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Dans un mois, jour pour jour, c'est mon anniversaire et j'ai appris récemment que le lundi 2 décembre prochain devrait être également, si l'on en croit les sites TheOneRing.net et Tolkiendrim, le jour de la projection en avant-première mondiale du film The Hobbit: The Desolation of Smaug à Los Angeles. À moins que JR (Isengar) ne m'offre généreusement le billet d'avion, je ne reviendrai pas en Californie pour cette occasion spéciale. Cela aurait pu être une aventure amusante, ceci dit. ;-) Bref, on se contentera d'attendre l'arrivée en Europe de ce deuxième film d'une série de trois, qui sortira dans les salles de cinéma le 11 décembre prochain en France, en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark, et en Finlande (et dès le 10 décembre en Norvège)... puis dans le reste du monde dans les jours qui suivront.
Le temps passant, entre le travail de sape obsessionnel des jacksonophobes et les dithyrambes non moins systématiques des jacksonophiles, j'avoue qu'il n'est pas toujours facile de rester serein et de ne pas se laisser aller à éprouver parfois un sentiment de profonde lassitude... Néanmoins, l'histoire continue, et comme je l'ai déjà écrit par le passé, seul un visionnage des trois longs métrages pourra permettre d'essayer de se faire un avis éclairé sur l'adaptation de The Hobbit par Peter Jackson, et juger éventuellement de sa réussite.
Ici, il pourra donc être question de critiques de spectateurs ayant vu le film The Hobbit: The Desolation of Smaug (Le Hobbit : la Désolation de Smaug), sachant que les critiques concernant le premier film de la trilogie, The Hobbit: An Unexpected Journey (Le Hobbit : un voyage inattendu), font l'objet d'un autre fuseau de discussion.
Bon visionnage à toutes et à tous lorsque l'occasion se présentera, et à bientôt.
Cordialement, :-)
Hyarion.
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voici une nouvelle bande annonce pour aiguiser la critique :-)
[video=480,360]http://www.youtube.com/watch?v=lfflhfn1W-o[/video]
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Je n'ai pas regardé jusqu'à la fin, la musique est insupportable... ça finit comment ?
I.
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en musique !!!
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Par les tétons poilus de Thuringwethil, on n'est pas dans la mouise...
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ben, à propos de musique pour le Hobbit...
[video=480,360]http://www.youtube.com/watch?v=uf8Fwiy0Bkc&list=TLxDXBZY_FshQ-V0Gbw3GhGroaQT5kBuJJ[/video]
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scrogneugneu. Le lien suffira.
http://www.youtube.com/watch?v=uf8Fwiy0Bkc&list=TLxDXBZY_FshQ-V0Gbw3GhGroaQT5kBuJJ
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C'est plutôt pas mal, ça. Il a l'air tout jeunot en plus, ce rouquin...
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Ed Sheeran, c'est vachement bien
Je l'ai découvert dans Taratata il y a deux-trois ans. Il s'était pointé avec une guitare d'enfant et sa bouille de Titi du Yorkshire, et il avait mis le feu au plateau, sans batterie, sans basse ni effets !
Je me demande pourquoi il a été se fourvoyer dans cette aventure pathétique.
Mais au moins, pour la première fois dans toutes les trilogies jacksoniennes, on entend enfin une musique intéressante.
I.
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Tandis que les premiers avis commencent à apparaître un peu partout suite à diverses avant-premières (y compris sur Tolkiendil), voici ce que j'ai pu lire hier sur le site d'Ecran Large, dans un article daté du 7 décembre ("J - 2 avant Le Hobbit, la Désolation de Smaug") :
Alors que les premiers échos nous parviennent d'Amérique, tandis qu'une poignée de nos confrères ont d'ores et déjà découvert le film, tout laisse à penser que les opinions seront extrêmement tranchées et plutôt divergentes entre américains et français. En effet, si le Time a immédiatement intégré le film à son top annuel, que The Hollywood reporter, Variety et Empire y voient une séquelle infiniment plus réussie qu'Un Voyage inattendu, les retours hexagonaux que nous avons pu collecter sont, eux, tout à fait catastrophiques. Arbitrer avant visionnage ou interpréter qui serait plus sincère ou dans le vrai n'aurait logiquement aucun sens, il nous tarde néanmoins de voir comment un « Jackson une fois de plus au sommet de son art » (Empire) peut bien cohabiter avec « le récit décousu et artificiel » qu'on nous a décrit ou comment cette œuvre « qui s'avère en tout point une amélioration de la précédente » (The Hollywood reporter) pourrait bien s'avérer « une pure entreprise mercantile décérébrée ».
Quoi qu'il en soit, l'attente est énorme, de la part des détracteurs comme de ceux qui attendent La Désolation de Smaug la bouche en cœur. Peter Jackson, de l'avis de tous ceux que nous avons contacté, amateurs, fans, professionnels et profanes, doit néanmoins impérativement relever un ultime défi : « nous expliquer pourquoi il a rajouté des personnages et une amoureuse à Legolas, alors que l'acteur n'a même pas lu les bouquins ». Non mais.
Voici donc venir, comme je le craignais, un vent (inutilement tempétueux) fait de louanges excessives d'un côté et de condamnations définitives de l'autre concernant le film. Les jugements péremptoires sur le travail de P. J., c'est un peu comme le satané rhume que j'ai en ce moment : ce n'est pas bien grave, mais ça me fait quand même un peu mal à la tête... Il va falloir, d'ailleurs, que je me refasse une séance de fumigation ce soir... en espérant être promptement en meilleure forme pour aller voir le film cette semaine dans d'aussi bonnes conditions que possible.
Amicalement,
Hyarion, un peu enrhubé, donc. ;-)
P.S.: l'autre jour, j'ai retrouvé la trace d'un vieux fuseau au contenu exceptionnel, puisque l'on y trouve le premier message de JR dans lequel celui-ci avait donné un avis (tout en retenue, mais sans pour autant cacher une certaine frustration) sur le premier film de la première trilogie. C'était en janvier 2002 : http://www.jrrvf.com/fluxbb/viewtopic.php?id=4290 Comme le temps passe... ;-)
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Une interview de PJ sur Le Figaro, qui tout compte fait n'est pas inintéressante. Je cite :
Ecoutez, ce business n'a absolument rien de romantique. La Warner a investi d'énormes sommes dans ces films et l'une de mes responsabilités est de faire en sorte que le studio récupère sa mise. J'ai énormément de respect et d'amour pour l'œuvre de Tolkien, mais en fin de compte, l'opinion des fans ne m'influence pas. Un film n'est pas un livre et, en tant que cinéaste, mon approche narrative est différente. Et c'est ma vision personnelle qui prime. À la sortie du Seigneur des anneaux, les ventes des livres avaient grimpé de mille pour cent! Ça n'aurait jamais été le cas sans mes films ! Les livres sont des chefs-d'œuvre, on le sait. Pas les films. Mais j'estime avoir largement contribué à faire connaître cet univers à toute une nouvelle génération qui n'y aurait jamais été sensible autrement. Et en définitive, ça a été un bien plus qu'un mal.
Cela ne manque pas d'une dose de réalisme lucide pour les uns, de cynisme assumé pour les autres, mais à l'exception de la dernière phrase qui pourrait nourrir des dizaines de fuseaux pour quelques générations à venir (et qui le fera sûrement !), il est difficile de lui donner tort. Finalement, il a bien résumé : le jugement porte bien sur son approche narrative et sa vision personnelle. Reconnaissons que c'est plus sincère que le refrain sur l'amour et la passion qu'il lui serait facile de seriner une nouvelle fois !
Bon visionnage à ceux qui souhaitent se faire leur propre avis,
Amicalement,
A.
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Cela ne manque pas d'une dose de réalisme lucide pour les uns, de cynisme assumé pour les autres, mais à l'exception de la dernière phrase qui pourrait nourrir des dizaines de fuseaux pour quelques générations à venir (et qui le fera sûrement !), il est difficile de lui donner tort. Finalement, il a bien résumé : le jugement porte bien sur son approche narrative et sa vision personnelle. Reconnaissons que c'est plus sincère que le refrain sur l'amour et la passion qu'il lui serait facile de seriner une nouvelle fois !
Oui, cette fois-ci les choses sont claires car, pour le coup, P. J. a joué cartes sur table. Et il est effectivement difficile de lui donner tort, sauf à tomber dans la mauvaise foi. Merci d'avoir attiré l'attention sur ces propos.
Bon allez, je vous laisse pour ce soir, c'est l'heure de me mettre la tête sous une serviette pour respirer des vapeurs végétales... ;-)
Amicalement, :-)
Hyarion.
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approche narrative et sa vision personnelle... [de PJ]
Je ne me fais aucune illusion à ce propos.
Nous sommes là dans un genre très très très très éloigné de la création artistique. PJ le dit lui-même, il n'est question que de business.
PJ est avant tout un producteur, bien plus qu'un réalisateur. Autrement dit, son seul objectif est son 'produit' qui doit être rentable et il n'ambitionne pas de faire des chefs-d’œuvre.
La rentabilité est en réalité l'unique moteur de son "approche narrative" [sic] et la citation témoigne qu'il ne s'illusionne d'aucune ambition artistique, d'ailleurs je ne crois pas qu'il ait sincèrement une "vision" autre que commerciale.
Cela peut être efficace et donner des images intéressantes (en général, celles fabriquées par ses équipes numériques, bien souvent supérieures à celles qu'il tourne lui-même sans grand talent). C'est pourquoi je ne vois pas l'intérêt qu'il y aurait à faire la critique d'un tel produit du point de vue cinématographique.
Ca ne m’empêchera pas de le regarder quand il sortira en DVD car je suis consommateur de ce genre de 'produits' de la même manière qu'il m'arrive de manger chez McDo sans pour autant m'attendre à trouver Robuchon aux fourneaux ni publier en ligne un commentaire gastronomique sur mon double-cheese, frite, coca.
Silmo
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Quoiqu'il en soit, merci à nos camarades lecteurs du Figaro, sans lesquels je n'aurais probablement jamais rien su de cette interview
I.
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Merci pour cet extrait Aglarond. Enfin un discours relativement "honnête", ça change !
Hyarion, concernant les critiques négatives françaises, il y a des exemples ? Car, je n'ai pas tout lu, j'ai juste survolé, mais il ne me semble en avoir vu qu'une de négative au milieu de dizaine dithyrambiques, mais j'ai pas retenu où.
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Hyarion, concernant les critiques négatives françaises, il y a des exemples ? Car, je n'ai pas tout lu, j'ai juste survolé, mais il ne me semble en avoir vu qu'une de négative au milieu de dizaine dithyrambiques, mais j'ai pas retenu où.
Dans l'article d'Ecran Large que j'ai cité précédemment, l'auteur a mélangé apparemment de vrais morceaux de critiques publiées aux Etats-Unis et des bouts de conversations plus ou moins informelles entre critiques français qui n'avaient vraisemblablement alors encore rien publié dans la presse.
J'ai lu tout-à-l'heure les critiques de Noémie Luciani dans le Monde daté de ce jour (n°21429) et de Jacky Goldberg dans le numéro des Inrockuptibles de cette semaine (n°941) : la critique de Luciani est nuancée mais plutôt négative, le 2eme film étant jugé clairement moins bon que le 1er (Luciani parlant à cet égard de "rétropédalage" de la part de Jackson et d'un scénario qui "s'égare et s'écartèle entre ellipses injustifiables [...] et rajouts moins justifiables encore [...].") malgré les qualités formelles indéniables reconnus à ce deuxième long métrage ("costumes admirables de détails, maquillages inventifs, décors extraordinaires", effets spéciaux qui "continuent d'assurer leur quota de moments d'anthologie"...), tandis que la critique de Goldberg, elle, semble valoir condamnation (presque) définitive dès la phrase d'introduction ("Peter Jackson rate en beauté la suite de ses aventures tolkieniennes, qui sentent le réchauffé et restent sur l'estomac"), ledit Goldberg écrivant notamment ce qui suit :
Obligé de délayer pour réussir son absurde pari de réaliser une nouvelle trilogie, Jackson répète ad nauseam les mêmes scènes dans les mêmes décors (des forêts inhospitalières, des corniches friables, des cités exsangues gouvernées par des rois fainéants…) et les résout toujours à l’identique : fuite, grand danger, baston, situation désespérée, sauvetage miraculeux, re-fuite, nouveau danger ; et ainsi de suite. / Le subtil art du voilement qui présidait au précédent volet laisse ici place à une épuisante logique d’empilement, que la mécanique propre au récit tolkienien (le fameux “souffle épique”) et le principe de répétition générale d’un Opus Magnum à venir, n’excusent pas – un cinéaste est toujours libre de son adaptation.
Pour sa part, après s'être demandée ce qu'il allait rester du final du roman de Tolkien dans le troisième épisode, Néomie Luciani conclue ainsi sa critique :
Ne perdons pas espoir cependant : les volets médians sont souvent bancals, et il reste à Peter Jackson encore trois heures pour se ressaisir.
Amicalement,
Hyarion.
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dans le point ce jour la critique a pour titre "la désolation de Tolkien" et le titre donne le ton qui est franchement négatif
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Le subtil art du voilement qui présidait au précédent volet (...)
Finalement, c'est très simple ces critiques : le film n est nul, tandis que tout compte fait le n-1 était super. Ce qui nous laissera au bout du compte avec 5 très bons films sur 6, ce qui n'est somme toute pas mal !
Amicalement,
A., lecteur d'une large palette allant du Figaro à Libération, avec parfois quelques excursions chez les extrêmes au-delà pour rigoler un peu.
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J'ai vu le film hier soir, en VF et en 3D (pas de VO disponible là où j'étais).
Mon impression est finalement à peu près la même que celle de Noémie Luciani exprimée dans le Monde, dont j'ai parlé plus haut. Me lancer dans une critique approfondie à cette heure-ci ne serait sans doute pas raisonnable (de toute façon, si j'en fais une, sera-t-elle seulement lue ?)... On verra éventuellement plus tard.
Amicalement,
Hyarion.
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Tes critiques sont lues et même, pour am part, particulièrement appréciées, n'aie crainte !
Pour revenir à ce que disait Silmo, sauf à nier au cinéma son statut (certes officieux) de septième art (j'ai failli écrire neuvième, c'est mon tropisme BD...), je trouve qu'on ne peut enlever aux adaptations leur dimension (parmi d'autres) de création artistique. C'est un business ? Oui, et alors ? Michel-Ange travaillait bien sur commandes, non ? La liste est longue des chefs-d'oeuvre de peinture, sculpture, architecture... dont l'artiste s'est plié aux vues et aux désirs du public, fut-il un pape, un Médicis ou un mécène ! D'autre part, tu as bien dit qui'il s'agissait essentiellement d'un producteur : à ce titre, s'il porte la responsabilité de tout ce que nous n'aimons pas à des degrés divers dans ce produit, on ne peut lui retirer le crédit de ce que l'on peut aimer.
Bref, ne jouons pas les vierges effarouchées parce qu'il a dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, et crachons pas sur le bon grain que chacun pourra trouver au milieu de l'ivraie.
Amicalement,
A.
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Bref, ne jouons pas les vierges effarouchées parce qu'il a dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas
Et que quelques-uns écrivent tout haut depuis le début de ce siècle...
Hâte de lire ta critique Hyarion
I.
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J'ai hâte de lire votre analyse Hyarion .
Je me demande, si j'ai bien fait de lire toutes les critiques ici et là, sur internet et dans les journaux, avant de le voir...
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Et que quelques-uns écrivent tout haut depuis le début de ce siècle...
On est d'accord, mais certaines réflexions sonnent différemment à l'oreille suivant qu'elles sont prononcées par PJ ou par certain Touque occupant ces lieux.
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ni vierge ni effarouché :-), je crois avoir reconnu certains talents artistiques aux graphistes de chez Weta, auteurs de quelques belles réussites.
(et Rubens aurait été une comparaison plus pertinente que Michelange, me semble-t-il, car il confiait beaucoup de ses commandes à ses assistants tout en peignant lui-même les parties les plus importantes)
S.
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(Là je ne rivaliserai certes pas sur les meilleures références ! )
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Je crois que tout le monde s'est accordé, jusque là, sur le remarquable travail des costumières et la beauté de la Nouvelle Zélande - ainsi que le talent des maquilleurs
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Par égard pour les lecteurs intéressés qui viennent sur le présent fuseau mais qui auront sans doute autre chose à faire dans les prochains jours (partir en expédition en Antarctique, par exemple), je vais tâcher de mettre en ligne une critique dès que possible (peut-être pas ce week-end, car je suis en déplacement, mais la rédaction est en cours). :-)
Amicalement,
Hyarion.
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Voici donc venir, comme je le craignais, un vent (inutilement tempétueux) fait de louanges excessives d'un côté et de condamnations définitives de l'autre concernant le film.
Puisque Ringarë est le mois des frimas, nul ne sera, je pense, surpris de la fraîcheur de ma critique. Laquelle s'efforce d'éviter au maximum les spoilers, pour ceux d'entre vous qui seraient décidés à établir leur propre avis en jugeant sur pièces — ce qui est encore la meilleure des solutions.
En dépit de l'avis de tempête de Hyarion, lequel était prémonitoire, je suis bien évidemment près à discuter plus avant des aspects les plus gênants de ce nouveau volet (et des autres, si vous en trouvez). Au final, ce film n'aura donc eu qu'un avantage, en ce qui me concerne : me faire comprendre combien l'adaptation du SdA aurait pu être pire encore que ce qu'elle n'a été.
Au plaisir de vous lire,
Elendil
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Puisque Ringarë est le mois des frimas, nul ne sera, je pense, surpris de la fraîcheur de ma critique. Laquelle s'efforce d'éviter au maximum les spoilers, pour ceux d'entre vous qui seraient décidés à établir leur propre avis en jugeant sur pièces — ce qui est encore la meilleure des solutions.
En dépit de l'avis de tempête de Hyarion, lequel était prémonitoire, je suis bien évidemment près à discuter plus avant des aspects les plus gênants de ce nouveau volet (et des autres, si vous en trouvez). Au final, ce film n'aura donc eu qu'un avantage, en ce qui me concerne : me faire comprendre combien l'adaptation du SdA aurait pu être pire encore que ce qu'elle n'a été.
Au plaisir de vous lire,
Elendil
Je souscris à ta dernière phrase !
en ce qui me concerne, pas de spoiler possible: j'ai décidé de ne pas aller voir ce "film" !
le premier volet m'a écœuré, et même si je peux comprendre le discours cynique de PJ, je ne l'approuve pas pour autant !!
le seul point sur lequel je suis d'accord avec lui, c'est qu'il n'est vraiment pas un réalisateur !
Finalement, au bout du bout, peut-être que le SdA est son chef d’œuvre ??
pour finir (pour l'instant) j'ajouterai juste une petite chose : Legolas a dû être très surpris d'apprendre qu'il était fiancé !!
comme il ne parle pas de sa belle pendant le SdA, on peut supposer:
1-il a perdu la mémoire
2-il a profité de l'occasion pour la quitter
3-il est parti parce qu'elle l'a largué et qu'il avait besoin de changer d'air !
4- ................
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Allons-y donc pour l'exercice. Quelques jours après la sortie, tant pis pour les spoilers : on est sur le fuseau des critiques, après tout ?
Après avoir vu All is lost le samedi soir, l'histoire d'un naufrage, assisterais-je le lendemain au naufrage d'une histoire ? Oui, elle est facile, je sais...
Pour tout dire, ma critique était déjà prête avant même de rentrer dans la salle. C'est le cinquième film de PJ, on connaît ses qualités et ses défauts, chacun étant plus ou moins sensibles aux unes comme aux autres. Je m'attendais donc à écrire, grosso modo, ceci : paysages et costumes toujours aussi beaux, Martin Freeman et Ian McKellen toujours aussi agréables à voir jouer, Bloom toujours aussi limité, nains toujours aussi caricaturaux, des méchants (Orcs, Wargs, ect...) traités avec toujours aussi peu de finesse, combats toujours aussi improbables, rajouts scénaristiques toujours aussi discutables ou dispensables...
Qu'en est-il donc à la sortie ?
Une précision de forme, tout d'abord : film visionné en VO (condition sine qua non pour ma part), en 3D (non recherché, mais non fui non plus). Pas de 48 fps : je serais pourtant curieux de voir l'effet, mais ce cinéma ne propose pas cette technologie.
Je pense que l'on peut diviser le film en trois parties : Mirkwood (ou Grand'Peur ) et le palais de Thranduil, Esgaroth, Erebor.
La première partie est tout à fait conforme à ce que j'attendais et que j'ai résumé ci-dessus. Avec un regret de taille, cependant : l'entrée chez Beorn est loin, très loin du charme qu'elle a dans le livre, avec les subtilités de Gandalf pour faire accepter 13 nains au bougre. A la place, on a une énième course-poursuite qui, pour la trente-septième fois depuis 2001, se joue au dixième de seconde. Un peu comme l'entrée dans Fondcombe dans le premier volet. Pour le reste, Mirkwood est bien rendue, Thranduil est bien compris également, et le dernier combat de Bilbo contre une araignée est une façon intéressante de montrer le début de l'emprise de l'Anneau sur lui.
La deuxième partie (Esgaroth) m'a, je dois le dire, agréablement surpris. Je le dis franchement : c'est à mon sens une réussite, et PJ a ici intelligemment approfondi la matière narrative à sa disposition. Le personnage burlesque du Maître ne sombre pas dans le grotesque, et cette description d'un Etat-policier ou, plutôt, d'une cité-policière est franchement intéressante. Bref, j'ai ressenti cette rare impression d'une belle trouvaille scénaristique. En parallèle, l'envoi de Gandalf et Radagast dans un des tombeaux des Neuf est également une intelligente façon de "remplir les blancs" du récit : il est à mon sens tout à fait légitime, dans cette adaptation, de mettre en scène le retour de Sauron et sa montée en puissance. Cependant, reste une difficulté majeure de l'approche visuelle du cinéma par rapport à la narration écrite : la représentation de Sauron est toujours aussi délicate. Les rumeurs et vagues descriptions d'une "ombre" dans les livres doivent trouver une incarnation, si je puis dire, à l'écran, et comme dans la trilogie précédente le résultat est mitigé, d'autant plus que PJ n'est pas réputé pour sa sobriété visuelle en la matière.
Passons donc au final, que j'entamais ainsi dans un état d'esprit tout à fait positif. Tout cela commence bien, et la rencontre avec Smaug émergeant de son tas d'or est une belle réussite. Bravo aux équipes pour le fabuleux rendu du dragon, toute sa malice et son intelligence maléfique (j'allais dire cunning) est parfaitement perceptible dans ses pupilles et ses expressions. Le dialogue entre Bilbo et Smaug n'a pas toute la finesse de JRRT, mais il n'y a pas à cracher dessus, loin de là. De plus, le lien fait entre Smaug et Sauron (de façon visuelle lorsque Bilbo met - ou retire ? - l'Anneau, et également de la bouche même de Smaug) est légitime pour le lecteur qui se rappelle ce que dira Gandalf bien des années plus tard (au Conseil d'Elrond ou à Cul-de-Sac, je ne asis plus). Puis déboulent les Nains, et très rapidement on est projeté dans une interminable séquence typiquement jacksonienne : visuellement époustouflante, mais totalement irréaliste. Certes, on peut comprendre le souhait du réalisateur d'exploiter la mine (si je puis dire) que constitue pour lui les vastes salles et forges d'Erebor. Le face-à-face de Smaug avec l'éphémère statue de Durin a un côté proprement fascinant. Mais on ne peut s'empêcher de très vite penser que trop c'est trop... En parallèle, le raid de Bolg sur Esgaroth et la romance qui se poursuit avec Tauriel ne fait rien pour apporter un peu de subtilité dans la dernière heure du film. Vraiment, Legolas et Tauriel tuent trop d'Orcs dans ce film... Quant au duel entre Gandalf et le Nécromancien, c'est une pénible réminiscence de l'inopportune rencontre avec le Roi-Sorcier à Minas Tirith. Ce qui est dommage car la vision du Gris arpentant les ruines de Dol Guldur ne manque pas de gueule.
Bref, on ressort de la projection groggy (et d'autant plus quand on est allé à la séance de 21h45 !), avec une drôle d'impression. Celle d'avoir été pris à l'improviste par de belles réussites de Jackson là où on ne l'attendait pas forcément. Celle aussi que le choix de la trilogie a étiré à l'infini une course-poursuite dans les profondeurs d'Erebor tout à fait dispensable, malgré la splendeur des forges, mines et autres salles naines. Quant à la fameuse entrée en scène de Legolas et Tauriel, le résultat est moins pire que ce que je craignais ; pour autant je vois toujours mal leur réelle valeur ajoutée. Enfin, on voit maintenant où PJ veut nous emmener avec ses trois volets : vers un véritable prélude à la guerre de l'Anneau, en mettant l'accent sur le Nécromancien et l'éveil de Sauron. Ce faisant, il replace la quête de Thorin dans un cadre beaucoup plus large, qui n'est autre que celui que Gandalf avait en tête lorsqu'il est allé à la rencontre de Thorin à Bree.
À mon sens, ce parti pris est tout à fait légitime, car il est parfaitement cohérent avec l'histoire plus générale de la Terre du Milieu telle que nous ne faisons que la percevoir en arrière-plan du livre, mais que nous connaissons par le SdA. Reste que Jackson le traite à sa façon, avec ses éclairs de génie comme avec ses pesants souliers, notamment dès qu'il s'agit de mettre en scène Sauron ou ses serviteurs.
Une fois de plus, on sent à quel point il serait possible d'avoir de magnifiques adaptations, épurées des gros plans de grimaces à dents jaunes et des 1001 façons de tuer des Orcs en équilibre sur des nez de nains ; mais on voit bien aussi combien cela pourrait être pire.
Rendez-vous donc l'an prochain pour le finale !
Amicalement,
A.
Bon, le Hobbit c'est fait, plus qu'à me procurer et à visionner le dernier épisode de Homeland saison 3 et je peux partir l'esprit en paix.
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J'aime beaucoup ta critique Aglarond, je m'y retrouve dans de nombreux points. On ne peut s'empêcher de regretter qu'il y ait quelques scènes réussies occultées par des scènes trop "caricaturales".
Si je pouvais, j'aurais bien envie de refaire le montage en virant toutes les scènes inutiles, le problème serait pour faire quelques retouches et remplacements
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Je suis allé voir le film hier soir en 3D mais VF. Qu’en dire ?
- Les effets spéciaux en 3D sont époustouflants
- Les paysages sont toujours aussi superbes
- Smaug est une vraie réussite
- Les reste n’est pas un film mais une succession décousue de cascades plus inutiles et invraisemblables les unes que les autres destinées à faire bouche trou dans un film étiré inutilement sur trois volets. A part quelques noms propres et une vague trame, le film n'a que peu à voir avec Tolkien
PS : Le coté commercial assumé par PJ ne me choque pas. Victor Hugo lui-même considérait « les misérables » comme une œuvre alimentaire qui paraissait en feuilleton. Il était persuadé que ses vrais chefs d’œuvre étaient « la légende des siècles » ou son théâtre. Or peu de gens lisent encore ses vers et plus personne ne lit « le tyran de Padoue » mais tout le monde admire « les misérables ». Comme quoi approche mercantile et chef d’œuvre ne sont pas incompatibles mais cela nécessite du géni, ce qui manque clairement à PJ.
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Bravo Aglarond !! superbe et passionnante critique de film !
pour ceux que ça intéresse une autre très intéressante (en anglais):
Blog Fantasy-Battles
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plus personne ne lit « le tyran de Padoue »
Peut-être... mais certains le jouent au théâtre :-D
Il y a moins d'un mois, avec Moraldandil, on est allés voir Iarwain interpréter ledit tyran sur les planches du théâtre des Lilas.
Silmo
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J'ai été le voir tout à l'heure en 3D IMAX. Je n'avais vu aucun extrait, lu aucune critique.
Je n'aurais pas de mal à vous dire ce que j'en pense en citant deux d'entre vous.
Je suis allé voir le film hier soir en 3D mais VF. Qu’en dire ?
- Les effets spéciaux en 3D sont époustouflants
- Les paysages sont toujours aussi superbes
- Smaug est une vraie réussite
- Le reste n’est pas un film mais une succession décousue de cascades plus inutiles et invraisemblables les unes que les autres destinées à faire bouche trou dans un film étiré inutilement sur trois volets. A part quelques noms propres et une vague trame, le film n'a que peu à voir avec Tolkien.
Au final, ce film n'aura donc eu qu'un avantage, en ce qui me concerne : me faire comprendre combien l'adaptation du SdA aurait pu être pire encore que ce qu'elle n'a été.
Ah oui, à un moment, j'ai regardé ma montre : il restait encore une heure...
Si on m'avait dit qu'un jour je m’ennuierais devant une adaptation d'un œuvre de Tolkien... enfin, comme le dit Jean, ce film n'a que peu à voir avec Tolkien.
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De plus, le lien fait entre Smaug et Sauron (de façon visuelle lorsque Bilbo met - ou retire ? - l'Anneau, et également de la bouche même de Smaug) est légitime pour le lecteur qui se rappelle ce que dira Gandalf bien des années plus tard (au Conseil d'Elrond ou à Cul-de-Sac, je ne sais plus).
Je ne me rappelle plus ce que dit Gandalf...
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Silmo, tu m'en vois ravi. J'avais lu le "Tyran" lorsque j'avais 16 ans et que j'étais dans une phase Hugolienne. Cette oeuvre m'avait marquée à l'époque
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Je ne me rappelle plus ce que dit Gandalf...
Il brosse le tableau, non seulement de ses propres actions entre le moment où il quitte la compagnie à l'entrée de Mirkwood et son retour lors de la bataille des Cinq Armées, mais également de la situation générale de la Terre du Milieu avec l'éveil du Nécromancien et les inquiétudes du Conseil Blanc, qui décide alors de le chasser. Tout ceci est beaucoup plus elliptique dans le Hobbit.
Amicalement,
A.
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Hello,
Pas vu le film ; je vois vos messages, mais je ne veux pas les lire ;-)
J'y reviendrai mi-janvier, je ne pourrai y aller avant.
Et bon film (hem ?!) à ceux qui ne l'ont pas encore vu,
Cédric.
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Pour ma part, je ferai comme l'atroce Hobbit I, j'attendrai de disposer d'une version disponible de pas trop mauvaise qualité.
I.
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A voir le scénario du film, l'histoire est quasiment terminée. J'en conclus qu'on aura droit à 2 heures de plans sur la bataille des cinq armées dans le Hobbit III. Pour 10 lignes dans le roman c'est impressionnant 8-/
Je verrai peut-être ce film dans longtemps, quand j'aurai vu le premier épisode. Reste à trouver le temps, et l'envie ;-)
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Or donc, après The Hobbit: An Unexpected Journey (Le Hobbit : Un Voyage Inattendu) l'année dernière, j'ai vu le film The Hobbit: The Desolation of Smaug (Le Hobbit : la Désolation de Smaug) dans la soirée de mercredi dernier (11 décembre, jour de sa sortie en salles) en version française, en 3D et en 24 images par seconde. Je ne sais pas si j'aurai prochainement l'occasion de le revoir en version originale anglaise, en 3D et en "high frame rate" (HFR) de 48 images par seconde, comme je l'ai fait pour le précédent film, mais cela importe finalement peu par rapport à ce que j'ai à dire de ce long métrage de 161 minutes. À choisir, j'aurai évidemment préféré découvrir le film en version originale, ainsi que je le fait habituellement, mais j'avoue que j'étais tellement las d'avoir l'esprit pollué par la jacksonophobie des uns et la jacksonophilie des autres, que ma priorité était de me faire mon opinion au plus vite, quitte à revoir le film plus tard en version originale, voire également en HFR, si l'opportunité se présente.
Sans plus tarder, venons-en à ce que donne à voir ce deuxième long métrage. The Hobbit: The Desolation of Smaug, après un flash-back inaugural, reprend l'intrigue là où le précédent film l'avait laissé, c'est-à-dire à ce qui correspond au chapitre 7 du roman original, pour nous conduire jusqu'au moment du récit correspondant approximativement à la fin du chapitre 12 du Hobbit. Je dis bien "approximativement", car pour cette deuxième partie de l'adaptation cinématographique, Peter Jackson entre dans le vif du sujet pour ce qui est de prendre des libertés avec la matière littéraire tolkienienne bien plus substantielles que pour le premier volet. Poursuivant sa logique d'adaptation de l'oeuvre tolkienienne pleinement inscrite dans le cadre de ce qu'il avait proposé dans la première trilogie cinématographique de 2001-2003 dédiée au Seigneur des Anneaux, le cinéaste reste égal à lui même, en réalisant un film divertissant, doté des mêmes grandes qualités formelles que les précédents, avec tout ce qu'il faut en matière d'effets spéciaux pour assurer le spectacle riche en action et en évasion que le spectateur est en droit d'attendre pour ce genre de grande production bénéficiant de très gros moyens financiers. Pour autant, même en étant toujours évidemment bien conscient que la vocation d'un travail d'adaptation cinématographique n'est pas de forcément être absolument fidèle à l'oeuvre littéraire adaptée, force est de constater, à la vision de la deuxième partie de cette deuxième trilogie, que le travail de Peter Jackson et de ses collaborateurs (notamment de ses co-scénaristes Philippa Boyens et Frances Walsh) peine à convaincre face à la principale difficulté de l'entreprise, à savoir celle de faire en sorte que le court roman original de Tolkien rentre aussi bien dans un ensemble de trois longs métrages que l'avait fait précédemment le Seigneur des Anneaux.
Car ce qui frappe d'emblée dans The Desolation of Smaug, bien plus finalement que dans An Unexpected Journey, c'est ce caractère très étiré de la structure narrative, certes présent dès le premier film, mais qui devient désormais un élément si incontournable qu'il est difficile de ne pas en faire la pierre angulaire d'une critique de ce deuxième long métrage. Il est encore trop tôt pour émettre un avis totalement éclairé sur la qualité de cette deuxième trilogie, puisqu'il nous manque une dernière partie à découvrir, mais on peut d'ors et déjà constater que l'entreprise dans laquelle s'est engagé Jackson et son équipe s'est heurté à d'inévitables difficultés auxquelles il n'a pas toujours été trouvé de véritables solutions. Le résultat en l'état est toujours susceptible de satisfaire les "fans" inconditionnels de Jackson et la partie du public qui n'est pas très regardante sur la fidélité au texte de Tolkien du moment que le film lui parait divertissant, mais il ne peut que laisser sur leur faim non seulement les puristes tolkienophiles les plus intransigeants (qui, pour certains, ont peut-être chez eux des poupées vaudoues à l'effigie de Peter Jackson couvertes d'aiguilles !) mais aussi les simples spectateurs comme moi, à la fois cinéphiles et lecteurs appréciant le roman original, lesquels spectateurs, même en sachant bien faire la part des choses, ne peuvent qu'avoir du mal à trouver leur compte dans l'histoire qui leur est proposé, fusse-t-elle tout-à-fait regardable par ailleurs.
Venons plus précisément à ce que propose la narration très étirée du film. Le spectateur de The Desolation of Smaug se voit d'abord introduit, pour la séquence d'ouverture, dans l'auberge de Bree, familière à ceux qui connaissent la première trilogie de Jackson, ce dernier faisant par ailleurs une apparition à l'écran en forme de clin d'oeil dans une rue de Bree dès le début de la séquence, à peu près de la même façon qu'il l'avait fait dans La Communauté de l'Anneau de 2001 quoique de façon moins subtile. Il s'agit d'un flash-back mettant en scène Thorin et Gandalf avant que la compagnie des Nains ne soit constituée et que celle-ci ne se donne rendez-vous dans la demeure de Bilbo comme on l'a vu dans An Unexpected Journey. Puis l'action reprend son cours là où on l'avait laissé, après que Gandalf, Bilbo, Thorin et compagnie aient été déposés par les aigles sur le Carrock : nous suivons donc le déroulement de l'aventure de Mirkwood à Erebor, en passant par Esgaroth (Lake-town) et avec des passages situés en d'autres endroits en marge de l'intrigue originelle, notamment Dol Guldur, au gré du parcours particulier de Gandalf. Le spectateur voit apparaître à l'écran de nouveaux personnages, exposés cette fois-ci de façon assez expéditive, certains étant issus du roman original, comme Beorn le changeur de peau (ici au physique très différent de celui décrit par Tolkien et, de ce fait, assez peu convaincant, indépendamment de l'honnête prestation de l'acteur l'interprétant) ou comme Bard d'Esgaroth (dont le rôle est ici considérablement développé et modifié par rapport à celui d'origine), tandis que d'autres personnages sont soit directement repris du Seigneur des Anneaux comme le fils du roi Thranduil, Legolas (à nouveau interprété ici par Orlando Bloom, comme dans la précédente trilogie), soit totalement inventés comme la guerrière elfe Tauriel (interprétée par Evangeline Lilly) sur laquelle on reviendra spécifiquement plus loin.
Toujours en ce qui concerne l'histoire, mon avis rejoint celui de Noémie Luciani exprimé dans sa critique publiée dans le journal Le Monde du 11 décembre dernier : ainsi qu'elle l'a écrit, « le scénario s'égare et s'écartèle entre ellispses injustifiables (le passage par les bois de Mirkwood) et rajouts moins justifiables encore (la présence encombrante des elfes, le fade Legolas en tête, suivi de près par une Tauriel au coeur d'artichaut décourageante) ». Cela résume bien l'essentiel des défauts remarqués, sachant que très vite l'action du film se trouve scindée en plusieurs points de vue narratifs, au fur et à mesure que les parcours des protagonistes de l'histoire se séparent (d'abord devant Mirkwood, où Gandalf laisse ses compagnons entrer dans la forêt pour partir seul de son côté vers le Sud conformément au roman, puis ensuite à Esgaroth, où tous les Nains ne suivent pas Thorin et Bilbo vers Erebor et affrontent dès lors des péripéties distinctes du reste des membres de l'expédition auxquelles sont mêlées Bard, Legolas et Tauriel). La séquence de la traversée de la forêt de Mirkwood est étrangement vite expédiée, contractant curieusement le propos du chapitre 8 du roman quand il aurait été au contraire possible de prendre le temps de filmer bien davantage les péripéties de cette étape de l'aventure, chronologiquement étendue par Tolkien sur plusieurs jours. Les araignées sont bien présentes et très réussies en matière de réalisme des effets spéciaux, mais Mirkwood n'est finalement qu'assez peu exposée, ce que l'on peut légitimement le regretter. Il convient cependant de souligner, tout-de-même, l'heureuse présence à l'écran d'une séquence visuellement très réussie où l'on voit Bilbo monté au sommet d'un arbre et entouré de papillons (certes bleus au lieu d'être noirs comme dans le roman) volant au dessus des frondaisons de la grande forêt : belle évocation, parmi quelques autres, de ce lieu fascinant de la Terre du Milieu.
À une plus grande exposition de Mirkwood telle que la traverse les membres de l'expédition d'Erebor dans le roman, on a visiblement préféré consacrer beaucoup plus de temps à la mise en scène des elfes du royaume de Thranduil, de manière plutôt juste par certains aspects (notamment en ce qui concerne le contexte général de l'évasion des Nains permise par Bilbo) mais aussi de façon nettement plus discutable dès qu'il s'agit de créer de toute pièce une relation entre le Nain Kili et l'Elfe Tauriel et surtout lorsqu'il s'agit de mettre en scène Legolas dans une prestation acrobatique face à des Orques en pleine séquence de descente de Bilbo, Thorin et compagnie dans des tonneaux flottant sur la rivière de la forêt en direction d'Esgaroth. Les sauts dudit Legolas sur les têtes des Nains descendant la rivière entre deux affrontements avec des Orques poursuivant lesdits Nains depuis les bords accidentés du cours d'eau (péripétie "orquienne" évidemment absente du roman) rappellent les prouesses ridicules du même personnage incarné par Orlando Bloom dans la première trilogie, où on le voyait tantôt surfer sur un bouclier tout en tirant des flèches au Gouffre de Helm, tantôt massacrant un oliphant à lui tout seul à la bataille des Champs du Pelennor avant de surfer (à nouveau) sur la trompe de l'animal moribond pour prestement atterrir juste devant le Nain Gimli afin que celui-ci puisse lui adresser une réplique censée être drôle mais tombant néanmoins à plat (même en étant bon public). On retrouve, dans cette longue séquence d'action le long de la rivière, destinée à mettre en avant les talents guerriers de Legolas ainsi que ceux de Tauriel, le même caractère vidéo-ludique déjà observé, dans An Unexpected Journey, avec les combats de Gandalf et des Nains sur les ponts de bois du repère des gobelins dans les cavernes des monts de Brume. Cette impression, assez forte, de se retrouver dans une séquence de jeu vidéo, est plutôt de nature à détourner le spectateur de l'intrigue de base sans pour autant forcément susciter davantage d'intérêt pour ce qu'il voit à l'écran. Les moments du film montrant, parallèlement à l'intrigue principale, Gandalf en train d'affronter les Orques et le Nécromancien à Gol Guldur ne sont pas en mesure de convaincre davantage, tant par le détour narratif qu'ils imposent afin visiblement de rattacher le propos le plus possible à celui du Seigneur des Anneaux, que par la mise en scène de celui qui se révèle être Sauron, plutôt maladroite et finalement sans grand intérêt comparée à l'apparition, très attendue, du dragon Smaug.
L'intrigue se poursuit ensuite, assez longuement, à Esgaroth, en donnant une importance particulière au personnage de Bard (incarné par Luke Evans) auquel a été attribué un rôle de batelier, père de famille, menant notamment Bilbo, Thorin et compagnie jusqu'à l'intérieur de la ville lacustre. On assiste ainsi à quelques péripéties tendant, notamment par le rôle de certains nouveaux personnages, à faire correspondre narrativement Esgaroth à la fois avec Edoras et Minas Tirith tels qu'elles apparaissent dans la précédente trilogie. Le sournois conseiller du bourgmestre d'Esgaroth fait, à cet égard, un peu trop fortement penser à Gríma, tandis que le bourgmestre lui-même adopte pour sa part une attitude d'attachement au pouvoir qui rappelle un peu le Denethor précédemment mis en scène par Jackson (avec cependant ici une dimension humoristique à la fois pertinente et bienvenue), Bard devant, lui, assumer un rôle assez semblable à ceux d'Eomer et surtout d'Aragorn dans la première trilogie... Puis viens enfin l'arrivée de l'expédition de Bilbo et des Nains sur le territoire de la Désolation de Smaug, avec Erebor, la Montagne Solitaire, où le dragon veuille sur le trésor qu'il a volé aux Nains. L'intrigue retrouve alors le chemin de la fidélité au livre sur le plan narratif, notamment lors d'une scène très réussie où Bilbo découvre, avec le concours de la Vieille Grive, la serrure de la porte secrète d'Erebor dans les dernières lueurs du Jour de Durin. Puis, dans les salles de la cité naine abandonnée, sous la montagne, vient enfin l'apparition spectaculaire de Smaug, qui se révèle surgissant des monceaux d'objets et de pièces en or parmi lesquels on ne l'avait qu'aperçu enfoui à la toute fin du premier film. Logiquement, le dragon est visuellement une synthèse esthétique des représentations connues qu'en ont brillamment fait les illustrateurs Alan Lee et John Howe par le passé : l'aspect et la mise en scène de la créature sont très convaincants, et le comportement ainsi que les paroles qu'on lui attribue, la fidélité au texte fusse-t-elle aléatoire, sont tout-à-fait à l'image des dragons maléfiques qu'a conçu Tolkien ; j'y ai ainsi retrouvé non seulement le Smaug original du Hobbit mais aussi, sur le fond, un peu du Glaurung malfaisant et malicieux des Enfants de Húrin. Toutefois, le lecteur du livre voit vite à l'écran l'action et les dialogues s'éloigner de plus en plus du récit original, au point de voir cette dernière partie du film tourner à l'affrontement, là encore plutôt vidéo-ludique, entre Smaug et les membres de l'expédition d'Erebor, alors que dans le roman seul Bilbo est directement confronté, sans violence, au dragon. Cet affrontement spectaculaire au milieu des forges des nains d'Erebor, qui sert au passage à justifier in fine le surnom du dragon, Smaug le Doré (the Golden), se déroule parallèlement aux péripéties auxquelles ont affaire Bard et les nains restés à Esgaroth (Fili, Kili et Bofur), où ils sont attaqués par des Orques envoyés par Azog, lesquels sont toutefois promptement massacrés par Legolas et Tauriel au moment où les choses étaient sur le point de très mal tourner. Survient à ce moment-là la mise en scène d'une attirance sentimentale entre Kili gravement blessé et Tauriel, attirance déjà présentée auparavant lors de l'emprisonnement des Nains dans les cellules du roi Thranduil. On notera que Tauriel joue en outre le même rôle féériquement secourable vis-à-vis de Kili que celui que le personnage d'Arwen avait joué pour Frodo dans la Communauté de l'Anneau de 2001.
Le film se termine par un cliffhanger, alors que Smaug le Doré vole vers Esgaroth pour se venger de l'intrusion de l'expédition d'Erebor dans son repère, tandis que de son côté, Gandalf, fait prisonnier par Sauron à Dol Guldur, voit une armée d'Orques être mobilisée comme si nous étions déjà à l'époque du Seigneur des Anneaux. De quoi le troisième film de cette deuxième trilogie sera-t-il fait ? Il reste environ un dernier tiers du roman original à raconter, auquel viendra donc vraisemblablement se joindre la mise en scène d'évènements autour de Dol Guldur se déroulant parallèlement au récit du Hobbit.
Le présence à l'écran d'une guerrière elfe du royaume de Thranduil, appelée Tauriel et qui ne laisse indifférents ni Legolas ni le Nain Kili, mérite quelques remarques particulières. Tauriel est un personnage totalement inventé par les scénaristes du film Philippa Boyens, Frances Walsh et Peter Jackson, et mis en scène pour apporter une touche féminine à l'histoire originale de Tolkien ainsi qu'ils s'en sont expliqués. Selon Philippa Boyens, « il s'agit du genre de décision que vous prenez lorsque vous ne pensez plus en tant que fan de Tolkien mais en tant que cinéphile. C'était une décision assez facile car cela donne un petit plus. [...] Nous aurions pu présenter un personnage humain de sexe féminin. Mais nous avons décidé que ce serait une elfe. Il y avait une petite histoire en trame de fond dans le Seigneur des Anneaux que nous avons voulu reprendre et pour la développer cela impliquait une énergie très féminine, nous avons donc décidé de l'utiliser et le personnage de Tauriel a vu le jour. » J'avoue ignorer de quelle "petite histoire en trame de fond dans le Seigneur des Anneaux" il serait ici question au juste, à moins qu'il ne s'agisse de l'histoire de Gimli tombant sous le charme de Galadriel, mais même dans ce cas, la volonté de développement ne parait pas s'établir sur une base très solide, même en tenant compte de la première trilogie cinématographique. À peu près de la manière que sa collaboratrice, Frances Walsh a, pour sa part, déclaré : « J'espère que les fans nous font confiance. Et qu'ils vont comprendre notre démarche. Il n’était pas question de défigurer l'oeuvre de Tolkien pour des raisons mercantiles ou cyniques ! Au contraire : on a essayé de densifier le roman, d'élargir l'horizon du Hobbit sans jamais trahir l'oeuvre originelle. Quand on commence à altérer un roman pareil, il ne faut plus raisonner en fans, mais en cinéphiles. Ce n'est pas manquer de respect que de dire que la principale faiblesse du Hobbit, ce sont les personnages féminins. C'est ce qu'on a précisément essayé de développer avec cette petite histoire du Seigneur des Anneaux que nous avons reprise et amplifiée et qui impliquait une énergie très féminine... C'est comme ça qu’est né le personnage de Tauriel. Même chose pour la relation entre Gimli et Galadriel. Dans le livre leur interaction est unilatérale ; Pete et moi voulions montrer que les nains et les elfes peuvent développer des relations où se mêlent à la fois la rivalité et l'admiration. »
Je suis le premier à regretter le manque de personnages féminins dans l'oeuvre de J. R. R. Tolkien, et notamment dans le Hobbit. Pour le lecteur d'aujourd'hui que je suis, c'est un vrai défaut dans le travail de l'auteur, même en mettant les choses en perspective, même en tenant compte du relativisme appuyé de certains spécialistes de l'écrivain vis-à-vis de cette question. Toutes les précisions et analyses desdits spécialistes mettant en valeur la force de caractère et l'importance de personnes tels que Galadriel, Eowyn ou Lúthien, souvent afin de défendre Tolkien des accusations de misogynie dont il fait régulièrement l'objet, ne changent rien à un simple constat factuel : au-delà de la question d'une éventuelle misogynie de l'auteur sur laquelle je ne me prononcerai pas, le fait est que l'oeuvre de Tolkien manque de personnages féminins. Et ce n'est pas une excuse d'invoquer éventuellement, par exemple, le médiévalisme pour expliquer pourquoi Tolkien a si peu mis en scène des personnages féminins dans son oeuvre, sous prétexte d'avoir possiblement voulu suivre le modèle de récits médiévaux où les personnages masculins sont effectivement très largement majoritaires. L'exemple de l'oeuvre médiévalisante de William Morris (1834-1896), souvent présenté comme une influence importante pour Tolkien sur un plan littéraire, est là pour montrer qu'il a été tout-à-fait possible d'écrire, avant Tolkien, des romans de fantasy d'inspiration très largement médiévale tout en accordant à des personnages féminins une place très importante, voire même tout-à-fait centrale. Bref, Tolkien n'a pas besoin d'être défendu plus que de raison sur ce sujet : son rapport au féminin pose question et mérite mieux qu'une simple relativisation cherchant éventuellement à diminuer une impression de manque d'autant plus réelle qu'elle ne repose pas sur une illusion.
Les scénaristes ont donc souhaité intégrer un élément féminin au film en y incluant un nouveau personnage totalement inventé. C'est leur droit, et vis-à-vis du public d'aujourd'hui, on peut parfaitement comprendre leur motivation en matière d'écriture fictionnelle. Cependant, choisir cette démarche suppose de s'écarter délibérément, bien plus que dans les précédents films, d'une oeuvre littéraire que l'on entend adapter. Attribuer, par exemple, le rôle de Glorfindel à Arwen, comme cela a été fait dans la Communauté de l'Anneau de 2001, ne m'a jamais paru devoir poser véritablement problème, n'en déplaisent aux puristes, dans la mesure où Arwen est bien un personnage créé par Tolkien auquel on peut très bien envisager, dans le cadre d'une adaptation cinématographique, d'offrir une plus grande visibilité aux spectateurs, sans forcément "trahir" Tolkien. Ce type de changement, de mon point de vue, peut être pertinent, d'autant plus s'il est limité (Jackson a finalement heureusement renoncé à mettre aussi en scène Arwen combattante au Gouffre de Helm dans Les Deux Tours de 2002, ce qui aurait été assurément aller trop loin dans la prise de libertés vis-à-vis du personnage). Dans The Hobbit: The Desolation of Smaug, il n'y a aucune matière narrative d'origine à véritablement exploiter pour permettre la mise en scène d'un personnage féminin tolkienien comme cela a été le cas précédemment avec Arwen et le Seigneur des Anneaux. Le personnage de Tauriel est inédit, n'appartenant en aucune façon ni au roman original, ni même à d'autres récits de fiction de Tolkien relevant de son Légendaire, comme c'est le cas, par exemple, de Galadriel, dont la présence dans une adaptation du Hobbit comme celle de Jackson peut être pleinement justifiée par la chronologie imaginaire établie par Tolkien lui-même. Selon l'actrice Evangeline Lilly, les scénaristes, lecteurs notamment du Silmarillion, auraient procédé à une sorte d'amalgame de plusieurs personnages elfes féminins de Tolkien pour créer Tauriel. La question est donc de savoir si ce personnage apporte véritablement quelque-chose au film, un élément additionnel significatif en même temps qu'un peu de cette rare présence féminine que l'on peut trouver dans certains récits de Tolkien mais peu dans le Seigneur des Anneaux et quasiment pas dans le Hobbit (si ce n'est par une évocation indirecte de la mère de Bilbo au début du roman). Or, même en tenant compte de tout ce que nous avons dit précédemment, force est de constater que le personnage de Tauriel n'apporte pas grand-chose à cette adaptation, son caractère inédit s'accordant mal avec le traitement, somme toute assez superficiel, que lui font subir les scénaristes, entre démonstrations de combat physique et portrait sentimental sans grande profondeur. Toujours selon Evangeline Lilly, l'inclusion de Tauriel dans un triangle amoureux avec Legolas et Killi a été in fine plus ou moins imposé par le studio sans qui le film n'existerait pas, ce dernier "piégeant" ainsi peut-être les scénaristes à l'origine de la création de Tauriel... à moins qu'en fait le studio ait eu bon dos pour lesdits scénaristes, ce qu'il est difficile de précisément savoir a priori). Il y avait, en tout cas, un vrai risque à s'éloigner ainsi de l'oeuvre originale avec ce personnage, et si le défi a été relevé, on ne peut pas dire en l'état qu'il ait été vraiment remporté.
De façon générale, en matière de mise en scène, Peter Jackson et son équipe continuent, avec The Desolation of Smaug, leur travail commencé avec le premier film de cette nouvelle trilogie, avec les qualités et les défauts qui leur sont propres et désormais bien connus. L'alternance plus ou moins équilibrée entre moments de contemplation et moments d'action que nous avions noté pour An Unexpected Journey, se poursuit, avec toutefois désormais, dans la logique de ce qui a été évoqué précédemment, une prédominance des scènes d'action qui tend de plus en plus à assimiler le spectacle à celui précédemment offert dans la première trilogie. Sur ce point, le résultat est sans surprise.
La musique d'Howard Shore se remarque moins dans le deuxième film que dans le premier (il faudrait l'écouter à part pour juger pleinement de ses qualités propres) : elle reste globalement convenable, avec toutefois désormais les défauts d'usage de sons furieux hérités de la précédente trilogie, défauts dont on pouvait deviner l'arrivée avec la présence dans The Desolation of Smaug de nombreuses séquences d'action mettant en scène des combats et des dangers accrus pour Bilbo, Gandalf, Thorin et compagnie. Shore a subi tellement de critiques péremptoires et peu argumentées par le passé que, tout en reconnaissant les défauts (devenus habituels) de ses partitions ainsi que je l'ai déjà fait dans ma précédente critique, je me refuse à donner davantage de grain à moudre à ses détracteurs. Incidemment, je continue toujours à rêver d'une adaptation cinématographique d'une oeuvre de Tolkien pour laquelle le regretté Basil Poledouris aurait composé une musique de film aussi excellente que celle qu'il a écrite pour Conan the Barbarian de John Milius.
Venons-en à présent aux points forts de ce deuxième volet de l'adaptation du Hobbit par Peter Jackson. Comme dans les films précédents, ce sont les qualités formelles du film qui emportent avant tout l'adhésion. En cela, mon avis ne diffèrera pas de celui de Noémie Luciani qui a évoqué les attraits des effets spéciaux, assurés par la société Weta comme pour les précédents films et qui « continuent d'assurer leur quota de moments d'anthologie », ainsi que d'autres attraits : « costumes admirables, maquillages inventifs, décors extraordinaires (la plus grande richesse du film), inspirés du travail des deux plus grands illustrateurs de Tolkien, John Howe et Alan Lee. » On retiendra particulièrement en effet la qualité esthétique des décors, à la fois beaux et puissamment immersifs, à l'image des réussites qu'ils constituaient déjà dans les films précédents. Mis à part le fait qu'il y aurait sans doute eu avantage à rendre Mirkwood à la fois un peu plus menaçante à son aurée et un peu plus sombre sous ses frondaisons pour être encore plus proche visuellement de la description de Tolkien, la grande forêt du Rhovanion est tout-de-même fort convaincante, sous l'influence notable et bienvenue des magnifiques aquarelles d'Alan Lee : il est avant tout regrettable, ainsi que nous l'avons déjà écrit plus haut, que la forêt de Mirkwood n'ait pas été davantage filmée. La demeure de Born, Dol Guldur, le palais elfique de Thranduil, la cité lacustre d'Esgaroth, la Désolation de Smaug, les ruines de Dale, Erebor en extérieur et à l'intérieur : tous ces décors sont également convainquants, très soignés dans leur conception et d'une grande beauté sur un plan esthétique, dans la continuité de ce qui a été fait précédemment.
L'autre point fort du film est la bonne performance confirmée des acteurs déjà présents dans le précédent film, Martin Freeman en tête, toujours aussi excellent dans son rôle de Bilbo Baggins. Les interprètes des nouveaux personnages apparaissant dans ce deuxième film livrent dans l'ensemble une prestation honorable, notamment Stephen Fry dans le rôle du baroque bourgmestre d'Esgaroth. On pourra toujours s'interroger sur la discutable poursuite de la mise en avant du personnage d'Azog en parallèle de l'apparition tant attendue de Smaug, ou encore sur l'omniprésence combattante de Legolas et de Tauriel durant une bonne partie du film sans que tout cela ne paraisse apporter grand-chose au propos, même dans le cadre d'une narration étirée, mais s'il est des reproches à faire sur le traitement de tel ou tel personnage, ils me paraissent, en tout cas, davantage relever de choix scénaristiques et de mise en scène que du jeu des acteurs.
Pour conclure, après The Hobbit: An Unexpected Journey, dont j'avais écrit dans ma critique de l'année dernière qu'il s'était révélé être, malgré certains défauts, une adaptation somme toute intéressante et plutôt de bonne tenue du roman de Tolkien, The Hobbit: The Desolation of Smaug apparait comme un film s'éloignant désormais du récit tolkienien bien plus que ce qui avait été fait par Peter Jackson et ses collaborateurs auparavant. Jackson assume à présent le fait de proposer, à des degrés divers, une autre histoire à raconter que celle de Tolkien. Il est vrai que le temps a passé depuis l'époque de la première trilogie, époque durant laquelle le cinéaste déclarait qu'il faisait un « travail de fan pour les fans » (incidemment, je déteste ce mot de "fan"). Tout récemment, Jackson a tenu un tout autre discours, à la fois honnête et lucide : « Ecoutez, ce business n'a absolument rien de romantique. La Warner a investi d'énormes sommes dans ces films et l'une de mes responsabilités est de faire en sorte que le studio récupère sa mise. J'ai énormément de respect et d'amour pour l'œuvre de Tolkien, mais en fin de compte, l'opinion des fans ne m'influence pas. Un film n'est pas un livre et, en tant que cinéaste, mon approche narrative est différente. Et c'est ma vision personnelle qui prime. À la sortie du Seigneur des anneaux, les ventes des livres avaient grimpé de mille pour cent! Ça n'aurait jamais été le cas sans mes films ! Les livres sont des chefs-d'œuvre, on le sait. Pas les films. Mais j'estime avoir largement contribué à faire connaître cet univers à toute une nouvelle génération qui n'y aurait jamais été sensible autrement. Et en définitive, ça a été un bien plus qu'un mal. » On ne saurait, à l'évidence, donner tort aux propos de Jackson et, du reste, on ne peut que se féliciter, au moins, que l'aura médiatique des films dudit Jackson ait permis et permette encore une large diffusion de l'oeuvre littéraire de Tolkien. La question qu'il reste à se poser, à ce stade, s'agissant de l'adaptation cinématographique du Hobbit en cours de présentation actuellement et sachant le contexte de création dont parle Jackson, c'est de savoir s'il subsiste finalement en soi, après toutes ces années, un véritable intérêt de spectateur/lecteur pour l'entreprise. Après la découverte de The Hobbit: The Desolation of Smaug, force est de constater que cet intérêt pour ladite entreprise peut avoir tendance à s'éloigner, le film donnant, notamment par les libertés d'une ampleur inédite qui ont été prises, l'impression de moins bien tenir la route que le précédent, malgré des qualités esthétiques toujours incontestablement au rendez-vous. Toutefois, il est encore cette fois-ci nécessaire de rappeler qu'il est impossible pour le moment d'émettre un avis totalement éclairé sur cette adaptation, dont il nous reste un troisième et dernier volet à découvrir en 2014. Noémie Luciani a conclu sa critique en écrivant : « ne perdons pas espoir cependant : les volets médians sont souvent bancals, et il reste à Peter Jackson encore trois heures pour se ressaisir. » Moins convaincu par ce deuxième film que par le premier, nous souscrivons, en amateur du septième art, à cette conclusion provisoire... en attendant donc de voir la fin de cette aventure cinématographique l'année prochaine.
Cordialement,
Hyarion.
P.S.: malgré ma relecture, des fautes d'orthographe et/ou de syntaxe m'auront probablement échappées, cette fois-ci encore. Mille excuses pour cela.
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Hyarion a récemment écrit ici :
" il parait que le grand art de notre temps, ce n'est plus le roman comme au XIXe siècle, ni le cinéma comme au XXe siècle, mais le jeu vidéo... "
CQPJTAD !
Ce que Peter Jackson tend à démontrer :-D
Silmo
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Merci Hyarion pour cette critique. Je souscris en très grande partie à tout ce que tu exposes avec ton recul et ton objectivité ordinaires (mis à part un intempestif emploi du subjonctif à la suite de "après que" en milieu de quatrième paragraphe ).
Je manque de temps pour faire une réponse argumentée, mais j'aimerais rebondir brièvement sur ce que tu écris au début :
(...) pour cette deuxième partie de l'adaptation cinématographique, Peter Jackson entre dans le vif du sujet pour ce qui est de prendre des libertés avec la matière littéraire tolkienienne bien plus substantielles que pour le premier volet.
Que l'équipe scénaristique prenne des libertés avec le fil narratif du Hobbit proprement dit, c'est une évidence. Avec la matière littéraire tolkienienne, c'est autre chose. A mon sens, utiliser ce qui est dit par Gandalf dans le SdA sur ses actions à Dol Guldur est une utilisation légitime et potentiellement bien vue de la matière littéraire, bien qu'elle s'éloigne du récit du livre proprement dit. L'approfondissement du passage à Esgaroth n'est pas non plus ce que j'appellerais "prendre des libertés", et cela peut se faire dans un grand respect de l'esprit tolkienien, si tant est que ce concept assez fourre-tout ait un sens. En revanche, il est en effet difficile de trouver un grand intérêt à l'apparition de Legolas et Tauriel. Hors toute considération sur Bloom, j'ai tendance à penser qu'utiliser le fils de Thranduil et même créer un nouveau personnage est légitime dans une adaptation et peut ouvrir des pistes scénaristiques qu'il appartient au réalisateur d'exploiter. Hélas, je ne suis pas le seul à ne pas être convaincu par le résultat. Si l'argument est bien celui que tu rappelles, à savoir intégrer une présence féminine que l'auteur n'a délibérément pas souhaité inclure, alors oui il s'agit bien d'une liberté prise avec la matière littéraire tolkienienne.
Pour reprendre un vieil exemple polémique, j'ai toujours considéré que le combat des Elfes au Gouffre de Helm était une manière plutôt habile d'intégrer dans un scénario de film le fait que, dans le livre, les Elfes prennent leur part du combat contre Sauron (en Lorien), leur massacre étant à l'image de leur irrémédiable déclin en Terre du Milieu. Je suis pour ma part bien plus heurté par les grimaces outrancières des Orcs et l'aspect "vidéo-ludique" de beaucoup de combats et de cascades tout à fait invraisemblables que par ces écarts à la narration originelle, du moment que les dits écarts s'appuient sur des éléments probants et qu'ils apportent à la compréhension de la situation globale, car nous ne devons pas oublier que l'écrit et le cinéma parlent des langages narratifs fort différents...
Amicalement,
A.
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Merci, Aglarond, d'avoir pris le temps de lire et de réagir à ma critique, la veille de ton départ en voyage très loin de l'Europe. :-) J'ai fait de mon mieux pour pondre mon texte dans les temps ! ;-)
Il y aurait assurément encore beaucoup de choses à dire, tant sur la question du traitement vidéo-ludique de l'action dans le cinéma à grand spectacle d'aujourd'hui (ma réflexion sur un autre fuseau n'a pas échappé à Silmo) que sur la question de la légitimité et de la pertinence en matière de libertés prises par un cinéaste et des scénaristes vis-à-vis d'une oeuvre littéraire qu'ils entendent adapter, mais gageons que de toute façon, l'année prochaine, le dernier film de cette ultime trilogie nous offrira encore, sur ces points comme sur d'autres, force grain à moudre, en sus de nous permettre enfin de nous forger une opinion sur la qualité de cette adaptation du Hobbit dans son ensemble.
Pour l'heure, je te souhaite un bon voyage ! :-)
Amicalement,
Hyarion.
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Bonjour
J'ai vu le film.
Globalement, j'ai trouvé cela d'une connerie monumentale, et à mille lieues (ou mille yeux ? du livre de Tolkien. Cet épisode fait passer le reste des films de PJ pour des modèles de fidélité au texte. Décidément, plus PJ s'éloigne de La Communauté de L'Anneau, plus l'attrait qu'a pu exercer sur lui Tolkien s'amenuise, et plus il se sent délié de toute obligation de respect ou de fidélité aux thèmes et au ton tolkieniens. Tolkien n'est maintenant plus pour lui qu'un prétexte à imaginer des scènes d'action et à dérouler un programme connu d'avance - soit, un flashback pour commencer, des narrations parallèles au milieu, et une grosse bataille pour finir, avec bien sûr des monstres partout (contrairement à Tolkien, PJ adore les monstres). Je pense que le film n°3 sera encore pire à ce niveau là.
Cela étant dit, on savait d'avance que ce qui intéressait PJ dans l'idée d'adapter Le Hobbit n'était pas du tout ce que Tolkien y avait écrit, mais de faire une prequel à son Seigneur des Anneaux, donc il n'y a pas de quoi être surpris. Et si l'on veut bien oublier Tolkien un instant, c'est un blockbuster distrayant avec quelques scènes d'action spectaculaires et plutôt bien mises en scène - Semprini Jr. s'est d'ailleurs bien amusé.
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J'en reviens.
Je croyais que les écartèlements en place publique étaient interdits depuis la Révolution. Suis-je bête, ça ne concerne pas les œuvres littéraires !
Entre notre Elfe surfeur, sa copine nanophile et son roi de père en version Dark Fantasy « j'ai la peau qui fond » et Gandalf le Barbare, on ne s'ennuie pas.
Je salue le choix merdique de nommer Alfrid le sbire du Maître de Lacville, de même que l'Elfe bourré nommé Elros.
Un seul truc cohérent : les araignées que Bilbo entend parler.
J'ai ri (très fort) aux élucubrations de Legolas (le nouveau Maître de l'Air) et ai, bien entendu, hué le générique de fin.
Mon seul soulagement : en acceptant d'aller voir ce film avec madame, je lui ai fait accepter d'aller voir ce cher vieux Harlock.
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Je suis pour ma part bien plus heurté par les grimaces outrancières des Orcs et l'aspect "vidéo-ludique" de beaucoup de combats et de cascades tout à fait invraisemblables que par ces écarts à la narration originelle [...]
Je suis tout à fait de ton avis. Ce genre de choses qui m'ennuient d'une manière générale, m'exaspèrent complètement quand il s'agit d'un film qui se veut une adaptation de Tolkien.
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Ces quelques temps, on m'a demandé pas mal d'explications sur Bilbo le Hobbit... comme je n'ai absolument aucune intention de m'infliger le visionnage de cette chose (je n'ai même pas regardé les bandes annonces), je me suis dit que lire la critique de l'Odieux Connard m'aiderait certainement à ne pas écarquiller les yeux quand on me demandera d'expliquer une incohérence scénaristique (oui, alors non, en fait, si Gandalf a la carte ET la clé, c'est qu'il s'est infiltré à Dol Guldur et qu'il a retrouvé Thráin, le père de Thorin et... comment ça, il est rentré à Dol Guldur après ???)
http://odieuxconnard.wordpress.com/2013 … out-court/
J'ai beaucoup ricané, et j'en conclue que je vais continuer à expliquer ce qui se passe dans le livre, sans chercher à comprendre pourquoi ils ont voulu empiler incohérences sur incohérences sorties de l'espace dans les images-qui-bougent.
Vivement le prochain quand même. Comme ça après on n'en parlera vraiment plus.
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Vivement le prochain quand même. Comme ça après on n'en parlera vraiment plus.
Hélas, tu ne crois tout de même pas qu'ils vont s'arrêter en si bon lucratif chemin ?
PJ est capable de faire une trilogie à partir de n'importe quoi : Tiens, Roverandom, par exemple. Y a déjà un dragon blanc sur la Lune, il suffit d'y rajouter des bataillons d'orcs, des filles qui tirent à l'arc et des poursuites infernales.
Dommage pour PJ qu'il ne puisse pas débiter les chapitres du Silmarillion en carpaccios sanguinolants (comme au bistrot romain, on peut s'y resservir à volonté ad nauseam). Il aurait eu de quoi alimenter des trilogies jusqu'à la fin des temps. Fort heureusement, Il n'a pas réussi à racheter les droits.
Mais bon... on n'est à l’abri de rien.
Silmo
ps : c'est très rigolo les sottises de l'Odieuxconnard :-D
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La désolation de Smaug
Le problème principal du film est la violence permanente, excessive, lourdingue, crasse. On décapite des orcs à tour de bras et à tout bout de champ, au point que cela devient le seul moteur de l'action dramatique. C'est pénible, écoeurant, cela n'a rien à voir avec "le Hobbit". Plus généralement, il y a un manque criant de fantaisie, d'humour, de légèreté. Ont été supprimés : les animaux de Beorn qui servent les nains à table, les chansons pour énerver les araignées, les lumières et les échos de fêtes elfiques dans Mirkwood... Même la scène des tonneaux a été surchargée d'un massacre d'orcs totalement inutile au récit.
De très nombreuses libertés ont été prises avec le roman. Certaines sont heureuses car nourries par la lecture d'autres œuvres de Tolkien, ou par un souci d'intelligence du récit : ainsi l'attitude isolationniste du roi Thranduil n'est pas sans évoquer celle des seigneurs des Elfes du premier âge. La présence de Légolas n'a rien d'absurde, il était là bien sûr. Celle de Tauriel n'apporte pas grand chose et ses sentiments partagés pour Fili sont une bizarrerie dans un univers tolkiennien, mais après tout cela ne fait pas trop de mal au récit, et le fait que leur sympathie se montre par un dialogue sur la Lune et les Étoiles est à la fois joli et assez bien trouvé - l'attachement des Elfes sylvestres aux étoiles est évoqué dans le roman. Le personnage de Bard est très ettoffé et introduit beaucoup plus tôt dans le récit, mais sans faute. L'aspect politique de sa querelle avec le Maître de la ville est aussi modifié par rapport au roman, mais cela reste cohérent et bien montré. Le roman parle souvent du maître "et de ses conseillers" : on n'en voit qu'un ici, mais plutôt réussi encore. L'ajout d'un pendant sombre à la prophétie humaine du retour du Roi sous la Montagne est une trouvaille plutôt heureuse aussi.
Mais si la branche principale du récit est plutôt bien racontée, modifications comprises, celle parallèle de Gandalf est incompréhensible et incohérente : pourquoi retrouve-t-il Radagast dans le tombeau d'un nazgul dans les monts du Rhuddaur ? Cela n'a aucun sens ou alors est très, très mal expliqué. Le combat de Gandalf et de Sauron est une débauche graphique spectaculaire mais sans intérêt narratif. On pourrait en dire de même pour le long affrontement des nains avec le dragon. Et plus généralement, les coupes et les modifications écrasent un peu le caractère de conte de fées du livre pour en faire un "bon film d'action". Rappelons que dans "le Hobbit" (le livre), plusieurs scènes se répètent et se font écho : ce côté répétitif fait partie du conte, il lui donne son caractère. Ainsi, l'arrivée des nains par petits groupes chez Bilbo au début du roman devrait se reproduire chez Beorn : mais ceci a été supprimé, et on a un peu de peine à comprendre comment l'ombrageux Beorn peut accepter sans problème la présence d'une quinzaine d'importuns chez lui. (Le personnage de Beorn, d'ailleurs, est très différent du livre, même s'il n'est pas raté). Le jeu des enigmes entre Bilbo et Gollum doit aussi se répéter avec Smaug : dans le film, cette scène a été tellement écourtée que seuls les lecteurs du livre peuvent retrouver cet écho. Le dragon est réussi, graphiquement et en termes de jeu d'acteur (si on peut dire). Mais son goût pour les flatteries et les enigmes est moins bien montré que dans le roman. Son personnage n'en est donc que plus primaire.
L'impression générale est donc celle d'un film assez vain, inutilement violent, plus fait pour satisfaire un besoin de défoulement que pour émerveiller par son récit.
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Après moult hésitations, je vous faire part aussi de mon avis circonstanciel et circonstancié, bien entendu tardivement. Je vous ai bien lu (sauf la critique de Matrok, non encore lue) et beaucoup d'éléments m'ont intéressé. Je me sens beaucoup d'affinités avec les positions d'Hyarion et d'Aglarond qui s'efforcent de ne pas s'enfermer dans la jacksonophilie ou, plus probable, la jacksonophobie. Je remercie Silmo pour l'exemple de Rubens, mais je rejoins Aglarond pour ne pas voir là d'opposition entre artiste/réalisateur d'un côté, business man/producteur de l'autre, même si je trouve que cette déclaration jacksonienne a quelque chose de troublant qui demanderait à être creusé. Je remercie Laegalad pour le lien d'Odieuxconnard que je n'ai pas lu en entier mais qui m'a beaucoup fait rire et que j'ai abondamment cité sur ma page facebook.
J'évoque mon compte facebook à dessein parce que, comme le sait Hyarion, c'est là que j'ai jeté quelques notes sur ma réaction à chaud sur le film. Comme je ne voulais pas augmenter la succession des critiques ici et sur Tolkiendil, je m'empêchais d'y poster la mienne, en convoitant une approche plus profonde qui rejoindrait une préoccupation de recherche qui me travaille avec chaleur : une étude de poétique comparée entre œuvre littéraire et adaptation cinématographique sur l'expérience sensible de la Terre du Milieu, qui implique donc d'attendre, comme le souligne souvent Hyarion, le troisième opus de l'adaptation du Hobbit. Une telle approche se voudrait donc plus poétique que critique, ou relèverait davantage d'une critique esthétique que de la critique de circonstance sur une œuvre actuelle. Sans vouloir, puisque je n'en ai plus tellement envie, et c'est un signe du temps (ou de ma propre maturation), défendre Peter Jackson, quand je vois la critique que fait Flaubert des Misérables d'Hugo, je me dis que les perspectives des uns et des autres et les circonstances de production et de réception pèsent extrêmement lourd, comme de juste, dans la critique de circonstance.
Ceci dit, force m'est de reconnaitre qu'il est hautement probable que je n'écrirai pas ici, même sous forme synthétique, les éléments de cette approche plus profonde pour laquelle je manque de temps et d'énergie. Il est aussi probable, hélas, qu'elle ne reste qu'un fantasme de recherche supplémentaire — mais ça, ça dépend d'un long terme qui me laisse plus de marge. Or en attendant, l'époque, mon humeur et Hyarion, bref tout me ramène à Jrrvf dont j'ai dégusté hier de nombreuses interventions récentes. Et comme, parallèlement, j'ai eu l'occasion de relire et de reposter mon avis circonstancié, élaboré au cours d'une discussion Facebook qui impliquait aussi Foradan, il m'a semblé qu'elle contenait tout de même, à sa façon imparfaite, superficielle, rapide, circonstancielle, quelques éléments qui n'ont pas encore été dits ici ou là et qui sont complémentaires à ce qui s'est dit, et les germes, au moins, de cette fameuse approche poétique à laquelle je rêve.
Voici donc la compilation qui forme mon avis sur La Désolation de Smaug et par rapport à laquelle vos éventuelles discussions seraient, comme toujours, les bienvenues. Elle date, à quelques retouches insignifiantes près, du 12/12 :
Dans le genre Indiana Jones, c'est un beau moment de divertissement. Par rapport à l'esthétique de la Terre du Milieu, je trouve qu'on est loin du compte. Peter Jackson brise fréquemment le potentiel de l'histoire qu'il raconte, y compris dans certains de ses choix interprétatifs intéressants, soit par certains choix abusifs (la romance avec Tauriel, l'elfe femme qu'il a ajoutée au récit) soit uniquement pour favoriser le spectaculaire (course-poursuite et enchainement de cascades entre le dragon Smaug et Thorin ainsi que les autres nains). Il reste quelques beaux passages qui font sentir et percevoir la Terre du Milieu et ses histoires comme les premiers moments de Bilbo confronté au trésor des Nains.
Au-delà du problème, à mes yeux fort circonstanciel, de la fidélité à la lettre tolkienienne, c'est la fidélité à l'esprit (ou mieux, à l'esthétique) de la Terre du Milieu et la valeur cinématographique de l'œuvre sur un plan esthétique qui m'intéressent prioritairement dans les adaptations de PJ. Sur ce plan, la mort d'Haldir (dans Les Deux Tours) me faisait éprouver une sensation à mon sens puissamment tolkienienne : le rapport d'un elfe à la mort et au monde auquel il est attaché en principe jusqu'à sa fin. De ce point de vue, c'était à mes yeux un grand moment. En revanche, dans La Désolation de Smaug, bien qu'il y ait à mon sens quasiment moins d'erreurs de réalisation que dans le SdA 2 et 3, et que certains développements me paraissent plus intéressants dramatiquement que le récit de Tolkien dans la mesure où je ne suis que très moyennement pris affectivement par la modalité narrative du Hobbit, le divertissement l'emporte quasi systématiquement sur l'apport du récit en Terre du Milieu ("to amuse in the highest sense"). De ce point de vue, pour sortir du problème de la fidélité à la lettre tolkienienne, King Kong me semble, par exemple, largement supérieur au Hobbit 2, parce que j'y sens une élévation, quelque chose d'inspiré, une émotion qui atteint à l'état d'idée esthétique. Ici, c'est un enchainement de prouesses techniques, de péripéties en feu d'artifice et de recettes narratives qui ne parviennent pas, au bout du compte, à faire une belle et forte histoire. Par exemple, qu'est-ce qu'une longue course-poursuite pleine de rebondissements et de cascades apporte à la connaissance des Nains ou du dragon Smaug ? Ou mieux : de l'être-nain, ou de l'être-dragon. Ou mieux encore : du devenir-dragon de Thorin, c'est-à-dire "the dragon sickness" qui est bien thématisée par Jackson (je la trouve presque plus sensible que dans le livre) mais qui est ensuite brisée par l'enchainement des cascades contre Smaug (sans parler des Orcs qui se baladent sur le territoire de Thranduil, du comportement de drag queen de celui-ci, de Tauriel et Legolas qui jouent les commandos anti-orcs et se baladent, avec ceux-ci en plein Lacville, etc., etc.)
C'est un beau moment de divertissement et de spectacle. Tout dépend ce qu'on attend d'une histoire. J'aime le divertissement et le spectacle, mais une bonne histoire ne se limite pas à ça, à mes yeux . Et ça, ça vaut au-delà de la question de la fidélité, si ce n'est dans la mesure où il avait un matériau de base excellent, avec la possibilité même, comme on le voit à plusieurs endroits, d'aller plus loin que le livre dans son histoire du Hobbit. Si on se place du strict point de vue de la fidélité littérale, PJ n'a jamais pris autant ses aises avec le récit tolkienien que dans cet opus. Mais si c'était pour un mieux, ce ne serait pas grave. Par exemple : l'Arkenstone devient un enjeu stratégique beaucoup plus clairement et précisément défini que dans Le Hobbit de Tolkien, et ça me semble une idée très porteuse qui dépasse les limites du livre de Tolkien, conçu avant le SdA, dans un rapport confus au légendaire tolkienien, et sur le mode d'un "conte pour enfants". Le problème, c'est tout le reste... La romance de Tauriel, c'est du beau n'importe quoi ! Smaug qui passe au-dessus des nains sans les apercevoir à cause de son gigantisme, c'est une belle ficelle narrative pour un combat du type David contre Goliath, mais quand on vient de souligner plusieurs fois qu'un dragon comme Smaug peut sentir l'odeur des Nains à des centaines de mètres à la ronde, c'est plus qu'abusif. C'est ruiner son dragon. Et ça, d'un point de vue tolkienien, c'est impardonnable, et d'un point de vue cinématographique, c'est tout aussi désolant. Je n'aurais pas aimer que Peter Jackson ruine son gorille dans King Kong en lui faisant cueillir des fleurs pour la demoiselle...
Sébastien/Shudy pour les intimes.
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C'est chouette de te relire ici Shu. :-)
Il me semble qu'au cinéma, la part de création propre à l'artiste relève du réalisateur et que cette création est souvent entravée par la volonté du commanditaire qu'est le producteur. Les exemples sont innombrables de combat acharnés d'un artiste/réalisateur luttant pied à pied contre son ou ses producteurs. Quand l'un et l'autre sont une même personne ou quand le réalisateur se soumet de bonne grâce aux priorités mercantiles de la production, cela ne peut être qu'au détriment de la création artistique.
La comparaison que j'ai faite avec Rubens est d'un autre ordre.
Bien entendu, il existe en peinture ou en sculpture de nombreux artistes travaillant seuls sans atelier (Caravage, VanGogh, Brancusi), ce qui est quasi impossible au cinéma où de nombreuses compétences sont requises (casting, éclairage, montage, effets spéciaux, etc.) que le réalisateur/artiste doit coordonner - la question du montage étant généralement la source principale de conflit avec la production.
La création n'étant pas un forcément un exercice solitaire, l'artiste peut s'entourer de renforts plus ou moins talentueux. Incapable de répondre seul à ses nombreuses commandes, Rubens avait ainsi organisé son atelier en limitant sa participation aux parties essentielles de ses tableaux (visages, mains, disposition des figures, mouvement général de la composition) en laissant aux élèves de son atelier le soin des finitions. Nombre de grand peintres et sculpteurs ont agi de même depuis la Renaissance jusqu'à nos jours (ça valait pour Michel-Ange et ça marcherait encore avec Jeff Koons si on veut un exemple plus contemporain). Un cas intéressant est celui de Verrocchio, peintre réputé et de talent moyen, qui selon la légende aurait abandonné la peinture pour se consacrer exclusivement à la sculpture le jour où il comprit qu'un de ses élèves l'avait dépassé : c'était le jeune Léonard de Vinci qui venait de peindre, à titre accessoire, un des anges du "Baptême du Christ" commandé à Verrocchio pour l'église d'un monastère. Dans ses biographies sur les peintres de la Renaissance, Vasari qualifie ainsi Verrocchio d'«homme de métier sans génie».
Pour en revenir au sujet de ce fuseau, c'est un peu comme ça que je verrais Peter Jackson, un homme de métier sans génie, un artiste OK mais secondaire dont les meilleurs morceaux ne sont désormais plus de sa main mais de son "atelier" Weta.
Et quand je parle ici des meilleurs morceaux, je veux dire d'un point de vue du langage cinématographique : inventivité des plans, découpage des séquences, composition, éclairages...
Si le cinéma est considéré comme un art à part entière (ce dont je suis convaincu) PJ ne fait sûrement pas partie de ses génies, même si c'est un homme du métier non dénué de talent dans le genre blockbuster qu'il produit et réalise.
Silmo
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C'est toujours un plaisir de reprendre l'échange avec toi, Silmo. Merci pour cette brillante réponse.
Ce qui me trouble précisément dans la déclaration de PJ par rapport au "business" dans le Figaro, c'est l'impression que PJ aujourd'hui, avec Le Hobbit, accepte davantage de se soumettre à certaines exigences des sociétés de production (il évoque La Warner) que lors du Seigneur des Anneaux. Je ne sais pas dans quelle mesure c'est vrai ou non, mais j'ai lu l'évocation d'un influence de ce type pour la romance, navrante, Kili/Tauriel. Or dans les making of du SdA, que j'ai beaucoup consultés, il soulignait toujours ses résistances et ses victoires généralement à l'arrachée par rapport aux diktats des sociétés de production (comme pour la présence du long Prologue au début du 1, ou l'importance de la présence de Gollum dont les premiers tests n'avaient pas remporté l'adhésion).
Je comprends parfaitement ta position, qui est limpide, mais, évidemment, cela ne m'entraine pas à la partager. Bien sûr, pour moi aussi, le cinéma est un art à part entière. Dans cet art, j'aime des films assez contrastés. Certains films à l'audience assez confidentielle, comme Few of us de Sharunas Bartas ou l'excellent Sátántangó de 7 heures de Béla Tarr ; et certains films populaires à grand spectacle comme King Kong ou Avatar. Ce n'est pas non plus, comme ces exemples pourraient le laisser croire, un changement de période dans mes gouts. J'ai été bouleversé par Nobody knows de Kore-Eda, peu après la grande vague de la première trilogie jacksonienne. Il reste une question d'importance : le cinéma est un art, oui. Considère-t-on également qu'une œuvre grand public, spectaculaire, à fort investissement et fort succès commercial, puisse également être une œuvre d'art ? De la part d'amateurs de Tolkien, je suppose qu'on serait tous d'accord pour dire que oui. Néanmoins, j'ai souvent eu le sentiment, sur Jrrvf, que la critique des adaptations PJ souffraient d'une dichotomie, en amont, blockbuster/œuvre d'art qui ne sévissait pas, par exemple, là où opérait le charme vintage d'un Conan le Barbare. C'est d'autant plus fort, bien sûr, qu'ici il s'agit de Tolkien et qu'on sait les dégâts produits par le rouleau compresseur médiatique, auxquels je repensais en lisant le beau post d'Isengar sur le décès de Saul Zaentz (tout en demandant, sur le mode de l'humour, si PJ, une fois mort, pourrait bénéficier d'une telle nuance de jugement sur une personnalité paradoxale).
Après avoir entendu l'un des "special guests" de Cerisy, j'ai été convaincu qu'il fallait résister à la submersion jacksonienne. J'ai donc eu moins à cœur de le défendre, ce dont il n'aurait guère eu besoin en général, au sein d'une intelligentsia tolkienienne. Et néanmoins, j'aurai toujours tendance à résister face à des interventions comme celle qu'avait eue Vincent alors en soutenant que les qualités de l'adaptation, on les doit à la mise en images de John Howe et Alan Lee d'un côté, à la Nouvelle-Zélande de l'autre. À mon sens, la Nouvelle-Zélande n'est rien si on ne fait pas croire qu'elle est la Terre du Milieu. Les dessins de Howe et Lee ne sont rien si on ne leur donne pas vie : Fendeval (Fondcombe) hier, aujourd'hui Erebor, etc. Ce qui m'impressionne toujours autant dans les adaptations PJ, c'est la façon dont elles donnent vie à la Terre du Milieu, c'est la façon dont elles créent une expérience sensible de la Terre du Milieu de type cinématographique, qui entre en écho avec l'expérience littéraire, d'une toute autre nature. N'oublions pas que le cinéma, ce n'est pas l'image seule, mais le mouvement (ou, dirait Deleuze dans des ouvrages que je n'ai pas lus, l'image-temps et l'image-mouvement).
Je me demande encore si PJ s'est, paradoxalement, davantage soumis aux producteurs cette fois-ci, alors qu'il jouit maintenant de son succès passé et qu'il a remporté une victoire non négligeable lors du soutien de sa candidature au poste de réalisateur du film par sa communauté de fans, ou si c'est un discours pour se mettre à l'abri de la critique des films par les livres. Car, aussi bien, on peut lire la déclaration de PJ comme un aveu courageux mais révélant, après coup, son cynisme depuis longtemps décrié par des chevaliers inexorables de la critique comme Isengar, mais on peut également y lire, avec la notoriété acquise, une déclaration de modestie suite à la lassitude et à l'usure provoquées par les critiques légitimes qui montrent en permanence la supériorité des livres sur les adaptations. Auquel cas le scout néozélandais aurait fini par vaciller, au-delà de ses variations kilogrammatiques déjà révélatrices de son humeur interne, sous les coups de butoirs répétés du fils aventureux du Vieux Touc qui contribue à la gloire de ces pages jrrvéfiennes.
Quoi qu'il en soit, il est aisé de trouver, chez de grands artistes, toutes disciplines confondues, des déclarations de modestie voire de cynisme qui ne préjugent en rien de la qualité artistique de leur travail. Tolkien lui-même déclare qu'il n'a cherché qu'à divertir...
Le fait est que pour Le Hobbit, PJ n'est ni le commanditaire ni le producteur du film, puisqu'il a rudement à faire à ces autres parties. En revanche, je comprends qu'on puisse développer l'image d'un PJ-producteur vs le véritable artiste-réalisateur et je m'accorde pleinement à cette affirmation que tu as eue, Silmo : "Quand l'un et l'autre sont une même personne ou quand le réalisateur se soumet de bonne grâce aux priorités mercantiles de la production, cela ne peut être qu'au détriment de la création artistique." Il est même possible que je sois d'accord jusqu'à ce point-ci avec toi : plus PJ crée comme un producteur, moins il est un réalisateur. Ce serait une bonne façon, à mes yeux, de décrire tout ce qu'il y a d'insuffisant et de décevant pour moi dans ses adaptations. Isabelle Pantin, de son côté, opposait l'image d'un ingénieur habile en mécanique à celle du créateur sensible à l'organique : PJ pour le premier ; JRRT pour le second. Il est facile de montrer qu'il y a aussi de la création organique chez PJ et de l'ingéniosité mécanique chez JRRT, mais on comprend bien la tension polarisée qui est en jeu.
Où et pourquoi ne suis-je pas, alors, du même avis ? C'est que pour moi, si je me place du côté des œuvres et non pas de leur auteur, La Communauté de l'Anneau ou, pour sortir des adaptations, King Kong sont, à mes yeux, des œuvres d'art du cinéma, même si ce sont aussi des blockbusters (encore que le succès du second ait peut-être été relatif). Bref, des œuvres d'art du cinéma populaire. Les 4 autres volets actuels des adaptations, non. On voit que le passage de la ligne esthétique que je trace à titre personnel reste délicat, et propre à l'expérience sensible de chacun. Mais ce n'est pas tout : PJ reste, à mes yeux, un grand réalisateur et un artiste par moments, dans certains fragments de l'ensemble des films de son adaptation. Et c'est, au fond, ce qui fait que je continue à aller les voir et à en tirer beaucoup de choses, malgré tout ce que ces adaptations ont de navrant, et malgré les dégâts qu'elles font en tant que blockbusters.
De ton côté, Silmo, tu soulignes que ce qui fonctionne bien vient de Weta. Du coup, tu pourrais me rétorquer plus haut : si la Nouvelle-Zélande et les dessins de JH & AL prennent vie, c'est grâce à Weta. En partie, sans doute, mais cela n'enlève rien au rôle de PJ dans la réalisation. D'après les making off, il apparait très clairement que PJ est présent à tous les stades de la réalisation complexe d'une œuvre cinématographique, a fortiori de cette ampleur. La plus grandes partie des choix essentiels viennent de PJ. C'est lui, pour commencer, qui a choisi la NZ, JH et AL. C'est aussi lui qui est en amont de chaque recherche et de chaque production par l'équipe artistique du film, ainsi que de son scénario. Enfin, c'est lui qui est en aval. Dans les makings off du SdA, on voit continuellement apparaitre le sceau "PJ approved", sans lequel rien ne passe la ligne de la proposition. Enfin, et surtout, c'est PJ qui décide du story-board du film, c'est-à-dire de sa composition globale et de son mouvement, qui me paraissent être au cœur de la réalisation cinématographique, et c'est encore lui qui dirige, contrairement à de nombreux autres réalisateurs, la post-production du film déterminant notamment les choix du montage.
Du coup, c'est bien PJ le premier responsable de tout ce que les films ont de navrant. J'ai trouvé l'Armée des Morts, Minas Morgul et l'Orque au visage de chewing-gum rose complètement navrant dans RoK. Cette fois, j'ai trouvé le look de drag queen de Thranduil et le regard de vampire de Legolas complètement déplacés. À chaque fois, j'en incrimine, à juste titre, le maitre d'œuvre, i.e. PJ. Pourquoi, alors, n'acclamerais-je pas, au premier rang, le même homme qui m'a fait sentir les rues de Minas Tirith et sa structure spiralaire et conique, ou qui m'a fait percevoir la situation stratégique et géopolitique de Lacville ? Après, je trouve cela désolant de bâcler la résolution de la Bataille des Champs de Pelennor, et de briser ce qu'il a installé en montrant la difficulté d'entrer dans Lacville, une fois que, par pur volonté de faire du spectacle, il dépeint l'invraisemblable course-poursuite des Orcs et des Elfes sur les toits de Lacville sans que le moindre gardien ou badaud ne s'en aperçoive et ne crie "à la garde !".
PJ a pour moi le profil que Deleuze & Guattari attribuaient à Freud par rapport à l'inconscient : dès qu'il a découvert quelque chose de génial, il s'empresse de le corrompre et de le briser. Mais je lui reconnais, en ce qui me concerne, cette part de génie cinématographique. Je regretterai juste à vie qu'elle soit si partielle et si facilement gâchée par ses autres aspects, notamment celui du business man, du producteur ou de l'ingénieur qui préfère quelques effets de manche pour épater la galerie à la préservation de la consistance du monde qu'il a mis en mouvement et de la cohérence de l'histoire qu'il est en train de raconter.
Heureusement, Tolkien, tout en étant un homme qui pouvait s'en tenir à une formule comme "art ou cash" en matière de droits d'adaptation de son œuvre, n'avait jamais ce genre d'ambigüité une fois qu'il créait. Là, l'art est maitre et toute velléité de domination attendra.
S.
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Merci d'avoir ici fait part de ton avis, Shudhakalyan. :-)
Je me sens beaucoup d'affinités avec les positions d'Hyarion et d'Aglarond qui s'efforcent de ne pas s'enfermer dans la jacksonophilie ou, plus probable, la jacksonophobie.
Merci de souligner notamment cet effort de garder un point d'équilibre, exercice très difficile par rapport à contexte trop souvent dominé par des discours excessivement passionnels dans un sens ou dans un autre selon les lieux de discussion (ce n'est évidemment pas une critique, mais juste un constat, que d'affirmer qu'ici, sur JRRVF, c'est évidemment le discours jacksonophobe qui domine, et ce depuis de nombreuses années, comme n'importe qui peut s'en apercevoir en parcourant le forum et en particulier la section consacrée aux adaptations ainsi que l'espace libre). Entre les discours ne faisant qu'exprimer du mépris pour Jackson sans grande considération pour l'art cinématographique, ou les discours ne faisant qu'exprimer une adoration pour ledit Jackson sans grande considération pour la littérature, je n'ai pas envie d'avoir à choisir, car je ne me retrouve dans aucun d'entre-eux.
Le cinéma est, à la suite notamment de l'opéra wagnérien, une des expressions artistiques s'apparentant le plus à ce que l'on appelle l'art total, par les sens de l'être humain qu'il mobilise à la savoir la vue et l'ouïe, et par sa capacité d'emporter le spectateur dans une autre réalité que la sienne à travers un montage au service d'un scénario structurant le travail du cinéaste et de ses collaborateurs. Sur JRRVF et ailleurs, on aime bien parler de rapport privilégié au mythe, d'univers fictif qui prend vie, de monde secondaire immersif, s'agissant d'un écrivain tel que Tolkien, mais on a tendance à oublier que le cinéma s'inscrit très bien dans cette thématique, en ce qu'il peut très bien servir d'intermédiaire, de façon volontaire ou non, entre un mythe et notre réalité, entre un univers de fiction pouvant être très vaste et notre monde dit primaire. Voila pourquoi les discours plus ou moins anti-cinéma qu'il m'est arrivé de lire jusqu'à aujourd'hui encore, singulièrement sur JRRVF, me dérangent, en ce qu'ils semblent nier toute valeur et tout intérêt à un art - le septième, parait-il - qui n'a pas à être méprisé par rapport au travail que Tolkien a pu réaliser de son côté (sans être complètement seul lui-même, ne l'oublions pas également).
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La création n'étant pas un forcément un exercice solitaire, l'artiste peut s'entourer de renforts plus ou moins talentueux. Incapable de répondre seul à ses nombreuses commandes, Rubens avait ainsi organisé son atelier en limitant sa participation aux parties essentielles de ses tableaux (visages, mains, disposition des figures, mouvement général de la composition) en laissant aux élèves de son atelier le soin des finitions. Nombre de grand peintres et sculpteurs ont agi de même depuis la Renaissance jusqu'à nos jours (ça valait pour Michel-Ange et ça marcherait encore avec Jeff Koons si on veut un exemple plus contemporain).
Le cas de Pierre Paul Rubens est en effet bien connu pour ce qui est de l'histoire de la peinture, et on pourrait citer avant lui le cas de Lucas Cranach l'Ancien et de l'atelier qu'il fonda pour pouvoir répondre à de nombreuses demandes d'oeuvres et où ses fils travaillèrent : ainsi Cranach l'Ancien put-il contenter un certain nombre de clients en faisant produire des variantes de son travail en parallèle de ses propres productions et celle de son fils Lucas Cranach le Jeune, le style de ce dernier étant du reste très proche de celui du père, au point de rendre difficile une distinction franche entre les deux.
Dans la lignée de Rubens, Jean Auguste Dominique Ingres a aussi travaillé avec des élèves sur certains de ses tableaux, même si le style du maître reste bien toujours reconnaissable en propre, tout comme celui de Rubens.
Il y aurait beaucoup à dire sur les relations pouvant être établies entre peinture et cinéma, mais c'est un très vaste sujet...
En ce qui concerne Jeff Koons, c'est un escroc, tout comme son collègue Damien Hirst : chez ces gens-là, la création artistique avec ce qu'elle suppose de savoir-faire artisanal, a complètement disparu au profit d'une production en série quasi-industrielle (et pas forcément franchement assumée), dont le succès n'est dû qu'à un invraisemblable délire spéculatif financier. Je veux croire que l'histoire de l'art s'écrit ailleurs que dans les (petits) milieux idolâtrant ses "artistes contemporains", même si ceux-ci sont tout-à-fait à l'image de notre époque consumériste obsédée par le langage publicitaire et de facto soumise à la tyrannie de l'urgence et des apparences.
Pour en revenir au sujet de ce fuseau, c'est un peu comme ça que je verrais Peter Jackson, un homme de métier sans génie, un artiste OK mais secondaire dont les meilleurs morceaux ne sont désormais plus de sa main mais de son "atelier" Weta.
Et quand je parle ici des meilleurs morceaux, je veux dire d'un point de vue du langage cinématographique : inventivité des plans, découpage des séquences, composition, éclairages...
Si le cinéma est considéré comme un art à part entière (ce dont je suis convaincu) PJ ne fait sûrement pas partie de ses génies, même si c'est un homme du métier non dénué de talent dans le genre blockbuster qu'il produit et réalise.
Dans ma critique du premier film de la nouvelle trilogie, j'avais déjà évoqué une "adaptation certes sans génie mais néanmoins plutôt de bonne tenue en soi et en l'état" (avis du reste forcément provisoire, exprimé en attendant d'avoir vu toute la trilogie), et j'ai plusieurs fois écrit ici et ailleurs, me semble-t-il, que Peter Jackson me paraissait être plus un bon artisan-technicien du cinéma plutôt qu'un véritable créateur visuel et narratif. On ne peut pas faire semblant de découvrir la lune en lisant les déclarations de Jackson rapportés par le Figaro : le cinéma est une industrie commerciale et tout cinéaste travaillant avec un financement de grands studios ne peut qu'inscrire son travail dans cet état de fait. Cependant, le cinéma est aussi un art par définition largement collectif, et reprocher, sur le principe, à Peter Jackson de ne pas être le créateur des "meilleurs morceaux" de ses films me parait être un peu hasardeux, dans la mesure où il est censé faire, seul, des choix de coordination par rapport à ce qu'on lui propose dans le cadre de ses équipes. Ce que je veux dire, c'est que s'il est indéniable, par exemple, que la réussite visuelle de ses films est notamment dû aux talents de John Howe et Alan Lee, plus qu'aux qualités propres à Jackson à mon sens, il faut tout de même bien reconnaître que c'est Jackson, in fine, qui reste le maître d'œuvre dans le cadre d'un tel projet, collectif parce que cinématographique mais dans lequel le réalisateur est censé imposer bel et bien sa marque à un moment ou à un autre par les choix d'options qu'il fait, ce en quoi je rejoins le point de vue de Shudhakalyan exprimé dans son deuxième message.
Ceci étant dit, Silmo, au-delà de ta critique du travail du seul Peter Jackson, puisque tu fait partie des JRRVFiens qui s'intéressent au cinéma, j'aimerai que tu me dises ce que tu penses du cinéma d'aujourd'hui ainsi que de la question d'adapter Tolkien au cinéma. Trop souvent, ici, on se contente de vouer Jackson aux flammes de l'enfer avec un mélange de mépris et de sarcasmes, et quand on évoque le cinéma, on dirait que c'est presque une autre planète pour les tolkieniens, que ce soit en bien ou en mal... Est-on cependant obligé d'opposer presque systématiquement, ici, création tolkienienne et création cinématographique ? Et je pourrais, bien sûr, aussi poser la question à JR (Isengar)... Il y a quelque temps, celui-ci a écrit sur Tolkiendil : "Il arrive parfois que je tombe, ici ou ailleurs sur le web, sur des dithyrambes en faveur du travail de Peter Jackson et de ses acolytes. Elles me heurtent et brutalisent mon intellect de vieux tolkienien intégre (-iste?) bien plus que mes piques contre les films ne pourraient agacer les visiteurs du forum." Or, je ne sais pas si JR se rend toujours compte du réel degré d'agacement que ces piques régulières peuvent susciter selon les circonstances, et très honnêtement, même si je sais faire preuve de sens de l'humour, je préfère lire ce qu'il écrit sur le pays des Hobbits de Tolkien (notamment dans un livre publié à la faveur du phénomène médiatique jacksonien, quoiqu'on en dise et ce dont je ne me plaindrais pas pour ma part) plutôt que ce qu'il écrit contre les films de Jackson (même si j'ai déjà salué, sur Tolkiendil, le fait qu'il ait mis un peu d'eau dans son vin depuis l'époque de la première trilogie). En tout cas, l'avis de tous m'intéresse... à condition que l'on se décide un peu à sortir, au moins de temps en temps, d'un "Jackson-bashing" que la volonté de défense de l'œuvre de Tolkien ne me parait pas justifier (je l'ai déjà écrit ailleurs) et qui ne me parait que peu constructif dans le cadre des échanges qu'est censé permettre un forum comme celui-ci. :-)
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Heureusement, Tolkien, tout en étant un homme qui pouvait s'en tenir à une formule comme "art ou cash" en matière de droits d'adaptation de son œuvre, n'avait jamais ce genre d'ambigüité une fois qu'il créait. Là, l'art est maitre et toute velléité de domination attendra.
Le Seigneur des Anneaux a été écrit parce qu'une suite au Hobbit à été demandé par l'éditeur à l'auteur, ce dernier n'ayant jusqu'alors jamais envisagé de suite : même dans le cas de Tolkien, la création artistique n'est pas forcément d'une "pureté" originelle propre au seul esprit d'un écrivain que l'on imagine encore trop souvent enfermé dans une tour d'ivoire. ;-)
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Amicalement à tous, :-)
Hyarion.
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Yep,
Je suis bien d'accord sur le fait qu'il y a des vrais moments de cinéma dans "la Communauté de l'Anneau" et que "King Kong" est probablement le meilleur film de PJ que j'ai pu voir.
D'ailleurs, il y avait encore beaucoup de Nouvelle-Zélande dans la Communauté, je veux dire de la vraie NZ naturelle, pas celle de synthèse qu'on trouve beaucoup plus dans le Hobbit.
N'ayant pas vu "Lovely Bones" je ne peux pas en parler et dans un tout autre genre (de "Bad Taste" à "Fantôme contre fantômes") qu'en dire, sinon que c'est peut-être le genre où PJ était le plus à son aise.
PJ a pour moi le profil que Deleuze & Guattari attribuaient à Freud par rapport à l'inconscient
Hi, hi, hi :-D
le cinéma, ce n'est pas l'image seule, mais le mouvement ...etc.
Farpaitement ! C'est d'ailleurs là que PJ est le plus faible quand il est lui-même derrière la caméra tandis que ça marche mieux lorsque les petites mains virtuoses de chez Wéta s'amusent comme des fous (à eux les étincelles de génie, pas à PJ). C'était d'ailleurs bien sympa dans la Communauté de l'Anneau mais c'est devenu du nimportnaouak dans le Hobbit. Les petites mains se sont cru derrière leur console de jeu et c'est pénible au lieu d'être excitant.
NB : quand on dit que le cinéma, c'est le mouvement, point n'est besoin d'avoir l'impression d'être sur des montagnes russes. Un traveling de Raúl RUIZ m'émeut autant qu'un spleen de Baudelaire; une plan de Sorrentino, autant qu'une construction baroque. Rien que d'y penser, j'en ai des frissons.
Silmo
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j'aimerai que tu me dises ce que tu penses du cinéma d'aujourd'hui ainsi que de la question d'adapter Tolkien au cinéma.
Vaste question et question double en plus!
Adapter Tolkien au cinéma ?. Il n'y a pas de raison que ce soit mission impossible. Tout peut s'adapter au cinéma. On peut même faire des films corrects avec de mauvais bouquins (da Vinci Code par exemple). Ceci dit, je ne vais pas revenir sur plusieurs années de commentaires :-) En résumé, bons débuts de PJ et déception croissante au fur et à mesure des épisodes.
Après on peut toujours jouer à se demander qui aurait pu faire mieux? Terry Gilliam probablement, nonobstant la mouise qui accompagne souvent ses ambitieux projets. Ang Lee peut-être? ou Guillermo del Toro dans une version plus sombre? Ou Steven Spielberg pourquoi pas? Voire Wes Anderson qui aurait sans doute eu ma préférence si j'avais été producteur :-) ou Miyazaki en cas de nouvelle tentative en version animation.
On peut aussi se reredemander s'il était vraiment utile de diluer un bouquin de moins de 300 pages en trois longs films de 3h00. N'est-ce pas finalement la principale cause des reproches aujourd'hui faits au Hobbit.
Que penser du cinéma d'aujourd'hui? que du bien, enfin presque. :-) Je ne crois pas que ce soit le lieu pour en discuter même si c'est fort intéressant. L'année 2013 n'était pas si mal. Dans des genres très variés, j'ai bien aimé (sans ordre de préférence) : Django unchained, Inside Llewyn Davis, Pacific Rim, Gatsby le magnifique, Snowpiercer, A touch of sin, l'Inconnu du Lac, Blue Jasmine, Moi, moche et méchant 2, The Grandmaster, Lincoln.
J'ai toujours pas vu Gravity :-(
et je n'irai pas voir la Vie d'Adèle (pas à cause de la polémique sur ce film mais simplement que je suis pas fan de Kechiche)
Je n'oublie pas les œuvres de télévision ayant autant de qualité que si on les sortait en salle : cette année, Top of the Lake, tout Breaking Bad, The Hour (la saison 1)
Enfin, mon film préféré l'an dernier est La Grande Bellezza de Paolo Sorrenttino que je citais tout à l'heure, de mon point de vue, un immense film dont on n'a pas assez parlé.
Je ne crois pas à la sinistrose du cinéma et je pense que le cinéma français est malade de son système de production mais qu'il en guérira. Je me réjouis que le cinéma italien bouge encore et de manière générale, qu'il puisse encore nous émouvoir profondément (ce qui n'est pas le cas des pitreries de Jeff Koons et Damien Hirst, j'en conviens volontiers :-).
Voila, j'ai essayé d'être concis ;-)
Silmo
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Merci Hyarion pour ces compléments, ces prolongements, ces envolées.
Silmo :
je ne m'attendais pas à ce que le mouvement fasse retour sur lui-même pour devenir les montagnes russes de ce que Hyarion a appelé, si je me souviens bien, le vidéoludisme du Hobbit. En tout cas, ce style montagne russe, appelons-le ainsi, m'a ému dans La Communauté de l'Anneau et, clairement, dans Le Hobbit, ça devient du jeu vidéo. Mais ce n'est pas en soi que le procédé, qui me parait en phase avec une esthétique du "spectaculaire", est critiquable mais dans son usage. Est-il le vecteur d'une expérience esthétique particulière ou est-on dans l'abus du spectaculaire aux dépens de l'œuvre comme aux dépens de l'histoire ? Il reste que je ne chercherai jamais à convaincre quelqu'un de l'objectivité de mes gouts puisque, par nature, ils ne le sont pas. En revanche, et c'est tout autre chose, ça m'intéresse de creuser les propriétés de l'objet et leurs effets possibles.
Pour les gouts, je suis convaincu qu'ils sont à lire au sein d'un véritable perspectivisme : chaque critique nous en apprend autant sur la perspective du critique que sur l'objet concerné. J'avais évoqué Flaubert sur Les Misérables, je crois qu'il est assez à propos.
À vous, je peux tout dire. Eh bien ! Notre dieu baisse. Les Misérables m'exaspèrent et il n'est pas permis d'en dire du mal : on a l'air d'un mouchard. La position de l'auteur est inexpugnable, inattaquable. Moi qui ai passé ma vie à l'adorer, je suis présentement indigné ! Il faut bien que j'éclate, cependant.
Je ne trouve dans ce livre ni vérité, ni grandeur. Quant au style, il me semble intentionnellement incorrect et bas. C'est une façon de flatter le populaire. Hugo a des attentions et des prévenances pour tout le monde ; saint-simoniens, philippistes et jusqu'aux aubergistes, tous sont platement adulés. Et des types tout d'une pièce, comme dans les tragédies ! Où y a-t-il des prostituées comme Fantine, des forçats comme Valjean, et des hommes politiques comme les stupides cocos de l'A, B, C ? Pas une fois on ne les voit souffrir dans le fond de leur âme. Ce sont des mannequins, des bonshommes en sucre, à commencer par Mgr Bienvenu. Par rage socialiste, Hugo a calomnié l'Église comme il a calomnié la misère. Où est l'évêque qui demande la bénédiction d'un conventionnel ? Où est la fabrique où l'on met à la porte une fille pour avoir eu un enfant ? Et des digressions ! Y en a-t-il ! Y en a-t-il ! [...] »
Ne trouvez-vous pas que cet avis critique (tiré d'une version en ligne des Misérables par les soins du Figaro et de Jean d'Ormesson...) n'aurait pas dépareillé dans un post de jrrvf et qu'à quelques remplacements onomastiques près, on aurait pu le mettre sous le doigté d'Isengar à destination du Kiwi ? Certes, cela ne prouve pas que PJ soit un héritier de VH, mais ça fait réfléchir sur les perspectives impliquées.
Par ailleurs, si je n'ai pas encore la chance d'avoir vu un Raúl Ruiz (mais je suis preneur de tout bon conseil venant de toi, Silmo), depuis 2013, moi aussi j'ai des frissons rien qu'en lisant ton évocation d'un plan de Sorrentino.
S.
À propos de Sorrentino, il y a sur Youtube une "scena tagliata", seulement en italien, et qui exige de coupler bizarrement deux vidéos en trois temps pour en voir l'ensemble.
1. Vidéo 1 : seulement les 9 premières secondes pour le début qui n'est pas repris dans la vidéo 2. Le reste de la vidéo est un montage avec des scènes de La Grande Bellezza sous forme de trailer musical.
La question de Gambardella est en plein notre discussion : "Che cosa è stato il cinema per lei ?"
2. Vidéo 2 : tout l'entretien. Le final est ce que l'on cherche tous...
3. Retour à la vidéo 1 : à partir d'1:51.
Le vrai final en bonus.
Si vous faites cet exercice un peu pompant avec suffisamment de familiarité vis-à-vis de l'italien, dites-moi ce que vous en pensez .
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Silmo : nos posts se sont croisés. Merci pour toutes ces références alléchantes que je vais ajouter à ma liste d'à voir. Tes exemples montrent à l'envi que tu n'es pas enfermé dans une dichotomie stérile cinéma d'arts et d'essais/cinéma commercial. Content de lire que tu as aimé Gatsby le Magnifique, que j'ai très envie de voir (quelle misère de l'avoir manqué sur grand écran). Je suis preneur si tu recommandes d'autres films de Ruiz et de Sorrentino et, dans la lignée du dernier, d'autres grands films italiens récents. Mais on sort de plus en plus du fuseau. Bien fait pour Jackson . Quant à Ang Lee, j'ai adoré sa version de Hulk, dont j'ai peu lu/entendu de bien... (outre d'autres beaux films de lui). Et La Reine des Neiges, puisque tu évoques Moi, moche et méchant 2 ?
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Pas vu la Reine des Neiges :-)
D'autres Sorrenttino ? D'abord "Les Conséquences de l'Amour" On le trouve encore en dvd d'occase sur le net mais il n'est plus distribué, hélas... car c'est un petit bijou. "Il Divo", excellent et toujours avec Toni Servillo, un acteur fabuleux. "This must be the Place" avec Sean Penn, très bon aussi. Ces deux là, on les trouve encore en boutique. Enfin, ses deux premiers long métrage sont plus étranges mais magnifiquement filmés eux aussi ("L'uomo in più" et "L'Amico di famiglia") dispo en dvd d'occasion.
Des Raúl Ruiz? Je te suggère de commencer par "Les Mystères de Lisbonne" où il y a des plans époustouflants et des jeux de caméra d'une grâce inouie : par exemple pour accompagner un dialogue entre deux personnages écouté par un troisième, la caméra balance un coup dans l'ombre, un coup dans la lumière, se déporte d'un côté puis de l'autre, etc. Tout en nuances, c'est magique. Ou bien le travelling le long d'un fiacre qui avance, s'arrête puis redémarre, ou encore la caméra virevoltante de la scène de bal en un seul plan séquence, magnifique.
Voici trois extraits à titre d'exemple - je vous invite à vous concentrer seulement (et jusqu'au bout :-) sur ce que fait la caméra :
http://www.allocine.fr/video/player_gen … 79169.html
http://www.allocine.fr/video/player_gen … 79169.html
http://www.allocine.fr/video/player_gen … 79169.html
ON trouve "Les Mystères de Lisbonne" en version ciné ou en version télé (6 épisodes). Les deux versions ont leurs qualités, perso je préfère la seconde car le plaisir est multiplié.
De Raúl Ruiz, je te conseille aussi "Trois vies et une seule mort" où s'ajoute la poésie du jeu de Mastroinanni et encore "Le Temps retrouvé".
Tu me raconteras quand tu auras vu tout ça.
Merci pour les liens vers les extraits de Sorrenttino. Ca me donne envie de le videoprojeter pas plus tard que ce soir :-)
On a beaucoup lu et entendu qu'il s'agissait d'un hommage à la Roma de Fellini, alors qu'il y a, je crois des rapprochements bien plus intéressants à faire avec Ettore Scola ("La terrazza" ou "Gente di Roma")
On verra plus tard pour d'autres films italiens contemporains, Nanni Moretti par exemple :-)
Silmo
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Entre les discours ne faisant qu'exprimer du mépris pour Jackson sans grande considération pour l'art cinématographique, ou les discours ne faisant qu'exprimer une adoration pour ledit Jackson sans grande considération pour la littérature
Heureusement, la situation n'est pas si tranchée... il y a beaucoup de monde entre ces deux clans qui semblent irréconciliables, à te lire. Pour ma part, je ne me reconnais pas non plus dans l'une et surtout pas dans l'autre.
Ce qui me trouble précisément dans la déclaration de PJ par rapport au "business" dans le Figaro, c'est l'impression que PJ aujourd'hui, avec Le Hobbit, accepte davantage de se soumettre à certaines exigences des sociétés de production (il évoque La Warner) que lors du Seigneur des Anneaux.
Je pense - cela surprendra-t-il quelqu'un - que notre bon Peter Jackson, malgré les délicieuses roucoulades auto-promotionnelles des appendices des DVD version longues, a toujours été soumis aux exigences des studios. Il le dit d'ailleurs en filigrane en évoquant la différence avec le pouvoir limité d'un jeune réalisateur : il parle de lui en 1995. C'est le lot de tout metteur en scène, comme l'évoquait Silmo. L'Arwen guerrière de la Communauté de l'Anneau est l'exemple le plus lisible. Ceci-dit, cette même Arwen, qui change du tout au tout dans les deux films suivants, montre aussi la capacité de résistance de Jackson, qui a su se débarrasser de la guerrière (au détriment de la très fragile cohérence scénaristique de sa trilogie), comme il avait su imposer le format "trilogie", avec l'aide de New Line en 1995.
Après avoir œuvré ces 15 dernières années à façonner une image positive auprès d'une très vaste communauté de fans, Jackson change bizarrement son fusil d'épaule dans cette récente interview au Figaro.
Il faut toutefois noter trois choses :
- cette déclaration, il l'a faite à un journaliste français, pour un journal français. Je n'ai pas retrouvé de déclarations semblables dans la presse internationale (sur le net) de sa part (mais je n'ai pas fait de recherches approfondies, car j'ai autre chose à faire...). En fustigeant "les fans", les "puristes" (encore que ce sont les termes utilisés par le journaliste), est-ce que ce n'est pas une façon indirecte de répondre aux remarques de Christopher Tolkien, publiées également dans un média français ("L'Anneau de la discorde", Le Monde du 7 juillet 2012) ?
- Il le souligne à plusieurs reprises dans son interview, et on le sait bien ici sur JRRVF, l'adaptation du Hobbit s'inscrit dans un contexte beaucoup plus difficile que la première trilogie : accumulation des difficultés (juridiques notamment), critiques beaucoup plus nombreuses sur ses choix scénaristiques, techniques, artistiques... C'est à une énième question sur Tauriel que Jackson semble réagir de cette façon.
- Enfin, Peter Jackon baigne, beaucoup plus qu'il y a dix ans, dans le business, et ce sur fond de crise économique. Dans l'interview, il n'a échappé à personne que c'est le businessman qui parle avant l'artiste. Mécaniquement, ce rôle très différent de celui qu'il assumait pour le SdA. La pression est certainement gigantesque et il en beaucoup plus conscience aujourd'hui, car il a beaucoup plus à perdre.
Dans cette façon de se dévoiler, on lit depuis nos lorgnettes franco-belges jrrvfiennes, filtrées par la traduction-reformulation de Jean-Paul Chaillet (le journaliste du Figaro), beaucoup de cynisme et ras-le-bol à la fois (. Entre les lignes, ce sont les grandes difficultés devant lesquelles se trouve aujourd'hui l'industrie cinématographique qui se dévoilent tristement.
Quelque part, ce cynisme et ce ras-le-bol, je peux le comprendre. Des aventures qui courent sur deux décennies et qui se terminent dans un flot de dollars, de fatigue physique et de critiques, ça a de quoi rendre amer. Tout ça pour ça ?
...Sinon, j'aime bien le cinéma de qualité. C'est pour ça que je n'aime par l’œuvre de Peter Jackson.
Et en plus, je suis sur que la mauvaise qualité de son adaptation cinématographique a eu une influence négative sur les ventes très moyennes de mon livre. J'aurais du le sortir plus tard...
I.
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Merci Silmo & Isengar ! Que du bonheur à vous lire .
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Matrok : j'ai enfin lu ta critique, et bien m'en a pris. J'apprécie beaucoup l'évaluation narrative des choix scénaristiques que tu opères, notamment par rapport aux scènes coupées et à la surenchère des cascades et des combats. Ce qui montre bien que l'argument de la trop grande longueur de 3 films pour un livre comme Le Hobbit ne suffit pas : il y a plein d'éléments fascinants dans l'ouvrage que Jackson aurait pu exploiter et développer, mais qu'il a choisi d'écourter ou de supprimer pour les remplacer par du remplissage de bas étages ou des lignes secondaires mal raccordées à l'intrigue principale.
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Bonsoir Silmo,
C'est toujours un plaisir de te lire ici, ainsi d'ailleurs que Shudhakalyan. Même si je le dis peu, je n'en pense pas moins.
Il me semble qu'au cinéma, la part de création propre à l'artiste relève du réalisateur et que cette création est souvent entravée par la volonté du commanditaire qu'est le producteur. Les exemples sont innombrables de combat acharnés d'un artiste/réalisateur luttant pied à pied contre son ou ses producteurs. Quand l'un et l'autre sont une même personne ou quand le réalisateur se soumet de bonne grâce aux priorités mercantiles de la production, cela ne peut être qu'au détriment de la création artistique.
Je suis globalement d'accord avec toi, hormis pour cette affirmation, qui me semble méconnaître en partie les éventuelles compétences artistiques des commanditaires. On connaît bon nombre de romans qui ont été sensiblement améliorés par les exigences des éditeurs, quand bien même ceux-ci ne songeaient pas qu'à l'importance du choix des mots, mais avaient aussi à l'esprit des questions mercantiles comme le coût du papier. Évidemment, il doit aussi se trouver de pur requins, dont les appétits financiers vont au détriment de la qualité des livres qu'ils éditent, mais sans doute pas plus que de vrais passionnés qui risqueront de mettre en faillite leur entreprise en éditant un livre invendable mais qui les a bouleversés. Bien que je connaisse moins l'industrie du cinéma, je ne doute pas qu'il en aille de même là aussi. Typiquement, le désir de Robert Shaye de produire trois films à partir du SdA devait aussi bien être motivé par des questions financières qu'artistiques et je ne doute pas qu'en l'espèce il ait eu raison de contredire Jackson qui plaidait pour deux films. À l'inverse, la décision de faire trois films à partir du Hobbit a été revendiqué par Jackson comme un choix personnel. J'ai le sentiment que c'était une erreur, vu la longueur des séquences inutiles dans les deux premiers opus. Un producteur puissant et talentueux aurait dû s'opposer à une telle décision, qui va au détriment de la qualité artistique du film. Le fait que ce n'ait pas été le cas semble justement témoigner d'un accroissement d'influence de Jackson auprès des studios, qui semble en phase avec la notoriété que Jackson s'est acquise grâce à sa première trilogie.
Néanmoins, j'ai souvent eu le sentiment, sur Jrrvf, que la critique des adaptations PJ souffraient d'une dichotomie, en amont, blockbuster/œuvre d'art qui ne sévissait pas, par exemple, là où opérait le charme vintage d'un Conan le Barbare.
C'est effectivement parfois mon sentiment à la lecture de certaines critiques négatives, mais je ne partage pas cette opinion, bien que j'ai piètre estime pour les deux derniers films et de fortes réticences pour les trois premiers. Il existe de merveilleux films à grand public, conçus comme tels et néanmoins sans une once de concession pour l'aspect artistique de la réalisation. C'est le cas d'un des mes films préférés, tous genres confondus : Les Sept Samouraïs, d'Akira Kurosawa.
À mon sens, la Nouvelle-Zélande n'est rien si on ne fait pas croire qu'elle est la Terre du Milieu. Les dessins de Howe et Lee ne sont rien si on ne leur donne pas vie : Fendeval (Fondcombe) hier, aujourd'hui Erebor, etc. Ce qui m'impressionne toujours autant dans les adaptations PJ, c'est la façon dont elles donnent vie à la Terre du Milieu, c'est la façon dont elles créent une expérience sensible de la Terre du Milieu de type cinématographique, qui entre en écho avec l'expérience littéraire, d'une toute autre nature.
Remarque très pertinente, à laquelle j'adhère entièrement depuis que j'ai vu le dernier opus de Jackson. J'ai en effet eu l'impression à plusieurs reprises que la machinerie des plans larges sur les paysages de Nouvelle-Zélande commençait à tourner à vide. L'accroissement énorme des distances entre la vision que Thorin & Cie ont de Beorn sous forme ursine et leur arrivée à sa demeure me semble dénuée de fondement. Pourquoi faire changer ainsi les paysages (tout en faisant un faux raccord sur la hauteur du soleil) pendant la course ? Croira-t-on vraiment qu'un groupe de Nains accompagné d'un Hobbit court plus vite qu'un ours géant lors d'un marathon ? Problème inverse avec un passage qui a plu à beaucoup, la vision des papillons au sommet de Mirkwood. On voit une forêt de taille raisonnable, entourée dans toutes les directions par les montagnes. C'est magnifique, mais ce n'est pas la Terre du Milieu. D'ailleurs, si la Montagne était aussi près que cela, on comprend d'autant moins que les Aigles ne les y aient pas mené directement... Bref, deux exemples où on voit de magnifiques paysages, mais des paysages qui distraient l'esprit plutôt que de donner un sentiment d'immersion en Terre du Milieu.
Il est même possible que je sois d'accord jusqu'à ce point-ci avec toi : plus PJ crée comme un producteur, moins il est un réalisateur. Ce serait une bonne façon, à mes yeux, de décrire tout ce qu'il y a d'insuffisant et de décevant pour moi dans ses adaptations. Isabelle Pantin, de son côté, opposait l'image d'un ingénieur habile en mécanique à celle du créateur sensible à l'organique : PJ pour le premier ; JRRT pour le second. Il est facile de montrer qu'il y a aussi de la création organique chez PJ et de l'ingéniosité mécanique chez JRRT, mais on comprend bien la tension polarisée qui est en jeu.
Je suis d'accord avec cette dichotomie, mais aurait tendance à renverser les termes de l'équation : moins PJ se cantonne à son rôle de producteur exécutif, dans lequel il excelle visiblement, plus il est convaincu de ses talents artistiques de réalisateur et prend des libertés avec l'histoire, moins le résultat me semble convaincant. Et de même pour l'image d'Isabelle Pantin, d'ailleurs — une image qui, avec tout le respect que j'ai pour elle, me semble refléter un certain mépris de la part des littéraires pour la mécanique. J'aurais tendance à soupçonner que Jackson comme Tolkien sont deux être passionnés par la beauté de la nature et viscéralement opposés à sa destruction. En revanche, Jackson semble avoir minimisé le talent d'horloger avec lequel Tolkien a réglé la mécanique de son conte et être passé à côté du fait que changer le cours de certains événements détruit l'équilibre et le fonctionnement de l'ensemble.
Bonne année cinématographique à tous
Elendil
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Quel plaisir aussi de te relire Elendil.
Pour l'opposition d'Isabelle Pantin, que j'ai sans doute simplifiée voire forcée, il faut la resituer dans son contexte. Il s'agissait pour elle de reconnaitre une grande qualité à PJ : son habileté dans l'ingéniosité mécanique que lui semblaient manifester les films. C'était donc un compliment de sa part. Je ne pense pas qu'elle souffre du mépris symptomatique de certains littéraires pour la mécanique, même si c'est un bonheur de t'entendre réagir sur ce point, vu sa spécialisation liée à l'astronomie dans l'histoire des idées au 17e siècle si je me souviens bien. Elle essayait de pointer ce qu'il pouvait y avoir de spécifique de l'art tolkienien à côté de quoi PJ passait complètement. Elle songeait à l'idée de Tolkien laissant son œuvre croitre de sa propre énergie et à son propre rythme comme un arbre. Il n'empêche que j'apprécie ta précision sur la mécanique de l'ensemble. Cette comparaison est issue de son intervention à Rambures en juin 2008 (in Tolkien aujourd'hui). Elle m'a moins frappé à l'écrit que lorsque je l'ai entendue dans sa conférence.
Pour l'opposition producteur/artiste, tu ne la renverses qu'à condition de prêter à Jackson une prétention artistique erronée. Tu es mauvais joueur. C'est sans doute en pensant à toi que PJ s'est empressé d'affirmer que les livres sont des chefs d'œuvre, mais pas ses films (ce qui est, au passage, remarquable puisqu'on a pointé sa lucidité ou son honnêteté par rapport au business, j'ai souligné sa modestie, mais dans la même déclaration il professe aussi avec véhémence son admiration de l'œuvre littéraire de JRRT).
Je parlais, bien sûr, de la nature d'artiste et non pas de ce que Jackson croit être ou non. Mais tu fais une boutade, parce que pour toi, comme pour Silmo, PJ n'est ni un artiste ni un génie. Pour moi, si. Il sera difficile d'y changer quelque chose. Ceci dit, ce n'est bien sûr pas la personne qui est en jeu, mais l'œuvre. Je reconnais dans l'ensemble des adaptations de PJ de l'art et du génie, même s'ils étouffent sous de la frime digne des plus basses préoccupations commerciales qui soient, dont j'excepte La Communauté de l'Anneau et King Kong qui ne me paraissent pas exempts de défaut, mais suffisamment inspirés en tout et en parties que pour être proprement ce que j'appelle des œuvres d'art. Mais je ne peux ni ne veux en convaincre personne, en tout cas personne qui a déjà ses propres convictions sur le sujet .
J'en profite aussi pour répondre à Hyarion par rapport à la "pureté originelle" de la création chez Tolkien. Je ne pensais pas, bien sûr, à une pureté originelle, encore moins du côté du motif de la création de l'œuvre. Au contraire, je suis ravi que tu rappelles la commande de l'éditeur qui montre à quel point l'œuvre émerge des contingences. Mais l'œuvre d'art s'arrache aux circonstances de sa production et atteint une sorte de perfection en elle-même qui en fait ce que Deleuze et Guattari caractérisent comme "un monument". À mon sens, l'adaptation de PJ est largement inaboutie sur un plan artistique. En revanche, dans Le Seigneur des Anneaux (et je n'en dirais certainement pas autant, d'ailleurs, du Hobbit), on ne prend jamais Tolkien en défaut. Qu'est-ce à dire ? L'œuvre est toujours pleinement une œuvre, jamais un faux-semblant, une supercherie, un tour de passe-passe. Peut-être que cette absolutisation est le produit d'une intensité : au-delà d'un certain degré de hauteur et de beauté, l'œuvre me semble parfaite, peu importe qu'elle ne le soit pas. C'est une façon de dire qu'on y est, totalement.
Dans la scène coupée que j'ai renseignée de La Grande Bellezza, un réalisateur dit que les gens réfrènent leur curiosité. Pourquoi, demande le héros (Jep Gambardella) ? Réponse : "sono pigri, moralisti, indolenti, sono scettici... o dio, e anche ignoranti" ("ils sont paresseux, moralistes, ils sont sceptiques... oh mon dieu, et aussi ignorants"). Moi qui suis tout cela, je ne jetterai pas la pierre à PJ, mais, c'est dommage, car il a, selon moi, un puissant souffle qui rendait hommage à Tolkien.
S.
Pour le reste, je suis largement d'accord avec toi, Elendil, et je me dis : diantre, je n'ai toujours pas vu non plus Les 7 samouraïs (ou pas revu ? )
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Hyarion a écrit :j'aimerai que tu me dises ce que tu penses du cinéma d'aujourd'hui ainsi que de la question d'adapter Tolkien au cinéma.
Vaste question et question double en plus!
Adapter Tolkien au cinéma ?. Il n'y a pas de raison que ce soit mission impossible. Tout peut s'adapter au cinéma. On peut même faire des films corrects avec de mauvais bouquins (da Vinci Code par exemple). Ceci dit, je ne vais pas revenir sur plusieurs années de commentaires :-) En résumé, bons débuts de PJ et déception croissante au fur et à mesure des épisodes.
Après on peut toujours jouer à se demander qui aurait pu faire mieux? Terry Gilliam probablement, nonobstant la mouise qui accompagne souvent ses ambitieux projets. Ang Lee peut-être? ou Guillermo del Toro dans une version plus sombre? Ou Steven Spielberg pourquoi pas? Voire Wes Anderson qui aurait sans doute eu ma préférence si j'avais été producteur :-) ou Miyazaki en cas de nouvelle tentative en version animation.
On peut aussi se reredemander s'il était vraiment utile de diluer un bouquin de moins de 300 pages en trois longs films de 3h00. N'est-ce pas finalement la principale cause des reproches aujourd'hui faits au Hobbit.
Que penser du cinéma d'aujourd'hui? que du bien, enfin presque. :-) Je ne crois pas que ce soit le lieu pour en discuter même si c'est fort intéressant. L'année 2013 n'était pas si mal. Dans des genres très variés, j'ai bien aimé (sans ordre de préférence) : Django unchained, Inside Llewyn Davis, Pacific Rim, Gatsby le magnifique, Snowpiercer, A touch of sin, l'Inconnu du Lac, Blue Jasmine, Moi, moche et méchant 2, The Grandmaster, Lincoln.
J'ai toujours pas vu Gravity :-(
et je n'irai pas voir la Vie d'Adèle (pas à cause de la polémique sur ce film mais simplement que je suis pas fan de Kechiche)
Je n'oublie pas les œuvres de télévision ayant autant de qualité que si on les sortait en salle : cette année, Top of the Lake, tout Breaking Bad, The Hour (la saison 1)
Enfin, mon film préféré l'an dernier est La Grande Bellezza de Paolo Sorrenttino que je citais tout à l'heure, de mon point de vue, un immense film dont on n'a pas assez parlé.
Je ne crois pas à la sinistrose du cinéma et je pense que le cinéma français est malade de son système de production mais qu'il en guérira. Je me réjouis que le cinéma italien bouge encore et de manière générale, qu'il puisse encore nous émouvoir profondément (ce qui n'est pas le cas des pitreries de Jeff Koons et Damien Hirst, j'en conviens volontiers :-).
Voila, j'ai essayé d'être concis ;-)
Merci pour cet effort de concision, exercice que je sais être difficile (surtout pour moi). ;-)
Pour ce qui est d'adapter Tolkien au cinéma, on ne va effectivement pas revenir sur plusieurs années de commentaires, ;-) mais si je me permets d'aborder le sujet, c'est que la question reste forcément centrale pour ce qui est d'appréhender le travail de Jackson, désormais étalé sur une vingtaine d'années avec ses deux trilogies.
À la question de savoir qui aurait pu faire mieux (question déjà aussi abordée par le passé), on pourrait joindre celle de savoir sur quel type de projet Peter Jackson aurait pu s'investir avec davantage de consensus qu'en ce concerne une adaptation de l'œuvre de Tolkien. Je me souviens, à cet égard, qu'Elendil avait déclaré l'année dernière sur le forum de Tolkiendil que ce qui suit : "PJ ne comprend que l'attitude bourrin [...]. Du coup, c'est certain qu'il a mal visé avec Tolkien. Je me suis toujours demandé pourquoi il ne s'était pas plutôt lancé dans une méga-adaptation de Conan. Le pire, c'est que ç'aurait pu avoir de la gueule..." Je ne suis pas du tout convaincu, pour ma part, que Jackson aurait été l'homme de la situation s'agissant d'adapter les histoires originales du Conan de Howard... en sachant bien qu'un tel projet serait toute autre chose que les films de Conan qui ont été filmés jusqu'ici, y compris l'excellent Conan the Barbarian de John Milius, qui est une adaptation très libre de l'univers créé par Howard et dont l'intérêt réside avant tout dans sa force d'évocation avec peu de moyens et dans la vision personnelle du cinéaste qui rend le propos original. Pour adapter les histoires de Conan, il ne faut pas être simplement "bourrin" : l'œuvre de Howard mérite mieux qu'un tel traitement à l'emporte-pièce, et je ne crois pas, du reste, que Jackson puisse à l'aise pour ce qui est de mettre en scène, par exemple, le fort pessimisme et la morale parfois ambiguë imprégnant certains des meilleurs récits howardiens de Conan, ce en quoi un cinéaste comme Guillermo del Toro me paraîtrait être bien davantage l'homme de la situation... tout comme Paul Verhoeven, qui serait absolument parfait pour ce qui est de filmer la violence aussi efficacement qu'intelligemment, de même que John McTiernan.
Pour ce qui est de Peter Jackson, j'avoue que je ne sais pas trop comment le situer : en dehors de son travail sur Tolkien, je n'ai vu que peu de ses films, tels que Braindead ou son remake de King Kong. La filmographie de Jackson apparaissant, en l'état, comme quelque peu "écrasée" par ses deux trilogies adaptant Tolkien, il ne me parait pas faire partie, pour le moment, de ses cinéastes ayant pu véritablement construire une œuvre de film en film, comme l'ont fait, chacun à leur manière, Stanley Kubrick, Sergio Leone, John Boorman, Paul Verhoeven, Martin Scorsese ou Steven Spielberg, pour ne citer qu'eux. Difficile de dire, dès lors, quel type de cinéma serait particulièrement "fait" pour Jackson... Y a-t-il en tout cas incompatibilité totale entre le savoir-faire dudit Jackson et l'œuvre de Tolkien comme objet d'adaptation ? Je ne le crois pas. Mais j'avoue qu'entre un projet d'adaptation du Seigneur du Anneaux par John Boorman qui aurait abouti et une adaptation du même Seigneur des Anneaux par Peter Jackson, j'aurai probablement été plus curieux de découvrir la vision de Boorman (fut-elle fort personnelle, comme pour le Conan de Milius) que celle de Jackson... ce qui n'enlève cependant rien aux qualités que j'ai pu trouver in fine dans cette dernière (malgré d'inévitables défauts par ailleurs).
S'agissant du cinéma d'aujourd'hui, j'avoue sentir, pour ma part, une sorte de glissement qui s'est opéré depuis une quinzaine d'années. Le cinéma me parait aujourd'hui fortement concurrencé, en matière de créativité en général et de capacités d'immersion dans un univers fictif, par les séries télévisées et même désormais, d'après ce que je lis et entend ici ou là, par les jeux vidéos. Est-ce là le signe d'un déclin du septième art ? Je ne le pense pas. Mais c'est sans doute là le signe d'un réel changement à l'œuvre s'agissant de la place qu'occupe le cinéma dans notre univers culturel et mental. Nous verrons bien à quoi cela aboutira...
Je n'ai eu que peu d'occasions d'aller au cinéma en 2013, n'ayant pu voir que quelques films : Django Unchained (très bon), Renoir (plaisant), Jeune & Jolie (intelligent), Gravity (enfin un film dans lequel l'usage de la 3D est pleinement justifié !), La Stratégie Ender (divertissant, quoique peu emballant), Evasion (juste pour voir cabotiner Arnold S. avec Sylvester S.), Le Hobbit : la Désolation de Smaug (objet du présent fuseau), et enfin Le Loup de Wall Street (un très bon cru au sein de la filmographie de Scorsese, à mon avis).
Finalement, l'année dernière, j'aurai surtout vu des séries télévisées, dont certains de très haute qualité, souvent diffusées sur Arte, comme l'excellente (et brève) série Top of the Lake. Samedi soir, j'ai découvert Downton Abbey, dont la chaîne française HD1 a rediffusé la totalité de la première saison en une seule soirée. Voila bien comment j'aimerai que toutes les séries soient diffusées à la télé : tous les épisodes d'un seul coup (et dans l'ordre) ! ;-)
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Hyarion a écrit :Entre les discours ne faisant qu'exprimer du mépris pour Jackson sans grande considération pour l'art cinématographique, ou les discours ne faisant qu'exprimer une adoration pour ledit Jackson sans grande considération pour la littérature
Heureusement, la situation n'est pas si tranchée... il y a beaucoup de monde entre ces deux clans qui semblent irréconciliables, à te lire. Pour ma part, je ne me reconnais pas non plus dans l'une et surtout pas dans l'autre.
Il y a évidemment beaucoup de monde qui, comme moi-même, ne se reconnait pas du tout dans ces deux tendances extrêmes. Mais le fait est que les discours respectifs desdites tendances me paraissent être, hélas, ceux qui sont les plus visibles. Ceci dit, ce n'est évidemment qu'une impression que je perçois à travers ce miroir souvent déformant qu'est la Toile.
...Sinon, j'aime bien le cinéma de qualité. C'est pour ça que je n'aime par l’œuvre de Peter Jackson.
Et en plus, je suis sur que la mauvaise qualité de son adaptation cinématographique a eu une influence négative sur les ventes très moyennes de mon livre. J'aurais du le sortir plus tard...
Allons, JR, ne te tourmente pas : quelles que soient les circonstances, l'essentiel est qu'il y ait eu des ventes... ;-) :-)
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J'en profite aussi pour répondre à Hyarion par rapport à la "pureté originelle" de la création chez Tolkien. Je ne pensais pas, bien sûr, à une pureté originelle, encore moins du côté du motif de la création de l'œuvre. Au contraire, je suis ravi que tu rappelles la commande de l'éditeur qui montre à quel point l'œuvre émerge des contingences. Mais l'œuvre d'art s'arrache aux circonstances de sa production et atteint une sorte de perfection en elle-même qui en fait ce que Deleuze et Guattari caractérisent comme "un monument". À mon sens, l'adaptation de PJ est largement inaboutie sur un plan artistique. En revanche, dans Le Seigneur des Anneaux (et je n'en dirais certainement pas autant, d'ailleurs, du Hobbit), on ne prend jamais Tolkien en défaut. Qu'est-ce à dire ? L'œuvre est toujours pleinement une œuvre, jamais un faux-semblant, une supercherie, un tour de passe-passe. Peut-être que cette absolutisation est le produit d'une intensité : au-delà d'un certain degré de hauteur et de beauté, l'œuvre me semble parfaite, peu importe qu'elle ne le soit pas. C'est une façon de dire qu'on y est, totalement.
Je comprends bien ce que tu veux dire s'agissant de l'œuvre d'art qui s'arrache aux circonstances de sa production et qui atteint une sorte de perfection en elle-même : c'est évidemment à cette aune que l'on peut mesurer la qualité des grandes œuvres traversant les âges et les frontières de toutes sortes.
Je dois dire qu'en ce qui me concerne, la nouvelle trilogie, au fur et à mesure qu'elle se dévoile, à tendance à donner un sérieux coup de neuf à l'appréciation, globalement très positive, qui a été la mienne s'agissant de la première trilogie de 2001-2003 : j'attends de voir le dernier film devant sortir à la fin de cette année pour confirmer cette impression.
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Il est grand temps d'aller faire de beaux rêves...
Amicalement à tous,
Hyarion.
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Pas vu la Reine des Neiges :-)
D'autres Sorrenttino ? [...]
Voici trois extraits à titre d'exemple - je vous invite à vous concentrer seulement (et jusqu'au bout :-) sur ce que fait la caméra :
http://www.allocine.fr/video/player_gen … 79169.html
http://www.allocine.fr/video/player_gen … 79169.html
http://www.allocine.fr/video/player_gen … 79169.html
Merci Silmo pour ces extraits, absolument magnifiques. Voilà précisément ce que j'appelle un maître de la caméra. Dommage que selon moi on ne trouve jamais de scène aussi inspirées chez Jackson, à l'exception de certains plans larges sur le paysage.
Shudhakalyan, si tu n'as pas encore vu Les Sept Samouraïs, je ne peux que t'inviter une fois de plus à les regarder. Je n'ai hélas pas trouvé d'aussi belles vidéos que Silmo, mais je t'invite du moins à jeter un œil sur celles-ci, aussi bien pour la caméra que pour la gestion des mouvements de foule :
http://www.tcm.com/mediaroom/video/2034 … dsman.html
http://www.tcm.com/mediaroom/video/2034 … Alarm.html
http://www.tcm.com/mediaroom/video/2034 … neral.html
Elendil
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...et j'ai oublié de mentionner l'excellente série suédoise "Real Humans" de Lars Lundström. Super scénario.
Pas encore vu un seul épisode de "Downton Abbey" dont on dit pourtant le plus grand bien, ni un seul épisode de "Game of Thrones", c'est dire le retard à rattraper !
Enfin si...! Lors d'un voyage en tgv, j'ai aperçu du coin de l'oeil un autre voyageur qui visionnait 3 ou 4 épisodes de "Game of Thrones". Par définition, privé du son, j'ai observé uniquement la construction des images et le découpage : ça m'a paru un peu pauvre cinématographiquement et plutôt saturé de scènes de dialogues champ/contre-champ, ce qui m'a donné une impression d'un truc très "bavard" :-D
Silmo
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Merci à Hyarion pour sa réponse, et à Elendil & Silmo pour les liens et surtout les références. Je vous avoue que je préfère attendre de voir les films en entier dans les meilleures conditions possibles (je sens que je vais réactiver mon abonnement médiathèque) plutôt que de prévisualiser des extraits.
Séb.
ps : Pour GoT, sans doute... mais l'histoire est très addictive ^^. Et le texte, dont je n'ai lu que le début en vo, vaut la peine aussi d'être lu (au moins en partie).
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Merci Elendil pour les extraits de Kurosawa
Ce soir, il y a "Rashomon" sur Arte, un de ses grands films, même si moins spectaculaire que les 7 samouraï :-)
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Rashomon, encore un film formidable, je suis bien d'accord.
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Votre discussion me rappelle les débats de 2001.
A mon sens, les oppositions romancier/cinéaste, littéraire/cinéphile ou producteur/cinéaste ne suffisent pas à expliquer les insuffisances des adaptations de Peter Jackson. On aura beau avancer des explications d'ordre contextuel (elles sont toujours utiles et j'avais essayé de le faire parfois dans mes éditos), on aura beau faire tous ses efforts pour ignorer les arguments relevant de la fidélité au légendaire tolkienien (cela, je l'avais un peu moins fait, et c'est un postulat que je ne saurais tenir même s'il se défend), il faudra toujours dresser le même constat : Peter Jackson est un réalisateur sympathique et enthousiaste mais ce n'est pas un grand cinéaste et ni ses adaptations de Tolkien (malgré les qualités visuelles de son Seigneur des Anneaux, énergique film d'aventures qui trahit Tolkien mais a ses moments de grandeur (et aussi ses potacheries de collégien hélas)) ni ses autres efforts (son King Kong par exemple est bien long et complaisant avec des tics de mise en scène - ah, ces ralentis dans la cale du bateau - qui nuisent à l'ensemble) ne sont de grands films. A partir de là, on ne peut pas lui demander la lune.
PS : pour un amateur de cinéma, ne pas avoir vu Les Sept Samouraïs, ce n'est pas sérieux
PPS : J'ai trouvé Pacific Rim si mal écrit, avec des personnages si platement dessinés et si caricaturaux (chacun a un trauma et un arc narratif qui se devine d'avance, comme s'il obéissait à un cahier des charges scénaristiques), que je ne regrette plus que Del Toro n'ait pas réalisé Le Hobbit
PPS : Inside Llewyin Davis, Tel Père tel fils, The Master, mon trio de tête de 2013
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Silmo a écrit :Pas vu la Reine des Neiges :-)
[...]
Des Raúl Ruiz? Je te suggère de commencer par "Les Mystères de Lisbonne" où il y a des plans époustouflants et des jeux de caméra d'une grâce inouie : par exemple pour accompagner un dialogue entre deux personnages écouté par un troisième, la caméra balance un coup dans l'ombre, un coup dans la lumière, se déporte d'un côté puis de l'autre, etc. Tout en nuances, c'est magique. Ou bien le travelling le long d'un fiacre qui avance, s'arrête puis redémarre, ou encore la caméra virevoltante de la scène de bal en un seul plan séquence, magnifique.
Voici trois extraits à titre d'exemple - je vous invite à vous concentrer seulement (et jusqu'au bout :-) sur ce que fait la caméra :
http://www.allocine.fr/video/player_gen … 79169.html
http://www.allocine.fr/video/player_gen … 79169.html
http://www.allocine.fr/video/player_gen … 79169.htmlMerci Silmo pour ces extraits, absolument magnifiques. Voilà précisément ce que j'appelle un maître de la caméra. Dommage que selon moi on ne trouve jamais de scène aussi inspirées chez Jackson, à l'exception de certains plans larges sur le paysage.
Je n'ai pas encore vu Les Mystères de Lisbonne, film repéré à sa sortie en 2010 en France mais qui n'est pas resté assez longtemps à l'affiche pour que je puisse le voir dans une salle obscure. Les brillants extraits dont les liens ont été donnés par Silmo m'ont toutefois rappelé un autre film de Raúl Ruiz, que j'avais vu au cinéma à sa sortie en 1999, et que Silmo a également cité : Le temps retrouvé, d'après la dernière partie d'À la recherche du temps perdu de Proust. On peut y voir notamment la même virtuosité s'agissant de la maîtrise de la caméra. Je ne peux donc que recommander également ce très beau film de Ruiz (cinéaste disparu en 2011).
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...et j'ai oublié de mentionner l'excellente série suédoise "Real Humans" de Lars Lundström. Super scénario.
Pas encore vu un seul épisode de "Downton Abbey" dont on dit pourtant le plus grand bien, ni un seul épisode de "Game of Thrones", c'est dire le retard à rattraper !
Enfin si...! Lors d'un voyage en tgv, j'ai aperçu du coin de l'oeil un autre voyageur qui visionnait 3 ou 4 épisodes de "Game of Thrones". Par définition, privé du son, j'ai observé uniquement la construction des images et le découpage : ça m'a paru un peu pauvre cinématographiquement et plutôt saturé de scènes de dialogues champ/contre-champ, ce qui m'a donné une impression d'un truc très "bavard" :-D
Silmo
Si je devais citer à mon tour une série scandinave que j'ai trouvé excellente, ce serait Borgen, une série politique danoise que j'ai trouvé très pertinente tant sur le fond que sur la forme.
Ma découverte récente de Downton Abbey, un peu par hasard, a été plaisante : de mon point de vue, c'est clairement une série de grande qualité.
Pour ce qui est de Game of Thrones, je suis dans la même situation que toi, Silmo : je n'en ai vu essentiellement que des bouts d'épisodes lors de voyages en train sur les écrans d'ordinateur d'autres voyageurs... ;-) Et à chaque fois, je suis tombé sur des scènes de sexe, assez brèves, et/ou des scènes de dialogues, assez statiques et presque toujours dans la même ambiance teintée de couleurs sombres... J'ai aussi aperçu, dans d'autres circonstances, quelques autres extraits avec le son, plus ou moins dans le même registre sur le fond, mais je suppose que tout cela ne m'en a donc donné, pour le moment, qu'une petite idée... même si j'en sais assez, s'agissant de l'histoire, pour comprendre certaines plaisanteries signalées ici ou là... ;-)
***
Pour en revenir à la responsabilité de Peter Jackson "de faire en sorte que le studio [Warner] récupère sa mise", j'ai appris hier que The Hobbit : The Desolation of Smaug, à la fin de l'année 2013, a déjà rapporté 756,6 millions de dollars au box office mondial, et qu'il manquerait encore 250 millions pour égaler The Hobbit: An Unexpected Journey, qui avait terminé sa carrière en salles à 1 milliard de dollars.
Amicalement,
Hyarion.
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Quelle joie de lire que nos débats rappellent ceux de 2001, cette période jrrvéfienne dorée que je ne connais que par ouï-lire, et ce sous les doigts de l'auteur des illustres éditos d'alors, que j'ai dégusté un à un des années plus tard en découvrant Jrrvf, et qui ont été pour moi comme la vitrine de ce site de référence. À l'époque, je croyais qu'il ne me serait plus possible, sur Internet, de parler de ces éditos avec le fameux Semprini, qui semblait alors avoir disparu de la circulation pour le moins fluctuante de ce Web qui rouille...
Certes, c'est une honte de n'avoir pas encore vu Les Sept Samouraïs et j'espère bientôt m'en amender. Sans d'abord aggraver mon cas : j'en suis même à me demander si je n'ai pas vu ce grand film qui, dans ce cas, ne m'aurait pas laissé de très nette impression... Mais bon, je l'aurais sans doute alors vu trop jeune et il est hautement probable que mes souvenirs confus résultent d'un mélange malheureux, dans mon adolescence ignare, entre quelques fragments du classique de Kurosawa et le visionnage complet des 7 mercenaires...
Toujours est-il que j'avancerais, pour ma défense, que je suis, en matière de cinéma, un amateur du type du curieux, de l'intéressé, du sensible mais non de l'amateur éclairé. Ce pourquoi c'est un bonheur de profiter, ici, de vos lumières et, s'agissant du 7ème art, ce n'est pas peu dire. J'ajoute donc le trio de tête 2013 de Semprini à ma liste d'à voir, après le grand classique nippon.
Ceci dit : sont-ce ces lumières qui permettent ainsi au grand Semprini de s'élever, tel le réalisateur sur la plateforme d'une caméra-grue, au-dessus du débat aux effluves nostalgiques à ses narines divines, pour nous asséner, par delà les nuages artificiels du théâtre amateur dans lequel nous nous agitons, que quels que soient les arguments avancés, il est un fait avéré contre lequel nous ne pourrons rien : Peter Jackson n'est ni un génie ni même un grand cinéaste, et aucun de ses films n'est un grand film.
Je force le trait pour le plaisir. Non celui de la position de Semprini, qui apparait presque atténuée dans ma reformulation, mais celui de sa position divine et du débat en contrebas. Je force les traits puisque tout le monde ici semble d'accord pour dire que Peter Jackson n'est pas un grand cinéaste — sauf moi. Du coup, ce n'était pas essentiellement l'objet du débat, et je ne pense même pas que ce puisse l'être.
Et si je ne trouvais pas, à titre personnel, que Les 7 Samouraïs soit un grand film et, en revanche, que La Communauté de l'Anneau et King Kong bien ? Serait-ce une preuve irréfutable de mon ignorance en la matière ou, osons le mot, de mes gouts ? Encore qu'il faudrait ajouter aux films que je considère comme de grands films des œuvres cinématographiques sans le moindre rapport avec les films de PJ.
Je ne suis pas un relativiste absolu, ce qui serait une contradiction dans les termes. Je pense qu'il y a des propriétés objectives (au sens uniquement de "relatives à l'objet") qui font que Les 7 Samouraïs est un grand film, que je le perçoive ou non, que je le veuille ou non. Étrange cette dernière proposition : il y a bien quelque chose qui caractérise le jugement esthétique qui tend à nous faire passer de notre perception à un vouloir. Je veux que les propriétés de ma perception (qui est le fruit d'une relation à l'objet) ne soient rien d'autres que les propriétés de l'objet.
Déjà dans tes superbes éditos, Semprini, moments d'anthologie extrêmement formateurs pour l'amateur peu éclairé que je suis et que je relirai au plus tôt, il était manifeste, bien avant la sortie du film, sur base des trailers et autres types d'informations qui filtraient et que Jrrvf guettait rigoureusement, Veilleur devant l'abime obscur de l'adaptation jacksonienne, que tu attendais un autre type de cinéma que celui qui s'apprêtait à déferler massivement et indéfiniment sur nos grands écrans.
Quel que soit le crédit que je t'accorde en tant que cinéphile, et qui dépasse de loin celui que je m'accorde, il ne dépasse pas celui que j'accorde à Flaubert, non seulement pour son génie littéraire mais aussi pour sa pénétration critique. Or quand je vois comment Flaubert juge Les Misérables, chef d'œuvre du patrimoine littéraire mondial qu'en outre je révère à titre personnel, je ne peux m'empêcher de me dire qu'aucune autorité ne possède à elle seule le dernier mot sur la qualité d'une œuvre. Dans le cas de Flaubert, le conflit de perspectives est transparent : Hugo est encore romantique, Flaubert plus du tout, ou plutôt de la façon la plus critique qui soit.
Je n'essaierai pas à mon tour, et je l'ai dit, de convaincre qui que ce soit de la grandeur des deux films que j'excepte de la production jacksonienne. Mais si j'en parle encore, c'est à une autre fin : soutenir que c'est un jugement potentiellement aussi valide qu'un autre. Il arrive en effet qu'on trouve grand un film par ignorance, ou l'inverse. Mais j'ai par principe de considérer que celui qui peut montrer en quoi un film est grand, d'après les effets qu'il éprouve en lien avec des propriétés objectives de l'œuvre, a conquis le bénéfice du doute. Et j'ai même tendance à donner la priorité, dans ce genre de déploiement qui me semble l'un des enjeux de la critique esthétique, à l'argumentation qui s'attache à démontrer en quoi une œuvre n'est pas grande. C'est que celui qui a aimé une œuvre me parait a priori avoir eu une plus grande réceptivité à celle-ci que celui qui, pour des raisons tout aussi valables que la raison ignore sans doute, ne l'a pas aimée. Sauf, donc, si l'on pêche par ignorance et, c'est la même chose, par projection sur le film de qualités qui ne sont pas les siennes propres, ou qui ne sont pas remarquables. Encore que l'ignorance dont je parle est une ignorance esthétique, celle d'une sensibilité peu exercée aux œuvres du genre concerné, et non une ignorance de culture ou d'érudition. Auquel cas je rendrais les armes d'emblée en professant mon inculture crasse.
Quand j'ai vu La Communauté de l'Anneau, presque par hasard et sans rien connaitre d'autres à l'époque que le nom de J.R.R. Tolkien (et oui...), je n'avais jamais rien vu de tel. J'ai eu le sentiment alors d'avoir attendu un film de ce genre toute ma vie et d'y être enfin confronté. Sentiment renouvelé et plus profond encore quand j'ai commencé à lire Tolkien en anglais (car le charme n'avait opéré à ce point, loin s'en faut, en français). Seulement, ce qui est vite apparu clairement, c'est que mon expérience esthétique incomparable, inédite et répétée au cours des sept fois où j'ai vu la CdA au cinéma, n'était en aucun cas réductible à l'œuvre source de Tolkien, aux paysages de la Nouvelle-Zélande, au talent inégalable de John Howe et Alan Lee, ni même au savoir-faire de Weta. C'était un ensemble, une composition, comme il se doit pour tout œuvre d'art, signée par un nom au-dessus de tous les autres : PJ. Le contraste, par exemple, entre ces longues minutes dans les couloirs de la Moria puis, au climax de la "mort" de Gandalf (que j'ai reçue tout entière puisque je n'en connaissais rien), la blancheur des Monts de brume retrouvé par les héros en pleurs, doublé par les variations musicales éminemment contrastées de ce passage (du chant grave et lourd des orques à celui, aérien, des elfes) m'a marqué durablement. L'intensité dramatique et le suspense permanent des premiers pas de Frodo et Sam en Comté avant même qu'il ne se passe quoi que ce soit de grave dans le film m'impliquait totalement dans une narration sans faute. Le moment de l'apparition du Balrog, uniquement nommé par Legolas, qui percevoir voir tour à tour chacune des races de la Communauté et chacune des sensibilités de ses protagonistes et produisait, dans un moment magique, un regard minéral, hors du temps, de Legolas, seul conscient avec Gandalf de ce danger d'un autre âge, m'a radicalement fasciné. Je me souviens aussi des montagnes russes incroyables depuis le fond souterrain de l'armée en construction de Saruman jusqu'au sommet d'Orthanc où gisait Gandalf, captif. Du duel des mages criant dans le ciel de part et d'autres de la montagne. Des mouvements tournoyants autour d'un Saruman et d'un Gandalf hiératique dans leur posture superbe d'istari en Terre du Milieu. Et j'ai trouvé peu de scènes plus mystiques que le départ à cheval de Gandalf abandonnant Frodo et Sam au milieu d'une nature soudainement inquiétante, peuplée de bruits d'oiseaux suspects et dangereux. Le volume sonore donnant du relief aux différentes scènes, le travail des matières, la construction de chaque milieu dans son environnement propre, l'étalonnage des couleurs... autant d'éléments de composition qui m'ont fait vivre la Terre du Milieu de la façon la plus intense. Et quoi qu'en dise JR, les milliers de détails qui fourmillent dans les dizaines d'heures de making off et de commentaires et qui explicitent le savoir-faire derrière les propriétés de l'œuvre qui m'ont marqué ne pourront jamais se réduire à la simple autopromotion par ailleurs évidentes de ces bonus. Non que le savoir-faire suffise à produire une œuvre d'art puisqu'il n'y a qu'un opus sur 5, et bientôt sur 6 sans doute, qui me semble réellement un grand film. Mais l'art de Weta n'est rien sans Peter Jackson pour le diriger et le faire vivre. Certes, le gorille de King Kong est plus vrai que nature, mais encore fallait-il le faire vivre dans toute sa bestialité tout en le rendant attachant, ce qui demande une narration impeccable, une composition, des angles de vue, un séquençage et un montage au service de l'ensemble. Cela ne rachète pas les scènes complètement creuses des adaptations suivantes ("Legolas, que voient vos yeux d'Elfe" ? ou le piètre retour de Gandalf le Blanc) mais faisait tout le génie du premier film et ce, dès son prologue. Quelle superbe dichotomie du combat de la lumière contre les ténèbres dans la masse grouillante de la vermine gris-noir des Orcs déferlant sur l'armée dorée des Elfes en rangées sous le commandement d'Elrond... Etc. Etc.
Je quitte là, et sans me relire pour l'instant, en m'excusant tout en sachant que si c'était à refaire... Je n'hésiterais pas à une seconde.
Shudha/Séb.
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Cher Shu.
Pourquoi diable s'excuser sans cesse?
Il parait que le mauvais goût, ça n'existe pas, sinon peut-être de ne pas en avoir (comme la citrouille*)
* je profite que Laegalad est pas là pour dire du mal du non-goût de la citrouille qui en a seulement grâce à ce qu'on y ajoute :-p
A mon sens, mieux vaut un film horrible...donc, a priori, efficace à engendrer un sentiment d'horreur (par exemple, Prometheus) plutôt qu'un film fade, creux, vide même s'il est truffé de prouesses techniques (par exemple, Avatar)
Autre exemple, Eric Rohmer: supergrand réalisateur à ce qu'on dit, subtil et tout. Bah, pour moi, c'est émotion proche du rien du tout ! Rien à faire, ce cinoche là m'emm****. Donc absent du panthéon à Silmo.
Est-ce que j'ai mauvais goût pour autant? Sûrement! mais je m'en fous parce que c'est le mien.
En fait, le premier critère ( le seul?) d'appréciation d'une œuvre, c'est celui de l'émotion et de son intensité (qu'elle soit positive ou négative, peu importe). Voila l'unité de mesure qui nous sert à hiérarchiser nos films préférés, bien avant de décortiquer pour savoir si c'est plutôt à cause de l'éclairage, de la focale ou de la palette. Ces considérations techniques ne prennent de l'importance que si, mal utilisées, elles perturbent fâcheusement la lecture d'une œuvre. De cela, on peut discuter à l'envie sur les mérites que toi, moi, nous trouvons à un film... Par contre, à chacun son barême d'émotion, c'est une unité de mesure qui ne peut s'harmoniser même dans notre belle Europe :-)
Silmo
=>Hyarion. Tu devrais pouvoir emprunter "les Mystères de Lisbonne" version ciné, au Dragon et à sa Dame. Je sais qu'ils ont ça dans leur dvdthèque (sauf s'ils l'ont refourgué) :-)
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