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#1 02-10-2000 13:40

Hisweloke
Inscription : 1999
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Quelques énigmes résolues.

Le fanzine américain Vinyar Tengwar n°41 contient quelques notes linguistiques inédites de J.R.R. Tolkien sur l'ósanwe-kenta ("enquête sur la communication de la pensée"), juste mentionnée par Christopher Tolkien et publiée dans son intégralité dans Vinyar Tengwar n°39. Nous y trouvons notamment une sorte de "mini-Etymologies" donnant une racine KHEP "retain, keep, do not give away or release, keep hold of". Cela nous indique très probablement la solution d'un problème qui a longtemps tenu en haleine ceux qui s'intéressent aux langues elfiques: l'interprétation de la forme ú-chebin "I have not kept" dans le linnod de Gilraen (le fragment de la légende d'Aragorn et d'Arwen dans les appendices du SdA). En raison de la mutation provoquée par la terminaison -in, nous ne savions pas dire si le radical de ce verbe était hab-, hob- ou heb- (voir nos cours de sindarin sur ce site). Voilà qui tranche aujourd'hui en faveur de heb-...

Ce VT contient aussi un autre inédit, une longue discussion sur le mot óre. Nous y trouvons une confirmation de l'existence d'un aoriste en quenya (avec confirmation que ce terme est bien correct, jusqu'alors c'était plutôt une déduction): aoriste quete vs. présent quéta.

Quant au sindarin, la phrase guren bêd enni, traduction du Quenya órenya quete nin ("mon coeur me parle"), est très instructive. Nous y voyons une forme mutée du verbe (°bêd alors que nous attendrions pêd), un autre cas de lénition grammaticale à ajouter à notre longue liste de mutations... La forme guren "mon coeur" met probablement fin à un long débat pour savoir si lammen dans l'invocation de Gandalf signifie textuellement "ma langue" ou s'il s'agit d'un adjectif "de la langue". Certains en effet considéraient le dernier cas, sur la base de nombreux adjectifs se terminant en -en (e.g. lossen "enneigé"). Apparement ils avaient tort... Nous aurions bien deux cas distincts de terminaisons en -en, celui de certains adjectifs (correspondant à ceux en -ina en quenya) et celui de la construction nom + possessif 1ère personne (correspondant à -(i)nya en Quenya).

VT n°41 contient plusieurs autres notes d'un intérêt certain pour l'étude des langues elfiques. On peut dire aujourd'hui avec certitude qu'une bonne part de la grammaire Quenya proposée par Edouard Kloczko dans son Dictionnaire des langues elfiques (volume I) serait à revoir, amender et compléter. Depuis 1995, nous avons effectivement appris plusieurs petites choses, même si notre connaissance du sujet ne peut que rester parcellaire en l'état actuel des choses. Le site Ardalambion de Helge, bien que sa forme éléctronique lui permette d'être plus à jour, nécessiterait aussi d'importantes révisions. Tout ceci nous montre combien nous progressons par étapes dans la compréhension des langues elfiques, au gré des publications, et combien il est difficile aujourd'hui de prétendre à une vérité ou à une complétude certaines.

Je compte terminer cette semaine un compte-rendu linguistique sur le passage de l'appendice D de Quendi and Eldar omis par Christopher Tolkien et publié dans VT n°39. Il conviendra ensuite de se pencher aussi sur ce VT n°41, pour en tirer les leçons.

Toutes proportions gardées, on peut dire que l'étude des langues elfiques ressemble au travail des linguistes lorsque les archéologues découvrent de nouvelles pièces: certaines thèses tombent, d'autres y gagnent en pertinence. Mon coeur me dit qu'il reste du travail !

Didier.

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#2 02-10-2000 19:04

Cedric
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Re : Quelques énigmes résolues.

Didier, merci d'avance pour ton compte rendu de VT n°39 ;-)

Lorsque nous abordons la question des connaissances de la linguistique chez Tolkien, nous portons assez souvent des réserves sur nos réponses.
Nous savons, comme toute son oeuvre, que les aspects linguistiques chez Tolkien ont été en perpétuelle mouvance. Si certains points restent, à ce que je crois, immuables d'autres sont plus ou moins discutables.
Celles et ceux qui sont versés dans cette matière peuvent-ils éventuellement aborder les points qui sont à sujets à changement ?
Je le reconnais, cette question est sûrement très vaste...
Par ailleurs, peut-on affirmer avec certitude que certaines choses ne changeront jamais ?

Car si certains points grammaticaux peuvent changer, c'est parce que de nouveaux matériaux sont publiés au goutte à goutte.
As-tu une idée des textes qui restent à publier ? Est-ce que certaines personnes ont pu voir ces documents ? Qui les a en sa possession ?

Ce sont là autant de questions fort vastes que je pose. En effet, nombre d'entre nous (à commencer par moi) y perdent peut-être de leur Sindarin lorsque d'une parution à une autre, il nous faut revoir certains fondements de nos maigres connaissances.

Pouvons-nous tenter ici de trouver quelques réponses ?
Suis-je compréhensible ? ;-)

Cédric

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#3 03-10-2000 16:24

Hisweloke
Inscription : 1999
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Re : Quelques énigmes résolues.

Exception faite de la toute première phase linguistique de 1917-1918, illustrée dans le Livre de Contes Perdus sous la forme du Qenya[sic] Lexicon (Qenyaqetsa) et du Gnomish Lexicon (I·Lam na Ngolsathon), les choses sont assez fixes à partir des années 30. Les Etymologies de cette époque montre une relative stabilité, surtout pour le Quenya: il semble que Tolkien ait considéré la langue comme assez mûre et ne l'ait plus fondamentalement changée. Il a procédé essentiellement par ajouts (l'augment du parfait, par exemple, est généralisé entre la première édition du SdA et la seconde, vánier vs. avánier). Les textes récents semblent montrer des ajouts conséquents (comme une nouvelle terminaison -ita dans VT n°41, pour une forme de l'infinitif), mais sans que cela remette en question les éléments antérieurs.

Le sindarin pose des problèmes d'un autre ordre. Il existe d'abord sous le nom de "noldorin", comme langue des Noldor en exil, avant d'être renommmé en "sindarin" et d'être attribué aux Elfes Gris lors de l'écriture des appendices du SdA. Le Noldor, à partir de cette époque, parleront un dialecte sdu quenya, appelé "ñoldorin" (de quoi s'y perdre). Cette langue, moins stable que le quenya dans l'esprit de Tolkien, a subi diverses modifications. Les principales sont reprises dans les articles "AE ou OE" et "RH et LH" de Helge Fauskanger.

Mais dans l'ensemble, on peut dire que Tolkien semblait avoir une vision assez stable de ses langues, et qu'il procédait surtout par affinage.

Alors pourquoi devons-nous revoir nos conceptions à chaque nouvelle publication? Principalement parce que c'est notre compréhension, basée sur des éléments incomplets, qui est fautive.

A titre d'exemple, dans son Dictionnaire, E. Kloczko indiquait que le présent se termine soit par -ë, soit par -a selon le verbe: síla "(il) brille" mais carë "(il) fait". Il rejette les formes préliminaires des brouillons du SdA (où nous avions silë, pluriel silir) comme étant incorrectes. Mais nous savons aujourd'hui qu'il y a deux formes de conjugaison, un aoriste en -ë et un présent continuatif en -a avec allongement de voyelle (en simplifiant à l'extrème, vous VT n°39 et n°41 pour les détails). Ainsi Tolkien n'a pas rejeté les formes des brouillons, comme nous aurions pu le croire, mais il a choisi une meilleure concordance des temps ! L'étoile ne brille pas dans l'absolu (aoriste), elle est en train de briller sur la rencontre de Frodon et Gildor (continuatif). Tant que nous ne savions pas que deux formes opposables existaient (apparemment depuis déjà assez longtemps, comme ne témoignent les brouillons du SdA), nous pouvions croire qu'il s'agissait d'un même temps pour divers groupes de verbes (comme en français, 1er groupe vs. second groupe). La faute était nôtre, par manque d'information. Il faut dire aussi que les choses ne nous sont pas facilitées, nous n'avions presque pas d'exemple post-SdA avant ces deux Vinyar Tengwar. Après le SdA pourtant, Tolkien était contraint à respecter les textes publiés et à maintenir une certaine cohérence qui n'était pas un impératif auparavant. Nous pouvons être presque sûrs que certaines choses ne peuvent pas changer, puis qu'elles ont été publiés du vivant de Tolkien.

En revanche, il faut reconnaître qu'il existe quelques points sur lesquels Tolkien a vraiment changé d'avis plusieurs fois. Le marques des pronoms personnels entrent probablement dans ce cadre (il est encore difficile de trancher aujourd'hui).

Les publications linguistiques sont rares et éparses, aussi ne pouvons-nous progresser que par étapes...

Quant aux inédits, certains existent à la Bodleian (UK, accès réservé) et à Marquette (USA, accès libre). On ne peut pas les publier, mais plusieurs personnes y ont eu accès. Les catalogues de ces bibliothèques donnent une idée (assez vague) de ce qu'elles possèdent. Le reste est sans doute en fonds propres chez Christopher Tolkien lui-même, ou dispersé ailleurs dans la famille.

Didier.

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