prouver que le métaphonie en A (changeant i > e avant a final ) a opéré avant les métaphonies en I.
Hors ligne
Fracas d’ailes vespéral et draconien…
- C’est pas un peu trop allusif, ton truc, là ?
- Comment ça, pas encore habitué ?
- Tu pourrais faire un effort, quoi !
- Bin, je croyais que le style télégraphique c’était à la mode !
- Ouais mais bon quand même…
- D’accord, d’accord, je développe.
Dans l’évolution conduisant au sindarin, les voyelles ont subi de nombreux changements phonétiques, notamment les métaphonies (entre autres noms de ce phénomène) qui sont dues à l’influence des voyelles suivantes. Un cas bien connu est celui de la (ou peut-être plutôt des) métaphonie en I, qui a été « récupérée » par la morphologie où elle joue, synchroniquement, un rôle important, en particulier dans la formation du pluriel des noms et adjectifs. Ses effets sont compliqués et je ne rentrerai pas dans le détail ici.
En examinant le vocabulaire, on peut percevoir les traces d’autres changements, et notamment celles d’une métaphonie en A : sous l’influence d’un a final, i devient e et u devient o dans la syllabe précédente.
Les exemples sont nombreux dans le noldorin des Étymologies. J’ai précisé plus clairement les langues que dans la source, très condensée comme ses usagers le savent bien. Les attributions me paraissent sûres… mais enfin elles ne viennent pas toutes directement de Tolkien. En particulier, il précise rarement si les formes primitives reconstruites remontant au Quendien Primitif ou à l’Eldarin Commun… pour autant que ce soit déterminable ! En l’absence d’indication, je mets « Prim. ». Je réserve l’astérisque à mes propres reconstructions, et pour celles de Tolkien mets à la place un degré.
Vieux Noldorin berina « brave, hardi » > Noldorin (Exilique) beren « hardi » (cf LR :352 entrée BER)
Prim. °khithwa > N hethw « brumeux, obscur, vague » (cf. LR :364 entrée KHIS, KHITH ; le a de la forme primitive est bref, mais on retrouve une hésitation entre brève ou longue en finale de mots primitifs ailleurs dans les Etym ; les ex. montrent qu’en VN comme en Q les anciennes longues finales sont abrégées. Tolkien a dû hésiter sur la date à attribuer au phénomène.)
EC *kirkâ > N cerch « faucille » (cf. LR :365 entrée KIRIK ; voir le Q[u]enya kirka)
VN *kurwa > N corw « malin, rusé » (cf. LR :366 entrée KUR ; EC –â > VN –a est une terminaison d’adjectif très courante)
Prim. °kwingâ > N peng « arc » (cf. LR :366 entrée KWIG)
EC *miskâ > N mesg, mesc « humide » (cf. LR :373 entrée MIS ; comparer au Q miksa)
VN ndissa « jeune femme » > N dess (cf. LR :375 entrée NDIS)
VN nidwa > N nedhw « traversin, coussin » (cf. LR :378 entrée NID)
VN pika « petite tache, point » > N peg (cf. LR :382 entrée PIK)
VN pikina « menu » > N pigen (cf. LR:382 entrée PIK)
VN rimba > N rhemb, rhem « fréquent, nombreux » (cf. LR:383 entrée RIM)
EC *ristâ > N rhest « coupure » (cf. LR :384 entrée RIS, voir le Q rista)
VN sthinta > N thent « bref, court » (cf. LR:388 entrée STINTÂ)
Prim. °wilwâ > N gwelw « air (comme substance) » (cf. LR :398 entrée WIL)
Prim. °krumbâ > N crom « gauche » (cf. LR:366 entrée KURÚM)
EC *lustâ > N lhost « vide » (cf. LR :370 entrée LUS ; voir le Q lusta)
Prim. °ndulla > N doll « sombre, obscur » (cf. LR :376 entrée NDUL ; pour le a bref, voir plus haut)
VN runda > N grond « massue » (cf. LR :384 entrée RUD)
VN ruska > N rhosc « brun » (cf. LR :385 entrée RUSKÂ)
VN sulkha > N solch « racine (notamment si comestible) » (cf. LR :388 entrée SÚLUK)
Prim. °tubnâ > N tofn « profond » (cf. LR :394 entrée TUB)
EC *tulukâ > N tolog « ferme, résolu, loyal » (cf. LR :395 entrée TULUK ; comparer au Q tulka « droit, fort, inébranlable, inflexible »)
Prim. °tussâ > N toss « arbuste » (cf. LR :395 entrée TUS)
Prim. ubrâ > N ofr, ovor « abondant » (cf. LR :396 entrée UB)
VN yura > N iôr « cours » (cf. LR :400 entrée YUR)
Certains sont valables avec certitude en sindarin aussi :
- les noms Beren, Grond subsistent ;
- rhosc réapparaît comme rhosg dans le nom de la demeure de Radagast, Rhosgobel « village brun » (approprié au personnage !) ;
- lhost comme lost dans l’épithète de Beren Camlost « main vide » ;
- rhest comme rest dans Eglarest (forme ancienne dans WJ :365 °ekla-rista quelque chose comme « coupure des Abandonnés » ; la carte montre que le port se trouve au fond d’un profond estuaire ; c’est d’un point de vue externe un nom ancien réinterprété, cf. LR :384)
- thent apparaît dans le nom de la forme originelle du Narn i Chîn Húrin : Minlamad thent / estent (Ælfwine and Dírhaval WJ :311-315).
Quelques autres exemples en sindarin proprement dit se trouvent dans Quendi and Eldar :
- S orch « orque » < °urkô ou °urkâ (WJ : 390)
- S coll « creux » > °kuldâ (WJ:414).
- le suffixe adjectival S -eb est dit venir de °ikwâ (WJ :412).
- il est dit que l’équivalent S du suffixe Q -ima aurait été °ef mais n’était pas en usage (WJ :387)
Quelques exemples dans d’autres contextes phonétiques pour montrent que ce changement dépend bien du a (en d’autres termes que tout i ou u ne devient pas e ou o) :
Prim. °khithme > N hithw « brouillard » (cf. LR :364 entrée KHIS, KHITH ; ; comparer avec N hethw ; pour le e bref en final, même remarque que plus haut)
VN litthe > N lith « sable » (cf. LR: 369 entrée LIT)
VN rimbe > N rhimb, rhim « foule, troupe » (cf. LR :383 entrée RIM, voir les collectifs en –rim ; comparer avec N rhemb, rhem)
EC *tinkô > N tinc « métal » (cf. LR :394 entrée TINKÔ, voir le Q tinko)
Prim. °krumbê > N crum « main gauche » (cf. LR:366 entrée KURÚM)
EC *kurwê > N curw « art, métier » (cf. LR :366 entrée KUR, voir le Q kurwe ; comparer au N corw)
EC *luntê > N lhunt « bateau » (cf. LR :370 entrée LUT, voir le Q lunte)
VN nguru > N gûr « la Mort » (cf. LR :377 entrée ÑGUR)
Pour en revenir au sujet de départ... :-)
Comme l’a mentionné Hiswelókë, on n’observe pas de métaphonie en I au gérondif en –ed < *-ita, ou aux adjectifs en –en < -*ina, ou d’ailleurs en –eb < *-ipa (ex : aglareb « glorieux », de aglar « gloire »)…
Une interprétation est que la métaphonie en A est antérieure à celles en I, de telle sorte qu’au moment où ces dernières ont eu lieu, il n’y avait déjà plus de i dans ces terminaisons, car il avait déjà été transformé en e du fait de la présence du a final. D’où des évolutions qu'on peut tenter de reconstruire comme :
*kapita > *kabeda > cabed « saut »
*kalina > *kalena > calen « vert »
*aklaripa > *aglareba > aglareb « glorieux ».
B.
Hors ligne
Pages : 1 haut de page