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#1 22-11-2015 14:44

jean
Inscription : 2002
Messages : 893

Transhumanisme et "Nazgulisation"

Il se trouve que je me suis encore fracturé une cheville. J’ai reçu un coup de pied de cheval,  or entre le fer sous le sabot et mes os, le fer était le plus dur (preuve qu’un fer à cheval ne porte pas forcément bonheur). C’est la troisième fois en 11 ans, comme on dit jamais « deux sans trois » mais non « trois sans quatre », j’espère que j’en aurai terminé avec ces fractures à répétitions. Heureusement cette fois ci est beaucoup moins grave que les fois précédentes. Il y a quatre ans j’ai du subir plusieurs opérations avec des greffes osseuses et j’ai encore aujourd'hui plus de titane que d’os dans mon talon droit.

Quand j’ai expliqué ceci à mes jeunes collaborateurs au bureau en leur disant que finalement j’avais plutôt de la chance car il y a seulement 40 ans je n’aurais plus pu marcher ; la conversation a peu à peu glissée sur le sujet de l’homme augmenté et du transhumanisme. Je dois dire que c’est un sujet que je connaissais mal et j’ai souhaité en savoir un peu plus. Du fait que je suis plus ou moins condamné à rester assis, j’en ai donc profité pour lire « l’ambition mortifère » de Besnier, « la tentation transhumaniste » de Franck Damour et enfin «  la tentation de l’homme dieu » de Bertrand Vergely.

Je dois dire que j’ai découvert tout un univers que je soupçonnais seulement. Des fondations abreuvées de dollars par les géants de la silicone vallée cherchent très sérieusement à promouvoir le clonage thérapeutique, à télécharger notre esprit dans un ordinateur pour devenir immortel, à greffer un cerveau sur un corps jeune indéfiniment ou encore à greffer des mémoires flash dans un cerveau pour augmenter notre capacité de mémoire,  etc…

Cela m’a fait penser à plusieurs lectures des Inklings.

That hideous strength de CS Lewis tout d’abord avec cette fondation plus ou moins diabolique du NICE qui cherche également à greffer des têtes de condamnés à mort sur de automates pour chercher l’immortalité.
A Numénor ensuite dont les rois se laissent séduire par Sauron dans une quête folle de l’immortalité qui cause leur perte par opposition à Aragorn qui sait « rendre le don » quand le temps est arrivé.
Aux Nazguls enfin dont la vie est artificiellement étendue grâce aux anneaux mais qui finalement ne sont plus ni morts ni vivants.

Croyez vous que l’humanité va vraiment vers une « Nazgulisation » généralisée. Jusqu’à présent même dans mes lectures les plus pessimistes de Tolkien je n’y avais pas songé, mais je commence à douter

Qu’en pensez vous ?

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#2 23-11-2015 00:35

Silmo
Inscription : 2002
Messages : 4 040

Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

J'en pense que le titane est l'une des plus belles conquêtes de l'homme tandis que le cheval est un animal sournois qu'il vaut mieux éviter. :-)
Prompt rétablissement.
S.

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#3 23-11-2015 05:45

Hyarion
Inscription : 2004
Messages : 2 375

Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

jean a écrit :

J’ai reçu un coup de pied de cheval...

C'est arrivé à un de mes arrières-grands-pères, sur le front français, en 1917. Heureusement, dans ce cas-là, pas de fracture, simplement une contusion qui ne l'a donc pas empêché de remarcher... et du coup quelques jours de permission accordés loin du merdier des tranchées : la mésaventure aura au moins servi à ça !

Je te souhaite moi aussi un prompt rétablissement, Jean.

jean a écrit :

Croyez vous que l’humanité va vraiment vers une « Nazgulisation » généralisée. Jusqu’à présent même dans mes lectures les plus pessimistes de Tolkien je n’y avais pas songé, mais je commence à douter

Même si des discussions qui ont eu lieu sur le présent forum, notamment à propos de Tolkien et la "Machine" dans le fuseau intitulé "La Machine ou la nécessité de raser le monde réel" ont pu pour partie attirer mon attention vers la question du transhumanisme et de ses dérives, celle-ci ne m'a longtemps guère intéressé. Or je me rends compte à présent que, malgré son caractère possiblement anxiogène, voire aussi tout simplement barbant, ce sujet mérite que l'on se penche dessus, ne serait-ce que parce qu'il s'inscrit tout simplement en droite ligne dans l'histoire de l'humanité, humanité dont l'évolution, depuis le Paléolithique, s'est toujours faite, au fond, dans une recherche d'"augmentation" par rapport à la fragile condition originelle de "grand singe nu" qui est celle de l'être humain.

Je ne sais pas si l'humanité va vraiment vers une « nazgulisation » généralisée, Jean, mais d'ors et déjà, je crois qu'il y a en fait un problème aussi bien chez les transhumanistes que chez certains de ceux qui les critiquent, surtout lorsque ces derniers s'appuient sur des certitudes religieuses, éventuellement via des auteurs ayant de telles certitudes. On pourra toujours dire que dans un cas comme dans l'autre, le discours est plus ou moins "minoritaire" vis-à-vis de masses plus ou moins indifférentes à l'une ou à l'autre tendance, mais c'est un fait : dans un cas comme dans l'autre, l'excès me parait hélas prompt à pointer le bout de son nez... sachant que si le Mal existe, il est peut-être devenu plus insidieux que jamais... dans un monde qui restera toujours aussi compliqué quels que soient les points de vue, optimistes ou pessimistes, avec ou sans certitudes...

Sur la question du transhumanisme, j'ai eu l'occasion de lire, il y a quelque temps, au hasard des échanges sur le réseau de Mark Z., un très intéressant entretien accordé à Télérama l'année dernière par Alain Damasio, auteur de SF à l'œuvre duquel un fuseau est par ailleurs dédié sur le présent forum.
L'entretien est accessible en ligne à l'adresse suivante : http://www.telerama.fr/idees/la-liberte … 109555.php

Damasio a raison de dire que nous n'avons pas la liberté aujourd'hui d'utiliser ou de repousser la technologie, a fortiori dans la mesure où la machine n'est plus extérieure à nous, mais que c'est nous qui sommes à l'intérieur d'elle, dans le cadre de ce que Damasio appelle une "machine-monde", un "technococon", le basculement s'étant selon lui produit dans les années 1990 avec l'apparition conjointe du téléphone portable et des réseaux via les ordinateurs devenus accessibles au grand public. C'est dans ce contexte que se développe le "bio-hacking", ces expérimentations des nouvelles technologies sur le corps humain qui peuvent finir par représenter un franchissement de ligne entre la simple expérimentation scientifique, qui n'est pas un problème en soi, et la soumission à un désir d'"augmentation" fonctionnant comme une drogue.

Je rejoins Alain Damasio sur le constat lucide qu'il fait : « De quoi le transhumanisme est-il le nom ? Nietzsche aurait répondu : d'un immense dégoût de vivre. Croire qu'une technologie puisse nous rendre plus heureux traduit une immense fatigue d'être. Il faut réellement mettre à jour l’économie de désir à l’œuvre derrière le transhumanisme. C’est un mouvement morbide. »

Pour autant, je ne crois pas, par exemple, que le "clonage thérapeutique" soit quelque-chose de condamnable en soi, puisque tu sembles, Jean, t'inquiéter que l'on puisse en faire "sérieusement" la "promotion". Si on avait condamné au siècle dernier les greffes d'organes ou le stimulateur cardiaque implantable, au nom d'une critique de la société technicienne, je n'ose imaginer dans quelle société désespérément figée nous vivrions aujourd'hui... Tout est une question de limites, de règles, d'encadrement, à mon avis, et il y a évidemment dans tout cela une dimension éthique incontournable. Mais en tout cas, si la recherche et l'expérimentation scientifiques permettent de soigner des patients sans pour autant chercher à les "augmenter", pourquoi, sur le principe, priver les patients en question de la possibilité d'être soignés, et de choisir ou non de l'être ? La question du choix me parait fondamentale, en particulier s'agissant du droit essentiel pour tout individu de disposer librement de son propre corps. Personnellement, le refus de permettre le choix dans ce domaine me parait toujours condamnable, comme par exemple lorsque certains veulent priver les femmes d'avoir le droit d'avorter et s'opposent à la contraception, ou lorsque d'autres (souvent les mêmes) s'opposent à l'euthanasie.

Voila pourquoi, pour parler de façon générale, je ne pourrais jamais être d'accord avec les esprits religieux qui prônent tout l'inverse que ce que prônent les transhumanistes, en ramenant tout à ce qu'ils estiment être la Vérité notamment en ce qui concerne le rapport de l'être humain à son propre corps. Il est vrai que pour un esprit religieux dogmatique, le monde est finalement simple : tout ce qui n'est pas conforme à ses croyances est une erreur, une hérésie. Voila pourquoi un esprit religieux dogmatique pourra être, par exemple, aussi bien contre les dérives transhumanistes que contre le droit à l'avortement ou contre la contraception, au nom d'un "respect" absolu de la Vie s'appuyant sur une révélation divine... révélation qui, pourtant, n'est pas la parole de Dieu à l'Homme, mais la parole de l'Homme sur Dieu, avec tout l'idéalisme et la faiblesse que cela implique... comme chez les transhumanistes, finalement, aussi idéalistes et faibles que ceux qui les critiquent, car on peut bien dire, après tout, que tous se rejoignent dans la maigreur de leurs savoirs, les limites de leurs croyances... et dans leur volonté de contrôle vis-à-vis de la liberté humaine, dans un sens ou dans l'autre. Cela n'enlève rien à la pertinence, sur le principe, de la critique qu'a pu faire J. R. R. Tolkien de la "Machine" ou de celle qu'a pu faire Jacques Ellul de la société technicienne, critiques longuement évoquées dans le fuseau "La Machine ou la nécessité de raser le monde réel", mais je ne crois pas que les certitudes religieuses dont ces auteurs se prévalaient - et/ou que l'on peut choisir de mettre en avant lorsqu'on convoque lesdits auteurs dans le débat - soient la voie royale pour essayer de trouver le point d'équilibre, celui à rechercher, à mon avis, face à la contradiction entre principe et réalité dont j'ai déjà eu l'occasion de parler dans le fuseau en question - le principe étant celui de la liberté humaine et la réalité étant celle du monde de la technique et des formes d'aliénation qu'il implique... Dans ce monde complexe, si des règles doivent être fixées, et je pense qu'il doit y en avoir, elles ne doivent pas l'être ni au nom d'un "progrès" transhumaniste mue par des désirs de toxicomane, ni au nom d'une croyance religieuse dogmatique prétendant sans doute à l'universalisme mais qui ne saurait pour autant s'imposer à tous.

Il se trouve qu'il y a quelques mois, en mars 2015, un épisode de la deuxième saison de la série d'émissions documentaires BiTS, épisode accompagné de bonus comme à l'accoutumée, a aussi été consacré à cette question. J'avais songé à en parler alors sur le fuseau sur Tolkien et la Machine, avant que cela ne finisse par me sortir de l'esprit... Aussi bien ton message inaugural, Jean, me donne l'occasion de finalement en parler ici (maintenant que j'y pense, la dernière fois que j'ai évoqué BiTS sur le présent forum, c'était dans un fuseau créé en avril dernier).

Dans cet épisode de BiTS, partant d'un constat de convergence entre les spéculations des œuvres de fiction (œuvres littéraires et cinématographiques relevants surtout de la SF, bien sûr, mais pas seulement) et l'actuelle promotion de la philosophie transhumaniste par les multinationales californiennes, Rafik Djoumi posait ainsi la question : la fusion homme-machine est-elle un rêve, un cauchemar, ou un processus qui nous dépasse ?

Finalement, la réponse est sans doute dans la question posée par Rafik : à travers le transhumanisme, c'est une part de rêve (rêve d'un humain "augmenté" et immortel) qui se fait jour, mais également une part de cauchemar (cauchemar de l'aliénation à travers la technique, cauchemar de l'externalisation du cerveau humain qu'évoque Alain Damasio, cauchemar de l'accaparement oligarchique se cachant derrière le "beau" discours transhumaniste que dénonce justement Bernard Stiegler) et aussi une part de quelque-chose qui tout simplement nous dépasse, nous, humains, avec nos questionnements anthropocentrés notamment sur le rôle de l'âme humaine censée transcender un corps matériel voué à la poussière.

Au fond, on en revient toujours un peu à la même interrogation métaphysique : l'Homme est-il au centre de la Création, et quelles sont les limites de sa condition ?

On pourra toujours citer les Inklings, notamment Tolkien et C. S. Lewis, bien sûr, tant le groupe qu'ils constituaient a été profondément marqué par la question religieuse et la recherche spirituelle sur fond de christianisme occidental, mais je pense aussi à ces mots de Robert E. Howard, qui lui se disait agnostique : « Et l'homme, cette plaisanterie des dieux, aveugle et stupide, avançant obstinément, issu de la poussière et promis à la poussière, suivant la longue piste sanglante qui est celle de sa destinée, ignorant le but de son existence, bestial, tâtonnant, tel un grand enfant aux pulsions meurtrières, sentant cependant quelque part en lui une étincelle de feu divin… » (extrait de la nouvelle « Le Royaume des Chimères » ["The Shadow Kingdom"], in Kull le roi atlante)
En quelques mots, tout est là...

Nous sommes des êtres humains, faillibles, imparfaits, certes créatifs - et c'est heureux - mais aussi stupides comme le dit également Stiegler et encore si ignorants de tant de choses... à commencer par ce qui touche au fonctionnement de nos propres corps, de nos propre cerveaux ! Alors, doit-on se lamenter face aux boniments et délires des transhumanistes de la Silicon Valley ? La question serait plutôt de savoir comment fixer des limites à tout ce phénomène, comme le souhaite à juste titre Bernard Stiegler et comme je le souhaite aussi, ainsi que je l'ai déjà écrit plus haut. Doit-on se réjouir, sous prétexte de "progrès", de la délégation à la technique de toutes nos facultés cognitives automatisables dont parle Damasio ? Ce dernier souligne lui-même le risque réel d'aliénation qu'il y a derrière ce "progrès". Et in fine, au lieu de nous lamenter ou de nous enthousiasmer vis-à-vis de tel ou tel aspect du rapport de l'homme à la technique, ne ferions-nous pas mieux de nous concentrer sur la question de la Conscience de ce qui est en nous, humains créatifs, sans être entravés par des certitudes positivistes, religieuses ou consuméristes ? En guise de conclusion, je citerais volontiers à nouveau Damasio :

« Il est urgent d'apprendre aux gens à aller au bout de ce qu'ils peuvent, avec leur propres forces – intellectuelles, corporelles, spirituelles – leur rappeler que percevoir est un art qui prend des années de minuscules efforts quotidiens. Le transhumanisme est une fermeture frustrée au monde parce que l’humain n’a pas encore livré toute sa saveur, sa grandeur et son intelligence sensible, qui jaillit à la jonction de la chair et de l’esprit. Notre intellect est infini, certes, mais comme le disait Spinoza, il y a plus fascinant encore : « on ne sait pas ce que peut un corps ». Alors apprenons. »

Amicalement,

Hyarion ... en train d'écouter les Variations Goldberg de J. S. Bach, jouées au piano sur ARTE.

P.S. : tant que j'y suis, j'indique des liens vers les bonus vidéo de l'épisode de BiTS qui constituent les quatre parties de l'entretien complet accordé par Bernard Stiegler pour l'émission :
- Bernard Stiegler 1/4 Transhumanisme et business - BiTS - S02E20 : https://www.youtube.com/watch?v=va8fLyyRNVQ
- Bernard Stiegler 2/4 Enjeux de l’automatisation - BiTS - S02E20 : https://www.youtube.com/watch?v=fU1wx5sMwNs
- Bernard Stiegler 3/4 Processus d’intériorisation - BiTS - S02E20 : https://www.youtube.com/watch?v=YcJtHEbPkQg
- Bernard Stiegler 4/4 S’augmenter ou se diminuer - BiTS - S02E20 : https://www.youtube.com/watch?v=w4KngNOQnQQ

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#4 27-11-2015 14:09

TB
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Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

La peur de la mort née, dit-on, avec la vie, et je suis, bien évidemment, d' accord...D' autant qu' il suffit d' être " mort ", quelques fois, pour savoir que cette peur est, en plus d' irrationnelle, parfaitement inutile...Il se trouve que je suis mort quatre fois, ce qui me permet d' avoir, sur le sujet de la " transhumanité ", un regard de quasi professionnel!
Etant on ne peut plus athée, la mort se limite, pour l' humain que je suis, à la perte totale de la conscience: que je sois réduit à l' état de viande " vivante ", hérissée de tubes et de fils, respirant par l' intermédiaire d' une pompe électrique, ne change rien à l' affaire: sans conscience d' être, je ne suis qu' une vaine tentative d' une technobiologie à vocation de mouvement perpétuel...Juste bonne, dans le meilleur des cas, à effrayer les gosses!
En comptant, sur mes doigts, ma première mort résulta d' un trop-plein de morphine, en Espagne...Fatigue, trou noir, arrêt cardiaque: uno! la deuxième me fut infligé par un connard irascible, mesquin, et communiste, de surcroit, mécontent que je m' intéressasse à son joujou, un superbe fusil SKS, qui valait, rapporté à qui de droit, un beau pactole! Le gland voulut m' éventrer, Didi lui explosa la tête, et je mourus...En fait, je mourus à répétition, émergeant du néant pour souffrir un bon coup, traîné/porté par mes amis, qui m' encourageaient à rester en vie, en m' insultant copieusement! Je finis par mourir un peu plus longtemps, le temps de renaître, sur un brancard de l' hosto de Chiang Rai...Et de deux! La troisième prit la forme d' une calandre de voiture: il roulait à gauche, en face, je faisais de même, je tournais à droite, lui coupant la route: nous étions en Thaïlande, il avait priorité, je m' en souvins en entendant ma tête cogner sur le bitume...Hosto, réa, et de trois! La quatrième est plus récente: une merde respiratoire, gaz du sang en surchauffe, coma, l' interne de garde enlevant ses gants, et disant: " on peut rien faire de plus, y a plus qu' à attendre..."
- Il faudra, un jour qu' on explique au personnel hospitalier, qu' on ne devient pas sourd, avant de perdre conscience...J' ai encore, gravée dans ma mémoire, sa saleté de phrase! " -
Et aussi le regard empreint de tristesse d' une infirmière qui me regardait...Cette peine affreuse, inscrite sur son visage, fut la dernière image que je gardais, avant ma quatrième mort!
Voilà...Quatre décès, et pas de tunnels brillants, de roto-biographie accélérée, de remords, de peines...Que dalle: pour tout dire, tu te sens même pas partir...T' es là, tu regardes...Didi qui te hurle quelque chose, en parlant dans un tuyau...Un gamin qui te fixe, avant que sa mère, affolée, le préserve d' une possible contagion de la mort, en l' agrippant contre elle...Le bruit des roues du brancard de Figueiras, sur le béton gris...Tu meurs pas, c' est le monde qui disparaît!
C' est ça, la mort...Le noir! Même pas, d' ailleurs, car le noir c' est " quelque chose " que tu penses être noir...La mort, c' est plus simple: c' est rien...Rien, du tout!
Alors, franchement, le transhumanisme, les tables tournantes, la volonté d' être, encore un peu, cette quête de rab' contre nature, que s' infligent les gens qui ne vivent que pour leur mort...Je trouve ça obscène, et, quelque part, quand je pense, par exemple, au p'tit Marc, d' injuste...Si ça veut dire quelque chose!
Pour d' autres, je présume que ça peut être différent...Les croyants, les optimistes, les goinfres, et les pauvres gens: j' en suis désolé pour eux!
Carpe diem...

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#5 29-11-2015 15:33

Silmo
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Messages : 4 040

Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

TB Trompe-la-Mort... ? Ça me rappelle quelqu'un ;-)

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#6 08-12-2015 17:16

Aglarond
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Messages : 257

Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

Bonjour à tous,
Le hasard fait bien les choses : la semaine dernière, soirée sur le transhumanisme. Oh, tout simplement et en effleurant le sujet : projection de Bienvenue à Gattaca film d'Andrew Nicol datant de 1997 (voir fiche ici).
Ce film décrit un monde où l'analyse ADN est quasi-instantanée et permet, dès la naissance, d'évaluer le potentiel de tout être : potentiel intellectuel (QI) et physique bien sûr, mais aussi prédispositions envers toutes sortes de maladies et espérance de vie personnalisée. Ce profilage génétique (ou plus précisément peut-être phénotypique, mes cours de biologie s'éloignent inexorablement) est déterminant (au sens propre) pour le reste de sa vie : à quoi bon embaucher un type qui a 75% de chances d'avoir un infarctus avant 50 ans ? Deux catégories de populations se dégagent alors : les valides et les invalidés. La discrimination ne repose plus sur la couleur de peau, le sexe ou autre : elle se fait scientifique, sur la base de ses gènes.
Bien évidemment, la naissance d'un enfant se fait par sélection de l'embryon le plus prometteur, éliminant ce foutu hasard de la fécondation. Comme le dit le médecin : "Rappelez-vous que cet enfant sera toujours vous : il sera simplement le meilleur de vous.
Finalement, ce film interpelle bien plus que s'il décrivait une société d'hommes-machines, avec des exosquelettes ou des implants dans les yeux, puisqu'il nous met sous les yeux une perspective bien plus proche et réalisable (et qui démarre, par certains aspects). Bien évidemment, la réflexion démarrera sur les sujets de l'eugénisme, de la quête de la perfection, sur la distinction inné / acquis, ect.
Un bon point de départ sur le sujet, pour ceux que cela intéresse.

Amicalement,
A.

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#7 02-04-2016 15:17

sosryko
Inscription : 2002
Messages : 1 980

Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

Ce n'est plus le hasard, mais bien l'air du temps. Alors que  le président et le vice-président de l'Association Française Transhumaniste (AFT) viennent de publier un essai-manifeste (Technoprog), Franck Damour publie à son tour un petit livre sur le sujet du transhumanisme (Heureux les mortels car ils sont vivants. Lettres à Larry Page et Sergey Brin, Editions de Corlevour / Revue NUNC). Au pages 40-41, F. Damour renvoie au Seigneur des Anneaux :

L’immortalité semble constituer la réponse à ce que le livre de Job appelle l'ombre de la mort : cette peur qui l'entoure et nous aveugle.
Mais est-ce bien certain ? Cette immortalité n'aura-t-elle pas plutôt pour effet de nous enfermer dans cette ombre sans que la mort, jamais, vienne nous en délivrer ?

Vous me permettrez d'évoquer un grand livre sur cette question : Le Seigneur des anneaux. Cette vaste épopée met aux prises des personnages mortels et immortels (et d'autres encore dont on ne sait à quelle catégorie ils appartiennent au juste) et fait de la question de la mortalité son sujet central. J.R.R. Tolkien y évoque lui aussi « l'ombre de la mort » qui nous recouvre tous : elle affole, sature la pensée et obscurcit la vision. Et pourtant la plupart des personnages forgés par Tolkien n'aspirent pas à l'immortalité (et les immortels laissent le monde aux mortels...). Les mortels qui comme, à des degrés divers, Frodo, Bilbo ou Gollum, ont été tentés par l'immortalité perdent la saveur de la vie. Les autres comprennent que l'immortalité ne leur apportera aucun réconfort. Dans leur quête initiatique, les personnages mortels du Seigneur des anneaux sont conduits à distinguer peu à peu la mort de son ombre, à comprendre que l'ombre de la mort n'a sans doute que peu de rapport avec la mort, qu'elle se développerait même si la mort n'existait pas.
L'immortalité ne guérit pas de l'ombre de la mort : elle guérit seulement de la mort biologique, pour laisser l'ombre de la mort étendre son emprise sur ce qu'il reste de la vie.

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#8 30-04-2016 23:08

Yyr
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Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

Dans son dernier message, sr. Marie-Élisabeth m'écrivait, rapport à un échange où nous commentions l'infiltration de la novlangue pour redéfinir la réalité (ce qui participe du transhumanisme) :

"M-Éli" a écrit :

Est-ce que ça ne vous rappelle pas les conversations d'Elendil et de Herendil dans The Lost Road ?
La légende de Númenor consonne douloureusement avec notre temps.

Le transhumanisme n'a toutefois pas attendu ses actuels sectataires pour advenir. Une bonne partie des lieux communs rappelés et plébiscités par Hyarion sont déjà du transhumanisme (comme, pour évoquer un sujet moins sensible mais très simple à saisir, le dopage dans le sport). Lorsqu'on pense pouvoir se fixer les limites et que l'on rêve au « droit essentiel pour tout individu de disposer librement de son propre corps » on est déjà dans la nazgûlisation et le transhumanisme. Ou bien la réalité et ses limites nous constituent, ou bien nous en sommes les réformateurs (fantasme de l'homme auto-construit). * Il n'y a pas d'entre-deux (bien qu'il puisse y avoir différents degrés). La pensée circulaire de Hyarion n'offre pas d'alternative, qui se pare des atours séduisants du scepticisme et qui, pensant renvoyer dos à dos deux dogmatismes, assène le sien sans s'assumer comme tel, et sans comprendre ce qu'elle emprunte nécessairement aux pensées qu'elle pense pouvoir réfuter (c'est l'aporie du scepticisme en général, et de la tolérance idéologique en particulier). Elle fausse en outre la compréhension du débat, car la crise dont il s'agit ne départage pas entre une pensée religieuse et une pensée non religieuse, mais entre une pensée réaliste écologique (intégrale : homme inclu) et une pensée idéaliste technologique (qui n'est certainement pas moins religieuse que la première, même si c'est une religion sans Dieu). L'on retrouve heureusement de très nombreux agnostiques et athées dans le premier camp (et tous les poètes), et l'on a malheureusement quantité de croyants dans le second (et tous les progressive apes de Mythopoiea). En vérité, les bannières ont été déployées pour « une lutte métaphysique, ce qu’on peut appeler une guerre métaphysique totale » (Bertrand Vergely), dans un monde où « le Réel est [devenu] l’ennemi public numéro 1 du monde contemporain dans lequel nous sommes » (René Girard).

Outre l'excellente synthèse de Damour, je crois qu'un ouvrage tolkiénien paru récemment n'est pas sans aborder la question ;).

* La médecine (non dévoyée) ne réforme rien, bien entendu, et son service de la réalité ne l'empêche pas non plus de progresser, de se parfaire, c'est-à-dire d'après et pour sa nature (i.e. d'après et pour la nôtre), comme diraient certainement les Eldar.

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#9 01-05-2016 06:29

Hyarion
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Messages : 2 375

Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

Yyr a écrit :

je crois qu'un ouvrage tolkiénien paru récemment n'est pas sans aborder la question ;).

Il l'aborde, en effet, en adoptant une approche philosophique qui n'est pas la mienne, comme je l'ai d'ailleurs précisé dans cet autre fuseau que tu mentionnes... et ce qui ne m'a pas empêché, tu l'auras peut-être remarqué, de faire preuve de suffisamment d'ouverture d'esprit pour aider notamment (fusse très modestement) à la relecture. :-)

Si le Mal existe, il est peut-être devenu plus insidieux que jamais... écrivais-je plus haut...

Yyr a écrit :

car la crise dont il s'agit ne départage pas entre une pensée religieuse et une pensée non religieuse, mais entre une pensée réaliste écologique [...] et une pensée idéaliste technologique

Je ne crois pas, en toute honnêteté, que le camp du "Bien" dont tu sembles te réclamer soit plus "réaliste" que celui d'en face... où alors il faudrait développer... sans se servir de Tolkien, si possible, dont j'ai déjà dit qu'en faire une sorte de maître à penser me laissait, oui, je l'avoue, assez sceptique, en particulier lorsqu'il s'agit de faire de cet écrivain un sujet censé nous réunir ici malgré nos différences.

Yyr a écrit :

La pensée circulaire de Hyarion n'offre pas d'alternative, qui se pare des atours séduisants du scepticisme et qui, pensant renvoyer dos à dos deux dogmatismes, assène le sien sans s'assumer comme tel, et sans comprendre ce qu'elle emprunte nécessairement aux pensées qu'elle pense pouvoir réfuter (c'est l'aporie du scepticisme en général, et de la tolérance idéologique en particulier).

Pour ma part, je n'essaie de séduire personne... Mais il faut croire qu'on est toujours l'esprit dogmatique, ou l'aliéné, de quelqu'un... soit celui qui ne "comprend pas" la pensée de l'autre... peut-être parce que cette autre pensée est elle-même "circulaire", ne serait-ce qu'en sommant tout un chacun, par exemple, de choisir son camp (pas "d'entre-deux" !) dans le cadre d'une "guerre métaphysique totale"... Guerre totale... Cela me rappelle un peu le front de l'Est durant la Deuxième Guerre mondiale, avec dès lors le dur choix d'avoir à choisir entre l'enfer totalitaire nazi et l'enfer totalitaire stalinien... Mais nous avons déjà parlé de tout cela, non ?

J'apprends tous les jours et il y a évidemment sans doute beaucoup de choses que je ne comprends pas ou dont je ne me rends pas forcément compte, que ce soit en parlant ou en agissant. Long est le chemin vers la Conscience (un des rares mots communs pour lequel je veux bien mettre une majuscule à l'occasion, à la différence de "Parole", de "Joie" ou de "Professeur"), et c'est, je pense, le travail de toute une vie. De cela, au moins, je crois être "aware", et c'est toujours ça. Je n'ai pas de dogmatisme à assumer, Yyr. Ma pensée n'est pas dogmatique, pour la simple et bonne raison que je n'appuie pas mon raisonnement sur une quelconque "Vérité" révélée et que je ne refuse jamais de me poser des questions, contrairement peut-être à d'autres, si satisfaits du peu de savoir qu'ils croient posséder ou de leurs convictions idéologiques censées imprégner tout leur être au point qu'ils ne peuvent s'empêcher de vouloir imposer leur point de vue au monde entier (se sentira visé qui voudra : je ne vise personne en particulier, et les exemples dans notre monde, qui va si mal, ne manquent pas).

Yyr a écrit :

Une bonne partie des lieux communs rappelés et plébiscités par Hyarion sont déjà du transhumanisme. Lorsqu'on pense pouvoir se fixer les limites et que l'on rêve au « droit essentiel pour tout individu de disposer librement de son propre corps » on est déjà dans la nazgûlisation et le transhumanisme.

Ah, mince... Faudrait-il donc contacter un exorciste ?
Plus sérieusement, je suis désolé que mes propos t'aient paru aussi tristement banals, Yyr. J'ai l'impression que ma modeste parole (avec un petit "p") sur un sujet sur lequel toi et Sosryko avez, pour votre part, si longuement réfléchi ne peut qu'être une prévisible succession de "lieux communs", à te lire... Tant pis. J'ai déjà dit ailleurs, sur ce forum, combien la compétition intellectuelle entre "experts", à travers laquelle on célèbre finalement la connaissance mais si peu la créativité (*), ne m'intéressait pas. Pour ce qui est plus précisément du fait que mon discours serait "déjà du transhumanisme", si Yyr le dit, alors c'est que cela doit être vrai (?)... Je suppose qu'il faut prendre un tel jugement pour de la bienveillance... On pourra me répondre que je n'ai pas, dans mes propos, laissé moi-même transparaître beaucoup d'indulgence aussi bien envers les discours morbides des transhumanistes qu'envers les discours des esprits religieux opposés au droit à l'avortement et à la contraception, que je renvoie les uns comme les autres, c'est vrai, volontiers dos à dos, avec leurs spécifiques obsessions de contrôle faisant froid dans le dos dans les deux cas. Mais peut-être, pour penser ainsi, ne suis-je pas suffisamment "aware" d'une certaine "Vérité" propre à une forme de "pensée globale" se voulant "réaliste". Peut-être. Ou peut-être pas. En tout cas, croyez-le ou non, je reste par principe bienveillant à l'égard d'autrui, même quand je critique... et je ne pense pas que ce soit une tare que d'avoir des convictions, mais je pense par contre que cela peut en être une de faire passer ses convictions avant toute autre chose, ce qui a généralement tendance à être le cas lorsque les convictions religieuses s'invitent dans le débat avec une certaine insistance.

Lorsque je parle du « droit essentiel pour tout individu de disposer librement de son propre corps », je me prononce en pensant à des sujets précis, complexes, liés notamment à la sexualité, et auxquels j'avoue être sensible. Les jugements moraux sur la contraception, le droit à l'avortement, la prostitution, qui s'invitent toujours dans les débats sur ces sujets, me poussent, régulièrement, à me souvenir de ce droit, dont je parle et qui semble tant te poser problème, Yyr. Lorsque je l'évoque - et il me semble que je l'ai fait avec nuance, ce qui n'a pas l'air cependant d'avoir retenu ton attention -, je ne plaide pas, ni consciemment ni inconsciemment, pour l'avènement d'un "surhomme" valant catalogage dans la catégorie "nazgûlisation et transhumanisme" à tes yeux. Je plaide pour le respect d'une liberté individuelle élémentaire vis-à-vis de son propre corps, cette liberté qui nous empêche d'être à ce niveau-là, assez fondamental me semble-t-il, des esclaves, soumis notamment à un pouvoir politique et/ou religieux, une liberté qui nous empêche d'être asservis... autant qu'il est possible compte tenu du peu de choix vraiment "libres" que nous avons véritablement dans nos vies, y compris vis-à-vis de cet ennemi intime redoutable que peut être notre propre ego.

Yyr a écrit :

La médecine (non dévoyée) ne réforme rien, bien entendu, et son service de la réalité ne l'empêche pas non plus de progresser, de se parfaire, c'est-à-dire d'après et pour sa nature (i.e. d'après et pour la nôtre), comme diraient certainement les Eldar.

Je suppose, puisque tu te réclames d'une pensée globale "réaliste", que tu fais allusion, entre autres, s'agissant de médecine "dévoyée", aux médecins qui pratiquent l'avortement, et non seulement aux médecins plus "spécifiquement" transhumanistes adeptes du "bio-hacking" dont j'ai parlé plus haut. Je ne sais pas, Yyr, ce que tu choisirais de faire en tant que médecin face au cas d'une femme violée qui souhaiterait avorter. Si elle choisissait de le faire, te garderais-tu d'inviter tes convictions personnelles face à cette personne et t'efforcerais-tu avant tout de te rappeler que rien n'a vocation à imposer quoi que ce soit à cette femme s'agissant de disposer de son propre corps, a fortiori si on vient précisément de l'agresser gravement et de porter ainsi évidemment atteinte à sa dignité en tant qu'individu ? Te permettrais-tu de lui parler d'"enfants innocents" et de "respect de la Vie" au nom de convictions religieuses qui n'ont pas à lui être imposées face au drame vécue par cette personne à la place de laquelle personne ne peut se mettre à l'heure du choix ? Et si tu étais médecin en Pologne, là où l'Église souhaite actuellement imposer une loi interdisant l'avortement de manière absolue, y serais-tu favorable ? Le serais-tu sachant que les Polonaises seraient tenues, en cas d'application de cette loi, non seulement d'accepter une grossesse consécutive à un viol, mais aussi de continuer celle dont la médecine leur prédit qu'elles donneront naissance à un enfant non viable et, pire encore, d'accepter de mourir lorsque la grossesse se révèle être un danger mortel pour la mère ? Je me pose ces questions mais tu n'as pas à répondre. J'évoque cet exemple de la grossesse consécutive à un viol, dramatique mais clair, car il illustre bien, me semble-t-il, cette contradiction entre réel et idéal à laquelle nul ne peut échapper concernant des questions très difficiles comme celle-ci, quelles que soient nos convictions. Tu pourras toujours estimer que je ne sais pas de quoi je parle, que je ne "comprends pas", que ma pensée n'est pas "rigoureuse", etc. À ta guise et comme il te plaira... Mais ta conception de la médecine "dévoyée" mettant un peu tout le monde dans le même sac, et en épargnant les convictions religieuses par principe, ne peut que confirmer en tout cas le fait qu'entre les deux camps que tu proposes (avec d'autres personnes, bien sûr), je n'ai pas (du tout) envie de choisir. Ce sont deux visions d'un réel que l'on voudrait soumettre à un idéal qui pourtant ne cesse d'être contredit par ce réel, même quand on prétend se réclamer d'une pensée "globale" (ici "écologique", là "technologique"...). Dans les deux cas, un dogmatisme est bien là, me semble-t-il, et la teneur des propos que tu peux tenir ici ou ailleurs, Yyr, le montre à qui veut bien prendre la peine de te lire (toi et d'autres), dans les lignes comme entre les lignes. Tu peux critiquer mon discours, tout en prétendant ne pas juger la personne, ce que tu fais sans doute malgré tout (comme on peut le faire en décrétant par exemple qui est "vraiment chrétien" et qui ne l'est pas, qui est "carnassier" et qui est "étoilé", et autres essais de hiérarchisations avec aspiration incontournable à se trouver au sommet, ou du moins du "bon côté"), et te désoler éventuellement que personne n'apporte de contradiction crédible à ce que tu penses ou croie (ce que tu as déjà exprimé par le passé, si je me souviens bien). Pour ma part, tout en ayant des convictions (a priori incompatibles avec le scepticisme que tu condamnes), je m'efforce de rester simplement attentif, pour toute chose, à une possible contradiction, source légitime de doute, lequel doute fera toujours plus réfléchir, me semble-t-il, que les certitudes des pauvres êtres humains que nous sommes, ou que du moins nous pensons être... L'essentiel, pour moi, comme je l'ai déjà écrit, se trouve dans la difficile mais nécessaire recherche d'un point d'équilibre entre réel et idéal...

Une dernière chose, concernant la convocation des Eldar dans le discours, avant d'aller dormir à nouveau un peu puis de retourner à la table d'écriture (sachant que j'ai déjà perdu beaucoup de temps à écrire ici quand je me demande bien parfois à quoi cela peut-il servir, vu le contexte dans lequel je le fais)...

On a le droit, Yyr, de plébisciter, par exemple, l'éthique sexuelle contenue dans "Laws and Customs of the Eldar" de HoME X parce que l'on pense y trouver, comme c'est ton cas, une forte similitude avec une éthique sexuelle chrétienne, mais ça ne veut pas dire, encore une fois, que Tolkien soit un maître à penser devant servir à promouvoir un discours idéologique ne pouvant faire consensus, ici comme ailleurs, sur des sujets complexes et souvent hélas clivants. C'est là que l'on voit d'ailleurs combien peut être précaire l'équilibre à rechercher lorsque l'on entend échanger sereinement autour d'un auteur d'une œuvre de fiction comme J. R. R. Tolkien : on peut toujours dire qu'"on aime tous Tolkien" ou que l'on s'y intéresse, mais il est clair que nous ne mettons pas forcément la même chose derrière cet intérêt ou cette passion...

Pensivement,

Hyarion.

(*) Alors que connaissance rationnelle et créativité sont naturellement d'égale importance, comme l'évoque bien un documentaire sur l'intelligence humaine récemment diffusé sur ARTE : http://www.arte.tv/guide/fr/057414-001- … e-devoilee

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#10 01-05-2016 18:14

sosryko
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Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

Aujourd’hui, je poursuis ma lecture des Pensées de Joseph Joubert (1754-1824), penseur et moraliste, ancien secrétaire de Diderot, dans la sélection effectuée par Chateaubriand et que Payot & Rivages ont tout récemment publiée (Rivages poche/Petite Bibliothèque no857).

Découvrant les deux dernières interventions de ce fuseau, les échos s’invitent et j’ose les partager avec vous. Il s’entend sans aucun désir de blesser l’un ou l’autre, et par ailleurs avec la conviction que certains sujets incidemment abordés (comme l’avortement d'ailleurs récemment évoqué dans un autre fuseau) ne pourront pas être traités convenablement en ces lieux.

Il est évident que 

« chaque homme a le droit d’être maître absolu dans sa maison, d’y vivre en roi, et d’y être heureux, même par son amour-propre. » (p.365)

Toutefois

« Cette vie, au surplus, a des devoirs qui imposent perpétuellement le sacrifice de ces droits. Mais l’abandon qu’on en fait est volontaire, agréable, généreux, honorable,  presque glorieux, et devient ainsi une possession, une jouissance et un bien de plus que l’on se donne. » (p. 365-366)

Il est donc un fait que

« L’esprit humain a besoin de poésie, a besoin de métaphysique » (p.223)

Il est aussi avéré que

« La métaphysique rend l’esprit singulièrement ferme. Voilà pourquoi rien n’est si cruel quelquefois qu’un métaphysicien. » (p. 369)

Ce faisant :

« Il faut qu’une critique même ait de la bonté. » (p.224)

Car

« Le but de la dispute ou de la discussion ne doit pas être la victoire, mais l’amélioration. » (p. 313)

Et quoique

« Ni l’amour, ni l’amitié, ni le respect, ni l’admiration, ni la reconnaissance, ni le dévouement le plus absolu ne doivent nous ôter la conscience et le discernement du bien et du mal[,] » (p. 275)

sachons

« toujours avoir dans sa tête un coin ouvert et libre pour y donner une place aux opinions de nos amis, et les y loger en passant.
Il faut avoir un cœur et un esprit hospitaliers. » (p. 364)

Bien à vous, amis.

S.

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#11 01-05-2016 21:52

Yyr
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Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

@ Hyarion : mon message a déjà répondu à ta redite, sauf pour préciser qu'en ce qui concerne le « réalisme », celui-ci s'entend au sens philosophique (le sens du réel ne dépend pas (que) de notre esprit (et de nos grilles de lectures)), et que l'avortement et le bio-hacking sont loin, bien loin de résumer le dévoiement de la médecine auquel je pensais (ce n'est pas pour rien que j'ai pris l'exemple du dopage) ; pour les questions précises que tu m'adresses, elles ne sont pas traitables ici, mais j'y répondrai volontiers lorsque nous nous reverrons (avec plaisir).

@ Sosryko : c'est juste, et c'est à méditer me concernant.

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#12 12-05-2016 15:41

Silmo
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Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

Coucou !

Avant même de commencer à lire ce message, rassurez-vous, je ne compte pas relancer un débat stérile  auquel je ne souhaite plus participer depuis plusieurs années, surtout lorsqu'il est question, par tous moyens, de le raccrocher à Tolkien...

(A chaque fois, je songe à julien GRACQ et ses opinions tranchées sur la critique qu'il accusait de se livrer à « une tâche de vivisection peu ragoûtante », surtout à  sa méfiance envers tout systématisme : que peut-on dire aux gens qui, croyant posséder la clé d'une œuvre, n’ont de cesse de la décrire en forme de serrure ?).


Je voulais juste diffuser ici quelque actualité culturelle sur le thème d'un monde inquiet par la montée en puissance de la science et de la technologie....


Encore un bicentenaire à célébrer : il y a 200 ans en Europe, 1816, c'était l'Année sans été !
De mémoire de baromètre, la pire météo qu'on ait jamais connue sur notre continent alors qu'on peinait encore à se relever des désastres des guerres napoléoniennes. Du gel en plein mois d'août, des famines hécatombesques, des chutes de neige rouge en Italie, 200.000 morts rien qu'en Suisse, tout ça à cause de milliers de mètre cubes de poussières tournant dans l'atmosphère depuis qu'un an plus tôt, très loin, en Indonésie, le Volcan Tambora avait explosé entre le 5 et le 17 avril 1815 (10.000 fois Hiroshima et Nagasaki réunies,  8 fois le Vésuve, 2 ou 3 fois l'explosion de Santorin).

Pourquoi diable parler de ça ici?
Parce que selon la légende, c'est sous ce climat glacial, en plein été 2016, que Lord Byron et le futur couple Shelley se retrouvèrent 'prisonniers' par une nuit fort pluvieuse dans leur villégiature helvétique - Villa Diodati à Coligny (Suisse) -  sans radio, ni télévision, téléphone portable ou console de jeux vidéo.... Arghh ! Tropa !

Pour s'occuper - et au lieu de marivauder -  ils se lancèrent un défi, dans la soirée du 16 juin 1816, à qui écrirait la meilleure histoire de fantômes..!

Ainsi naquit l'extraordinaire roman de Mary SHELLEY,  "Frankenstein, ou le Prométhée moderne", l'histoire d'un savant fou (c'est lui le Prométhée moderne?) qui crée une créature humaine non engendrée - figure de l'autre qu'il faut ensuite détruire parce qu'il est différent...
Littérature fantastique et combien novatrice, aujourd'hui encore, sur les questions de l'Homme augmenté - by the way, cher Jean, j'espère que ta cheville en titane se porte bien :-) - sur les manipulations du corps et ses pièces détachées, sur les relations avec les créatures artificielles ( automates? robots?), sur la notion de monstre (qui est le monstre dans l'affaire? - qu'en a fait le cinéma?), etc, etc.

Depuis hier et pendant tout l'été, la Fondation Martin Bodmer à Coligny (Suisse) organise exposition, colloque et conférences autour de ce vaste sujet. plus d'infos ici :

http://fondationbodmer.ch/expositions-t … nkenstein/

Je me disais que ça pouvait intéresser certains d'entre-vous, pour y aller ou récupérer les publications qui en ressortiront.

Silmo

Coucou.jpg

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#13 12-05-2016 19:42

ISENGAR
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Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

A propos, il paraît que le terme "transhumanisme" vient d'intégrer, parmi 150 autres mots, le dictionnaire Larousse cette année.

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#14 12-05-2016 19:56

Silmo
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Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

Yep. Ainsi que le mot "Troll"  glasses

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#15 12-05-2016 21:41

ISENGAR
Lieu : Tuckborough près de Chartres
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Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

Oui, j'ai lu cette info, mais je ne suis pas d'accord. Je lis sur mon Larousse 2003 : "Troll, n.m.(mot suédois). Lutin du folklore scandinave, habitant les montagnes ou les forêts". angel

Bon, ok, j'arrête de troller le fuseau et je sors

I.

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#16 17-05-2016 07:54

Silmo
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Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

Vérification faite, c'est le verbe "troller" qui fait son entrée dans le dico :-)

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#17 17-05-2016 11:05

Hisweloke
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Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

... Mais le verbe "troller", terme de chasse (et son voisin "trôler") et d'élevage de cochons existent déjà en français !

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#18 17-05-2016 13:18

Silmo
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Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

Vous chipotez les gars !

C'est bien la peine d'essayer de faire court.

Ce qui rentre au dictionnaire c'est évidemment la nouvelle acception correspondant aux usages du oueb.

troller : [tʀole] - v.(1)  - 2008 ¤ anglais to troll - attaquer quelqu’un en postant des trolls - exemple "Bon, ok, j'arrête de troller le fuseau et je sors" (JRRVF, Isengar, 12-05-2016)

De la même manière, le Petit Robert ajoute à son dico le verbe "Spoiler" : gâcher l'effet de surprise en dévoilant un élément clé d'un livre, d'un film, d'une série - exemple "j'suis trop vénère, à sa conf', Vincent il a tout spoilé la fin de Peter Jackson, ça craint" (JRRVF, compte rendu Cerisay, 2007).

Silmo

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#19 17-05-2016 15:56

jean
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Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

Silmo> A ta question " by the way, cher Jean, j'espère que ta cheville en titane se porte bien ",  la réponse est oui même, si je ne remarcherai jamais aussi bien qu'avant et si je ne pourrai plus courir

tu dis " je ne compte pas relancer un débat stérile ". Je suis d'accord avec toi. C'est pourtant moi qui ai initié ce sujet mais dès la première réponse d'Hyarion j'ai compris que c'était une erreur et je me suis donc abstenu de participer.

Sinon, il se trouve que j'étais à Shanghai la semaine dernière et que dans l'avion j'ai visionné le film "ex machina" je trouve qu'il fait un bon écho au thème de Frankenstein que tu évoque si à propos

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#20 17-05-2016 23:22

Silmo
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Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

Pas encore acheté "Ex Machina" mais déjà intrigué par la bande annonce et y voyant  que le savant fou possède apparemment un grand Pollock (ou 'à la manière de'). Amusant contrepoint entre science et hasard créatif.

Sur le même thème (après avoir relu Marie Shelley, bien sûr), la décoiffante série suédoise "Real Humans" diffusée sur Arte en 2014-2015...

Silmo

ps : cher Jean, sincèrement désolé pour ton accident et ses séquelles. Mais diable quelle idée de côtoyer les chevaux ?

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#21 18-05-2016 03:27

Hyarion
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Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

Silmo a écrit :

Pas encore acheté "Ex Machina" mais déjà intrigué par la bande annonce et y voyant  que le savant fou possède apparemment un grand Pollock (ou 'à la manière de'). Amusant contrepoint entre science et hasard créatif.

Le tableau ressemble effectivement au Number 5, 1948 de Jackson Pollock, mais ça m'a l'air d'être plutôt un tableau "à la manière de", comme tu dis.

Pour ce qui est du sujet du film, à savoir la question du degré de conscience d'une androïde, j'avoue que cela me fait penser tout-à-coup à une planche de bande dessinée un brin polissonne du regretté Mœbius :

1463532952_moebius_.jpg

Soit un bon exemple de ce qui pourrait vraisemblablement arriver quand, suivant une formule de Sosryko, « ce qui a toute sa place dans l'érotique du couple semble prendre toute la place » ici dans un contexte excessivement technologique et déshumanisé.

ISENGAR a écrit :

Bon, ok, j'arrête de troller le fuseau et je sors

Hisweloke a écrit :

... Mais le verbe "troller", terme de chasse (et son voisin "trôler") et d'élevage de cochons existent déjà en français !

Silmo a écrit :

Vous chipotez les gars !

De fait, en voila, une belle trôlée de trôleurs trôlant sur ce fuseau (et dans les dictionnaires), depuis quelques jours... Ce qui aboutit à un hors-sujet inattendu constituant in fine quasiment une trôlerie ! Cela en dit surtout long sur votre volonté de vous exprimer (publiquement) sur le fond du sujet d'origine du présent fuseau... n'est-ce-pas, Président ? ;-) Mais il est vrai que j'ai déjà dit moi-même l'autre jour sur un autre fuseau, musical, que je n'étais pas sûr d'avoir bien fait d'intervenir ici, même simplement pour partager une opinion en répondant à une question. Je suis évidemment d'accord avec Silmo concernant la stérilité du débat en l'état, donc je m'en tiendrais là... mais je salue, tout de même, les qualités aussi récréatives qu'instructives de votre digression. :-)

Amicalement,

Hyarion.

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#22 18-05-2016 11:19

Cédric
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Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

Silmo a écrit :

Sur le même thème (après avoir relu Marie Shelley, bien sûr), la décoiffante série suédoise "Real Humans" diffusée sur Arte en 2014-2015...

Absolument, une série à voir. Car elle pose tout de même bon nombre de questions avec comme point d'orgue la discussion autour de la possibilité pour ces robots, dotés d'une Intelligence Artificielle poussée à leur extrême, d'être qualifiées d"Humains" ??

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#23 18-05-2016 12:13

Silmo
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Re : Transhumanisme et "Nazgulisation"

yep ! et aussi pas mal de questions sociétales : les chômeurs face aux emplois occupés par des robots; l'assistance robotique aux personnes âgées dans des sociétés où la solution ne se limite pas à les coller dans un mouroir une maison de retraite (cf les voies déjà ouvertes au Japon avec la robotique) ; les limites du rapport charnel avec un être mécanique; les sentiments différents ou pas (plus importants ou pas) d'avec un animal domestique; et, autre point d'orgue destiné à casser les préconçus, quid de la transgression des lois d'Asimov?
Bref beaucoup de thématiques explorées avec talent

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