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Bonjour
Pour cette rentrée, je propose à tous une petite révision sur un sujet déja discutée mainte fois :-) Blague à part, voici un brouillon sur le destin que j'ai commencé à pondre il y a plus d'un an déjà... Avant de le finaliser, je souhaiterais en discuter avec tout le monde, tous les avis, même les plus négatifs sont les bienvenues.
Je traduirai les citations à la finalisation, désolé pour les passages en VO pour l'instant.
(Je ne maîtrise pas trop les tags html ici, ne vous étonnez pas si la mise en page merdouille complètement, j'espère que ce sera lisible)
La maîtrise des destinées
And Ulmo warned Turgon that he also lay under the Doom of Mandos, which Ulmo had no power to remove. 'Thus it may come to pass,' he said, 'that the curse of the Noldor shall find thee too ere the end, and treason awake within thy walls. Then they shall be in peril of fire. But if this peril draweth nigh indeed, then even from Nevrast one shall come to warn thee, and from him beyond ruin and fire hope shall be born for Elves and Men. Leave therefore in this house arms and a sword, that in years to come he may find them, and thus shalt thou know him, and not be deceived.' And Ulmo declared to Turgon of what kind and stature should be the helm and mail and sword that he left behind.
Chapter 15, Of the Noldor in Beleriand, Quenta Silmarillon
C'est par ces mots qu'Ulmo avait prévenu Turgon de l'arrivée à venir de Tuor, il avait même précisé la taille de Tuor afin que Turgon puisse préparer une cotte de mailles et un casque qui lui iraient parfaitement. Il semble donc que Tuor était prédestiné à être le messager d'Ulmo.
La mythologie de J.R.R Tolkien présente plusieurs autres prédestinations. On peut citer celle de Námo Mandos qui avait prédit l'arrivée d'Earendil en Aman, avant même le mariage de Finwe avec Indis :
When he that shall be called Eärendil setteth foot upon the shores of Aman, ye shall remember my words.
Statute of Finwe and Miriel, Morgoth's Ring
Un autre passage parle de noms spéciaux pour les Elfes qui sont choisis suivant un trait de caractère des enfants ou de leurs destinées :
Mothers often gave to their children special names of their own choosing. The most notable of these were the 'names of insight', essi tercenye, or of 'foresight', apacenye.
In the hour of birth, or on some other occasion of moment, the mother might give a name to her child, indicating some dominan feature of its nature as perceived by her, or some foresight of its special fate.'
OF NAMING., OF THE LAWS AND CUSTOMS AMONG THE ELDAR…, Morgoth's Ring
La connaissance de l'avenir d'Arda qu'ont les Valar vient de leur vision de son histoire ainsi que de leurs souvenirs de la Grande Musique.
A première vue, on pourrait supposer que l'Histoire d'Arda est écrite d'avance et que toute chose semble avoir une prédestination. Cependant, dans le texte présent, je vais essayer de proposer une autre façon de considérer la destiné dans l'oeuvre. Ce texte, bien sûr, n'a pas la prétention d'être la vision de J.R.R. Tolkien, ni expliquer le sens qu'il voulait donner à son oeuvre mais il tente de proposer une interprétation qui soit cohérente.
Définitions
Afin d'éviter les malentendus et les approximations, il faut tout d'abord définir les termes. Pour cela, nous nous référons aux définitions données par le site du Trésor de la Langue Française Informatisée, http://atilf.atilf.fr/tlfv3.htm. (les exemples sont omis ici afin de ne pas surcharger le texte)
DESTIN, subst. masc.
A. Puissance extérieure à la volonté humaine, qui, selon certaines croyances, régirait l'univers, en fixant de façon irrévocable le cours des événements. Synon. fatalité
Rem. S'emploie souvent au plur. et avec une majuscule dans ce sens, en prenant une valeur allégorique de personnification : destins éternels, favorables.
B. Enchaînement nécessaire et imprévu des événements qui composent la vie d'un être humain indépendamment de sa volonté. Synon. chance, hasard.
1. Sort spécial réservé à un être humain ou à une chose, conditionné par un fait inéluctable, notamment par sa nature propre. Synon. avenir, destination, destinée, mission, vocation.
2. En partic. Aboutissement, issue fatale, mort.
C. Par affaiblissement. Existence d'un être humain, favorisée ou non par les événements extérieurs, et pouvant être modifiée par sa propre volonté.
DESTINÉE, subst. fém.
A. Puissance (souvent personnifiée) qui selon certaines croyances, réglerait le déroulement inéluctable des événements et les lois régissant l'univers. Destinée cruelle, irrévocable. Synon. destin, fatalité.
Rem. S'emploie fréquemment au plur. et avec une majuscule, dans ce sens, en prenant une valeur allégorique.
B. Sort spécial réservé à quelqu'un ou quelque chose et prédéterminé par sa nature propre ou les événements extérieurs, généralement en dehors de toute volonté humaine. Synon. avenir, destination, fortune, mission, sort, vocation.
En partic. Aboutissement, issue fatale.
C. Par affaiblissement. Existence d'un être humain, pouvant être modifiée par sa propre volonté. Influence sur sa destinée; conduire, lier les destinées; décider de, manquer sa destinée. Je devais séparer ma destinée de la sienne (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 379) :
Rem. 1. Destin impliquerait essentiellement une idée de cause, dont les effets constitueraient la destinée. L'usage a quasiment confondu les 2 mots et en a fait plus ou moins des synon. 2. De façon inattendue, on remarque une certaine fréq. du plur. dans les catégories B et C. Le plur. insiste sans doute sur les particularités du sort de chaque individu.
PRÉDESTINÉ, -ÉE, part. passé, adj. et subst.
I. Part. passé de prédestiner*.
II. Adjectif
A. Fixé à l'avance.
B. Prédestiné à, pour. Qui est ou semble destiné à, qui convient parfaitement.
III. Substantif
A. THÉOL. Personne élue par Dieu de toute éternité pour jouir de la gloire céleste.
B. P. ext. Personne désignée d'avance pour un destin particulier.
PRÉDESTINATION, subst. fém.
A. THÉOL. Doctrine selon laquelle Dieu a déterminé, de toute éternité, le destin de l'humanité et de l'univers.
HIST. (Double) prédestination. Doctrine selon laquelle Dieu aurait par avance destiné certaines créatures à la béatitude, par le seul effet de sa grâce, et sans considération de leurs oeuvres, vouant les autres à la damnation. Prédestination augustinienne, manichéenne. C'est, en bref, la doctrine de la prédestination et de la réprobation au sens des écoles protestantes, la théologie de la grâce sans la liberté. Le calvinisme en est l'illustration la plus connue (MARITAIN, Human. intégr., 1936, p.25). C'est surtout Calvin qui reprend les thèmes augustiniens sur la double prédestination, les élus manifestant la miséricorde gratuite de Dieu et les réprouvés témoignant de la réalité de sa colère vengeresse contre le péché (Encyclop. univ. t.13 1972, p.486). V. augustinisme ex. 2.
B. P. ext.
1. Détermination préalable d'événements, ayant un caractère de fatalité, d'origine divine ou non. Synon. destinée, prédéterminisme.
2. Détermination préalable du destin individuel de chaque personne.
Nous tiendrons compte de la remarque dans la définition du mot « destinée » pour distinguer destin et destinée. Ainsi, pour destin, nous garderons la définition A (destin, en tant que cause) et pour le mot destinée, nous considérerons les définitions B et C (destinée, en tant que conséquence du destin).
Prédestiné, lui, s’utilise en tant qu’adjectif ou pour désigner une personne ayant une destinée. Nous ne l’emploierons pas en tant que synonyme du mot « sort ».
Enfin, nous utiliserons « prédestination » dans le sens étendu, c'est à dire suivant la définition B.
Destinée et liberté
Dans la mythologie de Tolkien, nous pouvons déjà dégager deux catégories de destinée: les destinées des peuples (celle de Elfes, des Hommes, etc.) et les destinées personnelles de chaque être vivant.
L'existence des premières est clairement posée: les Elfes sont destinés à être « immortels », à vivre tant qu'Arda existera et les Hommes sont destinés à mourir, c'est à dire à quitter Arda. Ce sont ces deux destinées qui distinguent la "race" des Elfes et des Hommes.
Ces destinées sont décidées par Eru. (cf Quenta Silmarillon, Chapitre 1)
Nous nous intéresserons ici aux destinée personnelles, que nous appellerons, par la suite, « destinée » tout simplement. Et pour désigner la destinée propre à chaque peuple, nous écrirons "Destinée" (avec une majuscule).
Les Ainur ont eu une vision de l’Histoire d’Arda et Ilúvatar leur a parlé des choses qui sont à venir sans pour autant tout leur révéler, il a réservé des choses nouvelles qui ne peuvent être prévues.
And he showed to them a vision, giving to them sight where before was only hearing; arid they saw a new World made visible before them, and it was globed amid the Void, and it was sustained therein, but was not of it. And as they looked and wondered this World began to unfold its history, and it seemed to them that it lived and grew.
[...]
And many other things Ilúvatar spoke to the Ainur at that time, and because of their memory of his words, and the knowledge that each has of the music that he himself made, the Ainur know much of what was, and is, and is to come, and few things are unseen by them .
[...]
or to none but himself has Ilúvatar revealed all that he has in store, and in every age there come forth things that are new and have no foretelling, for they do not proceed from the past.
Ainulindalë , Quenta Silmarillon
L’existence même de la vision des Ainur semble être la prédestination d’Arda, la suite des événements qui s’y dérouleront. Ces événements étant parfois les résultats d'actes des êtres vivants, on pourrait en déduire qu’il y a aussi une prédestination pour les enfants d’Ilúvatar, acteurs d'Arda.
Pourtant, les Enfants d'Ilúvatar, appelés les Eruhíni, sont dotés d'une volonté libre :
Therefore when they [the Valar] beheld them, the more did they love them, being things other than themselves, strange and free,…
Ainulindalë, Quenta Silmarillon
According to the fable Elves and Men were the first of these intrusions, made indeed while the 'story' was still only a story and not 'realized' ; they were not therefore in any sense conceived or made by the gods, the Valar, and were called the Eruhíni or 'Children of God', and were for the Valar an incalculable element: that is they were rational creatures of free will in regard to God, of the same historical rank as the Valar, though of far smaller spiritual and intellectual power and status.
Extrait de la lettre 181
Notons la précision "for the Valar an incalculable element" : Les Enfants d'Eru sont pour les Valar imprévisibles mais pour Eru ? Si la précision est faite pour les Valar, on peut supposer qu'elle n'est valable que pour eux et par conséquent, si les Eruhíni sont des créatures rationnelles, dotées d'une volonté libre, ils ne sont peut être pas moins prévisibles pour Eru.
Therefore he willed that the hearts of Men should seek beyond the world and should find no rest therein; but they should have a virtue to shape their life, amid the powers and chances of the world, beyond the Music of the Ainur, which is as fate to all things else; and of their operation everything should be, in form and deed, completed, and the world fulfilled unto the last and smallest.Ainulindalë, Quenta Silmarillon
D'après ce passage, les Hommes semblent avoir reçu la vertu de « forger leur vie, parmi les pouvoirs et les hasards du monde, au-delà de la Musique des Ainur, qui est le sort de toutes les autres choses. »
Il y a au moins deux interprétations possibles:
- Puisque la Musique des Ainur est l'Histoire d'Arda, dire que les Hommes peuvent forger leur vie au-delà d'elle peut être une façon de dire que les Hommes ont une vie au delà d'Arda, après leur existence terrestre.
The fate of Men after death, maybe, is not in the hands of the Valar, nor was all foretold in the Music of the Ainur.
Chapitre 12, Of Men, Quenta Silmarillon
- "Vie" peut aussi signifier "vie terrestre". Dans ce cas, cela pourrait dire que les Hommes ont une forme de liberté (qu'il reste à définir) que les Elfes n'auraient pas. Personnellement, je comprends le passage de cette manière. Essayons donc de définir cette liberté propre aux Hommes et de savoir si les Elfes sont "prisonniers" de quelque façon de la Musique des Ainur.
Il y a un passage qui n'existe pas dans la version publiée en 1977 :
Lo! even we, Elves, have found to our sorrow that Men have a strange power for good or ill, and for turning things aside from the purpose of Valar or of Elves; so that it is said among us that Fate is not master of the children of Men; yet are they blind, and their joy is small, which should be great.
Ainulindalë, Morgoth's Ring
Ce passage nous apprend que les Elfes disent que le Destin (Fate) n'est pas le maître des enfants des Hommes, cela sous entend-t-il qu'il l'est pour les Elfes? Et quelle est ce pouvoir, cette liberté qu'ont les Hommes et non les Elfes?
La Musique des Ainur
La compréhension immédiate qui vient à l'esprit est que la Musique des Ainur serait l'Histoire complète d'Arda (...the Music of the Ainur, which is as fate to all things else). Or, si celle-ci est écrite d'avance et comme elle dépend des actes des habitants d'Arda et sachant que même un geste qui paraît anodin peut avoir une répercussion importante (ex: un battement d'aile de papillon peut provoquer une tempête), nous pouvons penser que tous les actes des habitants d'Arda sont inscrits dans la Grande Musique.
(Certains diront peut être que celle ci n'a pas eu lieu « avant » l'Eä puisqu' elle a eu lieu en dehors du temps, ce dernier n'ayant commencé qu'au moment où Eru a dit « Eä ». Mais si on se met à la place des Valar, il y a bien un temps précédant l'Eä, le début du temps d'Arda. On peut dire que les faits et gestes d'Eru et des Ainur sont inscrits dans un « méta temps ».)
Dans les notes des commentaires de l'Athrabeth, Tolkien avait résumé les cinq étapes de la création et il avait parlé de « préfiguration » de possibilités pour désigner la vision qu'ont eu les Ainur. Non seulement cette vision est incomplète, mais en outre Eru est libre d'ajouter des choses nouvelles et ces nouveautés sembleront procéder naturellement du cours des choses existantes.
According to the Ainulindale' there were five stages in Creation.
a. The creation of the Ainur.
b. The communication by Eru of his Design to the Ainur.
c. The Great Music, which was as it were a rehearsal, and remained in the stage of thought or imagination.
d.The 'Vision' of Eru, which was again only a foreshowing of possibility, and was incomplete.
e. The Achievement, which is still going on.
Author's Notes on the 'Commentary', Adrabeth Finrod Ah Andreth, Morgoth's Ring
Si on revient à la définition de la destinée, on peut se poser la question suivante :
La destinée est le sort réservé à quelqu'un mais réservé par qui ? (Je rappelle qu'ici, nous ne parlons pas de la Destinée)
Si les destinées étaient décidées par Eru :
- Soit elles sont des fatalités (définition B), cela voudrait dire que les enfants d'Eru ne peuvent y échapper.
Notons qu'être libre n'est pas en contradiction avec le fait d'être prédestiné car être libre signifie pouvoir choisir sans contrainte, sans pression extérieure. Si une destinée prévue est choisie librement, on est libre tout en étant prédestiné. Mais si elles sont choisies, elles peuvent être refusées.
- Soit elles peuvent être refusées (Sens affaibli suivant la définition C). Dans ce cas, la destinée n'est qu'une possibilité parmi d'autres et perdrait son caractère absolu, elle n'est pas inéluctable (elle peut être évitée). Dans le sens affaibli, la destinée est désignée à posteriori. Tant qu'elle n'est pas accomplie, cette destinée n'est qu'une possibilité parmi d'autres.
Si les destinées que contiennent la Grande Musique ne se réalisaient pas, celle ci perdrait alors son sens (l'Histoire qu'elle contient devient une vision à part, coupée de la réalité, de la vraie Histoire d'Arda) et les connaissances de l'avenir des Valar n'auraient pas plus de valeur que des déductions des simples mortels soumis aux erreurs.
On pourrait, par exemple, se demander ce qu'il se serait passer si Tuor avait ignoré les signes d'Ulmo ? Tuor et Idril ne se serait pas rencontrés, Eärendil ne serait pas né, Ulmo aurait fait faire une armure sur mesure pour Tuor en vain et Mandos se serait finalement trompé sur l'arrivée d'Eärendil en Aman avec le Silmaril. Est ce concevable ?
De plus, si une destinée, prévue par Eru, est refusée par la personne concernée, celle ci s'écarterait de la voie tracée par Eru, ce refus serait donc un pêché. L'attitude à suivre consisterait donc à accepter systématiquement la destinée proposée par Eru, il n'y aurait donc plus de choix et Arda ne serait qu'une vaste scène de théâtre où les habitants ne sont que des acteurs avec chacun un rôle prédéterminé.
Les destinées possibles d'Arvedui, quinzième et dernier roi du royaume d'Arthedain, étaient prédites par Malbeth le Voyant: ce dernier avait annoncé qu'Arvedui aurait un choix à faire et que s'il choisissait celui qui semblait apporter le moins d'espoir, il deviendrait roi d'un grand royaume mais sinon, il faudrait attendre plusieurs générations d'hommes avant que les Dúnedain soient réunis.
Arvedui was indeed the last king, as his name signifies. It is said that this name was given to him at his birth by Malbeth the Seer, who said to his father : "Arvedui you shall call him, for he will be the last in Arthedain. Though a choice will come to the Dúnedain, and if they take the one that seems less hopeful, then your son will change his name and become king of a great realm. If not, then much sorrow and many lives of men shall pass, until the Dúnedain arise and are united again."
GONDOR AND THE HEIRS OF ANÁRION, THE NÚMENOREAN KINGS, APPENDIX A
L'histoire nous apprend qu'effectivement, Arvedui fit un mauvais choix en ignorant le conseil du chef des Lossoth et mourut dans la mer du nord. A présent, si on considère l'histoire d'Aragorn II, fils d'Arathorn, certains diront qu'il était destiné à être le roi du Gondor et de l'Arnor. Pourtant, durant sa jeunesse, Elrond lui avait fait prédiction similaire à celle de Malbeth :
"Aragorn, Arathorn's son, Lord of the Dúnedain, listen to me ! A great doom awaits you, either to rise above the height of all your fathers since the days of Elendil, or to fall into darkness with all that is left of your kin. Many years of trial lie before you. You shall neither have wife, nor bind any woman to you in troth, until your time comes and you are found worthy of it."
here follows a part of the tale of Aragorn and Arwen
Ce n'est qu'à posteriori qu'Aragorn semblait avoir une destinée (dans le sens B) mais a priori, il aurait pu connaître une fin tragique comme Arvedui. Si destinée il y a, elle n'existe que dans le sens affaibli (sens C).
Un autre cas: Bien que Námo eût prédit les actes d'Eärendil avant sa naissance, il avait gardé Beren (son grand père) dans les cavernes de Mandos et ne l'avait libéré qu'après les supplications de Luthien. C'est par la suite que Manwë avait décrété que Luthien pourrait choisir sa Destinée. La naissance d'Eärendil dépendait du choix de Luthien, choix qu'elle a fait seule.
L'auto prédestination des Eruhíni
Une façon de voir les choses consiste à supposer que ce n'est pas Eru qui décide des destinées de ses enfants mais ce sont ces derniers qui le font, en toute liberté.
En d'autres termes, posons qu'il n'y a pas de prédestination (suivant la définition A, celui qui prédestine étant Eru). Dans ce cas, chacun choisit sa propre destinée (en fonction du contexte qui limite les possibilités: on peut toujours, par exemple, choisir de voler en battant des bras. Cet acte est impossible par nature, ce choix n'a donc pas de sens. On dit alors, par abus de langage, qu'on ne peut pas faire ce choix mais on n'est pas moins libre).
Leurs choix, et le résultat de ces choix, sont alors inscrits dans la Grande Musique. Ces décisions, ils les prennent sans aucune contrainte de la part d'Eru.
Il n'y a pas d'effet « rétro actif » des actions sur la Grande Musique car cette dernière a lieu hors du temps, ainsi que la vision des Ainur. De plus, n'oublions pas que les Enfants d'Ilúvatar ne sont peut être pas imprévisibles pour Ilúvatar. Les thèmes proposés par Eru pouvaient donc contenir ses prévisions (qui ne sont pas ses décisions).
Les Hommes et les Elfes sont libres, ils ont tous la capacité de forger leurs vies suivant leurs propres volontés et non suivant celle d'Eru. La différence est que celles des Elfes sont entièrement inscrites dans la Grande Musique alors que celles des Hommes ne sont présentes que partiellement. Et la phrase « Fate is not master of Children of Men » signifie que les Hommes ont la capacité de réaliser des choses qui ne sont pas contenues dans la Grande Musique. Cette capacité d'aller au delà de cette dernière serait apparemment impossible pour les Elfes.
Les Hommes, dans ce cas, seraient les instruments d'Eru pour introduire ces choses nouvelles qu'il est impossible de déduire du passé :
And many other things Ilúvatar spoke to the Ainur at that time, and because of their memory of his words, and the knowledge that each has of the music that he himself made, the Ainur know much of what was, and is, and is to come, and few things are unseen by them. Yet some things there are that they cannot see, neither alone nor taking counsel together; for to none but himself has Ilúvatar revealed all that he has in store, and in every age there come forth things that are new and have no foretelling, for they do not proceed from the past. And so it was that as this vision of the World was played before them, the Ainur saw that it contained things which they had not thought.
Ainulindalë, Quenta Silmarillon
Melkor avait commencé sa révolte lorsque le premier thème de la Musique était proposé par Ilúvatar. C'est dans le troisième thème qu'ont été créés les Enfants d'Eru, ces derniers sont des êtres libres et imprévisibles pour les Valar qui connaissent la Grande Musique ainsi que, partiellement, l'avenir d'Arda via la vision qu'Eru leur avait montrée. Melkor aussi avait eu cette vision. Si on considère l'Histoire d'Arda comme une partie d'échec, les premiers coups sont connus des deux camps. Pour vaincre Melkor (il savait qu'il avait perdu d'avance mais la partie reste à être terminée), il faut donc pouvoir le surprendre. Les Elfes ont une Destinée liée avec celle d'Arda, leurs actes et destinées, bien que choisis librement, ne peuvent pas échapper à la Grande Musique, source d'Arda.
La liberté des Hommes (dont la Destinée n'est pas liée à Arda) de transcender la Grande Musique n'est elle pas une façon de créer des choses imprévues dans ce qui est prévu et connu des Valar (et donc de Melkor)? La liberté des Hommes d'agir au delà de la Grande Musique est-elle une condition nécessaire pour guérir Arda de son Marrissement?
Place de la prédestination
Les Eruhíni sont bien libres et sont chacun maître de leur destinée mais il y a quand même des prédestinations. A commencer par celle d'Arda et des objets liés et elle comme les Silmarils ou l'Anneau Unique (qui était "destiné" à être trouver par Bilbo).
On peut considérer qu'Arda était aussi "prédestinée" à être immarrie puisque sa guérison est la volonté d'Eru.
Donc on peut parler pour certains objets (avec lesquels le sort d'Arda est lié) de Destinée (avec un D majuscule) au même titre que celles des Elfes et des Mortels: décidées par Eru et irrévocables sauf par ce dernier même, dans des cas d'exception.
Dans le cas de Frodo, au lieu de considérer qu'il était désigné par Eru pour être le porteur de l'Anneau et qu'il devait accepter ce rôle pour accomplir sa destinée (en d'autres termes, la destinée était choisie pour Frodo), il serait peut être plus précis de dire que, parce qu'Eru savait que Frodo accepterait de plein gré ce fardeau, il l'avait mis en position de pouvoir choisir cette destinée (Frodo avait choisi sa destinée).
Frodo aurait pu refuser la quête de l'Anneau et dans ce cas, la Grande Musique des Ainur aurait été différente et on aurait connu l'histoire d'un autre porteur de l''Anneau tout simplement.
Then I [Frodo] said: "I understand you a little better now, Gandalf, than I did before. Though I suppose that, whether meant or not, Bilbo might have refused to leave home, and so might I. You could not compel us. You were not even allowed to try. But I am still curious to know why you did what you did, as you were then, an old grey man as you seemed."
Note on the texts of "The Quest of Erebor", Unfinished Tales
Ceci dit, il semble que dans certains cas particuliers, Eru manipule plus ou moins directement des Eruhíni afin que ces derniers réalisent ses plans. Prenons par exemple Beren : Personne ne pouvait traverser l'anneau de Melian contre sa volonté et celle de Thingol et pourtant, Beren l'avait fait. Il semblait avoir été guidé vers le Doriath et à travers l'anneau. De plus, cet exploit était prophétisé par Melian elle même.
There it was put into his heart that he would go down into the Hidden Kingdom, where no mortal foot had trodden.
[...]
And he passed through the mazes that Melian wove about the kingdom of Thingol, even as she had foretold; for a great doom lay upon him.
Chapitre 19, Of Beren and Lúthien, Quenta Silmarillon
Le destin semble être un sujet omniprésent dans l'histoire de Beren et Luthien. Beren lui même affirmait avoir été guidé par le destin :
Then Beren looking up beheld the eyes of Lúthien, and his glance went also to the face of Melian and it seemed to him that words were put into his mouth. Fear left him, and the pride of the eldest house of Men returned to him; and he said: 'My fate, O King, led me hither, through perils such as few even of the Elves would dare.
Si cette apparente prédestination peut provenir d'une interprétation non objective des événements à posteriori, il n'en fallait pas moins un pouvoir supérieur à celui de Melian pour permettre la traversée de son anneau par Beren.
Si nous faisons appel à des informations externes à cette histoire, nous savons que l'union des Elfes et des Mortels faisait partie d'un plan divin.
'Nay, adaneth, if any marriage can be between our kindred and thine, then it shall be for some high purpose of Doom. Brief it will be and hard at the end. Yea, the least cruel fate that could befall would be that death should soon end it.'
Adrabeth Finrod Ah Andreth, Morgoth's Ring
The entering into Men of the Elven-strain is indeed represented as part of a Divine Plan for the ennoblement of the Human Race, from the beginning destined to replace the Elves.
Extrait de la lettre 153
On peut alors en déduire que c'était Eru qui poussait Beren à rencontrer Luthien. En d'autres termes, Eru avait une prédestination pour Beren et Luthien.
C'était le choix de Beren d'accomplir la quête du Silmaril et le choix de Luthien de partager le sort de Beren, ces êtres étaient libres et ils servaient en même temps la volonté d'Eru. Ils étaient prédestinés à s'aimer et à s'unir. Sans le savoir, ils avaient accepté leurs prédestinations, voulues par Eru.
Aller à l'encontre des prédestinations ne semble pas possible: Beren voulait récupérer les deux autres Silmarils mais il n'a pas réussi, ce n'était pas leur destinées: la dague de Beren se brisa dans cette tentative ce qui mit en péril la quête.
It came then into Beren's mind that he would go beyond his vow, and bear out of Angband all three of the Jewels of Fëanor; but such was not the doom of the Silmarils. The knife Angrist snapped, and a shard of the blade flying smote the cheek of Morgoth. He groaned and stirred, and all the host of Angband moved in sleep.
Chapitre 19, Of Beren and Lúthien, Quenta Silmarillon
Les combats de Huan montrent aussi qu'on ne peut forcer le destin: Sauron connaissait la destinée de Huan, ce dernier devait mourir face au plus grand des loups, il prit donc la forme d'un grand loup mais ne vainquit Huan pour autant, son heure n'était pas venu. Morgoth fit la même tentative, il avait envoyé Carcharoth, un loup qu'il avait personnellement nourri. Mais ce dernier n'arrêta pas Huan. Ce n'est qu'après avoir avalé un Silmaril que le loup de Morgoth put vaincre Huan, avant de mourir lui même. Connaître la prédestination de Huan n'a pas servi à Sauron, ni à Morgoth.
Il semble donc qu'il y a quand même une prédestination des choses et même des êtres par Eru. Néanmoins, tous les événements ne sont pas imputables à Ilúvatar. La chute de Gondolin par exemple. Si elle fut prédite par Ulmo (on peut supposer qu'il l'avait vu dans la vision), cette défaite était due à la trahison de Maeglin et à l'orgueil de Turgon, elle ne dépendait pas de la volonté des Valar ni celle d'Eru.
De même que la fin du Doriath était causée par la décision de Thingol d'exiger de Beren un Silmaril avec de mauvaises intentions. Ce faisant, il avait scellé son destin et celui du Doriath. Les responsabilités personnelles sont entières.
Hors ligne
J'imprime et je potasse (enfin... ce qui est en français !).
C'est un thème qui m'intéresse !
Hors ligne
Que voilà une lecture intéressante ! Félicitations !
Il y a quand même un point qui me "chatouille" (je dois encore digérer le sujet pour d'éventuels autres points). Tu dis que les vies des Elfes, à la différence de celles des Hommes, sont entièrement inscrites dans la Grande Musique, et tu en déduis l'imprévisibilité des Hommes pour Melkor par exemple. Cela me pose problème pour l'ensemble de la période pendant laquelle Elfes et Hommes cohabitent. En effet, vu les interactions entre eux (je ne parle pas simplement de l'union des deux "races") et vu que les vies des Elfes sont connues, alors il ne faut pas être grand clerc pour deviner ce que seront les vies des Hommes. Partant, l'élément d'imprévisibilité est fortement limité, non ?
Hors ligne
C'est une question qui m'est souvent venue à l'esprit, à la lecture du Narn particulièrement.
Hors ligne
Dior:
Les destinées des Elfes sont inscrites dans la Grande Musique mais ne sont pas pour autant entièrement connues de Melkor (surtout que ce dernier était trop occupé à brailler de son coté au lieu d'écouter sagement ;-)).
Hommes et Elfes ne diffèrent pas tant que ça dans les faits, aux yeux des Ainur car aucun Ainur n'a vu complètement la vision et aucun n'a compris entièrement la Grande Musique. Même si cette dernière contenait les destinées des Elfes (et ce n'est qu'une hypothèse), aucune puissance ne pouvait anticiper exactement les faits et gestes de chaque elfe.
Cette connaissance partielle peut quand même expliquer comment Melkor et Sauron ont pu trompé les Elfes et les Hommes aussi longtemps et souvent (C'est biensûr d'abord une question de psychologie, l'hypothèse présente n'est pas indispensable mais peut être complémentaire).
Dans le cas de Turin par ex, cette hypothèse rejoint celle de Moraldandil sur l'illusion optique de la malédiction de Túrin (cf son fuseau ici: http://www.jrrvf.com/forum/noncgi/Forum1/HTML/000940.html)
Melkor savait d'avance les erreurs que commettrait Túrin et a fait croire à Húrin que c'est son pouvoir qui l'a maudit.
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Stalker, bravo pour le travail , c'est un thème toujours intéressant de toute façon donc une petite piqure de rappel ne peut nuire. Cela me rappelle un fuseau que j'avais lu et traitant de la Providence et de l'intervention indirecte d'Eru. ;-)
Ce contrôle de destin éventuel par Eru peut aussi être questionné avec les Valars eux mêmes. Sans parler de Melkor, on peut penser à Aulë et à a création des nains à l'insu d'Eru :
QUENTA SILMARILLION
Chapitre II, Sur Aulë et Yavanna :
Page 50, §1
On raconte qu'au commencement les Nains furent créés par Aulë pendant la nuit des Terres du Milieu. Aulë désirait si fort la venue des Enfants pour avoir des apprentis auxquels il pourrait enseigner son savoir et ses talents qu'il ne voulut pas attendre l'accomplissement des plans d'Ilúvatar.
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Quand je parlais du Narn, je ne parlais pas de la malédiction de Turin par Melkor, mais des conséquences des actes de Turin sur la destinée des Elfes ( la mort de Beleg et la chute de Nargothrond ).
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Et je me permets de rajouter la chute de Doriath suite au "cadeau" de Hurin.
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Lambertine et Dior:
Si je comprends bien, vous voulez dire que les destinées des Elfes étant écrites dans la Grande Musique, Morgoth pouvait les connaître et donc, en déduire les destinées des Hommes car ces derniers avaient des relations avec les Elfes?
Je pense que c'est possible et de toutes façons, indépendamment des elfes. Les destinées des Hommes sont aussi "écrites" dans la Grande Musique donc Morgoth pouvait connaître en partie ce qu'ils feront.
Húrin par ex était libéré par Morgoth parce que ce dernier pressentait qu'il pourrait encore nuire aux Hommes et aux Elfes. Peut être que cette intuition était due à des fragments de souvenir que Melkor possédait de la vision?
Même explication pour Túrin: Morgoth a pressenti sa destinée malheureuse.
D'ailleurs, c'est ainsi que je m'explique les prédictions (celles d'Elrond par ex) plus généralement: des perceptions fragmentaires de la Grande Musique (des échos?).
On peut aussi supposer qu'elles sont communiquées par les Valar aux "prédicateurs" via l'osanwe ou une combinaison des deux.
La différence avec les Elfes (sur laquelle se base l'hypothèse présente) est que les destinées des Hommes ne sont pas inscrites entièrement dans la Grande Musique. En d'autres termes, il reste une marge de manoeuvre aux Hommes qui peut surprendre un être (Eru mis à part) qui connaîtrait toute la Grande Musique et la vision.
Là où cette théorie est bancale, c'est qu'elle sous entend que tous les êtres qui ont existé et qui existeront sur Arda ont participé à la Grande Musique, c'est ce que j'ai appelé "l'auto prédestination".
Je ne sais pas si je suis clair??
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Exactement. Donc, la part d´imprévisibilité des Hommes (en dehors de la méconnaissance de la Grande Musique par Melkor) se cantonne à leurs actions menées sans contact avec et n´ayant pas de conséquence sur les Elfes. Ce qui me "chatouillait" au départ.
L´auto-prédestination, oui, c´est clair, cela coince ...
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Pour l'"auto-prédestination", j'ai quand même quelques arguments :-)
La Grande Musique a eu lieu hors du temps, et non pas "avant" l'Eä, ce qui permet d'éviter la contradiction temporelle.
Evidemment, nous ne pouvons pas vraiment imaginer quelque chose qui soit hors du temps.
On peut aussi supposer qu'Eru est omniscient, il peut donc savoir quels choix feront les Eruhíni et "adapter" la Grande Musique selon.
Je tiens beaucoup à cette idée d'auto prédestination. Certains pensent que c'est Eru qui décide des destinées pour chaque personne (Homme, Elfe, etc) et les Eruhíni ne sont plus que des acteurs qui doivent jouer des rôles prédéterminés par Eru mais je n'aime pas cette vision, je préfère l'idée que les Eruhíni sont maîtres de leur destin.
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Les Eruhini que des acteurs : entièrement d´accord avec toi !
Mais j´ai du mal à concevoir (au-delà des textes ...) une différence Elfes-Hommes ...
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Sur la Grande Musique hors du temps et le fait que tous les êtres qui ont existé ou qui existeront y participent, il y a quand même quelque chose qui me turlupine.
Cela implique que cette Musique, même si elle est hors du temps, est évolutive, elle change puisque les êtres à venir y participent.
Cela veut-il dire que la connaissance que les Ainur ont de la Grande Musique est-elle aussi évolutive ? Pourtant, les Valar, eux, sont dans le temps ... Auraient-ils des perceptions différentes de la Grande Musique selon l'époque ?
Il y a quelque chose qui me gêne, mais j'ai dû mal à mettre des mots dessus :-(
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Dior:
A propos de "Cela implique que cette Musique, même si elle est hors du temps, est évolutive, elle change puisque les êtres à venir y participent.
Cela veut-il dire que la connaissance que les Ainur ont de la Grande Musique est-elle aussi évolutive ? Pourtant, les Valar, eux, sont dans le temps ... Auraient-ils des perceptions différentes de la Grande Musique selon l'époque ?"
Imaginons que nous dessinons sur une feuille une droite, avec une direction et un sens, qui représente le temps.
L'Histoire d'Arda qui s'inscrit dans le temps est donc sur cette droite.
Le "hors du temps" est lui représenté par toute la surface de la feuille.
Avant leur entrée dans Arda, les Ainur étaient hors du temps ainsi que la Grande Musique. Celle-ci englobe donc l'Histoire d'Arda entièrement.
Une fois que les Ainur sont entrés dans Arda, ils entrent dans le temps mais dans leur mémoire résident la Grande Musique et la vision (incomplète) qu'ils ont vue. A partir de là, on raisonne dans le temps et on peut affirmer que la Grande Musique est "figée" dans leur mémoire: les Valar connaissent partiellement l'avenir d'Arda car ils se souviennent partiellement de la Grande Musique et de la vision.
(D'où les prédictions de Mandos, d'Ulmo, etc)
En d'autres termes, une fois que les Ainur sont entrés dans Arda (dans le temps donc), la Grande Musique n'évolue plus, elle est dans la mémoire (ie dans le passé) des Ainur.
Ce qui est difficile à affirmer, c'est que tous les êtres qui participeront à l'Histoire d'Arda existent "hors du temps".
Je ne sais pas quelle valeur sémantique on peut donner au contre argument "ils ne peuvent pas exister avant le début du temps" puisqu'il n'y a pas de "avant" en dehors du temps.
Je pense que ça n'a pas de sens et par conséquent, il n'est pas incorrect d'affirmer que tous les êtres existent hors du temps donc ils auraient pu contribuer, d'une manière ou une autre, à la Grande Musique.
Si ces questions temporelles te gênent vraiment, l'autre solution consiste à supposer qu'Eru est omniscient: il sait donc les choix et les actes que tous les êtres à venir feront et c'est avec ces informations qu'il a composé les thèmes des musiques.
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Stalker > Ce qui est difficile à affirmer, c'est que tous les êtres qui participeront à l'Histoire d'Arda existent "hors du temps".
Dans l´Athrabeth, Finrod lui-même semble l´affirmer implicitement au sujet des fear (sorry, pas de tréma pour le "e" sur ce clavier) des Hommes, quand il se pose la question :
The fea when it departs must take with it the hroa. And what can this mean unless it be that the fea shall have the power to uplift the hroa, as its eternal spouse and companion, into an endurance everlasting beyond Eä, and beyond Time?
Morgoth´s Ring, Athrabeth Finrod ah Andreth, p. 318.
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Grand merci, Stéphane, pour cette rentrée intéressante ! Et deux fois merci, comme les principales et grandes salles de la présente Maison-à-l'orée-de-Faërie étaient désertées il y a encore quelques temps ...
Stalker : (Je ne maîtrise pas trop les tags html ici, ne vous étonnez pas si la mise en page merdouille complètement, j'espère que ce sera lisible)
C'était parfait :) Mais tu as peut-être remarqué la nouvelle option "Prévisualiser" mise en place par notre Webmestre :)
Stalker : Pour cela, nous nous référons aux définitions données par le site du Trésor de la Langue Française Informatisée, http://atilf.atilf.fr/tlfv3.htm.
Trois fois merci alors :) pour ce lien très utile ! NB : La seule toute petite chose qui fait défaut à tes messages : un ou deux fils pour tisser plus rapidement les liens entre fuseaux connexes ou avec des références extérieures ; ainsi ici en écrivant <a href=http://atilf.atilf.fr/tlfv3.htm target=_blank>http://atilf.atilf.fr/tlfv3.htm</a> nous aurions lu http://atilf.atilf.fr/tlfv3.htm :) - tu trouveras dans la section Webmaster et plus particulièrement en cet endroit quelques aides rapides et utiles en matière de tissage et autre :)
Définitions
Je n'ai pas trouvé mieux de mon côté. Les choix que tu poses dans l'usage des termes est bien vu et très pratique :)
La Musique des Ainur
Stalker : On pourrait, par exemple, se demander ce qu'il se serait passer si Tuor [...]
→ ... se demander ce qui se serait passé ... (?)
L'auto prédestination des Eruhíni / Place de la prédestination
Stalker : Une façon de voir les choses consiste à supposer que ce n'est pas Eru qui décide des destinées de ses enfants mais ce sont ces derniers qui le font, en toute liberté. En d'autres termes, posons qu'il n'y a pas de prédestination (suivant la définition A, celui qui prédestine étant Eru). Dans ce cas, chacun choisit sa propre destinée (en fonction du contexte qui limite les possibilités: on peut toujours, par exemple, choisir de voler en battant des bras. Cet acte est impossible par nature, ce choix n'a donc pas de sens. On dit alors, par abus de langage, qu'on ne peut pas faire ce choix mais on n'est pas moins libre).
L'image est excellente :) Notons que cela dépendra justement de ce qu'on entend par "libre" ;) - cf. plus loin entre libre-arbitre et liberté.
Stalker : Leurs choix, et le résultat de ces choix, sont alors inscrits dans la Grande Musique. Ces décisions, ils les prennent sans aucune contrainte de la part d'Eru.
Oui :) Et ici nous pouvons renvoyer au e. du Commentaire de l'Athrabeth, i.e. la dernière phase de la Création : l'Accomplissement.
Stalker : Si on considère l'Histoire d'Arda comme une partie d'échec, les premiers coups sont connus des deux camps. Pour vaincre Melkor (il savait qu'il avait perdu d'avance mais la partie reste à être terminée), il faut donc pouvoir le surprendre. Les Elfes ont une Destinée liée avec celle d'Arda, leurs actes et destinées, bien que choisis librement, ne peuvent pas échapper à la Grande Musique, source d'Arda. La liberté des Hommes (dont la Destinée n'est pas liée à Arda) de transcender la Grande Musique n'est elle pas une façon de créer des choses imprévues dans ce qui est prévu et connu des Valar (et donc de Melkor) ?
Je ne puis te suivre jusque là :) i.e. considérer une partie d'échecs entre Eru et Melkor ; qui peut prétendre faire jeu égal avec le Créateur ? Je ne crois pas en particulier qu'Eru ait *besoin* de surprendre Melkor pour le vaincre (bien que je veuille bien concevoir que l'aveuglement de ce dernier puisse lui cacher des choses). D'abord Eru créé, immarri. Puis Melkor marrit. Alors Eru guérit. Et point final si j'ose dire :) - ou comme ose le dire Ulmo :) :
« Car Eru est Seigneur de Tout, et meut toutes les voies de ses créatures, même la malice du Marrisseur, en ses ultimes desseins [...] » 1
Point n'est besoin pour Eru Ilúvatar de surprendre quiconque, pas plus Melkor que la plus petite fleur de la Terre du Milieu :
[Andreth :] « 'Qui est l'Unique, que vous appelez Eru ? Si nous mettons à part les Hommes qui servent l'Innomé, comme beaucoup en Terre du Milieu, nombreux sont les Hommes néanmoins qui ont pour seule perception du monde une guerre entre la Lumière et l'Obscurité équipotents. Mais tu diras : Nenni, cela c'est Manwë et Melkor; Eru est au-dessus d'eux. Eru n'est-il alors que le plus formidable des Valar, un grand dieu parmi les dieux, comme le diront la plupart des Hommes, même parmi les Atani : un roi qui demeure loin de son royaume et laisse de moindres princes agir ici selon leur volonté ? A nouveau tu répondras : Nenni, Eru est Unique, seul et sans pareil, et Il fit Eä, et il est au-delà ; et les Valar sont plus grands que nous, cependant aucunement plus proches de Sa majesté. N'en est-il point de la sorte ?' »« 'Oui, dit Finrod. Nous disons cela, et les Valar que nous connaissons [...]' » 2
A la rigueur je veux bien croire qu'une "partie d'échecs" se joue entre Manwë et Melkor, et l'on peut lire, entre autre dans les Myths Transformed, que des choix ont été faits pour surprendre l'autre : Melkor qui appelle Ungoliantë à la surprise des Valar / Manwë qui ne livre pas bataille à Melkor avant la Guerre de la Grande Colère, laissant croire que l'Ouest l'avait "oublié" etc... Mais même alors l'image d'une "partie d'échecs" me gêne en ce qu'elle pourrait sous-tendre que les deux parties jouent le même jeu, avec les mêmes règles et poursuivent le même but ; il n'en est rien, bien évidemment ... Par rapport au dessein divin, il restera à chacun le moment venu la liberté d'accepter ou de refuser la Guérison, de choisir entre la Vie et le Marrissement, et cela seul compte, ce qui n'implique aucunement de surprendre la créature - qu'il s'agisse d'un Ainu ou d'un Incarné ("surprendre" dans le sens de tendre un piège s'entend). En revanche, il est vrai que le comment est bien souvent caché ... encore qu'il doit être donné à chacun, à quelque moment, d'en saisir quelque chose.
Stalker : La liberté des Hommes d'agir au delà de la Grande Musique est-elle une condition nécessaire pour guérir Arda de son Marrissement?
Je crois effectivement qu'il s'agit d'une condition pour eux s'ils sont des agents de l'Immarrissement [MR/333], ainsi que le présume le roi Finrod : la condition des Hommes, leur "Prédestination" (= l'ensemble des destinées au sens affaibli C :)), serait celle de co-guérir Arda. Re-re-re-re-lire absolument les pages magnifique de [MR/318-9] :)
Stalker : Il semble donc qu'il y a quand même une prédestination des choses et même des êtres par Eru. Néanmoins, tous les événements ne sont pas imputables à Ilúvatar. La chute de Gondolin par exemple. Si elle fut prédite par Ulmo (on peut supposer qu'il l'avait vu dans la vision), cette défaite était due à la trahison de Maeglin et à l'orgueil de Turgon, elle ne dépendait pas de la volonté des Valar ni celle d'Eru. De même que la fin du Doriath était causée par la décision de Thingol d'exiger de Beren un Silmaril avec de mauvaises intentions. Ce faisant, il avait scellé son destin et celui du Doriath. Les responsabilités personnelles sont entières.
Nous nous rejoignons quasi parfaitement :) La question de destinée en Arda, pour toi comme pour moi, trouve une réponse a posteriori et non a priori. Il s'agit d'une libre participation de la créature au chemin qui s'ouvre à elle, ce chemin (destinée) dépendant des limites de sa condition (Destinée) et de ses choix, mais aussi (si l'on est croyant) du dessein proposé (et non imposé) par Eru i.e. la Providence (que tu mets en lumière sans la nommer :) en parlant de la *place* de la prédestination en Arda ... :))
A cette question de liberté par rapport aux chemins des créatures en Arda, j'avais eu le plaisir d'échanger quelques réponses avec Edrahil sur le sujet, et je me permets de reproduire ici l'idée d'alors :
Edrahil :[...] nous savons que la grande musique de l'Ainulindalë fixe le destin de tous les être, sauf des Hommes. Or, il apparaît pourtant que toutes les créatures (Elfes, Hommes, Valar, etc.) disposent d'un libre-arbitre. Mais comment expliquer alors que les Elfes, par exemple, ne soient pas maîtres de leur destin, si l'on prend par exemple le cas de la malédiction de Mandos ? Ou encore, dans le fait que la musique fixe leur "destin" ? Comment doit-on interpréter cela ? Je dois avouer que je m'y perds quelque peu entre les notions d'être ou non maître de son destin et le rapport avec le libre arbitre. ;-)
J'ai l'impression que les Elfes ne sont pas maîtres de leur destin, bien qu'ils aient effectivement un libre arbitre, en ce qu'ils sont libre dans leurs actes. Mais si les étapes sont déjà fixées, cela n'est-il pas qu'une illusion ? Prenons l'exemple des Noldor maudits par Mandos : quoiqu'ils fassent, la prohétie de Mandos se réalisera (du moins, est-ce comme cela que je vois les choses...). Dès lors, leur libre arbitre ne peut intervenir dans le déroulement des choses, et finalement, ne peut intervenir dans leur destin... ?
Yyr :
Soit le libre-arbitre "la faculté de se déterminer sans autre cause que la volonté elle-même" et pour la liberté (qui doit recouper le sens de libre-arbitre parfois) je choisirai ici "l'état de ce qui ne subit pas de contrainte". Nous sommes d'accord toi et moi pour constater que les Elfes comme les Hommes semblent disposer du premier, et se battre pour la seconde ... malgré un destin qui semble parfois les enchaîner (aussi les hommes : cf. Túrin, ou la prophétie de Glorfindel au Roi-Sorcier, etc...).
Mon sentiment est que les deux parentés Quendi et Atani sont libres (dans le sens du libre-arbitre) mais que la liberté (dans le sens retenu de liberté plus haut) qu'il implique, elle, est limitée et ce, différemment selon la Parenté, par leurs *conditions*. Et que ce sont ces limites qui affleurent lorsqu'on entend parler de "destin", de "malédiction" ou de "prophétie".La liberté diffère selon la Parenté. Je crois que nous sommes un peu excessifs en décrivant habituellement les Elfes comme "enchaînés" à Arda. Je dirais plutôt que leur liberté est inscrite dans les limites d'Arda, tandis que celle des Hommes est à la fois moindre en Arda (ils sont plus faibles et souffrent plus facilement) et plus grande en dehors d'Arda. La liberté suit ainsi le fëa des deux parentés : celui des Elfes est destiné à habiter Arda jusqu'à la Fin, tandis que celui des Hommes devra la quitter avant. Il en va exactement de même avec la liberté je crois : les Elfes qui sont attachés à Arda, et qui l'aiment tant, lui sont unis, et ainsi plus forts, plus vigoureux, plus résistants, mais aussi plus liés, et leur liberté, réelle, est d'autant plus soumise entièrement aux limites et aux lois du Monde. Ceux des Hommes qui savent regarder au-delà de ce que voient leurs yeux ont leur liberté en partie déliée du Monde, et leur pouvoir (direct) sur le Monde est d'autant moindre. Je ne crois pas qu'ils soient plus ou moins libres, mais que la nature de leurs libertés - et de leurs talents - diffère. Les Elfes enchantent, embellissent et ennoblissent le Monde. Les Hommes le guérissent et le sauvent, avec la grâce d'Eru [cf. MR/318], et cela ne se peut que s'ils sont au Monde, mais pas du Monde.
Aussi, pour ce qui des Elfes, qui sont strictement du Monde, tant que dure Arda, je ne crois pas que leur destin soit "fixé" ou "écrit". Mais, comme ils appartiennent au Monde et s'inscrivent entièrement dans ses limites - et c'est ainsi que je comprends la prophétie de Mandos : - il est possible pour ceux qui ont vu et interprété eux-même la Musique des Ainur (et donc le "fonctionnement" du Monde) de comprendre, de voir à l'avance, c'est-à-dire de littéralement pré-voir, l'enchaînement et les conséquences des actes posés (librement). Ainsi il n'était pas "écrit" que Doriath tomberait. Mais le sort du Royaume de Thingol fut scellé lorsqu'il fit le choix de convoiter les Silmarils. De même je comprends la Prophétie du Nord comme "si vous persistez dans votre orgueil, alors vous pleurerez des larmes sans nombre ...".
[...]
[...] des fois, c'est nous qui écrivons ces choses à l'avance ; ce faisant, nous forçons nous-mêmes "le destin" (c'est un usage de notre liberté). Un exemple (désolé pour le ton mais ça va de paire avec la Chute des Ñoldor) : je me coupe les veines en me mettant hors de portée de toute assistance. Dans quelques minutes je mourrai. Ce n'est pas pour cela que les choses étaient écrites à l'avance, ni qu'elles sont immuables. Mais au moment où je commets la folie de me couper les veines, j'écris la suite, et ce, en réduisant considérablement ma liberté d'en changer le cours ... C'est un peu strict comme exemple, mais qui sait si les Ñoldor n'ont pas fait de même ? Et les Valar sont capables d'une vue allant bien au-delà de celle que requiert mon exemple [...] Parfois le résultat est fixé, certes, mais comme celui qui se coupe les veines et qui fixe ainsi le moment d'après ... cela ne contredit pas son libre-arbitre ... même si l'on pourrait se demander en quelle mesure son désespoir, ses angoisses, et en Arda les ombres de Morgoth, ne viennent pas obscurcir sa liberté ... mais c'est une autre question ...
"C'est une autre question ..." mais elle est très liée : les Eruhíni sont des êtres finis, matériellement et spirituellement. Ils ne sont, par nature, jamais libres dans l'absolu, et pas seulement par rapport à leur condition et aux limites (visibles) du Monde comme je l'entends ici, mais encore à cause des forces auxquelles ils sont soumis en permanence. Ainsi le Marrissement qui est entrave, (op)pression, les enchaîne et les lie et, on peut le supposer, obscurcit leur jugement et leur libre-arbitre (ainsi de l'Anneau ; où en était la liberté de Frodon au moment de passer l'Anneau à son doigt sur le mont Destin ? ...).
En guise de conclusion, je partage entièrement ton approche : le chemin des Eruhíni n'est pas écrit et fixé à l'avance par le "Destin" ; il s'écrit "chemin faisant" :) car il est l'enchaînement des choix posés, confrontés à ceux des autres, aux lois du Monde, et à la condition des Eruhíni (et parfois ces lois et conditions sont telles qu'elles n'autorisent plus qu'un seul enchaînement possible, d'où les pré-visions prohétisées). Bien qu'il faille cependant se garder de penser que les choix soient entièrement libres : en Arda Marrie ils sont toujours soumis à des pressions extérieures ... Je suis pour ma part persuadé (comme Finrod je crois :)) que les Enfants peuvent néanmoins toujours choisir le rocher sur lequel s'appuyer et chercher à écouter la Voix qui a promis :
« Vous M'avez abjuré mais vous demeurez Miens. » 3
Yyr :)
1 « For Eru is Lord of All, and moveth all the devices of his creatures, even the malice of the Marrer, in his final purposes [...] » [MR/241]
2 [Andreth :] « 'Who is the One, whom ye call Eru? If we put aside the Men who serve the Nameless, as do many in Middle-earth, still many Men perceive the world only as a war between Light and Dark equipotent. But you will say: nay, that is Manwë and Melkor; Eru is above them. Is then Eru only the greatest of the Valar, a great god among gods, as most Men will say, even among the Atani: a king who dwells far from his kingdom and leaves lesser princes to do here much as they will? Again you say: nay, Eru is One, alone without peer, and He made Eä, and is beyond it; and the Valar are greater than we, but yet no nearer to His majesty. Is this not so?' »
« 'Yes, said Finrod. We say this, and the Valar we know [...] » [MR/321]
3 « Ye have abjured Me, but ye remain Mine. » [MR/347]
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je sais pas pour vous, mais moi, j'aime bien lorsque Yyr parle "comme Finrod" ou "comme Ulmo". Et crois moi Stalker, il y avait longtemps que cela lui démangeait de te répondre :-))
juste une remarque : dans sa synthèse (D'abord Eru créé, immarri. Puis Melkor marrit. Alors Eru guérit. Et point final si j'ose dire :)), je crois qu'il faut liré "D'abord Eru crée/créa" n'est-ce pas Yyr ? ;-)
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Et crois moi Stalker, il y avait longtemps que cela lui démangeait de te répondre :-)) Hi hi ! c'est précisément ce que je lui ai répété alors même qu'il s'inquiétait en voyant sombrer son fuseau dans les abysses du forum... :) C.
Tu vois, Stef', faut toujours garder espoir... ;-)
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Ed, garder l´estel, tu veux dire ? ;-)))
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Sosryko : juste une remarque : dans sa synthèse (D'abord Eru créé, immarri. Puis Melkor marrit. Alors Eru guérit. Et point final si j'ose dire :)), je crois qu'il faut liré "D'abord Eru crée/créa" n'est-ce pas Yyr ? ;-)
Oui :) J'ai utilisé un présent narratif, pour ce que (sans aucun doute à cause d'une amitié fidèle et un humour approprié :)) tu as appelé "synthèse", un peu culotté de ma part pour toute l'histoire d'Arda en une ligne ;) Et de même qu'il s'agit de lire "crée/créa", on pourra lire "guérit/guérira". Ainsi l'âme des filles et des fils d'Eru peut-elle être entièrement ouverte, i.e. tournée - vers son passé : la Création et l'origine, et avec, l'Immarri, le pur, la Vérité ; - vers le moment présent en faisant face au Marrissement, par la Pitié et la Miséricorde ; - enfin, elle est élevée et pleine d'une joie confiante parce que tournée aussi vers l'à venir, dans l'estel de la Guérison.
A-y-est, tu m'as eu, je n'aurai finalement pas pu m'empêcher d'y revenir :) :) :)
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Il n'y a point de fuseaux qui "sombrent" dans les abysses, puisqu'il est toujours possible de les repêcher. Il y en a qui flottent et d'autres qui attendent entre deux eaux, comme qui dirant, "Flotsam and Jetsam" :-)
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...comme qui dirait, ...grrr
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Merci Yyr pour les remarques, conseils et corrections :-)
L’image de la partie d’échec était effectivement mauvaise puisqu’Eru et Melkor ne font pas jeu égal, puisque Melkor ne peut pas vaincre Eru. (Après réflexion, je préfère dire cela à la place de « Eru gagnera » car le but d’Eru n’est pas de battre Melkor comme si ce dernier était un adversaire)
Il faudrait plutôt prendre l’image d’un jeu informatique sur réseau, Eru étant l’administrateur et maître de jeu avec tout les pouvoirs et Melkor, un simple utilisateur (qui tente vainement de pirater le système pour avoir les droits d’admin).
Les définitions que tu as données pour le libre arbitre et la liberté m’éclaircissent beaucoup de choses, je dois avouer que la distinction entre les deux était floue pour moi.
A présent, c’est clair : ils ne faut pas dire que les Eruhíni sont libres mais plutôt qu’ils sont dotés d’un libre-arbitre. Seul Eru est totalement libre, en toute rigueur.
J’ai rediscuté de tout cela avec Edrahil il y a peu de temps en utilisant d’une comparaison avec un film et on était arrivé à l’idée (tu me corriges Christophe, si ma mémoire est défaillante) que les Eruhíni ne sont pas des acteurs qui doivent jouer des rôles préécrits pour eux par Eru mais plutôt qu’ils écrivent eux même leurs rôles (libre-arbitre oblige).
La vision qu’avait donné Eru aux Ainur avant l’Eä, c’est à dire la visualisation de l’histoire d’Arda, est donc co-écrite par tous les Eruhíni. On a bien une « prédestination » des choses sans que cela entre en contradiction avec le libre arbitre des êtres. Ainsi, les Eruhíni ont participé, indirectement, à la Grande Musique.
Je crois que nous sommes un peu excessifs en décrivant habituellement les Elfes comme "enchaînés" à Arda.
Je suis d'accord avec toi, il était temps de nuancer ce propos et de clarifier la place des Elfes et leur liberté.
Ainsi le Marrissement qui est entrave, (op)pression, les enchaîne et les lie et, on peut le supposer, obscurcit leur jugement et leur libre-arbitre (ainsi de l'Anneau ; où en était la liberté de Frodon au moment de passer l'Anneau à son doigt sur le mont Destin ? ...).
Cependant, je pense que le libre-arbitre est nécessaire pour que le Marrissement puisse être effectif. Le Marrissement est, entre autre, la tentation mais le choix final revient aux êtres tentés. Je veux dire que si Eru n’avait pas doté les Eruhíni du libre-arbitre, ceux- ci ne feraient pas de choix tout simplement et ne pourraient pas être marris: On ne marrit pas des marionnettes. D’ailleurs, c’est parce que les êtres qui sont corrompus avaient choisi de l’être qu’ils sont potentiellement condamnables moralement.
En même temps, le but du Marrisseur est d’annihiler le libre arbitre des autres puisqu’il veut dominer leur volonté. Le Marrissement a donc pour objet l’annulation de ce qui lui est nécessaire, on n’est pas loin de l’absurdité non ?
Je vais dériver, cela fera peut être l’objet d’un autre fuseau : si on est d’accord pour affirmer que le libre-arbitre des êtres est nécessaire pour qu’ils soient corrompus quand ils subissent le Marrissement, peut on affirmer que ce dernier, en tant que action de Melkor sur Arda, n’est plus vraiment nécessaire pour que la corruption existe ?
Posé autrement : Si Melkor n’était pas devenu le Marrisseur et étant donné que les Eruhíni sont dotés du libre arbitre, ont ils pour autant suffisamment de liberté et de pouvoir pour se corrompre eux même et corrompre les autres ? Le Marrissement n’est il pas potentiellement présent dans chaque être ? (Auquel cas, il ne serait plus un acte propre à Melkor)
Peut on imaginer que dans Arda Immari, les Eruhíni n’auraient jamais eu de « mauvaises pensées » ?
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ça fait un certain temps que je me dis qu'il faut que je commence vraiment à participer à JRRVF... il semble que j'aie aujourd'hui le courage de me lancer, alors j'y vais... :)
Excusez les bêtises, approximations, etc. ;-)
Stef' > J’ai rediscuté de tout cela avec Edrahil il y a peu de temps en utilisant d’une comparaison avec un film et on était arrivé à l’idée (tu me corriges Christophe, si ma mémoire est défaillante) que les Eruhíni ne sont pas des acteurs qui doivent jouer des rôles préécrits pour eux par Eru mais plutôt qu’ils écrivent eux même leurs rôles (libre-arbitre oblige).
En effet... J'ajouterai toutefois que l'idée de la comparaison au film est née du fait qu'il nous était impossible de concevoir précisément le fait que la Grande Musique ait eu lieu hors du Temps :
For the Great Music had been but the growth and flowering of thought in the Timeless Halls, and the Vision only a foreshowing; but now they had entered in at the beginning of Time[MR/Ainulindalë C]
Or, l'idée selon laquelle le destin des êtres est fixé à l'avance prend souvent racine dans le fait que tout a été écrit dans cette Musique et la Vision qui s'ensuivit au tout début des temps. Or non, justement, ce n'est pas au tout début des temps, mais bien Hors du Temps... ce qui fait qu'il nous manquait une dimension et que nous n'arrivions pas à imaginer la chose. C'est alors que nous avons comparé la Vision a un film : ceux qui le regardent sont en effet hors du Temps par rapport à l'histoire qui s'y déroule, et les prédictions des Valar provenant de leur connaissance de la Musique et de la Vision n'impliquent pas du, coup, que tout a été écrit à l'avance. Et effectivement, le libre-arbitre des Eruhíni laisse plutôt penser que ce sont eux qui écrivent leurs propres rôles en même temps que l'Histoire d'Arda se déroule.
A noter par ailleurs que l'idée du commencement du Temps conjointement à la création d'Arda implique une certaine incohérence dans la chronologie des choses. En effet, si la Grand Musique a lieu hors du Temps, il n'en reste pas moins que, pour les Valar, elle se situe avant leur entrée en Arda qui est censée être au Commencement du Temps. Il y a donc une notion d'antériorité alors même que la notion de temps n'existe pas... Une sorte de méta-temps, quoi. L'idéal pour s'embouiller et chopper un joli mal de crâne... ;-)
Stef'² > Cependant, je pense que le libre-arbitre est nécessaire pour que le Marrissement puisse être effectif. Le Marrissement est, entre autre, la tentation mais le choix final revient aux êtres tentés. Je veux dire que si Eru n’avait pas doté les Eruhíni du libre-arbitre, ceux- ci ne feraient pas de choix tout simplement et ne pourraient pas être marris: On ne marrit pas des marionnettes. D’ailleurs, c’est parce que les êtres qui sont corrompus avaient choisi de l’être qu’ils sont potentiellement condamnables moralement.
Je suis assez d'accord avec cette idée, et je ne pense pas inutile de mettre en parallèle un extrait de l'Osanwë-kenta - 'Enquiry into the Communication of Thought' :
There is indeed no axan that the barrier [of Unwill] should not be forced, for it is únat, a thing impossible to be or to be done, and the greater the force exerted, the greater the resistance of the unwill. axan, pl. axani 'law, rule, commandment; as primarily proceeding from Eru'.
(...)Melkor repudiated all axani. He would also abolish (for himself) all únati if he could. But this he could not do.(...) Therefore he tried deceit and stealth.
In this way he won entry into many minds, removing their unwill, and unlocking the door by the only key, though his key was counterfeit.(...) Those who listened and did not close the door were too often already inclined to his friendship.
únat, pl. únati 'a thing impossible to be or to be done'
Ainsi Melkor ne pouvait corrompre les esprits sans une participation, et donc une faute, de leur part.
Stef'³ > En même temps, le but du Marrisseur est d’annihiler le libre arbitre des autres puisqu’il veut dominer leur volonté. Le Marrissement a donc pour objet l’annulation de ce qui lui est nécessaire, on n’est pas loin de l’absurdité non ?
Mais le Marrissement aura-t-il besoin d'exister encore si toutes les créatures sont finalement corrompues, et leur volonté dominée ?
Re-Stef' > Si Melkor n’était pas devenu le Marrisseur et étant donné que les Eruhíni sont dotés du libre arbitre, ont ils pour autant suffisamment de liberté et de pouvoir pour se corrompre eux même et corrompre les autres ? Le Marrissement n’est il pas potentiellement présent dans chaque être ? (Auquel cas, il ne serait plus un acte propre à Melkor)
Ce qui m'intrigue, moi, là-dedans, c'est de savoir, si Melkor est effectivement le Marrisseur d'Arda, comment Melkor a pu lui-même être marri... Car s'il s'écarte d'Eru de son plein gré, c'est que le Marrissement était déjà à l'oeuvre avant que Melkor ne marrisse Arda... Y aurait-il Marrissement avant le Marrissement ?
OK, j'en conviens, on s'écarte bigrement de la question de départ, avec ceci... Je préfère donc m'arrêter là. ;-)
C.
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Il faudrait plutôt prendre l’image d’un jeu informatique sur réseau, Eru étant l’administrateur et maître de jeu avec tout les pouvoirs et Melkor, un simple utilisateur (qui tente vainement de pirater le système pour avoir les droits d’admin). Au secours !! C.
Sont vraiment incorrigibles, ces informaticiens... :)
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Edrahil : ça fait un certain temps que je me dis qu'il faut que je commence vraiment à participer à JRRVF... il semble que j'aie aujourd'hui le courage de me lancer, alors j'y vais... :)
:) :) :)
Edrahil : Excusez les bêtises, approximations, etc. ;-)
Bêta, va :)
Stalker : Cependant, je pense que le libre-arbitre est nécessaire pour que le Marrissement puisse être effectif. Le Marrissement est, entre autre, la tentation mais le choix final revient aux êtres tentés. Je veux dire que si Eru n’avait pas doté les Eruhíni du libre-arbitre, ceux- ci ne feraient pas de choix tout simplement et ne pourraient pas être marris: On ne marrit pas des marionnettes.
Edrahil : Je suis assez d'accord avec cette idée [...]
Pas moi :) Enfin si :) Mais attention dans le choix des mots ; tu fais ici, Stéphane, une confusion entre Marrissement et Corruption. Le premier ne nécessite aucun libre-arbitre justement : il s'impose à la matière ; il est cet élément melkorien disséminé dans toute la chair d'Arda qui introduisit, dans la matière, le mal ou plus exactement la tendance, l'induction au mal, c'est-à-dire à l'écartement par rapport au dessein divin [MR/334]. Le Marrissement se caractérise spécialement par son inévitabilité (cf. la partie I.4 du Marrissement d'Arda - une traduction française pour Marring) ... au contraire de la corruption des fëar à laquelle tu fais ici référence : la corruption de l'âme (le Conte d'Arda sans aller jusqu'à en faire une restriction a privilégié la dialectique de corruption pour toute corruption spirituelle ...), en effet, est directement fonction de sa liberté d'y céder. Je reformulerais pour ma part ainsi : Cependant, je pense que le libre-arbitre est nécessaire pour qu'une corruption puisse être effective. Le Marrissement est, entre autre, la tentation mais le choix final revient aux êtres tentés. Je veux dire que si Eru n’avait pas doté les Eruhíni du libre-arbitre, ceux- ci ne feraient pas de choix tout simplement et ne pourraient pas être corrompus: On ne corrompt pas des marionnettes.
Stalker : D’ailleurs, c’est parce que les êtres qui sont corrompus avaient choisi de l’être qu’ils sont potentiellement condamnables moralement.
Exactement :)
Edrahil : [...] et je ne pense pas inutile de mettre en parallèle un extrait de l'Osanwë-kenta - 'Enquiry into the Communication of Thought' :
There is indeed no axan that the barrier [of Unwill] should not be forced, for it is únat, a thing impossible to be or to be done, and the greater the force exerted, the greater the resistance of the unwill. (...)Melkor repudiated all axani. He would also abolish (for himself) all únati if he could. But this he could not do.(...) Therefore he tried deceit and stealth. In this way he won entry into many minds, removing their unwill, and unlocking the door by the only key, though his key was counterfeit.(...) Those who listened and did not close the door were too often already inclined to his friendship.
axan, pl. axani 'law, rule, commandment; as primarily proceeding from Eru'.
únat, pl. únati 'a thing impossible to be or to be done'
Ainsi Melkor ne pouvait corrompre les esprits sans une participation, et donc une faute, de leur part.
Excellent ! :) C'est exactement cela !!! Sans aucun doute la meilleure référence ! (hum ... et je ne l'ai pas inclue dans la partie qui allait bien dans mon étude sur le Marrissement : par rapport à la distinction entre corruption et marrissement - shame :))
Stalker : [...] si on est d’accord pour affirmer que le libre-arbitre des êtres est nécessaire pour qu’ils soient corrompus quand ils subissent le Marrissement, peut on affirmer que ce dernier, en tant que action de Melkor sur Arda, n’est plus vraiment nécessaire pour que la corruption existe ? Posé autrement : Si Melkor n’était pas devenu le Marrisseur et étant donné que les Eruhíni sont dotés du libre arbitre, ont ils pour autant suffisamment de liberté et de pouvoir pour se corrompre eux même et corrompre les autres ? Le Marrissement n’est il pas potentiellement présent dans chaque être ? (Auquel cas, il ne serait plus un acte propre à Melkor) Peut on imaginer que dans Arda Immari, les Eruhíni n’auraient jamais eu de « mauvaises pensées » ?
Edrahil : Ce qui m'intrigue, moi, là-dedans, c'est de savoir, si Melkor est effectivement le Marrisseur d'Arda, comment Melkor a pu lui-même être marri... Car s'il s'écarte d'Eru de son plein gré, c'est que le Marrissement était déjà à l'oeuvre avant que Melkor ne marrisse Arda... Y aurait-il Marrissement avant le Marrissement ?
Melkor n'a pas eu recours au Marrissement pour corrompre systématiquement. Le meilleur exemple étant la corruption des Ainur de moindre rang que lui avant même d'entrer en Arda. Le Marrissement, je dirais, est "l'expression dans la Chair du détournement du Plan d'Eru" (i.e. Arda Marrie / Arda Immarrie), mais je pense qu'il reste bien l'apanage de Melkor - peut-être Sauron (à une échelle radicalement différente) avait-il un pouvoir analogue : comparer l'Anneau de Morgoth et l'Anneau de Sauron, tous deux, à ce que je juge, étant du Marrissement ; mais comparer aussi la différence d'échelle -. Le Marrissement est tentation, dé-s-ordre, inscrit dans la Chair d'Arda et donc celle des In-carnés. C'est l'expression physique du Morgoth en Arda. Donc bien entendu, à mon avis, que le Marrissement n'est pas indispensable pour faire chuter les Eruhíni. Il est d'ailleurs un marrissement qui a été provoqué par une corruption : dans le Conte d'Adanel, ce ne sont pas les souffrances les peines et les désordres d'Arda qui font pécher les premiers Pères des Hommes, mais une tentation spirituelle :
« Vous pourriez être vêtus comme je le suis. [...] Si vous voulez me ressembler [...] je vous enseignerai. » 4
S'en suivent le dé-s-ordre, la Chute et le Marrissement des Hommes i.e. la marque du Tentateur dans leur chair et Condition mêmes, plus que pour les Elfes qui en tant que peuple n'ont pas chuté ... Corruption et marrissement s'appellent et s'induisent l'un l'autre. Mais Le Marrissement demeure une puissance de tentation particulièrement terrible. Car elle ajoute à la tentation (spirituelle) de pouvoir, d'orgueil et d'envie (contre laquelle le fëa peut se fermer - cf. l'avis de Pengoloð dans l'Ósanwe-kenta - soit béni mon cher Christophe), une tentation (matérielle) terrible et inévitable (que le hröa ne peut ignorer, sauf quelques exceptions + ou - partielles, dont peut-être en pays d'Aman) qui est celle occasionnée par la souffrance, comme une épine perpétuelle dans le corps de chacun qui invite en permanence au découragement, à la peur, et à la Désespérance, l'arme la plus terrible de l'Ennemi.
Jérôme :)
PS : Edrahil : Au secours !! A qui le dis-tu ! :)
Sont vraiment incorrigibles, ces informaticiens... :)
4 « Ye could be clad even as I. [...] If ye wish to be like me [...] I will teach you. » [MR/346]
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Edrahil : ça fait un certain temps que je me dis qu'il faut que je commence vraiment à participer à JRRVF... il semble que j'aie aujourd'hui le courage de me lancer, alors j'y vais... :)
miam!
Je ne sais pas si tu as bien fait d'attendre tout ce temps, mais en tout cas tu as bien fait de t'y mettre! Merci Edrahil :-) Et que chaque fois que du "participe vraiment à JRRVF" tu puisses épater Jérôme comme cette fois, pour sa grande joie (cf. sa dernière signature) et pour la notre :-))
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Une chose, quand même, histoire de préciser les choses justment (et j'ose croire que Jérôme sera d'accord ;-)).
Distinguer la natur des Hommes de celle des Elfes en disant que les premiers ont chuté en tant que peuple, c'est reprendre une expression de Tolkien dans une de ses lettres non? Il me semble que cette précision lui permet d'être en accord avec toute la doctrine du péché originel.
Mais dans le Légendaire,le marrissement de la chair concerne bien tous les Elfes et tous les hommes. C'est ainsi que je
comprend la fin de la Quenta Silmarillion :
Yet the lies that Melkor, the mighty and accursed, Morgoth Bauglir, the Power of Terror and of Hate, sowed in the hearts of Elves and Men are a seed that does not die and cannot be destroyed; and ever and anon it sprouts anew, and will bear dark fruit even unto the latest days.
waoww...ça calme lorsqu'on le lit à haute voix ;-)
Noter le singulier dans "a seed that does not die" : c'est la même semence qui est au coeur des Elfes comme aux coeurs des Hommes.
Sosryko
qui doit s'en aller
et qui, n'ayant plus de temps,
en profite pour remercier Yyr pour ce qu'il sait ;-))
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Merci encore à Yyr pour ces éclaircissements.
Ma confusion dans le message entre Marrissement et Corruption vient de ma considération que le premier est un moyen pour parvenir au deuxième (est qui une fin).
J’étais parti du principe que Melkor a marri la matière parce que cette dernière compose les hröar, c’était pour lui un moyen indirect de dominer les Eruhíni. Melkor avait un certain contrôle direct sur le matériel mais aucun sur les fëar (si ce n’est par la peur, la tromperie, etc) puisque c’est une impossibilité (únat pour reprendre le terme de l'extrait cité par Edrahil). Donc, si Melkor marrissait, par exemple, un vulgaire caillou dont la matière ne composera jamais un hröa, cela ne lui servirait pas, contrairement, par exemple, au marrissement d’une terre d’où pousseront des plantes qui entreront dans la chaîne alimentaire des Eruhíni, pour être concret et précis.
A la place de « Melkor ne marrit pas de marionnette » mais j’aurais dû plutôt dire « ça n’a pas de sens de marrir une marionnette » car étant inconsciente, une marionnette ne peut être corrompue.
Melkor n'a pas eu recours au Marrissement pour corrompre systématiquement.
Si je synthétise:
Non seulement le Marrissement n’est pas une condition suffisante mais elle n’est pas non plus nécessaire corrompre.
Peut on aller plus loin en affirmant que les Eruhíni peuvent être corrompus sans Melkor ?
Si oui, on arriverait à une étrange conclusion : si ni Melkor, ni le Marrissement ne sont nécessaires pour que les êtres puissent être corrompues, cela reviendrait à affirmer que la corruption peut exister même dans Arda Immarrie!
(Qu'on m'arrête tout de suite si je viens de dire une grosse bêtise)
Le fait même que les Eruhíni soient dotés du libre-arbitre n’est il pas suffisant pour expliquer la possibilité de l’inclinaison vers le mal, que Arda soit Immarie ou non?
P.S. Bon ok, j’arrête avec mes images d’informaticien (pourtant, je trouve que cette analogie avec un administrateur système et un simple utilisateur est pertinent, moi :-P)
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oups.. une petite faute:
Il faut lire:
"Non seulement le Marrissement n’est pas une condition suffisante mais elle n’est pas non plus nécessaire pour corrompre."
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Jérôme >> Melkor n'a pas eu recours au Marrissement pour corrompre systématiquement. Le meilleur exemple étant la corruption des Ainur de moindre rang que lui avant même d'entrer en Arda.
Hmm... Marrissement n'était peut-être pas le mot juste. Mon interrogation portait en réalité sur le fait qu'il y ait déjà tentation et inclination au Mal avant même que l'on parle de Marrissement, Melkor étant l'exemple le plus flagrant. Ce qui rejoint effectivement la question de Stéphane, à savoir : y aurait-il tout de même une inclination au Mal en Arda Immarie ?
Jérôme² >> Il est d'ailleurs un marrissement qui a été provoqué par une corruption : dans le Conte d'Adanel, ce ne sont pas les souffrances les peines et les désordres d'Arda qui font pécher les premiers Pères des Hommes, mais une tentation spirituelle
J'ai un peu de mal à te suivre. :)
Ce qui amène les Premiers Pères des Hommes à pêcher, c'est effectivement la tentation spirituelle dont tu parles, mais aussi le fait qu'ils soient soumis au Marrissement, qu'ils aient donc une inclination naturelle au Mal. Je ne vois pas ici en quoi le marrissement est provoqué par la corruption...
Jérôme³ >> Mais Le Marrissement demeure une puissance de tentation particulièrement terrible. Car elle ajoute à la tentation (spirituelle) de pouvoir, d'orgueil et d'envie, (...) une tentation (matérielle) terrible et inévitable (...) qui est celle occasionnée par la souffrance, comme une épine perpétuelle dans le corps de chacun qui invite en permanence au découragement, à la peur, et à la Désespérance, l'arme la plus terrible de l'Ennemi.
Mais... cette "tentation spirituelle de pouvoir, d'orgueil et d'envie" n'est-elle pas, elle aussi, une résultante du Marrissement ? Est-ce à dire, pour en revenir à ma première question, qu'elle pourrait exister en Arda Immarie ?
J'ai comme l'impression de m'embrouillationner un peu... :)
C.
PS : Jérôme > Bêta, va :) Beh oui... Toi qui fais dans l'informatoque, tu dois bien le savoir, qu'il faut parfois des versions Bêta avant les versions définitives. :) Sosryko > Merci pour ces encouragements que je prends comme un cadeau précieux. :) Stalker > P.S. Bon ok, j’arrête avec mes images d’informaticien (pourtant, je trouve que cette analogie avec un administrateur système et un simple utilisateur est pertinent, moi :-P) Et la Faërie dans tout ça ? ;-)
Et si je n'ai pas participé auparavant aux discussions de la sorte, c'était, soit qu'elles me dépassaient un tantinet, soit que j'étais trop intimidé pour me lancer... ;-)
Pour info, le topic du chat, avant-hier, était constitué de ta phrase criminelle, suivie de "R.I.P Poésie, 100 000 av JC - 2004 ap JC". C'est un certain Gours qui en a eu l'idée... :-D
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Bon, difficile de reprendre après tout cela, en si peu de temps qu'il m'est accordé.
Cela dit, je rejoins Yyr lorsqu'il dit que le marrissement n'est pas fonction du libre arbitre.
La terre n'a pas de libre arbitre, et elle est bien marrie ("corrompue" quand même, quoique tu veuilles donner à ce mot un sens moral).
Sur la question d'un marrissement sans Melkor, d'abord voyons bien que le marissement est un pouvoir sur la matière qu'aucun homme n'aura jamais (à moins de taguer des arbres au couteau... c'est faible). Parlons donc plutôt de corruption. L'homme, sans Melkor, aurait-il pu se corrompre, et chuter. et d'où vient la propre corruption de Melkor ?
Sur cette dernière question, Tolkien donne des explication: l'impatience.
Melkor était le seul Ainur à explorer le vide, et ce faisant il lui est arrivé deux choses:
Cette distance, cette curiosité, cette impatience ont donc créé Melkor... qui était par ailleurs le plus puissant des Ainurs. Nul doute qu'avec un Ainur moins puissant, une telle découverte n'eût pas éveillé en lui des désirs d'aller plus vite que la musique... (sinon pour Aulë, mais on a vu qu'il s'était incliné).
Cela dit, si Melkor n'avait pas marri le monde, qu'en aurait-il été des hommes et des elfes ?
Eh bien ils auraient été sujets, tout comme Aulë et Melkor, à des idées distinctes de la volonté divine, voire opposées, sans doute. Mais pour cela, il faut une intelligence et une pénétration des choses du monde dont peu d'hommes peuvent se prévaloir. Les hommes auraient travaillé dans le monde sans se demander s'il ne serait pas plus malin d'aller à l'encontre de la nature des choses.
un sage, peut-être, aurait pu en venir à avoir de telles idées.
Cependant, il n'aurait pas pu marrir le monde ! C'est à dire que si l'idée de contredire la nature pouvait naître avec ou sans Melkor (quoique ce soit plus difficile sans son intelligence supérieure), l'inclination au mal n'aurait pas pour autant existé !
l'inclination au mal, c'est précisément ce marrissement qui fait que l'homme confonde le bien et le mal, et trouve dans l'idée même de mal (comme opposition au bien) un certain attrait (une manière de s'affirmer ?)
Sans Melkor et son marrissement, donc, l'idée de contevenir à la nature des chose aurait sans cesse été à redécouvrir, et le choix du mal aurait sans cesse été une nouvelle lutte contre le choix du bien.
Alors qu'avec Melkor, la balance est faussée, et penche toujours plus facilement du côté du mal (perçu comme plus facile, procurant plus de rétribution) que du côté du Bien, perçu comme plus difficile, et donnant moins de résultats.
Il n'y aurait donc pas marrissement dans Arda immarie, mais faute possible dans Arda immarie, et faute choisie en toute liberté, pour le coup !
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Stalker>>
"Donc, si Melkor marrissait, par exemple, un vulgaire caillou dont la matière ne composera jamais un hröa, cela ne lui servirait pas, contrairement, par exemple, au marrissement d’une terre d’où pousseront des plantes qui entreront dans la chaîne alimentaire des Eruhíni, pour être concret et précis."
Je comprends ton propos, mais un simple caillou peut entrer dans le marrissement d'Arda. Ce peut être un caillou tranchant pour le pied d'un pauvre hobbit dans un paysage hostile comme la plaine du Mordor et ainsi, même ce £#@%*)+ de fichu caillou est marri.
A priori, seul Aman (ce qui y vit et la matière qui compose cette contrée) échappe au marrissement, et comme le dit Tolkien Morgoth s'est plus intéressé à certaines matières que d'autres : quelques matières sont moins corrompues, comme l'Argent (le métal) tandis qu'à l'inverse d'autres sont plus corruptibles comme l'Or... La citation dans HoME sur ce sujet a déjà été donnée ici (13ème post) et là (13ème et 16ème posts) (et il faudrait encore parler du cas particulier de l'eau toujours habitée par l'esprit d'Ulmo).
Silmo
(et merci de relancer un aussi beau sujet)
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Je vais revenir sur ce qui a été dit dernièrement en commençant par le conte d’Adanel car tout est lié.
Je vais faire une traduction rapide d’un passage du conte d’Adanel (pardonnez donc les fautes et maladresses, d’habitude, Idalès m’épaule pour les traductions)
In that time we called often and the Voice answered. But it seldom answered our questions, saying only: 'First seek to find the answer for yourselves. For ye will have joy in the finding, and so grow from childhood and become wise. Do not seek to leave childhood before your time.'
But we were in haste, and we desired to order things to our will; and the shapes of many things that we wished to make awoke in our minds. Therefore we spoke less and less to the Voice.
The 'Tale of Adanel', HoME X
En français stalkerien, ça donne:
En ce temps nous appelâmes souvent et la Voix répondit. Mais elle répondait rarement à nos questions, disant seulement : « Cherchez d’abord la réponse par vous même. Vous trouverez la joie dans la découverte et ainsi, vous grandirez et deviendrez sages. Ne cherchez pas à quitter l’enfance avant votre temps ».
Mais nous étions pressés et nous désirions ordonner les choses selon notre volonté ; et beaucoup de choses que nous rêvons de créer apparurent dans nos esprits. Nous parlons de moins en moins à la Voix.
Ensuite, Melkor apparut devant les Hommes et vous connaissez la suite de l’histoire.
Ce passage montre que les Hommes étaient impatients de comprendre, de créer dès leur naissance et qu’ils avaient une certaine volonté de contrôler, voire de dominer leur environnement. (par envie de confort? par paresse?)
Indépendamment de Melkor donc, les Hommes avaient déjà un défaut : l’impatience !
A priori, cette impatience n’est pas dû au Marrissement. Aulë a été lui même impatient.
Même si Melkor ne les avait pas corrompus par la suite, rien ne pouvait empêcher un homme d’être particulièrement impatient et envieux par nature et de chercher à dominer les autres pour les asservir pour combler des désirs égoïstes. L’ inclinaison au Mal peut exister sans Melkor ni Marrissement. Elle peut exister dans Arda Immarrie.
Sur ce point donc, je ne suis pas d’accord avec Vinyamar.
> Vinyamar:
Cependant, il n'aurait pas pu marrir le monde ! C'est à dire que si l'idée de contredire la nature pouvait naître avec ou sans Melkor (quoique ce soit plus difficile sans son intelligence supérieure), l'inclination au mal n'aurait pas pour autant existé !
A moins que « l'inclination au mal » ici ait un sens particulier ?
L’ «idée de contredire la nature» peut naître sans Melkor, l’idée de sacrifier les autres pour le bénéfice de soi ou l’idée de dominer les autres peuvent aussi exister sans Melkor.
En fait, j’ai une idée assez restreinte de l’action du Marrissement:
Comme Finrod l’a dit dans l’Athrabeth (1), le Marrissement diminue physiquement la vie d’Arda.
C’est ainsi qu’on peut expliquer la lassitude de Míriel. Si le Marrissement peut causer la « mort » de Míriel, il n’explique pas forcément son désir de ne pas se réincarner.
On peut supposer que cette lassitude de la vie est aussi causée par le Marrissement mais peut être que l’envie de Míriel de ne pas revenir à la vie était un choix sous aucune contrainte liée au Marrissement.
Plaçons nous dans Arda Immarrie et imaginons qu’un elfe y meurt dans un accident.(2)
Sa « mort » n’est pas causée par le Marrissement.
Y a t il quelque chose qui puisse empêcher cet elfe de ne pas désirer de revenir à la vie comme Míriel?
Un tel acte serait contraire à la nature des choses dictée par Eru, on peut considérer cela comme un faute, un manque d’Estel. Cette faute peut entraîner du tord aux autres (causer du « mal » donc), de la même manière que celle de Míriel.
> Vinyamar:
Sans Melkor et son marrissement, donc, l'idée de contevenir à la nature des chose aurait sans cesse été à redécouvrir, et le choix du mal aurait sans cesse été une nouvelle lutte contre le choix du bien.
Alors qu'avec Melkor, la balance est faussée, et penche toujours plus facilement du côté du mal (perçu comme plus facile, procurant plus de rétribution) que du côté du Bien, perçu comme plus difficile, et donnant moins de résultats.
Oui mais sans Melkor, le « mal » peut donc exister (même si on suppose que y céder serait plus difficile). La seule différence entre Arda Immarrie et Arda Marrie est la probabilité que le Mal existe ?
> Vinyamar:
Il n'y aurait donc pas marrissement dans Arda immarie, mais faute possible dans Arda immarie, et faute choisie en toute liberté, pour le coup !
Je suis d’accord sur ta conclusion, dans Arda immarrie, il n‘y a pas de Marrissement (heu, c’est un pléonasme), mais faute il peut avoir et les fautes peuvent entraîner le « mal ».
En toute rigueur, Arda Immarrie est « Arda sans Melkor, libre de tout mal ». J’ai toujours supposé (à tord ?) qu’une telle Arda serait parfaite et le Mal inexistant.
Soit ma définition d’Arda Immarrie est inexacte, soit il faut accepter que le Mal peut exister dans même dans Arda Immarrie (bien qu’il n’existera pas forcément mais plus habitants sont nombreux, plus il est probable d’avoir quelques tyrans dans le tas qui voudront imposer leurs idées du « Bien »)
(1)
'That I can well believe,' said Finrod: 'that your bodies suffer in some measure the malice of Melkor. For you live in Arda Marred, as do we, and all the matter of Arda was tainted by him, before ye or we came forth and drew our hroar and their sustenance therefrom: all save only maybe Aman before he came there.(1) For know, it is not otherwise with the Quendi themselves: their health and stature is diminished. Already those of us who dwell in Middle-earth, and even we who have returned to it, find that the change (3) of their bodies is swifter than in the beginning. And that, I judge, must forebode that they will prove less strong to last than they were designed to be, though this may not be clearly revealed for many long years.
Athrabeth Finrod Ah Andreth, HoME X
(2)
Silmo, je pense qu’un caillou n’a pas besoin d’être marri pour qu’on puisse, par exemple, trébucher avec accidentellement ;-)
Et un caillou tranchant, ça peut servir d’outil! Ce n’est pas forcément « mal ».
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Stalker,:-)
Ce que je voulais dire c'est qu'un simple caillou a priori anodin (et inofensif isolément) lorsqu'il est au milieu de milliers d'autres cailloux du même genre et tout aussi tranchants dans la plaine de Mordor (ce n'est qu'un exemple) devient un élément d'un lieu corrompu du fait des activités de Morgoth ou de ses serviteurs.... et par le fait, ce caillou est tout marri.
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Yyr : S'en suivent le dé-s-ordre, la Chute et le Marrissement des Hommes i.e. la marque du Tentateur dans leur chair et Condition mêmes, plus que pour les Elfes qui en tant que peuple n'ont pas chuté ...
Sosryko : Une chose, quand même, histoire de préciser les choses justement (et j'ose croire que Jérôme sera d'accord ;-)). Distinguer la nature des Hommes de celle des Elfes en disant que les premiers ont chuté en tant que peuple, c'est reprendre une expression de Tolkien dans une de ses lettres non? Il me semble que cette précision lui permet d'être en accord avec toute la doctrine du péché originel. Mais dans le Légendaire,le marrissement de la chair concerne bien tous les Elfes et tous les hommes. C'est ainsi que je comprend la fin de la Quenta Silmarillion :Yet the lies that Melkor, the mighty and accursed, Morgoth Bauglir, the Power of Terror and of Hate, sowed in the hearts of Elves and Men are a seed that does not die and cannot be destroyed; and ever and anon it sprouts anew, and will bear dark fruit even unto the latest days.waoww...ça calme lorsqu'on le lit à haute voix ;-)Noter le singulier dans "a seed that does not die" : c'est la même semence qui est au coeur des Elfes comme aux coeurs des Hommes.
En fait, si le Marrissement d'Arda est strictement l'inscription dans la chair d'un écartement du plan divin, il est peut-être difficile d'user du même terme pour l'inscription d'un mal non plus dans le corps mais dans le cœur des Enfants - bien qu'on puisse sans doute employer le terme par métonymie à toute l'œuvre de Melkor ; ce que tu fais ici, sous-entendant ainsi le marrissement des coeurs : les mensonges de Melkor ont produit à leur tour une entrave, un abîmement, généralisé du cœur des Enfants, comme pour le Marrissement de la chair en Arda.
Le Marrissement d'Arda est-il le même pour les Elfes et pour les Hommes ? ou les Hommes sont-ils spécialement victimes de Melkor, d'une manière particulière ? La question est très intéressante. Je doute que la réponse soit claire pour les Sages, et je pense avoir laissé entendre une réponse un peu trop définitive dans ma phrase. La question s'est d'ailleurs déjà posée :
« Les Eldar vinrent à apprendre que, selon la tradition des Edain, les Hommes croyaient que leurs hröar n'étaient pas mortels par nature, mais qu'ils l'étaient devenus par la malice de Melkor. Ce que voulaient dire les Hommes n'était pas clair pour les Eldar : par le marrissement général d'Arda (qu'ils tenaient eux-mêmes pour être la cause du déclin de leurs propres hröar) ; ou par une malice particulière contre les Hommes en tant qu'Hommes qui fut accomplie dans les âges sombres avant qu'Edain et Eldar ne se rencontrent en Beleriand ; ou par les deux. » 5
Les Sages (et Finrod) avaient du mal à croire que Melkor pouvait agir "spécialement" de sorte à provoquer le marrissement particulier de tout un peuple : changer radicalement la nature, la condition des Hommes et rendre ce changement héritable ; c'est pourquoi Finrod suppose plutôt dans l'Athrabeth que le changement de la conditon des Hommes, si changement il y eut, fut le fait d'Eru (bien que provoqué par Melkor) (aucune réponse sure et définitive ne sera donnée, mais cette hypothèse demeure l'hypothèse principale du roi Elfe ; noter toutefois, plus loin dans HOME X, au sujet des Orques, que l'on nuance cette estimation en disant que « Finrod probablement est allé trop loin dans son assertion selon laquelle Melkor ne pouvait pas corrompre entièrement une œuvre d'Eru, [...] » 6 - sauf erreur, je crois que cela fait précisément référence au jugement de Finrod dans l'Athrabeth concernant l'impossibilité pour Melkor d'avoir changé la condition des Hommes)
Considérant le Marrissement d'Arda en tant que tel, rien ne permet de penser effectivement qu'il exerce une pression différente sur les Hommes. Mais il me paraît important de noter que, et la nuance est importante, le fëa des Hommes ayant un pouvoir bien moindre que celui des Elfes sur leur hroä, à pression égale, ils doivent en souffrir plus. Ce que confirme peut-être le Commentaire de l'Athrabeth ci-après, commentaire très intéressant en plus comme il fait le lien lien avec la question de la Chute des Hommes :
« A strictement parler, [Finrod] dirait que Melkor n'avait pas 'changé' les Hommes, mais les avait 'séduits' (dans une allégeance à lui-même) très tôt dans leur histoire, de sorte qu'Eru avait changé leur 'destin'. Car Melkor pouvait séduire des esprits et des volontés individuels, mais il ne pouvait pas en faire un héritage, ou altérer (s'opposant au dessein ou à la volonté d'Eru) la relation de tout un peuple au Temps et à Arda. Mais le pouvoir de Melkor sur les choses matérielles était vaste à l'évidence. Il avait marri l'ensemble d'Arda (et en fait probablement bien d'autres parties d'Eä). Melkor n'était pas uniquement qu'un Mal localisé sur Terre, non plus qu'un Ange Gardien de la Terre ayant mal tourné : il était l'Esprit du Mal, qui avait surgi avant même la création d'Eä. Sa tentative pour dominer la structure d'Eä, et d'Arda en particulier, et altérer les desseins d'Eru (qui gouvernait toutes les interventions des Valar fidèles), avait introduit le mal, ou une tendance à l'aberration par rapport au dessein, dans toute la matière physique d'Arda. C'était pour cette raison, sans aucun doute, qu'il avait entièrement réussi avec les Hommes, mais seulement partiellement avec les Elfes (qui en tant que peuple n'avait pas 'chuté'). Son pouvoir s'exerçait sur la matière, et à travers elle. Mais par nature les fëar des Hommes avaient un contrôle bien moins puissant de leurs hröar que celui des Elfes. Des Elfes en tant qu'individus pouvaient peut-être être séduits en une sorte de 'Melkorisme' mineur : désirer être leurs propres maîtres en Arda, et disposer des choses selon leurs vues, ce qui pouvait les amener dans des cas extrêmes à se rebeller contre la tutelle des Valar ; mais aucun n'était jamais entré au service ou n'avait prêté allégeance à Melkor lui-même, ou n'avait nié l'existence et la suprémacie absolue d'Eru. Des choses terribles de la sorte, Finrod le devine, devaient avoir été accomplies par les Hommes, dans leur ensemble [...] » 7
La notion de Chute n'est, à ma connaissance, jamais employée comme telle dans le Conte lui-même, mais n'apparaît-elle pas en filigrame tout au long du Conte ? elle est en tout cas ici explicite dans l'un de ses longs commentaires directs (voir les occurences successives de « unfallen Man » [MR/333-4]) pour décrire « la condition de l'Homme avant le désastre (ou comme nous dirions, de l'Homme prélapsaire) [...] » 8 (mmm ... prélapsaire (du latin lapsare 'glisser, tomber' ou lapsus 'chute, faute') me semble correspondre adéquatement (depuis peu ;)), mais je ne le trouve pas dans mes dictionnaires ?!!). Il est donc très juste de relever que l'expression employée quant à la Chute des Hommes et celle d'un état avant la Chute est une expression externe et non appartenant au Conte. Mais personnellement, je rejoins (très naturellement) cette lecture : outre le Marrissement général d'Arda, il est clair que les Hommes affrontent autre chose en tant qu'Hommes, une chose terrible qui leur est propre, cette Ombre derrière eux, dont ils ne parlent pas. Comparer les mots du roi Elfe :
« Les autres créatures de la Terre du Milieu aussi nous les aimons à leur mesure et dans leur genre : les bêtes et les oiseaux qui sont nos amis, les arbres, et même les fleurs ravissantes qui passent encore plus rapidement que les Hommes. » 9
avec ceux que rapporte le Conte d'Adanel :
« Par la suite, nous fûmes gravement affligés, par l’épuisement et la faim et la maladie ; et la Terre et toutes choses en elle étaient irritées contre nous. Le Feu et l'Eau se rebellaient contre nous. Les oiseaux et les bêtes nous évitaient, ou, s'ils étaient forts, nous assaillaient. Les plantes nous donnaient du poison ; et nous prîmes peur des ombres sous les arbres. » 10
La condition des Hommes, contrairement à celle des Elfes, n'a-t-elle pas été changée au-delà de ce qu'implique le Marrissement d'Arda ? (bien que ces dernières citations ici ne soient peut-être pas les plus appropriées, les effets décrits, eux, pouvant s'expliquer par la différence originelle de condition entre Elfes et Hommes, les fëar des premiers ayant meilleur contrôle sur leurs hröar étant donc bien plus à même d'endurer le Marrissement ... mais le Conte d'Adanel laisse bien entendre que ces conséquences sont dues au désastre ...)
Yyr : Il est d'ailleurs un marrissement qui a été provoqué par une corruption [...]
Edrahil : J'ai un peu de mal à te suivre. :) Ce qui amène les Premiers Pères des Hommes à pêcher [le poisson ? hi ! hi ! :) ... pécher ;)], c'est effectivement la tentation spirituelle dont tu parles, mais aussi le fait qu'ils soient soumis au Marrissement, qu'ils aient donc une inclination naturelle au Mal. Je ne vois pas ici en quoi le marrissement est provoqué par la corruption...
Mmm ... Mon idée est compliquée. J'avais alors (et aussi quand je disais que "corruption et marrissement s'appellent et s'induisent l'un l'autre") en mémoire ce passage :
« Il semble préférable de considérer le pouvoir corrupteur de Melkor comme débutant, tout au moins, à un niveau moral ou théologique. Quelque créature que ce soit qui le prît pour Seigneur (et spécialement ceux qui, blasphémant, l'appelèrent Père ou Créateur) devenait vite corrompu dans toutes les parties de son être, le fëa entraînant le hröa dans sa descente dans le Morgothisme : haine et destruction. » 11
Et en disant qu' "un marrissement [avait] été provoqué par une corruption" je faisais référence à un éventuel marrissement spécial de la condition humaine provoqué par la Chute des Hommes. Mais il est ambigü de parler ainsi, à plus d'un titre :
Si désastre il y eut, d'où vient-il ? La Corruption (étymologiquement "rupture avec" [Eru]) des Atani les aurait-elle "juste" rendus plus vulnérables au Marrissement d'Arda, et abattu leur résistance face à celui-ci et les aurait-elle ainsi fortement diminués ? Finrod semble rejeter d'emblée cette éventualité, sans doute parce que le changement décrit par Andreth semble trop profond pour cela. Je le rejetterai aussi, pour d'autres raisons indiquées plus bas. Ou bien, l'abjuration d'Eru étant quelque chose de si dramatique, leur condition naturelle a-t-elle été fondamentalement changée ? A-t-elle alors été changée en Bien (ajouter des limites aux Enfants pour les empêcher de partir dans le Néant) ou en Mal (affliger les Enfants et accentuer le Marrissement à leur encontre) ? i.e. Par Eru ou par Melkor ?
L'emploi de la terminologie du marrissement à l'intention d'un sujet autre qu'Arda étant rarissime dans le Conte, et l'Athrabeth étant le seul endroit où survient cette particularité (dans l'un de ses titres : « De la Mort et des Enfants d'Eru, et du Marrissement des Hommes » 12), nous sommes dans un premier temps tentés d'opter pour la deuxième option, i.e. d'en confier l'action à Melkor. Ce n'est d'ailleurs que la position naturelle d'Andreth et de la plupart des Sages des Edain je le devine. Mais Finrod s'y oppose : selon lui, un tel changement, si l'état originel des Hommes était bien tel que rapporté par Andreth, ne peut avoir été, du moins dans sa réalisation (pas forcément son induction), que le fait d'Eru. Dans ce cas, que penser que l'usage du terme de Marrissement des Hommes par le rapporteur de l'Athrabeth ? En fait, bien qu'il renvoie explicitement au Marrissement d'Arda, je ne pense pas qu'il renvoie forcément ici de manière directe au Marrisseur ; il peut très bien avoir été employé pour donner une description objective, par comparaison avec celui subi par Arda dans son ensemble, d'un changement profond par rapport au dessein originel, ou bien (plus probablement à mon avis), l'auteur de l'Athrabeth considère in fine que, qui que soit l'acteur direct du changement de la condition des Hommes (a priori Eru), celui qui en est la première cause est bien le Tentateur, qui a séduit et attiré ses victimes : le Marrisseur.
Si Eru est bien à l'origine du changement, les choses se compliquent inévitablement, puisqu'en cet endroit tout spécialement, Melkor n'aura pas manqué de jeter ses ombres (« Qu'est-ce qu'il est méchant Eru ... ») : mais le désastre est-il dans le changement de la condition des Hommes ou dans la manière avec laquelle il a été reçu ? Car dans le même temps, l'Ennemi confondait dans l'esprit des Hommes la mort avec le Néant, et le chemin de confiance et de filiation d'Eru avec la peur. Il s'agit certainement de distinguer, comme toujours, ce qui vient d'Eru, de ce que ne manque jamais d'y mêler le Marrisseur. Notons enfin que l'hypothèse selon laquelle l'intervention fondamentale est d'Eru est appuyée si l'on envisage que la grâce accordée plus tard aux Dúnedain de Númenor (principalement une longévité plus grande - ou restaurée ?) n'est que le redressement de cette Chute (proposition émise par notre ami Stalker :)). Hélas, ce don sera à nouveau déçu ; l'Homme est-il décidemment trop faible pour vivre fort en Arda Marrie ? ...
Mais ma phrase était ambigüe encore à cause d'une autre chose ; elle peut laisser entendre par extension, que les fautes peuvent induire le Marrissement, et donc que le hröa subit les effets visibles des fautes du fëa ; ce qui est faux. Les sombres peuvent être autant en bonne santé que les purs, et ces derniers naître aveugle ou mourrir jeune - et, à ce que je sache, des hommes d'aujourd'hui parfois pires que des orques n'en ont pas encore pris les traits (physiques). Bien au contraire, les affres du Marrissement sont ceux qui sont imposés quelle que soit l'orientation du fëa ! Merci de ta vigilance, mon cher Christophe :)
Edrahil : Mais... cette "tentation spirituelle de pouvoir, d'orgueil et d'envie" n'est-elle pas, elle aussi, une résultante du Marrissement ? Est-ce à dire, pour en revenir à ma première question, qu'elle pourrait exister en Arda Immarie ?J'ai comme l'impression de m'embrouillationner un peu... :)
Stalker : Si je synthétise:Non seulement le Marrissement n’est pas une condition suffisante mais elle n’est pas non plus nécessaire corrompre. Peut on aller plus loin en affirmant que les Eruhíni peuvent être corrompus sans Melkor ?Si oui, on arriverait à une étrange conclusion : si ni Melkor, ni le Marrissement ne sont nécessaires pour que les êtres puissent être corrompues, cela reviendrait à affirmer que la corruption peut exister même dans Arda Immarrie! (Qu'on m'arrête tout de suite si je viens de dire une grosse bêtise) Le fait même que les Eruhíni soient dotés du libre-arbitre n’est il pas suffisant pour expliquer la possibilité de l’inclinaison vers le mal, que Arda soit Immarie ou non ?
Hou la :) J'ai trois fortes réticences à m'engager sur le terrain "en Arda Immarrie, ce serait ..." : 1) à vous lire j'ai l'impression que vous recherchez à saisir la parfaite cohérence d'un système, mais je ne crois pas qu'on puisse atteindre la complétude i.e. être à même de tout parfaitement modéliser (comme dans un système informatique ? ;)) le Conte d'Arda qui, comme le nôtre propre, ne peut tenir dans notre seule intelligence ; 2) plus encore lorsqu'il s'agit du mystère du Mal qui, à ce que je crois, n'aura pas, ici dans les brumes d'Arda Marrie, de réponse évidente et définitive ; 3) d'une manière particulière, vous voudriez que nous nous projetions en un monde qui « n'exista pas réellement » 13 et au sujet duquel nous avons peu de témoins ; tout cela me paraît beaucoup pour espérer trouver des réponses satisfaisantes, qui reposeraient sur des bases fermes ...
Ces précautions étant prises, je vais tout de même me livrer à quelques commentaires sur le propositions qui ont été faites :)
Vinyamar : Cela dit, si Melkor n'avait pas marri le monde, qu'en aurait-il été des hommes et des elfes ? Eh bien ils auraient été sujets, tout comme Aulë et Melkor, à des idées distinctes de la volonté divine, voire opposées, sans doute. Mais pour cela, il faut une intelligence et une pénétration des choses du monde dont peu d'hommes peuvent se prévaloir. Les hommes auraient travaillé dans le monde sans se demander s'il ne serait pas plus malin d'aller à l'encontre de la nature des choses. Un sage, peut-être, aurait pu en venir à avoir de telles idées. Cependant, il n'aurait pas pu marrir le monde ! C'est à dire que si l'idée de contredire la nature pouvait naître avec ou sans Melkor (quoique ce soit plus difficile sans son intelligence supérieure), l'inclination au mal n'aurait pas pour autant existé !L'inclination au mal, c'est précisément ce marrissement qui fait que l'homme confonde le bien et le mal, et trouve dans l'idée même de mal (comme opposition au bien) un certain attrait (une manière de s'affirmer ?) Sans Melkor et son marrissement, donc, l'idée de contevenir à la nature des chose aurait sans cesse été à redécouvrir, et le choix du mal aurait sans cesse été une nouvelle lutte contre le choix du bien. Alors qu'avec Melkor, la balance est faussée, et penche toujours plus facilement du côté du mal (perçu comme plus facile, procurant plus de rétribution) que du côté du Bien, perçu comme plus difficile, et donnant moins de résultats.Il n'y aurait donc pas marrissement dans Arda immarie, mais faute possible dans Arda immarie, et faute choisie en toute liberté, pour le coup !
Je m'accorde à ce sentiment ! :) - et je ne puis m'empêcher de dire mon admiration devant le talent que tu as d'éclaircir souvent nos problématiques lorsque nos questions se compliquent ... tu avais au moins 18 en philo, non ? grr ... ce que je suis jaloux :). Le Marrissement d'Arda est bien dans ce que tu décris ! Et mieux encore, si j'ose dire, car en parlant de ce qui fait « que l'homme confonde le bien et le mal » tu renvoies directement à l'un des sens étymologiques autant de marred que de marri qui est celui justement de la perte de son chemin, de la confusion ; ainsi je me permets de te renvoyer à ton commentaire plus haut : « La terre [est] bien marrie ("corrompue" quand même, quoique tu veuilles donner à ce mot un sens moral) » car, heu ... je ne veux rien "donner", moi :) comme sens aux mots du Conte, mais je souhaite que nos traductions lui soient fidèles :). Or, la terminologie du Conte d'Arda qui se cristallise dans les locutions Arda Marred, Arda Unmarred, Marrer, Marring ne doit rien au hasard si elle évite systématiquement la famille de corrupt, tandis que cette dernière est souvent (bien que non exclusivement) dans le Conte connotée plus moralement. Et l'une des différences, justement, est cette idée de "confusion" que tu mets toi-même en exergue, et qui accompagne les seules familles de mar et marrir. Mais tu as tout à fait raison, si l'on emploie une dialectique extérieure au monde secondaire d'Arda : en ce cas nous pouvons parler de corruption pour ce qui arrive à Arda ...
Silmo : Je comprends ton propos, mais un simple caillou peut entrer dans le marrissement d'Arda. Ce peut être un caillou tranchant pour le pied d'un pauvre hobbit dans un paysage hostile comme la plaine du Mordor et ainsi, même ce £#@%*)+ de fichu caillou est marri. A priori, seul Aman (ce qui y vit et la matière qui compose cette contrée) échappe au marrissement, et comme le dit Tolkien Morgoth s'est plus intéressé à certaines matières que d'autres [...]
Isil síla lyenna :)Je suis entièrement d'accord. Par rapport à ce "fichu caillou", c'est justement le Marrissement d'Arda qui fera, je pense, non pas qu'il soit tranchant, mais qu'il vienne sous le pied ! Dans l'idéal, les pieds se posent sur des sentiers sans entrave. Par rapport à Aman, il n'y a jamais d'affirmation sure et définitive quant à son immunité mais, effectivement, on laisse entendre qu'elle a vraisemblablement été protégée du Marrissement (le rôle d'une Faërie n'est-il pas de faire recouvrir une vue claire, non obscurcie par les brouillards du monde ? ;)) ... du moins jusqu'à ce que Melkor "y vienne" :
« [...] Car vous vivez en Arda Marrie, comme nous, et toute la matière d'Arda fut taintée par [Melkor], avant que vous ou nous n'y vinssions et n'en tiriassions nos hröar et leur nourriture : tout sauf seulement peut-être Aman avant qu'il n'y vînt. » 14
Stalker : Même si Melkor ne les avait pas corrompus par la suite, rien ne pouvait empêcher un homme d’être particulièrement impatient et envieux par nature et de chercher à dominer les autres pour les asservir pour combler des désirs égoïstes. [...] L’ «idée de contredire la nature» peut naître sans Melkor, l’idée de sacrifier les autres pour le bénéfice de soi ou l’idée de dominer les autres peuvent aussi exister sans Melkor.
Sans avoir d'argument là tout de suite pour te contredire, Stéphane, je ne puis te suivre ; comment affirmer tout cela ? que sait-on de ce qu'aurait été la nature des Hommes sans l'œuvre de Melkor ? Le seul exemple que j'ai en tête est au contraire le parfait contre-pied de l'impatience, de l'envie et de la domination.
Stalker : L’inclinaison au Mal peut exister sans Melkor ni Marrissement. Elle peut exister dans Arda Immarrie.
Là encore, et là particulièrement, je ne suis pas d'accord. Car Vinyamar parle de l'inclinaison au Mal en tant qu'attirance au Mal, qui est l'une des définitions même du Marrissement - et l'étymologie de ce qui est peut-être son équivalent elfique : l'úþahtië.
Stalker : Plaçons nous dans Arda Immarrie et imaginons qu’un elfe y meurt dans un accident.
Mais la chose est-elle seulement imaginable : est-elle seulement possible ? Cf. la référence que je donnerai sans doute là-bas :)
Stalker : Un tel acte serait contraire à la nature des choses dictée par Eru, on peut considérer cela comme un faute, un manque d’Estel.
J'en profite pour relever que la notion d'estel par exemple n'a pas de raison d'être invoquée en Arda Immarrie - pour autant que je puisse moi-même m'y projeter -, si, comme je le crois, l'Estel est la résistance au Marrissement, l'attente confiante de la Guérison d'Arda et des Enfants ... Adam et Eve avaient-ils lieu d'espérer en Eden ?
Stalker : En toute rigueur, Arda Immarrie est « Arda sans Melkor, libre de tout mal ».
Je l'ai moi-même écrit dans mon article ... mais je viens de me rendre compte que ce n'était pas « en toute rigueur » justement :). Car la référence la plus explicite en la matière est celle de l'Ósanwe-centa, qui dit, plus fidèlement :
« En "Arda Immarrie" (c'est-à-dire, dans des conditions idéales libres du mal) [...] » 15
Ce sont les conditions qui sont dites libres du Mal, ce qui rejoint ce que nous disions tous plus ou moins, mais tout spécialement Vinyamar ;)
Jérôme
5 « Now the Eldar learned that, according to the lore of the Edain, Men believed that their hröar were not by right nature short-lived, but had been made so by the malice of Melkor. It was not clear to the Eldar whether Men meant: by the general marring of Arda (which they themselves held to be the cause of the waning of their own hröar); or by some special malice against Men as Men that was achieved in the dark ages before the Edain and the Eldar met in Beleriand; or by both. » [MR/304]
6 « But Finrod probably went too far in his assertion that Melkor could not wholly corrupt any work of Eru, [...] » [MR/411]
7 « More strictly speaking, he would say that Melkor had not 'changed' Men, but 'seduced' them (to allegiance to himself) very early in their history, so that Eru had changed their 'fate'. For Melkor could seduce individual minds and wills, but he could not make this heritable, or alter (contrary to the will and design of Eru) the relation of a whole people to Time and Arda. But the power of Melkor over material things was plainly vast. The whole of Arda (and indeed probably many other parts of Eä) had been marred by him. Melkor was not just a local Evil on Earth, nor a Guardian Angel of Earth who had gone wrong: he was the Spirit of Evil, arising even before the making of Eä. His attempt to dominate the structure of Eä, and of Arda in particular, and alter the designs of Eru (which governed all the operations of the faithful Valar), had introduced evil, or a tendency to aberration from the design, into all the physical matter of Arda. It was for this reason, no doubt, that he had been totally successful with Men, but only partially so with Elves (who remained as a people 'unfallen'). His power was wielded over matter, and through it. But by nature the fëar of Men were in much less strong control of their hröar than was the case with the Elves. Individual Elves might be seduced to a kind of minor 'Melkorism': desiring to be their own masters in Arda, and to have things their own way, leading in extreme cases to rebellion against the tutelage of the Valar; but not one had ever entered the service or allegiance of Melkor himself, nor ever denied the existence and absolute supremacy of Eru. Some dreadful things of this sort, Finrod guesses, Men must have done, as a whole [...] » [MR/334]
8 « the condition of Men before the disaster (or, as we might say, of Unfallen Man) [...] » [MR/410]
9 « Other creatures also in Middle-earth we love in their measure and kind: the beasts and birds who are our friends, the trees, and even the fair flowers that pass more swiftly than Men. » [MR/308]
10 « Thereafter we were grievously afflicted, by weariness, and hunger, and sickness; and the Earth and all things in it were turned against us. Fire and Water rebelled against us. The birds and beasts shunned us, or if they were strong they assailed us. Plants gave us poison; and we feared the shadows under trees. » [MR/348]
11 « It does however seem best to view Melkor's corrupting power as always starting, at least, in the moral or theological level. Any creature that took him for Lord (and especially those who blasphemously called him Father or Creator) became soon corrupted in all parts of its being, the fëa dragging down the hröa in its descent into Morgothism: hate and destruction. » [MR/410]
12 « Of Death and the Children of Eru, and the Marring of Men » [MR/303]
13 « 'Arda Unmarred' did not actually exist » [MR/405]
14 « For you live in Arda Marred, as do we, and all the matter of Arda was tainted by him, before ye or we came forth and drew our hröar and their sustenance therefrom: all save only maybe Aman before he came there. » [MR/309]
15 « In "Arda Unmarred" (that is, in ideal conditions free from evil) [...] » [VT39/23]
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Snif :'| ce n'est pas ce que m'avait promis la prévisualisation ...
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Tiens tiens ... le problème ne survient pas sous internet explorer mais seulement mozilla ; au moins c'est déjà ça :/
Avec tout cela j'étais tellement déçu que j'en avais oublié mes titres de transport en partant et j'ai dû aller les rechercher presque à mi-chemin - j'ai ainsi pu battre mon record d'arrivée tardive du matin au boulot (mais pas encore celui de Didier je gage ;) ... pff ... l'informatique est-elle la dernière incarnation du marrissement ? :| ...
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Tu veux dire que la prévisualisation était encore plus belle?!! incroyable ;-))
merci Jérôme,c'est un délice :-)
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On s'est croisés ...;-)
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Perso, je ne vois AUCUNE différence d'affichage entre Mozzilla (que j'ai adopté depuis Paimpol sur tes conseils) et IE (que j'ai quand même gardé sur un coin du bureau...)
Rassure-toi, si le fond, lui, est toujours aussi élaboré et intéressant, la forme, elle, n'a rien à se (te ?) reprocher.
Toujours un plaisir de te lire, Jérôme !
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Yyr >>> "Isil síla lyenna :)" ...Tandis que c'est toi, cher Jérôme, qui nous éclaire sur ces sujets ardus :-) Merci de ce beau post.
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Joie, Jérôme l'Etoilé est de nouveau céant :) Bon retour, cher Maître, et puisse votre séjour ne pas être qu'apparition ponctuelle !
Stéphanie - piètre hôtesse, à vrai dire, condamnée aux coups d'oeil furtifs... Si le froid pouvait geler l'avancée du temps, à défaut de mes mains !
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Oh ! Merci beaucoup de ces attentions qui me font du bien ; j'avais eu en effet quelques peines à rédiger cette intervention. Merci :)
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Comme disait Yavanna aux petits ents (qui étaient tout juste des glands sur pattes à l’époque): “pour pousser, il faut se planter”, je ne vais donc pas hésiter à lancer quelques spéculations quitte à me planter magistralement.
Les Sages (et Finrod) avaient du mal à croire que Melkor pouvait agir "spécialement" de sorte à provoquer le marrissement particulier de tout un peuple : changer radicalement la nature, la condition des Hommes et rendre ce changement héritable ; c'est pourquoi Finrod suppose plutôt dans l'Athrabeth que le changement de la conditon des Hommes, si changement il y eut, fut le fait d'Eru (bien que provoqué par Melkor) (aucune réponse sure et définitive ne sera donnée, mais cette hypothèse demeure l'hypothèse principale du roi Elfe ; noter toutefois, plus loin dans HOME X, au sujet des Orques, que l'on nuance cette estimation en disant que « Finrod probablement est allé trop loin dans son assertion selon laquelle Melkor ne pouvait pas corrompre entièrement une œuvre d'Eru, [...] » 6 - sauf erreur, je crois que cela fait précisément référence au jugement de Finrod dans l'Athrabeth concernant l'impossibilité pour Melkor d'avoir changé la condition des Hommes)
Le Marrissement d'Arda est bien dans ce que tu décris ! Et mieux encore, si j'ose dire, car en parlant de ce qui fait « que l'homme confonde le bien et le mal » tu renvoies directement à l'un des sens étymologiques autant de marred que de marri qui est celui justement de la perte de son chemin, de la confusion ;
[...]
Je l'ai moi-même écrit dans mon article ... mais je viens de me rendre compte que ce n'était pas « en toute rigueur » justement :). Car la référence la plus explicite en la matière est celle de l'Ósanwe-centa, qui dit, plus fidèlement :
« En "Arda Immarrie" (c'est-à-dire, dans des conditions idéales libres du mal) [...] »
L’hypothèse de Christophe (sauf erreur de ma part) et la mienne est que le mal aurait pu être commis par les Eruhíni, même sans Marrisseur. Arda n’aurait pas été Marrie mais les fautes, et par là, le mal, sont néanmoins possibles sur Arda Immarrie, qui par conséquent, ne serait plus dans ces conditions libres du mal. Dans ce cas, Arda ne serait elle pas dans une situation similaire au Marrissement? Je pense donc que la nouvelle définition n’est pas tout à fait satisfaisante non plus.
que sait-on de ce qu'aurait été la nature des Hommes sans l'œuvre de Melkor ? Le seul exemple que j'ai en tête est au contraire le parfait contre-pied de l'impatience, de l'envie et de la domination.
Pour défendre un peu mon propos, bien que Melkor soit infiniment plus puissant qu’un homme ou un elfe, il a été créé par Eru comme ces derniers. C’est un « enfant d’Eru » dans le sens large. Doté du libre arbitre, comme ces derniers, il a pu faire des actes qu’on qualifie de « mauvais », il s’est tourné vers le mal. J’en induis donc que tous les enfants d’Eru peuvent aussi (potentiellement mais pas inéluctablement) se tourner vers le mal, parce leur libre arbitre le permettait, même sans l’influence de Melkor.
Mais admettons que sans Melkor, sans le Marrissement, tous les hommes seraient comme Tom Bombadil, c’est à dire incorruptibles, donc, étrangers au mal. En d’autres termes, le mal aurait été introduit par Melkor.
Bien que la corruption nécessite la collaboration des esprits, je trouve que cette idée du mal étranger à la nature initiale de l’Homme tend à le déresponsabiliser (du moins, partiellement) du mal qu’il peut commettre. Mes goûts personnelles n’ont pas de poids dans un raisonnement mais l’idée même du « Mal » en tant qu’entité étrangère à la création initiale d’Eru me paraît contraire au « message » sur le problème de la tentation du Bien posé principalement par le Seigneur des Anneaux. Même l’isolement des Valar en Aman durant le premier âge est discutable, il n’est pas dénué de conséquences néfastes même s’il était fait dans le but de préserver, de protéger ce qui pouvait l’être, ce qui illustre le problème des conséquences des choix malgré la volonté de vouloir faire le bien.
Avec le Marrissement, on peut dire : « ce n’est pas de notre faute, c’est parce que Melkor a causé la confusion entre le Bien et le Mal ». Or, les choses ne sont pas si simples, même sans Melkor.
Je pense que la distinction entre le bien et le mal est parfois difficile (on va me rétorquer que c’est parce que je suis Marri ;-) ) et je crois que cette difficulté est au cœur de nombreux problèmes de tous les jours (morale, politique, économique, justice). Je vois le Marrissement comme une métaphore de cette difficulté de faire le bon choix mais le mal ne peut être introduit par le Marrisseur, il existe potentiellement même dans l’Homme Immarri (tout comme il existe chez les Ainur), même si ça paraît contradictoire. A moins que l’Homme Immarri soit par définition cet homme impossible (après tout, on a bien inventé des nombres complexes. Allez me trouver dans la nature des valeurs numériques dont le carré vaut -1!).
Pour en revenir à la confusion entre le Bien et le Mal, cette dernière ne me semble pas suffisante pour corrompre. Je pense qu’un être corrompu est justement tout à fait conscient du mal qu’il fait contrairement à celui qui est trompé et qui fait du mal sans le vouloir et sans en être conscient. Míriel par exemple ne pensait pas à mal quand elle avait décidé de ne pas se réincarner. Comme Ulmo l’a évoqué lors du jugement, il se pourrait que la mort de Míriel vienne d’une cause extérieure d’Arda. J’ai peut être mal compris ce texte mais il me semble qu’il ne donne pas une réponse définitive sur la cause du choix de Míriel de ne pas revenir à la vie. C’est une "faute" qui est peut être dû uniquement à son libre arbitre. Selon certains, Finwë aurait commis les fautes d’impatience et de manque d’Estel vis à vis de Míriel. Mais Vaire pensait que ce n’était pas de l’impatience car Finwë savait clairement que sa femme ne reviendra pas. Il est difficile de définir la valeur d’un acte a priori ainsi que sa cause (choix délibéré, en connaissance de cause ou faute due au Marrissement ?).
Je pense que le jugement de Míriel et de Finwë illustre tout à fait l’ambiguïté de l’origine du mal. Le Marrisseur est certes souvent nommés lors de ce jugement mais est il la cause unique de tout le mal? Míriel était elle pour autant corrompue même si elle a failli en choisissant en son âme et conscience, de ne pas réintégrer son corps et par là, manqué à son devoir de mère, ce qui a peut être contribué à la mauvaise disposition de Fëanor (qui est intimement lié avec la destinée d’Arda)?
(Jérôme, je tiens à préciser que je ne cherche pas du tout à remettre en cause ton travail sur le Marrissement même si on n'est pas d’accord sur certains points et que je peux donner l'impression de chercher la petite bête par un plaisir purement melkorien. :-) )
Je suis entièrement d'accord. Par rapport à ce "fichu caillou", c'est justement le Marrissement d'Arda qui fera, je pense, non pas qu'il soit tranchant, mais qu'il vienne sous le pied ! Dans l'idéal, les pieds se posent sur des sentiers sans entrave
Je n’imaginais pas les choses ainsi car une telle Arda serait d’une certain façon plus limitée qu’Arda Marrie: Des choses anodines seraient impossibles comme un simple glissement d’un caillou sur un sentier. De même que le vent ne soufflerait pas de façon à faire tomber les arbres? Peut être qu’il n’y aurait pas du tout de vent pour faire plus simple? Le problème n’est pas tellement dans le fait qu’un tel monde n’est pas très crédible (A mon humble avis, la créance en prend un sacré coup mais on m’a souvent reproché d’être trop cartésien :-) ) mais un tel monde est surtout rigoureusement statique: il suffit que quelque chose bouge (au sens figuré) pour qu’elle puisse entraver une autre. Pour empêcher tout problème, il faudrait que rien ne bouge à moins de réguler tous les mouvements (toujours au sens figuré) sans laisser la moindre liberté de choix.
Mais je reconnais que ta vision colle avec l’AINULINDALË, sur l’"invention" du gel et de la chaleur par Melkor, ce qui sous entend que sur l’Arda originelle, il n’y avait ni gel, ni de chaleur suffisante pour vaporiser l’eau et la transformer en nuage et pluie. L’Arda originelle me semble statique. (On va vraiment m’accuser de melkorisme si ça continue ;-) ). Je n’arrive pas encore à formuler le lien mais j’ai l’impression que le libre arbitre est aussi plus restreinte dans l’Arda Immarrie et c’est ça qui me gêne vraiment.
J'en profite pour relever que la notion d'estel par exemple n'a pas de raison d'être invoquée en Arda Immarrie - pour autant que je puisse moi-même m'y projeter -, si, comme je le crois, l'Estel est la résistance au Marrissement, l'attente confiante de la Guérison d'Arda et des Enfants ... Adam et Eve avaient-ils lieu d'espérer en Eden?
à vous lire j'ai l'impression que vous recherchez à saisir la parfaite cohérence d'un système, mais je ne crois pas qu'on puisse atteindre la complétude
On a pas mal dévier à partir du sujet du destin. Cette discussion sur le Marrissement et le mal est très intéressante mais est hors sujet. Je propose donc la création d’un nouveau fuseau pour continuer si vous le souhaitez afin de faciliter la classification des sujets.
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Cependant, même s’il subsistera peut être toujours quelques petites incohérences, j’espère qu’on pourra lever les plus importantes. Pour moi, il en va de la créance secondaire! S’il n’y a pas de contradiction entre les postulats de départ, il suffit d’accepter ces derniers pour y croire. La Faërie fonctionne ainsi pour moi en tout cas.
Désolé, Stalker, je n'ai pas le temps de répondre (et ce serait couper la parole à Yyr d'ailleurs ! ;-))) mais l'idée que la Faërie puisse fonctionner et que ce fonctionnement repose sur des postulats est justement une idée anti-faërique.
Ce sont les machines qui fonctionnent...
Quant à la Faërie, elle n'a qu'un seul postulat, celui de l'amour, un amour qui produit à la fois la compassion (ruth) et l'émerveillement (delight)*, un amour qui rejette tout désir de possession (an unpossessive love)**, à commencer donc par le désir d'être fondé sur d'autres postulats ;-)
(* et ** : Commentaire de Tolkien sur Smith de Grand Wootton; cf. Flieger, A Question of Time, p. 246).
Ce que je veux dire : pour être "entendue", Faërie n'a pas besoin d'être un système intelligible (cohérent) ou complet. Faërie émerveille justement par son incomplétude. Car cette incomplétude est appel à s'ouvrir au mystère une fois que la raison ne peut aller plus loin. Et si un sentiment de complétude est atteint (ou plutôt effleuré), c'est seulement au niveau du coeur émerveillé et non de l'esprit dépassé.
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mais l'idée que la Faërie puisse fonctionner et que ce fonctionnement repose sur des postulats est justement une idée anti-faërique.
Mmm... pas tout à fait d'accord.
Je reconnais que le verbe "fonctionner" est peut être mal placé. Très maladroitement, je voulais dire que la faërie doit être cohérente pour que l'enchantement puisse "fonctionner".
Tolkien lui même avait critiqué le manque de cohérence du mythe arthurien dans la lettre 131:
Pour commencer, sa "féerie" est trop somptueuse, fantastique, incohérente et répétitive.
De plus, dans son essai, "Du conte de Fée", il a écrit:
La Fantaisie est une activité humaine naturelle. Elle ne détruit certainement pas la Raison, non plus qu'elle n'y insulte; et elle n'émousse pas non plus l'appétit, ni n'obscurcit la perception de la vérité scientifique. Au contraire, plus la raison est aigüe et claire, meilleure sera la fantaisie qu'elle créera.
Par "raison aigüe", j'entends, entre autres, une certaine cohérence: il faut que la fantaisie soit "raison-nable" pour qu'on puisse y croire tout simplement sinon, la créance secondaire ne serait pas possible.
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Je savais, bien entendu que tu allais me répondre cela et avec ces arguments que je connais.
Mais il faut relativiser certains propos de Tolkien lui-même (propos théoriques justement autour du Conte de Fées tel que Tolkien l’idéalise ou du moins vers lequel il veut tendre).
Premièrement, si on reprend la citation que tu donnes, lorsque Tolkien reproche à certaines faëries leur aspect "répétitifs" — et même si je comprends ce qu’il a voulu dire —, il y a de quoi doucement rigoler pour les plus méchants et tendrement sourire pour les plus étoilés.
La Faërie n'est que répétition, répétition de l’irruption de l’eucatastrophe en un monde qui est perpétuellement en train de répéter ses fautes.
Le Légendaire ne cesse d'être feuille parmi les feuilles de l'arbre des contes et la structure même de la feuille est fractale comme on peut facilement l'établir. De même que deux amoureux ne cessent de se dire des mots d'amour et des "je t'aime" en boucle, de même Faërie ne cesse de parler toujours et toujours de la même chose sous des formes diverses et même, parfois sous des formes identiques qui se répètent : Luthien/Beren et Arwen/Aragorn sont un exemple parmi tant d'autres.
Ensuite, toujours dans la citation que tu donnes, il faut prendre garde à un petit mot, « trop ».
Faërie peut être « somptueuse, fantastique, incohérente et répétitive » (et elle l’est !), mais elle ne doit pas l’être « trop ».
Sans répétition, point de poésie.
Sans fantastique, point d’évasion ou/et de frayeur
Sans aspect somptueux, point de sentiment de gloire.
Sans incohérence, point de mystère ni de questionnement (Qui est l’Aîné, Tom ou Fangorn ?)
Sans incohérence, point de possibilité d’imaginer des sources diverses, des écrits de peuples différents et donc de point de vue différents (hobbito-centré ou elfiquo-centré), bref disparition de toute une partie de la richesse du Légendaire…
La cohérence d’un faërie qui permet de croire à un « soleil vert » ne doit pas cacher que Faërie est aussi incohérente sur certains points.
Nokes le sait très bien ; Nokes qui ne croit qu'en sa raison.
Nokes est passé près d'être un Maître Queue exceptionnel car il a côtoyé plus que tout autres Alf l'Apprenti dont on sait qu'il est le roi de Faërie. Et pourtant, sa raison n'a pas suffit à comprendre Alf.
Parce que comprendre n'est pas la clef. La clef, c'est écouter et regarder et conserver l'esprit de celui qui, plus qu’être sensible, vit le recouvrement, l’évasion et la consolation.
Car ce que la raison comprend, elle le juge pour « acquis » (« S’il n’y a pas de contradiction entre les postulats de départ, il suffit d’accepter ces derniers pour y croire »). Or, tout ce nous « avons acquis, nous avons cessé de le regarder. » [Sur le conte, FAT, p. 122]
Le « recouvrement » faërique est le recouvrement de la vue. Voir en couleurs dans un monde de grisaille.
« Le recouvrement est un re-gain — celui d’une vue claire » [p. 121].
Or, paradoxe incroyable, le recouvrement passe par le mystère. Le dévoilement passe par le voilement.
Car le mystère, lui, force le regard. Et celui dont les yeux sont brillants n’est pas forcément celui qui a tout compris mais bien celui qui s’émerveille et se laisse surprendre.
Comme a pu le dire Frodo à Baie d’Or, celui qui entre en Faërie va comprendre la joie cachée dans les chants, mais la joie elle-même demeurera incompréhensible. Un peu comme l’aveugle revenu à la vue et de nouveau aveuglé par le flot de lumière nouvelle.
On ne peut entrer en Faërie qu’à la condition d’accepter d’être émerveillé avant tout, alors même qu’il n’y aura pas réponse à tout (« Maître, qui êtes-vous ? »).
La cohérence dont parle Tolkien — cette cohérence tellement nécessaire à la créance secondaire, on est d’accord — n'est pas la cohérence du dogmaticien du Mal ou du Destin en Arda.
Quand bien même Tolkien, avant toi Stalker ;-), voulut aussi s’attaquer à une telle dogmatique.
Mais, selon moi, cette dogmatique qui classe tout selon des principes et des postulats ne peut pas être identifiée avec la cohérence qui soutient Faërie.
C'est tout ce que je voulais dire, et c'est déjà assez pour aujourd'hui! ;-))
S.
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Je ne puis qu'abonder dans le sens de Sosryko :) :) :)
Et quand bien même, ce ne sont pas des incohérences que tu essaies de lever, Stéphane, quand tu essaies de te projeter en Arda Immarrie, dans un monde "qui n'exista pas vraiment". Je n'ai pas connaissance dans notre monde, par exemple, de théologiens qui étudient le fonctionnement de la vie en Eden, dans une perspective en laquelle Adam et Eve ne se seraient pas séparés de Dieu ... or, tu conviendras que cela ne rend pas pour autant notre monde incohérent ? :) hmmm ... ? :) Je crois qu'il fonctionne, non ? :)
D'une manière générale, je ne suis pas gêné par la tentative d'interroger le mystère du Mal en Arda. Le faire, en revanche, dans le but d'articuler un système explicatif cohérent et complet, à mon avis, n'est pas sage - en tout cas ce n'est certainement pas ce qui rendra la Faërie plus crédible, au contraire ... puisque dans notre monde non plus tout le mystère du Mal et de la Souffrance n'est expliqué - cf. le livre de Job - je rejoins ainsi Sosryko par un autre chemin (il a pris le chemin étoilé ; je suis maintenant obligé de m'externaliser :)) -.
Par rapport à ce mystère du Mal, attention effectivement à ne pas réduire le Marrissement à confondre le bien et le mal, comme tu le relèves avec justesse, Stéphane - de même qu'il ne s'agit pas de réduire le Mystère du Mal en Arda au seul Marrissement ... Mais je ne souhaite pas poursuivre aussi longuement ce qui, à mon avis, ne se prête guère à des discussions écrites étant donné la subtilité de ce qui nous intéresse ... ce serait une discussion plus productive lors d'une rencontre par exemple (nous pourrions prendre l'exemple de Míriel, alors, que j'aime bien :)). Je ne crois pas que nous divergions tellement en effet, mais je crains que les nuances soient difficilement reçues par écrit ...
Sauf ce désir de complétude : lui je l'ai bien senti :) ... mais comment veux-tu faire tenir dans nos limites des choses peut-être sans limites, i.e. mettre dans nos têtes le mystère de Dieu, du Mal et de la Souffrance ? Il y a une très belle référence concernant saint Augustin sur ce point que j'ai hélas perdue - et mes recherches répétées se sont révélées infructueuses ; si quelqu'un peux corriger ce qui suit ... :) Il s'agissait je crois d'une vision - ou un rêve ? - : Augustin y voyait un enfant sur une plage qui s'employait à déverser, seau après seau, toute la mer dans un trou. Quand il se fut approché et eut signifié à l'enfant la vanité de son travail, cet enfant disparut et saint Augustin comprit que cela lui signifiait sa propre vaine tentative de comprendre le Mystère de Dieu.
Car Comprendre n'est pas la clef ... ©Sosryko
Jérôme
Qui a beaucoup hésité avant de répondre et se demande encore s'il ne devait pas rester sur les paroles d'or de Sosryko ...
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J'aurais dû réagir avec plus de précision quand Yyr a dit:
à vous lire j'ai l'impression que vous recherchez à saisir la parfaite cohérence d'un système, mais je ne crois pas qu'on puisse atteindre la complétude
Car si je recherche une certaine cohérence, je ne cherche pas la complétude. La quête de cette dernière n'a pas de sens ne serait ce que parce que le conte d'Arda est incomplet à différents niveaux.
Chercher la cohérence ne veut pas dire chercher la réponse à tout, ni à tout rationaliser, ni à tout expliquer.
Un système cohérent est un système sans contradiction mais il n'explique pas tout. D'ailleurs, un système peut rien expliquer.
Et il y a biensûr aussi des choses qui resteront toujours mystérieuses (Tom Bombadil), ce sont des mystères voulus.
Faërie peut être « somptueuse, fantastique, incohérente et répétitive » (et elle l’est !), mais elle ne doit pas l’être « trop ».
Je ne cherchais pas une cohérence complète quand j'ai dit:
Cependant, même s’il subsistera peut être toujours quelques petites incohérences, j’espère qu’on pourra lever les plus importantes.
En d'autres termes, je voulais dire: "j'espère qu'il n'y aura pas TROP d'incohérences"
J'ai aussi sans doute commis une erreur en détournant un peu le mot "postulat". Par ce terme, j'entendais quelque chose qu'on doit accepter sans poser de question.
Quand Tolkien a écrit "Il y eut Eru, le Premier, ...", j'appelle ceci un "postulat". Eru existe dans le conte d'Arda, il n'y a pas de pourquoi ni de comment à demander, il faut l'accepter.
Et la sub création, c'est ce que j'appelle (à tort aussi, sans doute), un "système".
En d'autres termes, l'enchantement du conte d'Arda repose sur l'acceptation sans questionnement de certaines choses (que j'ai appelées "postulats") comme l'existence d'Eru.
On est d'accord là, non?
Je ne pense pas non plus que Tolkien était contre toutes recherches de cohérence quand je lis ses notes et réflexions dans "Myth Transformed" sur divers sujets. Tolkien avait même cherché une cohérence avec les connaissances de l'astronomie du monde primaire en écrivant une version avec un monde sphérique, ce qui dépasse la simple cohérence interne.
Je ne pense pas donc être en désaccord avec vous sinon sur la forme et les termes malheureux que j'ai choisi ("fonctionner", "postulat", "système") qui sont certainement un peu froids.
Enfin, je pense que la créance est aussi, voire avant tout, une affaire personnelle, on ne peut pas imposer la créance à quelqu'un par la raison ou à force d'arguments. Dans mon message, j'avais précisé que la cohérence (sous entendu, dans une certaine limite) est importante pour moi, personnellement.
(Je ne me félicite pas pour ce hors sujet, je ferme cette parenthèse)
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Bien reçu :)
Stalker : En d'autres termes, l'enchantement du conte d'Arda repose sur l'acceptation sans questionnement de certaines choses (que j'ai appelées "postulats") comme l'existence d'Eru.
On est d'accord là, non?
Hi ! Hi ! :)
Ben non justement :)
Par rapport à l'existence d'Eru, cf. Le Commentaire de l'Athrabeth :) :) :)
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Or, paradoxe incroyable, le recouvrement passe par le mystère. Le dévoilement passe par le voilement.
Car le mystère, lui, force le regard. Et celui dont les yeux sont brillants n’est pas forcément celui qui a tout compris mais bien celui qui s’émerveille et se laisse surprendre.
Je ne devrais rien ajouter après ce qui a été dit, mais je voulais montrer mon admiration pour ton exposé, sosryko, qui donne enfin place à l'âme (poétique) de l'homme contre sa superficielle et si dictatoriale raison.
J'admirais dernièrement le nouveau film de Yimou Zhang (the house of the flying dagger) et avait été un peu déçu par certains rires dans la salle. Combien de gens sont capable d'accepter que dans une oeuvre poétique l'hiver tombe en quelques seconde pendant un combat, ou qu'une héroïne résiste à plusieurs morts afin d'accomplir sa tâche.
La raison est une barrière qui interdit l'accès à la poésie pour tant de personnes, que cela en devient dramatique.
Peut-être est-ce là l'explication de la disparition des poètes aujourd'hui (en occident du moins).
Tout doit être explicable et pouvoir entrer dans une case raisonnable. Même les super héros américains aujourd'hui (alors qu'ils pourraient être une résurgence de la Fearie, d'où leur nom original "Marvel") ont des pouvoirs qui sont censés entrer dans le cadre de la raison (manipulations génétiques pour Hulk et spiderman, substance chimique pour Dardevil, etc...). C'est un symptôme, celui du "tout à la raison" (oui, ça ressemble à du "tout à l'égoût", mais la raison demeure noble... quand elle n'a pas de prétentions hégémoniques).
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Yimou Zhang (the house of the flying dagger)
Ah...combien je voudrais voir ce film...mais ce n'est pas à Périgueux qu'il passera en VO de sitôt :-((
S.
"Les enfants réalisent
ce miracle adorable de demeurer des enfants
et de voir par nos yeux." (René Char)
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La question se poursuit, à la manière d'une route qui mène à une autre route, dans la question du libre-arbitre.
Hommage appuyé à ce présent fuseau :).
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