Compte rendu de : Marc-Louis Questin, Le Monde Légendaire de Tolkien, Editions Trajectoire, Paris, 2001, 301pp.

Nous nous proposons aujourd’hui de parler de l’un des rares ouvrages parus en français dédié à Tolkien. Pour dire vrai, cette page sera plus une mise en garde qu’un compte-rendu proprement dit.

Car au premier aspect, qu’il soit abordé du côté recto ou verso, ce livre nous impose une vision d’amateurisme patent. Que ce soit par une illustration de couverture affligeante dont on peine à comprendre ce qu’elle veut montrer ou une quatrième de couverture qui augure de bien des déceptions. Comment en effet ne pas déjà sursauter d’indignation quand on lit que Le Seigneur des Anneaux est qualifié, je cite, de « classique de la littérature ésotérique ». Depuis des années, de nombreuses personnes travaillent à défaire l’ouvre de Tolkien des préjugés qui pèsent sur elle, or voilà que M. Questin prend le contre-pied de cette démarche en donnant au Seigneur des Anneaux ce qualificatif d’ésotérique.
Mais laissons à M. Questin le bénéfice d’un doute suscité par la quatrième de couverture qui qualifie le Monde Légendaire d’« ouvrage critique ».

Ce qui surprend lorsque nous commençons à feuilleter l’ouvrage, c’est la taille adoptée pour les caractères. Gageons que ce n’est pas un moyen d’augmenter artificiellement le volume de l’ouvrage mais bel et bien d’offrir aux personnes malvoyantes un livre adapté à leur déficience.

Après une introduction aussi incompréhensible qu’ennuyeuse, nous entrons enfin dans le vif du sujet.
Il est en réalité inutile de s’appesantir sur le contenu de ce livre car ce que nous retiendrons avant tout, c’est que l’auteur n’a aucune thèse à soutenir. Plus de deux cents pages sont le prétexte à des résumés, des classifications et des chronologies approximatives. Les fréquentes digressions de l’auteur sont elles-aussi dérangeantes à plus d’un  titre dans le sens où l’ouvre de Tolkien est détournée pour introduire des thèmes qui sont à notre sens étrangers au propos initial. On trouve pêle-mêle l’assimilation des orques aux SS nazis, la religion (qui est approchée d’une drôle de manière), la magie, l’ADN, etc.
La forme est malheureusement à l’avenant du fonds. En effet, il n’est que très rarement fait mention précise des textes de Tolkien pour assurer un propos et le justifier.
L’avertissement donné en page 5 mérite quant à lui un petit commentaire. M. Questin dit en effet utiliser l’orthographe « la plus communément admise » pour les noms propres. Or, depuis quand un nom propre peut-il s’écrire de différentes manières ? Cet avertissement fait d’autant plus sourire (jaune) quand on le met en rapport avec les quantités d’orthographes utilisées pour un seul nom. L’on passe par exemple de Vala à Valar puis à Valars ou encore Valarss.

Pour l’anecdote et pour terminer ce pénible compte-rendu, soulignons que Le Monde Légendaire s’entoure d’une polémique quant à la participation de Mme Claire Panier-Alix et  deux de ses textes qui ont été reproduits sans son accord (et qui plus est tronqués) 1.

Le Monde Légendaire de Tolkien nous apparaît donc comme un titre opportuniste (comme il y a et en aura d’autres, nous en convenons) en ces temps où l’on a beaucoup parlé de Tolkien par le biais de l’adaptation par Peter Jackson du Seigneur des Anneaux. La lecture de la biographie de Tolkien par Humphrey Carpenter 2 (ouvrage de référence parmi d’autres) se révèle bien plus bénéfique pour saisir les raisons, les enjeux et les intentions de Tolkien.

 

Cédric Fockeu,
août 2002.

 

Notes

[1] Les dits articles sont d’ailleurs sous contrat avec la revue Faeries (éditions Nestiveqnen) où ils ont été publiés dans leur intégralité.
[2] Qui, nous l’apprenons à l’heure où nous écrivons ces lignes, fera l’objet d’une seconde édition aux éditions Christian Bourgois.