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Bonjour,
je m'insère dans ce fuseau un peu tard, et avec certainement de gros sabots.
Je pense avoir été l'un des rarissimes intervenants de ce forum a avoir toujours loué F. Ledoux et à le défendre bec et ongles contre tous ceux qui critiquaient, souvent sans rien savoir d'autre que le slogan tout fait "Ledoux a saccagé Tolkien", parfois en ayant connaissance de quelques unes de ses rares coquilles, parfois même en lui reprochant des fautes imaginaires, on confondant avec des coquilles de l'édition (genre des tirets de dialogues qui sautent).
J'ai toujours encensé Ledoux car c'est lui qui m'a permis de plonger dans l'univers proprement Lyrique de Tolkien, et il faut du talent et même du génie en ce qui concerne Tolkien. Car le plus important dans une traduction n'est pas de coller au texte à tout prix, mais davantage d'exprimer ce que l'auteur a voulu exprimer : le souffle, le lyrisme, la poésie (et quelle poésie peut se permettre de coller au texte), l'humour, la dramaturgie.
Aussi regardé-je ce projet depuis que j'en ai entendu parler avec beaucoup de méfiance. D'admiration pour ceux qui ont tenté l'aventure, mais de méfiance.
Que vont devenir les coups de génie de Ledoux : SylveBarbe, Sacquet de Besace, (mince, j'ai un trou momentané pour tous les autres), et son lyrisme qui m'a plongé dans des émotions jamais ressenties auparavant, et jamais retrouvées dans les molles traductions du Silmarillon ou des Contes et Légendes inachevées qui elles, pour le coup, mériteraient un bon nouveau travail tant les cassis jalonnent le texte sans même avoir besoin de lire l'original pour s'en rendre compte.
Bien sûr notre devoir de Tolkiendil est d'encenser ceux qui se lancent dans un tel travail (après tout, il y avait bien une ou deux coquilles de la part de Ledoux), mais sincèrement, j'ai beaucoup de mal à me joindre au cortège de félicitations qui accompagne la sortie de ce travail monumental.
Je pense avoir le droit de jouer ce rôle car j'ai longtemps été un des seuls défenseur de Ledoux, seul contre tous.
Je vais lire en tremblant la concordance faite par Sosryko, même si j'ai du mal à comprendre son fonctionnement (où est la concordance ? il n'y a que le texte de Lauzon)
Je suis déjà choqué des premières ligne. Comment, Bilbon et Frodon redeviennent Bilbo et Frodo ?? Il me semblait pourtant que c'est Tolkien lui-même qui avait demandé à ce que les noms soient tous traduits dans les langues vernaculaires (prenant il me semble pour illustrer ce besoin le mot pour évoquer un "champ de fleur" en néerlandais), et que c'est lui qui dans son guide des traductions avait demandé expressément que Frodo devienne en français Frodon.
Soit j'ai de mauvaises sources, et Ledoux a pris des initiatives fort puissantes, soit la nouvelle traduction a voulu s'harmoniser avec Bilbo le Hobbit, ce qui le fait déjà entrer sur un mauvais chemin !
Je lis ici déjà tant de choses qui m'effraie, "Coureur" au lieu de "Rôdeur" (rôdeur est un nom qui existe et est utilisé, et qui colle à l'aura de mépris qui entoure ces gens, tandis que coureur n'est pas vraiment un nom commun existant en dehors du sport et n'a aucune connotation autre que sportive), "champ de Flambe" au lieu des champs d'Iris, qui me fait penser au pire à un flamby, au mieux à une crèpe flambée et le paysage lunaire qui va avec... comme dit ici, ça perd en noblesse... Scadufax pour Shadowfax ? Je veux bien croire que GrisPoil n'était pas un trait de génie pour un cheval blanc, mais au moins shadowfax évoque-t-il la vitesse et l'ombre. Scadufax... Hormis le "Scad" fort désagréable à prononcer (il y a un seul mot français qui commence par ces lettres ?? Non ? Il y a peut-être une raison non ?), ça n'évoque rien d'autre qu'un drôle de nom qu'aurait inventé un adolescent dans son premier roman de fantasy. A ce compte là le mieux était carrément de ne pas le traduire.
Le Bilbo Bessac passe encore, encore que je me demande quel était le besoin de remplacer le génial "Sacquet de Besace" qui sonne si français et si terroir, contre un nom qu'on sent tiré par les cheveux pour conserver une inutile allitération (qui ne concerne qu'un chapitre puisque Bilbo Baggins disparait ensuite, et qui n'était pas ignorée dans le Bilbo Sacquet de Besace.)
"onzante et unième anniversaire " : là aussi, ce n'est pas que c'est mal, ça colle, mais le mot n'a quand même pas beaucoup de classe pour un tel événement. Lingwiel le proposait déjà en 2002 dans ce fuseau comme une idée de simplification. Faut-il simplifier Tolkien ?
J'aimerais trouver un tableaux comparant les traductions les plus saillantes du livre.
Je suis à peu près sûr que Sylvebarbe a été abandonné sans raison, juste pour montrer que c'est différent de Ledoux.
Bref, je vais commencer à acheter de beaux livres non Pocket de la traduction de Ledoux car je sens qu'elles vont devenir collector ! (elles ne seront plus éditées je suppose)
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Je vais lire en tremblant la concordance faite par Sosryko, même si j'ai du mal à comprendre son fonctionnement (où est la concordance ? il n'y a que le texte de Lauzon)
C'est une concordance des pages et des titres de chapitres, c'est au contraire plutôt clair je trouve.
Je suis déjà choqué des premières ligne. Comment, Bilbon et Frodon redeviennent Bilbo et Frodo ?? Il me semblait pourtant que c'est Tolkien lui-même qui avait demandé à ce que les noms soient tous traduits dans les langues vernaculaires (prenant il me semble pour illustrer ce besoin le mot pour évoquer un "champ de fleur" en néerlandais), et que c'est lui qui dans son guide des traductions avait demandé expressément que Frodo devienne en français Frodon.
Au contraire, Tolkien préconise de ne traduire que l'anglais moderne en langue de traduction. Bilbo et Frodo n'en font pas partie, et je cite Daniel lui-même sur un forum voisin :
Tolkien recommande en général de laisser les prénoms hobbits tels quels, et ses remarques au sujet des finales en -o et en -a pour les noms masculins et féminins ou inversement (Appendice F) empêchent, à mon sens, toute francisation de Otho en Othon (Ledoux), Belladonna en Belladone (encore Ledoux), Lobelia en Lobélie, etc.
Je lis ici déjà tant de choses qui m'effraie, "Coureur" au lieu de "Rôdeur" (rôdeur est un nom qui existe et est utilisé, et qui colle à l'aura de mépris qui entoure ces gens, tandis que coureur n'est pas vraiment un nom commun existant en dehors du sport et n'a aucune connotation autre que sportive), "champ de Flambe" au lieu des champs d'Iris, qui me fait penser au pire à un flamby, au mieux à une crèpe flambée et le paysage lunaire qui va avec... comme dit ici, ça perd en noblesse...
Sur Coureur, voir ce qu'en dit Daniel sur Tolkiendil (il y a une discussion qui commence avant et se poursuit un peu après, mais l'essentiel de l'explication est dans ce message-ci).
Sur le Champ de Flambes, la flambe est une variété d'iris, et comme d'habitude, les goûts et les couleurs sont personnels, mais personnellement je trouve que Flambe est bien plus noble que le simple Iris. Et de plus, il suit les directives de Tolkien dans sa nomenclature (je surligne) :
Gladden is here the name for the 'flag' or iris (OE gkedene), now usually spelt gladdon, and has no connexion with E. glad; gladden, verb. Translate by sense, but avoid if possible the 'learned' name iris. Similarly in Gladden River which flowed into the Gladden Fields.
Gladden est ici le nom pour le 'flag' ou iris (vieil-anglais gkedene), désormais habituellement orthographié gladdon, et n'a aucune connexion avec l'anglais E. glad; gladden, verbe. Traduire selon le sens, mais éviter si possible le nom 'savant' iris. Idem dans Gladden River qui coule dans les Gladden Fields.
Scadufax pour Shadowfax ? Je veux bien croire que GrisPoil n'était pas un trait de génie pour un cheval blanc, mais au moins shadowfax évoque-t-il la vitesse et l'ombre. Scadufax... Hormis le "Scad" fort désagréable à prononcer (il y a un seul mot français qui commence par ces lettres ?? Non ? Il y a peut-être une raison non ?), ça n'évoque rien d'autre qu'un drôle de nom qu'aurait inventé un adolescent dans son premier roman de fantasy. A ce compte là le mieux était carrément de ne pas le traduire.
Je suis certain que l'adolescent se retournera quelque peu dans sa tombe (je surligne)
Shadowfax. This is an anglicized form of Rohan (= OE) Sceadu-fcex 'having shadow-grey mane (and coat)'. (It does not actually occur in OE.) Since it is not CS it may be retained, though better so in a simplified form of the Rohan name: Scadufax. But since in the text this name has been assimilated to modern E. (= CS), it would be satisfactory to do the same in a Germanic LT, using related elements. Fax 'hair' is now obsolete in E., except in the name Fairfax (no longer understood). It was used in OHG (faks) and MHG (vahs, vachs, etc.), but is, I believe, also now obsolete; but it could be revived in this name, as it is in the E. text: e.g. Schattenvachsl Fax (faks) is still in use in Iceland and Norway for 'mane'; but shadow has no exact equivalents in Scandinavian languages. The Dutch version has Schaduwschicht ('shadow-flash'), Swed. Skuggfaxe.
Shadowfax est une forme anglicisée du Rohan (= vieil-anglais) Sceadu-fcex 'avoir une crinière (et une robe) gris ombre'. (Elle n'apparaît réellement pas en vieil-anglais). Puisque ce n'est pas du parler commun, elle peut être retenue, mais plutôt dans sa forme simplifiée du nom du Rohan: Scadufax. Mais puisque dans le texte ce nom est assimilé à l'anglais moderne (= parler commun), il serait satisfaisant de faire de même dans les langues de traduction germaniques, en utilisant des éléments apparentés. Fax 'poil' est désormais obsolète en anglais, excepté dans le nom Fairfax (désormais incompris). Il fut utilisé en vieux-haut allemand (faks) et moyen-haut allemand (vahs, vachs, etc.), mais est, je crois, désormais aussi obsolète ; mais il peut être ravivé dans ce nom, comme il l'est en anglais : e.g. Schattenvachsl Fax (faks) est toujours en usage en Islande et Norvège pour 'crinière' ; mais shadow n'a pas d'équivalent exact dans les langues scandinaves. La version néerlandaise a Schaduwschicht ('shadow-flash'), Suéd. Skuggfaxe.
Le français n'étant pas une langue germanique, la solution suivie par Daniel suivant les instructions de Tolkien, est de proposer les noms des chevaux du Rohan dans leur forme vieil-anglaise suivie de leur traduction (car c'est le point important, le nom n'est pas lâché seul sans éclaircissement dans le texte). C'est à la fois élégant et permet au lecteur de conserver la 'couleur locale' qui imprègne le Rohan : Scadufax, Cheveux d'Ombre ; Snawmana, Crins-de-Neige ; Fyrfot, Pied-de-Feu...
Soit j'ai de mauvaises sources, et Ledoux a pris des initiatives fort puissantes, soit la nouvelle traduction a voulu s'harmoniser avec Bilbo le Hobbit, ce qui le fait déjà entrer sur un mauvais chemin !
[...]
Le Bilbo Bessac passe encore, encore que je me demande quel était le besoin de remplacer le génial "Sacquet de Besace" qui sonne si français et si terroir, contre un nom qu'on sent tiré par les cheveux pour conserver une inutile allitération (qui ne concerne qu'un chapitre puisque Bilbo Baggins disparait ensuite, et qui n'était pas ignorée dans le Bilbo Sacquet de Besace.)
Je ne suis pas bien sûr de suivre ton argument, mais j'ai l'impression que tu oublies ou ignores que le Hobbit a été retraduit par Daniel avant qu'il ne se lance dans le SdA. Il n'y a pas de mauvais chemin ni de nom tiré par les cheveux, mais une homogénéisation parfaitement voulue et attendue.
J'aimerais trouver un tableaux comparant les traductions les plus saillantes du livre.
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Vinyamar, je te trouve bien injuste.
Injuste avec tes petits camarades de JRRVF, d'abord.
Certes, il est une "tradition" chez les tolkiendili qui ont lu Tolkien en anglais, quelle que soit la génération, d'expliquer à quelle point la traduction de Ledoux a abîmé le texte original et d'appeler à une révision voire à une retraduction. Tout ça ne date pas d'hier... certains fuseaux sur ce type de sujets remontent à l'aube des années 2000...
Et pourtant, c'est justement ici, sur JRRVF, que les défenseurs de Ledoux ont été les plus nombreux, ou en tout cas que la contradiction au Ledoux-Bashing, parfois le plus violent (je salue Edouard au passage - s'il nous lit) a trouvé le plus d'honorables représentants. Toi, bien sûr, mais beaucoup d'autres aussi, dont certains sont toujours présents et actifs aujourd'hui, me semble t-il.
Un petit tour sur la Synthèse du Légendaire, dont tu rappelais l’utilité ici même il y a quelques jours, mais aussi sur une autre sélection réalisée par Moraldandil, un autre noble défenseur des belles trouvailles de la première traduction, permettra de voir que tout n'est pas si tranché et que tu n'as jamais été seul "contre tous", à défendre "becs et ongles" le titanesque travail de Francis Ledoux, réalisé dans un contexte ô combien différent de celui que nous connaissons aujourd'hui.
Injuste avec notre ami Daniel, ensuite.
Je ne reviendrai pas en détail sur les propos de Druss, qui répond déjà à un très grand nombre de tes questions. Je dirai juste que le travail de Daniel, également titanesque, consiste à proposer une autre traduction, tenant compte de vœux de Tolkien lui-même. Ce n'est pas rien, tout de même.
Et ce n'est pas une attaque en règle contre la première traduction. L'objectif n'est pas de jeter Ledoux aux oubliettes, ni "juste (...) montrer que c'est différent de Ledoux" (beaucoup de patronymes et toponymes doivent de toute façon être différents quand c'est possible, pour des questions élémentaires de droit et de propriété intellectuelle), mais bien de proposer autre chose, plus en conformité encore que ne l'étais déjà Ledoux, avec le texte de Tolkien.
Je n'ai jamais cessé pour ma part d'apprécier Ledoux malgré les coquilles et les erreurs (mes modestes Promenades n'en font-elles pas foi ?), mais j'apprécie autant l'immense travail de Daniel (qui n'est pas terminé) qui m'a permis de redécouvrir Le Seigneur des Anneaux sous un autre jour et de me redonner le goût de le relire avec attention et de m'inquiéter à nouveau du sort de Frodo (qui n'aurait en réalité jamais dû s'appeler Frodon), là où la relecture de Ledoux ne m'apportait plus de surprises et ne me servait plus que pour mes recherches et mes petits travaux sur le Légendaire.
Bref, Daniel n'a pas été mandaté pour faire de "Ledoux-Bashing" ou pour ébranler les vieilles certitudes des uns et des autres, il est là avant tout au service du texte de Tolkien.
Le Bilbo Bessac passe encore, encore que je me demande quel était le besoin de remplacer le génial "Sacquet de Besace" qui sonne si français et si terroir, contre un nom qu'on sent tiré par les cheveux pour conserver une inutile allitération (qui ne concerne qu'un chapitre puisque Bilbo Baggins disparait ensuite, et qui n'était pas ignorée dans le Bilbo Sacquet de Besace.)
Sauf erreur de ma part, je pense que tu confonds le simple Bilbon Sacquet, avec la famille Sacquet de Besace (Sackville-Baggins), qui sont les cousins des Sacquet (Baggins).
Donc, pour reprendre mon argumentaire des paragraphes précédents avec cet exemple, il n'y a pas "remplacement" de Sacquet (Ledoux; 1972) par Bessac (Lauzon, 2014), mais deux traductions existantes de Baggins.
Amicalement
I.
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Merci Druss pour ta réponse,
Je pense cependant qu'une bonne traduction ne nécessite pas d'explication de texte. S'il faut justifier des mots étranges à chaque fois qu'ils apparaissent, c'est bien qu'il y a un problème
En fait je voudrais préciser mon message d'hier.
La question est en fait de savoir si l'ouvrage nécessitait une toute nouvelle traduction entière, plutôt qu'un simple travail de révision de la traduction de Ledoux.
Oui Ledoux n'a pas tout fait nickel, et il y a, disons au nez, 10% à 15% du travail qui mériterait d'être rectifié ou arrangé.
Est-ce que cela permet de jeter au vide-ordure les 85% restant qui sont géniaux ? Je ne pense pas.
C'est tout le problème qui sous-tend une nouvelle traduction. Avec le film, le public de fan s'est considérablement accru en France, et les recettes certainement extravagantes des livres ont permis de répondre au caprice le plus récurrent de tous ces fans : les problèmes de traduction.
S'offre alors l'option de corriger les erreurs et de réviser la traduction, ou de financer une nouvelle traduction totale. Comprenez bien que dans "nouvelle traduction" le plus important n'est pas le mot "traduction", mais "nouvelle". C'est un créneau en or : pouvoir revendre à tous les fans déjà existant une seconde version de leur auteur fétiche. Revendre le même livre à tout le monde, au motif qu'il est nouveau. C'est la manne marketing absolue. Ce que cherchent tous les éditeurs lorsqu'ils font des éditions collectors. Là c'est mieux que tout, c'est un nouveau texte.
De là aussi découle la question du traducteur, de son ego, et de la justification de son travail. Va-t-il travailler pour réviser la traduction de Ledoux (qui a déjà fait tout le boulot, et surtout le plus difficile) ? Faut-il plaire aussi aux nouveaux fans issus des versions de Peter Jackson et les aider à retrouver les images et dialogues du film ? (de ce côté, le film FR a plutôt suivi la version de Ledoux, pas le choix) ? Faut-il au contraire montrer qu'on est un héros de la traduction et qu'on va tout recommencer avec plus de talent. Non mais, vous allez voir qui est le meilleur nom de nom !
Et puis surtout, il ne faudrait pas risquer de ne pas justifier le salaire qui va avec le travail en reprenant quoi que ce soit de Ledoux qui risquerait d'être qualifié de plagiat, et de faire descendre les honoraires du travail accompli.
Donc voilà notre éditeur, pour des raisons marketing, obligé de promettre quelque chose de vraiment nouveau (donc on ne peut conserver les 85% de bon existant), et le traducteur obligé pour sa réputation de balancer l'existant aux ordures et d'imaginer de nouveaux mots, même si c'est absurde, moins excellent, moins fin, moins lyrique. Il faut justifier ce nouveau travail.
Et voilà donc pourquoi je suis vraiment plus horrifié qu'autre chose devant ce labourage.
(et merci Druss pour le lien vers la comparaison)
Il aurait été beaucoup mieux de faire une version révisée, de conserver tout le précieux apport de Ledoux, de corriger ce qui nécessitait de l'être, et de faire enfin une version révisée ("Nouveau : Ledoux révisé par Lauzon") complètement mythique.
Non, là j'ai l'impression d'être devant une de nombreuses traduction bizarres de la Bible dont l'objectif est davantage de revendre que d'être plus proche du texte ou du message.
Concernant Frodon, ou même Fredon, je suis à peu près sûr que j'ai lu quelque chose où c'est Tolkien lui-même qui donne des consignes vernaculaires.
Ceci dit, si la raison est que Tolkien ne souhaitait pas que l'on traduise les Nom propres et tout ce qui n'est pas parler commun, pourquoi donc traduire tous les autres Baggins, Rivendel, Treebeard, Shadowfax... à ce moment là on n'en traduit aucun, et on évite les idées bizarres. Sinon, on reste cohérent, et on francise.
Enfin, on trouve sur cet excellent forum beaucoup d'information sur l'origine de la transformation de Bilbo en Bilbon passionnantes (et qui montrent que Ledoux n'était pas seulement un bon traducteur, mais aussi un excellent connaisseur des origines de la langue), dont une citation de Tolkien expliquant qu'il se moque pas mal au final qu'on traduise ou non les noms propres, sauf pour Gandalf.
Mais la question reste et demeure : y avait-il besoin tout jeter tout le travail de Ledoux ?
EDIT :
ISENGAR : tout à fait, désolé pour la caricature, je n'ai jamais voulu dire que j'étais le seul, mais que je me suis souvent senti très seul, et effectivement, c'est sur ce forum qu'il y avait le moins de Ledoux-Bashing. Je n'ai exagéré ce point que pour justifier d'être un peu le seul ici à dissoner dans le concert de louanges un peu forcées.
"doivent de toute façon être différents quand c'est possible, pour des questions élémentaires de droit et de propriété intellectuelle" : hé bien si c'est la raison, c'est encore pire que ce que je disais ici. Trouvons donc des mots différents parce que je n'ai pas le choix ? La PI n'appartient-elle pas à l'éditeur ?
C'est grave ça docteur ! On est loin du service du texte.
Et quant à retrouver de bonnes surprises dans le texte, tu confirmes donc en plein la stratégie marketing de l'éditeur. Encore une fois, surprendre n'est pas rendre service au texte.
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Je crois que tu trouves cet argument "grave", car tu es - légitimement - sur une position très en faveur de Ledoux.
La stratégie marketing n'a rien de "grave" en soi. Sans stratégie marketing de la part de Christian Bourgois, y aurait-il eu un Seigneur des Anneaux en français en 1972 ?
Quant à "réviser" le texte, il me semble que Bourgois se heurtait justement à l'impossibilité juridique, la traduction étant propriété intellectuelle des ayants-droit de Ledoux. Le choix a donc été fait de retraduire. Pour notre plus grand plaisir, persisté-je, et avec une redécouverte du texte qui ne tient pas au "coup marketing", mais au talent de traducteur de Daniel, si on prend le soin de se dévêtir d'un certain nombre de préjugés
Ceci-dit, je peux comprendre que ce qui fut pour moi un somme de belles surprises peut se révéler moins supportable pour d'autres lecteurs très attachés à la première traduction.
Si j'aime beaucoup "Belleau", "coureur" et "Bessac", et aussi "Samsaget", il y a d'autres choix que j'aime moins (Le Comté ). Mais cela n'a gêné en rien ma lecture, car Daniel écrit dans un français fluide, rythmé et agréable, qui sait aussi être épique (voir beaucoup plus quand il s'agit des poèmes) que pouvait l'être celui de Ledoux.
J'aime les deux, et je suis content d'avoir le choix
I.
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Bonjour Vinyamar,
C'est agréable de te relire, même si je suis loin d'être d'accord avec toi sur un sujet où tu te contentes de donner un avis brut de décoffrage, certes légitime sur le plan de l'impression artistique, mais qui ignore tout ce qui a été dit sur le sujet, souvent par Vincent et Daniel eux-mêmes, depuis maintenant plusieurs années.
Je pense cependant qu'une bonne traduction ne nécessite pas d'explication de texte. S'il faut justifier des mots étranges à chaque fois qu'ils apparaissent, c'est bien qu'il y a un problème
Voici un aspect éminemment personnel : ce qui est évident pour l'un ne le sera pas pour l'autre. Je ne peux pas prétendre que je connaissais le terme « flambe » dans ce sens-là, pourtant bien attesté chez Hugo (pour ne cite que lui), mais il était pour moi bien moins déroutant que le « galgal » de Ledoux (que justifient pourtant aussi bien Flaubert que Stendhal). Qui est le meilleur traducteur à cette aune ? Difficile à dire, je pense.
La question est en fait de savoir si l'ouvrage nécessitait une toute nouvelle traduction entière, plutôt qu'un simple travail de révision de la traduction de Ledoux.
Oui Ledoux n'a pas tout fait nickel, et il y a, disons au nez, 10% à 15% du travail qui mériterait d'être rectifié ou arrangé.
Est-ce que cela permet de jeter au vide-ordure les 85% restant qui sont géniaux ? Je ne pense pas.S'offre alors l'option de corriger les erreurs et de réviser la traduction, ou de financer une nouvelle traduction totale. Comprenez bien que dans "nouvelle traduction" le plus important n'est pas le mot "traduction", mais "nouvelle". C'est un créneau en or : pouvoir revendre à tous les fans déjà existant une seconde version de leur auteur fétiche. Revendre le même livre à tout le monde, au motif qu'il est nouveau. C'est la manne marketing absolue. Ce que cherchent tous les éditeurs lorsqu'ils font des éditions collectors. Là c'est mieux que tout, c'est un nouveau texte.
Figures-toi que c'est la première solution qui avait été envisagée et que pour de nombreuses raisons, évoquées ici ou là, c'est le choix d'une retraduction intégrale qui a été envisagée. Quant aux hypothèses plus ou moins extravagantes sur la cupidité des éditions Bourgois à ce propos, je ne vois même pas l'intérêt de les commenter, hormis pour dire que c'est un peu insultant pour un éditeur qui s'est quand même lancé dans le plus important travail de traduction de Tolkien au monde, exception faite des éditions espagnoles Minotauro. Les HoMe auraient-ils été traduits par esprit de lucre ? Il est permis d'en douter. Quant à l'éventuel ego de Daniel, ma foi, je lui laisse le soin de te répondre s'il estime qu'un tel jugement de valeur mérite d'être discuté.
dont l'objectif est davantage de revendre que d'être plus proche du texte ou du message.
Concernant Frodon, ou même Fredon, je suis à peu près sûr que j'ai lu quelque chose où c'est Tolkien lui-même qui donne des consignes vernaculaires.
Sûrement un des nombreux textes de HoMe XIII, alors...
Pourtant, je conviens volontiers que la traduction du SdA par Ledoux était très honorable pour l'époque et qu'elle reste globalement intéressante. Pour certains noms et certains passages, il y a même certains traits magistraux que je n'estime pas retrouver chez Daniel (je préfère par exemple largement Sylvebarbe à Barbebois, quand bien même le second peut prétendre à une plus grande proximité avec l'anglais Treebeard), sachant que la réciproque est bien sûr vraie. Daniel bénéficie en outre du recul de toutes ces années où les nouvelles publications nous ont permis de mieux cerner l'univers de la Terre du Milieu. Rien que cela devrait justifier à lire une de ses traductions d'un bout à l'autre, éventuellement en contrepoint du texte de Ledoux, afin d'avoir un jugement d'ensemble raisonnablement objectif sur son travail. Cela n'empêche d'ailleurs pas de garder une affection particulière à la traduction qui nous a permis de découvrir l'œuvre de Tolkien.
Elendil
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Vinyamar a écrit :Je pense cependant qu'une bonne traduction ne nécessite pas d'explication de texte. S'il faut justifier des mots étranges à chaque fois qu'ils apparaissent, c'est bien qu'il y a un problème
Voici un aspect éminemment personnel : ce qui est évident pour l'un ne le sera pas pour l'autre. Je ne peux pas prétendre que je connaissais le terme « flambe » dans ce sens-là, pourtant bien attesté chez Hugo (pour ne cite que lui), mais il était pour moi bien moins déroutant que le « galgal » de Ledoux (que justifient pourtant aussi bien Flaubert que Stendhal). Qui est le meilleur traducteur à cette aune ? Difficile à dire, je pense.
Sur ce point, je voudrais citer une phrase que m'a dite un certain Tilkalin pour ne pas le nommer, fut un temps quand j'étais encore jeune sur Tolkiendil et que je garde en tête comme un mantra
Rien n'empêche celles et ceux qui ne connaissent pas ces termes à chercher dans un dictionnaire. Wink
Après tout, n'est-ce pas justement le rôle d'un grand roman que de tirer son lectorat par le haut avec une richesse de vocabulaire ? Je suis intimement persuadé que si, notamment parce que je sais avoir considérablement évolué intellectuellement grâce à mes lectures de Tolkien. Même si c'est perturbant d'évoluer du roman au dictionnaire (ou à internet) pour vérifier un mot comme flambe, je suis certain que l'apport est plus important que de rester sur le terme reconnu comme iris.
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Je commence à regarder la grille de comparaison mise en ligne par Druss, et franchement, je ne me marre plus du tout.
Brandibouc ou lieu de Brandebouc, Bellenfant au lieu de Belenfant on se demande vraiment quelle mouche a piqué le traducteur de vouloir changer juste UNE lettre. C'est vraiment histoire de faire différent, ou ce sont les droits d'auteurs qui obligent ?
Mais alors "Seigneur Sombre", excusez-moi mais on ne lit de telles mot à mot que dans les plus mauvaises traduction de fantasy. Même eux ils laissent DarkLord. Seigneur noir aurait même été moins pire au niveau du français, mais je suppose que le traducteur avait peur des ligues antiracistes. (non pas que noir traduise mieux Dark, mais Seigneur sombre n'existe pas plus que Lac Sombre ou Pic sombre...)
l'explication donnée à Tolkien sur Scadufax ne démontre qu'une seule chose : que grispoil n'était pas si mal au final, mais jamais qu'il fallait conserver un nom que même Tolkien n'a pas conservé.
Snawmana je me marre (autant laisser Snowmama non ?)
Samsaget ? Vraiment, tout ça pour ça ? Samsagace était extra ! A quoi bon ?
Esprit servant = spectre ? donc là on passe à du Harry Potter. Disparu la notion de servitude.
Arachné = Araigne : non là j'arrête, c'est n'importe quoi.
A côté de ça :
Orientais : plutôt pas mal
Grismantel : bien
peaublême : bien aussi
Barbebois : ok ça passe, c'est enfantin quoi, mais Sylvebarbe démontrait quand même quelque chose de plus adulte et de plus digne quoi.
(c'est aussi ce nom associé aux elfes sylvain qui m'ont toujours permis de connaître le sens de ce mot)
Je ne les fait pas tous, ce serait fastidieux, mais cela démontre un travail de rejet systématique absurde probablement imposé par les droits d'auteur. Une telle traduction qui est OBLIGÉE de s'éloigner de la précédente a quelque chose d'absurde en soi.
Désolé d'être sévère.
EDIT :
pour la question de Flambe, oui on irait chercher ce que cela signifie si on ne pensait pas déjà le savoir, comme ici. Et le boulot d'un traducteur est de faire attention à la connotation des mots. Flamby est un peu trop connu pour en faire abstaction (comme pour l'Ecu européen qui rappelait trop la vache en allemand, ou la marque Konar japonaise qui très curieusement n'a jamais pu percer en France sous ce nom)
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Brandibouc ou lieu de Brandebouc, Bellenfant au lieu de Belenfant on se demande vraiment quelle mouche a piqué le traducteur de vouloir changer juste UNE lettre. C'est vraiment histoire de faire différent, ou ce sont les droits d'auteurs qui obligent ?
Question de cohérence interne. Brandibouc pour accompagner Brandivin lui-même dépendant de la connotation au breuvage alcoolisé. Certes, ça ne fait pas grande différence avec Brandebouc/Brandevin, mais aussi minime soit-elle, elle existe.
Bellenfant, parce que Fairbairn désigne avant tout Elanor, une jeune fille, avant de devenir le nom de sa descendance, et non pas n'importe quel enfant.
Pour le reste, je préfère laisser le soin à d'autres de répondre.
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non là j'arrête, c'est n'importe quoi
En effet, plus que de sévérité, ces remarques sont beaucoup trop teintées de subjectivité pour apporter de l'eau au moulin de ce fuseau.
Moi Samsaget, je le trouve extra, tandis que Samsagace m'a toujours... agacé. Subjectivité aussi, dans l'autre sens
Mais s'arrêter, par principe, à quelques noms qui déplaisent pour renoncer à lire le texte dans son intégralité, ce serait vraiment dommage.
I.
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Elendil :
Quant aux hypothèses plus ou moins extravagantes sur la cupidité des éditions Bourgois à ce propos, je ne vois même pas l'intérêt de les commenter, hormis pour dire que c'est un peu insultant pour un éditeur qui s'est quand même lancé dans le plus important travail de traduction de Tolkien au monde, exception faite des éditions espagnoles Minotauro. Les HoMe auraient-ils été traduits par esprit de lucre ? Il est permis d'en douter. Quant à l'éventuel ego de Daniel, ma foi, je lui laisse le soin de te répondre s'il estime qu'un tel jugement de valeur mérite d'être discuté.
Je serai étonné que tu sois naïf au point de croire que les éditions Ch. Bourgois, malgré tout ce qu'on leur doit comme travail et comme source de plaisir, soit prêtes à investir 40 000 € dans une traduction juste pour les beaux yeux des fans de Tolkien, que ce soit pour les HoME ou pour cette nouvelle traduction.
Comme le rappelle Isengar (que tu jugeras peut-être plus raisonnable que moi), la stratégie marketing n'est pas le diable et c'est ce qui nous a permis jadis de découvrir le SdA et toute l'œuvre de Tolkien. Mais nier que l'objectif d'une maison d'édition est d'abord de gagner de l'argent ne démontre la plus grande clairvoyance. Après, vouloir gagner de l'argent n'est pas (sauf dans certaines mentalités françaises) synonyme d'ordures ou de travail bâclé. C'est tout à fait compatible avec de grandes œuvres. Mais il ne faut pas être aveugle sur les motivations de Bourgois pour financer un tel travail. Evidemment que c'est pour que ça se vende. Et jusque là rien à redire.
Là où je redis, c'est dans ma supposition que, pour mieux revendre, il faille démontrer que l'ouvrage est tout à fait nouveau (la communication autour du "nouveau" fonctionne mieux qu'autour du "corrigé").
Mais Isengar semble avoir donné de meilleures explications à ce sujet.
Druss :
je préfère Sylvebarbe à Barbebois, quand bien même le second peut prétendre à une plus grande proximité avec l'anglais Treebeard
Non, là aussi en toute objectivité, on ne peut rien reprocher à Barbebois (sinon une allitération en B un peu enfantine), mais il est moins proche de l'original TreeBeard : "Arbre barbe" et non "bois barbe". Or c'est exactement le sens de Sylve (arbre) barbe et non de barbe bois.
manque d'objectivité ici...
Isengar
Je crois que tu trouves cet argument "grave", car tu es - légitimement - sur une position très en faveur de Ledoux
Je ne le nie pas, sans le dédouaner de ses erreurs, mais je pense sincèrement que ce que je juge "grave" ici est tout à fait objectif : le fait que la propriété intellectuelle interdise à un nouveau traducteur de conserver des parties du travail remarquable d'un de ses prédécesseurs.
Cela signifierait qu'à cause de cette règle, le nouveau traducteur a été obligé d'inventer de nouveaux mots et nouveaux noms propres juste pour être différent, et non pour mieux coller au texte.
Ceci est une donnée objective. Le curseur de ce qui est grave est subjectif, mais je voulais juste signaler que c'est un élément pas du tout anodin à prendre en compte quant au jugement de cette traduction.
Quant à "réviser" le texte, il me semble que Bourgois se heurtait justement à l'impossibilité juridique, la traduction étant propriété intellectuelle des ayants-droit de Ledoux. Le choix a donc été fait de retraduire
Merci pour cette précision importante. Cela montre au moins la marge de manœuvre réduite de l'éditeur et de l'auteur :
Révision interdite (ou du moins pas sans accords, qui auraient pu être demandés)
nouvelle traduction obligée de s'éloigner de la première
C'est donc peut-être sous la contrainte que de nombreux termes sont si dissonants...
Isengar, je pense que c'est aussi une semi-objectivité (forcément teintée de subjectivité) que de regretter que Shelob soit traduite Araigne. Je suis à peu près certain que si je prétendais à des gens qui n'ont pas encore étudié la nouvelle traduction que ces mots étaient issus de Ledoux, il se ferait démonter la tête grave pour de telles traduction : Seigneur sombre ??! Je me demande à quel point c'est français par rapport à sombre seigneur.
Par ailleurs je perçois autant de subjectivité en face, manifestée d'ailleurs par la présentation de l'un par son prénom et l'autre par son nom (même si je connais les règle de français à cet égard, je ne pense pas que cela en soit la raison).
Il y a de la subjectivité dans ma sévérité, qui est aussi exagérée sans doute du fait de lire autant de louanges dépourvues semble-t-il de tout sens critique (sans doute par égard pour le traducteur qui nous fait l'honneur de nous répondre, et c'est tout à son honneur), mais il y a aussi de l'objectivité.
Tout comme c'est aussi objectivement que je suis capable de le féliciter pour ses bonnes trouvailles personnelles (et aussi pour les traduction de certains poèmes que je trouve en effet bien meilleurs chez Lauzon).
Je ne compte pas en faire un inventaire, ce serait fastidieux pour tout le monde, et toujours suspect de subjectivité, mais voilà, je me permet l'outrage d'être une voix dissonante dans ce concert de louange, et j'espère faire surgir quelques vocations un peu plus critiques... (là j'ai l'impression de lire la presse parlant de Star Wars 7)
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Je tiens à rassurer Vinyamar : la publication de cette traduction ne m'a pas valu qu'un concert de louanges. Elle a aussi exposé mon cœur, ma patience et mon ego à de très vives critiques, notamment, sur la question des noms. Presque exclusivement sur cette question, d'ailleurs. Je suis bien content que d'autres se soient proposés pour répondre à ma place, encore une fois, et je les remercie. Je n'ai plus le cœur à cette discussion. Mais je n'aurais pu mieux répondre moi-même, de toute manière.
(Je ne pense pas avoir discuté jusqu'ici de ma traduction de Dark Lord. Mon premier choix, le plus évident, était Sombre Seigneur. Puis, dans le texte, j'ai constaté que cela faisait assez cucul. Et en réfléchissant au nom Dark Lord, je me suis souvenu de la beauté des choses simples. J'emploie néanmoins Sombre Seigneur dans certains contextes. Pourquoi pas ?)
Je n'ai rien à répondre non plus aux accusations lancées à l'égard de l'éditeur Bourgois. Je trouve ce genre d'accusations... complètement délirantes. Que celui qui n'a jamais acheté l'un des re-re-re-re-tirages de Bilbo le Hobbit chez le Livre de Poche, ou l'énième (fausse) intégrale du SdA première mouture chez Pocket (deux maisons qui n'ont d'autre ambition que de vendre le plus de livres possible, en usant de tous les prétextes possibles - ce qui, au demeurant, reste tout à fait légitime, dans un libre marché !) jette la première pierre à Bourgois.
Quant à Ledoux, je me suis moi-même porté à sa défense sur ce forum et ailleurs, il y a plusieurs années. Aujourd'hui, après le travail effectué en 2000 (la fameuse liste de "coquilles") et une évaluation plus objective, fondée, notamment, sur mon expérience de traducteur, toute brève soit-elle, je pense avoir une assez bonne idée de ses qualités (éminentes) et de ses défauts (nombreux). M. Ledoux était de la vieille école. C'était un traducteur de métier, d'une profonde érudition. Cela vaut son pesant d'or. Je n'adhère pourtant pas aux principes de traduction qu'il met en œuvre de façon assez systématique. Je pense que la traduction a évolué depuis, pour le mieux (je ne parle pas du langage - chacun son style - mais bien des théories et des techniques de traduction). Je pourrai développer, un jour, sur cette question, mais, vous comprendrez... c'est un peu tôt encore !
> il y avait bien une ou deux coquilles de la part de Ledoux
Des coquilles par centaines, parfois des erreurs de retranscription (du manuscrit au tapuscrit), et des dizaines de contresens, au bas mot. Mais personne n'est obligé de me croire : ces faits sont bien documentés. Qu'en conclure ? Assurément, une retraduction ne pouvait faire de tort à personne... quoique...
Au risque de me répéter : si vous ne pouvez tirer aucun plaisir de la nouvelle traduction, ne la lisez donc pas. Ce serait une perte de temps.
Daniel
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Il est des discussions qui, à force, malgré elles et vous-même, semblent avoir le pouvoir de vous botter de jaune, de vous vêtir d'un manteau bleu et de vous coiffer d'un chapeau à plume de martin-pêcheur...
En attendant, moi, qui ai pris la peine de parler deux fois (entre autres !) du « tub » de Tolkien/Ledoux sur le forum de Tolkiendil l'année dernière (en juin et en octobre) en pensant que ça serait un poil plus remarqué que sur le forum de JRRVF, j'ai constaté qu'en fait, apparemment, ça n'intéressait personne, et je suis déception.
Pfff, franchement, à quoi ça sert de prendre le temps de donner son avis sur des traductions, et même sur des points très précis de celles-ci, si in fine ça passe juste pour du bavardage ou de la maniaquerie, et surtout si quelques mois plus tard on se permet de "refaire le match" sur JRRVF... mais encore une fois sans parler de "mon" « tub » ! Cet ostracisme est purement scandaleux, et mériterait bien un doigt de l'amitié façon Lemmy si nous n'étions pas sur un forum où on ne peut pas voir ce que fait au juste autrui derrière son écran !
Mais puisque je vois que l'on préfère parler ici de lucre et de stratégie marketing, je vous laisse à vos obsessions : je préfère les miennes !
Edgar Degas (1834-1917)
Le tub, 1886
Pastel sur carton, 60 x 83 cm
Paris, musée d'Orsay
Et que l'on ne me reproche pas de ne pas "être sérieux" sur ce coup : je crois l'avoir bien assez été, sur ce sujet comme sur d'autres, si on a déjà pris la peine de lire un certain nombre de pavés que j'ai pris le temps de poster ici ou là !
Bref... Carpe diem... ;-)
Hyarion, se promenant dans la Forêt de Trouille-Bleue (belle trouvaille d'un ami artiste ^^) à la recherche de ce bon vieux TB...
[EDIT: corrections de liens hypertextes.]
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Cher Hyarion, je suis désolé, mais je ne lis pas les autres forums, et rien ne peut m'obliger à le faire. Merci de ne pas m'en vouloir de ne pas avoir lu ton "tub" (?) chez la concurrence.
M. Lauzon, je vous remercie de votre présence sur ce forum, qui n'est que gentillesse de votre part, et j'imagine que comme tout auteur (je le suis moi aussi en amateur), vous êtes forcément hypersensible aux retours du public. Exposer votre cœur, c'était l'expression de Tolkien, qui a fait un peu plus que retranscrire, mais qui a livré (et à une époque où personne n'y prêtait intérêt) tout son cœur, toute sa vie même, à la lecture critique de ses semblables. Je ne pense pas que ce soit comparable avec votre remarquable travail, tout gigantesque et passionné soit-il.
J'avoue parcourir tous les articles de presse ou de blog parlant de cette traduction pour en tirer le plus d'informations possible, et je ne vois rien d'autres que des louanges aveugles. J'en suis ravi pour vous, un effort aussi important mérite forcément d'être récompensé.
Vous avez tout à fait raison aussi de vous reposer sur les autres pour défendre vos traductions, j'arrive un peu tard dans le débat, avec mes gros souliers sans velours, vous n'avez aucune raison d'avoir envie de redire tout ce qui a déjà été dit.
Cependant je ne vois rien de délirant à rappeler qu'un éditeur est une entreprise, et qu'une entreprise a besoin de gagner de l'argent. Elle ne fait pas de la philanthropie. Il n'y a rien non plus de délirant à estimer qu'une nouvelle édition d'un ouvrage aussi populaire (plus encore depuis les films) est une source de manne financière non négligeable si cette nouvelle édition emporte l'adhésion du public, même le plus ancien (vous le démontrez d'ailleurs vous-mêmes dans vos exemples). Il n'y a enfin rien de délirant à estimer qu'une nouvelle édition se vend mieux si elle apporte du nouveau.
Faire un lien entre ces données réalistes et le désir de faire TROP nouveau est une hypothèse de ma part. Isengar semble l'avoir démentie avec de bons arguments. Fort bien. Quoique probablement erronée, elle n'est en rien "délirante" pour autant.
La question n'est pas de savoir si je vais lire ou non cette nouvelle traduction. La question est de savoir si cette nouvelle traduction deviendra la seule version accessible aux futurs lecteurs. Je suppose que oui (simple supposition, j'espère non délirante).
C'est à ce sujet que je réagis. Quelqu'un a dit plus haut qu'il n'y aura pas une version qui supplante l'autre, mais deux traductions d'une même oeuvre. Je me permet d'en douter fortement mais peut-être avez-vous le moyen de me rassurer.
Cela compliquera juste un peu nos débats quand nous parlerons de Bill Fougeron ou de prosper Poidebeurrée, la moitié des lecteurs ne comprendrontpas à qui nous faisons référence et nous serons donc probablement contraints d'ajouter après chaque nom (version Ledoux / Version Lauzon). Après tout, je me suis éloigné des études sur Tolkien, je ne devrais donc pas en pâtir directement.
Mais quand même, puisque vous me faites la gentillesse de me répondre, pouvez-vous me dire ce qui vous empêchait de conserver au moins un partie des noms trouvés par Ledoux. Beaucoup était excellenst, certains meilleurs que ceux que vous avez dû trouver en remplacement (à quoi bon parfois changer UNE lettre ?). Alors pourquoi ces modifications systématiques ?
(et admettez-vous que certains des nouveaux nom n'apportent pas vraiment quelque chose, mais que vous n'aviez peut-être pas le choix ? "Araigne" plutôt qu'"Arachné" ???)
En fait la question est même plus générale : pourquoi une retraduction totale plutôt qu'une révision ? Est-ce la raison invoquée par Isengar ?
Car enfin changer TOUS les noms a quelque chose de ridicule et ne répond certainement pas à la demande des fans.
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Vinyamar avait dit qu'il postait son message probablement avec de gros sabots. Approuvons le fait qu'il a tenu sa promesse. J'eusse tout de même préféré un message initial en chaussons, à la cool ;-)
Je n'ai jamais, ô combien jamais, critiqué la traduction de Ledoux, même si effectivement on pourra en critiquer avec raison certaines erreurs. Pourquoi ne pas le critiquer ? Parce que tout simplement son travail fut réalisé en-dehors de tout contexte plus large sur l'oeuvre de JRRT et parce que le SdA était, je crois qu'on peut le dire, un OVNI dans le cercle de la littérature de l'époque. Le travail de Ledoux est pour moi presque une performance par rapport au contexte d'alors.
La nouvelle traduction du SdA par Daniel Lauzon n'est pas une transcription, retraduction de celle de Francis Ledoux mais bel et bien une nouvelle traduction du titre original de Tolkien. Dès lors comparer les deux traductions françaises entre elles n'a pour moi aucun sens. La vrai question est de savoir laquelle est la plus fidèle à l'oeuvre originale, dans l'esprit, la lettre et ce qu'a voulu l'auteur. Ensuite, que l'on préfère l'une ou l'autre, c'est un autre débat. Comparer Lauzon à l'aune de Ledoux, c'est faire un exercice où des décennies de "subjectivité et de connaissance du texte de Ledoux sont mis en parallèle. Erreur.
Une nouvelle traduction doit pour moi s'affranchir de tout ce qui est connu. Dès lors, il me paraît fort improbable qu'un nom dans sa V.O. trouvent une même traduction dans deux exercices de traduction réalisé en parallèle. Je m'explique : donnez le texte original à Ledoux et à un autre traducteur à l'époque, quelle est la probabilité que "Gripoil" soit donné par les deux traducteurs ? Probablement 0%. Je ne m'étonne donc absolument pas qu'il y ait nombre de noms/personnages/lieux traduit différemment entre les deux L (Ledoux / Lauzon).
Je fais par contre toute confiance (et c'est peu de le dire) à Daniel L. et l'équipe éditorial pour :
- suivre scrupuleusement les consignes de Tolkien
- s'assurer qu'il n'y ait aucun contre-sens dans la nouvelle traduction
- tirer profit de tous les matériaux de Tolkien qui permettent de mieux comprendre le SdA et le restituer dans la langue de Molière
Et là, aucun doute, l'objectif est atteint, et plus.
Ensuite, question de goût, de sensibilité, d'oreille, on aimera ou pas certaines propositions de cette nouvelle traduction.
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Salut Cédric,
désolé pour le dérangement, j'ai égaré mes chaussons d'hiver, mais je vais certainement les retrouver en me replongeant dans le délicieux bain de JRRVF.
En réfléchissant à tout cela (de mieux en mieux à force de tenter d'exprimer ma gêne), je crois que j'ai fini par circonscrire le problème.
Le problème au final n'est pas dans la retraduction totale du texte, mais se limite, je commence à en prendre conscience, à la traduction des nom propres.
Car le problème est que ce monumental travail vient créer sans raison deux univers parallèles.
J'étudie (ou j'étudiais) la Bible dans de nombreuses versions et traduction, et cela ne m'a jamais choqué. Tant que le texte exprimait un message clair, compréhensible, cohérent (pour autant que le texte le soit), et respectant l'histoire du texte, tout allait très bien.
Bien sûr, on trouvait toujours des hurluberlus pour créer des traduction "chocs" capable de générer des ventes aussi volumiques que passagères (traductions parfois argotiques dans lesquelles les traducteurs parvenaient toujours à parfaitement argumenter leurs étranges décision au demeurant, ce qui ne prouve pas que savoir argumenter est signe de bonne traduction - entendre "plutôt crever" dans la bouche du Christ restant passablement difficile à faire passer pour des écrits grecs d'érudits du premier siècle).
Mais quelles que soient ces élucubrations, ces variantes, ces coups de génies ou ces erreurs monumentales (après tout, on a bien déjà comparé Saint Jérôme à Francis Ledoux sur ce même forum, vous me pardonnerez donc de comparer la nouvelle traduction du SdA aux travaux de traduction de la bible), il y avait toujours une constante entre toutes les versions : les noms des personnages.
Que l'orthographe varie ou non, on savait toujours de qui on parlait en évoquant Paul (que personne n'a jamais tenté à ma connaissance de traduire Paulo, Poulain, ou Saulo), Luc (pas non plus de Lucas, Lucien ou Luke dans aucune version FR), Melchisedek ou Melkisedech restant à peu près en mesure d'identifier la même personne.
Si donc la Bible, qui a reçu des milliers de traductions, des trash, des chocs, des classiques, des tradi, des modernes, des moche, des long, des beaux, tout, tout, tout vous saurez tout sur le ... oups pardon...
Si donc, les traducteurs ont tous décidé de conserver une harmonie entre les noms, tant les noms conservés d'origine que ceux traduit en langue vernaculaire, pourquoi diable s'entêter à tous les renommer lors d'une nouvelle traduction.
Plus personne ne va s'y retrouver, plus personne ne comprendra de qui on parle quand on évoque Filibert FleurdeBeurre, Samsagace, les Sacquet, etc.
Si encore il y avait des mots vraiment mal traduit qui nécessitaient absolument une révision (par exemple le controversé Grispoil), on pardonnerait que quelques uns changent de nom pour le respect de l'oeuvre originale. Mais quand c'est pour modifier une lettre, ou une variante de mot (Serreceinture plutôt de Sanglebuc, Barbebois plutôt que Sylvebarbe, Queue Fouialleuse plutôt que Queue-vive), on se demande vraiment : mais à quoi bon tout ce remue-ménage ?
Alors après oui, peut-être qu'Isengar a raison et que les droits d'auteur ont contraint le travailleur à une telle absurdité. Mais c'est bien triste, et ça n'a aucun sens.
Aurait-il mieux valu demander la permission aux ayant droit de Ledoux pour ne pas créer deux univers parallèles (car c'est exactement ce que je ressens devant ce travail cependant remarquable)
Je suis absolument convaincu qu'il aurait mieux valu, et pouvoir ensuite refaire une traduction du reste du texte sans créer deux versions du même personnage.
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vous êtes forcément hypersensible aux retours du public. Exposer votre cœur, c'était l'expression de Tolkien, qui a fait un peu plus que retranscrire, mais qui a livré (et à une époque où personne n'y prêtait intérêt) tout son cœur, toute sa vie même, à la lecture critique de ses semblables. Je ne pense pas que ce soit comparable avec votre remarquable travail, tout gigantesque et passionné soit-il.
Tolkien n'a pas le monopole du cœur, que je sache. Je ne suis pas insensible aux critiques. Je n'y suis pas imperméable non plus. Mais aux critiques mal informées, ou mal dirigées, il faut bien répondre : par le refus.
je ne vois rien d'autres que des louanges aveugles
Pourquoi aveugles ? N'est-ce pas plutôt votre opposition qui est aveugle ? Parce que les noms ont changé, vous rejetez. Vous rejetez un nom, parce qu'il vous fait penser à une marque de commerce (un peu de mauvaise foi ici peut-être ?), parce qu'il change trop, parce qu'il ne change pas assez... Il faudrait vous faire une idée. Mais ne vous en faites pas. Vous n'êtes pas seul, d'autres sont passés par là. Vous vous y ferez, ou non. Mais je crois que vous commencez à comprendre ce qui vous dérange, et que vous n'avez pas à m'accuser de tous les maux. J'ai ici, entre mes mains, la nouvelle version du livre V, et je puis vous assurer qu'il ne manque pas de lyrisme dans ces pages, de souffle épique, ni de beauté. Forcément, puisque le texte est du même auteur, et qu'un traducteur ne reçoit pas les louanges de tout le monde (comme vous dites) sans qu'il n'y ait d'explication, plus simple, peut-être, que vous ne l'imaginez. Non, tout le monde n'est pas ligué contre Ledoux, et prêt à couronner un successeur indépendamment de son mérite. S'atteler à la traduction d'un tel monument, cela ne prend pas que du talent (si on m'accorde cela, j'en suis reconnaissant), cela prend du dévouement ; et en consacrant près d'un an par volume, cela finit par payer. Du point de vue artistique, s'entend. Au rythme où vont les choses, je n'aurai pas les moyens d'avoir mon pied à terre à Paris avant encore un siècle ou deux.
une nouvelle édition d'un ouvrage aussi populaire (...) est une source de manne financière non négligeable si cette nouvelle édition emporte l'adhésion du public, même le plus ancien
Tout dépend ce que vous entendez par non négligeable. Bourgois aurait pu continuer à vendre l'ancienne traduction, sans autre débours, et celle-ci aurait continué de leur rapporter (modestement ; les films ont plus de dix ans, rappelez-vous, et la nouvelle "trilogie" n'a pas remporté le même succès). Vous surestimez le nombre de lecteurs intéressés par une nouvelle traduction. Beaucoup possèdent déjà l'ancienne et ne voient pas la nécessité d'en changer. Heureusement, l'intérêt sera assez fort, je pense, pour que cette entreprise ne soit pas déficitaire. Mais il est clair que Bourgois, en commandant une nouvelle traduction, s'exposait à un risque financier, du moins dans le court et moyen terme. Que dire aussi, de la publication des HoMe, de Sigurd, de Beowulf, et j'en passe ? Croyez-vous qu'il s'en vend des millions ? La France n'est pas le monde anglo-saxon, où Tolkien jouit d'une popularité beaucoup plus étendue. Je suis donc complètement en désaccord avec vous, et je maintiens ce que j'ai dit, concernant le mauvais procès que vous voulez faire à Bourgois. À l'époque des films du Hobbit, on ne comptait plus les rééditions, chez Poche ou Pocket. Elles ne proposaient rien de neuf, sinon une nouvelle couverture ; mais je ne vous ai pas entendu les critiquer. Ici, on propose du nouveau. Demander 20 euros pour cela, ce n'est tout de même pas la lune. Alors que d'autres éditions vous proposent bien moins pour beaucoup plus. Au reste, nul n'est contraint d'acheter un livre dont il n'a pas besoin.
La question est de savoir si cette nouvelle traduction deviendra la seule version accessible aux futurs lecteurs. ... Quelqu'un a dit plus haut qu'il n'y aura pas une version qui supplante l'autre, mais deux traductions d'une même oeuvre. Je me permet d'en douter fortement mais peut-être avez-vous le moyen de me rassurer.
La traduction de Ledoux ne sera pas rééditée chez Bourgois, du moins, cela n'est pas envisagé. Les éditions Livre de Poche proposent actuellement les deux versions du Hobbit, à un prix comparable, et Pocket ajoutera sans doute à son catalogue la nouvelle traduction du SdA au moment voulu. Les deux versions vont-elles subsister longtemps ? Laquelle des deux l'emportera ? Ce choix appartient entièrement aux éditeurs Poche et Pocket. Aucune messe noire ne sera célébrée par votre serviteur pour l'obtention d'aucune faveur. Mais les traductions de Ledoux ont été assez largement diffusées pour rester trouvables pendant bien des années encore. Si un jour elles disparaissent, nous serons morts depuis longtemps, mon ami. Vous vous inquiétez pour rien.
Cela compliquera juste un peu nos débats quand nous parlerons de Bill Fougeron ou de prosper Poidebeurrée
Certains dissertaient avant aujourd'hui en se servent des noms anglais, et les discussions se sont poursuivies sans pour autant devenir cacophoniques. Dans certains pays, on emploie même deux systèmes de poids et mesures... Les incidents fâcheux sont restés relativement rares !
pouvez-vous me dire ce qui vous empêchait de conserver au moins un partie des noms trouvés par Ledoux. Beaucoup était excellenst, certains meilleurs que ceux que vous avez dû trouver en remplacement
Si vous aviez "fouillé" autant que vous le dites, vous connaîtriez déjà la réponse, car cela a été dit plusieurs fois. Les noms de Ledoux appartiennent à Ledoux et sa traduction, point. Je n'ai rien "trouvé en remplacement". Je suis parti de la version anglaise, j'ai fait table rase et j'ai produit une traduction en me fondant sur l'original, sur les indications laissées par Tolkien, et sur ma propre créativité. Si une lettre est différente, c'est parce que Ledoux et moi, en face du même nom, avons suivi un cheminement semblable, mais différent d'une lettre.
Alors pourquoi ces modifications systématiques ?
Il n'y a pas eu de modifications.
(et admettez-vous que certains des nouveaux nom n'apportent pas vraiment quelque chose, mais que vous n'aviez peut-être pas le choix ? "Araigne" plutôt qu'"Arachné" ???)
Je vais vous le dire en toute confidence, si vous y tenez : je m'ennuie de certains noms de Ledoux ; il a fait de bonnes trouvailles que je n'ai jamais prétendu améliorer. Mais sur les centaines que j'ai dû traduire, je peux compter sur mes doigts les créations que j'aurais voulu reprendre à mon compte. Être contraint à tout refaire du début m'a forcé à pousser plus loin. Arachne (pas Arachné) ne fait pas partie des noms que j'aurais voulu garder, soit dit en passant.
En fait la question est même plus générale : pourquoi une retraduction totale plutôt qu'une révision ? Est-ce la raison invoquée par Isengar ?
Il faudrait demander à Christian Bourgois Éditeur. En 2000, j'étais d'avis qu'une révision eût été suffisante. Mais réviser : jusqu'à quel point ? Cela restait à déterminer. Aujourd'hui, avec le recul, je crois que le jeu en valait la chandelle, mais mon opinion ne peut être totalement objective.
Car enfin changer TOUS les noms a quelque chose de ridicule et ne répond certainement pas à la demande des fans.
Tous les noms n'ont pas changé ; et les noms ne répondent pas aux demandes des fans, mais à la réalité de l'œuvre. Cette traduction n'est pas la nouvelle suite de Star Wars, mais une entreprise littéraire.
Bien à vous.
D.
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Je serai étonné que tu sois naïf au point de croire que les éditions Ch. Bourgois, malgré tout ce qu'on leur doit comme travail et comme source de plaisir, soit prêtes à investir 40 000 € dans une traduction juste pour les beaux yeux des fans de Tolkien, que ce soit pour les HoME ou pour cette nouvelle traduction.
Comme le rappelle Isengar (que tu jugeras peut-être plus raisonnable que moi), la stratégie marketing n'est pas le diable et c'est ce qui nous a permis jadis de découvrir le SdA et toute l'œuvre de Tolkien. Mais nier que l'objectif d'une maison d'édition est d'abord de gagner de l'argent ne démontre la plus grande clairvoyance. Après, vouloir gagner de l'argent n'est pas (sauf dans certaines mentalités françaises) synonyme d'ordures ou de travail bâclé. C'est tout à fait compatible avec de grandes œuvres. Mais il ne faut pas être aveugle sur les motivations de Bourgois pour financer un tel travail. Evidemment que c'est pour que ça se vende. Et jusque là rien à redire.
Je serais le dernier à dire le contraire à ce sujet, étant moi-même suffisamment critique de certaines mentalités françaises...
Là où je redis, c'est dans ma supposition que, pour mieux revendre, il faille démontrer que l'ouvrage est tout à fait nouveau (la communication autour du "nouveau" fonctionne mieux qu'autour du "corrigé").
Mais Isengar semble avoir donné de meilleures explications à ce sujet.
C'est bien cette supposition que je visais. Et Isengar a effectivement rappelé quelques éléments pertinents.
Non, là aussi en toute objectivité, on ne peut rien reprocher à Barbebois (sinon une allitération en B un peu enfantine), mais il est moins proche de l'original TreeBeard : "Arbre barbe" et non "bois barbe". Or c'est exactement le sens de Sylve (arbre) barbe et non de barbe bois.
manque d'objectivité ici...
Pas tout à fait d'accord : tree désigne aussi bien un arbre que, dans un sens poétique, le bois. Inversement, il semble bien que « sylve » ne désigne qu'un ensemble d'arbres, i.e. une forêt, jamais un arbre seul, fut-ce par métonymie, si je me réfère aux sens référencés par le Trésor. Le choix de Daniel n'est peut-être pas l'idéal du point de vue du sens, mais il est donc plus proche de Tolkien. Et pourtant, esthétiquement, je préfère bel et bien Sylvebarbe.
Par ailleurs je perçois autant de subjectivité en face, manifestée d'ailleurs par la présentation de l'un par son prénom et l'autre par son nom (même si je connais les règle de français à cet égard, je ne pense pas que cela en soit la raison).
C'est peut-être une des sources du problème : faire des hypothèses sur ce que pourraient penser les gens, en prenant pour aune le seul élément de repère connu, donc soi-même. C'est un jeu dangereux. En l'occurrence, c'est bien dommage, car je connais les règles du français et je m'y tiens fréquemment... Il s'avère que j'ai eu l'opportunité d'échanger à quelques reprises avec Daniel, ce qui n'a évidemment pas été le cas avec feu Ledoux. Pour autant, je ne crois pas que cela entame mon objectivité : Daniel se souvient sans doute de certains termes de son choix que je n'ai pas encore digérés, malgré toute l'estime que j'ai pour ses compétences de traducteur...
J'avoue parcourir tous les articles de presse ou de blog parlant de cette traduction pour en tirer le plus d'informations possible, et je ne vois rien d'autres que des louanges aveugles. J'en suis ravi pour vous, un effort aussi important mérite forcément d'être récompensé.
Alors, désolé de me montrer moi aussi « sévère », mais peut-être as-tu besoin d'un opticien, ou bien juste de faire un tour sur Tolkiendil...
J'étudie (ou j'étudiais) la Bible dans de nombreuses versions et traduction, et cela ne m'a jamais choqué. Tant que le texte exprimait un message clair, compréhensible, cohérent (pour autant que le texte le soit), et respectant l'histoire du texte, tout allait très bien.
Bien sûr, on trouvait toujours des hurluberlus pour créer des traduction "chocs" capable de générer des ventes aussi volumiques que passagères (traductions parfois argotiques dans lesquelles les traducteurs parvenaient toujours à parfaitement argumenter leurs étranges décision au demeurant, ce qui ne prouve pas que savoir argumenter est signe de bonne traduction - entendre "plutôt crever" dans la bouche du Christ restant passablement difficile à faire passer pour des écrits grecs d'érudits du premier siècle).
Mais quelles que soient ces élucubrations, ces variantes, ces coups de génies ou ces erreurs monumentales (après tout, on a bien déjà comparé Saint Jérôme à Francis Ledoux sur ce même forum, vous me pardonnerez donc de comparer la nouvelle traduction du SdA aux travaux de traduction de la bible), il y avait toujours une constante entre toutes les versions : les noms des personnages.
C'est sans doute pour ça que l'Ecclésiaste est le même personnage que le Qohélet, j'imagine ? Que Jésus Ben-sirach est le Siracide ? Ou encore que Michée est aussi Micah ou Mika ? Sans parler des personnages homonymes qui se retrouvent dotés de noms différents par la magie de la traduction généralement admise. N'est-ce pas un peu déroutant de découvrir que Josué, le fils de Noun, porte en fait le même nom que Jésus, pour ne citer que ce célèbre exemple ? Je ne suis pas franchement certain que comparer la cohérence supposée des traductions bibliques avec les traductions de Tolkien tourne nécessairement à l'avantage des premières. Et même si je reconnais qu'une retraduction des noms puisse s'avérer déroutante : en tant qu'amateur d'Homère, j'ai toujours autant de mal à admettre qu'Odysseus est bien le même que le célèbre Ulysse ou qu'Akhilleus soit l'immortel Achille... Il est toujours difficile de discuter des goûts et des couleurs, surtout en matière d'onomastique.
E.
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C'est le retour de l'âge d'or de JRRVF on dirait ;)
(et donc aussi un peu du village gaulois des fous :))
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... et ne répond certainement pas à la demande des fans.
Ils ont bons dos, ceux-là. Lesquels, d'ailleurs ? Il y a sans doute autant de populations que d'individus, qui cherchent tous quelque chose. Je crains qu'une part non négligeable demande du Jackson. L'autre truc, en petits caractères imprimés, c'est dur à lire.
Quant au reste, en tant qu'amateur d'Homère comme l'ami Elendil, je serais bien peine d'avoir à choisir...
« Et l'âme du Pèlèiade Akhilleus survint, celle de Patroklos, et celle de l'irréprochable Antilokhos, et celle d'Aias qui était le plus grand et le plus beau de tous les Akhaiens, après l'irréprochable Pèléiôn ... Divin Laertiade, subtil Odysseus, malheureux, comment as-tu pu méditer quelque chose de plus grand que tes autres actions ? Comment as-tu osé venir chez Aidés où habitent les images vaines des hommes morts ? »
(Leconte de Lisle)
« Survint alors l'âme du Péléide Achille
et celles de Patrocle et d'Antiloque sans défaut
et d'Ajax, le premier pour la stature et la beauté
de tous les Danaëns après Achille sans défaut
...
Fils de Laërte, enfant de Zeus, industrieux Ulysse,
malheureux, que vas-tu encore imaginer ?
Comment as-tu osé venir chez Hadès ou demeurent
les morts privés de sens, les ombres des défunts ? »
(Jacottet)
Les deux me plaisent assez. L'une hellénisante, un brin datée, archaïsante parfois. L'autre en vers, prenant quelques libertés littéraires. Les deux de poètes, je vous fais grâce des traductions d’hellénistes purs. L'une ne remplace pas l'autre, in fine. Pour moi, du moins.
En quoi serait-si différent ? (Coquilles et erreurs exceptées)
D.
Si l'on me demandait de ne choisir qu'un SdA à emporter sur une île déserte, je prendrais probablement Ledoux, là.. Encore que ce n'est pas l'expression d'une préférence réelle, mais peut-être plutôt un signe de vieillissement, d'un attachement aux choses de l'enfance ? Cruel dilemme ! Ô temps, ô rage. Bon, je prendrais Lauzon alors, j'ai peut-être trop usé mes yeux sur l'autre, j'aurais peur de m'ennuyer, à réciter-radoter plutôt qu'à relire. Arf... Grand'peur, quand même... Je n'ai vraiment droit de n'en emporter qu'un, j'peux pas les mélanger une page sur trois ? Mais qu'irais-je faire sur une île déserte avec un (seul) SdA, d'ailleurs? Et un SdA en français de surcroît ? Peut-être temps de préférer carrément une Odyssée en grec alors. Ce n'est pas comme si le temps manquait, seul sur un îlot perdu. Hmm... Mouais... Y a pas une chance qu'il y ait le ouaib, sur c'te fichue île ? Merdum ! Comment je vais pouvoir me procurer la Guerre des Joyaux traduit par Daniel, quand il sortira, un jour, c'est sûr, vu que j'en ai rêvé. Même pas une desserte d'Amazon ? Aïeuh... Y a des crabes en tous cas, de quoi becqueter... Je sais ! Je m'en vais réécrire tout le truc de mémoire, sur le sable de la plage ! Gloire à Georges Pétasite !
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Ahhh, "la Guerre des Joyaux traduit par Daniel" !! :-))
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Tss, tss, C'est L'Anneau de Morgoth d'abord ! :)
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Evidemment : si la Guerre des Joyaux est traduit, cela signifie que l'Anneau de Morgoth l'a été aussi !
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Un jour, le monde me remerciera de l'avoir délivré des vaines spéculations sur les ailes de Balrogs en lui donnant Grand’Peur.
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Cher M. Lauzon,
je vous remercie de prendre le temps de me répondre.
Je vous prie de croire que je ne juge pas votre travail moins lyrique ou moins beau. Ne l'ayant pas lu je ne me serais pas permis, et je doute que vous manquiez de talent si Ch. Bourgois vous a élu pour cette tâche.
Je ne me permets pas de remettre en cause non plus votre sens artistique.
Si vous avez eu le courage de lire jusqu'à mon précédent post, vous aurez vu que je circonscris le problème effectivement à la traduction des noms propres. Parce qu'ils ont changé, je rejette ? Non, mais parce qu'ils ont TOUS changé sans aucun discernement, oui je regrette.
Je ne saurais rejeter aucun travail sur Tolkien, mais je regrette en effet cette obligation légale, que vous reconnaissez complètement et qui a donc été le moteur principal de la transformation de tous les noms - même si vous en avez pris votre parti et en avez profité pour lancer une grande entreprise de "meilleure" traduction. Le fait est que vous n'aviez surtout pas le choix.
Je ne fais aucun "mauvais procès" à Bourgois pour la retraduction. Bien sûr qu'il a pris un risque, moindre qu'avec les HoME tout de même. La prise de risque et les bénéfices qui vont avec m'ont toujours semblé naturels. Je ne fais aucune procès à Bourgois si ce n'est celui d'avoir choisi de faire un total renouveau.
Vous l'admettez vous-même dans cette phrase : "Ici on propose du nouveau", par opposition aux autre rééditions.
Vous confirmez exactement ce que j'ai décris : "on na va pas faire une fausse réédition sans réelle nouveauté, on veut du vrai nouveau : tout sera nouveau". Et le terme marchand "on propose" va dans ce sens (celui de pousser l'achat). Encore une fois aucun problème avec le concept. Bourgois est là pour gagner de l'argent, et comme vous le dites vous-même, quitte à faire une réédition, autant que ce soit vraiment nouveau.
C'est bien ce que j'écrivais aussi dans mes premiers messages. Le choix est légitime.
Je trouve seulement, personnellement, que ce n'était pas le meilleur, et j'exprime ici ce regret.
Elendil, tu es de mauvaise foi pour Sylvebarbe. On peut toujours torturer tous les mots pour leur trouver le sens que l'on veut, cela reste de la mauvaise foi.
Le fait que tu tutoies Daniel et l'appelle par son prénom parce que tu as eu la chance de le rencontrer, et pas Ledoux, est bien ce que je voulais exprimer. Cette relation privilégiée ne peut laisser objectif s'il s'agit de comparer. ("Voyons, qui ménager, un mort lointain jamais croisé ou un vivant dont tout le net bruisse et qui accepte l'échange et le dialogue ?")
Quand aux "articles" critiques sur le travail le M. Lauzon, je suis désolé mais je ne fais pas rentrer les posts d'un forum, fût-ce JRRVF ou Tolkiendil, au rang de ces articles. Ce sont des avis privés vite contredits. Si un dossier ou un article critique apparaissait sur un de ces sites, ce serait déjà d'une autre portée, mais je me suis contenté des 3 premières pages de Google (soit 30 articles) et pas un ne manque de louer cette magnifique correction qui efface enfin l'opprobre jetée par Ledoux sur cette oeuvre.
Je t'assure qu'on dirait les critiques officielles de Star Wars 7 (allez, un petit regret par là pour faire plus crédible).
Non, vraiment, il manque un peu d'équilibre. Mais je pense que cela viendra une fois le premier buzz passé (comme pour Star Wars).
Pour la Bibe, j'accepte la correction que tu me donnes, avec un bémol tout de même : il n'existe au final que 2 versions des noms : en VO (avec forcément plusieurs orthographe pour une langue sans voyelles) ou en traduit (Siracide et Ben Sirac en sont le meilleur exemple, et n'empêche personne de comprendre de qui on parle.
Il me semble que c'est également le même cas sur l'Odyssée, où nous avons tantôt les noms directement grecs, tantôt les noms latinisés.
Je crois que je n'aurais pas reproché à M. Lauzon de suivre la seule véritable directive claire de Tolkien (en un temps) : ne pas traduire les noms propres. Aurait-il conservé tous les noms originaux, je n'aurais rien eu à dire d'autre que de regretter a disparition des noms que nous connaissions, mais au moins cela avait un sens et ne créait pas d'univers parallèle.
Hiswelokë
Je crains qu'une part non négligeable demande du Jackson.
Et selon certaines critiques que j'ai lu, ils ont eu ce qu'ils voulaient. Le langage apparemment plus "coulant" (ou plus simple) rend le texte plus propice à imaginer les scènes du film, selon certains critiques lu ici ou là. Bref, ils sont contents.
Pour le reste, je voulais dire que je ne crois pas avoir jamais lu de demande massives de la part des fans de modifier tous les noms de Ledoux, à l'inverse des poèmes ou des erreurs déjà dénoncées 1000 fois.
Mais comme je l'ai indiqué, mon véritable regret est la création de deux univers parallèles (et aussi que l'un écrasera l'autre).
J'ai réussi à identifier ce qui me pose problème, et à l'exprimer ici.
Je ne crois pas avoir plus à ajouter, Isengar et Daniel Lauzon ayant tous deux à la fois expliqué et confirmé mes craintes.
M. Lauzon assume complètement cet univers parallèle (bien que fait sous la contrainte).
Je pense que le tour de la question a été fait.
C'est le retour de l'âge d'or de JRRVF on dirait
(et donc aussi un peu du village gaulois des fous )
C'est de ta faute ;-)
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Vous l'admettez vous-même dans cette phrase : "Ici on propose du nouveau", par opposition aux autre rééditions. Vous confirmez exactement ce que j'ai décris : "on na va pas faire une fausse réédition sans réelle nouveauté, on veut du vrai nouveau : tout sera nouveau". Et le terme marchand "on propose" va dans ce sens (celui de pousser l'achat).
Euh... oui, un livre s'achète habituellement, il est donc proposé à la vente. Moi, je propose un texte. Et vous, vous jouez sur les mots. Je n'ai jamais dit, "on veut du vrai nouveau : tout sera nouveau". Personne n'a jamais dit cela. Ce n'était pas l'esprit de la chose, ce n'était pas la motivation de Vincent Ferré, ni la mienne. Je vous dis en revanche : pourquoi me fustiger parce que je propose quelque chose de différent, pourquoi fustiger Bourgois ? Vous avez établi, de manière très probante, en véritable enfonceur de portes ouvertes, que l'édition des livres est une entreprise commerciale. Vous l'acceptez ? Très bien. Mais vous n'aimez pas le neuf, l'esprit du neuf, l'esprit mercantile du neuf. Vous êtes un passéiste jaloux, peut-être. Alors voici. Bourgois vient de rééditer l'édition en un volume avec les illustrations d'Alan Lee, dans la traduction de Ledoux. C'est mieux ? C'est plus noble ? Allons. Voilà une bonne chose de faite.
La voie de la facilité aurait été de conserver les "bons" noms tels quels, et de retraduire le reste. Tout le reste. De m'approprier ce qu'il y a de meilleur dans le travail d'autrui, pour le prendre à mon compte, signer le contrat, mettre mon nom sur la 4e de couverture, et hop ! Tout le monde est content. Heureusement, nous sommes à l'ère du droit d'auteur, qui protège les auteurs des autres auteurs, mais aussi des traducteurs improvisés et sans scrupules. Chez les Russes, il n'existe pas moins d'une douzaine de traductions différentes du Seigneur des Anneaux, toutes contrefaites, qui datent de l'ère soviétique, et qui probablement, se sont toutes pillées entre elles. Qu'on me permette de douter de leur qualité. C'est la seule chose qui m'importe. Barbebois ou Sylvebarbe, à la limite, c'est du pareil au même. Je suis bien plus soucieux des mots que l'on met dans la bouche de cet Ent.
* * *
Je suis assez d'accord avec vous : les critiques ont été, pour l'instant, assez superficielles. Mais pour les forums... c'est là que les critiques les plus pointues ont été émises, même si elles sont disséminées ici et là, au détour de discussions parfois longuettes. Ne comptez pas sur les médias mainstream, qui sont ni plus ni moins des organes de publicité. M'avez-vous entendu dans les médias ? Eh bien non. J'ai moi-même contribué à ce vide : je ne les ai pas nourris. Mais Vincent Ferré, qui est plus présentable que moi, a fait un travail remarquable pour faire connaître notre travail. Il a offert un discours substantiel à quelques journalistes distingués, dont certains qui auraient peut-être mérité votre attention. Et la publication est toujours en cours. Soyons patients.
Et selon certaines critiques que j'ai lu, ils ont eu ce qu'ils voulaient. Le langage apparemment plus "coulant" (ou plus simple) rend le texte plus propice à imaginer les scènes du film, selon certains critiques lu ici ou là. Bref, ils sont contents.
Et par association, me voilà couvert d'opprobre ! Non, je n'aime pas Jackson ; peut-être cela me rendra-t-il plus sympathique à vos yeux, ou peut-être pas. Mais les films sont la dernière chose à laquelle je pense, si j'y pense. Ils sont, chez moi, bien oubliés. Si mon style rend le texte plus propice à imaginer [les scènes du film], c'est peut-être qu'il est limpide. Aussi limpide que peut l'être Tolkien (son texte se lit tout seul, sans une once de lourdeur). Simple ? Oh, simple. Oui, j'ai lu cela quelque part. Ledoux serait complexe et archaïsant, et moi, je serais simple et actuel. Choisissez votre camp ! Ces jugements sont réducteurs, et ce sont des impressions. On n'échappe pas aux impressions. Je pourrais donner des exemples, mais le mieux est de faire votre propre idée. Je ne voudrais pas m'imposer.
Quant à Elendil, en voilà un qui ne m'a jamais fait de cadeau, sinon par sa grande érudition. Je ne l'ai jamais rencontré, mais si quelqu'un dans cette salle prétend avoir un jugement plus objectif que le sien, qu'il se lève !
M. Lauzon assume complètement cet univers parallèle (bien que fait sous la contrainte).
Toute traduction, pionnière ou non, constitue un univers parallèle. L'univers de référence étant, non pas la traduction de 1971, mais le chef-d'œuvre de 1954. D'autres univers parallèles viendront s'ajouter.
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« Couronnés de thym et de marjolaine,
Les Elfes joyeux dansent sur la pleine. »
Il est toujours difficile de discuter des goûts et des couleurs, surtout en matière d'onomastique.
En matière de tubs et autres cuves, aussi... mais merci encore d'avoir pris le temps de réagir sur ce point "chez la concurrence" ! ;-)
Je t'assure qu'on dirait les critiques officielles de Star Wars 7 (allez, un petit regret par là pour faire plus crédible).
Non, vraiment, il manque un peu d'équilibre. Mais je pense que cela viendra une fois le premier buzz passé (comme pour Star Wars).
S'agissant de Star Wars VII, pour qui voudrait entendre un autre son de cloche que celui de la critique dite officielle, on pourra lire l'article — intitulé "Un nouveau désespoir" — que Rafik Djoumi a consacré à ce film, il y a deux semaines, sur le site de Capture Mag, sans donc avoir attendu la fin du "premier buzz" (d'où d'ailleurs sans doute le flot de commentaires qu'il a reçu dans la foulée, commentaires dans l'ensemble tout-à-fait représentatifs d'un phénomène nommé shitstorm) : http://www.capturemag.net/etat-critique/un-nouveau-desespoir/
Quant à Elendil, en voilà un qui ne m'a jamais fait de cadeau, sinon par sa grande érudition. Je ne l'ai jamais rencontré, mais si quelqu'un dans cette salle prétend avoir un jugement plus objectif que le sien, qu'il se lève !
En ce qui concerne l'approche analytique, pour ceux qui le connaissent, Elendil, c'est un peu "The Brain"... donc effectivement je le vois mal pécher par subjectivité sur toutes ces questions de traduction et je peux témoigner, fusse modestement, qu'il est loin d'avoir été complaisant sur certains points à ce propos, notamment concernant le fameux cas de la Forêt de Grand'Peur... ;-)
Merdum ! Comment je vais pouvoir me procurer la Guerre des Joyaux traduit par Daniel, quand il sortira, un jour, c'est sûr, vu que j'en ai rêvé.
Ahhh, "la Guerre des Joyaux traduit par Daniel" !! :-))
Tss, tss, C'est L'Anneau de Morgoth d'abord !
Tsss... Moi, les enfants, ce sont les Peuples de la Terre du Milieu que j'attends depuis douze ans ! ;-p
Et l'Index général en guise de HoMe XIII pendant que l'on y est, histoire d'avoir enfin toute la série en français ! ^^
Amicalement,
Hyarion... toujours dans la Forêt de Trouille-Bleue, relisant Leconte de Lisle...
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Elendil, tu es de mauvaise foi pour Sylvebarbe. On peut toujours torturer tous les mots pour leur trouver le sens que l'on veut, cela reste de la mauvaise foi.
Ou alors cela s'appelle, mettons, de la philologie, au sens premier du terme. Une discipline que Tolkien ne méprisait pas... C'est au choix... mais si tu n'es pas capable d'admettre ma bonne foi en la matière, sache que tu t'exposes à la réciproque... nonobstant, si tu as de meilleures références que l'OED et le Trésor à ce sujet, je suis preneur...
Le fait que tu tutoies Daniel et l'appelle par son prénom parce que tu as eu la chance de le rencontrer, et pas Ledoux, est bien ce que je voulais exprimer. Cette relation privilégiée ne peut laisser objectif s'il s'agit de comparer. ("Voyons, qui ménager, un mort lointain jamais croisé ou un vivant dont tout le net bruisse et qui accepte l'échange et le dialogue ?")
Ce serait gentil d'arrêter de transposer sur moi tes opinions toutes faites, merci. Nous n'avons pas l'heur de nous connaître et je suis désormais convaincu que nous n'avons sans doute pas la même façon de percevoir le monde... Je doute que Daniel considère que je l'épargne particulièrement, et je ménage certainement bien plus Ledoux que je ne le ferais autrement, du simple fait qu'il n'est plus là pour défendre sa traduction...
Je crois que je n'aurais pas reproché à M. Lauzon de suivre la seule véritable directive claire de Tolkien (en un temps) : ne pas traduire les noms propres. Aurait-il conservé tous les noms originaux, je n'aurais rien eu à dire d'autre que de regretter a disparition des noms que nous connaissions, mais au moins cela avait un sens et ne créait pas d'univers parallèle.
Cette remarque ne démontre qu'une chose : que tu n'as jamais dû lire le « Guide to the Names in The Lord of the Rings », pourtant aisément accessible dans The Lord of the Rings: A Reader's Companion de Hammond & Scull, où Tolkien donne des instructions précises sur ce qui doit ou non être traduit. Et c'est un point à mettre au crédit tant de Daniel que de Ledoux (pour le SdA uniquement, dans son cas) de l'avoir lu et de s'être efforcés tous deux de le mettre en pratique dans toute la mesure où cela leur était possible. Maintenant, je me hâte de préciser que mon reproche ne vise pas le fait de n'avoir pas lu un écrit somme toute confidentiel de Tolkien, mais bien plutôt de supposer sans preuve que la lettre n° 190 représente la dernière vue de Tolkien sur la question, surtout quand on dispose de la lettre n° 297, qui indique clairement que Tolkien avait changé d'avis entre-temps.
E.
PS :
Tsss... Moi, les enfants, ce sont les Peuples de la Terre du Milieu que j'attends depuis douze ans ! ;-p
Et l'Index général en guise de HoMe XIII pendant que l'on y est, histoire d'avoir enfin toute la série en français ! ^^
Personnellement, je veux bien me farcir toute la concordance pour publier l'Index général en français le jour où HoMe XII sera publié dans la langue de Molière, i.e. avec des mots lexicalisés avant 1800, suivant une excellente réflexion de Daniel !
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Le fait que tu tutoies Daniel ...
Eh, quand même ! On est un peu entre nous, là, ne l'oublions pas... Je veux dire, entre gens qui viennent sur des forums parce qu'ils partagent une chose qui les réunit, un intérêt - sinon une passion - pour Tolkien, quand bien même tout le reste pourrait les distinguer (politiquement, religieusement, socialement, etc.). C'est ça aussi, la magie du truc, et l'enrichissement des échanges, la confrontation des idées partagées autour de ce point focal. Le tutoiement a toujours été plus ou moins de rigueur sur JRRVF. Nous nous tutoyons aussi, bien que nous ne nous soyons jamais rencontrés. C'est aussi par cette "rencontre" improbable, permise par le net, que beaucoup d'autres ont pu suivre, parfois même en physique, et que beaucoup de projets ont pu naître, personnels, associatifs ou éditoriaux : de belles aventures humaines. Il reste des êtres humains, derrière les claviers, du labeur et de la persévérance. Et puis pardon, au jeu des pseudonymes, on s'y perd un peu parfois, mais ce n'est pas comme si Daniel n'avait pas été membre de longue date de JRRVF (et de forums confrères*, pour certains disparus). C'est parfois un petit monde, presque qu'une famille : on prend quelquefois nos aises à la longue. C'est aussi comme cela que certains projets naissent, mais ça je l'ai déjà dit.
Barbebois ou Sylvebarbe, à la limite, c'est du pareil au même. Je suis bien plus soucieux des mots que l'on met dans la bouche de cet Ent.
Çà c'est une réponse qui envoie du bois ! -> Je sors
Didier.
* Rooh, Cédric, quand même !
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Pour le tutoiement, je confirme. D'ailleurs je devrais le mettre dans les "termes et conditions" du forum.
@Vinyamar : Daniel Lauzon = Greenleaf (mais en plus vieux - comme moi - , plus sérieux - pas sûr, faudrait que je demande autour de moi - , érudit - je sors -> )
* Rooh, Cédric, quand même !
Tut tut, si tu fais référence au mot "concurrents", le mot n'est pas de moi Si ce n'est pas ça, je n'ai pas compris
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Cédric: "le mot n'est pas de moi"
Oups, indeed, pardon, j'me suis gouré d'post ! L'air bien bête maintenant, tiens
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Merci Cédric
je me souviens en effet de GreenLeaf et de son érudition sur le forum.
Je connais bien les usages sur JRRVF, mais je vouvoyais Daniel car je vouvoie toujours les grands hommes (et les auteurs ou grands traducteurs en font partie chez moi), et car je le pensais plutôt visiteur de circonstance.
Une distance s'efface, et que je le veuille ou non, cela entamera forcément sinon l'objectivité, du moins la sévérité.
Elendil,
je te rassure, j'ai bien lu (ou du moins parcouru) the Guide to the Name (je me suis même replongé dedans hier par curiosité ainsi que dans les Letters car j'aimerais bien retrouver ce passage où Tolkien évoque des traductions en néerlandais (de mémoire) où il explique qu'évidemment les noms doivent pouvoir avoir une connotation propre à chaque pays pour "évoquer" de belles choses plutôt que des sonorité absurdes (il me semble qu'il prenait le champs de fleur pour exemple, mais je n'ai rien retrouvé).
Mais j'ai le sentiment que tu n'as pas lu ma courte parenthèse dans ma phrase (que j'ai mise là exprès en anticipant ce genre de réaction). Je la remet : "En un temps", Tolkien ne voulait pas que l'on traduise les noms propres.
J'éviterai de te répondre que toi aussi tu transposes sur moi tes opinions toutes faites, c'est puéril. La discussion est aussi faite d'hypothèses, de tentatives d'explications, confirmées ou infirmées dans le débat. Rien à voir avec des "opinions toutes faites".
Comme Hiswelokë, je préfère que les premiers traducteurs aient enfrein cette règle, ce qui a permis à Tolkien de changer d'avis (comme quoi, l'auteur n'a pas toujours raison à propos de son oeuvre - C'est d'ailleurs une constante dont nous avons de nombreuses fois parlé ici ou là).
Mais un retour à l'idée première aurait permis d'éviter ce 2e monde parallèle (le contexte étant, comme tu l'as bien noté, la comparaison avec d'autres textes antiques qui existaient en version vernaculaire avec des noms traduits ou des noms en version originale... mais guère de double traduction).
Pour le reste, je n'ai rien à ajouter, tout a été dit et confirmé.
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C'est le retour de l'âge d'or de JRRVF on dirait
(et donc aussi un peu du village gaulois des fous )
Youpi, je rajeunis de 10 ans :-)
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Greenleaf (lien) = Dernier message : 1969-12-31
Eh ben, ça fait un bail !
... Oui, Vinyamar, nous nous sommes sans doute déjà tutoyés ! Mais sous le nouveau pseudo, je suis amené à rencontrer des gens qui eux me connaissent, mais à qui je n'ai jamais parlé. C'est pourquoi je ne fais pas preuve d'autant de familiarité qu'avant. Mais je tutoie tous ceux qui me tutoient et cela me va.
> je vouvoie toujours les grands hommes
Si on se tutoyait ?
D.
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Grrenleaf (en plus vieux - comme moi - , plus sérieux - pas sûr, faudrait que je demande autour de moi
... certainement moins m'as-tu-vu !
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Voilà qui soulève bien des passions... concernant au final ce qui demeure un exercice de style. Car après tout, n'est-ce pas ce qu'est une traduction ?
Exercice néanmoins louable sans lequel nombre de lecteurs, au nombre desquels je compte, seraient passés à côté d'une œuvre originale servie par une langue érudite et complexe ; étrangère de surcroît.
Si le premier à s'y être essayé a abattu en son temps une véritable montagne, réjouissons-nous simplement qu'une nouvelle traduction, bénéficiant d'un plus grand recul, nous soit donnée pour notre plaisir de lecteur.
Aussi, des propos récents dans ce fuseau paraissent abruptes et quelques positions sans appel. Point n'est besoin de manifester de l'amertume dans un tel cas je crois.
DL a démontré avec quel sérieux il s'investit dans cette tâche. Les plus nostalgiques conserveront précieusement leur première version française, d'autres accueilleront la seconde comme un nouvel accès à l'édition originale.
Pour ma part je nous trouve chanceux, lecteurs francophones, d'avoir désormais accès à deux traductions, perfectibles certes, mais qui possèdent toutes deux ce pouvoir de nous inviter au voyage et d'ouvrir au profane une porte vers la langue et le monde de Tolkien.
L'exégète lui y trouvera du grain à moudre...
PS : en passant, si l'éditeur gagne de l'argent grâce à cet œuvre, c'est parce qu'il a un jour jugé bon de la publier et espérons que cela lui permette de continuer à nous faire découvrir d'autres auteurs...
@Elendil : excellent ce site du Trésor !
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Je viens de fermer à l'instant la dernière page des Deux Tours.
Il me tarde de me plonger dans la nouvelle traduction du Retour du Roi.
Quel plaisir de relire pour la X-ième fois (il y a longtemps que j'ai cessé de compter les relectures) le Seigneur des Anneaux. Mais plaisir renouvelé par le chemin différemment emprunté, comme si on redécouvrait un paysage à l'automne après l'avoir incessamment parcouru durant un long été.
Merci encore cher Daniel
I.
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Quel plaisir de se retrouver dans une librairie, de chercher au rayon fantasy, lettre T et de découvrir de nouvelles parutions..
J'ai lu avec beaucoup de curiosité les différents messages qui ont suivis l'accueil de cette nouvelle traduction et venant à peine de terminer la lecture de la Fraternité de l'Anneau (les Deux Tours s'en suivront prochainement) cela m'a amené à un sentiment étrange.. J'ai eu peur, peur de perdre mes images forgées au fil du temps de mes lectures, peur d'imaginer un univers un peu différent de celui que je connais déjà. Les mots résonnent et parfois, souvent, ils véhiculent leur propres entité, nourris par notre imaginaire, lui même dépendant de notre existence. Alors dans un réflexe de défense psycho-biblio-imaginaire, je me suis replongé dans mes vieilles pages jaunies de mon intégrale couverture souple traduite par Francis Ledoux et j'ai été réconforté. C'est à ce moment là qu'est venue cette réflexion que je tente tant bien que mal d'expliquer. Au fond, à trop vouloir réfléchir, "intellectualiser" l'auteur et ses écrits, décrypter la symbolique, les influences, les idées, les conceptions, en tant que simple lecteur curieux, n'ais je pas perdu de cette naïveté première? Cette faculté de découvrir? Oui, peut-être bien car après tout qu'est ce que je désire surtout? Oublier que j'ai lu le Seigneur des Anneaux pour le redécouvrir à nouveau...
Alors merci Daniel Lauzon d'avoir eu le courage d'accomplir ces travaux car si pour un lecteur comme moi c'est une belle manière de me questionner, je ne doute pas que pour celui qui n'a jamais lu Tolkien, son imaginaire trouvera une belle matière et que cette traduction deviendra SA référence.
Vous dites :"Toute traduction, pionnière ou non, constitue un univers parallèle. L'univers de référence étant, non pas la traduction de 1971, mais le chef-d'œuvre de 1954. D'autres univers parallèles viendront s'ajouter."
Je ne peux qu'être totalement d'accord et d'ajouter si vous me le permettez, que le chef d'œuvre appartient à chacun dans la représentation qui lui donnera le plus d'émotions à condition que cette représentation soit la plus respectueuse possible de l'œuvre originale. Et je pense que c'est ce que vous vous êtes efforcé de faire.
M.
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Merci Merlin, c'est agréable de vous lire. Ce que vous dites sur l'appropriation de l'œuvre par chacun est éminemment vrai : ce lien émotionnel très fort existe pour bon nombre de lecteurs, et c'est là, je crois, l'un des aspects les plus remarquables de ce livre. Le fait qu'il soit généralement découvert à l'adolescence n'est sans doute pas étranger à cela, mais je crois que cela tient aussi à la nature de l'œuvre.
Pour ce qui est de la première lecture, je ressens exactement la même chose que vous, seulement, j'ai un peu oublié la traduction de Ledoux (je me rappelle pourtant avoir beaucoup goûté les noms de "la" Comté, en particulier ceux du Pays de Bouc, qui avaient une étrange saveur) ; moi, ce sont les vieilles pages (et leur odeur si particulière) où j'ai découvert la version anglaise pour la première fois, après deux lectures de la traduction, qui me donnent encore aujourd'hui ce sentiment réconfortant. Mais je dois dire que la lecture que j'en fais en ce moment, si lente, si poussée, me fait découvrir l'œuvre sous un tout autre angle. Le charme en sera sans doute un peu brisé, mais je ne pense pas que j'en aurai fini un jour avec cette œuvre. Elle est, pour moi, trop riche.
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Bonjour,
Il y a quelques temps, j'avais exprimé certaines réserves sur la nouvelle traduction. Aujourd'hui, je lis le Seigneur des Anneaux à mon fils dans l'ancienne traduction de Ledoux (à sa demande). A l'occasion de cette énième relecture, peut-être parce qu'elle est à voix haute, je redécouvre mille problèmes de syntaxe, de contre-sens, de coquilles, de tournures lourdes, dans la traduction de Ledoux, davantage que ce que j'escomptais.
Cela pour dire, que je crois aujourd'hui, plus qu'hier, que cette nouvelle traduction n'était pas du luxe et qu'elle est bonne. Même si je comprends les raisons de tes critiques vigoureuses, Vinyamar, peut-être mettras-tu de l'eau dans ton vin dans les mois à venir.
Cela ne m'empêchera pas de toujours utiliser (en français parce que j'ai la chance de pouvoir aussi lire le livre en anglais) les noms propres inventés par Ledoux, parce qu'ils sont beaux - une traduction contient toujours sa part d'invention(s). Ceci n'est pas une critique en creux des choix de traduction de Daniel, mais tout simplement le constat qu'ayant grandi avec cette traduction et ces noms propres, il m'est impossible de penser à cette histoire et à ce monde de la Terre du Milieu avec en tête d'autres noms propres en français que ceux de Ledoux. Les noms viennent d'abord, l'univers ensuite, c'est une des leçons de Tolkien.
Mais les nouvelles générations n'auront pas ce problème et seront en mesure, comme c'est le cas aujourd'hui pour tous les grands écrivains, de choisir en toute connaissance de cause, entre les traductions de Ledoux et de Daniel (car les deux continueront d'être publiées en parallèle). Il n'y avait pas de raison, a fortiori vu les erreurs de la traduction de Ledoux, de priver les lecteurs de ce choix. Quant aux considérations commerciales de l'éditeur, elles n'ont rien à faire dans ce débat purement littéraire.
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Encore une fois, qu'une nouvelle traduction soit nécessaire, je ne le remet pas en cause.
Ce que je regrette, c'est d'avoir systématiquement effacé ce qu'il y avait de bien dans l'ancienne, afin de créer du totalement neuf, et pas toujours avec beaucoup de bonheur. La voie de la sagesse* aurait été de garder le meilleur de Ledoux et de corriger le reste.
De plus, je regrette que les motivations pour ce grand effacement ("du passé faisons table rase") soit motivé par les éléments que j'avais imaginé (sauf une, néanmoins soluble, des droits d'auteur), et qui ont tous été confirmé par Daniel, parfois à son insu , à savoir :
le besoin marketing d'une totale nouveauté
l'orgueil d'un traducteur qui ne veut pas compléter le travail d'un autre
les difficultés (pas insurmontables) à reprendre les droits d'auteur de Ledoux
qui aboutissent à ces deux univers parallèles de la création de Tolkien
Il est donc difficile pour moi d'avoir une position tranchée ou de pouvoir mettre de l'eau dans mon vin.
Oui il fallait retraduire le travail de Ledoux (mais avant lui, je trouve que les traduction du Silmarillion et des Contes et légendes étaient eux de fort mauvaise syntaxe française), mais le choix de raser totalement le passé me reste en travers de la gorge (surtout avec des créations sincèrement sans intérêt sinon celle de faire différent)
J'attend donc peut-être 2040 une 3e traduction qui fera l'harmonie entre tout cela, en attendant, je découvrirai peut-être la nouvelle traduction en entier un jour (obligatoirement si celle de Ledoux est vouée à disparaître des bibliothèques) et saurai m'en satisfaire pour ce qu'elle apporte de mieux, en pleurant tout de même ce qu'elle a détruit. Mais c'est comme ça.
"car les deux continueront d'être publiées en parallèle"
Non, Daniel a confirmé que la traduction de Ledoux va disparaître.
Ou alors je me replongerai définitivement dans le volume en VO version pavé que j'ai pour étudier le livre, mais j'aime quand même trop ma langue française pour ne pas bouder mon plaisir à lire des œuvres même anglaise dans un langage écrit lyrique et châtié qui soit cette langue.
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(* je sais qu'on dit la "voix de la sagesse", je me permet cette transformation, là)
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Semprini a écrit :"car les deux continueront d'être publiées en parallèle"
Non, Daniel a confirmé que la traduction de Ledoux va disparaître.
En fait, ce n'est pas tout-à-fait ce qu'il a dit, si on ne se limite pas à Bourgois. :-) Pour mémoire :
La traduction de Ledoux ne sera pas rééditée chez Bourgois, du moins, cela n'est pas envisagé. Les éditions Livre de Poche proposent actuellement les deux versions du Hobbit, à un prix comparable, et Pocket ajoutera sans doute à son catalogue la nouvelle traduction du SdA au moment voulu. Les deux versions vont-elles subsister longtemps ? Laquelle des deux l'emportera ? Ce choix appartient entièrement aux éditeurs Poche et Pocket. Aucune messe noire ne sera célébrée par votre serviteur pour l'obtention d'aucune faveur. Mais les traductions de Ledoux ont été assez largement diffusées pour rester trouvables pendant bien des années encore. Si un jour elles disparaissent, nous serons morts depuis longtemps, mon ami. Vous vous inquiétez pour rien.
Je pense que, comme l'a écrit Daniel, même si elle cesse d'être publiée par les maisons d'éditions "historiques", la traduction de Ledoux devrait rester longtemps disponible... au moins sur le marché de l'occasion, vu le volume très important des tirages effectués depuis des décennies, et notamment dans le sillage du tourbillon médiatique lié à la première trilogie de PJ. Par ailleurs, sauf erreur de ma part, les traductions de Ledoux devraient entrer dans le domaine public en 2060 : chacun devrait pouvoir alors les rééditer comme il voudra... à condition d'être toujours vivant à ce moment-là, bien entendu (et si possible sans tricher, comme certains le voudraient !)... ;-)
Pour le reste, comme je l'avais écrit dans ma critique du Hobbit annoté (in l'Arc et le Heaume n°4), aucune traduction d'une œuvre, fut-elle plus récente ou jugée spontanément "meilleure", n'a vocation à remplacer, et encore moins "effacer", une autre traduction l'ayant précédé : dans le cas du Seigneur des Anneaux comme dans le cas du Hobbit, les deux traductions ont naturellement vocation à coexister, tout simplement parce qu'elles font partie de l'histoire de la diffusion de l'œuvre de Tolkien en langue française. Et je ne crois pas que l'on soit obligé de se sentir soumis à la loi du marché, ici éditorial, sur ce point : grâce notamment au marché de l'occasion, qui me parait très ouvert sur ce point, le lecteur restera toujours libre de choisir, même s'il existe un choix "officiel" de facto selon les options prises par les maisons d'édition.
Il n'y avait pas de raison, a fortiori vu les erreurs de la traduction de Ledoux, de priver les lecteurs de ce choix.
En effet, on a parfois tendance à l'oublier, mais tout le monde n'a pas forcément facilement accès à la VO en anglais par ailleurs, et rien que pour cela, retraduire régulièrement des œuvres en langue étrangère n'est jamais du luxe. Et de toute façon, comme l'a écrit Umberto Eco, traduire c'est "dire presque la même chose", donc évidemment, vu les nombreuses interprétations possibles selon les traducteurs, plus on a de choix dans ce domaine et mieux c'est, au-delà de la nécessité de simplement corriger les erreurs du passé.
Amicalement,
Hyarion... qui s'est aperçu, l'autre jour, après bien des années, qu'un passage d'un roman de Tanith Lee avait été coupé sans le dire dans sa traduction française la plus diffusée depuis plus de vingt ans... et il m'a évidemment fallu passer par la VO du roman The Birthgrave, rééditée l'année dernière, pour m'apercevoir de cette coupe... qui en sus n'est visiblement pas un oubli puisque c'est in fine tout un passage du texte qui a apparemment été en quelque sorte "aménagé" pour que la coupure ne se voit pas (?!). Moralité : si vous n'êtes pas content d'une traduction de l'anglais, dites-vous qu'il y aura toujours la VO si vous pouvez la lire... mais que quand on voit qu'un traducteur travaille sur une œuvre visiblement consciencieusement en respectant le texte de l'auteur tout autant que les lecteurs (en ne leur cachant rien du texte, pour commencer !), il vaut mieux quand même se dire que c'est déjà beaucoup par rapport à bien d'autres situations sur lesquelles on peut tomber (cf. l'exemple que je viens de citer)...
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le choix de raser totalement le passé me reste en travers de la gorge (surtout avec des créations sincèrement sans intérêt sinon celle de faire différent)
Des exemples ! Des exemples !
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... les difficultés (pas insurmontables) à reprendre les droits d'auteur de Ledoux
Qu'est ce qui permet de dire ça (ou le contraire) ?
Didier.
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Vinyamar fait visiblement la sourde oreille. Il fait semblant de ne pas comprendre ce qu'on lui soumet.
"Le besoin marketing d'une totale nouveauté"
est une invention de son esprit, une sorte de fantasme auquel il revient sans cesse, peut-être pour justifier un parti pris outrancier et finalement déraisonnable, puisqu'il parle sans connaître. Personne ne m'a jamais parlé de ce besoin et je ne l'ai jamais ressenti.
"L'orgueil d'un traducteur qui ne veut pas compléter le travail d'un autre"
est une calomnie, ou si vous voulez, une injure. Elle me glisse derrière la tête comme de l'eau sur le dos d'un canard, pour reprendre une expression bien de chez nous. Les choix de l'éditeur Bourgois ne dépendent pas de ce que je veux ou ne veux pas faire. Vinyamar me donne trop d'importance.
"Les difficultés (pas insurmontables) à reprendre les droits d'auteur de Ledoux",
voilà enfin une supposition qui m'apparaît très hasardeuse. Mais ce n'est pas mon domaine.
Je ne m'étendrai pas plus longuement là-dessus...
Bien le bonjour
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Ledoux a eu ses détracteurs, voilà qu'il a ses défenseurs. Etrange comme l'histoire évolue...
Vin', je trouve dommage de dériver (que tu dérives) vers des considérations qui, soyons honnête, ne sont pour une bonne partie que des hypothèses de ta part. On en viendra bientôt à la théorie du complot, au Système et discussions de comptoir si on continue dans cette voix là... Limitons-nous aux faits, à la traduction, aux traductions, proprement dites stp.
Cédric
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De plus, je regrette que les motivations pour ce grand effacement ("du passé faisons table rase") soit motivé par les éléments que j'avais imaginé (sauf une, néanmoins soluble, des droits d'auteur), et qui ont tous été confirmé par Daniel, parfois à son insu , à savoir :
le besoin marketing d'une totale nouveauté
l'orgueil d'un traducteur qui ne veut pas compléter le travail d'un autre
les difficultés (pas insurmontables) à reprendre les droits d'auteur de Ledoux
... Non, Daniel a confirmé que la traduction de Ledoux va disparaître.
Il me semble que tu transformes ici de simples suppositions (faites par toi) en certitudes aux allures de procès d'intention. Pour ma part, je n'ai pas de doute sur le fait que la traduction de Ledoux ne va pas disparaitre, car malgré ses erreurs, elle est bonne. Je me répète, mais il y a beaucoup d'écrivains qui bénéficient de différentes traductions, lesquelles continuent d'être publiées en parallèle. Et je suis également persuadé que dans quelques mois, tu auras une position plus nuancée sur la traduction de Daniel (même sur la forêt de Grand'Peur, hein... ).
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Hyarion, prétendre que la traduction de Ledoux va co-exister avec la traduction de Daniel Lauzon sous prétexte que les livres d'occasion continueront à se vendre est tout de même d'une sacrée mauvaise foi.
Non, la traduction de Ledoux a vocation a être remplacée par celle de D. Lauzon, que ce soit bien ou mal, c'est un fait. Et je pense impossible qu'une autre maison d'édition puisse racheter les droit du même titre sous une autre traduction pour la diffuser (et probablement maladroit au niveau marketing)
Il me semble que tu transformes ici de simples suppositions (faites par toi) en certitudes aux allures de procès d'intention
Je suis obligé d défendre mon honneur. Non, ce ne sont pas des suppositions, c'est ce que dit Daniel lui-même :
"La traduction de Ledoux ne sera pas rééditée chez Bourgois, du moins, cela n'est pas envisagé. Pocket ajoutera sans doute à son catalogue la nouvelle traduction du SdA au moment voulu. Les deux versions vont-elles subsister longtemps ? Laquelle des deux l'emportera ? Ce choix appartient entièrement aux éditeurs Poche et Pocket. Les traductions de Ledoux ont été assez largement diffusées pour rester trouvables pendant bien des années encore"
Daniel Lauzon
Donc seule la traduction de Lauzon perdurera pour les nouvelles générations, et celle de Ledoux deviendra lentement une coquetterie d'anciens lecteurs, accessible dans le marché de l'occasion, que les jeunes générations regarderont avec complaisance ("oh l'ôt, il parle de Bilbon Sacquet de Besace, le grand père ! Tout le monde sait qu'il s'appelle Bilbo Bessac Desarcelle. C'bouffon !"
Druss demande des exemple de "créations sincèrement sans intérêt sinon celle de faire différent".
Fort bien. Alors je sais que Daniel se défend en expliquant que chacun de ses choix est forcément mieux que celui de son prédécesseur et que c'est pour cela qu'il a préféré remplacer telle ou telle lettre, mais franchement, était-il plus important de laisser un mot presque identique ou de créer tout un univers parallèle ?
Non, la vraie raison est donnée par Daniel Lauzon lui-même (je le cite plus tard)
Brandebouc --> Brandibouc
Chèvre-feuille --> Chèvrefeuille
Demi-elfe --> Semi-Elfe
Suderons --> Sudrons
Soucolline --> Souscolline
Touque --> Touc
Bolger --> Bolgeurre
Bophin --> Boffine
Beornides --> Béorniens
Samsagace Gamegie --> Samsaget Gamgie
Piedardent --> Pied-de-Feu
Seigneur Ténébreux --> Seigneur Sombre
Tous les noms des poneys
j'en passe
Sincèrement, vous pensez vraiment que ça valait la peine de modifier ces noms là pour ce résultat là ??
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On me demande de justifier ce qui me permet de penser que reprendre les droits d'auteur de Ledoux n'était pas insurmontable.
Alors sur ce terrain je ne suis pas un expert, mais je suppose que les propriétaires de droit d'auteurs sont comme tous les propriétaires. Je suis convaincu que de tels droits peuvent se racheter pour peu de savoir argumenter.
Je doute que les héritiers soient ravis d'apprendre que s'ils ne cèdent pas les droits, le colossal travail de leur aïeul disparaîtra dans l'oubli, car tout va être recommencé de zéro.
Donc déjà, évoquer la pérennité de ce travail pour les afficionados de Tolkien est certainement un argument qui aurait fait mouche
Bien sûr en proposant un prix à la mesure de la valeur de ces droits
Car à présent les héritiers ont tout perdu, et leur droit ne vaudra plus tripette d'ici une décennie. Mais je doute beaucoup que Bourgois ait tenté ce genre de négociation. Encore une fois, il a vu avec D. Lauzon un atout considérable et a préféré faire du neuf pour mieux vendre (et ceci n'est pas péjoratif, je suis dans les affaires, et je comprend complètement ce point de vue).
Cependant, Daniel nous dit plus bas qu'il n'aurait pas beaucoup apprécié reprendre quoi que ce soit d'un autre traducteur. C'est dommage.
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Allez, on prend le taureau par les cornes.
Tout d'abord, Daniel, je veut que vous sachiez que ne renie en rien ce que je disais plus haut, vous êtes pour moi un grand homme (et je n'arrive d'ailleurs pas à te tutoyer quand bien même je m'y efforce), car s'attaquer à une œuvre pareille et réaliser un travail aussi titanesque relève de l'exploit. Et cet exploit reste une exploit, et vous vaut pour toujours une immense considération. Et je vous parle comme je parlerai à Francis Ledoux s'il avait pu venir en ces lieux, et comme je suis sûr d'autres très critiques envers Ledoux lui parleraient également s'il avait pointé le bout de son nez (Je ne sais s'il aurait tenu longtemps ici quand on lit ce qu'on y lit à son sujet)
"Le besoin marketing d'une totale nouveauté"
est une invention de son esprit, une sorte de fantasme auquel il revient sans cesse, peut-être pour justifier un parti pris outrancier et finalement déraisonnable, puisqu'il parle sans connaître. Personne ne m'a jamais parlé de ce besoin et je ne l'ai jamais ressenti.
Je cite :
"Que celui qui n'a jamais acheté l'un des re-re-re-re-tirages de Bilbo le Hobbit chez le Livre de Poche, ou l'énième (fausse) intégrale du SdA première mouture chez Pocket (deux maisons qui n'ont d'autre ambition que de vendre le plus de livres possible, en usant de tous les prétextes possibles - ce qui, au demeurant, reste tout à fait légitime, dans un libre marché !) jette la première pierre à Bourgois."
Daniel Lauzon
Je ne sais pas si cette phrase est claire pour tout le monde, mais elle signifie "que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre à ce pécheur". Comprenez bien : ok, il a fait une réédition pour vendre plus, mais les autres faisant pareil, merci de ne pas le critiquer.
je recite
"À l'époque des films du Hobbit, on ne comptait plus les rééditions, chez Poche ou Pocket. Elles ne proposaient rien de neuf, sinon une nouvelle couverture ; mais je ne vous ai pas entendu les critiquer. Ici, on propose du nouveau. Demander 20 euros pour cela, ce n'est tout de même pas la lune. Alors que d'autres éditions vous proposent bien moins pour beaucoup plus. "
Daniel Lauzon
On me reproche ici ou là de me plaindre, et que les nouveaux noms valent bien les anciens, et que si Daniel Lauzon les a retraduit, c'est qu'il y avait une bonne raison linguistique.
Non, il y a surtout une raison légale, indiquée par Isengar et confirmée par Daniel : les noms appartenaient à Ledoux et il était donc OBLIGÉ de les remplacer. Nous avons donc un univers parallèle pas du tout justifié par une meilleure traduction (à part quelques noms sans doute), mais imposé par des motifs légaux. Et là j'en veut encore à Bourgois ne n'avoir pas tenté de négocier les droits de Ledoux ! (ou de nous dire ce qui a cloché)
" cela a été dit plusieurs fois. Les noms de Ledoux appartiennent à Ledoux et sa traduction, point."
C'est qu'en plus le sujet le met en colère... Pourquoi donc ??
"j'ai fait table rase et j'ai produit une traduction en me fondant sur l'original, sur les indications laissées par Tolkien, et sur ma propre créativité
Être contraint à tout refaire du début m'a forcé à pousser plus loin.
Daniel Lauzon
La nouvelle traduction a donc bien été faite sous une contrainte ferme : l'interdiction de reprendre les beaux noms de Ledoux, et donc de tout recréer à zéro, de créer un univers parallèle, puis de défendre coûte que coûte les nouveaux choix pour des motifs linguistiques alors que ce n'est pas là que cela se jouait.
Du coup il n'y a aucune accusation contre Daniel Lauzon, contrairement à ce que l'on veut me faire dire. Il n'y a qu'une lucidité que l'on m'interdit, et un regret : retraduire, oui il fallait le faire, mais détruire de façon systématique le travail de Ledoux, non il ne fallait pas.
Je suis écrivain à mes heures perdues, et ce qui est certain, c'est que je profite de toutes les critiques qui me sont faites pour progresser, pour m'améliorer. Je les prend pour des outils de progression, et je considère toujours que si un lecteur n'a pas aimé quelque chose, c'est soit que je l'ai mal expliqué dans le texte (donc mal écrit), soit que c'était une mauvaise idée (il y en a), soit si vraiment après 10 relectures je ne vois pas comment j'aurais pu l'écrire autrement, me dire que ce livre ne lui était pas destiné (et quelque part que j'ai manqué mon public). Et beaucoup d'auteurs ont ce comportement et attendent avec impatience les critiques. Certes, elles blessent, mais du coup on fait encore mieux le coup d'après.
Mais là je vois un comportement tout autre. Ce que je constate surtout c'est que Daniel Lauzon ne tolère aucune remise en cause de son travail (si ce n'est sur des erreurs involontaires), et ne se remet jamais eu cause. Il n'a absolument aucun doute qu'il a fait ce qui était le mieux possible, et qu'aucun autre choix que les siens n'aurait pu être meilleur. Je ne vous connais pas dans le privé, mais c'est l'image publique que vous donnez (parce que votre job est de vendre votre travail peut-être ?)
Pourtant, je lis :
"La voie de la facilité aurait été de conserver les "bons" noms tels quels, et de retraduire le reste. De m'approprier ce qu'il y a de meilleur dans le travail d'autrui, pour le prendre à mon compte, signer le contrat, mettre mon nom sur la 4e de couverture, et hop ! Heureusement, nous sommes à l'ère du droit d'auteur, qui protège les auteurs [...] des traducteurs improvisés et sans scrupules"
Daniel Lauzon
Je comprend fort bien. Daniel aurait trouvé détestable de reprendre un seul mot de Ledoux, car il aurait assimilé cela à un travail improvisé, sans scrupule. Du vol. Il me semblait avoir lu sous sa plume qu'un "traducteur digne de ce nom" ne reprenait pas le travail d'un autre. (mais le message a peut-être été modifié depuis, cela ne laisse plus de traces...)
Pourtant le travail ici à faire, à mon avis, n'était pas de satisfaire le traducteur (capable de se dire "c'est moi qu'ait tout fait tout seul"), mais bien le lectorat, habitué à des noms qui avaient le droit de perdurer tant qu'aucun motif linguistique n'imposait sa disparition.
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J'avoue que c'est plus dur de te critiquer maintenant que je sais que tu es Greenleaf, mais je me dois d'argumenter sur mes propos.
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Vinyamar,
Hyarion, prétendre que la traduction de Ledoux va co-exister avec la traduction de Daniel Lauzon sous prétexte que les livres d'occasion continueront à se vendre est tout de même d'une sacrée mauvaise foi.
Pardon, mais je ne vois pas en quoi il s'agit de mauvaise foi.
Que ce soit un fait que la traduction de Ledoux ait vocation a être remplacée par celle de Daniel, certes. Mais que les deux éditions continueront de co-exister, au moins pendant quelques années, c'est aussi un fait.
retraduction inutile
Très présomptueux comme accroche. On dirait un brulôt anti-film de l'Isengar des années 2000... par expérience, ce genre de déclaration à l'emporte-pièce fait très vite pshiit...
Sincèrement, vous pensez vraiment que ça valait la peine de modifier ces noms là pour ce résultat là ??
Sincèrement, oui.
Ce résultat-là est aussi satisfaisant, sinon, plus, mais pas moins, que le travail de Ledoux. Alors, oui. Ça en vaut la peine.
Encore faut-il la prendre, cette peine, de lire la retraduction, pour être en mesure de comprendre à quel point l'assertion "retraduction inutile" est vaine...
Mais n'essaierais-tu pas, avec ce genre de question, de faire passer l'idée que ceux qui ne penseraient pas la même chose que toi seraient forcément insincères ?
Pourtant le travail ici à faire, à mon avis, n'était pas de satisfaire le traducteur (capable de se dire "c'est moi qu'ait tout fait tout seul"), mais bien le lectorat, habitué à des noms qui avaient le droit de perdurer tant qu'aucun motif linguistique n'imposait sa disparition.
Grmbl...
Te rends-tu compte que cette phrase est terriblement subjective et ego-centrée, Vinyamar.
Tu évoques un lectorat aux allures figées qui déplorerait uniformément la retraduction... mais je crois faire partie du lectorat en question, et je ne m'associe pas du tout à cette vision des choses. Et je crois savoir que je ne suis pas le seul... et toi, combien êtes-vous pour parler au nom du lectorat ?
Le lectorat de Tolkien en français (qui a bon dos, comme dirait Didier), ne t'en déplaise, est extrêmement varié. On ne peut certainement pas plaire à tout le monde, mais il faut surement préciser ici que rien ne ressemble moins à un lecteur de Tolkien qu'un lecteur de Tolkien. Il y a tous les âges, tous les genres, toutes les origines sociales, ethniques, religieuses ou nationales. Il y a des lecteurs qui ont vu les films, d'autres non. Et il y a des lecteurs qui sont habitués aux noms choisis par Ledoux en son temps, d'autres pour lesquels ça n'a absolument pas d'importance, et d'autres enfin qui ne savent même pas qui est ce Samsagace au nom ridicule dont tu conspues une "disparition" qui n'en est pas une, puisque - sauf erreur de ma part - le nom Samsagace n'a pas "disparu" de ma vieille édition du Seigneur des Anneaux, que je relirai avec plaisir de temps à autres.
Par ailleurs, un auteur ou un traducteur qui n'est pas satisfait de son propre travail mais qui le publie malgré tout, ça s'appelle comment ?
Mais là je vois un comportement tout autre. Ce que je constate surtout c'est que Daniel Lauzon ne tolère aucune remise en cause de son travail (si ce n'est sur des erreurs involontaires), et ne se remet jamais eu cause.
Mais j'espère bien qu'il ne se remettra pas en cause !
Et pourquoi donc le ferait-il, s'il te plaît ? Parce qu'un lecteur lambda - qui n'a pas non plus l'intention de se remettre lui-même en question - ne supporte pas que dans son imaginaire, il puisse y avoir à la fois un Bilbon Sacquet d'un côté, et un Bilbo Bessac de l'autre ?
Mais qu'est-ce que ça peut faire ??? D'autant qu'il a aussi un Bilbo Baggins qui traîne et que ça ne pose pas tant de problèmes que ça, visiblement.
Aurais-tu abordé le sujet avec moins de véhémence et de mépris ("Vous êtes un grand homme, et vous faites de la merde"), avec du "ce cher vieux Greenie" et un tuvoiement par ici ou un voutoiement par là, que ça n'aurait rien changé non plus.
Personne ne t'oblige à être d'accord avec les choix de Daniel. Inversement, n'attaque pas Daniel sur le fait qu'il n'entendra légitimement pas plus être d'accord avec toi. Et pourvu qu'aucun coup de menton, porté par internet par-dessus un océan, ne remette jamais en cause son projet littéraire !
Bref, tout ceci brouille complètement ton message et à la fin, on ne voit pas très bien où tu veux en venir et où se situe précisément ta gêne - car gêne il y a, indéniablement.
Que des certitudes soient bousculées de temps en temps, ça ne peut pas faire de mal. Qu'on refuse de l'accepter, c'est un autre problème mais qui ne regarde que soi, en fin de compte.
En toute amitié agacée
I.
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Non mais Isengar, faut contextualiser hein.
Sur le coexistence de deux traductions, le contexte est celui des futurs lecteurs.
Evidemment que Bourgois ne va pas passer au feu tous les exemplaires en circulation chez les particuliers. C'est quoi cette théorie ?! Mais l'ancienne traduction ne coexistera pas dans les librairies avec la nouvelle. Et c'est assez normal.
C'est juste que certains prétendent le contraire.
Sur les retraduction inutiles, je "résume" par ce tire la question de "certaines" retraduction qui n'en valent pas la peine. Je t'écoute argumenter pour me dire qu'il valait mieux que tout le monde change de vocabulaire entre Brandebouc et Brandibouc (comme si on ne pouvait pas conserver au moins Brandebouc)
Je ne fais passer aucun message, je vous respecte tous bien trop, merci de ne pas me prendre non plus pour un demeuré inculte et de rester dans le contexte de chaque propos.
Pour le reste, j'ai été assez clair je crois et je ne jetterai pas plus d'huile sur le feu.
(et si je veux vouvoyer Daniel et tutoyer Greenleaf, n'en ai-je pas le droit ? je revendique le droit à la même schizophrénie que celui qui a plusieurs pseudos. Non mais ! )
Je n'arrive manifestement pas à faire comprendre mon point de vue et suis manifestement le seul à avoir un problème, inutile que je monopolise l'espace ici.
J'ai pu m'exprimer et avoir les réponses que je voulais, j'en resterai donc là, pourvu qu'on ne me fasse pas de mauvais procès.
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Que des certitudes soient bousculées de temps en temps, ça ne peut pas faire de mal. Qu'on refuse de l'accepter, c'est un autre problème mais qui ne regarde que soi, en fin de compte.
Merci pour ton message, JR. :-)
J'approuve évidemment ces propos en tout point.
Vinyamar,
Vinyamar a écrit :Hyarion, prétendre que la traduction de Ledoux va co-exister avec la traduction de Daniel Lauzon sous prétexte que les livres d'occasion continueront à se vendre est tout de même d'une sacrée mauvaise foi.
Pardon, mais je ne vois pas en quoi il s'agit de mauvaise foi.
Que ce soit un fait que la traduction de Ledoux ait vocation a être remplacée par celle de Daniel, certes. Mais que les deux éditions continueront de co-exister, au moins pendant quelques années, c'est aussi un fait.
Je repense à nouveau, sans prétention, à une formule du désormais regretté Umberto Eco : « voir du sens là où on serait tenté de ne voir que des faits. »
Voir du sens, ce n'est pas voir la Vérité, quand bien même celle-ci s'appuierait sur quelque "religion des faits". Je m'exprime, comme d'autres, depuis le point de vue qui est le mien, en un lieu et à une époque donnée, en me gardant bien de m'accrocher à des certitudes comme une bernique à son rocher, particulièrement en ce qui concerne l'avenir. Je ne sais pas trop ce que veux dire Vinyamar en parlant de "sacrée mauvaise foi", mais personnellement, ici, je ne prêche aucune foi, ni bonne, ni mauvaise. J'ai dit honnêtement ce qui de mon point de vue "avait vocation à", en tenant compte des faits et en essayant d'y voir du sens... mais en recherchant un point d'équilibre, ce qui suppose notamment d'éviter de se laisser aller à noircir un tableau que me parait n'en avoir nul besoin.
Amicalement,
Hyarion... lisant De Superman au Surhomme (Il superuomo di massa), un des nombreux essais d'Umberto Eco dont j'avais jusqu'ici retardé la lecture...
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merci de ne pas me prendre non plus pour un demeuré inculte
Alors essaye au moins de chercher à comprendre le pourquoi de chaque modification qui, si elles te paraissent inutiles, ont pourtant chaque fois une raison d'être. Je t'assure que tu perdrais moins de temps à t'y pencher qu'à t'offusquer de leur modification sur ce forum.
Sur les retraduction inutiles, je "résume" par ce tire la question de "certaines" retraduction qui n'en valent pas la peine. Je t'écoute argumenter pour me dire qu'il valait mieux que tout le monde change de vocabulaire entre Brandebouc et Brandibouc (comme si on ne pouvait pas conserver au moins Brandebouc)
Peut-être parce que Brandybuck est intimement lié à Brandywine, et que ce dernier possède une connotation relative aux spiritueux : par le suffixe wine « vin » et que dans le récit, ce nom est donné par les hobbits à la rivière à cause de sa couleur brune semblable à de la bière. On pourra également arguer que le premier terme brandy rappelle étrangement un certain spiritueux, effet réfléchi de la part de Tolkien. Que si Daniel Lauzon rend Brandywine par Brandivin, sans doute pour garder le rappel sonore au spiritueux, le même rappel doit être conservé dans la traduction de Brandybuck, soit Brandibouc.
La preuve qu'une simple lettre modifiée peut changer tout le processus créatif, malgré ce que tu en penses.
Chèvre-feuille --> Chèvrefeuille
Simple homogénéisation de la graphie selon la VO. Ainsi Goatleaf en un seul mot, traduit par Chèvrefeuille, sans tiret. Pas de quoi monter sur ses grands chevaux.
Piedardent --> Pied-de-Feu
Je crois avoir déjà répondu à ça, non ? Je vais m'autociter, rien ne vaut de répéter à quelqu'un qui ne semble pas lire ce qu'on lui dit :
La solution suivie par Daniel suivant les instructions de Tolkien, est de proposer les noms des chevaux du Rohan dans leur forme vieil-anglaise suivie de leur traduction (car c'est le point important, le nom n'est pas lâché seul sans éclaircissement dans le texte). C'est à la fois élégant et permet au lecteur de conserver la 'couleur locale' qui imprègne le Rohan : Scadufax, Cheveux d'Ombre ; Snawmana, Crins-de-Neige ; Fyrfot, Pied-de-Feu...
Le nom du cheval n'est pas Pied-de-Feu, mais Fyrfot ; Pied-de-Feu est sa traduction littérale le suivant dans le texte. Et c'est sans même parler de la qualité de la traduction de Ledoux, dont on pourrait discuter.
Demi-elfe --> Semi-Elfe
Ah, je l'aime bien celui-là ! Cela démontre déjà que tu découvres la traduction de Daniel Lauzon par le Seigneur des Anneaux. Pourtant, Semi-Elfe existe depuis belle lurette dans ses traductions des HoMe, donc depuis au moins 2007, dans la Formation de la Terre du Milieu. Étonnamment, ça n'a jamais choqué personne à l'époque.
Mais soit, pourquoi remplacer par Demi par Semi. Inversement, soyons fous, pourquoi avoir remplacé semi-homme, par demi-homme, pour parler des hobbits ? On est dans la même question. L'explication semble pourtant aller de soi. Un hobbit est bien un demi-homme par la taille (l'autre moitié n'existe pas), alors que semi implique qu'il y a deux moitiés présentes puisqu'un descendant d'un elfe et d'un humain aura une moitié de sang humain et l'autre de sang elfique.
Touque --> Touc
Franchement, est-ce que ça vaut la peine de se demander pourquoi, quand la VO est Took ?
Bolger --> Bolgeurre / Bophin --> Boffine
Samsagace Gamegie --> Samsaget Gamgie
Samwise, signifie "à demi-sage" en opposition à Frodo, la sagesse incarnée (sam anglo-saxon = semi latin). Lauzon conserve la racine Sam, mais utilise le diminutif -saget pour conserver l'idée que Sam a une sagesse réduite, ce qui ne transparaît pas dans le Samsagace.
Etc., etc., on pourrait continuer pendant des heures sans vraiment prendre en défaut les choix de Lauzon, pour peu qu'on veuille faire l'effort de si intéresser.
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Peut-être parce que Brandybuck est intimement lié à Brandywine, et que ce dernier possède une connotation relative aux spiritueux : par le suffixe wine « vin » et que dans le récit, ce nom est donné par les hobbits à la rivière à cause de sa couleur brune semblable à de la bière. On pourra également arguer que le premier terme brandy rappelle étrangement un certain spiritueux, effet réfléchi de la part de Tolkien. Que si Daniel Lauzon rend Brandywine par Brandivin, sans doute pour garder le rappel sonore au spiritueux, le même rappel doit être conservé dans la traduction de Brandybuck, soit Brandibouc.
La preuve qu'une simple lettre modifiée peut changer tout le processus créatif, malgré ce que tu en penses.
Autant je suis d'accord avec le reste de ton message (au même titre que ceux d'Hyarion et d'Isengar plus haut), autant c'est justement un des rares noms pour lesquels je trouve que Ledoux avait trouvé mieux. En effet, le brandywine (dont brandy est une abréviation) est un « vin brûlé », donc un alcool distillé à partir de vin. Or justement, ce terme possède un équivalent français exact qui est brandevin, nom attesté depuis le XVIIe siècle, et même avant sous une variante orthographique légèrement différente. Par conséquent, le meilleur nom possible pour la rivière était bien Brandevin et par conséquent Brandebouc pour la famille. Au surplus, ce Brandebouc évoquait la brande, donc un terrain destiné à être essarté par le feu, ce qui est précisément la manière dont les Brandebouc luttent contre la Vieille Forêt. Il n'est même pas totalement impossible que cette connotation supplémentaire ait été voulue par Tolkien si on songe que brand est un nom poétique anglais bien attesté pour un brandon.
Je trouve quelque peu dommage ce Brandivin qui fait un peu abstraction de la richesse du français pour coller de plus près à l'anglais. Maintenant, ce n'est pas non plus une catastrophe, car le choix de Lauzon n'est pas mauvais en soi.
E.
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Donc seule la traduction de Lauzon perdurera pour les nouvelles générations, et celle de Ledoux deviendra lentement une coquetterie d'anciens lecteurs, accessible dans le marché de l'occasion, que les jeunes générations regarderont avec complaisance ("oh l'ôt, il parle de Bilbon Sacquet de Besace, le grand père ! Tout le monde sait qu'il s'appelle Bilbo Bessac Desarcelle. C'bouffon !"
Mais qu'en sais-tu ? Supposition à nouveau. Je me répète mais pour beaucoup de grands écrivains étrangers, des traductions différentes continuent justement de coexister en librairie et ce depuis des années (des dizaines d'années même pour certains), sans que l'une remplace les autres. Et les lecteurs en sont heureux . Pourquoi serait-ce différent pour Tolkien ? As-tu déjà fait l'exercice de lire Dostoïevski chez Folio/Gallimard et de le lire chez Babel/Actes Sud ? Tu verras que les traductions sont totalement différentes ... qu'est-ce qui te fait croire que les éditions pockets et gallimard du Seigneur des Anneaux reprendront la traduction de Daniel ? Rien. Supposition de ta part. Pour ma part, je suis persuadé qu'au moins l'une d'elle gardera Ledoux.
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Pocket mettra en vente celle qui se vend le plus, c'est sa politique (donc si la nouvelle traduction dépasse les XXX exemplaires par an, elle passera presque automatiquement en édition)
En revanche, j'ignorais qu'il existait une édition Gallimard, donc oui, pour elle ce n'est que supposition. Histoire d'être cohérent.
Autrefois on m'affirmait qu'il était impossible que pour une même œuvre il coexiste (en publication) plusieurs traductions. Les affirmations des connaisseurs sur ces questions semblent aller et venir...
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Semprini a raison. On ne saurait prédire l’avenir, mais deux traductions qui coexistent, ce n’est pas inédit (excusez le jeu de mots), ça se voit même souvent, pour les classiques. LotR vient d’avoir soixante ans. Des millions d’exemplaires vendus sur une longue période, un très vaste lectorat. Deux traductions, pour ne parler que du français. C’est le même cas de figure. Et quand l’ancienne traduction tombera dans le domaine public, il est probable qu’un éditeur va publier de nouveau cette traduction dans une édition bon marché.
Vinyamar cherche à noircir le tableau parce qu’il n’est pas content. Sa réaction est compréhensible et il n’est pas le premier. Sur la page Facebook de la nouvelle traduction, nous avons reçu ce message d’une personne qui m’avait interpellé au début pour les mêmes raisons :
J'avoue sans ambages que j'étais assez sceptique quand les premiers noms de la nouvelle traduction sont sortis, mais en étudiant de plus près les changements et en lisant et relisant les traductions de Ledoux, la version originale ainsi que la traduction allemande, je me suis rendu compte de la beauté de cette nouvelle traduction, et tout particulièrement des poèmes que je ne lisais qu'en anglais auparavant.
Je préfère m’en remettre à ce jugement qu’à celui-ci, par exemple (sur le Hobbit) :
Je suis déçue de cette traduction qui ne correspondant pas du tout à l'histoire [sic] trop de choses et d'événements ont été modifiés, les noms de certains personnages, les endroits. J'ai essayé de le lire entièrement mais je n'ai pas pu aller jusqu'à la moitié.
Ou à celui-ci (sur le Hobbit etLe Seigneur des Anneaux, en bloc) :
Immonde traduction. - On s'attendait volontiers à une révision de la traduction de Ledoux plutôt qu'à cette hérésiarque nouvelle traduction. Non seulement M. Lauzon jette la confusion parmi les lecteurs en retraduisant (de façon souvent tendancieuse d'ailleurs) des noms de personnages ou de lieux en bafouant de manière flagrante les règles de linguistique et philologiques si chères à Tolkien. [sic] Il faudrait bien quinze pages pour faire le catalogue complet de toutes les incohérences, raccourcis et appropriations que cette traduction véhicule.
Oui, vous avez bien lu. Incohérences (!), raccourcis (aux champignons ?) et appropriations. Sûrement que « Grand’Peur » est à mettre au rang des appropriations. Pour l’instant, je n’en vois pas d’autre, si quelqu’un veut bien éclairer ma lanterne.
Ce « critique » poursuit :
Peut-être fallait-il rappeler à M. Lauzon que le professeur Tolkien avait approuvé les traductions de noms propres de Francis Ledoux,
Première nouvelle.
il n'y avait donc aucune nécessité de les retraduire (qui plus est de façon inesthétique), …
Ce refrain m’est familier.
Autrement plus choquant est le véritable diktat marketing imposé par Christian Bourgois à tout ce qui touche à Tolkien dans les ouvrages sur la trilogie de Jackson ou les encyclopédies sur le monde de Tolkien, en y imposant les traductions de noms propres par leur "Sacro-Saint-Lauzon".
Maintenant, tout y est : le « marketing »…
Ayant également été témoin du fait que M. Lauzon participait de façon scandaleuse à des dédicaces de cette édition, il paraît ainsi évident que l'entreprise ici est de s'approprier, ou oserais-je dire, de "prendre en otage" une œuvre dont il est bien loin d'être l'auteur...
Appelez Mulder et Scully : apparemment, j’ai un double qui se promène en France et qui dédicace mes ouvrages !
Voilà le genre de « critiques » que ma traduction inspire. Permets que je passe mon chemin sans y porter attention. J’ai bien entendu les critiques ponctuelles (sur « Grand’Peur », « onzante », « Coureur », « l’Arpenteur », les noms des chevaux en vieil anglais) et j’en ai pris bonne note. Des avis défavorables à l’ensemble de mon travail, je n’en ai pas encore trouvé, hormis ce que je viens de reproduire. Et je tourne le dos aux critiques diffamantes, auxquelles je n’accorde aucune valeur. Je suis bien placé pour savoir qu’il s’agit là d’un tissu de mensonges.
Dans un même ordre d’idées :
[Bourgois] a vu avec D. Lauzon un atout considérable et a préféré faire du neuf pour mieux vendre (et ceci n'est pas péjoratif, je suis dans les affaires, et je comprend complètement ce point de vue).
Ta rhétorique est un peu voyante. Mais tu peux le répéter cent fois, cela n’en fait pas une vérité. Vincent Ferré a longuement travaillé pour convaincre l’éditeur de faire réviser ou retraduire Le Seigneur des Anneaux. Il y a quelque chose d’agaçant à constater que, quoi qu’on fasse, il y en a toujours pour nous soupçonner de motivations bassement intéressées. Alors comme on dit, vaut mieux laisser pisser, sinon on n’éditerait plus rien.
Me citer avec des passages en gras pour déformer mes propos de manière à prouver tes dires, c’est un peu lourd aussi. Les gens savent lire. Ils n'ont pas besoin de ta grosse lorgnette.
Daniel aurait trouvé détestable de reprendre un seul mot de Ledoux, car il aurait assimilé cela à un travail improvisé, sans scrupule. Du vol. Il me semblait avoir lu sous sa plume qu'un "traducteur digne de ce nom" ne reprenait pas le travail d'un autre. (mais le message a peut-être été modifié depuis, cela ne laisse plus de traces...)
Mémoire défaillante ? Paranoïa aiguë ? Quelqu’un peut retrouver cette citation pour soulager ce doigt accusateur d’un besoin pressant ?
Ne pas se sentir autorisé à reprendre le travail d’un autre, c’est « trouver cela détestable » ? Je n’aurais pas trouvé « détestable » de poursuivre ma révision du Hobbit ou du Seigneur des Anneaux (que l’éditeur a finalement décidé de faire retraduire), ni de conserver les noms de Ledoux si on me l’avait demandé. Mais il est clair qu’être obligé de les conserver, en tout ou en partie, aurait limité la portée de ma réflexion (en plus de m’épargner bien des heures de travail). Voilà ni plus ni moins ce que j’ai dit.
Daniel se défend en expliquant que chacun de ses choix est forcément mieux que celui de son prédécesseur
Des exemples, s’il te plaît, citations à l’appui. J’ai très souvent expliqué mes choix, sans pour autant me comparer à mon prédécesseur. J’ai évoqué Rôdeur et la Forêt Noire les fois où l’on m’a demandé ce qui n’allait pas avec ces noms, ou pourquoi il a fallu changer des noms qui « allaient parfaitement ». Et les rares fois où j’ai critiqué Ledoux, je l’ai fait sans jugement de valeur, objectivement, en soulevant des points de traduction, et sans prétendre que ma solution était parfaite, ou même meilleure. Bien souvent, ce sont des choses qui ne se comparent pas (Sacquet <-> Bessac).
Je réfère le plus souvent à la VO, au Guide des Noms et à l’Appendice F. Et ce, afin d’expliquer ce qui a motivé tel choix de traduction, indépendamment du choix de Ledoux. Ce que tu ne sembles pas comprendre, c’est que deux traductions peuvent coexister sans que l’existence de la seconde ne soit une condamnation ou une négation de la première. Soit, il y a maintenant « deux univers parallèles ». Je peux comprendre que cela te perturbe. Je ne peux rien y faire. C’était ça, ou en rester à la première traduction. Dans mon esprit, le jeu en valait la chandelle, amplement. J’aurais dit la même chose si la traduction avait été confiée à un autre, alors s’il te plaît, haro sur les attaques ad hominem.
Ce que je constate surtout c'est que Daniel Lauzon ne tolère aucune remise en cause de son travail (si ce n'est sur des erreurs involontaires), et ne se remet jamais eu cause. Il n'a absolument aucun doute qu'il a fait ce qui était le mieux possible, et qu'aucun autre choix que les siens n'aurait pu être meilleur. Je ne vous connais pas dans le privé, mais c'est l'image publique que vous donnez (parce que votre job est de vendre votre travail peut-être ?)
Mon job ? Oui, ce doit être ça. Et chaque fois qu’un djeun dit « Bessac » au lieu de « Sacquet », Dominique Bourgois met une pièce d’or dans mon escarcelle.
Je suis désolé de n’avoir rien laissé de scandaleux sur mon passage, autre que Grand'Peur et une bonne poignée de coquilles. On n'a même pas encore pu me coller de contresens juteux. Il va falloir attendre encore pour me voir faire acte de contrition. Mais je sens qu’avec la discussion sur Brandevin, cela ne saurait tarder. Ne t’inquiète pas pour mon image publique. Elle se porte bien. C’est notre rapport sur ce forum qui est plutôt catastrophique. On se demande bien pourquoi.
Mon image publique souffre moins auprès de ceux qui s’intéressent à mon travail et qui prennent la peine d’entendre ce que j’ai à dire, et les éclaircissements que j’ai à apporter, plutôt que de me prêter des intentions toujours mauvaises, et de multiplier les insinuations à mon endroit, Vinyamar. Si tu n’étais pas un ami et un ancien du forum, il y a longtemps que le maître de céans t’aurait gentiment montré la porte pour cause de trollisme.
Au risque de me répéter… oui, je tolère mal que mon travail soit rejeté en bloc sans autre raison ou argument que « il fallait conserver les noms de Ledoux, beaux et par conséquents irréprochables, tout le reste étant à jeter aux ordures » (je paraphrase, corrige-moi si je fais erreur). Que mon travail soit remis en cause, oui. Qu’il soit remis en cause par quelqu’un qui ne m’a pas lu, eh bien non, je regrette.
Je me remets en cause quand on m’adresse des critiques raisonnées et argumentées. Je respecte aussi les jugements esthétiques des lecteurs, qui sont ma première préoccupation. Je n’ai jamais prétendu que mes noms étaient « meilleurs ». Pourquoi « Barbebois » serait-il meilleur que « Sylvebarbe » ? Pourquoi « Sacquet » serait-il meilleur que « Bessac » ? C’est un non sens. En fait, c’est toi qui nous prie de te croire sur parole : les noms de Ledoux sont meilleurs. Parce qu’ils sont beaux, et surtout, parce qu’ils étaient là avant. C’est bon, on a compris. As-tu d’autres « arguments » à faire valoir ? Celui-ci est arrivé à épuisement.
On me reproche ici ou là de me plaindre, et que les nouveaux noms valent bien les anciens, et que si Daniel Lauzon les a retraduit, c'est qu'il y avait une bonne raison linguistique. Non, il y a surtout une raison légale
Ne t’en déplaise, il y a toujours une bonne raison (linguistique). Au moins une ! Il y a aussi des raisons d’ordre esthétique (non, pas nécessairement par rapport à Ledoux), et de cohérence. J’ai développé une stratégie de traduction qui, je pense, a le mérite d’être cohérente et respectueuse des intentions de l’auteur, autant que faire se peut. Les quelques centaines de noms que j’ai dû traduire entrent dans des catégories particulières (selon l’origine du nom, notamment) qui appellent un traitement spécifique. Les directives de Tolkien sont assez claires, et il suffit d’appliquer ses recommandations en les généralisant à partir des principes de base établis dans le Guide des Noms et l’Appendice F, essentiellement.
Exemple : Saruman. Nom vieil anglais, traduction du quenya Curumo, du sindarin Curunír, signifiant « homme rusé ». On peut penser que Tolkien lui a donné cette forme vieille anglaise parce que ses voisins immédiats, au Rohan, sont représentés comme des locuteurs de cette langue. Quoi qu’il en soit, ce nom ne doit pas être modifié, si l’on respecte les prescriptions du Guide. Donc, Saruman.
Qu’a fait Ledoux ? Il l’a francisé. Il est probable qu’il trouvait ce man bien trop anglais. En effet, cela détonne. Il n’a pas la même réticence pour Snowbourn, ni pour Dunharrow, mais ces noms apparaissent bien moins souvent, et n’ont pas la même importance. On est dans la gestion au cas par cas.
Saroumane au lieu de Saruman, Mazarboul au lieu de Mazarbul. Mais pourquoi Nazgûl et pas Nazgoul ? Pourquoi Khazad-dûm et pas Khazad-doum ? Pourquoi Durïn, et pas Dourïn ? Mindolluin, et pas Mïndolluïn ? La liste est sans fin.
La réponse : une stratégie de traduction incohérente qui ne respecte pas les principes de base du Guide des Noms.
À la décharge de Ledoux, il avait pour mandat de présenter un livre inconnu à un lectorat que l'on croyait inexistant. Au 21e siècle, j'ai davantage de latitude pour opérer mes choix. D'où l'utilité d'une retraduction.
Conserver l’orthographe des noms en langue étrangère, bien évidemment, pose des difficultés de prononciation au lecteur français. Il est illusoire de penser que « Saruman » sera automatiquement compris comme un nom vieil anglais, qu’il faut prononcer /sarou-mane/. Mais Tolkien a fourni en appendice un guide de la prononciation des noms pour les lecteurs anglophones, qu’il s’agit d’adapter au lectorat français. (Sinon, quelle utilité ?) J’ai déjà fourni, de mon côté, une aide à la prononciation en frontispice de ma traduction du Hobbit, dérivée des guides de prononciation du Silmarillion et du Seigneur des Anneaux.
Voilà une approche bien plus raisonnable que le capharnaüm de Ledoux. Et voilà qui entraîne déjà bon nombre de changements. Je ne me suis pas arrêté en chemin. J’ai appliqué à la lettre un certain nombre de principes clairs. Or donc, si tu t’interroges sur un nom en particulier, tu risques fort de recevoir une réponse. Ce n’est pas « refuser de se mettre en cause ». C’est accepter de participer à un débat public sur un travail personnel. Exercice périlleux, il faut croire.
Si j'étais aussi intransigeant que tu le prétends, je pourrais dire, comme le faisaient naguère sur ce forum les doyens de facultés autoproclamées : « Silence, les gens, pas de questions impertinentes ; laissez-moi faire, et ne rouspétez pas, car moi, je sais, et vous, vous ne savez point. »
***
Les contraintes légales sont venues s’ajouter à ces données fondamentales. Et qui nous dit que les contraintes légales ont primé sur les autres considérations ? Vinyamar. Encore une fois, il faudrait te croire sur parole.
Ledoux n’a pas occupé tout l’espace de traduction concevable et imaginable ; il reste amplement de marge de manœuvre pour que l’on puisse retraduire ce texte sans se sentir étouffé par « l’ombre de Ledoux ».
Mais entrons dans le vif du sujet : c’est là que cela se joue. Tout le reste, ce sont des paroles en l’air.
le brandywine (dont brandy est une abréviation) est un « vin brûlé », donc un alcool distillé à partir de vin. Or justement, ce terme possède un équivalent français exact qui est brandevin, nom attesté depuis le XVIIe siècle,
J’ignorais que ce mot était attesté en français. Si je l’avais su, ou si quelqu’un (Elendil, par exemple !) m’avait signalé l’existence de ce terme avant la publication, j’aurais adopté Brandevin sans aucune hésitation. Dans le Guide des Noms, Tolkien propose Branntwein pour l’allemand et Brantwijn pour le néerlandais. La notice du TLFi confirme que le français brandevin est apparenté à ces deux termes. Ledoux a donc fait le bon choix. Ces noms apparaissent trop fréquemment pour être modifiés sans bouleverser la mise en page de l’édition actuelle, mais je vais m’informer pour voir s’il est possible de les faire modifier ultérieurement. Malheureusement, j'en doute, et je devrai supporter le poids de l'erreur sur ce coup.
Sans savoir que le terme était déjà attesté, j’ai envisagé la question (à tort) comme un choix de francisation : le Branntwein avancé par Tolkien suggérait une francisation en « Brandevin », et « Brandebouc » pour le patronyme, plus sourd et germanisant que « Brandibouc », et parfaitement français pour cette même raison. Ayant déjà choisi « castel » pour traduire Brandy Hall, j’ai suivi le filon méridional pour accoucher d’un « Brandibouc » qui me semblait d’ailleurs assez adapté aux prénoms colorés et distinctifs que portent les représentants de cette famille (voir les généalogies). « Brandibouc » est aussi plus proche de l’anglais.
Poursuivons avec la liste de Vinyamar. Il manque une chose à cette liste : la VO…
Chèvre-feuille --> Chèvrefeuille
Suis-je coupable d’avoir enlevé un trait d’union, ou d’avoir fait essentiellement le même choix que Ledoux ? Je ne sais plus. Un nom de famille non composé ne prend pas de trait d’union.
Demi-Elfe --> Semi-Elfe
Ledoux écrivait « Demi-Elfe » ? Sans avoir vérifié, je suis à peu près sûr du contraire. Peut-être écrivait-il les deux. Il n’était pas toujours cohérent, je ne t’apprends rien. Druss a déjà expliqué les raisons de mon choix.
Suderons --> Sudrons
Deux francisations assez directes de Southron, terme sans équivalent en français à ma connaissance. Ledoux a cru bon d’ajouter un e muet pour donner à ce mot une physionomie plus française, sans doute. Cet ajout risque surtout d’entraîner une prononciation défectueuse (/su-de-ron/ au lieu de /sud-ron/). Même remarque pour « Gamegie ».
Soucolline --> Souscolline
Underhill. C’est Gandalf qui semble donner cet alias à Frodo, mais le nom apparaît déjà à la fin du Hobbit où il semble être une sorte de lieu-dit : « M. Bilbo Bessac, de Cul-de-Sac, Souscolline, à Hobbiteville. » (Ledoux : « De Bag End, Sous La Colline, à Hobbitville ».)
Dans la toponymie du Comté, ce lieu-dit « Underhill » est à rapprocher du nom de localité « Overhill », situé juste au nord de la Colline de Cul-de-Sac.
J’ai donc proposé « Souscolline » et « Suscolline ». Enlever le s muet aurait gommé ce rapport et l’étymologie ; mais il y a effectivement risque de prononciation défectueuse dans le cas de « Suscolline ».
Tolkien : Underhill / Overhill
Ledoux : Sous La Colline, Soucolline / Par-delà-la-Colline
Lauzon : Souscolline, Suscolline.
Touque --> Touc
Tolkien : Took / Tuckborough
Ledoux : Took, Touque / Bourg-de-Touque
Lauzon : Touc / Tocquebourg
Cette orthographe préserve le rapport étymologique et la physionomie des noms, en plus de donner un nom très français pour « Tuckborough ».
Bolger --> Bolgeurre, Bophin --> Boffine
D’un point de vue interniste, noms hobbitiques anglicisés par Tolkien. Tous ces noms sont traités de la même manière (cela inclut Took) : francisation de l’orthographe pour éviter, dans la mesure du possible, une prononciation défectueuse.
Tolkien : /bof-fine/, /bol-djeur/
Ledoux : /bo-fin/, /bol-gé/
Lauzon : /bof-fine/, /bol-geur/
Béornides --> Béorniens
Tolkien : Beornings, Bardings
Ledoux : Béornides, Bardides
Lauzon : Béorniens, Bardiens
Ledoux choisit un suffixe patronymique issu du grec ancien pour traduire un suffixe vieil anglais. J’avais conservé le suffixe vieil anglais, mais on m’a conseillé d’employer un suffixe français, probablement à raison. « Bardides » ne me paraît pas particulièrement esthétique, mais on ne peut rien reprocher à Ledoux là-dessus : le suffixe choisi est tout à fait adapté.
Samsagace Gamegie --> Samsaget Gamgie
Ce nom intraduisible se décompose ainsi : vieil anglais sam « moitié » + wís « sage, sagace, futé ». Tolkien traduit cela par half-wit, « benêt ». On ne songerait pas à modifier le diminutif « Sam » pour trouver un nom qui rendrait cela correctement ; les deux traductions existantes conservent donc « Sam » ; Ledoux choisit « sagace », et Lauzon traduit littéralement wise par « sage » en ajoutant un suffixe diminutif pour la raison que je viens d’expliquer. Lequel est le meilleur ? Ce n'est pas écrit dans le manuel.
Piedardent --> Pied-de-Feu
Le nom anglais est Firefoot. Le « d » étymologique devant la voyelle « a » est pour le moins maladroit chez Ledoux.
Je traduis les noms des chevaux du Rohan en donnant un équivalent vieil anglais, comme l’a proposé Tolkien pour Shadowfax. En réponse à la remarque d’un lecteur de La Fraternité de l’Anneau, je donne aussi, dans Les Deux Tours, un équivalent français que j’insère dans les dialogues à la première mention du nom vieil anglais, ce qui permet de satisfaire à la fois les recommandations du Guide et les besoins du lecteur.
Seigneur Ténébreux --> Seigneur Sombre
Plusieurs raisons à ce choix, outre celles de faire différent, vendre des livres, et me glorifier.
La principale : Dark Lord, Dark Tower, Dark Power, que j’ai voulu rendre par une même épithète. Soit : Seigneur Sombre, Tour Sombre, Pouvoir Sombre.
Ensuite, Seigneur Ténébreux, quoi de plus naturel ? Quoi de plus français ? C’est long, grave, un poil pesant ; Dark Lord, c’est la nudité, le vide. Seigneur Sombre n’est certes pas un choix de traduction évident (i.e. naturel), mais je l’ai osé, pour plus de brièveté et de cohérence. J’ai hésité. Ce nom me frappe par son dépouillement (peut-être à cause de l’adjectif postposé), et cela me paraît convenir. (Jugement subjectif qui ne revient pas à dire que « je suis le meilleur ».)
Dans le poème des Anneaux, Ledoux emploie plutôt « Seigneur des Ténèbres ».
Tous les noms des poneys
Bâtir des vers réguliers et rimés n’est pas un exercice inutile. Je pouvais le faire, tout en traduisant fidèlement les noms des poneys. Mise en contexte (et comparaison avec Ledoux, puisqu’il le faut) :
Tolkien :
Hey! now! Come hoy now! Whither do you wander?
Up, down, near or far, here, there or yonder?
Sharp-ears, Wise-nose, Swish-tail and Bumpkin,
White-socks my little lad, and old Fatty Lumpkin!
Ledoux :
Ohé ! voyons ! Venez, voyons. Holà ! Où vaquez-vous ?
En haut, en bas, près ou loin, ici, là ou là-bas ?
Ouïe fine, Bon nez, Queue vive et Godichon,
Paturons blancs, mon petit gars, et toi, mon vieux Gros Balourd !
Lauzon :
Hé ! là ! Venez, ohé ! Où vaguez- vous, mes gars ?
En haut, en bas, par-ci, par-là ou par là-bas ?
Vive-oreille, Nez-fin, Queue-fouailleuse et Pécot,
Bas-blancs, mon tout petit, et le vieux Gros Nigaud !
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Encore une fois, merci beaucoup Daniel de prendre tout ce temps d'explication.
Si je l’avais su, ou si quelqu’un (Elendil, par exemple !) m’avait signalé l’existence de ce terme avant la publication, j’aurais adopté Brandevin sans aucune hésitation.
Tabernac' ! N'avais-tu donc pas lu les excellentes Promenades à travers la Comté ?
Ayant déjà choisi « castel » pour traduire Brandy Hall, j’ai suivi le filon méridional pour accoucher d’un « Brandibouc » qui me semblait d’ailleurs assez adapté aux prénoms colorés et distinctifs que portent les représentants de cette famille (voir les généalogies). « Brandibouc » est aussi plus proche de l’anglais.
Pas de panique. Que cette histoire de Brandivin ne te fasse pas perdre ton mojo ! Car au delà de l'argument méridional, les toponymes et patronymes à coloration celtique du Pays de Bouc adoptent sans aucun problème dans leur adaptation en français les préfixes brandi-, parfaitement attestés chez nos amis aux chapeaux ronds, notamment dans la paroisse de Plourin (finistère), où un seigneur Brandigné de Langonery vécut au XVème siècle.
I.
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Tabernac' ! N'avais-tu donc pas lu les excellentes Promenades à travers la Comté ?
Diantre ! Je ne sais plus. L'avais-je fait ou étais-je en train de le faire ? Brandevin signifie "vin brûlé", écrivais-tu. J'ai dû croire que tu faisais indirectement référence à l'anglais brandywine, à travers la traduction de Ledoux.
Cela m'a fait un choc de trouver cette notice en cliquant sur le lien, car vois-tu, le TLFi est ma Bible ; c'est comme si un vieil ami m'avait trahi en refusant de me révéler ses secrets.
Quant aux affinités avec les langues celtes, cela confirme la parenté que j'avais sentie entre Brandibouc et les Rorimac, Saradoc et autres Meriadoc.
Merci pour tes encouragements.
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Mon job ? Oui, ce doit être ça. Et chaque fois qu’un djeun dit « Bessac » au lieu de « Sacquet », Dominique Bourgois met une pièce d’or dans mon escarcelle.
Tu as bien de la chance.
Saroumane au lieu de Saruman, Mazarboul au lieu de Mazarbul. Mais pourquoi Nazgûl et pas Nazgoul ? Pourquoi Khazad-dûm et pas Khazad-doum ? Pourquoi Durïn, et pas Dourïn ? Mindolluin, et pas Mïndolluïn ? La liste est sans fin.
En fait, ç'aurait même pu être « Mïndollouin » si on systématise.
À la décharge de Ledoux, outre ce que tu mentionnes et qui est tout à fait vrai, on peut remarquer qu'il a globalement laissé inchangé tous les noms en khuzdul, en parler noir, en sindarin et en quenya. Ce ne sont que les noms germaniques qui sont occasionnellement modifiés. Pour autant, cela crée tout de même un certain nombre d'incohérences et je suis ravi que ta traduction y remédie très heureusement.
Demi-Elfe --> Semi-Elfe
Ledoux écrivait « Demi-Elfe » ? Sans avoir vérifié, je suis à peu près sûr du contraire. Peut-être écrivait-il les deux. Il n’était pas toujours cohérent, je ne t’apprends rien. Druss a déjà expliqué les raisons de mon choix.
Ça fait partie des choses que j'avais notées. Effectivement, l'ancienne traduction utilise plutôt Demi-Elfe(s) (5 occurrences, dont 1 pour Ledoux seul et 4 pour Jolas) et Semi-Homme(s) (59 occurrences, dont 58 pour Ledoux seul et 1 pour Jolas). Toutefois, on a aussi Semi-Elfe(s) (3 occurrences, toutes de Ledoux), mais pas « Demi-Homme(s) ». En fait, hormis la toute première occurrence (qui traduit Elrond the Halfelven), Ledoux utilise Semi-Elfe assez systématiquement. C'est plutôt un choix de Jolas d'avoir établi un distinguo.
Par conséquent, on peut dire que sur les termes fréquents et importants, la cohérence est heureusement préservée, tandis qu'elle est plus aléatoire pour les termes rares — ce qui n'est guère surprenant quand on songe aussi que Ledoux a bouclé sa traduction en un temps record, et l'a écrite à une époque où les outils de relecture étaient bien plus manuels qu'aujourd'hui. Il n'en reste pas moins heureux d'avoir rectifié ces incohérences mineures (même si pour ma part, j'aurais volontiers inversé l'argument demi-/semi-, mais chacun ses goûts étymologiques ).
Tolkien : Took / Tuckborough
Ledoux : Took, Touque / Bourg-de-Touque
Lauzon : Touc / TocquebourgCette orthographe préserve le rapport étymologique et la physionomie des noms, en plus de donner un nom très français pour « Tuckborough ».
De fait, j'apprécie particulièrement ce Tocquebourg, qui sonne vraiment juste parmi les toponymes de la (ou du) Comté.
E.
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Les choix de traduction, cela peut se discuter à l'infini et tu as du mérite de venir les discuter ici Daniel. Avant Tolkien, si je ne m'abuse, Ledoux a traduit des auteurs du XIXe siècle. Dans la littérature romantique et gothique du XIXe siècle, les "ténèbres" pour désigner le mal ou le diable était presque un lieu commun. Donc pour lui, traduire Dark Lord par Seigneur Ténébreux ou Seigneur des Ténèbres devait être tout naturel pour Ledoux. Même chose aussi pour la Forêt Noire (que je n'ai jamais associée dans mes lectures au gateau ou à la forêt allemande). Personnellement, j'ai une préférence pour Seigneur Ténébreux et Forêt Noire, plutôt que Seigneur Sombre (je n'associe pas l'adjectif sombre au mal ; être d'humeur sombre, c'est être mélancolique, ce qui pour moi ne convient pas à Sauron) ou à Grand'Peur, mais on parle ici de préférences subjectives et non de vérités.
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Mïndollouin, oui ! Ou Mïndollouïn, je ne sais plus.
Les noms en khuzdul reçoivent pourtant beaucoup de trémas, et que dire de "l'Ourouk-haï" (qui est un nom pluriel), d'Ouglouk ? Il n'y a guère que les noms elfiques auxquels il ne touche pas (je pense).
Pour ce qui est de Seigneur Ténébreux, c'est bien ce que je dis : c'est une traduction tout à fait naturelle. Mais les équivalences naturelles ont parfois leurs travers, comme celui de forcer le trait, ce qui est un peu le cas ici, à mon sentiment. C'est toute la difficulté du passage au français.
Dans le texte de Tolkien, l'association entre "dark" et "evil" est si forte qu'elle se transpose facilement à "sombre", malgré les connotations existantes en français. Discuter des noms hors contexte est d'ailleurs un exercice assez limité pour juger d'une traduction.
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On ne songerait pas à modifier le diminutif « Sam » pour trouver un nom qui rendrait cela correctement.
J'imagine les hordes furieuses le jour où Sam ne s'appellera plus Sam
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Samwise --> Jeanjugeotte ? Fredfuté ? Paulfinaud ?...
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Bonsoir à tous,
je découvre avec surprise les échanges de ce dernier mois 1/2. Merci à Druss, Isengar & Elendil, pour leur pédagogie ; et à Daniel Lauzon pour sa patience
j'ai d'abord été surpris de lire des messages aussi assertifs de la part de Vinyamar, alors même qu'ils contiennent de multiples inexactitudes factuelles, beaucoup, de portes ouvertes enfoncées, et une ingorance sur le sujet proportionnelle à la virulence exprimée.
puis les attaques contre "l'égo du traducteur", les spéculations ineptes contre le plan marketing supposé de Bourgois, la naiveté d'Elendil, ont achevé de me convaincre que, si je disais ici ma pensée, et apportais la réponse que méritent les attaques virulentes et complètement à côté de la plaque de vinyamar, je me mettrais moi aussi à tenir des propos insultants. et ce serait inutile.
car si Vinyamar avait envie de les lire, cela fait longtemps qu'il aurait compris les arguments patiemment développés ici par les uns et les autres, et qu'il ne se complairait pas dans des accusations risibles dont on peut lui laisser la responsabilité. aimer Ledoux n'autorise pas à diffamer un traducteur et une maison d'édition.
en résumé : continuons à nous tutoyer et à ne pas nourrir les trolls
(c'est bien sûr mon unique message que ce pénible échange)
vincent f.
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Tout est dit. Merci Vincent, je ne pouvais me résoudre à l’exprimer de manière aussi directe, mais c’est ce que je pense.
Je souhaite que ces attaques cessent.
Avant que cette discussion ne tourne au vinaigre, Vinyamar a voulu faire connaître son point de vue en s’appuyant sur des faits. Je n’ai pas pris le temps, il y a un mois, de répondre à ces messages de manière détaillée, mais il me paraît bon à ce stade de recentrer la discussion sur les faits, et de remettre les pendules à l’heure.
c'est [Tolkien] qui dans son guide des traductions avait demandé expressément que Frodo devienne en français Frodon.
Soit j'ai de mauvaises sources, et Ledoux a pris des initiatives fort puissantes, soit la nouvelle traduction a voulu s'harmoniser avec Bilbo le Hobbit, ce qui le fait déjà entrer sur un mauvais chemin !
Tolkien n’a fait aucune prescription de ce genre dans son Guide. Il est possible qu’il y ait eu un échange de lettres entre Ledoux et Tolkien ; en fait, c’est ce que rapportait Christian Bourgois en 2003. Force est de constater que Ledoux a effectivement pris « des initiatives fort puissantes », à moins qu’il n’ait pris la précaution de demander à Tolkien ce qu’il pensait de ce choix (Frodo -> Frodon) et que l’auteur ait donné son aval. À ce stade, c’est une hypothèse ; il est probable que nous n’en apprenions jamais davantage. Cette francisation n’avait rien de bien méchant, si ce n’est que Ledoux avait déjà signé une traduction du même auteur intitulée Bilbo le hobbit. À mon sens, cela seul aurait dû suffire à l’en dissuader.
Inutile de préciser que la nouvelle traduction du Seigneur des Anneaux n’a pas pour but de s’harmoniser avec Bilbo le hobbit, ce roman ayant déjà été retraduit en 2012 sous le titre Le Hobbit. Les deux nouvelles traductions sont harmonisées entre elles : une première en français, il était temps.
Concernant Frodon, ou même Fredon, je suis à peu près sûr que j'ai lu quelque chose où c'est Tolkien lui-même qui donne des consignes vernaculaires.
Tous ici seraient intéressés à connaître ce « quelque chose ». Si jamais le souvenir te revient.
Ledoux n'était pas seulement un bon traducteur, mais aussi un excellent connaisseur des origines de la langue
À en juger par sa traduction du Seigneur des Anneaux, Francis Ledoux était un homme d’une grande érudition. Sa connaissance de l’anglais était également excellente. Je crois qu’il connaissait beaucoup l’Angleterre, où il avait de la famille. Certaines erreurs qui surgissent sous sa plume sont d’autant plus étonnantes qu’il traduit sans broncher des passages redoutables chez Tolkien. Sa traduction est fascinante à cet égard, puisqu’elle est capable du meilleur comme du pire. Cela explique que les avis soient contrastés à son sujet.
Je suis content que ces questions intéressent les gens ici, car j’ai toujours été passionné par ce sujet, et c’est avec Ledoux et Tolkien qu’ont commencé mes réflexions sur la traduction, et c’est Ledoux, plus que tout autre traducteur peut-être plus méritant, qui le premier m’a fait découvrir cette discipline si étrange, exigeante, parfois ingrate, toujours captivante.
on trouve sur cet excellent forum […] une citation de Tolkien expliquant qu'il se moque pas mal au final qu'on traduise ou non les noms propres, sauf pour Gandalf.
Je serais très intéressé si tu pouvais me donner le lien. Très intéressé.
Car le plus important dans une traduction n'est pas de coller au texte à tout prix, mais davantage d'exprimer ce que l'auteur a voulu exprimer : le souffle, le lyrisme, la poésie (et quelle poésie peut se permettre de coller au texte), l'humour, la dramaturgie.
Dire que je suis 100 % d’accord avec une telle affirmation… serait un euphémisme.
Depuis la parution de La Fraternité de l’Anneau en 2014, et même du Hobbit en 2012, la question des noms propres a fait couler beaucoup d’encre, occupant tout l’espace critique, et occultant tous les autres aspects des nouvelles traductions. Quelques-uns ont eu des bons mots pour les poèmes et les chansons, certes. De manière assez surprenante, Ledoux ne s’est jamais intéressé à la poésie de Tolkien, sur laquelle on le sent passer bien trop rapidement. Justement, il colle au texte, sans le moindre égard aux sonorités, au rythme, à la poésie, en somme. Quoi qu’on puisse penser de mes essais dans ce domaine, c’est ici que ma traduction se distingue le plus, aux yeux des lecteurs, et cela n’a rien d’étonnant. Le sceptique peut se reporter à la chanson d’Aragorn sur Beren et Lúthien, ou aux vers de Bilbo sur Eärendil, pour voir ce que la nouvelle traduction peut apporter de ce point de vue.
Je serais par ailleurs étonné (mais pas fâché) que le lecteur lambda soit frappé par les qualités de la nouvelle traduction qui découlent d’aspects plus techniques : l’harmonie des phrases, le travail sur les dialogues... Ledoux, en bon traducteur, a ces même préoccupations ; mais il ne lui viendrait pas à l’idée d’intervertir deux adjectifs, ou les éléments d’une banale énumération, ou d’omettre tel mot vide (‘now’, ‘then’…) pour faire mieux respirer la phrase, en dégager l’élan fondamental. Sans généraliser, on peut dire que Ledoux est un traducteur « sourcier » et prudent.
Pour Tolkien, c’est une approche heureuse, mais qui a ses limites. On se dit que quelques assouplissements, ici et là, auraient mieux servi le texte. Aucun traducteur sensé ne saurait se réclamer entièrement d’une perspective « cibliste », en tout cas, pas moi. Mais je me considère, aujourd’hui, différent de lui à cet égard ; et je suis très étonné d’entendre les amoureux de Ledoux, parfois, me taxer de « mot-à-motisme », quand la stratégie ledoucienne repose souvent sur une stricte adhésion à la phrase anglaise, qu’il réalise en mettant à profit ses vastes ressources linguistiques. D’où, parfois, des tournures extrêmement littéraires où le texte aurait commandé une plus grande simplicité. Cette stratégie lui réussit pourtant fort bien dans les passages plus épiques. Or, les mille pages du Le Seigneur des Anneaux passent à travers tous les registres.
Il est des moments où l’on veut que la phrase anglaise se fonde dans le paysage français ; et il en est d’autres où l’on souhaite au contraire bousculer les conventions, car l’auteur ici s’affranchit, lui aussi dans sa langue, et surprend, transcende, crée de la beauté ou du sens. Le traducteur doit savoir quand briller et quand se faire discret, quand ajouter et quand gommer (toujours dans un souci d’équivalence), quand calquer et quand se libérer. C’est aussi cela, la différence entre les bons et les moins bons traducteurs.
C'est sur des aspects comme ceux-ci que j’aimerais, aussi, être jugé. C’est peut-être beaucoup demander ; mais Le Seigneur des Anneaux, on le voit, est une œuvre majeure qui soulève les passions et qui jouit d’une très grande visibilité ; en ce sens, je suis choyé, car je vois passer beaucoup de commentaires de lecteurs. J’attends le jour où on aura fait le tour de la question des noms, qui n’est pas sans intérêt, mais qui ne devrait pas occulter tout le reste. Cela viendra naturellement, une fois la surprise passée, et au fil des relectures.
"onzante et unième anniversaire " : là aussi, ce n'est pas que c'est mal, ça colle, mais le mot n'a quand même pas beaucoup de classe pour un tel événement. Lingwiel le proposait déjà en 2002 dans ce fuseau comme une idée de simplification. Faut-il simplifier Tolkien ?
Ce jugement tendancieux ne peut s’expliquer que par une méconnaissance de l’œuvre, et par la déformation que Ledoux, bien malgré lui, lui a fait subir. L’inconditionnel de Ledoux en vient à juger de l’œuvre par cette seule image déformée, au mépris de ce que Tolkien a écrit et a voulu dire.
Vinyamar nous dit que ça n’a « pas beaucoup de classe » ; dans le fuseau donné en lien, il y va d’un commentaire analogue : « onzante un sonne ridicule dans un roman d'une telle classe ». Entendre : la traduction de Ledoux recourait au latin pour traduire eleventy : ça, c’est classe. C’est érudit. Écrire simplement « onzante », l’équivalent exact de eleventy sur le plan morphologique, c’est décevant, parce que Ledoux, lui, avait trouvé « undécante ».
Faut-il préciser que eleventy est un terme plaisant, éminemment humoristique, pour ne pas dire ridicule, pour qualifier une fête d’anniversaire que le principal intéressé envisage à peu près dans les mêmes termes ? Nul besoin dans ce cas de se gargariser de latin à la première occasion. La question n’est pas « Faut-il simplifier Tolkien ? » mais « Faut-il alambiquer Tolkien ? » Ses œuvres sont assez denses, riches, et difficiles parfois, sans qu’il soit nécessaire d’enjoliver.
Mais à la réflexion, ce « undécante-un » paraît si ridiculement emprunté qu’il pourrait fort bien avoir été inventé par le cynique Bilbon Bessac de Besace !
Confidence : je déplore le manque d’euphonie des mots « son onzante » dans la première phrase du livre. Je serais même prêt à parier que c’est ce qui a poussé Ledoux à trouver une solution de rechange.
l'explication donnée à Tolkien sur Scadufax ne démontre qu'une seule chose : que grispoil n'était pas si mal au final, mais jamais qu'il fallait conserver un nom que même Tolkien n'a pas conservé.
Euh… ?
Reprenons du début : le nom Scadufax est celui que recommande Tolkien pour traduire Shadowfax, dans des langues non germaniques.
Esprit servant = spectre ? donc là on passe à du Harry Potter. Disparu la notion de servitude.
Encore faut-il que cette notion ait existé. Certes, elle existe dans les faits, mais n’est pas explicite dans le nom Ringwraith, nom original anglais, encore une fois commodément passé sous silence dans cette analyse. Ringwraith, qui signifie ni plus ni moins « Spectre de l’Anneau », que Ledoux choisit de traduire autrement. Jusqu’à preuve du contraire, on ne passe pas à du Harry Potter, mais à du Tolkien.
Arachné = Araigne : non là j'arrête, c'est n'importe quoi.
Là pour le coup, j’espérais quelque chose d’un peu plus fouillé…
Mais pour récapituler, il me semble que cette discussion démontre une chose : il n’est jamais bon de rester le nez collé sur une traduction, que l’on n’a pas lue depuis longtemps (semble-t-il), sans s’arrêter un moment pour regarder en arrière, vers l’original anglais, ou en avant. Pas si l’on aspire à une plus grande compréhension de l’œuvre.
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Excellent résumé des contraintes que subit toute traduction et des objectifs que vise un traducteur respectueux de l'œuvre, je trouve. Au-delà de nos (très rares) divergences, je souhaite te remercier pour ces échanges, Daniel. Ils doivent en effet te prendre un temps non négligeable. Je t'en suis d'autant plus reconnaissant que ces discussions m'auront finalement appris pas mal de choses au fil des pages et des recherches concomitantes qu'elles m'ont amené à effectuer.
E.
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Comme le mentionne Elendil, c'est par ricochet un très beau fuseau de par les explications fournies et, comme je le dis depuis le début, cette traduction est un concentré d'érudition de l'oeuvre Tolkienienne, et pas seulement.
A partir de maintenant, je modérerai, voire plus, tout propos que je jugerai polémique (car elle n'a pas lieu d'être).
Bien entendu, la discussion et les échanges ne sont pas fermés s'ils se concentrent sur le sujet qui nous intéresse au premier chef, l'oeuvre.
Cédric.
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Aroum ! (traduction personelle ;-)
Cher Vinyamar, tu auras eu le mérite de réveiller de vieux Ents endormis par tout ce raffut.
J'ai moi-même été déçu de ne pas lire cette nouvelle traduction avec la même joie et la même fascination que la première fois que j'ai lu le SdA et j'ai éprouvé quelque peu de la trahison à ne pas retrouver ces mêmes sentiments.
Mais là on sort complètement de la critique littéraire et ça mériterait un autre fuseau.
Cher Daniel, bravo pour ta patience et ton flegme qui force le respect :-)
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Daniel,
Un détail qui m'a frappé dans la Fraternité de l'Anneau et les Deux Tours : contre les wargs, à l'entrée des portes de la Moria ou lors du combat entre les cavaliers du Rohan et le commando orque, tu utilises le terme "anneau" (pour désigner un cercle de pierre, des ronds dans l'eau ou un cercle formé par les guerriers).
Je pense bien sûr que l'utilisation est volontaire, mais n'est-ce pas surtraduit ? Le français "anneau" ayant un sens plus restrictif que l'anglais "ring", faut-il vraiment voir une influence de l'unique à tous ces endroits ?
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Cédric et Elendil : merci, et il n'y a pas de quoi ; cela reste un plaisir. Quand je suis un peu malade, je traîne un peu par ici, faute de pouvoir me mettre en besogne !
Tar Palantir : je suis navré que tu n'aies pas tellement aimé. Les années ont passé, peut-être, et la nouvelle traduction arrive trop tard ? ;) Mais il reste encore un tome...
>Le français "anneau" ayant un sens plus restrictif que l'anglais "ring", faut-il vraiment voir une influence de l'unique à tous ces endroits ?
Tu veux dire, bien sûr, "ring" ayant un sens moins restrictif que "anneau", &c. Ce qui est tout à fait vrai. En fait, les premières fois, j'employais "cercle" ou "rond", mais un proche collaborateur, un comparatiste, tu vois, m'a assuré que je passais à côté de quelque chose. Alors je le dévisage, mi-surpris, mi-gouailleur ;-) et puis je me dis qu'à la réflexion je n'en sais rien, et puis pourquoi pas en fait ? Il y en a trop, je pense, pour que ce soit sans rapport. Tolkien les dissémine tout au long du récit, alors qu'il aurait très bien pu utiliser "circle" (sauf pour les ronds dans l'eau). Et je n'ai rien noté à mesure que je traduisais, malheureusement ; mais j'ai bien trouvé certaines occurrences où le lien semblait probable, ou du moins possible. Bien souvent, c'est dans les scènes plus sinistres que surgissent ces "anneaux" : l'étang devant la Porte de la Moria (ronds dans l'eau), les Coteaux des Tertres (cercles de pierre), la Croisée des Routes (cercle d'arbres)... Puisqu'il est impossible de prouver que le lien n'existe pas, j'ai joué de prudence, et j'ai suivi les recommandations (toujours avisées) de mon collègue. ;-)
La question mériterait d'être approfondie. Ce qui est certain, c'est que ces quelques "anneaux" ici et là ne m'empêcheront pas de dormir, même si comme tu dis, objectivement, ce n'est pas orthodoxe comme traduction.
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Houm! Nouvelle sur ce forum (quoique...mais cela remonterait à si longtemps!) je découvre la nouvelle traduction avec un grand plaisir et après une interruption de 15 ans et malgré 4 lectures, j'avais oublié tant de choses! Alors je relis Tolkien avec le même émerveillement que la 1ere fois!
Merci d'abord à Daniel Lauzon pour cet admirable travail que j'avais tant appelé de mes vœux par le passé . Car si à ma 1ere lecture je n'avais que 16 ans et j'entamais mes futures études linguistiques j'avais compris qu'il y avait quelques problèmes côté traduction; d'ailleurs après moult hésitations et n'en pouvant plus, je me suis rabattue sur ma vieille version "Pocket" millésime 1996 pour me repaître du Retour du Roi et là comment dire... après les deux premiers tomes très agréables déjà en raison du format broché, et de la nouvelle traduc si fluide... ça m'a fait un choc.
Outre les coquilles typographiques (au palmarès: Fredon, Elendal, Eomir...manque plus que Faramer), dès la première phrase - que la version Pocket a en plus choisi d'honorer sur la couv- on sent les tournures maladroites. "le rêve de rapide mouvement"....m'a toujours laissé une sensation inconfortable; ça sent vraiment la traduction littérale. Et que dire des "chevaux très petits"!!
Ledoux a fait ce qu'il a pu sans le Guide mais parfois ça ressemble quand même à de la négligence.
Alors encore merci pour cette traduction si fluide, si rafraichissante, et les vers qui riment...vive les chansons absurdes de Tom Bombadil! Les noms ont changé et on s'y fait assez vite en fin de compte. J'avoue m'être posé la question des reformulations systématiques en me demandant, moi aussi (j'avoue, hein) si ce n'était pas une fantaisie destinée à justifier que Nouvelle Traduction = on change tout. Mais entre temps j'ai appris que Tolkien avait rédigé un guide à destination des traducteurs et que Ledoux avait pris un certain nombre de libertés. Et que je suis si ignorante car (honte à moi), je n'ai jamais eu la bonne idée de lire le livre dans le texte alors que j'ai de nombreuses lectures en anglais à mon actif. Mais ce tord sera réparé prochainement
C'est l'Arpenteur qui m'a causé le plus de tracas car on perdait alors le côté familier, presque affectueux et sympathique de Grands-Pas. Mais à bien y réfléchir, et dites-moi si je me trompe, qu'y a t-il de bien affectueux et familier dans le terme strider? Rien; sans être traductrice de métier, je fais toujours de la traduc pour mon propre compte et j'en connais toute la difficulté.
Alors en conclusion, cette nouvelle traduction moi je l'adore, je l'ai savourée comme une gaufre au miel et je remettrai ça dès la sortie du tome 3
Tolkien les dissémine tout au long du récit, alors qu'il aurait très bien pu utiliser "circle" (sauf pour les ronds dans l'eau). Et je n'ai rien noté à mesure que je traduisais, malheureusement ; mais j'ai bien trouvé certaines occurrences où le lien semblait probable, ou du moins possible. Bien souvent, c'est dans les scènes plus sinistres que surgissent ces "anneaux" : l'étang devant la Porte de la Moria (ronds dans l'eau), les Coteaux des Tertres (cercles de pierre), la Croisée des Routes (cercle d'arbres)... Puisqu'il est impossible de prouver que le lien n'existe pas, j'ai joué de prudence, et j'ai suivi les recommandations (toujours avisées) de mon collègue. ;-)
C'est intéressant ça! Peut-être faudrait-il vérifier du coup s'il y a des occurrences avec circle et dans quel contexte on trouve ce mot? Enfin le travail étant terminé j'imagine que tu as autre chose à faire
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Merci pour ton message Fimbrethil et, surtout, (re)bienvenue à toi ;-)
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Merci pour ton message Fimbrethil et, surtout, (re)bienvenue à toi ;-)
C'est intéressant ça! Peut-être faudrait-il vérifier du coup s'il y a des occurrences avec circle et dans quel contexte on trouve ce mot ?
Petite recherche : 83 occurences dans le texte.
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Bonjour Cédric, et merci. 83 occurrences, hm, eh bien il n'y a plus qu'à
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