Vous n'êtes pas identifié(e).
Une petite question sur le sens de certains prénoms chez les Took :
Isumbras, Ferumbras, Fortimbras et Bandobras...
S'agit-il de prénoms d'origine germanique ? Je ne trouve nulle part leur signification :-/
I.
Hors ligne
Idée en passant mais sans la moindre recherche (sous toutes réserves donc) :
Il est vite évident qu'il n'y a pas que des noms germaniques chez les Touque, même s'ils prédominent : le Vieux Touque a par exemple le nom fort approprié de Gerontius (il n'y a visiblement pas que les Elfes que le nom peut se révéler prophétique !).
En particulier, un certain nombre viennent visiblement du français ou de l'ancien français : n'oublions pas que Pippin ("Pépin" aurait d'ailleurs bien mieux valu) a pour nom Pérégrin - très étrangement orthographié "Peregrïn" par F. Ledoux - que son père est Paladin, que nous avons un Adélard Touque, et que la plus célèbre figure de cette famille est Isengrim Bullroarer, alias Isengrin le Taureau rugissant.
Cela n'exclut d'ailleurs pas une origine germanique plus ancienne, vu que le français et plus encore l'ancien français comporte dans son lexique une composante d'origine germanique non négligeable, en particulier dans les prénoms.
Or, tous ces noms en -bras m'évoquent assez irrésistiblement le personnage médiéval du géant Fierabras dont il me semble inutile de préciser l'étymologie. Je me demande donc si Tolkien ne serait pas complu à composer des noms sur le même modèle, sans qu'ils aient nécessairement un sens. Une procédure similaire s'observe dans la famille Brandebouc, aux noms de style gallois, et où à côté de noms ou mots gallois véritables comme Gorhendad ou Meriadoc, Tolkien en a composés d'autres qui n'existent pas dans cette langue mais sonnent dans le même "style", comme par ex. Seredic.
A suivre ?
Moraldandil
Hors ligne
P. S. : Je me souviens avoir lu une discussion très intéressante sur l'onomastique chez Tolkien dans An Introduction to Elvish and other languages of Middle-Earth... (le titre est excessivementlong!) de Jim Allan etc.
Hors ligne
Après quelques recherces, voici des éléments de réponse…
Tout d’abord les sources « tolkiéniennes ».
Le Guide to the Names in The Lord of the Rings (dans Tolkien Compass), un guide rédigé par Tolkien à l’attention des traducteurs du Seigneur des Anneaux, ne nous apprend rien d’intéressant au sujet des noms des Touque :
« The Took personal names should be kept in the form and spelling of the text, as Peregrin, Paladin, Adelard, Bandobras. Note that Bandobras' nickname 'Bullroarer' is in Common Speech and should be translated by sense (if possible alliterating on B). »
L’Appendice F II du SdA (On translation) est par contre plus intéressant :
« In some old families, especially those of Fallohide origin such as the Tooks and the Bolgers, it was, however, the custom to give high-sounding first-names. Since most of these seem to have been drawn from legends of the past, of Men as well as of Hobbits, and many while now meaningless to Hobbits closely resembled the names of Men in the Vale of Anduin, or in Dale, or in the Mark, I have turned them into those old names, largely of Frankish and Gothic origin, that are still used by us or are met in our histories. I have thus at any rate preserved the often comic contrast between the first-names and surnames, of which the Hobbits themselves were well aware. » (les emphases sont miennes)
On apprend donc que les noms des Touque sont tirés de légendes du passé (des Hommes comme des Hobbits) et qu’ils ressemblent aux noms des Hommes du Val de l’Anduin, de Dale ou de la Marche (Rohan). Du point de vue « externaliste », ils ont été rendus par des noms d'origine franque et gothique, des noms que nous utilisons encore ou qui apparaissent dans nos histoires.
Tolkien dit également : « Names of classical origin have rarely been used; for the nearest equivalents to Latin and Greek in Shire-lore were the Elvish tongues, and these the Hobbits seldom used in nomenclature. » Une exception notable est le nom Gerontius, évidemment dérivé du grec gerôn, gerontos.
Enfin, en ce qui concerne les noms gallois, « celtiques » ou « britanniques » (ce dernier, par opposition à anglais, fait référence à l’origine celtique et non germanique : cf. Grande Bretagne) : « The names of the Bucklanders were different from those of the rest of the Shire. […] They had a style that we should perhaps feel vaguely to be Celtic elements in England, I have sometimes imitated the latter in my translation. Thus Bree, Combe (Coomb), Archet, and Chetwood are modelled on relics of British nomenclature, chosen according to sense: bree hill, chet "wood*. But only one personal name has been altered in this way. Meriadoc was chosen to fit the fact that this character's shortened name. Kali, meant in the Westron 'jolly, gay', though it was actually an abbreviation of the now unmeaning Buckland name Kalimac. »
En ce qui concerne Seredic, je pencherais plutôt pour une influence mérovingienne (cf. les nombreux noms en –ic : Childeric, etc.). Voir plus bas.
Devant les « maigres » résultats des sources « tolkiéniennes », je me suis tourné vers d’autres sources… qui révèlent de bonnes surprises.
Fortimbras est sans aucun doute un « emprunt » (hommage ?) à Shakespeare, puisqu’on trouve un Fortinbras Prince de Norvège dans Hamlet !
Après recherche sur internet, il se révèle que les noms Ferumbras et Isumbras apparaissent dans le titre de romans carolingiens en moyen anglais (Sir Ferumbras et Sir Isumbras), des œuvres qu’un philologue comme Tolkien devait connaître et avoir peut-être même étudié.
Les citations suivantes sont tirées du Cambridge History of English and American Literature (18 Volumes (1907–21) / Volume I. From the Beginnings to the Cycles of Romance) :
« Sir Ferumbras relates the capture of Rome by the Saracen hosts and its relief by Charlemagne. The usual combat takes place, this time between Olivier and Ferumbras, son of the sultan of Babylon. The Saracen is, as usual, overcome and accepts Christianity. His sister Floripas, who is in love with the French Sir Guy, afterwards her husband, assists the Christians, and both brother and sister are subsequently rewarded with territory in Spain. » (XIV. Metrical Romances, 1200–1500 / § 1. The Carolingian Element)
« The theme of Sir Isumbras is that of Christian humility, the story itself being an adaptation of the legend of St. Eustace. Sir Isumbras is a knight who, through pride, falls from his high estate by the will of Providence. He is severely stricken; his possessions, his children and, lastly, his wife, are taken away; and he himself becomes a wanderer. After much privation nobly endured, he has learnt his lesson and arrives at the court of a queen, who proves to be his long-lost wife. His children are then miraculously restored and he resumes once more his exalted rank. » (XIV. Metrical Romances, 1200–1500 / § 7. Ipomedon, Amis and Amiloun, Sir Cleges, Sir Isumbras, The Squire of Low Degree)
Par cntre, je n'ai pas trouvé d'origine « réelle » pour Bandobras, probablement un nom « forgé » par Tolkien sur le modèle des autres noms.
Toko
Hors ligne
Et voici quelques compléments d'informations à propos de ce que dit Jim Allan sur ces noms qu'il classe dans la catégorie des "high-sounding hobbit names" (p. 191) :
Isumbras, isen 'iron' + bras 'arm';
Ferumbras, perhaps French feron 'iron-worker, blacksmith' (< Lat. ferrum 'iron') + bras 'arm';
Fortinbras, fortin perhaps derives originally from fard- 'journey' (cf. Eng. to fare, forth) and the name would derive from an earlier Fortibras. But it would probably be understood as from French fortin 'strong' (a diminutive of normal fort 'strong') + bras 'arm';
Bandobras, bando < band 'band, stripe, banner' + bras 'arm'.
En espérant que cela puisse te donner des éléments sur la signification de ces noms même si j'avoue me demander si Mr Allan et moi parlons tout à fait le même français ;-).
L.
Hors ligne
> En espérant que cela puisse te donner des éléments sur la signification de ces noms même si j'avoue me demander si Mr Allan et moi parlons tout à fait le même français ;-).
Il s'agit peut-être de vieux français.
mais pourquoi diable Shakespeare aurait-il donné un nom dérivé du (vieux) français à un roi de Norvège ? ;-)
Toko
Hors ligne
Après quelques recherches dans des dictionnaires de "vieux francoy" il apparaît que Jim Allan ne devait pas connaître le français !
Les sources que j'ai consulté, les dictionnaires d'autrefois, un excellent site de l'université de Chicago(!) qui regroupe plusieurs dictionnaires de vieux français (avec moteur de recherche), donnent tous fortin comme un nom ("petit fort") et non comme adjectif !
Toko
Hors ligne
Ces mêmes sources donnent également ferron "un marchand de fer en bârres" et non pas feron, mais ces sources sont "tardives" (18e siècle), alors que les noms qui nous intéressent semblent bien plus anciens (carolingiens : plutôt entre le 8e et le 10e siècle).
Toko
Hors ligne