Vous n'êtes pas identifié(e).
Aujourd'hui, c'est Laurent Femenias (connu sur ce forum sous le pseudo de Finrod) qui inaugure sa participation à JRRVF avec une réponse à la question qui fut et reste d'actualité : JRR Tolkien est-il un auteur pour enfants ?
Par une démarche structurée et appuyée d'exemples, Laurent s'attache à démontrer que ce qualificatif n'est guère approprié à Tolkien et à son œuvre.
L'adresse : - J.R.R Tolkien, un auteur pour enfants ?.
Nous attendons vos commentaires ;-)
Bonne lecture,
Cédric.
PS : Encore merci Finrod.
Hors ligne
Comme l'a dit Cédric, tous vos commentaires seront les bienvenus :-)
Je tiens également à remercier ici Semprini qui m'a beaucoup aidé à écrire ma première contribution à JRRVF. A l'origine de ce travail se trouve le fuseau "fiche n°2 : Tolkien, un auteur pour enfants ?" de la section "Divers" du forum.
A bientôt,
Finrod.
Hors ligne
Hé ben, "mince" alors, comme dirait (poliment) Cédric , cela n'a pas l'air d'exciter les foules Lol
A+ Finrod
Cathy
Hors ligne
Effectivement, les commentaires ne sont pas nombreux...
Merci Cathy d'être passée faire un tour sur ce fuseau :-)
Finrod.
Hors ligne
C'est normal. Tout est dit, tout est clair et il n'y a don pas grand chose à ajouter ou à demander ;-)
Hors ligne
Salut Finrod,
Très bon article, rien à redire, mais comme tu insistes ;-)), deux petits commentaires de ma part ;-))
1. Je te trouve un peu hard avec Walt Disney et co ; ok c’est un amerlok et the american way of life horripilait Tolkien, certes ; mais il ne faut pas nier le côté féérique de certains films, comme les 2 Fantasia, fort sympathiques, associant la magie de la musique à celle de l’image ; ils (Walt Disney et ses successeurs) ont aussi remis au goût du jour (enfin à leur goût du jour ;-)) certains contes classiques, qui seraient tombés dans les oubliettes vu la profusion depuis qq années des livres de littérature pour jeunesse (ce qui est très bien au contraire, mais Anderson, Perrault et Grimm ont qq peu perdu de leur popularité du coup).
2. En évoquant qq’unes des modalités essentielles de Faërie, je trouve que tu n’insistes pas assez sur la dimension chrétienne de la conception que Tolkien a du conte de fées (plus spécialement du Conte eucatastrophique qui produit la joie de la bonne catastrophe, « le soudain « tournant » joyeux »), et, comme tu le soulignes très justement d’ailleurs, cela provient de sa volonté de faire du conte un art littéraire noble face à certaines critiques pernicieuses genre « composer des contes de fées était proférer le mensonge au travers de l’Argent » ! ! ! (Faërie, p.72).
C’est vrai qu’en lisant pour la première fois Faërie, j’ai été un peu surprise par la conclusion de l’essai Du conte de fées (je n’ai pas dû être la seule, je suppose, d’autant que je n’avais pas encore lu Les Lettres ni la biographie de Carpenter). Mais maintenant je considère que Tolkien, dans sa démarche de créateur de mythes, a été totalement cohérent, grâce à sa foi chrétienne. Et c’est ça qui fait son originalité, en tant qu’auteur de ‘Fantasy’ ( ?).
Déjà dans un autre thread j’en faisais la remarque. Je reproduis mes propos ici qq peu corrigés grâce aux remarques de Yyr.
<< Rappelons tout de même que Faërie ne s’applique pas aux contes de fées en général, mais représente plutôt la conception que se faisait Tolkien du bon Conte de Fées (cad du SdA, comme tu le dis d’ailleurs, Finrod, je radote ;-)) :
« C’est la marque d’un bon conte de fées, de l’espèce la plus élevée ou la plus complète, que, quelque extravagants que soient ses événements, quelque fantastiques ou terribles ses aventures, il peut donner à l’enfant ou à l’homme qui l’entend, quand le « tournant » vient, un frisson, un battement et une élévation du cœur proches (ou même accompagnés) des larmes … » (Christian Bourgois éditeur, p.90-91).
Et plus loin dans l’épilogue (p.94), il ajoute : « Les Evangiles contiennent un conte de fées, ou une histoire d’un genre plus vaste qui embrasse toute l’essence des contes de fées. Ils contiennent maintes merveilles – particulièrement artistiques, belles et émouvantes : « mythiques » dans leur signification parfaite et indépendante ; et parmi les merveilles se trouve la plus grande et la plus complète eucatastrophe qui se puisse concevoir. Mais cette histoire est rentrée dans l’Histoire et dans le monde primaire … La Naissance du Christ est l’eucatastrophe de l’histoire de l’Homme. La Résurrection est l’eucatastophe de l’histoire de l’Incarnation. Cette histoire débute et s’achève dans la joie… » , cette « joie » que Tolkien dit au début de ce dernier chapitre avoir « choisie pour marque du véritable conte (ou roman) de fées …. » (p.93).
Tolkien réimprègne le conte de fées d’une mystique, non païenne, mais chrétienne : « L’Evangelium n’a pas abrogé les légendes ; il les a consacrées, spécialement l’ « heureux dénouement » » ; et il me semble que dans cet essai Tolkien veut insister sur le fait que la Fantasy et la Foi sont en harmonie en tant que vision d’un monde « donnant un aperçu fugitif de la Joie, une Joie qui est au-delà des murs de ce monde, aussi poignante que la douleur » (p.90). Le Conte de Fées est « une bonne nouvelle », un evangelium et pas seulement un voyage à l’Enchantement, quoique bien évidemment l’Evangelium est un Enchantement et en plus « cette histoire est suprême ; et elle est vraie » (p.96).
En ce monde déchu (tel que le conçoit Tolkien), la fantaisie créatrice peut enrichir la Création de son art ‘lumineux’ car si « Le chrétien a encore à travailler, de l’esprit comme du corps, à souffrir, espérer et mourir : mais il peut maintenant percevoir que tous ses penchants et ses facultés ont un but, qui peut être racheté. » (p.96) >>
Commentaire ( sans doute pas vraiment clair, j’attends donc des sur et sous-commentaires ;-)) :
Selon Tolkien, le mythe n’est ni une fiction, ni un mensonge : « Les mythes que nous tissons,même s’ils renferment des erreurs, reflètent inévitablement un fragment de la vraie lumière, cette vérité éternelle qui est avec Dieu. Et ce n’est qu’en créant des mythes, en devenant un sous-créateur et en inventant des histoires, que l’homme peut tendre à l’état de perfection qui était la sienne avant la Chute » (A biography de Carpenter, p.151).
Et à cela on peut rajouter que le mythe peut se dégrader en légende épique, en ballade ou en roman pour ne pas parler de la littérature de colportage (le conte), il ne perd pas pour cela sa structure ni sa portée, simplement cela entaîne un « obscurcissement de la transparence originelle» (Mircea Eliade in « Traité d’histoire des religions », p.361)
Et si Tolkien voit dans le Christ un « personnage mythique » et dans le drame christologique un « « mythe » , c’est qu’il accorde plus d’importance à la valeur spirituelle des histoires évangéliques qu’à une lecture uniquement littérale de celles-ci : « Le vrai sens se trouve au-delà de l’histoire » (Mircea Eliade in Aspects du Mythe).
« Mais cette histoire est rentrée dans l’Histoire et dans le monde primaire … » . En effet, jusque là, le sacré se manifestait uniquement dans le Temps Cosmique, mais avec le judaïsme puis surtout avec le christianisme, on a une petite révolution : l’Incarnation, la Résurrection et l’Ascension du Verbe s’effectuent dans le Temps Historique, l’Histoire elle-même devient une théophanie.
C’est ce qui fait dire à Tolkien : « Il n’est pas difficile d’imaginer l’excitation et la joie particulières que l’on ressentait en découvrant que quelque conte de fées spécialement beau serait « primairement » vrai, que son récit serait historique, sans pour cela perdre nécessairement la portée mythique ou allégorique qu’il avait possédée» (p.95).
Et grâce à l’Art Sous-créateur, la Fantasy, le chrétien peut y trouver son salut, en enrichissant la Création, car « L’Evangelium n’a pas abrogé les légendes ; il les a consacrées, spécialement l’ « heureux dénouement » ». De fait, selon Mircea Eliade : « Bien qu’accompli dans l’Histoire, le drame de Jésus a rendu possible le salut ; en conséquence il n’existe qu’un seul moyen d’obtenir le salut : réitérer rituellement ce drame exemplaire et imiter le modèle suprême, révélé par la vie et l’enseignement de Jésus. Or, ce comportement religieux est solidaire de la pensée mythique authentique » (p.207-208, Aspects du Mythe), cad celle de l’homme des sociétés archaïques, « qui trouve dans le mythe la source même de son existence ».
Par exemple un grand passage eucatastrophique du SdA est le chapitre « Le Champ de Cormallen » où rires et pleurs témoignent de cette Joie « aussi poignante que la douleur » : « Et toute l’armée rit et pleura, … leur joie fut comme des épées, et ils passèrent en pensée vers des régions où la douleur et le plaisir coulent de pair et où les larmes sont le vin même de la béatitude ».
Aussi il est dit qu’en Gondor, la Nouvelle Année débutera toujours le 25 mars, jour de la chute de Sauron. Shippey (JRR Tolkien, Author of the Century) précise que le 25 mars, dans la tradition anglo-saxonne, est la date de la Crucifixion, du premier Vendredi Saint. Toujours selon une ancienne tradition chrétienne, c’est aussi la date de l’Annonciation et de la conception du Christ, 9 mois pile avant sa naissance, le 25 décembre. C’est aussi la date de la chute d’Adam et Eve. C’est aussi le jour où les 9 marcheurs quittèrent Rivendell. Ainsi la dynamique actionnelle du SdA se situe dans un temps mythique compris entre Noël, naissance du Christ et la Crucifixion, mort du Christ.
Et finalement la défaite de Sauron marque la fin du Troisième Age, un Temps Mythique et Sacré, et l’avènement d’un Nouvel Age, le passage dans un Temps Profane, mais le temps des Elfes est fini, et c’est bien la fin des êtres magiques.
Plus les mythes de la TdM se rapprochent du mythe chrétien, plus ils deviennent tristes, comme le remarque Shippey :-((
Cette dimension chrétienne est importante à signaler, car par là même Tolkien renoue avec « les origines religieuses lointaines » du conte merveilleux qui n’était pas alors du tout destiné aux enfants, mais à toute une communauté rurale et populaire : « le conte merveilleux reprend et prolonge les scénarios initiatiques des mondes mythiques au niveau de l’imaginaire » selon Mircea Eliade.
En appendice à son livre « Aspects du Mythe », M.Eliade reproduit un article paru dans La Nouvelle Revue Française en Mai 1956, intitulé « Les mythes et les contes de fées », dans lequel est étudié les rapports des contes populaires avec la saga héroïque et le mythe. Pour ceux qui s’intéresse à l’œuvre de Tolkien, sujet plutôt passionant.
_ Il livre les réflexions fort intéressantes d’un germaniste et folkloriste hollandais Jan de Vries,avec lequel Eliade est d’accord sur certains points:
1. La solidarité de structure entre mythe, saga et conte, cad les mêmes archétypes (mêmes figures et situations exemplaires) reviennent indifféremment entre ces 3 genres relevant de la tradition populaire (cad « une littérature collective d’origine orale créée par le produit inconscient de l’imagination » in « Histoire des légendes » de JP Bayard, Que Sais-je ? no 670).
2. L’opposition entre le pessimisme des saga (le héros finit généralement de manière tragique) et l’optimisme des contes (le happy end de Disney ou l’eucatastrophe de Tolkien).
A ce propos « la saga (biographie fabuleuse née d’un prototype historique, poésie essentiellement aristocratique) côtoie le mythe et non le conte, dans la mesure où il est souvent bien difficile de décider si la saga raconte la vie héroïsée d’un personnage historique, ou au contraire, un mythe sécularisé. » Par exemple la saga de Siegfried, telle qu’elle est narrée dans la Volsunga saga, version islandaise, peut s’interpréter de 2 façons ; la première n’y voit que la personnification des forces de la nature, point de vue mythologique ; la deuxième la ramène à une simple histoire familiale d’avidité et de meurtre, point de vue historique.
Le SdA est donc bien un conte, alors que la tragédie de Turin, par exemple, relève plus de la saga (ou mieux, de la tragédie grecque du Vième siècle, mais ça c’est encore une autre histoire ;-))
_ Mais si Eliade est encore d’accord avec Jan de Vries sur une autre différence capitale entre le conte et la saga, à savoir « si la saga assume encore le monde mythique (le héros se situe dans un monde gouverné par les Dieux et le destin), le conte s’en détache (le personnage des contes apparaît émancipé des Dieux ; ses protecteurs et ses compagnons suffisent à lui assurer la victoire) », par contre Eliade ne voit pas automatiquement une « désacralisation du monde mythique dans le conte » :
« On parlerait plus justement d’un camouflage des motifs et des personnages mythiques ; et, au lieu, de « désacralisation », il serait préférable de dire « dégradation du sacré » … si, dans les contes les dieux n’interviennent plus sous leurs propres noms, leurs profils se distinguent encore dans les figures des protecteurs, des adversaires et des compagnons du héros. Ils sont camouflés, ou, si l’on aime mieux, « déchus » - mais ils continuent de remplir leur fonction».
« D’où un autre problème qui n’intéresse plus le folkloriste ni l’éthnologue, mais qui préoccupe l’historien des religions (et nous dans la problématique de Tolkien, un auteur pour enfants ;-)) et finira par intéresser le philosophe et, peut-être, le critique littéraire (sans blague, il serait temps ;-)) …Devenu en occident, et depuis longtemps, littérature d’amusement (pour les enfants et les paysans), le conte merveilleux présente néanmoins la sructure d’une aventure infiniment grave et responsable, car il se réduit, en somme, à un scénario initiatique : on retrouve toujours les épreuves initiatiques (luttes contre le monstre, obstacles en apparence insurmontables, énigmes à résoudre, travaux impossibles à accomplir, etc.), la descente aux enfers ou l'ascension au Ciel, ou encore la mort et la résurrection (ce qui revient d’ailleurs au même), le mariage avec la Princesse. »
Malgré le Happy End, la réalité du conte est dès plus sérieuse : « l’initiation, cad le passage, par le truchement d’une mort et d’une résurrection symboliques, de la nescience et de l’immaturité à l’âge spirituel de l’adulte ».
Je vous renvoie encore une fois à l’article de Loki, Essai de psychanalyse d’un conte de fées en ce qui concerne Le Hobbit (décidément, faut croire que je l’aime cet article, de fait en arrivant sur JRRVF c’est la première chose que j’ai lue, ça marque les premières fois ;-)).
Et pour le SdA , je vous invite à lire les chapitres VIII (L’évolution des personnages au contact de la mort : l’initiation) et IX (Mort et renaissance) de « Tolkien, sur les rivages de la terre du milieu » de Vincent Ferré.
Ces expériences d’origine religieuses ne sont plus perçues en tant que telles par l’homme moderne, sinon comme simple amusement ou évasion. Pour d’autres, ils sentiront que Tolkien créa « a world in which some sort of faith seems to be everywhere without a visible source, like light from an invisible lamp » (Lp.413).
Cette composante religieuse est une modalité essentielle dans l’œuvre de Tolkien dont souvent on cherche à diminuer l’importance, à la « camoufler » même (un peu moins ces derniers temps sur JRRVF), alors que c’est ce qui fait son originalité en tant qu’auteur de Fantasy ( ?, je radote encore).
Pour terminer, ces qq mots d’Eliade : « On pourrait … se demander si le conte merveilleux n’est pas devenu, très tôt, un doublet facile du mythe et du rite initiatiques, s’il n’a pas eu ce rôle de réactualiser, au niveau de l’imaginaire et de l’onirique, les « épreuves initiatiques ». Ce point de vue n’étonnera que ceux qui regardent l’initiation comme un comportement exclusif de l’homme des sociétés traditionnelles. On commence aujourd’hui à se rendre compte que ce que l’on appelle « initiation » coexiste à la condition humaine, que toute existence se constitue par une suite ininterrompue d’ « épreuves », de « morts » et de « résurrections », qqs d’ailleurs les termes dont le langage moderne se sert pour traduire ces expériences (originairement religieuses) (p.247-248, Aspects du Mythe).
Cathy
PS Finrod, c’était plus l’élargissement d’une idée que sa critique, en fait et toujours au risque de vous ennuyer ;-(
Bonne Nuit
Hors ligne
Mais non Cathy, tu ne nous ennuies pas ;-)
de très précieuses remarques...
Hors ligne
Bravo Cathy !
je ne sais pas quand tu trouves le temps de nous pondre de si belles choses (et intéressantes), mais vraiment merci et bravo.
Et puis si tu radotes, c'est pour notre plus grand bien. Je cherchais justement recemment certaines des citations de Tolkien que tu réutilises ici, et que je ne retrouvais pas toutes. (oui, je sais, je ferais mieux d'acheter Faeries)
La martothérapie, il n'y a rien de mieux. :-))
Encore !
Hors ligne
Bonjour Cathy !
Beau travail comme d'habitude…
Tu dis :
" Ces expériences d'origine religieuses ne sont plus perçues en tant que telles par l'homme moderne, sinon comme simple amusement ou évasion. Pour d'autres, ils sentiront que Tolkien créa " a world in which some sort of faith seems to be everywhere without a visible source, like light from an invisible lamp " (Lp.413). "
Je ne suis pas sûre de bien comprendre ce que tu veux dire : qu'un lecteur " moderne " (d'ailleurs qu'entends-tu par moderne ?) ne perçoit l'histoire de Frodo ou Bilbo que comme une série d'aventures simplement distrayantes alors que les autres y verront la lumière de la foi ? Il y a sans doute d'autres attitudes possibles. Sans doute que pour Tolkien la religion se liait intimement à tout le reste (et je trouve ça intéressant de voir comment) mais je pense que les lecteurs peuvent apprécier les contes, en particulier le SDA, et en tirer profit en dehors tout aspect religieux. On peut voir les aventures de Bilbo et Frodo comme des reflets de la condition humaine et donc intéressantes en tant que telles, sans arrière plan chrétien.
Hors ligne
On peut s'intéresser à la lumière de la foi en dehors de tout aspect religieux, Beruthiel... selon les idées modernes de la religion.
On peut voir les aventures de Bilbo et Frodo comme des reflets de la condition humaine et donc intéressantes en tant que telles, sans arrière plan chrétien.
tout à fait impossible, car c'est toute la philosophie chrétienne qui est engagée dans une telle perception de l'homme (la condition humaine), mais rien ne t'empêche d'apprécier tout cela sans savoir que ça a une souche chrétienne, et sans te jeter dans des considérations religieuses.
Mais la lumière que cela t'apporte l'est pourtant. (C'est pas pour ça que tu deviens chrétien.)
Hors ligne
Merci pour tes remarques Cathy, intéressantes comme toujours.
Il est sans doute vrai que je suis dur avec Disney. Quelques films sortent sans doute du lot mais j'avoue ne pas être un grand fan et préférer les contes de Grimm, Perrault ou Andersen :-)
>> Cette dimension chrétienne est importante à signaler, car par là même Tolkien renoue avec « les origines religieuses lointaines » du conte merveilleux qui n’était pas alors du tout destiné aux enfants.
Je suis entièrement d'accord avec toi. Je n'avais pu insister autant que je l'aurais souhaité sur cette dimension par souci d'écrire une chronique assez brève. Ce n'est finalement pas plus mal puisque tu traites très bien cette question, sans doute mieux que je ne l'aurais fait moi-même.
Finrod.
Hors ligne
Je réitère mes propos(1) ici en félicitant à nouveau Finrod pour la clarté de son article destiné, je le rappelle, à des lecteurs moins « éclairés » de l’œuvre de Tolkien. Je pense que, de ce côté-là, la mission est bien remplie.
Mes respects également à Spzako qui vient apporter un éclairage nouveau sur la question. J’avoue ne pas avoir tout saisi à la première lecture, peut-être est-ce dû au fait que tu citais une précédente argumentation en lien avec un sujet légèrement différent. Si c’est le cas, pourrais-tu m’indiquer où trouver le reste des discussions car le sujet m’intéresse ? Si ce n’est pas le cas, je m’engage à remettre en question mes facultés intellectuelles en cette fin d’année…scolaire !
En tout cas je tombe d’accord avec toi (ainsi que beaucoup d’autres critiques et lecteurs, cela va de soi…) pour dresser un parallèle entre la fonction des mythes et des contes comme le SDA : il y a évidemment une dimension spirituelle (plus que religieuse(2)) derrière ces récits.
D’accord aussi pour distinguer dans chaque conte (mais pas seulement !) un récit d’initiation. En revanche je suis plus réservée quant au renvoi que tu fais à l’article de Loki, Essai de psychanalyse d’un conte de fées, pour des raisons que j’ai déjà explicitées dans un certain fuseau « Psychocritique »… :-) Comme quoi, on peut aboutir à des conclusions similaires par des voies très différentes ! :-):-)
1.J’ai ouvert un fuseau récemment dans la rubrique TOLKIEN ET LA LITTERATURE où je m’interrogeais sur les réticences des critiques envers Tolkien et la lecture tardive de ton article vient tout à fait compléter ce qui s’est dit sur ce fuseau.
2.Je veux dire par là qu’il est là de trouver dans les contes une intervention divine explicite. Comme le dit Eliade, c’est souvent des personnages comme les fées, les magiciens…etc. qui jouent ce rôle.
Hors ligne
Merci Nikita pour tes compliments :-)
Finrod.
Hors ligne
Vinyamar :
> On peut s'intéresser à la lumière de la foi en dehors de tout aspect >religieux,Beruthiel... selon les idées modernes de la religion.
Je le sais bien, c'est d'ailleurs mon cas : je suis athée mais ça m'intéresse de comprendre la foi des autres. Les livres de Tolkien (et les commentaires qui sont faits sur ce forum ;-))m'ont permis d'y voir un peu plus clair sur le sujet.
>> On peut voir les aventures de Bilbo et Frodo comme des reflets de la condition humaine et donc intéressantes en tant que telles, sans >>arrière plan chrétien.
>tout à fait impossible, car c'est toute la philosophie chrétienne qui >est engagée dans une telle perception de l'homme
Je te renvoie à l'article de Loki qui nous montre comment l'aventure de Bilbo peut symboliser le passage à l'âge adulte : il n'y a rien de religieux là dedans !
>mais rien ne t'empêche
>d'apprécier tout cela sans savoir que ça a une souche chrétienne
Ce n'est pas que je ne veux pas connaître l'influence de la religion dans l'œuvre de Tokien (cf supra) mais ce que je veux dire c'est qu'on peut trouver dans ses livres des questionnements sur la condition humaine qui vont au delà de la religion. Evidemment Tolkien va avoir tendance à apporter une réponse qui va dans le sens de ses convictions mais il laisse quand même les problèmes assez ouverts. Un exemple : l'anneau symbolise l'influence corruptrice du pouvoir, idée chrétienne, mais par ailleurs c'est ce même anneau qui a permis la grandeur de la Lorien, et lorsque les elfes renoncent à exercer leur pouvoir ils se condamnent à n'être plus que des ombres. Autre exemple : l'attitude des hommes par rapport à la mort, Tolkien nous donnent l'exemple d'hommes acceptant sereinement leur fin, mais il nous montre aussi que pour la plupart la mort pose problème, qu'elle inspire de l'horreur et de la peur.
> Mais la lumière que cela t'apporte l'est pourtant. (C'est pas pour ça que tu deviens
>chrétien.)
Non, désolée :-), je ne crois pas que l'on puisse dire cela…
As-tu vu la " La Ligne Rouge " de Terence Malick, Vinyamar ?, je crois que tu devrais beaucoup apprécierr, toi qui aime la nature et qui parle de "lumière"… :-)
Hors ligne
Je réponds dès demain, désolée, j'ai eu un méga-problème avec mon ordi
Cathy
Hors ligne
En effet, te voir si tard sur le forum, c'est étonnant ;-)
Hors ligne
Xav >>> Lol
Salut Finrod >> Ce n'est finalement pas plus mal puisque tu traites très bien cette question, sans doute mieux que je ne l'aurais fait moi-même.
Non car ton travail est structuré, moi, je ne lance qu’une série de remarques et de citations qu’il faudrait revoir selon une mise en forme plus pertinente. Même certains endroits sont confus : lorsque j’évoque la valeur symbolique de certaines dates (25 mars et 25 dec), on a la nette impression que les 9 marcheurs quittent Imladris le 25 mars et non le 25 dec alors qu’il faut lire le contraire bien sûr ;-))
Salut Vinyamar >>>> Comme je le disais à Beruthiel récemment ;-) j’aimerais faire mon mémoire sur le conte merveilleux, donc dès que l’occasion se présente, comme ce fuseau, j’en profite pour prendre de l’avance ;-) Plus un brin de folie …
Salut Beruthiel ;-))
Lorsque je parle « d’expériences d’origine religieuses qui ne sont plus perçues en tant que telles par l’homme moderne », je ne fais pas explicitement référence au christianisme mais à tout phénomène humain qui manifeste le sacré (NIKITA parle de dimension spirituelle plus que religieuse)… un tabou, un rituel, un symbol, un mythe, un démon, un dieu, etc., tels sont qquns de ces faits religieux. Sinon naturellement, dans le cas de Tolkien, il s’agit de sa foi catholique. Mais …
Notre morale occidentale est tout entière issue de la culture judéo-chrétienne. Mais le christianisme a repris les grandes Images et les symbolisations de l’homme religieux naturel ainsi que « leurs virtualités et leurs puissances sur la psyché profonde » (images du soleil, de la lune, du bois, de l’eau, de la mer …). En gros, selon Eliade, le symbolisme biblique et chrétien n’a rien innové, mais reste universel dans la mesure où il reprend à son compte et parfait des Images universelles (ce qui a naturellement facilité la diffusion de son message). L’innovation du christianisme consiste dans la valorisation du Temps (comme d’ailleurs le souligne Tolkien dans Faërie) :
« … le christianisme s’efforce de sauver l’histoire ; d’abord parce qu’il accorde une valeur au temps historique, ensuite parce que, pour le chrétien, l’événement historique, tout en restant ce qu’il est, devient capable de transmettre un message trans-historique : toute la question consiste à déchiffrer ce message » (Images et symboles, M.Eliade, p.224-225).
En plus le christianisme est intervenu dans l’Histoire pour l’abolir, avec la seconde venue du Christ, cette transformation du Temps en Eternité, c’est le paradis retrouvé (thématique que l’on retrouve dans l’œuvre de Tolkien).
Trois exemples d’expériences d’origine religieuses, révélateurs de la condition humaine:
1. Motif mythique de la descente aux enfers pour le salut d’une âme dans un but salvifique (et pas seulement initiatique, en effet NIKITA) :
Dans les religions sibériennes , nord-américianes, et ailleurs, le chaman primitif (le grand maître de l’extase, du feu et du vol magique) descend aux Enfers pour rechercher et ramener l’âme du malade, ravie par les démons. Dans la mythologie grecque, Orphée descend lui aussi pour ramener son épouse Eurydice, qui vient de mourir (on retrouve un récit analogue dans les mythes polynésiens, centralasiatiques et nord-américains). Jésus également mais pour sauver l’humanité tout entière. Le voyage de Frodo au Mordor se réalise aussi pour le salut des autres : « … the quest had as its object …the liberation from an evil tyranny of all the ‘humane’ (all speaking creatures) – including those, such as easterlings and Haradrim, that were still servants of the tyranny » (Lp.241).
Eliade conclut que ce motif mythique de la descente n’est plus seulement initiatique (comme dans le cas de Bilbo), mais l’on meurt et l’on réssussite pour le salut des autres : « l’archétype de l’initiation contient aussi cette valence de la « mort » (=descente aux enfers) au profit d’un autre » (p.218)(motif que l’on retrouve donc dans le SdA).
2. L’ascension au ciel et l’Image du paradis ‘océanien’ :
« Toutes les mystiques utilisent le symbolisme de l’ascension pour figurer l’élévation même de l’âme humaine et l’union avec Dieu : le chaman, Bouddha, Mahomet, le Christ … la notion de transcendance s’exprime universellement par une Image d’élévation… » (p.219) avec réintégration du « paradis » originel.
On retrouve ce symbolisme dans le départ de Frodo, Bilbo, Gandalf, Galadriel et Elrond pour l’île d’Eressëa par le Droit Chemin (Lp.410-411) :
« The ‘immortals’ who were permitted to leave ME and seek Aman – the undying lands of Valinor and Eressëa, an island assigned to the Eldar – set sail in ships specially made and hallowed for this voyage, and steered due West towards the ancient site of these lands. They only set out after sundown ; but if any keen-eyed observer from that shore had watched one of these ships he might have seen that it never became hull-down but dwindled only by distance until it vanished in the twilight : it followed the straight road to the true West and not the bent road of the earth’s surface. As it vanished it left the physical world. There was no return. The Elves who took this road and those few ‘mortals’ who by special grace went with them, had abandoned the ‘History of the world’ … »
Comme le souligne Eliade « Il ne s’agit pas d’expliquer la mystique judéo-chrétienne par le chamanisme, ni d’identifier des « éléments chamaniques » dans le christianisme. Mais il est un point dont l’importance ne peut échapper à personne : l’expérience mystique des primitifs, de même que la vie mystique des chrétiens, implique le recouvrement de la condition paradisiaque primordial. L’équivalence vie mystique=retour au paradis n’est donc pas un hapax judéo-chrétien, créé par l’intervention de Dieu dans l’histoire ; c’est une « donnée » humaine universelle d’une incontestable ancienneté » (p.221).
De même cette expérience mystique Frodo va aussi la vivre, car il trouvera guérison à ses souffrances et paix intérieure (Lp.328) : « Frodo was sent or allowed to pass over sea to heal him … before he died …. So he went both to a purgatory and to a reward, for a while : a period of reflection and peace and a gaining of a truer understanding of his position in littleness and in greatness, spent still in Time amid the natural beauty of ‘Arda Unmarred’, the Earth unspoiled by evil ».
Notons que Frodo va à l’île d’Eressëa et non à Aman (HoMEX, p.365). Petit clin d’œil au mythe du paradis terrestre qui a survecu jusqu’à nos jours sous la forme adaptée du « paradis océanien » avec palmiers, eaux translucides, chaises longues … ;-))
3. Motif mythique du « retour en arrière »
Ce motif initiatique fait partie d’un ensemble plus vaste de mythes et de rites de « retour à l’origine ». Pour l’homme archaïque, « la connaissance de l’origine de chaque chose confère une sorte de maîtrise magique sur elle : on sait où la trouver, et comment la faire réapparaître dans l’avenir » (Aspects du mythe, p.99).
Mais ce désir de connaître l’origine des choses n’est pas l’apanage des sociétés traditionnelles. Eliade prend comme exemple la psychanalyse (au grand dam de NIKITA ;-))) qui s’est interrogée sur la problématique des ‘commencements’, cad la première enfance :
« En traduisant en termes de pensée archaïque, on pourrait dire qu’il y a eu un « Paradis » (pour la psychanalyse, le stade prénatal ou la période s’étendant jusqu’au sevrage) et une « rupture », une « catastrophe » (le traumatisme infantile), et , quelle que soit l’attitude de l’adulte à l’égard de ces événements primordiaux, ils ne sont pas moins constitutifs de son être » (p.101).
Pour l’historien des religions qu’est Eliade, 2 idées de Freud l’intéressent :
1. la béatitude de l’origine et des commencements de l’être humain, thème relativement fréquent dans les religions archaïques et traditionnelles (grecque , judéo-chrétienne …) et dans le Silmarillion : « Les enfants des Hommes se répandirent à l’ouest, au nord et au sud et leur joie était toute matinale, celui du matin quand la rosée est encore fraîche et que toutes les feuilles sont vertes» (p.131).
2. L’idée que par un « retour en arrière » on peut revivre certains incidents traumatiques de la première enfance.
Cette seconde idée justifie aussi le rapprochement avec les comportements archaïques car le ‘retour en arrière’ était déjà pratiqué dans les cultures extra-européennes. Eliade évoque le symbolisme des rituels initiatiques impliquant un regressus ad uterum : « Dès les stades archaïques de culture, l’initiation des adolescents comporte une série de rites dont le symbolisme est transparent : il s’agit de transformer le novice en embryon, afin de le faire renaître ensuite … l’adolescent devient à la fois un être socialement responsable et éveillé culturellement. Le retour à la matrice est signifié soit par la réclusion du néophyte dans une hutte, soit par son engloutissement symbolique par un monstre, soit par la pénétration dans un terrain sacré identifié à l’utérus de la Terre-Mère » (p.103-104). Ces rites de puberté des sociétés primitives existent aussi dans des cultures plus complexes, mais « dans tous ces cas, le regressus ad uterum est opéré dans le but de faire naître le récipiendaire à un nouveau mode d’être, ou de le régénérer » (p.104).
A ces rituels initiatiques se rattache un certain nombre de mythes « relatant les aventures des Héros ou des magiciens et des chamans qui ont opéré le regressus en chair et en os, et non pas symboliquement. Un grand nombre de mythes mettent en vedette … la traversée initiatique d’une vagina dentata ou la descente perilleuse dans une grotte ou une crevasse assimilées à la bouche ou à l’uterus de la Terre-Mère. Toutes ces aventures constituent en fait des épreuves initiatiques, à la suite desquelles le héros victorieux acquiert un nouveau mode d’être » (p.105).
Naturellement la mort « réelle » et la résurrection « réelle » de Gandalf participe de ce motif, lui qui est passé « par le feu et la mort » dans les abîmes de la Moria avant de renaître Gandalf le Blanc. De même Bilbo, mais dans une moindre mesure, à chaque renaissance symbolique, à chaque expulsion de la mère-terre, il se trouve régénérer.
Salut NIKITA >> Tout en reconnaissant l’aspect réducteur de la psychanalyse freudienne (psychologie des profondeurs selon la terminologie de Mircea Eliade), Eliade, dont le domaine bien différent est l’histoire des religions, montre qu’il y a continuité entre les univers onirique et mythologique, la différence c’est que le premier est privé et personnel, le second s’assume comme exemplaire et universel .
Et ici, avec le « retour en arrière », on voit que Freud en avait perçu toute l’importance pour la compréhension de l’homme et surtout pour sa guérison. Mais bien avant lui, « le retour rituel à la matrice » était déjà une thérapeutique archaïque ! Eliade cite l’exemple du taoïsme (dont l’idéal est l’obtention de l’immortalité – décidément -) : « En revenant à la base, en retournant à l’origine, on chasse la vieillesse, on retourne à l’état de fœtus ». En Inde, de nos jours encore, on trouve la coutume d’enterrer les malades et les vieillards dans une fosse ayant la forme d’une matrice, « afin de les faire naître du sein de la Terre-Mère ».
Le but de ses rapprochements est de montrer que la croyance universelle dans le « retour à l’origine », du « revenir en arrière » est liée à une démarche thérapeutique : guérir l’homme des crises et des tragédies de son histoire, inscrite dans un Temps qui en s’éloignant de plus en plus de la « perfection des commencements », se dégrade lui-même progressivement.
L’article de Loki, dans cette optique, me semble tout-à-fait cohérente, mais c’est vrai que « l’homme moderne et positiviste » qui généralement méprise mythologies, théologies et tout ce qui se réfère à une étrange poétique de l’inconscient ( ;-)) peut trouver cela bien étrange cette façon de rendre compte de la situation existentielle de l’homme en Cosmos et de sa nostalgie des origines (cette dernière si prenante dans l’œuvre de Tolkien);-))
Le fuseau auquel je fais référence, à réserver pour un jour de pluie ;-) est
Etude et Créance Secondaire
Beruthiel re >>> L’Anneau est un symbole, donc il doit être vu comme un faisceau de significations qui lui confère sa vérité (dixit Eliade). Il est donc aussi un instrument pour communiquer avec le monde invisible tout en rendant invisible et en allongeant la vie du porteur ; selon la tradition finnoise, il semblerait que l’anneau est un des moyens pour entrer en contact avec le monde des morts : l’instrument principal du chaman (je précise que celui-ci est le spécialiste d’une transe, pendant laquelle son âme est censée quitter le corps pour entreprendre des ascensions célestes ou des descentes infernales, et réussit à communiquer avec les morts, les démons et les esprits de la nature sans pour autant se transformer en leur instrument) était le tambour sur lequel étaient peints des images mystiques. Pour entrer en contact avec l’au-delà, le chaman mettait un anneau sur le tambour puis le faisait chanter (le tambour ;-)) avec sa baguette, et, selon la façon dont l’anneau se déplaçait sur les images peintes, le chaman pouvait répondre à des questions émises par les vivants à leurs morts ou faire preuve de préscience (tiens ça me rappelle le miroir de Galadriel ;-)).
Et voilà, encore un thread bien rempli (qui prouve l’intérêt du sujet de départ) ;-))
Bonne Nuit
Cathy
Hors ligne
Que puis-je répondre à ton post, Spzako, si ce n’est que je suis ressortie de la bibliothèque cet après-midi avec deux exemplaires de Mircea Eliade : Aspects du mythe et Mythes,rêves et mystères ? Je suis donc plongée dedans et je comprends déjà mieux à quoi tu faisais référence dans tes posts… Quel sujet passionnant ! On devrait ouvrir un fuseau plus en lien avec le sujet, tu ne penses pas ?
Hors ligne
Bonsoir Cathy !
J'avais effectivement pris ce que tu disais dans un sens beaucoup trop restreint. Je vois bien ce que tu veux dire maintenant. Merci pour tous tes commentaires (un de ces jours il faudra que je lise Eliade moi aussi…) ! En ce qui concerne l'anneau je m'étais exprimée de façon assez catégorique pour faire court, je ne voulais pas dire que la seule et unique fonction de l'anneau dans le SDA était de montrer l'influence corruptrice du pouvoir. C'est simplement une des lectures possibles.
Hors ligne
Ca y est, j’ai terminé la lecture d’ « Aspects du mythe » et j’ai quelques petites remarques à ajouter pour achever de vous convaincre de lire ou de relire Eliade.
>Spzako :
1. « Tout en reconnaissant l’aspect réducteur de la psychanalyse freudienne (psychologie des profondeurs selon la terminologie de Mircea Eliade), Eliade, dont le domaine bien différent est l’histoire des religions, montre qu’il y a continuité entre les univers onirique et mythologique, la différence c’est que le premier est privé et personnel, le second s’assume comme exemplaire et universel . »
2. « L’article de Loki, dans cette optique, me semble tout-à-fait cohérente… »
Si je suis d’accord avec ta première conclusion, Spzako, je ne peux souscrire à la seconde mais je laisse le soin à Eliade d’exposer ses arguments que je partage personnellement :
« (Jung) rappelle, à juste titre, que le conte n’est pas une création immédiate et spontanée de l’inconscient (comme le rêve, par exemple) : c’est avant tout une « forme littéraire », comme le roman et le drame. Le psychologue néglige l’histoire des motifs folkloriques et l’évolution des thèmes littéraires populaires ; il est tenté de travailler avec des schémas abstraits. Ces reproches sont fondés. » (« Aspects du mythe », p.241-242)
Pour être tout à fait honnête, Eliade, en véritable modèle de pondération, ajoute quelques lignes plus loin :
« Tout ce qu’un folkloriste peut objecter à un psychologue, c’est que ses résultats ne résolvent pas son problème, ils ne sont bons qu’à lui suggérer de nouvelles voies de recherche. »
Bon ça, c’était pour clore un vieux débat sur la légitimité de la psychocritique en matière de conte…
Maintenant je voudrais citer un passage du même essai où Eliade avance une théorie de la littérature qui, je crois, satisferait Tolkien et bon nombre d’écrivains… En tout cas, moi, je ne peux qu’acquiescer car c’est là une conception de la littérature très noble et dans laquelle je me reconnais. Je vous laisse juges :
« On pourrait donc dire que la passion moderne pour les romans trahit le désir d’entendre le plus grand nombre possible d’ « histoires mythologiques » désacralisées ou simplement camouflées sous des formes « profanes » » (…) Le besoin de s’introduire dans des univers « étrangers » et de suivre les péripéties d’une « histoire » semble consubstantiel à la condition humaine et, par conséquent, irréductible. Il y a là une exigence difficile à définir, à la fois désir de communier avec les « autres », les « inconnus », et de partager leurs drames et leurs espoirs, et besoin d’apprendre ce qui a pu se passer. »
« La « sortie du Temps » opérée par la lecture – particulièrement la lecture des romans – est ce qui rapproche le plus la fonction de la littérature de celle des mythologies.(…) On devine dans la littérature, d’une manière plus forte encore que dans les autres arts, une révolte contre le temps historique, le désir d’accéder à d’autres rythmes temporels que celui dans lequel on est obligé de vivre et de travailler. » (« Aspects du mythe », p.231-232)
Pour en revenir à notre sujet de départ, apprécier l’œuvre de Tolkien n’est pas le signe d’une régression infantile : Tolkien n’est pas un auteur pour enfants, il n’est pas non plus un auteur pour adultes : son œuvre s’adresse à l’homme dans toute son universalité car de part sa condition humaine, l’homme cherche à transcender sa propre histoire, que ce soit au moyen de la religion ou de l’imaginaire à travers la création artistique dont la littérature n’est qu’une forme parmi d’autres…
Hors ligne
Salut NIKITA,
Lol, mais pour l'article de Loki, faudra que je cherche encore pour le réhabiliter, t'inquiète pas :-))
Sinon "On devrait ouvrir un fuseau plus en lien avec le sujet, tu ne penses pas ?", oui, je ne sais ce qu'en pense Cédric, mais cela me semble une bonne idée ;-))
Sinon en effet moi aussi j'ai réfléchi sur l'intérêt de lire Eliade, voici un brin de réflexion donc :
Tolkien était d’abord un philologue (un spécialiste du mot et, petit topos : le mot est vivant car le mot c’est le Verbe et le Verbe c’est Dieu ;-)), puis un mythologue (un spécialiste du sacré), avant de devenir un écrivain de Fantasy. Je me permets de citer Didier Willis (ce sont ses articles qui m’ont donné envie de lire Eliade) :« Il s’agit pour Tolkien, en tant que continuateur d’une tradition mythologique , d’inscrire son récit dans le Légendaire de notre monde, mais pas dans son Histoire». Mais en même temps, revendiquant son statut d’historien et de traducteur il situe son Légendaire dans notre préhistoire, bien avant l’invention de l’écriture (3200 av JC), dans des temps archaïques et fabuleux qui ont vu aussi l’engloutissement de l’Atlantide (~ 9500 av JC).
Cette tradition s’inspire d’une « matière » ancienne (voire très ancienne), pour citer les principales (et les plus récentes), les traditions islandaises, finnoises, judéo-chrétiennes, grecques, pour en faire « un nouvel usage », et « il se voyait comme un maillon dans une tradition littéraire millénaire, « une longue ligne continue, indivisible » dont aucune partie ne devait être négligée » (Sur les rivages de la TdM, Vincent Ferré, p.132).
L’homme des sociétés archaïques (pré-modernes ou traditionnelles) et plus tard les traditions mythologiques des grandes religions méditerranéennes et asiatiques, expriment leur métaphysique de la réalité, qui est bien une conception globale et cohérente de la Réalité, par le truchement des mythes, des symboles et des rituels. Cette vie magico-religieuse n’est pas un amas de superstitions puériles mais «révèle une prise de conscience existentielle de l’homme à l’égard du Cosmos et de soi-même » (Eliade). Et ces Images et symboles, qui constituent des « ouvertures » vers un monde trans-historique, permettant aux « diverses histoires » de diverses cultures de communiquer (voir mes exemples ci-dessus), réapparaissent même dans la littérature la plus « réaliste », sous forme de mythes dégradés et de symboles sécularisés.
Le mérite d’Eliade est d’avoir voulu mettre à la disposition des non-spécialistes une documentation historico-religieuse sous une forme moins technique, moins historique que d’habitude, s’attachant plus aux faits religieux, dans une perspective plus spirituelle. Certains lui ont reproché cet effort de vulgarisation (il ne pourrait même pas servir de source secondaire valable) et cette façon de traiter toutes les religions en vrac. Mais Eliade ne cherche pas à faire de l’histoire. Enfin, je ne sais , comme je ne suis pas une spécialiste, mais je trouve Eliade passionnant malgré tout et sa lecture peut aider à mieux interpréter cette matière ancienne sur laquelle repose le Légendaire de Tolkien et mieux comprendre sa nostalgie d’un passé mythisé.
Mais comment définir une tradition ? Par 4 critères peut-être:
1. Une dimension mythologique
2. Une Histoire révisée et glorifiée
3. Des histoires héroïques et un ensemble de chroniques légendaires
4. Un délicieux folklore
On voit de suite que la tradition de la TdM est différente d’une tradition authentique dans la mesure où comme l’écrit Cédric « c’est une création artificielle car sans fondement historique aucun, un passé réinventé et rêvé, c’est la mythologie d’un homme qui s’est fait peuple » (j’adore) et non la mythologie d’un peuple.
Mais une tradition c’est aussi un savoir hérité du passé, répété de génération en génération, mais jamais à l’identique, car transmettre une tradition, c’est bien souvent faire un choix présent : « Ces légendes sont nouvelles, elles ne proviennent pas directement d’autre mythes et légendes, mais il est inévitable qu’elles contiennent une grande part de motifs ou d’éléments anciens largement répandus. Après tout je crois que les légendes et les mythes sont faits pour une bonne part de « vérité », et en présentent des aspects qu’on ne peut recevoir que de cette manière » (Traduction d’Eruvike de la L131 in Conférence, p.722).
Une tradition est donc bien un « morceau du passé taillé à la mesure du présent ». Ces motifs anciens et universels, ces symbolismes archaïques réapparaissent donc spontanément, mais transformés, renouvellés (comme dans le Légendaire), « mais ils ne disparaissent jamais, fût-ce dans la plus positiviste des civilisations … les symboles et les mythes viennent de trop loin : ils font partie de l’être humain … » (Eliade).
Mais Tolkien, grâce à sa créativité poétique, familier des univers fantastiques et magico-religieux et d’une certaine manière tributaire d’une expérience « extatique » (tel le chaman des sociétés archaïques, ce qui va aussi dans le sens de ce que je disais ailleurs –voir le fuseau ‘Etude et créance secondaire’ -, qu’un peu à la façon des aèdes grecques inspirés, Tolkien se considérait comme un instrument de la Providence car les visions de choses révolues lui auraient été communiquées ainsi (L 131)) a continué le processus de la création mythologique.
Et Eliade (Aspects du mythe, chapitre sur l’imagination et la créativité, p.181) émet l’hypothèse que les modifications d’une mythologie traditionnelle peuvent être le fait d’une « forte personnalité religieuse » ! ! ! Eh oui ! ! ! :
« Ce sont les spécialistes de l’extase, les familiers des univers fantastiques qui nourrissent, accroissent et élaborent les motifs mythologiques traditionnels.
En fin de compte, c’est une créativité sur le plan de l’imagination religieuse qui renouvelle la matière mythologique traditionnelle … Dans les sociétés archaïques comme partout ailleurs, la culture se constitue et se renouvelle grâce aux expériences créatrices de qq individus. Mais parce que la culture archaïque gravite autour des mythes, et que ces derniers sont continuellement réinterprétés et approfondis par les spécialistes du sacré, la société dans son ensemble est entraînée vers les valeurs et les significations découvertes et véhiculées par ces qq individus. En ce sens, le mythe aide l’homme à dépasser ses propres limites et conditionnements, l’incite à s’élever « auprès des plus grands » ».
Cette hypothèse nuance les propos de Cédric ;-))
Encore un grand discours, et mon dieu comme il est tard, bonne nuit
Cathy
Hors ligne
lol
6h02 ! Mais tu ne dors donc jamais ? ;-)
Finrod, qui a de plus en plus envie de lire Eliade.
Hors ligne
A nous deux, Spzako, on va convertir tout le forum !:-)
Finrod et Beruhtiel, précipitez-vous sur Eliade qu’on puisse poursuivre la discussion et l’ouvrir à d’autres…
Je propose de lancer un nouveau sujet dans la partie TOLKIEN ET LA LITTERATURE du style :
La fonction mythologique des écrits de Tolkien
ou alors
Tolkien, mythologue cultivé ou prêtre investi d’une mission religieuse ?
Ces titres ne sont peut-être tout à fait parlants mais je pense qu’on pourrait aller encore plus loin sur les liens entre l’inspiration de Tolkien et le caractère spirituel de ses écrits…
Qu’en pensez-vous ?
Hors ligne
Je viens de finir Aspects du mythes et Mythes, rêves et mystères. Je voudrais te remercier, Cathy, pour m'avoir fait découvrir Eliade, j'ai trouvé ces livres très intéressants, comme éclairage sur l'œuvre de Tolkien mais aussi au delà. Je comprends mieux tes posts précédents à présent, notamment sur les aspects liés au Temps : sur le " retour dans le Temps Primordial " opéré par les mythes, sur le fait qu'une caractéristique essentielle du christianisme était " l'entrée dans l'Histoire " (chose dont je n'avais pas du tout conscience). Ca m'a remis en mémoire un de tes posts plus ancien sur le temps en Lorien (post du 06/03/02 sur le fuseau Le temps en Lorien ) que j'ai relu avec intêret ! Sous cet éclairage la Lorien m'apparaît comme le dernier bastion permettant la réactualisation du Temps Primordial (Arda Unmarred) condamné à disparaître pour laisser complètement la place au temps historique.
Hors ligne
Bravo Beruthiel!
A destination de ceux qui voudraient creuser le sujet, je recommande la lecture de la Chronique n°3 : "Tolkien, Littérature ou Mythologie ?" par Semprini disponible sur ce site.
Hors ligne
>> Beruthiel : Ca m'a remis en mémoire un de tes posts plus ancien sur le temps en Lorien
Ah...le bel article de Cathy!! je ne lui ai jamais dit (parce que je l'avais plus ou moins oublié...) mais son intervention lumineuse et illuminatrice a beaucoup joué sur l'attachement que j'ai porté à JRRVF que je venais de découvrir : "ah, me suis-je dit, c'est tout aussi riche que ça, le monde de Tolkien?" ;-))
S.
Hors ligne
Oups, encore à la bourre (je ne suis pas très assidue en ce moment, mais j'essaie de mettre à jour certaines promesses, puis la rentrée, puis je ne sais plus, en oui le temps qui passe, horrible ;-)), donc merci Beruthiel;-) Je me dis aussi que si j'avais lu Mircea Eliade alors, mon post aurait sans doute été meilleur ;-)) ainsi Sosryko ne l'aurait pas si vite oublié :o)
Cathy
Hors ligne
>Spzako: Finalement je suis allée lire ton post sur "Le temps en Lorien" et je dois que j'ai été subjuguée de constater à quel point tes explications rejoignaient les conceptions d'Eliade, y compris en ce qui concerne la vision du temps pour les idéologies dominantes du XXe siècle (communisme, fascisme...etc)! J'imagine combien la lecture d'Eliade par la suite a dû te ravir...
A bientôt sur le forum!
Hors ligne