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Corporation street sur une carte du centre de Birmingham en 1905.
A l’école King Edward, Ronald évoluait au milieu d’un groupe d’amis de plus en plus soudé. Au sein de la « Maison Measures », les activités scolaires de la matinée et les pratiques sportives de l’après-midi s’enrichirent de sa participation, à partir du mois d’octobre 1909, à une société de débats (debating society) des élèves les plus âgés de l’école.
Son ami Christopher Wiseman participait avec lui aux réunions de discussions, qui avaient généralement lieu le vendredi soir. D’autres camarades proches, Robert Q. Gilson, le fils du professeur principal, et Vincent Trought, étaient également membres de cette société, dont Ronald devint le secrétaire dès 1910.
Au fait d’une popularité bâtie sur ses exploits au rugby et son talent d’orateur, Ronald accéda au printemps 1911, au poste de bibliothécaire de l’école King Edward. Très naturellement, il recruta parmi ses proches, Wiseman, Gilson et Trought, les sous-bibliothécaires qui devaient le seconder dans cette mission.
A la veille de l’été, la bonne tenue de la bibliothèque se relâcha et une des préoccupations principales des quatre étudiants fut d’organiser des dégustations de thés et de denrées, dans une ambiance remuante, en dépit du règlement strict de ce lieu d’études. Ces réunions informelles et agitées, qui attirèrent d’autres convives à l’approche des vacances, furent désignées sous le nom de Tea Club.
Plan du 1er étage de l’école King Edward à la fin du XIXème siècle (l’orientation nord-sud est inversée).
La bibliothèque, éclairée par de grandes verrières néo-gothiques, se trouvait au 1er étage, dominant New Street.
Le bureau du secrétariat de la bibliothèque, idéalement situé (cercle rouge) devait notamment servir aux réunions du Tea Club.
Au début du XXème siècle, l’espace dédié à la bibliothèque fut considérablement réduit, et des cloisons furent installées pour crées des salles de classes.
Il est difficile de dire si Tolkien a pu connaître ces aménagements durant son séjour à King Edward.
L’attrait du Tea Club et sa fréquentation en hausse incitèrent Ronald et ses camarades à trouver un autre lieu pour leurs agapes.
A la faveur de la fin des classes, ils choisirent le salon de thé des magasins Barrow, situés à l’angle de Corporation street et de Bull street, à quelques minutes à pieds de l’école.
Une vue aérienne du centre de Birmingham dans les années 30.
L’école King Edward est indiquée par la flèche en bas de la photographie, les magasins Barrow, dont on ne voit que la toiture, sont indiqués par la seconde flèche.
Le salon de thé offrait l’avantage de posséder quelques tables compartimentées qui permettaient aux étudiants de s’isoler. Le Tea Club, définitivement marqué par ce nouveau lieu, choisit avec humour de se renommer Barrovian Society (société barrovienne, d’après le nom des magasins Barrow’s)
Autour d’un « noyau » (Ronald Tolkien, Christopher Wiseman, Robert Gilson et Vincent Trought), gravitaient Thomas « Tea Cake » Barnsley, Sidney Barrowclough, les deux frères Ralph et Wilfrid Payton, et bientôt, le jeune Geoffrey B. Smith, très apprécié de Ronald, Wiseman et Gilson.
Très vite, cette coterie d’Edwardiens s’affubla d’un acronyme volontairement hermétique et connu alors des seuls initiés : TCBS (pour “Tea Club-Barrovian society”).
Les magasins Barrow sur Corporation street (carte postale vers 1910 à gauche), et l’intérieur du salon de thé (dont on distingue les compartiments prisés par les Edwardiens).
A l’approche de l’automne 1911, le TCBS connut un tournant.
Tandis que Tolkien et Wiseman s’apprêtaient à faire leurs adieux à King Edward, la santé de Vincent Trought déclina, et il fut envoyé en convalescence en Cornouailles. Le 20 janvier 1912, alors que Ronald venait à peine de fêter ses 20 ans et faisait ses premiers pas d’étudiant à Oxford, Vincent succomba à sa maladie.
Ce drame toucha durement Ronald mais ne mit pas fin au TCBS. Les membres perpétuèrent en effet la fréquentation des magasins Barrows et du petit bureau de la bilbiothèque (pour ceux qui étaient toujours à King Edward), et poursuivirent une correspondance régulière (pour les expatriés de Cambridge et d’Oxford).
Petit à petit, le « noyau » reprit sa forme originelle à quatre membres, incluant définitivement Geoffrey en remplacement de Vincent, et s’orienta vers des aspirations plus littéraires et poétiques.
La carte principale est un extrait de la feuille Warwickshire n°XIV-5, révisée en 1902, publiée par l’Ordnance Survey en 1905.
Jean-Rodolphe Turlin,
le 16 mars 2019.
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