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Puisquil est devenu de bon ton de se répandre en doléances innombrables, de tournures semblables et détalages éplorés, sur cette épave pourtant encore peuplée dâmes qui nont rien de spectrales, et dont la blancheur fardée ne ferait pas pâlir celle des ombres de jadis qui parfois glissent encore entre les cyprès dune campagne austère...
Souffrez donc, peuple de Faërie aux étoiles évanouies, souffrez de lire la prose tremblante dun ancêtre atrabilaire, souffrez de reconnaître dans la nuance de ces signes, le sang noir de lamertume dont les bouillons acres ont tant macéré que les fruits même sen sont décomposés, souffrez finalement de découvrir entre ces lignes la version ténébreuse du flétrissement de ces lieux
Si vous avez assez de cur, assez dâme ou assez de déraison, peut-être parviendrez-vous à mener votre lecture jusquau bout de cette déchéance déclamée, sinon, vous abandonnerez comme de coutume en cours de route
sur des apophtegmes trop ardents.
Voilà maintenant plusieurs années que lon sinterroge sur le déclin de ce symposium imaginaire, sur la disparition de ses anciens, et que lon pérore en hypothèses farfelues, en conjectures ingénues ou en désolations savantes. Je me propose donc de rajouter une pierre chaotique à cet édifice branlant doù jamais rien ne ressort, si ce nest _rarement _ le rongeur mesquin de la rémission.
Car enfin, ne voyez-vous pas que lessence même de ces lieux nexiste plus, que son âme sest gâtée sous le nectar vicié dun sucre trop riche ? Ne voyez-vous pas que les joyaux dantan ont disparu : le cor sest essoufflé, la main du harpiste sest desséchée et le foyer sest éteint. Non, la magie de ce forum nexiste plus, plus pour nous qui avons connu sa gloire et son déclin. Sans doute que quelques bonnes âmes tentent de raviver les braises calcinées, mais croyez men, bonnes âmes, le miel nest pas bon combustible et les dents perlées noffrent pas des remparts assez solides pour une pensée en mal détoffe.
Il y a dix ans, ce symposium, tombeau des heurs déchus, était finalement à limage des havres littéraires de lépoque : docte, flegmatique, guindé et académique à la fois. Pas tout à fait austère pourtant, puisque des amitiés y sont nées sans pour autant sétaler en place publique comme de la bave en mal de reconnaissance, car sans doute étaient-elles aussi un peu guindées, ces amitiés.
Pas tout à fait accueillant non plus ce havre, sans être dune violence spectaculaire, les débats pouvaient être exaltés, les inimitiés ouvertes et les plus jeunes étaient contraints de se montrer à la hauteur des lieux emprunts dune certaine solennité, sous peine de se faire réprimander.
Et puis, tant quon savait maitriser la forme, rien ne délimitait le fond, et le temps lui-même participait à la maturation de pensées plus substantielles que courtoises.
Depuis, lon sest plaint de cette atmosphère placide et rigoriste que lon a jugé (à tort) obtuse. Ah ça, le forum sest ouvert depuis, tant et si bien quil ny reste plus quun cercle damitiés affectées qui sauto-congratulent plus souvent quelles ne cherchent à élever un débat qui traîne assoupi à six pieds sous terre. Sans doute pensera-t-on que le sujet est épuisé, que le chant des étoiles noffre plus de nouveau répertoire à découvrir et quil vaut mieux aller compter fleurette sur des sentiers balisés de galanterie champêtre, que de prendre la peine dexplorer des sentes dangereuses qui mèneraient tout droit à la déraison de spéculations fantaisistes et, comble de lindécence, paradoxales. Sans doute vaut-il mieux, pour conserver le peu divresse restante, ménager les fioles moyenâgeuses et les coupes chrétiennes.
Pourtant, il est intéressant de constater, et cest ce qui fait notre amertume, que lorsquun débat prometteur est esquissé, il se perd bien souvent dans la journée dans des méandres de sous-entendus complaisants, des amas de pensées _voire de vagues impressions_ concises et légères, le tout toutefois largement enrobé du ton et des effets doctes et cauteleux qui sont désormais devenus le sceau de cette fabrique à érudition. Qui aurait la force dans ces conditions, de soulever la tourbe sous laquelle gît cette pensée dépecée ? Sûrement pas moi pour qui il faut au moins un mois pour mener une réflexion à son terme, pour qui il a fallu bien des nuits à ruminer cet immodeste pamphlet, et que la vue dun symposium à sociabilité active et à participation réactive, fait rentrer dans une ire convulsive, hélas aussi noire quimpuissante.
Et, sans vouloir pousser limmodestie à marroger la pensée dectoplasmes disparus, je crois que cette conception et cette impuissance, ne seront pas étrangères à quelques uns de ceux qui ne poussent plus les portes de ce temple.
Il y manque désormais cruellement de poussière et de retenue, il y manque des contradicteurs et des illuminés.
Finalement, contrairement à dautres havres en Faërie qui ont prospéré parcequils avaient des ambitions plus sociales (Tolkiendil) et/ou plus mercantiles (Elbakin), Jrrvf se mord la queue car il a failli à sa vocation première, il a failli en sabâtardissant des bons sentiments des lieux susnommés et en essayant de survivre malgré tout à travers (et souvent à rebours de) ce qui faisait sa spécificité : laventure littéraire poussée à son paroxysme spéculatif, conceptuel et transverse.
Et pour ceux qui comme nous préfèrent les symposiums lents et guindés aux impressions intempestives, aux réflexions superficielles, aux connaissances empilées et aux amabilités flatteuses (qui cachent mal, oh si mal, les lames brillantes de la cupidité ou le fiel enjôleur des mesquineries humaines) il ne leur reste plus que quelques pupilles pour pleurer lencre de leur aigreur inassouvie. Il ne leur reste plus quà attendre patiemment la venue improbable dune Ungoliant sémantique, promesse de toutes les révolutions cognitives virtuelles, Graal munificent des anciens dieux qui croupissent dans les longues salles oubliées de Makar et Meassë, ou encore par delà les monts Moglaires, entre les arachnombres et les arbres gibeteux ; patiemment, en attendant leur heure.
Et quant aux amitiés, ultime refuge à une désertion redoutée quoiquinéluctable, de fières et réservées, elles se sont maintes fois mues en courtisanes mondaines, cherchant fiévreusement dun regard chargé de vanités, qui, les faveurs duntel, qui, les éloges dun autre, qui, la complaisance dun troisième, en se poudrant toujours des vernis les plus lisses, soucieuses de ne jamais craqueler le masque exorbitant des apparences sous scellés et des secrets murmurés suavement par des alcôves intrigantes.
Las, le silence de mes ténèbres ne hantera plus ce symposium, belles âmes. Faute davoir eu le temps et le courage de poursuivre les sentes que mentalement javais tissées, ma cacophonie naura pas, hélas, été à la hauteur des harmonies espérées, et celles-ci se sont noyées sous des cieux trop bleus. Le rideau des heures déchues saffaissent donc dans le maelström de noirceur que vous me connaissez, outrage au beau, folie dEru et symphonie torturée que seuls les romantiques ont jamais su maitriser ; et comme je suis bon prince, je vous laisse en souvenir ce manteau fuligineux et dépenaillé, tissé par quelque guerrière dAbyssinie et sur lequel vous pourrez exercer librement vos couteaux que je sais aiguisés.
La nuit ne tombera plus sur ces terres et lharmonie du mal ne fera plus vibrer vos destinées angéliques.
Réjouissez-vous, ô belles âmes aux étoiles évanouies.
Melkor
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Salut Necs et Tof.
Merci pour la musique.
Comme une étrange coïncidence, votre sombre missive d'aurevoir s'accompagne du décès d'Allen Klein, l'ange noir des Beatles... Vous n'y êtes pour rien, au moins ? ;p
I.
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(avec des couchers de soleil, j'adore les couchers de soleil)
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