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Une petite question, suggérée par l'ami Benilbo...
La lecture de Quendi and Eldar, associée avec notre connaissance générale des langues eldarines (notamment le sindarin, avec ses pluriels internes par métaphonie en /i/), il semblerait que la marque du plurielle des noms, en elfique primitif, était -î, même pour ceux finissant par les voyelles -a ou -o (et sans doute également -e ou -u). Cette forme de pluriel apparaît en effet dans des mots de telerin comme Ello « Elda (l'un de ceux qui entamèrent la Marche depuis Cuiviénen) » pl. Elloi, Vania « Elfe Vanya » pl. Vaniai, Linda « Elfe Linda (Teleri) » pl. Lindai.
Ma question porte sur l'origine éventuelle en quenya du pluriel en -r pour la plupart des noms (et adjectifs) finissant par une voyelle (sauf ceux se finissant en -e qui forment généralement leur pluriel en -i). Comment le -r s'est-il développé ?
Pour ma part, j'avais envisagé un développement du -r par analogie avec le pluriel des verbes, puisque le sindarin marque également le pluriel par cette consonne. Mais cela semble assez peu plausible.
Je vous soument maintenant la question de Benjamin (alias Venildo) :
« Est-il possible que le pluriel en -r en quenya soit une version évoluée du pluriel en -li ? Imaginons un nom simple tel que máma ; un pluriel tel que "mámali" prononcé assez vite sonnerait comme une version assez proche de "mámar". De même, cela pourrait expliquer pourquoi on a du mal a donner un sens au pluriel en -li, puisqu'étant à l'origine recouvertes. Cela pourrait expliquer aussi pourquoi les noms en -e forment en général leur pluriel en -i. Par exemple lasseli, sonnant, rapidement prononcé, entre "lasser" et "lassi". »
« C'est peut être fumeux comme explication, mais je pense que la proximité "sonore" du -li et du -r n'est pas anodine. D'autant plus que la tengwa du -r en fin de mot n'est pas la même qu'en milieu de mot ce qui pourrait sous jacemment souligner l'élision. »
Cela m'a fait réfléchir et j'ai trouvé que l'hypothèse était séduisante et envisageable (bien que ce ne soit pas à proprement parler le sens du pluriel partitif en -li qui pose problème, mais plutôt savoir dans quels cas il est employé).
Le /l/ et le /r/ sont effectivement assez proche du point de vue sonore :
Ces phones sont regroupés sous l'appellation de liquides en phonétique, car l'émission de ces consonnes après une autre consonne et dans la même syllable se fait aisément, à la manière d'un fluide qui s'écoulerait facilement : ex. « craie », « clef », etc. (certaines définitions incluent parfois aussi /m/ et /n/ dans cette catégorie, mais ces phones sont généralement classés distinctement sous l'appellation de nasales).
En tout cas, un phénomène courant en linguistique est le rhotacisme, qui est l'action par laquelle une consonne se transforme en /r/ (ex. gaulois Londinium > ang. London, fr. Londres. Le /n/ > /r/, mais le /n/ original réapparaît dans londonien).
Il est assez probable que le -r du pluriel quenya soit le résultat d'un tel phénomène. Qui plus est, je pense qu'une consonne liquide ou nasale originale (comme dans l'exemple donné, voir aussi le -n comme marque du pluriel dans certaines désinences casuelles : gén. pl. -on, abl. pl. -llon, etc.) est une bonne candidate pour une telle transformation (d'ailleurs la dualité de l'abl. pl. est assez remarquable : -llon ou -llor).
Mais on pourrait aussi penser au /z/ qui se transforma aussi en /r/ (voir áze > áre), mais j'ai du mal à envisager cette option (le /z/ semble assez rare dans les langues eldarines, même anciennes).
Bref, la question n'est pas tranchée, mais l'hypothèse de Benilbo est intéressante...
J'aimerai avoir l'avis des lambendili ici présents à ce sujet.
Toko
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>Pour ma part, j'avais envisagé un développement du -r par analogie avec le pluriel des verbes, puisque le sindarin marque également le pluriel par cette consonne. Mais cela semble assez peu plausible.
Peu plausible? Pourquoi donc? Cette très ancienne hypothèse me paraît très plausible. Cette "innovation" est assignée aux Noldor, cf. Dangweth in PMe, Home XII.
Pourquoi Mr Benilbo n'expose pas ses théories en personnes? Il est timide? ;-)
>« Est-il possible que le pluriel en -r en quenya soit une version évoluée du pluriel en -li ?
Imaginons un nom simple tel que máma ; un pluriel tel que "mámali" prononcé assez vitesonnerait comme une version assez proche de "mámar"
J'aimerais bien entendre parler Mr Benilbo... :-)
Aussi vite que possible -li- ne ferra pas un -r- (roulé). Le r des Elfes est un r du Berry ou un r Italien, pas un 'r' anglais, qui peu parfois "disparaître".
Bien que phonétiquement le phone l et le r soient des "latérales" et que dans certaines langues ce sont des allophones (japonais ra = la), le i final de -li- était long en e.c. -lii-. En e.c. l/r/í ce sont deux phonèmes distincts.
Les "transformations" phonétiques ne sont pas dues "à la vitesse de porononciation" mais des 'lois conditionnées', si -li > r alors tous les -li- aurait dû disparaître.
EJK
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>d'ailleurs la dualité de l'abl. pl. est assez remarquable : -llon ou -llor
Le -n final pl. en q. remonte à un -m pl. en e.c. & -m > -n.
EJK
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A propos du développement du -r par analogie :
> Peu plausible? Pourquoi donc? Cette très ancienne hypothèse me paraît très plausible. Cette "innovation" est assignée aux Noldor, cf. Dangweth in PMe, Home XII.
Au temps pour moi ! Mais le Dangweth reste assez vague tout de même...
On dirait que Tolkien a "esquivé" ce problème !
A propos de l'hypothèse -li > -r :
> J'aimerais bien entendre parler Mr Benilbo... :-)
Tu l'entendras samedi !
> Aussi vite que possible -li- ne ferra pas un -r- (roulé). Le r des Elfes est un r du Berry ou un r Italien, pas un 'r' anglais, qui peu parfois "disparaître".
Sans parler de "vitesse d'exécution", la position de la langue dans un /r/ roulé et un /l/ est assez proche (le /r/ est plus palatal alors que le /l/ est post-dental). Bien sûr, le /r/ roulé implique une vibration du palais fort peu compatible avec un /l/ (quoi que ! mais là c'est plus un /l/).
En parlant de changements phonétiques, le passage du /kw/ primitif au /p/ en sindarin (qui n'est pas sans rappeler l'évolution historique entre l'indo-européen et les langues goïdéliques) est tout de même assez complexe à imaginer (j'avoue que j'ai vraiment du mal à comprendre ou m'expliquer l'évolution entre une vélaire palalisée et une occlusive labiale). Mais je m'égare...
> Les "transformations" phonétiques ne sont pas dues "à la vitesse de porononciation" mais des 'lois conditionnées', si -li > r alors tous les -li- aurait dû disparaître.
En effet. Mais on pourrait imaginer que le -li partitif ait survécu de part une origine distincte, comme liê par exemple (mais je spécule).
> Le -n final pl. en q. remonte à un -m pl. en e.c. & -m > -n.
Ah oui ! ;-)
Le parallèle que j'ai fait été donc inapproprié car basé sur une approche synchronique...
Toko
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NB : Toko > D'autant plus que la tengwa du -r en fin de mot n'est pas la même qu'en milieu de mot ce qui pourrait sous jacemment souligner l'élision
La distinction de tengwa ne semble pas être liée à la place dans le mot, mais à la présence ou non d'une voyelle suivante : cf. dans Namárië : lantar est écrit avec órë, mais mornië aussi.
Jérôme
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> le passage du /kw/ primitif au /p/ en sindarin (qui n'est pas sans rappeler l'évolution historique entre l'indo-européen et les langues goïdéliques)...
Hmmm... Brittoniques, plutôt ;-)
> est tout de même assez complexe à imaginer (j'avoue que j'ai vraiment du mal à comprendre ou m'expliquer l'évolution entre une vélaire palalisée et une occlusive labiale).
C'est une labio-vélaire, pas une vélaire palatalisée. Pour aboutir à une occlusion labiale, "il suffit" de renforcer légèrement le mouvement articulatoire des lèvres jusqu'à aboutir à l'occlusion.
Kw > P n'est d'ailleurs pas rare ; en dehors des langues brittoniques (et du sindarin!), il y a aussi le grec dans certains cas (hippos, latin equus "cheval"), le roumain (apã, du latin aqua).
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Ce devrait être un petit croissant sur le second a de apã - ça n'a pas l'air de passer...
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>> le passage du /kw/ primitif au /p/ en sindarin (qui n'est pas sans rappeler l'évolution historique entre l'indo-européen et les langues goïdéliques)...
> Hmmm... Brittoniques, plutôt ;-)
Quel imbécile je fais ! Evidemment, il s'agit bien des langues brittoniques (ou langues celtiques en P), puisque le /kw/ primitif indo-européen s'est développé en /k/ dans les langues goïdéliques (langues celtiques en C)...
>> est tout de même assez complexe à imaginer (j'avoue que j'ai vraiment du mal à comprendre ou m'expliquer l'évolution entre une vélaire palalisée et une occlusive labiale).
> C'est une labio-vélaire, pas une vélaire palatalisée.
Au temps pour moi. je ne suis décidément pas encore au top au niveau phonétique ! ;-)
> Pour aboutir à une occlusion labiale, "il suffit" de renforcer légèrement le mouvement articulatoire des lèvres jusqu'à aboutir à l'occlusion.
J'ai comme l'impression que ce renforcement est à la limite d'une spirantisation (à moins que j'ai encore tout faux !).
> Kw > P n'est d'ailleurs pas rare ; en dehors des langues brittoniques (et du sindarin!), il y a aussi le grec dans certains cas (hippos, latin equus "cheval"), le roumain (apã, du latin aqua).
J'était au courant pour le grec (*sekw- > lat. sequor, gr. epomai), mais le phénomène n'est pas aussi "systématique" dans cette langue que dans les langues brittoniques, puisqu'en grec le /kw/ indo-européen s'est parfois transformé en /t/ (ex. *kwis > lat. quis, gr. tis).
Toko
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Toko: J'était au courant pour le grec (*sekw- > lat. sequor, gr. epomai), mais le phénomène n'est pas aussi "systématique" dans cette langue que dans les langues brittoniques, puisqu'en grec le /kw/ indo-européen s'est parfois transformé en /t/ (ex. *kwis > lat. quis, gr. tis).
C'est relativement systématique, en fait, il suffit de connaître les principales règles. Les occlusives indo-européennes *kw, *gw, *ghw évoluent de trois manière en grec classique, en fonction de la vocalisation:
t, d, th devant e, ê, i (IE *kwis > Gr. tis "quelqu'un")
p, b, ph devant a, o (IE *sekw- > Gr. *hep-, hepomai "suivre")
ou encore k, g, kh (IE *nokw-t-/*nekw-t- > Gr. nuks, nuktos "nuit")
Donc *kw est devenu t, p ou k selon les racines.
Cette distribution ne vaut que pour le grec classique (attique, dorien, ...), en mycénien le *kw avait survécu et en éolien il donnait p.
Quant aux langues celtiques, *kw > p n'est valable que dans le groupe dit P-Celtique (brittonique - breton, cornique, gallois). Dans le group Q-Celtique, on a *kw > q (goïdléique - erse [gaélique d'écosse] gaélique [d'irlande], Manxois).
Didier.
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