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Bonjour à tous,
Comme vous le savez certainement, le poème intitulé Bilbo's Last Song a été traduit en français dans le court volume intitulé L'Album de Bilbo : Adieu à la Terre du Milieu. Bien que la traduction en question soit d'une belle musicalité, je trouve qu'elle s'éloigne parfois trop de l'esprit de ce poème. Ce souci tient peut-être au choix de traduire les vers originaux en décasyllabes, alors qu'ils suivent une alternance (quelque peu irrégulière, d'ailleurs) entre vers de sept et de huit pieds.
Voici donc un exercice de ma part pour traduire ce poème un peu négligé en suivant le mètre utilisé par Tolkien (du mieux que j'ai pu : au vers 9, je n'arrive pas à faire mieux qu'un octosyllabe, alors que le vers correspondant fait sept pieds chez Tolkien). Pour des raisons pratiques avant tout, j'ai utilisé des rimes alternées plutôt que des rimes plates.
N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, surtout si vous avez quelques suggestions à ce sujet.
E.
Day is ended, dim my eyes,
But journey long before me lies.
Farewell, friends! I hear the call.
The ship beside the stony wall.
Foam is white and waves are grey;
Beyond the sunset leads my way
Foam is salt, the wind is free;
I hear the rising of the sea
Farewell, friends! The sails are set,
The wind is east, the moorings fret.
Shadows long before me lie,
Beneath the ever bending sky,
But islands lie behind the sun
That I shall raise ere all is done;
Lands there are to West of West,
Where night is quiet and sleep is rest.
Guided by the lonely star,
Beyond the utmost harbour-bar,
I'll find the havens fair and free,
And beaches of the starlit sea.
Ship, my ship! I seek the West,
And fields and mountains ever blest.
Farewell to Middle-earth at last.
I see the star above your mast.
Jour fini, yeux affaiblis,
Mais j'ai un long voyage encore.
C'est l'appel, adieu amis !
Le vaisseau est déjà au port.
Blanche écume et vagues grises,
Ma voie mène vers le couchant ;
Embrun salé, libre bise,
J'entends le flux de l'océan.
La voile gonfle, adieu, amis !
Sous le vent d'Est, l'ancre a chassé..
Devant moi, l'ombre alanguie
S'allonge sous un ciel courbé,
Mais je verrai avant la fin
les îles au-delà du soleil ;
Là-bas dans l'Ouest ancien,
Le soir apporte un doux sommeil.
Je suis l'étoile solitaire,
Porté par les vents alizés,
Je trouverai le bord de mer
Où brillent les ports étoilés.
Navire ! je me languis
De l'Ouest aux monts bienheureux.
Je vois l'étoile à ton midi,
Adieu, ô Terre du Milieu.
J.R.R. Tolkien, Bilbo's Last Song
trad. personnelle
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Ta traduction sonne bien et me parait bonne sur le fond, a fortiori en ayant suivi le mètre choisi par Tolkien.
Pour ce qui est du vers 9, je ne vois pas mieux non plus que ta solution avec un octosyllabe, mais ce n'est pas choquant. De toute façon, n'oublions que traduire c'est « dire presque la même chose », comme le disait Umberto Eco.
Amicalement,
B.
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Merci Hyarion.
Je redouble l'exercice avec un poème dont j'apprécie pourtant beaucoup la traduction, mais là encore en m'efforçant de suivre le mètre anglais au plus près. Il s'agit de Upon the hearth the fire is red, que Daniel avait traduit par Le feu rougeoie au fond de l'âtre gris, ce que je rends par Dans le foyer, le feu rougeoie. La v.o. emploie des rimes plates qui suivent un rythme 8/8/8/8/8/8/7/6/7/6, tandis que Daniel opte pour six alexandrins suivis de quatre hexasyllabes. Je suis très volontiers preneur de tout avis sur ma tentative :
Upon the hearth the fire is red,
Beneath the roof there is a bed;
But not yet weary are our feet,
Still round the corner we may meet
A sudden tree or standing stone
That none have seen but we alone.
Tree and flower and leaf and grass,
Let them pass! Let them pass!
Hill and water under sky,
Pass them by! Pass them by!
Still round the corner there may wait
A new road or a secret gate,
And though we pass them by today,
Tomorrow we may come this way
And take the hidden paths that run
Towards the Moon or to the Sun.
Apple, thorn, and nut and sloe,
Let them go! Let them go!
Sand and stone and pool and dell,
Fare you well! Fare you well!
Home is behind, the world ahead.
And there are many paths to tread
Through shadows to the edge of night,
Until the stars are all alight.
Then world behind and home ahead,
We'll wander back to home and bed.
Mist and twilight, cloud and shade,
Away shall fade! Away shall fade!
Fire and lamp, and meat and bread,
And then to bed! And then to bed!
Dans le foyer, le feu rougeoie,
Il y a un lit sous le toit ;
Mais nos pieds ne sont pas fourbus,
Nous pourrions trouver impromptu
Au tournant un arbre, un rocher,
Que nul n'a jamais approché.
Arbre et fleur, feuille et gazon,
Passeront ! Passeront !
Mont et eau sous les nuées,
Passons-les ! Passons-les !
Peut-être au tournant attendrait
Voie nouvelle, portail secret,
Qu'aujourd'hui nous ne prenons point,
Mais que nous suivrions demain
Sur chemins cachés, sanspareils,
Vers la Lune ou jusqu'au Soleil.
Pomme, prunelle et bruyère,
En arrière ! En arrière !
Roc et lac et promontoire,
Au revoir ! Au revoir !
Monde devant, maison derrière ;
Et bien des routes traversières
Mènent d'ombre en obscurité,
Quand les astres sont embrasés.
Maison devant, monde derrière,
Nous reviendrons vers la chaumière.
Brume et sombres frondaisons
S'estomperont ! S'estomperont !
Lampe et feu, viande et oublies,
Et puis au lit ! Et puis au lit !
J.R.R. Tolkien, SdA, I/3
trad. personnelle
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Argl ... Je n'ai même pas eu le temps d'agir :)
Bravo Damien !
Pour le second poème, accepterais-tu de le partager également sur ce fuseau qui lui est déjà consacré : une chanson de marche.
& nous pourrions continuer ici à discuter du premier, dont tu es je crois le premier à en proposer une traduction originale.
Cf. le sommaire de l'ensemble des traductions poétiques.
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Je veux bien. Surtout si Moraldandil me prête son pain bis, une excellente trouvaille ma foi.
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Impec.
Je modifie le titre du présent fuseau si ça ne te gêne pas.
Et l'on te retrouve là-bas pour Dans le foyer, le feu rougeoie.
Tandis que l'on peut poursuivre ici pour « La dernière chanson de Bilbo ».
Sur cette dernière, je n'ai pas (plus) le temps de m'y pencher ces jours-ci (j'ai dépassé mon crédit de temps sur le non professionnel depuis un moment ;)) mais je m'y suis penché assez pour trouver l'exercice bien difficile ! Bravo à nouveau donc.
Une seule remarque : même si je vois bien pourquoi tu as choisi « flux » plutôt que « flot » au v.8 le second à mon avis passerait mieux.
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J'avoue que je pense plutôt à flux et reflux pour parler du mouvement de la mer, mais il est vrai que flot sert (aussi) de synonyme à flux. C'est certainement plus approprié pour une poésie qui n'emploie guère de termes techniques (sauf pour the moorings fret, que j'ai traduit dans la même veine).
E.
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