Les Trois Vieux

Par Necsipaal

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Mot de l’auteur :
Dans sa volonté première de donner une mythologie moderne à la Grande Bretagne, Tolkien a été un des précurseurs du genre que nous appelons fantasy, tentative de renouveau mythique dans notre monde contemporain, scientifique et prosaïque, où les anciens mythes eux-mêmes ont perdu leur valeur sacrée et signifiante.
Car c’est à une véritable explosion de l’imaginaire à laquelle les pays “régnants” ont pu assister au sein de leur population, que ce soit à travers l’engouement pour les jeux de rôle, les mangas, les comics, les jeux vidéos ; que ce soit aussi avec l’exploitation de la fantasy et de la science fiction au niveau littéraire, cinématographique et pictural, comme une réponse de masse face à l’absurde soulevé par le début du siècle dernier.
Et si la guerre fut l’élément qui incita Tolkien à plonger son écriture dans l’imaginaire, n’est-ce pas aussi le traumatisme de celle-ci qui poussa le monde dans l’exploitation d’une autre réalité et vers un certain dédoublement de la personnalité sociale… Peut-être que cet engouement retombera d’ici quelques décennies… Pourtant l’humanité a toujours évolué à travers les paradigmes de mythes fondateurs, et la société contemporaine cherche sans doute inconsciemment à créer les siens.

“Les trois vieux” fait partie d’un cycle de six contes se déroulant dans un monde pseudo-imaginaire, dans le sens qu’il ne se veut pas en rupture avec le monde réel, mais plutôt son reflet dans quelque miroir imaginé par l’auteur. Ce monde ne saurait se cristalliser dans le carcan d’une culture ou d’une époque donnée, c’est pourquoi il se doit d’être légèrement différent, hors du temps et de l’espace, même si les histoires qui s’y déroulent sont celles d’hommes lambdas avec leur lot de souffrance, de trahison, de mesquinerie, de lâcheté, de mensonge, d’agression, de violence et toutes ces “faiblesses” si résolument anti-héroïques, qui font pourtant en mon sens toute la beauté et le devenir de l’humanité, et qui font basculer ces hommes anonymes et forcément absurdes dans le scelus nefas, dans le tragique, l’inhumain et le condamnable par la société dans laquelle ils évoluent.
Ce premier cycle de nouvelles (ou de contes), dont ce récit est le centre chronologique, se déroule à Epsilon, la ville mythique, opulente et sophistiquée, dont le fantastique et le merveilleux sont devenus l’essence de la culture. Ces chroniques d’Epsilon se veulent donc une réflexion sur le devenir de nos sociétés si elles basculaient totalement dans la fascination pour le merveilleux, pour la télé réalité créatrice de héros contractuels, en parallèle avec leurs avancées technologiques. “Les trois vieux” quant à eux, sont les pionniers désabusés de cette ville quasi-fantastique, qui se nourrit de ses propres songes. Ils sont les dernières lueurs d’une pensée critique, qui les empêche de se résigner. Pourtant, malgré le combat idéologique et réactionnaire de ces vieux savants fous et lucides qui tentent de tromper la mort, le passé et les souvenirs de leurs histoires personnelles sont toujours tapis dans quelques avens de leur mémoire et, guettant comme les ombres de la grande faucheuse, ils entendent bien reprendre leurs droits.

 

Notre avis : 
(Stéphanie) Prière de vous accrocher ; ça n’a l’air de rien, au début, rien de compliqué, pas de noms étranges, juste Pierre Paul et Jean… Sauf que tout le reste l’est, et il suffit d’une silhouette tassée contre un rocher, d’une fille jouant dans la mer, pour que ce monde nous attire à soi, nous autres étrangers qui ne venons là qu’attirés par… quoi, au juste ? Trois vieux discutant sur un banc, dans un crépuscule inconnu ? Où est-ce ? Quand ? Le sauront-nous ? Quels sont ces points d’accroche abordés l’air de rien, qui donne consistance, sans nous offrir de réponse ? … sans doute faudra-t-il attendre le bon vouloir de l’auteur pour faire une deuxième balade dans ce monde-ci, ou, pourquoi pas, dans une réalité autre encore…

(Sylvie) J’ai un faible pour les écrits de Necs… Ils sont à son image : amers, caustiques, apparemment sombres et pessimistes, volontairement provocants…
Mais si vous creusez un peu, vous trouvez une tendresse soigneusement celée, une sensibilité écorchée, une poésie troublante…
Lisez, vous verrez !