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[Édit (Yyr) 2021 : ce fuseau est l'un des nombreux rejetons de l'arbre initial de la traduction des poèmes]
Voilà un autre rejeton du fuseau Traduire les poèmes ? ;-)
Tout d’abord, un grand merci à Moraldandil (il doit commencer à être habitué ;-)), qui m’a grandement aidée.
Ensuite, quelques précisions : ce poème contient une opposition entre vers à quatre accents et vers à trois accents (je vous rassure, je ne l’ai pas trouvé toute seule), en plus des rimes croisées (ça, si J). J’ai choisi de ne rendre dans la traduction française que le schéma des rimes ; c’était déjà assez compliqué, sans en plus ajouter des différences de longueur dans les vers ;-). Evidemment, l’utilisation de la rime m’a entraînée parfois à faire une légère « broderie » pour retomber sur mes pattes. J’ai essayé autant que possible de l’éviter.
Ah ! Autre chose : la traduction de « Earth-maiden » : j’ai traduit « Damoiselle de la Terre ». Je sais, c’est long, mais le « I’m born Earth’s daughter » de Firiel sonne comme une révélation tragique dans l’original, et ce vers est le pivot du poème ; si j’avais traduit « Earth-maiden » et « Earth’s daughter » de la même manière en français, j’aurais perdu cet effet. Il s’agit évidemment d’une question de sensibilité ;-)
Il y a aussi le vers 84 sur lequel je doute (and she halted staring) : faut-il traduire « et elle cessa de les fixer » ou « et elle s’arrêta en les fixant » ? J’ai préféré la première solution, car elle me fait penser aux contes de fées, où dès que l’on cesse de fixer l’objet enchanté, il disparaît. De plus, j’imagine assez bien Firiel marquer un temps d’arrêt à ce moment en regardant son pied, réalisant qu’elle ne peut suivre les Elfes.
The Last Ship
Le dernier navire
Firiel looked out at three o’clock:
the grey night was going;
far away a golden cock
clear and shrill was crowing.
[5] The trees were dark, and the dawn pale,
waking birds were cheeping,
a wind moved cool and frail
through dim leaves creeping.
A trois heures Firiel regarda dehors :
la nuit grise s’en allait ;
au loin un coq couleur d’or
aigu et clair chantait.
Les arbres étaient noirs, et l’aube pâle
des oiseaux qui s’éveillaient pépiaient,
une brise soufflait, fraîche et frêle
à travers les feuilles sombres se frayait.
She watched the gleam at window grow,
[10] till the long light was shimmering
on land and leaf; on grass below
grey dew was glimmering.
Over the floor her white feet crept,
down the stair they twinkled,
[15] through the grass they dancing stepped
all with dew besprinkled.
Elle regarda par la fenêtre grandir l’éclat,
jusqu’à ce qu’il devienne une grande lumière qui jouait
sur la terre et les feuilles ; dans l’herbe en bas
une rosée grise scintillait.
Sur le sol ses pieds blancs glissèrent,
ils brillèrent sur les escaliers,
dans l’herbe, dansant, ils allèrent,
tout parsemés de rosée.
Her gown had jewels upon its hem,
as she ran down the river,
and leaned upon a willow-stem,
[20] and watched the water quiver.
A kingfisher plunged down like a stone
in a blue flash falling,
bending reeds were softly blown,
lily-leaves were sprawling.
Sa robe de joyaux était ourlée,
comme elle dévala vers le ruisseau
et se pencha sur un tronc d’osier
et regarda frissonner l’eau.
Un martin-pêcheur plongea comme une pierre,
dans un éclair bleu tombant,
des roseaux courbés doucement s’agitèrent,
les feuilles de lys se couchaient sous le vent.
[25] A sudden music to her came,
as she stood there gleaming
with free hair in the morning’s flame
on her shoulder streaming.
Flutes there were, and harps were wrung,
[30] and there was sound of singing,
like wind-voices keen and young
and far bells ringing.
Une musique vint à elle soudain,
comme elle se tenait là, luisante,
dans le flamboiement du matin
la chevelure libre sur ses épaules flottante.
Il y avait des flûtes, et des harpes étaient pincées,
et un son de voix s’entendait,
comme celles du vent jeunes et élevées,
et de lointaines cloches sonnaient.
A ship with golden beak and oar
and timbers white came gliding;
[35] swans went sailing on before,
her tall prow guiding.
Fair folk out of Elvenland
in silver grey were rowing,
and three with crowns she saw there stand
[40] with bright hair flowing.
Un navire à rostre doré
et rames et coque blanches vint en glissant ;
guidant sa proue élevée,
des cygnes nageaient devant.
De belles gens qui du Pays des Elfes venaient
ramaient en gris argent,
et elle en vit trois couronnés qui là se tenaient
leur chevelure brillante flottant.
With harp in hand they sang their song
to the slow oars swinging:
“Green is the land, the leaves are long,
and the birds are singing.
[45] Many a day with dawn of gold
this earth will lighten,
Many a flower will yet unfold,
ere the cornfields whiten.”
Harpe à la main ils chantaient leur chanson
suivant les rames en leur lent balancement :
« Vert est le pays, hautes sont les frondaisons,
et les oiseaux chantent gaiement.
Bien des jours d’une aube d’or
cette terre s’illuminera,
bien des fleurs s’ouvriront encore,
avant le temps où le blé blanchira. »
“Then whither go ye, boatmen fair,
[50] down the river gliding?
To twilight and to secret lair
in the great forest hiding?
To Northern isles and shores of stone
on strong swans flying,
[55] by cold waves to dwell alone
with the white gulls crying?”
« Où donc alors, descendant la rivière,
vous rendez-vous, gents bateliers ?
Vers le crépuscule et un secret repaire
dans la grande forêt vous cacher ?
Vers les îles du Nord et les plages de pierre
volant sur des cygnes puissants,
par les vagues froides pour vivre solitaires
aux cris des blancs goélands ? »
“Nay!” they answered. “Far away
on the last road faring,
leaving western havens grey,
[60] the seas of shadows daring,
we go back to Elvenhome,
where the White Tree is growing,
and the Star shines upon the foam
on the last shore flowing.
« Nenni ! » répondirent-ils. « Loin d’ici
sur la dernière route nous allons,
en laissant à l’ouest les havres gris,
sur les mers d’ombres nous nous osons,
nous retournons où l’Arbre Blanc grandit,
là où la Demeure des Elfes se trouve,
et où l’Etoile sur l’écume luit
flottant sur la dernière grève.
[65]“To mortal fields say farewell,
Middle-Earth forsaking!
In Elvenhome a clear bell
in the high tower is shaking.
Here grass fades and leaves fall,
[70] and sun and moon wither,
and we have heard the far call
that bids us journey thither.”
« Disons adieux aux champs mortels
oublions la Terre du Milieu !
Au Pays des Elfes dans la haute tourelle
sonne une cloche claire d’un ton joyeux.
Ici soleil et lune sont en déclin,
les feuilles tombent, l’herbe commence à s’étioler,
et nous avons entendu l’appel au loin
qui nous entraîne dans cette traversée. »
The oars were stayed. They turned aside:
“Do you hear the call, Earth-maiden?
[75] Firiel! Firiel!” they cried.
“Our ship is not full-laden.
One more only we may bear.
Come! For your days are speeding.
Come! Earth-maiden elven-fair,
[80] our last call heeding.”
Les rames furent arrêtées. « Firiel ! Firiel ! »
crièrent-ils en se tournant vers le bord :
Damoiselle de la Terre, entends-tu l’appel ?
Notre bateau n’est pas plein encore.
Il nous reste une place unique.
Viens ! Car tes jours passent à tire-d’aile.
Viens ! Damoiselle de la Terre à la beauté elfique,
Ecoute notre dernier appel. »
Firiel looked from the ricer-bank,
one step daring;
then deep in clay her feet sank,
and she halted staring.
[85] Slowly the elven-ship went by
whispering through the water:
“I cannot come!” they heard her cry.
“I was born Earth’s daughter!”
Firiel depuis la rive les regarda,
osant une enjambée ;
alors son pied profondément dans la glaise s’enfonça,
et elle cessa de les fixer.
Doucement la nef des Elfes passa,
chuchotant de par la rivière :
« Je ne peux pas venir ! » entendirent-ils sa voix
« Je suis née fille de la Terre ! »
No jewels bright her gown bore,
[90] as she walked back from the meadow
under roof and dark door,
under the house-shadow.
She donned her smock of russet brown,
her long hair braided,
[95] and to her work came stepping down.
Soon the sunlight faded.
Sa robe ne portait plus de joyaux brillants,
quand sous voûte et porte sombre
elle rentra des champs,
dans la maison de l’ombre.
Son sarrau feuille-morte elle revêtit
ses longs cheveux tressa,
et à son travail descendit.
Bientôt l’éclat du soleil se fana.
Year still after year flows
down the Seven Rivers;
cloud passes, sunlight glows,
[100] reed and willow quivers
at morn and eve, but never more
westward ships have waded
in mortal waters as before,
and their song has faded.
L’une après l’autre, les années
coulent le long des Sept Rivières ;
le nuage passe, le jour est ensoleillé,
le saule frissonne dans la roselière
à l’aube et à l’aurore, mais plus jamais
vers l’Ouest les navires ne sont partis
dans les eaux comme ils faisaient,
et leur chant s’est évanoui.
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Très beau travail Laegalad :-)
Je n'ose imaginer combien de temps tu as du passer sur ce poème pour le traduire ainsi ;-)
Le résultat est incomparablement plus agréable à lire que l'abominable traduction que l'on trouve dans l'édition bilingue de chez Bourgois ("A trois heures Fierette se mit à sa fenêtre" etc.).
En fait, je dois dire que je redécouvre ce magnifique poème à l'occasion de ta traduction. Lorsque j'ai lu il y a quelques années les Aventures de Tom Bombadil, j'étais passé sur ce texte assez vite alors que s'en dégage une atmosphère mélancolique très forte et très belle. En relisant ce poème il y a quelques jours, il m'a d'ailleurs fait penser à un quatrain qui, je crois, ne t'es pas inconnu ;-)
Au sujet la justification de ton choix pour le vers 84, il est vrai qu'il est difficile de trancher mais j'aime beaucoup l'idée que tu avances. C'est très poétique justement ;-)
Pour ce qui est de la place de ce texte dans l'oeuvre de Tolkien, il y a tout de même un lien avec le Légendaire, de par le thème elfique, et aussi d'après ce qu'en dit la préface aux Aventures de Tom Bombadil (non incluse de façon incompréhensible dans l'édition bilingue de chez Bourgois mentionnée ci-dessus:-(). Cette préface est très intéressante car Tolkien s'emploie à expliquer comment la plupart des poèmes qu'il propose (et qui, à l'origine, n'étaient pas destinés à faire partie du Légendaire) dérivent notamment de la tradition hobbite ou humaine. En gros, il internalise (je ne sais pas trop si ça se dit ;-)) les poèmes. Je donne ici le passage qui se rapporte au poème "The Last Ship" afin que ceux qui n'ont pas la préface puissent savoir ce que Tolkien en disait :
No 16 ["The last ship"] must be derived ultimately from Gondor. [It is ] evidently based on the traditions of Men, living in shorelands and familiar with rivers running into the Sea [...] No 16 mentions the Seven Rivers* that flowed into the Sea in the South Kingdom, and uses the Gondorian name, of High-elvish form, Fíriel, mortal woman**. In the Langstrand and Dol Amroth there were many traditions of the ancient Elvish dwellings, and of the haven at the mouth of the Morthond from which 'westward ships' had sailed as far back as the fall of Eregion in the Second Age. These two pieces [No 6 & 16], therefore, are only re-handlings of Southern matter, though this may have reached Bilbo by way of Rivendell.
* : Lefnui, Morthrond-Kirl-Ringló, Gilrain-Sernui, and Anduin.
** : The name was borne by a princess of Gondor, through whom Aragorn claimed descent from the Southern line. It was also the name of a daughter of Elanor, daughter of Sam, but her name, if connected with the rhyme, must be derived from it; it could not have arisen in Westmarch.
Encore bravo pour ta traduction ! :-)
Laurent
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Merci Finrod ;-D !
Je n'ose imaginer combien de temps tu as du passer sur ce poème pour le traduire ainsi ;-)
Heu... je ne sais pas, je n'ai pas compté. Il y a bien dû y avoir quelques heures de droit, des trajets en train, et puis des soirées dictionnaires ;-).
En relisant ce poème il y a quelques jours, il m'a d'ailleurs fait penser à un quatrain qui, je crois, ne t'es pas inconnu ;-)
Tu parle d'"Encore un Elfe qui part"? Il se trouve que je l'avais composé avant de découvrir The Adventures of Tom Bombadil. Pas de plagiat, donc ;-), même si ma nouvelle peut faire penser à ce que tu viens de me citer à propos du prologue (dont je ne soupçonnais même pas l'existence ;-)).
Encore merci (mes smileys ne ressemblent affreusement pas au grand sourire que j'ai devant mon écran ;-))!
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Bonjour,
Je suis nouveau ici. Certains me connaissent sous ce même pseudo sur Tolkiendil ou comme "Eru" sur Tolkienfrance ou Aratars.
Je voulais vous proposer la traduction que j'ai faite du dernier conte du receuil "Tom Bombadil", intitulé "The Last Ship". J'ai essayé de coller au plus près du texte original, tout en respectant la façon dont les rimes étaient placées et une métrique la plus proche possible du texte original (elle n'est pas parfaite j'en conviens).
La voici :
The Last Ship
Le Dernier Vaisseau
Firiel looked out at three o’clock :
the grey night was going ;
far away a golden cock
clear and shrill was crowing.
The trees were dark, and the dawn pale,
waking birds were cheeping,
a wind moved cool and frail
through dim leaves creeping.
She watched the gleam at window grow,
till the long light was shimmering
on land and leaf ; on grass below
grey dew was glimmering.
Over the floor her white feet crept,
down the stairs they twinkled,
through the grass they dancing stepped
all with dew besprinkled.
Her gown had jewels upon its hem,
as she ran down to the river,
and leaned upon a willow-stem,
and watched the water quiver.
A kingfisher plunged down like a stone
in a blue flash falling,
bending reeds were softy blown,
lily-leaves were sprawling.
A sudden music to her came,
as she stood there gleaming
with free hair in the morning’s flame
On her shoulders streaming.
flutes there were, and harps were wrung,
and there was sound of singing,
like wind-voices keen and young
and far bells ringing.
A ship with golden beak and oar
and timbers white came gliding ;
swans went sailing on before,
her tall prow guiding.
Fair Folk out of Elvenland
in silver-grey were rowing,
and three with crowns she saw there stand
with bright hair flowing.
With harp in hand they sang their song
to the slow oars swinging :
“Green is the land, the leaves are long,
and the birds are singing.
Many a day with dawn of gold
this earth will lighten,
many a flower will yet unfold,
ere the cornfields whiten.”
When whither go ye, boatmen fair,
down the river gliding ?
to twilight and to secret lair
in the great forest hiding ?
To Northern isles and shores of stone
on strong swans flying,
by cold waves to dwell alone
with the white gulls crying ?”
“Nay !” they answered. “Far away
on the last road faring,
leaving western havens grey,
the seas of shadow daring,
we go back to Elvenhome,
where the White Tree is growing,
and the Star shines upon the foam
on the last shore flowing.”
“To mortal fields say farewell,
Middle-earth forsaking !
In Elvenhome a clear bell
in the high tower is shaking.
Here grass fades and leaves fall,
and sun and moon wither,
and we have heard the far call
that bids us journey thither”.
The oars were stayed. They turned aside :
“Do you hear the call, Earth-maiden ?
Firiel ! Firiel !” they cried.
“Our ship is not full-laden.
One more only we may bear.
Come ! For your days are speeding.
Come ! Earth-maiden elven-fair,
our last call heeding.”
Firiel looked from the river-bank,
one step daring ;
then deep in clay her feet sank,
and she halted staring.
Slowly the elven-ship went by
whispering through the water :
“ I cannot come !” they heard her cry.
“I was born Earth’s daughter !”
No jewels bright het gown bore,
as she walked back from the meadow
under roof and dark door,
under the house-shadow.
She donned her smock of russet brown,
her long hair braided,
and to her work came stepping down.
Soon the sunlight faded.
Year still after year flows
down the Seven Rivers ;
cloud passes, sunlight grows,
reed and willow quivers
at morn and eve, but never more
westward ships have waded
in mortel waters as before,
and their song has faded.
A trois heures Firiel regarda au-dehors :
le gris de la nuit s’estompait ;
au loin un coq au plumage d’or
chantait clair et haut perché.
Les arbres étaient sombres, l’aube pâle,
des oiseaux pépiaient, s’éveillant,
un vent se leva, frais et frêle
dans les épais feuillages dansant.
De sa fenêtre le soleil levant elle observa,
ses longs fils d’or allant chatoyer
sur le sol et les feuillages ; sur l’herbe en bas
scintillait une rosée argentée.
Sur le sol ondulèrent ses pieds immaculés,
descendant les marches ils papillonnèrent,
parcourant l’herbe ils se mirent à danser
tout saupoudrés de perles éphémères.
De joyaux sa longue robe se bordait
comme vers la rivière elle courait,
et se penchant sur un rameau d’osier,
elle regarda l’eau qui frémissait.
Un martin-pêcheur plongea tel une pierre
Dans un éclair bleu se précipitant,
Courbant légèrement les roseaux de son air
Et les pétales des lis éparpillant.
Une musique vint à elle soudainement,
comme elle se tenait là resplendissante,
ses cheveux allant, flottant librement
sur ses épaules dans la lueur naissante.
Il y avait des flûtes et des harpes jouaient,
Et une rumeur de chants arrivait,
des voix portées par le vent, jeunes et gaies,
et au loin des clochettes tintaient.
Un vaisseau au bec et aux ailes d’or
et au plumage blanc arriva voguant ;
des cygnes glissèrent, venant d’abord,
précédant sa grande proue et la guidant.
Du pays des Elfes des belles gens
s’en venaient ramant dans le gris-argent,
et elle en vît trois, se tenant devant
parés de couronnes, cheveux clairs au vent.
La harpe à la main, ils entamèrent un chant
au doux rythme du battement des ailes :
« Le pays est vert, les feuillages luxuriants,
et les oiseaux offrent leurs ritournelles.
Bien des jours verront une aube dorée
venir cette terre illuminer,
Bien des fleurs se seront éveillées,
quand blanchiront les champs de blé ».
« Alors, où va donc ce bel équipage,
sur la rivière ainsi naviguant ?
vers la nuit et un secret ermitage
dans la grande forêt se dissimulant ?
Vers des îles au Nord et des rivages de pierre
filant sur les ailes de cygnes puissants,
par de froides lames, seuls sur terre
avec les mouettes blanches au cri strident ? »
« Non ! » répondirent-ils. « Loin devant
sur la dernière route nous avançant,
quittant les Havres Gris de l’Occident,
sur les mers de l’ombre nous risquant,
nous retournons là où nous vécûmes,
en ce lieu où pousse l’Arbre Blanc,
et où l’Etoile fait briller l’écume
sur le dernier rivage flottant. »
« Au champs des mortels adieu disant,
la Terre du Milieu nous abandonnons !
en Valinor, d’une cloche d’argent
dans la haute tour résonne le carillon.
L’herbe et les feuilles sont ici temporelles,
et le soleil et la lune s’évanouissent,
et nous avons entendu le distant appel
qui vers une route lointaine nous pousse ».
Les rames se figèrent. Il se tournèrent :
« Entends-tu l’appel, fille de la Terre ?
Firiel ! Firiel ! » l’appelant ils crièrent.
« Notre nef n’est pas chargée entière.
Seul un de plus nous pouvons embarquer.
Viens ! Car tes jours vont s’accélérant.
Viens ! Fille de la Terre à l’elfique beauté
à notre dernier appel répondant ».
De la rive Firiel les regarda,
osant un premier pas en avant ;
mais pris dans l’argile son pied s’enfonça,
et elle resta là, son regard se figeant.
Le vaisseau elfique doucement fila
sur les flots comme un chuchotement :
« Je ne peux vous suivre ! » elle leur cria.
« Je suis de la Terre, car née de son sang ! ».
De joyaux sa robe n’était plus bordée,
comme à travers champs elle revenait
vers son toit et sa porte noire de jais,
vers l’ombre dont sa maison s’emplissait.
Son sarrau roussâtre elle revêtit,
ses cheveux en nattes elle coiffa
et vers son travail elle repartit.
Bientôt la lumière du jour déclina.
Les années succèdent aux années,
le long des Sept Rivières elles glissent ;
le soleil brille, le nuage passé,
le roseau et le saule frémissent
au matin et le soir, mais plus jamais
vers l’ouest des bateaux ne voyagèrent
par les eaux mortelles comme cela était,
et leurs chants pour toujours s’éteignirent.
Voilà, j'attends avec impatience vos commentaires.
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Rien ne vaut un petit "up" lambertinien :-)
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Pourrais-tu nous en dire plus sur ce que tu as voulu rendre dans ta traduction ? Au niveau des pieds, par exemple, ou des effets rendus ? J'aurais bien quelques remarques à faire, mais je ne puis être impartiale -- même si je l'ai traduit il y a longtemps (ouch ! mai 2003 ?! Déjà ?!), il m'en reste une imprégnation (d'autant que j'envisageais de le retravailler, maintenant que j'ai pris de la graine) :) Or donc, si tu nous disais un peu mieux ce que tu as préféré rendre par rapport à autre chose, dans ce délicat travail de balance qu'est la traduction, cela m'aiderait à mieux "jauger" (puisque je n'ai pour seul référenciel, actuellement, que ce sur quoi j'avais pris garde à l'époque) :)
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Je découvre Firiel à l'instant, que ce soit dans sa version anglaise ou dans sa traduction, aussi mon avis est à prendre comme une simple impression.
« ses cheveux en nattes elle coiffa » rend « her long hair braided, »
Ce n'est qu'un avis personnel, mais je trouve que "coiffa" ne rend pas assez le sentiment que, faisant cela, elle se brime pour retourner à sa vie normale et la strophe entière il me semble, sous entend que c'est difficile et qu'elle en a du regret, même si elle l'assume.
Je peux me tromper, c'est la première fois que je lis ce poème.
Dès lors, je me demande s'il n'aurait pas fallu utiliser un verbe avec une idée de restriction comme "brida" ou "brima" ce qui serait fortement exagéré par rapport au sens normal de "braid" (cf dict.org), ou alors pour respecter plus à la fois le sens et l'impression, "lia" "noua" "serra" ou un truc comme ça.
c'st vrai, quand tu te "coiffes" il y a deux sens, ça peut être libérer les cheveux pour les brosser ou les enfermer pour les natter, à mon sens c'est le second sens ici.
De toutes façons c'est un tout petit, petit, détail hein, la traduction est fort jolie! ;o)
Romaine (nulle en poésie mais habituée à se brimer, natter, les tifs! ;o))) )
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Bien bien je vais essayer de répondre à tout ça !
Laegalad : en fait je me suis lancé dans cette traduction suite à différentes discussions sur Tolkienfrance concernant les traducteurs. Je disais que plutôt que de critiquer sans arrêt tel ou tel traducteur, il fallait essayer de tenter l'exercice soi-même pour en mesurer l'ampleur. Ce que j'ai, comme un défi. Par défi,j'entends le fait de donner vie en français à un poème de Tolkien, c'est-à-dire d'être aussi proche que possible du texte original (ce qui était loin d'être le cas de la traduction éditée de Tom Bombadil (avant 2003 en tous cas)), tout en replaçant les rimes à l'identique et en essayant de garder une métrique compacte, assez proche du texte anglais, du moins le plus proche possible.
Défi très difficile, car l'anglais est plus synthétique que le français. Il m'a fallu me torturer pas mal l'esprit pour arriver à quelque chose qui commence à me satisfaire. J'ai fait et défait jusqu'au résultat que je présente. Mon but était, au delà d'une métrique parfaite, d'essayer de faire "couler" le texte d'une façon proche de l'original. La métrique que je propose n'est pas parfaite, mais j'ai préféré trangresser parfois un peu les règles pour essayer le rendre le mieux possible l'impression ressentie dans le texte de Tolkien.
Par ailleurs, je voulais donc aussi rétablir certains termes dans leur sens véritable, tant la traduction dont je dispose me paraît étrange par moments. La confusion entre "tinkle" et "twinkle" par exemple. Dans la version publiée, "tinkle" a été traduit par "tintinnabuler", qui est la traduction de "twinkle". Autre exemple : « Her gown had jewels upon its hem, as she ran down to the river » qui avait été traduit par quelque chose du genre : « sa robe était ourlée de gemmes, et comme elle descendait vers la rivière... ». Or, l'impression que me donne ce passage est totalement différente : pour moi, sa longue robe se borde de rosée (joyaux) comme elle parcourt l'herbe en descendant vers la rivière, ce qui est bien différent, d'autant que plus loin on a : « No jewels bright her gown bore, as she walked back from the meadow ». Aurait-elle décousu ses ourlets entre temps ? non, la signification est autre.
Il y aurait pas mal à dire, mais je ne veux pas trop m'étendre pour l'instant. J'ai essayé aussi de donner un peu de rythme qui manquait dans la traduction (à peu près) littérale officielle. Ce avec mes modestes moyens.
Romaine : oui ce passage m'a fait hésiter, mais il me semble que "natter" représente bien le fait de contraindre ses cheveux. Bien sûr, on aurait aussi pu dire "tresser", "nouer", "attacher" ou autre comme tu le suggères. Mais il me semble que l'impression rendue déjà auparavant impose déjà cette vision contraignante (elle rentre chez elle, sous sa porte noire, sa maison remplie d'ombres, elle enfile son sarrau) et il me semblait inopportun de surcharger encore, de faire de la surtraduction. D'ailleurs "braid" signifie bien "natter", "tresser", ou tout autre terme signifiant "entrelacer ses cheveux"... En cas de doute, ma source est un dictionnaire unilingue anglais de 1966-1967, parfait pour traduire Tolkien. Mais cela dit je ne te donne pas tort dans ton approche.
Voila, n'hésitez pas à poser d'autres questions, je trouve vos interventions très très intéressantes.
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Je m'occuperai de travailler à quelque chose de plus profond dans la semaine (j'espère :)), mais quelque chose m'intrigue : la métrique, justement :)
Le poème original est accentuel : les vers impairs ont quatre accents forts, les pairs en ont trois. Cet effet de balancement est accentué par les rimes finales, qui en plus d'être croisés, sont alternativement masculines et féminines (ie : les rimes masculines finissent sur un accent, les rimes féminines sur une syllabe inaccentuée).
Firiel looked out at three o'clock:
the grey night was going;
far away a golden cock
clear and shrill was crowing.
Pour ma part et idéalement -- ce que je n'ai pas fait dans ma version antérieure (je n'aime pas m'auto-citer, mais comme je vais sans doute y revenir par la suite...) et que j'aimerai mettre en place dans la révision... ce qui n'est pas évident -- je tenterais de rendre ça en français par une alternance 8 syllabes / 6 syllabes, ou 12/9, je ne sais pas encore trop -- si même cela est possible jusqu'au bout.
Mais tu as choisi un vers libre (ce qui n'est pas une critique :)), et pourtant tu dis avoir voulu te rapprocher de la métrique original : ça m'intrigue :) Je n'ai pas trouvé plus d'indications dans le fuseau où tu en as discuté sur TolkienFrance, mais qu'entends-tu par "métrique" ?
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Oui, Laegalad, je comprends tes interrogations. Je dois préciser que si je pense bien me débrouiller pour ce qui concerne la traduction, je ne suis pas un professionnel dans le domaine de la poésie, et que par métrique j'entends essentiellement le nombre de pieds que comporte un vers (peut-être que j'utilise ce terme à tort d'ailleurs). C'est du moins dans ce sens-là que je voulais m'exprimer : j'ai voulu rendre une traduction dans un français assez "compact" pour me rapprocher le plus possible du texte original. Ce qui était à la base assez difficile tout en respectant le plus possible la lettre.
Je ne sais pas si j'arrive bien à me faire comprendre...
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Five millenia latter... Or donc, voilà le (long) commentaire promis (et coloré :)) !
Introduction
Tout d'abord, re-situons le poème dans la tradition, avec l'aide de la préface de l'auteur :
No 16 ["The last ship"] must be derived ultimately from Gondor. [It is ] evidently based on the traditions of Men, living in shorelands and familiar with rivers running into the Sea [...] No 16 mentions the Seven Rivers* that flowed into the Sea in the South Kingdom, and uses the Gondorian name, of High-elvish form, Fíriel, mortal woman**. In the Langstrand and Dol Amroth there were many traditions of the ancient Elvish dwellings, and of the haven at the mouth of the Morthond from which 'westward ships' had sailed as far back as the fall of Eregion in the Second Age. These two pieces [No 6 & 16], therefore, are only re-handlings of Southern matter, though this may have reached Bilbo by way of Rivendell." * : Lefnui, Morthrond-Kirl-Ringló, Gilrain-Sernui, and Anduin.
** : The name was borne by a princess of Gondor, through whom Aragorn claimed descent from the Southern line. It was also the name of a daughter of Elanor, daughter of Sam, but her name, if connected with the rhyme, must be derived from it; it could not have arisen in Westmarch.
En ce qui concerne la « texture » de la traduction, nous avons tous les deux choisi une façon « naturelle » — à quelques vers près.
Pour la technique, comme je disais, le vers original alterne 4 / 3 accents, et rimes croisées masculines / fémines. Pour les rimes croisées, nous avons tous les deux conservés cette contrainte. L'alternance rimes masculines / féminines, par contre, est plus délicate à conserver, d'autant que c'est une habitude qu'a perdu le français moderne. Pour ma
part, je l'ai laissée tomber. Il y a aussi de fréquentes allitérations, qui n'obéissent pas à un schéma particulier par contre ; j'ai choisi d'en mettre à chaque fois que je le pouvais, de façon naturelle.
Reste le schéma 4 / 3 accents. La première fois, j'avais laissé tombé aussi, et utilisé un vers libre. Mais avec un peu d'expérience, on manie plus facilement les vers syllabiques, et j'ai réussi une alternance décasyllabes / octosyllabes, qui étaient en fait les plus récurrants dans ma première version, même s'ils ne suivaient pas un schéma particulier.
Traduction
The Last Ship
Le dernier navire
Fíriel looked out at three o'clock:
the grey night was going;
far away a golden cock
clear and shrill was crowing.
The trees were dark, and the dawn pale,
waking birds were cheeping,
a wind moved cool and frail
through dim leaves creeping.
Fíriel mira dehors à trois heures :
la nuit grise se dissipait ;
dans le lointain un coq de couleur d'or
coqueliquait clair aigrelet.
Les arbres étaient noirs, et l'aube pâle,
les oiseaux au réveil pépiaient,
se frayant entre les feuilles, frêle
et frais, un vent vagabondait.
She watched the gleam at window grow,
till the long light was shimmering
on land and leaf; on grass below
grey dew was glimmering.
Over the floor her white feet crept,
down the stair they twinkled,
through the grass they dancing stepped
all with dew besprinkled.
Par la vitre elle vit grandir l'éclat
en longue lumière, chatoyant
sur la terre et les feuilles ; dans l'herbe en bas
scintillait la rosée d'argent.
Sur le plancher ses pieds blancs se glissèrent,
brillèrent dans les escaliers,
entre les herbes dansants ils marchèrent
tout éclaboussés de rosée.
Her gown had jewels upon its hem,
as she ran down to the river,
and leaned upon a willow-stem,
and watched the water quiver.
A kingfisher plunged down like a stone
in a blue flash falling,
bending reeds were softly blown,
lily-leaves were sprawling.
Avec sa robe ourlée de joyaux,
elle dévala le ruisseau
et se pencha sur le tronc d'un marsault
et regarda frissonner l'eau.
Elle vit un martin-pêcheur plonger,
un éclair bleu, comme une pierre,
les roseaux étaient doucement courbés,
les feuilles de lis s'étalèrent.
A sudden music to her came,
as she stood there gleaming
with free hair in the morning's flame
on her shoulders streaming.
Flutes there were, and harps were wrung,
and there was sound of singing,
like wind-voices keen and young
and far bells ringing.
Une musique soudaine lui vint,
comme elle luisait là, dressée,
les cheveux dans la flamme du matin
glissant sur ses épaules, dénoués.
Il y avait flûtes, et harpes pincées,
et un son de chant s'entendait,
de voix-de-vent jeunes et élevées,
des cloches loitaines tintaient.
A ship with golden beak and oar
and timbers white came gliding;
swans went sailing on before,
her tall prow guiding.
Fair folk out of Elvenland
in silver-grey were rowing,
and three with crowns she saw there stand
with bright hair flowing.
Un navire s'approcha en glissant
coque et rames blanche, bec doré ;
quelques cygnes nageaient à ses devants
pour guider sa proue élevée.
Vêtus de gris argent, de belles gens
des Terres-des-Elfes ramaient,
et trois d'entre eux, cheveux flottant
portant couronne s'y tenaient.
With harp in hand they sang their song
to the slow oars swinging:
'Green is the land, the leaves are long,
and the birds are singing.
Many a day with dawn of gol
this earth will lighten,
many a flower will yet unfold
ere the cornfields whiten.
Harpes à la main ils chantaient leur air
aux lentes rames balançant :
« Longues sont les feuilles, le pays est vert,
et les oiseaux pépient leur chant.
Cette terre s'éclairera longtemps
au petit jour d'une aube d'or,
avant que les blés tournent blanc,
bien des fleurs s'ouvriront encore. »
'Then whither go ye, boatmen fair,
down the river gliding?
To twilight and to secret lair
in the great forest hiding?
To Northern isles and shores of stone
on strong swans flying,
by cold waves to dwell alone
with the white gulls crying?'
« Où allez-vous alors, gents bateliers,
en descendant cette rivière ?
Au crépuscule, pour vous dissimuler
dans une cache forestière ?
Aux Îles nordiques, aux plages de pierre
volant sur des cygnes puissants,
passant les vagues froides, et solitaires
vivre aux cris des goélands blancs ? »
'Nay!' they answered. 'Far away
on the last road faring,
leaving western havens grey,
the seas of shadow daring,
we go back to Elvenhome,
where the White Tree is growing,
and the Star shines upon the foam
on the last shore flowing.
« Nenni ! » répondirent-ils. « Nous suivons
la dernière voie loin d'ici,
sur les mers des ombres nous nous osons,
laissant à l'Ouest les havres gris,
nous nous en retournons au beau Pays
des Elfes, où l'Arbre Blanc s'élève,
et où l'Etoile sur l'écume luit
flottant sur la dernière grève. »
'To mortal fields say farewell,
Middle-earth forsaking!
In Elvenhome a clear bell
in the high tower is shaking.
Here grass fades and leaves fall,
and sun and moon wither,
and we have heard the far call
that bids us journey thither',
« Oublions donc la Terre-du-Milieu,
disons adieu aux champs mortels !
Au Pays-des-Elfes, sonne clair-joyeux
une cloche dans la haute tourelle.
Céans soleil et lune sont en déclin,
feuille et herbe vont s'étioler ;
nous avons entendu l'appel au loin
qui nous incite à traverser. »
The oars were stayed. They turned aside:
'Do you hear the call, Earth-maiden?
Fíriel! Fíriel!' they cried.
'Our ship is not full-laden.
One more only we may bear.
Come! For your days are speeding.
Come! Earth-maiden elven-fair,
our last call heeding.'
Les rames cessèrent. Ils se retournèrent,
criant : « Fíriel, Fíriel !
Entends-tu, Demoiselle-de-la-Terre
d'une beauté d'Elfe, cet appel ?
Notre navire n'est pas encor plein.
Viens ! Tes jours vont à tire-d'aile,
Viens ! Nous pouvons encor porter quelqu'un !
Ecoute notre ultime appel ! »
Fíriel looked from the river-bank,
one step daring;
then deep in clay her feet sank,
and she halted staring.
Slowly the elven-ship went by
whispering through the water:
'I cannot come' they heard her cry.
'I was born Earth's daughter!'
De la rive, Fíriel les regarda,
osant un pas ; alors son pied
profondément dans la boue s'enfonça,
et elle s'arrêta, figée.
Doucement la nef des Elfes passa,
chuchotant de par la rivière :
« Je ne peux pas venir ! » cria sa voix
« Je suis née fille de la Terre ! »
No jewels bright her gown bore,
as she walked back from the meadow
under roof and dark door,
under the house-shadow.
She donned her smock of russet brown,
her long hair braided,
and to her work came stepping down.
Soon the sunlight faded.
Sa robe était nue de joyaux brillants,
comme sous voûte et porte sombre
elle rentra en traversant les champs,
passant sous la maison et l'ombre.
Elle revêti son sarrau brun-rouille,
ses longs cheveux elle tressa
et elle descendit à son travail.
Bientôt l'éclat du jour fana.
Year still after year flows
down the Seven Rivers;
cloud passes, sunlight glows,
reed and willow quivers
at morn and eve, but never more
westward ships have waded
in mortal waters as before,
and their song has faded.
Les unes après les autres, les années
coulent le long des Sept Rivières ;
passent nuages, les jours ensoleillés,
le saule tremble en roselière
à l'aube et à l'aurore, mais plus jamais
de navire à l'ouest n'est parti
par les eaux mortelles comme ils faisaient,
et leur chant s'est évanoui.
Ouf ! Voilà pour le premier bout...
Hors ligne
Et le deuxième...
Notes pour ma version
Note 1. : v. 4 : « clear and shrill was crowing = coqueliquait clair aigrelet. »
A force d'utiliser « chanter » pour désigner le cri du coq, on en a oublié le terme propre : coqueriquer, ou coqueliquer :
Coqueriquer, verbe intrans. (de coquerico). [En parlant du coq] Faire cocorico. [...] 1re attest. 1575 coqueliquer (A. PARÉ, Œuvres, Introduction, chap. XXVI, éd. Malgaigne, t. 1, p. 99), 1752 coqueriquer (Trév.); de coquerico, coquelico, dés. -er.
J'ai utilisé le terme le plus ancien, et j'aime bien la sonorité que j'ai réussi à rendre ; un peu plus loin, pour « se frayant entre les feuilles, frêles / et frais, un vent vagabondait », j'ai multiplié les sons ventoyants. Je n'ai donc pas « traduit » les allitérations au même endroit, mais là où elles venaient le plus naturellement.
Note 2. : v.19 : « and leaned upon a willow-stem = et se pencha sur le tronc d'un marsault »
Le marsault est une espèce de saule, le Salix Capréa(qu'on appelle aussi marsaule, saule gris, ou osier cendré) ; il est moins liées aux milieux humides que les espèces voisines de saules et préfère les fonds de vallés, mais rien ne l'empêche de pousser en bord de ruisseau.
Note 3. : v. 23-24 : « bending reeds were softly blown, / lily-leaves were sprawling. = les roseaux étaient doucement courbés, / les feuilles-de-lis s'étalèrent. »
« sprawling » n'est pas évident à traduire : se vautrer, s'étaler, tomber... mais pour les plantes, c'est plutôt « pousser dans tous les ens »... ce que ne rend pas bien laquo; s'étalèrent », mais je n'ai pas trouvé de terme plus adéquat.
Note 4. : v.37 : « Fair folk out of Elvenland = [...] de belles gens / des Terres-des-Elfes [...] » // v. 61 : « we go back to Elvenhome, = nous nous en retournons au beau Pays / des Elfes, [...] »
Il y a un parallélisme entre ces deux vers, auquel je n'avais pas prêté attention de prime abord ; mais Elvenland ne peut être traduit de la même façon que Elvenhome. D'où l'appelation «Terre des Elfes» pour nommer le lieu où ils habitent en TdM, et d'où ils viennent, et «Pays des Elfes» pour celui où ils retournent, par-delà les mers. Le choix de «go back» semblerait indiquer qu'il s'agit d'Elfes ayant vécu en Valinor... quoique l'on puisse sans doute considérer qu'il s'agisse de descendant des premiers émigrants, pourquoi pas, qui retournent aux pays de leurs ancêtres, et qu'ils considèrent comme leur patrie ?
Note 5 : v.73 – 80 : « The oars were stayed. They turned aside: / "Do you hear the call, Earth-maiden? / [75] Fíriel! Fíriel!" they cried. / "Our ship is not full-laden. / One more only we may bear. / Come! For your days are speeding. / Come! Earth-maiden elven-fair, / [80] our last call heeding." »
Cette strophe n'est pas évidente, car la traduction exige de la place en français, ne serait-ce que pour «Earth-maiden». Trois syllabes en anglais. En français, 7 ou 8 suivant si la dernière syllabe est suivit d'une consonne ou muette. J'ai en effet tenu à conserver mon «Demoiselle-de-la-Terre», qui est long, mais que je ne tiens pas à raccourcir en « Fille de la Terre ». Car ce dernier terme est employé par Fíriel, et je gage que ce n'est pas innocent. Il me semble toujours (car c'est une intuition que j'avais eu dès le départ, en réalité) que le poème entier tourne autour de cette révélation, de cette prise de conscience ; c'est parce qu'elle est Fille de la Terre qu'elle ne peut venir au Pays-des-Elfes. Les Elfes l'ont nommée «Earth- maiden», Demoiselle-de-la-Terre, mais «demoiselle» est un état passager : on est d'abord enfant, puis demoiselle, puis dame ; ce n'est qu'une étape. Et à cette étape, Fíriel opposera un état, une nature : elle est Fille de la Terre, ses racines sont en Terre du Milieu, elle ne peut rien y changer.
Pour s'écarter un peu de la «simple» traduction, cela m'étonne... Car ce sont les Elfes qui ont Arda dans le sang. Les Humains – et Fíriel porte son humanité jusque dans son nom, qui signifie « femme mortelle » – sont désignés comme «ceux qui ne font que passer» : ils ne sont pas reliés à Arda jusqu'à la fin du monde. Mais ici, ce sont les Elfes qui s'en vont à jamais, et Fíriel qui demeure... Serait-ce à dire que les Elfes sont Enfants-des-Etoiles, et les Humains Enfants-de-la-Terre ?
Note 6 : Strophe suivante : « Fíriel looked from the river-bank, / one step daring; / then deep in clay her feet sank, / and she halted staring. / [85] Slowly the elven-ship went by / whispering through the water: / "I cannot come!" they heard her cry. / "I was born Earth's daughter!" » ; v. 84 : « and she halted staring. = et elle s'arrêta, figée. »
J'avais du mal à comprendre ce vers, ou du moins, il me plaisait d'imaginer que Fíriel s'arrêtait subitement en fixant son pied, et perdant le contact visuel avec la nef – ce qui, dans un conte de fée, implique la disparition de l'objet enchanté. Je traduisais donc « Elle cessa de les fixer. » Or (merci Tirno :)) halt ne s'utilise que pour un arrêt physique... par conséquent, ma jolie vision tombe à l'eau, et Fíriel s'arrête en fixant le navire des yeux. Faute de place, j'ai employé "figée", qui indique que son corps – et donc son regard – est immobile.
Cette strophe est vraiment le point tournant du poème... Jusque là, Fíriel était une belle damoiselle richement parée : l'enchantement elfique de l'aurore l'ornait de joyaux tremblants, la parait de lumière... Mais suffit-il qu'elle se souvienne de sa nature, suffit-il qu'elle cesse de fixer le navire, et l'enchantement cesse, doucement... Sa belle robe se dénude, puis elle revêt son sarrau, vêtement de travail couleur terre ; ses cheveux libres, qui flamboyaient au matin, se retrouve noués, tressés, bridés ; et la belle lueur du jour se fait ombre, petit à petit...
Note 7 : v. 93 : « She donned her smock of russet brown, = Elle revêti son sarrau brun-rouille, »
Juste parce que le mot est joli : « russet » signifie «feuille-morte» (ce que j'avais employé lors de ma première traduction, mais que, part souci de naturel et pour éviter le «verbe à la fin», j'ai eacute;carté de cette version-ci), «roussâtre», «rustique». Le terme vient évidemment du vieux français, «rousset», latin <i>russus</i>, «roux, rouge». L'étonnant est la signification de «rustique», qui n'est pourtant pas une couleur, et qui vient du latin «ruralis, e : des champs, champêtre, rustique, rural.». Mais en tout cas, cela lie le tout une fois de plus à la campagne, donc à la terre : ayant reconnu être fille-de-la-Terre, Fíriel revêt la couleur associé, un brun-rouille, couleur de glaise, celle où son pied s'enfonça.
Note 8 : v. 102 : « westward ships have waded = de navire à l'ouest n'est parti »
Dans le sens, moderne, « to wade» signifie : patauger, barboter, passer à gué ; ce qui n'est pas une image très élégante pour une nef elfique... Mais le sens poétique est plutôt «aller de l'avant» :
O.E. wadan "to go forward, proceed," in poetic use only, except as oferwaden "wade across," from P.Gmc. *wadan (cf. O.N. vaða, Dan. vade, O.Fris. wada, Du. waden, O.H.G. Watan, Ger. waten "to wade"), from PIE base *wadh- "to go," found only in Gmc. and L. (cf. L. vadere "to go," vadum "shoal, ford," vadare "to wade"). The notion is of "to advance into water." It. guado, Fr. gué "ford" are Gmc. loan-words.
Online Etymology Dictionnary (lien)
Notes pour la version de Samwise
Je prend donc en compte le fait que tu as voulu faire, essentiellement, une version littérale – mais pas strictement, puisque tu as gardé les rimes. Comme tu n'es pas bloqué par le nombre de pieds, puisque tu as choisis un vers libre, il t'est plus facile de respecter stricto sensu l'original. Il m'est difficile de faire des propositions sans retomber sur ce que j'ai fait moi, mais j'essaye :)
Tout d'abord, une remarque générale, qui tient de mon goût pour le naturel et la spontanéité : tu utilises beaucoup cette ruse de poète©Kendra qui consiste en caser le verbe à la fin... J'avoue volontiers avoir longtemps fait de même, c'est bien pratique :) Mais depuis mes traductions sur Tom Bombadil, je fais une chasse impitoyable à ces inversions, et tord du nez quand je suis obligée d'y recourir... Je trouve que ça gêne la diction, que ça provoque une bizarrerie plutôt que de couler de source. Tu me diras que Tolkien y recourt, ce qui est vrai. En même temps, même en réduisant ces inversions au maximum, on est obligé d'y passer une ou deux fois – autant que ce soit le moins possible.
Note 9. : v. 9 – 10 : « She watched the gleam at window grow, / till the long light was shimmering = De sa fenêtre le soleil levant elle observa, / ses longs fils d’or allant chatoyer »
Si l'on s'en tient au strict sens, c'est plutôt : «Elle regarda la lueur grandir à la fenêtre, jusqu'à ce que la longue lumière chatoie» : il n'y a pas mention de soleil levant encore (c'est une simple lueur d'aube, puis le soleil se lève), ni de longs fils d'or (simplement d'une longue lumière). « Elle regarda par la fenêtre grandir l'éclat / Jusqu'à se faire longue lumière chatoyant... »
[N.B. : «Eclat» pour «gleam» n'est pas tout à fait juste, c'est plus une lueur, ou un éclat ténu...]
Note 10. : v. 13 – 16 : « Over the floor her white feet crept, / down the stair they twinkled, / [15] through the grass they dancing stepped / all with dew besprinkled. = Sur le sol ondulèrent ses pieds immaculés, / descendant les marches ils papillonnèrent, / parcourant l’herbe ils se mirent à danser / tout saupoudrés de perles éphémères. »
Hrumf :) Je ne vois pas trop comment des pieds peuvent onduler :) to crept, c'est «ramper, se glisser» ; de même «papilloner» évoque un mouvement d'aile, un battement rapide, un palpitement : des yeux papillonnent, (d'ailleurs on parle plutôt de cils papillonnant), mais des pieds, j'ai des doutes... twinkle appartient au vocabulaire de la lumière (vocabulaire récurrent d'ailleurs chez Tolkien, et en particulier dans ce poème), et répond à la blancheur de ses pieds : il est donc important de ne pas y manquer.
Enfin, tu as traduit «dew» par «perles éphémères» ; pourquoi pas, mais on perd un aspect humide (dew et besprinkled) pour un effet «terreux» ou terrestre plutôt (poudre et perles). Or, ici, l'eau est liée à la nature, aux Elfes, à l'enchantement ; et la terre aux hommes et à la vie quotidienne. J'en reviens encore à ce tournant du pied dans la glaise : jusque là, l'élément phare était l'eau, et la lumière. Et à partir de là, c'est à la terre et à l'ombre de prendre la place. C'est pourquoi je m'en tiendrais à «éclaboussé», ou «constellé» (puisque cela ramène à la lumière) de rosée, plutôt que de faire appel à un terme terrestre.
Note 11 : v.24 : « lily-leaves were sprawling. = Et les pétales des lis éparpillant. »
Il n'est pas question de pétales, mais de feuilles ; «sprawling» cependant n'est pas facile à traduire... Le sens est «qui pousse dans tous les sens», mais difficile de trouver un terme qui synthétise tout ça... éparpiller n'est pas mal, mais ce n'est pas le martin-pêcheur qui éparpille les feuilles de lys, elles le font toute seules... De même, le martin-pêcheur ne fait que plonger ; le vent est indépendant de tout ça.
Note 12 : v.31 : « like wind-voices keen and young = des voix portées par le vent, jeunes et gaies, »
Wind-voices, ce sont des voix-de-vent : le chant des elfes s'entend comme un murmure.
Note 13 : v. 33-34 : « A ship with golden beak and oar / and timbers white came gliding; = Un vaisseau au bec et aux ailes d’or / et au plumage blanc arriva voguant ; »
:) Il est certe question de bec, mais ni d'ailes, ni de plumage : oar désigne les rames, timbers les madriers (j'ai pour ma part élargi en traduisant par coque, puisque les madriers forment la coque). De même pour la strophe suivant, les Elfes chantent au rythme du balancement des rames, pas du battement des ailes :)
Note 14 : v. 67 : « In Elvenhome a clear bell = en Valinor, d’une cloche d’argent »
Tu extrapoles un peu : il est question du Pays des Elfes (en opposition, je pense, aux Terres-des-Elfes citées plus haut), mais pas de Valinor. Par ailleurs, Elvenhome désigne Eldamar, généralement – la nuance est faible, je te l'accorde :) Néanmoins, celà me semble une surtraduction.
Note 15 : v.73 à 80 : voir note 5 et 6, à propos de Earth-Maiden.
Note 16 : v.88 : « "I was born Earth's daughter!" = « Je suis de la Terre, car née de son sang ! ». »
Mmm, un peu de surtraduction aussi ici :) Elle est née fille de la Terre, mais pas du sang de la Terre (l'image n'est pas très ragoutante en plus :)).
Note 17 : v. 94 : « her long hair braided, = ses cheveux en nattes elle coiffa »
A propos de braid, l'idée de Romaine est bonne, et en effet, toute la strophe, depuis «I was born Earth's Daughter», est une lente dégradation... voir plus haut :)
Tu disais, Samwise, que tu craignais une surcharge en utilisant encore un terme contraignant, comme « natter», «tresser». Mais le terme est très naturel, je n'y trouve aucune surcharge. Et du moment que Tolkien l'a employé, il n'y a pas de scrupule à avoir...
Note 18 : v. 103-104 : « in mortal waters as before, / and their song has faded. = par les eaux mortelles comme cela était, / et leurs chants pour toujours s’éteignirent. »
La rime voyagèrent / s'éteignirent est un peu faible :) C'est embêtant surtout en fin de poème, puisque c'est l'écho qui résonne le plus longtemps (au milieu, noyé dans
la masse, ça passe :)). Et un pinaillage : ce n'est pas un passé simple : leur chant s'est évanoui... il n'y a pas l'idée d'un arrêt brutal, simplement d'un écho qui a fini par s'éteindre.
Oh ! Et une autre remarque encore, mais qui n'est pas très importante : tu traduis successivement ship par « vaisseau », « nef » et « bateau ». Il serait préférable d'utiliser toujours le même terme (ce que je n'ai pas fait : j'ai traduit « elven-ship » par « nef des Elfes » [v.85], par manque de place : « navire elfique » est trop long)...
Ouf, et c'est tout ! :)
Hors ligne
Je reviens donc à ce fuseau après pas mal de temps. J'ai pu bien analyser tout ce qui a été dit, notamment par Laegalad, et j'ai donc préparé à mon tour un certain nombre de remarques, tant sur les remarques et critiques faites à la mienne que sur sa traduction de The Last Ship. Concernant la petite polémique née dans un autre fuseau (A propos du forum JRRVF), je réserve certains commentaires pour une discussion privée. (je t'envoie ça par mail, Laegalad)
I- COMMENTAIRES DE LAEGALAD SUR MA TRADUCTION
Note 9. : v. 9 [...] Si l'on s'en tient au strict sens [...] il n'y a pas mention de soleil levant encore (c'est une simple lueur d'aube, puis le soleil se lève), ni de longs fils d'or (simplement d'une longue lumière).
Tout d'abord, je tiens à préciser que je connaît le sens "strict" (non, c'est pour éviter les malentendus là). Ensuite, tu nuances entre lueur d'aube et soleil levant, soit. Mais on tatillonne un peu là, non ?
Enfin "pas de fils d'or, mais une longue lumière" : là je ne sais quoi répondre en fait. Si : une métaphore, les longs fils d'or représentant les rayons, la lumière…Je sacrifie quand même par moments la traduction "mot à mot" sur l'autel de la métaphore….
Note 10. : v. 13 – 16 : [...] Je ne vois pas trop comment des pieds peuvent onduler :) [...] ; de même «papilloner» évoque un mouvement d'aile [...] : des yeux papillonnent, (d'ailleurs on parle plutôt de cils papillonnant), mais des pieds, j'ai des doutes... twinkle appartient au vocabulaire de la lumière [...] : il est donc important de ne pas y manquer.
Pfiou ! Allons-y :
- moi je vois comment des pieds peuvent onduler, et l'utilisation du verbe "glisser" pose un problème, car on se prendrait tout au long du poème à traduire trois verbes différents en anglais par un seul verbe : glisser. Là encore, métaphore (à tort ou à raison).
- Papillonner : comme tu le dis, des yeux papillonnent, et généralement en raison de la lumière. Cela, associé au mouvement d'ailes que tu évoques, m'a paru correspondre relativement bien, métaphoriquement là encore, à "twinkle".
- Twinkle appartient bien au vocabulaire de la lumière, oui.
- "Il est important de ne pas y manquer" : petit ton professoral à l'attention du "petit nouveau" ?.
Enfin, tu as traduit «dew» par «perles éphémères» ; pourquoi pas, mais on perd un aspect humide [...] pour un effet «terreux» ou terrestre plutôt (poudre et perles).
Là encore, j'aimerais que tu m'expliques…dire qu'une perle est un élément terrestre, je ne comprends pas à vrai dire : à part portées autour du cou, les perles sont du domaine aquatique. D'ailleurs, n'emploie-t-on pas l'expression "perles de rosée" ? "perles" désignant en l'occurrence les gouttes. Pour "saupoudrés", admettons oui, mais si on emploie "constellés", on abandonne un élément "eau" au profit de l'élément "ciel" ou "lumière". Mais "éclaboussés" me plaît bien.
Note 11 : v.24 : [...] Il n'est pas question de pétales, mais de feuilles ; [...] De même, le martin-pêcheur ne fait que plonger ; le vent est indépendant de tout ça.
Là je ne suis d'accord : lily-leaves peut aussi bien désigner les feuilles que les pétales (certes le sens de "pétales" est plus rare). Désolé, pas de lien internet à donner pour le prouver, j'ai juste mon dictionnaire anglais. Mais bon là j'ai fait un choix, sur lequel tu n'es pas d'accord, soit, ce sera l'occasion d'en rediscuter.
Le martin-pêcheur qui plonge : là on tombe dans un problème d'interprétation. Soit on considère que le fait qu'il plonge est indépendant du fait que les roseaux se courbent et que les lys s'étalent, soit on considère que son plongeon provoque des remous etc… là je ne prétend pas avoir raison, c'était mon interprétation du moment.
Note 12 : v.31 : [...] Wind-voices, ce sont des voix-de-vent : le chant des elfes s'entend comme un murmure.
C'est très exactement le sens que je donnais : une voix portée par le vent, comme une rumeur. J'avais compris le sens de "wind-voices", je tiens à te rassurer. D'ailleurs je ne vois pas trop la différence entre les deux propositions, si ce n'est que tu emploies une expression toute faite. Je voulais surtout rendre le fait que ces voix sont celles des Elfes.
Note 13 : v. 33-34 : [...] :) Il est certe question de bec, mais ni d'ailes, ni de plumage : oar désigne les rames, timbers les madriers (j'ai pour ma part élargi en traduisant par coque, puisque les madriers forment la coque).
Je ne sais comment réagir…en tout cas merci de m'enseigner la signification de ces mots, que mon dictionnaire, bizarrement, ne connaît pas ^^(sans doute des mots rares ou très archaïques). J'ai quand même du mal à croire que la métaphore t'ait échappé…Il s'agit là d'une référence évidente (à mon sens) aux bateaux des Teleri, en forme de cygne : d'où "ailes" qui remplacent "rames" et "plumage" qui remplace "coque". Peut-être une surtraduction, certes, mais l'occasion était trop belle, surtout en association avec "bec".
Note 14 : v. 67 : [...] Tu extrapoles un peu [...]
C'est vrai, mais là aussi l'occasion était belle.
Note 16 : v.88 : [...] Elle est née fille de la Terre, mais pas du sang de la Terre (l'image n'est pas très ragoutante en plus :)).
Ta fille n'est-elle pas de ton sang ? Encore une fois, métaphore….
II- TRADUCTION DE LAEGALAD
Bien, passons donc à l'exercice inverse.
« clear and shrill was crowing = coqueliquait clair aigrelet » : "aigrelet" ne me semble pas correspondre à "shrill" qui porte (et cela on s'en rend compte juste en le prononçant) une notion d'aigu, de note haute en tout cas. « coqueliquait clair aigrelet » me semble donc un peu faible. C'est joli à entendre, mais moi là je ressens plus plus l'idée d'un coq qui pousse énergiquement son cri à l'aube. En plus c'est "dans le lointain" donc il faut quand même une certaine force pour être entendu de loin.
« The trees were dark, and the dawn pale = Les arbres étaient noirs, et l'aube pâle » : Juste une remarque : je préfère "sombre" quand il s'agit de "dark". Je trouve que l'association "sombre/pâle" fonctionne mieux.
« She watched the gleam at window grow = Par la vitre elle vit grandir l'éclat » : "la vitre" ne me plait pas trop. On ne sait pas s'il y a une vitre, encore moins si elle est ouverte ou non. "A la fenêtre" ou "Depuis sa fenêtre" me paraît plus adapté.
« till the long light was shimmering = en longue lumière, chatoyant » : Pinaillage à mon tour : le participe présent "chatoyant" ôte toute notion de progression. La lumière grandit jusqu'à aller chatoyer… (je te renvoie à ta note sur ce même passage pour ma traduction) C'est un peu ce que j'ai essayé de rendre avec "ses longs fils d'or allant chatoyer…", même si ce n'est pas parfait.
« Her gown had jewels upon its hem, / as she ran down to the river = Avec sa robe ourlée de joyaux, / elle dévala le ruisseau » : Là, pour moi, l'idée est que sa robe se borde de joyaux (perles, rosée) alors qu'elle court sur l'herbe : "as she ran…". Dans ta traduction, cela n'apparaît pas. Littéralement cela donnerait : "Sa robe eut des joyaux sur son bord, comme elle courait vers la rivière". De plus, tu traduis donc « she ran down to the river » par « elle dévala le ruisseau ». Elle descend "jusqu'à" ("to") la rivière ; "ruisseau" me paraît d'ailleurs restrictif pour "river". Cela change tout les sens des quatre premiers vers de cette strophe, à mon avis.
« as she stood there gleaming = comme elle luisait là, dressée » : En inversant les verbes, tu inverses aussi la priorité. "Elle se tenait là, étincelant (luisant)" : c'est différent, car toi tu insiste sur le fait qu'elle soit "dressée", terme que je trouve pour le coup excessif, "to stand" pouvant se traduire simplement par "se tenir".
« with free hair…on her shoulders streaming = les cheveux…glissant sur ses épaules » : Encore une fois "glisser"…
« and three with crowns she saw there stand, / with bright hair fowing = et trois d'entre eux cheveux flottant, / portant couronne s'y tenaient » : Là encore destructuration, et inversion. De plus tu as oublié "bright" : cheveux blonds, clairs.
« many a flower will yet unfold, / ere the cornfields whiten = avant que les blés tournent blancs, / bien des fleurs s'ouvriront encore » : Là juste une remarque : l'inversion ne me semble pas très heureuse, c'est curieux à lire.
« Then whither go ye, boatmen fair = Où allez vous alors, gents bateliers » : "gents" pour "fair" ne me semble pas approprié, je pense plus à une notion de beauté.
« in the great forest hiding = dans une cache forestière » : Cela fait un peu bande de détrousseurs, la "cache forestière". De plus, il y a "the great forest", dans "la grande forêt", référence à mon avis qui n'est pas anodine.
« Far away on the last road faring = Nous suivons la dernière voie loin d'ici » : Là ils s'aventurent loin sur la dernière route, et non pas sur la dernière route qui est loin (à mon sens).
« leaving western havens grey = laissant à l'Ouest les havres gris » : Non, ils abandonnent les havres gris de l'occident ("western") de la Terre du Milieu, qui se trouvent être à l'Est de leur future destination.
« where the White Tree is growing = où l'Arbre Blanc s'élève » : Je préfère la notion de croissance, qu'on retrouve souvent chez Tolkien.
« a clear bell…is shaking = sonne clair-joyeux une cloche » : Je ne comprends pas trop ce "clair-joyeux"…
« and sun and moon wither = Céans soleil et lune sont en déclin » : Je trouve cette formulation un peu lourde par rapport à l'original. "Céans soleil" : c'est peut-être ça qui me gêne.
« Here grass fades and leaves fall = feuille et herbe vont s'étioler » : Tu traduis un présent par un futur. Pinaillage, quand tu nous tiens.
strophe « The oars were stayed [...] our last call heeding » : Là, plusieurs remarques :
- tu destructures l'ensemble de la strophe, changeant notamment les paroles des Elfes. L'effet est curieux.
- « Entends-tu, Demoiselle de la Terre / d'une beauté d'Elfe, cet appel ? » : deux vers pour en traduire un seul, je trouve cela lourd, surtout formulé comme ça. Le fait de séparer "entends-tu" et "cet appel" avec ce long "Demoiselle…" au milieu ne passe pas très bien je trouve.
« then deep in clay her feet sank = alors son pied profondément dans la boue s'enfonça » : On revient là à cette notion de Terre, et de fille de la Terre. J'ai traduit "clay" par "argile", plus proche pour moi de cette notion d'appartenance à la Terre. Elle s'arrête car son pied est pris dans la Terre. La boue me semble un peu légère et peu symbolique.
« Slowly the elven-ship went by / whispering through the water : / 'I cannot come' they heard her cry = Doucement la nef des Elfes passa, / chuchotant de par la rivière : / "Je ne peux pas venir !" cria sa voix » : Là on peut croire que la nef chuchote puis crie : "je ne peux pas venir !". Il manque le fait qu'ils l'entendent crier, elle. Je préfère : "passa comme en chuchotant".
« No jewels bright her gown bore [...] under the house-shadow = Sa robe était nue de joyaux brillants [...] passant sous la maison et l'ombre » : Là cela nous renvoie à la troisième strophe avec cette histoire de joyaux qui bordent sa robe. Elle remonte chez et il n'y a plus de rosée. Je trouve que ta formulation, et, encore une fois l'inversion des vers, dilue cette notion. "House-shadow" : "passant sous la maison et l'ombre" ….j'aimerais que tu m'expliques ce que tu veux dire là.
En conclusion, je dirais que nous avons des façons différentes d'aborder la poésie (et donc la traduction de la poésie). Pour toi, c'est plus question de "mathématique", tu peux parfois sacrifier certains éléments pour cadrer avec une définition arithmétique de la poésie. Personnellement, étant peu averti de ces considérations, la poésie est quelque chose que je lis, que j'écoute, que j'essaie de faire couler, et dans ce cas de restituer le rythme original. Il m'arrive donc de sacrifier certaines règles prédéfinies de métrique.
Mon but en traduisant ce poème était d'abord et avant tout d'essayer de rendre ce que moi j'avais ressenti en lisant le texte de Tolkien. Je ne considère pas ma traduction comme meilleure pour autant, mais plus personnelle, en ce sens qu'elle traduit mon sentiment. C'est un peu comme le Vinyle et le CD…
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